II. UNE MISSION COMPRENANT DES PROGRAMMES HÉTÉROGÈNES AUX MOYENS DISPARATES

La mission comprend cinq programmes et contribue à des politiques publiques particulièrement hétérogènes. Il s'agit par ordre décroissant d'importance budgétaire des programmes 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt (« 3,17 milliards d'euros en autorisation d'engagement contre 2,1 milliards en 2022 »), 206 « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation (1,03 milliard contre 657 millions d'euros en LFI 2023 en AE), 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » (717 millions d'euros contre 689 millions d'euros en 2023) ainsi que deux programmes plus récents, à savoir les programmes 382 « Soutien aux associations de protection animale et aux refuges » doté, comme l'an passé, d'un million d'euros et 381 « Allégements du cout du travail en agriculture » (423 millions d'euros en PLF 2024 contre 427 millions d'euros l'année précédente) pour un total de 5,3 milliards d'euros en AE.

A. LE PROGRAMME 149 « COMPÉTITIVITÉ ET DURABILITÉ DE L'AGRICULTURE, DE L'AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT » FORTEMENT REVALORISÉ

Ce programme rassemble les dotations visant à soutenir les filières agricoles et forestières, notamment par la transformation des modèles de production, l'amélioration de la performance économique et environnementale de l'agriculture, le soutien aux revenus des producteurs et une répartition plus équilibrée entre les différents maillons des filières. Ces objectifs doivent contribuer à la souveraineté alimentaire et venir en soutien à l'économie.

Il intervient dans le financement des aides nationales ou européennes en faveur des exploitations agricoles et des opérateurs des filières agroalimentaires, forestières et halieutiques.

La plupart de ces aides relèvent du second pilier de la politique agricole commune (PAC) à travers le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (ou FEADER), telles que l'appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations, le soutien aux investissements du Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), la dotation aux jeunes agriculteurs), le soutien au secteur de l'élevage dans les zones soumises à des contraintes naturelles principalement via les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN7(*)), les mesures en faveur de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement et de la biodiversité (Mesures agro-économiques et climatiques, ou MAEC, et soutien à l'agriculture biologique) ainsi que les mesures contre la prédation.

Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC)

Les mesures agroenvironnementales et climatiques permettent d'accompagner les exploitations agricoles qui s'engagent dans le développement de pratiques combinant performance économique et performance environnementale, ou dans le maintien de telles pratiques lorsqu'elles sont menacées de disparition.

Initialement instaurées dans le cadre de la PAC 2014-2020, elles prennent la forme d'aides ou d'indemnités compensatoires et contribuent à la préservation de la qualité de l'eau, de la biodiversité, des sols ou à la lutte contre le changement climatique. Les paramètres initiaux des MAEC (montant et forme du soutien en fonction du type d'activités) ont été définis en mai 2014 par le Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO). Ces enjeux locaux sont donc très variables d'un territoire à un autre : dans les outre-mer par exemple, les MAEC sont principalement sectorielles (banane, canne, vergers, etc.)8(*).

Outre le fait qu'elles répondent à des enjeux localisés, les MAEC peuvent aussi s'inscrire dans une logique de système (système herbivore, etc.) ou contribuer à la préservation des ressources génétiques : sont prévus dans ce cadre des financements pour les races animales et végétales menacées ainsi que pour l'apiculture.

En 2022, les MAEC et les aides à l'agriculture biologique ont représenté en tout 418 millions d'euros, pour 64 500 dossiers traités.

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2023, la gouvernance des aides a été repensée : l'État est désormais l'autorité de gestion des aides surfaciques (MAEC, aides à l'agriculture biologique, etc.) tandis que les régions sont en charge de la gestion des aides non surfaciques, par exemple l'attribution des aides à l'installation versées dans le cadre du FEADER. 

