B. QUELLE RÉFORME POUR LA POLITIQUE D'INCLUSION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP ?

1. Le système scolaire accueille annuellement 25 000 élèves en situation de handicap supplémentaires

Depuis la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, qui garantit à tous le droit à une scolarisation en milieu ordinaire, dès lors qu'elle est possible, le nombre d'élèves en situation de handicap concernés a cru de manière continue.

Évolution de la scolarisation des élèves en situation de handicap depuis 10 ans

(en milliers)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Depuis 2006, le nombre d'élèves en situation de handicap (ESH) scolarisés en milieu ordinaire (écoles et établissements publics et privés) a quadruplé, passant de 118 000 à 478 000 élèves à la rentrée 2023. Entre 2022 et 2023, les effectifs ont crû de 9,6 %.

À l'échelle des 10 dernières années, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 136 000 dans le premier degré et 89 000 dans le second degré à respectivement 223 000 et 214 000, soit une hausse de 86 % des effectifs dans le primaire et près de 140 % dans le secondaire. En moyenne, au cours des cinq dernières années, 10 000 élèves en situation de handicap de plus sont scolarisés chaque année dans le premier degré. Dans le second degré, le nombre d'élèves croît de 8 % en moyenne par an, ce qui correspond annuellement à 15 000 élèves supplémentaires.

Pour les seuls élèves scolarisés en unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), qui représentent tout de même un quart des élèves en situation de handicap, 120 139 sont scolarisés à la rentrée 2023, contre 110 842 élèves en 2022. Les ULIS accueillent dans les établissements les élèves qui, en plus des aménagements et adaptations pédagogiques et des mesures de compensation mis en oeuvre par les équipes éducatives, nécessitent un enseignement adapté.

En conséquence, le nombre d'ULIS continue également de croître. À la rentrée 2023, 80 ULIS sont créés dans le premier degré et 224 dans le second degré. Il existe donc actuellement près de 10 500 ULIS, et le Gouvernement met en avant l'ambition d'une ULIS par collège d'ici 2027.

Évolution du nombre de dispositifs ULIS de 2017 à 2023

 

Rentrée 2017

Rentrée 2018

Rentrée 2019

Rentrée 2020

Rentrée 2021

Rentrée 2022

Rentrée 2023 (prévisions)

Évolution 2017-2023

Valeur

En %

1er degré

4 848

4 919

5 021

5 097

5 202

5 227

5 307

459

+ 9,5 %

2nd degré

3 781

3 983

4 218

4 495

4 767

4 937

5 161

1 380

+ 36,5 %

Total

8 629

8 902

9 239

9 592

9 969

10 164

10 468

1 839

21,3 %

Source : DGESCO/DEPP

En outre, de nombreux enfants présentant un trouble du comportement sont actuellement scolarisés en milieu ordinaire, sans d'ailleurs toujours bénéficier d'une reconnaissance de handicap. Les enseignants sont souvent démunis pour enseigner dans ces situations délicates. Le rapporteur spécial s'étonne d'ailleurs que le ministère ne dispose pas de données sur ce point précis, et ce d'autant plus que les inspecteurs d'académie sont très souvent saisis de cas de burn-out d'enseignants ou d'AESH en souffrance du fait de l'inclusion particulièrement difficile, pour ne pas dire ingérable, de certains enfants parfois violents, agressifs et incapables de maîtriser leurs pulsions.

2. Un budget de 4,5 milliards d'euros consacré à l'école inclusive, en hausse d'un quart en seulement deux ans

Hors augmentation de la rémunération des enseignants, les crédits consacrés à « l'école inclusive », c'est-à-dire la scolarisation des élèves en situation de handicap, sont le premier facteur de hausse des dépenses de la mission « Enseignement scolaire » au cours des dernières années.

En 2024, 4,466 millions d'euros devraient être consacrés à l'école inclusive. La quasi-intégralité de cette somme finance des personnels spécialisés, enseignants ou AESH. En PLF 2023, la participation du ministère en faveur du handicap s'élevait à plus de 3,8 milliards d'euros, et 3,6 milliards d'euros en 2022.

Cette dynamique correspond à une hausse d'un quart des moyens totaux en deux ans seulement.

Ventilation des dépenses liées à l'école inclusive en PLF 2024

(en millions d'euros)

Type de dépense

Dispositif

Montant

Accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH)

AESH T2

2 382,71

AESH HT2

536,23

TOTAL

2 918,94

Enseignants spécialisés

ULIS école

362,76

ULIS lycée / collège

340,04

Enseignants référents

150,29

Autres postes MEN

183,66

Établissements et services médico-sociaux (ESMSS)

326,79

Établissements de santé

61,54

Unités d'enseignement externalisées

91,24

TOTAL

1 516,32

Autres dispositifs

Matériels adaptés et accompagnement spécialisé

25

Formation des AESH

4,23

Déplacement des AESH

1,57

TOTAL

30,79

TOTAL

4 466,05

Source : commission des finances

3. Un renforcement continu des moyens humains qui ne peut qu'interroger
a) Un nombre d'AESH qui a été multiplié par cinq depuis 2015

