III. LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE NÉCESSITÉ : POURSUIVRE LES EFFORTS POUR AMÉLIORER LES TAUX D'ENCADREMENT DES ÉLÈVES

Alors que près de 2 500 classes devraient être fermées en conséquence des suppressions de postes prévues en 2024, il est regrettable de constater que l'intégralité des marges dégagées par la chute du nombre d'élèves n'ait pas été consacrée à l'amélioration du taux d'encadrement. Si cet axe est pris en compte par le ministère, les efforts doivent être approfondis afin de rattraper le retard de la France s'agissant du nombre d'élèves par classe.

1. Des effectifs d'élèves en baisse structurelle

Après une hausse continue de 2011 à 2016, les effectifs en élémentaire diminuent de plus en plus fortement à chaque rentrée depuis 2017. Les élèves entrés à l'école primaire à la rentrée 2022 puis 2023 sont beaucoup moins nombreux que ceux qui ont quitté le premier degré pour entrer dans le secondaire14(*).

Le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré diminue de 73 176 entre 2022 et 2023 puis de 62 260 entre 2023 et 2024, soit une baisse de 1 % par an. Le nombre total d'élèves dans le premier degré, en incluant le préélémentaire, s'établit à 6,28 millions à la rentrée 2023.

Cette baisse découle de l'arrivée de classes démographiques nettement moins nombreuses qu'au cours de la décennie précédente. La population des enfants de 6 à 10 ans, en grande partie scolarisés dans le premier degré, devrait nettement diminuer en 2023 (- 50 900 enfants) avant de connaître de nouvelles baisses très marquées de 2024 à 2027 (comprises entre - 56 100 enfants et - 36 900 enfants selon les années).

La baisse du nombre d'élèves est encore plus accentuée dans le milieu rural. C'est en éducation prioritaire que la chute est la plus limitée, ces classes accueillant donc proportionnellement de plus en plus d'élèves.

Évolution du nombre d'élèves dans le premier degré public

(en milliers)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Alors que le second degré a été épargné par la baisse démographique au cours des dernières années, elle s'y étend à partir de 2024. Les effectifs du second degré (y compris post-bac) ont déjà diminué légèrement en 2023 (de l'ordre de - 9 000 élèves, contre - 21 000 élèves à la rentrée 2022). La baisse devrait se poursuivre aux rentrées 2024 à 2027 en devenant particulièrement forte à partir de 2026 (de l'ordre de - 36 000 élèves en 2026 et - 41 000 élèves en 2027).

Prévisions d'évolution du nombre d'élèves dans le second degré

Source : commission des finances d'après la DEPP

2. Un nombre moyen d'enfants par classe très élevé au regard des comparaisons européennes comme de la réalité de l'exercice du métier d'enseignant

La France se caractérise toujours par un nombre d'enfants par classe nettement supérieur à la moyenne européenne, particulièrement dans le premier degré.

Dans le premier degré, la France présente le taux le plus fort au sein de l'Union européenne avec près de 19 élèves par enseignant dans l'élémentaire et plus de 23 élèves par enseignant dans le préélémentaire. Si les personnels auxiliaires sont comptabilisés en plus des enseignants (Atsem dans le cas français), comme le fait l'OCDE, le taux d'encadrement descend à 16 élèves par personnel en France et à 12 élèves en moyenne dans l'Union européenne.

Dans le premier cycle du secondaire en France, le taux d'encadrement est meilleur que dans le premier degré et s'élève à 14 élèves par enseignant. Il reste cependant plus élevé que dans tous les autres pays.

S'agissant de la taille moyenne des classes, celle-ci est bien supérieure en France que dans l'ensemble des pays de l'Union européenne et que la moyenne de l'OCDE. En France en 2021, les classes comptaient en moyenne 22 élèves dans le primaire et 26 au collège.

Taille moyenne des classes en 2021

Source : commission des finances d'après l'OCDE

Si le taux d'encadrement dans le second degré en France se situe dans la moyenne européenne, il dissimule en réalité de grandes disparités de moyens entre le collège et le lycée, encore accentuées par la réforme du lycée général qui a favorisé les très petits effectifs pour certaines spécialités, d'une part, et par la très grande spécialisation de certains enseignements dans les lycées professionnels, d'autre part.