Le périmètre des MAEC devra probablement être ajusté dès lors que le plan stratégique national (PSN) français entrera en vigueur. À l'initiative de la commission européenne, chacun des États-membres de l'Union Européenne doit définir un plan stratégique national (PSN), qui constitue la feuille de route agricole des États européens. Le projet de PSN français a été approuvé par la commission mais la phase de consultation avec les acteurs nationaux se poursuit, alors même que la définition d'une stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), prévue par la loi du 22 août 2021, dite loi « Climat et résilience »9(*), aurait dû intervenir au plus tard le 1er juillet 2023.

Source : Site Internet du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire10(*)

Le programme 149 contribue à la souveraineté alimentaire française et au développement de l'emploi et de l'activité économique dans les territoires. Il retrace principalement les cofinancements nationaux des mesures du deuxième pilier de la Politique agricole commune (PAC) dans le cadre de huit actions : adaptation des filières à l'évolution des marchés (action 21), gestion des crises et des aléas de la production agricole (action 22), appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles (action 23), gestion équilibrée et durable des territoires (action 24), protection sociale (action 25), gestion durable de la forêt et développement de la filière bois (action 26), moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions (action 27), ainsi que la nouvelle action 29 consacrée à la planification écologique qui mobilisera 1,03 milliard d'euros et qui explique, presque à elle seule, les deux-tiers de la hausse des crédits du programme.

Au sein de ce programme, outre cette nouvelle action, quatre sous-actions ou opérateurs connaissent en 2024 une évolution sensible de leurs crédits : le fonds avenir bio, l'intervention en faveur des filières ultra marines, le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) ainsi que les exonérations de charges sociales pour les travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TO-DE).

Le Fonds Avenir Bio, mis en place dans le cadre du programme Ambition Bio 2017, vise à soutenir des projets de développement et de consolidation des filières biologiques. Il accompagne financièrement les opérateurs économiques ayant des projets collectifs impliquant l'amont et l'aval des filières. Une nouvelle augmentation des moyens est prévue à partir de 2024 (+ 5 millions d'euros par an), ce qui permettra de porter son enveloppe annuelle à hauteur de 18 millions d'euros contre 13 millions d'euros en 2023 (8 millions d'euros initialement, majorés de 5 millions d'euros ces deux dernières années), afin de soutenir l'effort de structuration des filières biologiques dans un secteur particulièrement frappé par la situation inflationniste.

La sous-action « Intervention en faveur des filières ultra-marines » comprend les crédits du Comité interministériel des Outre-Mer (CIOM), certains crédits de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM) ainsi que les crédits du plan urgence Guyane. Jusqu'en 2023, les crédits du CIOM s'élevaient à 45 millions d'euros par an conformément aux engagements pris par le Président de la République en octobre 2019.

Le Comité interministériel des outre-mer (CIOM)

Lancé par Nicolas SARKOZY, puis redynamisé par Édouard PHILIPPE, le comité interministériel des outre-mer (CIOM) a pour objectif de fluidifier l'action publique dans les outre-mer et d'assurer le suivi des mesures figurant dans le livre bleu des outre-mer. Plusieurs des actions suivies dans le cadre du CIOM sont donc portées budgétairement par la mission AAFAR.

Ces crédits financent différentes mesures et filières : le régime spécifique d'approvisionnement, les actions en faveur des productions animales (primes animales, importation d'animaux vivants, structuration de l'élevage), les productions végétales de diversification, la filière canne-sucre-rhum, la filière banane, mais aussi la protection de la forêt amazonienne.

Lors du CIOM qui s'est tenu au mois de juillet 2023, la Première ministre a annoncé un soutien renforcé pour atteindre les objectifs des plans de souveraineté alimentaire élaborés par les territoires ultramarins à hauteur de 15 millions d'euros supplémentaires dès 2024, pour atteindre un montant total de crédits du complément national CIOM de 60 millions d'euros. Le CIOM du mois de juillet a également été l'occasion pour le Gouvernement de procéder à plusieurs annonces spécifiques aux outre-mer comme le classement de la canne à sucre parmi les « cultures mineures » concernant l'encadrement des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytosanitaires, afin de faciliter les demandes d'extension d'usage de la canne à sucre, par exemple à des produits phytosanitaires.