Les moyens humains consacrés à l'école inclusive ont été fortement renforcés, essentiellement au travers du recrutement de nombreux AESH dont le statut a été créé en 2014. Les AESH interviennent désormais auprès de l'ensemble des élèves bénéficiant d'une prescription d'aide humaine, notamment dans le cadre des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

L'effectif total d'AESH s'élève à 123 874 personnes, dont 56 965 rémunérées sur le titre 2 de l'État et 66 909 hors titre 2. Cela correspond à près de 83 000 ETPT. 4 000 ETP supplémentaires ont été créés à la rentrée 2021, autant en 2022 et autant devraient l'être en 2023. Depuis 2017, le nombre d'AESH a augmenté de 55 %.

Évolution du nombre d'AESH depuis 2015

(en ETP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les AESH sont des emplois très féminisés et souvent exercés à temps partiel. Il était donc indispensable de mettre en place une politique de dé-précarisation et de professionnalisation des AESH, notamment au travers de la généralisation du recrutement de ces personnels en contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois, avant signature d'un contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 3 ans d'ancienneté. La totalité des AESH sera gérée sur le titre 2 d'ici 2025. Plus de 25 000 ETP d'AESH seront ainsi basculés du HT2 vers le T2 dès 2023, soit 8 565 ETPT.

Évolution du nombre d'AESH entre 2022 et 2023

(en ETPT)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Sur les deux années 2021 et 2022, sans compter les hausses du point de la fonction publique, 56 millions d'euros ont été mobilisés par le ministère pour améliorer la rémunération des AESH. La revalorisation des AESH avec une grille indiciaire permettant une progression automatique tous les trois ans représentait ainsi 20,7 millions d'euros en 2021 et 24 millions d'euros en 2022.

La création d'un quasi statut a ainsi procuré une hausse moyenne de rémunération de 612 euros bruts par an et par ETP. À cette revalorisation s'ajoutent 180 euros bruts par an et par agent au titre du remboursement des cotisations de protection sociale complémentaire. En 2023, l'indemnité de sujétions d'exercice en éducation prioritaire sera également étendue aux AESH.

En parallèle de la hausse du nombre d'AESH, le nombre d'enseignants spécialisés pour la scolarisation d'élèves en situation de handicap a aussi largement augmenté.

Évolution du nombre de postes d'enseignants spécialisés
dans le domaine du handicap depuis 2017

(en ETP)

 

rentrée 2017

rentrée 2018

rentrée 2019

rentrée 2020

rentrée 2021

Postes spécialisés dans le domaine du handicap au sein du MEN

11 975

12 460

13 079

13 547

14 263

Postes spécialisés dans le domaine du handicap hors MEN

6 806

6 961

7 148

7 219

7 499

Total postes spécialisés dans le domaine du handicap

18 781

19 421

20 226

20 766

21 762

Source : ministère de l'Éducation nationale

b) Une soutenabilité à long terme qui nécessite de revoir l'organisation du système en concertation avec le secteur médico-social

La particularité de la gestion de la scolarisation des élèves en situation de handicap est que l'Éducation nationale, en administration centrale comme dans les rectorats, n'a pas de visibilité sur les effectifs, dans la mesure où le nombre d'élèves scolarisés dépend de l'évolution des notifications effectuées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Le processus de notification

Les parents de l'enfant en situation de handicap font une demande
d'accompagnement auprès de la MDPH. La famille peut également être informée par le chef d'établissement ou le directeur d'école de la nécessité de mesures compensatoires dans le cadre d'un plan personnalisé de scolarisation. En l'absence de réaction de la part de la famille dans un délai de 4 mois, la MDPH est tenue d'engager un dialogue avec la famille.

Pour une première demande d'aménagement, la famille doit prendre contact avec l'équipe pédagogique afin que celle-ci élabore le guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-sco). Ce guide précise la situation scolaire de l'élève et ses possibles besoins de compensation. Il comprend notamment les observations des enseignants sur l'élève.

L'équipe pluridisciplinaire d'évaluation (EPE) au sein de la MDPH évalue les besoins de compensation et élabore le parcours personnel de scolarisation (PPS). Il le transmet pour avis à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui prend la décision et émet la notification MDPH.

Source : Bilan des mesures éducatives du quinquennat, rapport d'information de Mme Annick BILLON, M. Max BRISSON et Mme Marie-Pierre MONIER, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, n° 543 (2021-2022) ; février 2022

Cela entraîne une déconnexion entre le prescripteur et le payeur qui n'est pas soutenable à long terme. Dans certaines MDPH, la hausse de prescriptions à la rentrée 2022 par rapport à l'année précédente a pu atteindre 25 %. Sur ce sujet, le rapporteur spécial renvoie par ailleurs au commentaire de l'article 53 du présent projet de loi de finances sur la création des pôles d'appui à la scolarité rattaché à la mission « Enseignement scolaire ».

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