Ainsi, dans le second cycle du secondaire, lycées professionnels, généraux et technologiques confondus, le taux d'encadrement en France, à 11 élèves par enseignant est meilleur que celui de la moyenne UE- 28 (12) et surtout que celui des Pays-Bas (18) et du Royaume-Uni (17).

Il est vrai que, plus globalement, le nombre d'élèves par classe diminue progressivement. Hors éducation prioritaire, on dénombre actuellement 22 élèves par classe, mais ce nombre reste supérieur à 23 élèves en petite et moyenne section. Étant donné qu'il s'agit d'enfants de 2 à 4 ans, qui requièrent une attention constante, il est certain que cette proportion n'est pas de nature à constituer un environnement scolaire adapté pour les élèves comme pour le personnel enseignant.

Évolution du nombre d'élèves par classe
selon le niveau dans le premier degré

 

REP+

REP

Public hors EP

2015

2017

2020

2022

2015

2017

2020

2022

2015

2017

2020

2022

Petite section

23,3

23,0

22,4

22,2

23,4

23,1

22,3

22,1

24,8

24,5

23,7

23,3

Moyenne section

23,6

23,4

22,4

21,9

23,7

23,5

22,4

22,0

25,1

24,7

23,7

23,2

Grande section

23,6

23,4

19,5

14,8

23,7

23,4

20,8

16,6

25,0

24,6

23,3

22,6

CP

21,7

13,1

12,5

12,5

21,8

20,7

12,6

12,6

22,5

22,3

21,6

21,2

CE1

22,6

21,4

12,7

12,8

22,7

22,3

12,9

12,9

23,3

23,3

22,6

22,1

CE2

22,9

22,4

21,4

21,2

23,1

22,8

21,2

20,9

24,0

23,8

23,4

23,0

CM1

23,0

22,6

21,8

21,7

23,3

23,0

21,7

21,5

24,3

24,1

23,7

23,4

CM2

23,1

22,5

22,0

21,6

23,4

23,0

21,9

21,6

24,4

24,3

24,0

23,6

Total

22,9

20,7

18,2

17,4

23,0

22,6

18,4

17,8

24,1

23,9

23,2

22,7

Source : commission des finances d'après la DEPP, NI 23.05

Concernant l'éducation prioritaire, elle connait désormais un nombre moyen d'élèves par classe très inférieur à celui dans l'enseignement hors REP.

La principale cause de cette réduction est le mouvement de dédoublement progressif des classes de CP et de CE1 mis en oeuvre à partir de la rentrée 2017 dans le réseau d'éducation prioritaire (REP) et le réseau renforcé (REP+) avec pour objectif d'atteindre pour chacune un maximum de 12 élèves. Cette mesure s'est traduite par la création de 10 800 classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, soit environ 300 000 élèves.

Le dédoublement a ensuite été étendu en classe de grande section de maternelle à compter de la rentrée 2020 et concernait près de 75 % des classes de grande section, ayant nécessité le recrutement de 1 900 ETP supplémentaires. 1 670 emplois seront consacrés à la poursuite du dédoublement en 2022. La part des classes de grande section dédoublées, passe de 68 % à la rentrée 2022 à 84 % à la rentrée 2023.

Un enjeu : la mesure de l'impact du dédoublement sur le niveau des élèves

Les premières évaluations menées par la DEPP15(*) montraient que, antérieurement au dédoublement, en CE1, 40 % des élèves de REP+ étaient en très grande difficulté en mathématiques et en français. Grâce au dédoublement, cette proportion serait abaissée de 7,8 % pour le français et de 12,5 % en mathématiques. En CE1, en 2019, en français, les écarts de performances entre les élèves dans et hors éducation prioritaire diminuent dans tous les domaines.

Selon les évaluations les plus récentes16(*), les résultats sont positifs en CP : le dédoublement correspond à une diminution de 16 % en français et de 38 % en mathématiques de l'écart observé en début de CP entre le groupe REP+ et le groupe hors éducation prioritaire. Ainsi, en français, les REP+ rattrapent leur retard initial entre le début du CP et la fin du CE1 par rapport aux élèves d'un niveau proche de REP+ pour arriver à des performances similaires à ces derniers. La DEPP indique ainsi que « les progressions sont un peu plus fortes en REP+, ce qui peut être interprété comme un effet favorable de la réduction de la taille des classes ».