Source : Site Internet du Ministère de l'Intérieur et des Outre-Mer11(*)

Sera également ré-abondé, en 2024, le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Créé en 2010, ce fonds a pris le relai du régime de garantie contre les calamités agricoles qui existait depuis 1964. Il est en effet prévu une enveloppe de 275,5 millions d'euros pour le FNGRA. Aux crédits alloués à ce fonds s'ajoutent le produit, qui lui est dévolu, de la taxe additionnelle sur les contrats d'assurance agricole, dont le produit augmente à la suite d'une revalorisation du taux appliqué et d'une augmentation progressive du taux de couverture (120 millions d'euros), ainsi que l'enveloppe de FEADER dévolue aux subventions à l'assurance récolte (184,5 millions d'euros en moyenne par an pour la programmation 2023 à 2027).

Les 20 millions d'euros supplémentaires inscrits au PLF pour 2024 correspondent aux arbitrages arrêtés lors de la réforme de l'assurance récolte, qui prévoit une montée en puissance progressive des financements de l'État.

Cet effort budgétaire résulte de la réforme de l'assurance récolte en 202212(*). Depuis lors, le système assurantiel du secteur agricole repose sur un partage rééquilibré du risque entre l'État, les agriculteurs et les assureurs afin d'accompagner davantage le secteur qui subit la multiplication des aléas (épisodes climatiques d'ampleur, crises sanitaires, incendies, dégradations commises par des tiers, vol de matériel agricole, impact de la situation internationale sur les cours de matière première, etc.) et alors que les acteurs sont parfois contraints de renoncer à ce type d'assurance pour des motifs économiques. L'année 2024 constituera la deuxième année d'application de la réforme qui devrait à terme aboutir à une couverture des risques à « trois étages » :

- une absorption des risques de faible intensité à l'échelle individuelle de l'exploitation agricole ;

- une mutualisation entre les territoires et les filières concernant les risques d'intensité moyenne ;

- une indemnisation directe de l'État contre les risques dits « catastrophiques ».

Les exonérations de charges sociales pour les travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TO-DE) font également l'objet d'un effort budgétaire : sont sollicités 155 millions d'euros en PLF pour 2024, contre 134 millions d'euros en LFI pour 2023 au sein du programme 149, auxquels s'ajoutent 423 millions d'euros inscrits au programme 381.

Alors qu'entre 2019 et 2022, le dispositif était financé par une fraction de la TVA et par crédits budgétaires du ministère chargé de l'agriculture, il est depuis financé intégralement, comme avant 2019, sur crédits budgétaires du ministère chargé de l'agriculture. Ainsi, la part des exonérations correspondant aux allégements généraux n'est plus compensée par une fraction de TVA mais par les crédits ouverts sur le programme budgétaire 381 créé à cette fin (cf. infra). Le surplus d'exonération lié au maintien d'un plateau d'exonération totale à 1,2 SMIC par rapport aux allègements généraux, reste compensé sur les crédits du programme budgétaire 149. Les estimations ont été réalisées en tenant compte des prévisions d'évolution du SMIC, en raison de la forte élasticité des rémunérations des travailleurs saisonniers à ce salaire minimum, ce qui en fait le principal facteur d'évolution du coût du dispositif TO-DE13(*).


* 7 L'ICHN est une aide en faveur des agriculteurs exerçant leur activité dans des zones défavorisées par l'altitude, de fortes pentes ou d'autres caractéristiques physiques pénalisantes du territoire.

* 8 Le Préfet de Région a compétence pour publier, par voie d'arrêté, les MAEC ouvertes sur le territoire de la Région concernée : voir pour exemple l'arrêté du 5 octobre 2023 du Préfet de la région Guadeloupe.

* 9 Article 265 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 10  https://agriculture.gouv.fr/maec-les-nouvelles-mesures-agro-environnementales-et-climatiques-de-la-pac.

* 11 Consulté le samedi 4 novembre 2023.

* 12 Loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

* 13 À cet effet, les rapporteurs spéciaux suivent avec intérêt une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, visant à modifier le régime d'exemption de cotisations dont bénéficient certains travailleurs agricoles dans les outre-mer.

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