L'effet est en revanche moins significatif en CE1 en français : la proportion d'élèves en difficulté en REP+ passe de 22,4 % en début de CP à 21,5 % en fin de CP mais remonte à 22,3 % en fin de CE1. Il est en revanche important en mathématiques : la proportion d'élèves en difficulté en REP+ passe de 21,4 % en début de CP à 18,5 % en fin de CP, 18,5 % en début de CE1 et en fin de CE1.

Le rapporteur spécial note qu'aucune nouvelle étude n'a été publiée sur le sujet à sa connaissance depuis 2021, ce qui est regrettable s'agissant d'une des mesures les plus emblématiques du dernier quinquennat.

Source : commission des finances

Autre mesure ayant contribué à la réduction du taux d'encadrement, hors éducation prioritaire, le plafonnement à 24 élèves dans les classes de CP et de CE1 à compter de la rentrée 2020 se poursuit. 2 660 emplois y sont dédiés pour le seul enseignement public. Ainsi, la part des classes à 24 élèves pour les niveaux de grande section, de CP et de CE1 atteint 95 % à la rentrée 2022 (contre 86 % à la rentrée 2021). Le PLF 2024 ne porte aucun moyen nouveau dédié au plafonnement.

Le rapporteur spécial souligne cependant qu'il ne s'agit ici que de données moyennes. En conséquence, elles ne font pas apparaître les nombreux cas où le nombre d'élèves, en particulier dans certaines écoles rurales ou périurbaines, peut dépasser, dans certains cas allègrement, 25 élèves.

Un enjeu quantitativement majeur : les conditions d'enseignement en classes
à niveaux multiples

D'après les dernières études du ministère de l'éducation nationale, le nombre de classes à niveaux multiples, dont le nombre diminue structurellement depuis plus de 50 ans, reste très élevé. Ainsi, neuf écoles sur dix ont au moins une classe regroupant des élèves de différents niveaux. Ces classes à niveaux multiples représentent 44,1 % des classes et 44,9 % des élèves y sont scolarisés, soit près de 3 millions. À la rentrée 2021, plus d'une école sur trois dispose uniquement de classes à niveaux.

Les classes à niveaux multiples constituent toujours un élément majeur du paysage scolaire en milieu rural, dans lequel la proportion de ces classes est deux fois plus élevée qu'en milieu urbain.

Part des classes à niveaux multiples selon les territoires

(en %)

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial attire l'attention sur le fait que l'enseignement en classes à niveaux multiples entraîne pour les enseignants un certain nombre de contraintes supplémentaires. En conséquence, il souhaite que le ministère engage une réflexion sur une adaptation de la rémunération pour ces enseignants. Une prime pour l'enseignement en classe à multiples niveaux serait une mesure de justice et de cohérence.

Source : commission des finances d'après la DEPP, note d'information n° 23.39

3. La baisse démographique doit donc avant tout contribuer à augmenter le taux d'encadrement

Le rapporteur spécial souligne que les évolutions démographiques ne doivent en aucun cas constituer une incitation à la fermeture de classes, ce qui reste, en dépit des avancées au cours des dernières années, un réflexe.

Ainsi, entre 2021 et 2022, pas moins de 180 classes ont été fermées. En outre, si le Gouvernement s'est engagé à ne pas fermer d'écoles en milieu rural, cela n'implique pas de ne pas supprimer des classes, ce qui reste fréquent dans les petites écoles. En outre, certaines académies, particulièrement touchées par la baisse démographique, et en particulier Paris, sont plus directement concernées que d'autres.

Évolution du nombre de classes dans le premier degré

Source : commission des finances d'après la DEPP

Ainsi, il s'agit plus que jamais d'utiliser la baisse démographique dans certaines académies pour réduire le nombre d'élèves par classe. Un accent spécifique doit être mis sur le second degré, en particulier au collège, qui, sans avoir été concerné par les plafonnements et dédoublements, ne l'est pas non plus par les classes à faibles effectifs du lycée.

Par ailleurs, la réforme de la carte de l'éducation prioritaire en 2014 a abouti à exclure du dispositif l'immense majorité des zones rurales de façon totalement injuste. En effet, la misère sociale et scolaire n'est pas le monopole des quartiers urbains défavorisés.


* 14 DEPP note 22.11.

* 15 Dédoublement des classes de CP en éducation prioritaire renforcée : première évaluation, étude de la DEPP, janvier 2019.

* 16 Impact de la réduction de la taille des classes de CP et CE1, DEPP, octobre 2021.

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