JAMAIS PLEINEMENT APPLIQUÉ, LE PROTOCOLE A ÉTÉ SOURCE DE VIVES TENSIONS ENTRE LONDRES ET BRUXELLES

La mise en oeuvre du protocole sur l'Irlande du Nord s'est traduite dès son adoption par de grandes difficultés d'application - retards de livraison, pénuries de produits entraînées par ces nouveaux contrôles -, accrues par l'impréparation et la mauvaise volonté des autorités britanniques.

Qualifié par la presse anglo-saxonne de « dynamite du Brexit », le protocole a contribué à cristalliser les tensions entre Britanniques et Européens, mais aussi à l'intérieur même du Royaume-Uni. Le blocage politique nord-irlandais en est l'illustration (cf. infra)

Dès le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni avait demandé des périodes de grâce dans l'application du protocole pour la réalisation des contrôles douaniers et sanitaires et phytosanitaires (SPS). Jusqu'au 1er mars 2021, des mesures temporaires avaient été mises en place pour les biens alimentaires et les médicaments. Le 3 mars puis le 6 septembre 2021, le Royaume-Uni les avait unilatéralement prolongées pour les importations de produits alimentaires et les contrôles de produits carnés.

Face aux difficultés constatées sur le terrain, la Commission européenne avait ainsi présenté, le 13 octobre 2021, un paquet de propositions visant à assouplir les conditions de mise en oeuvre du protocole1(*). Malgré ces propositions, le climat de confiance dans les négociations avait été altéré par la décision de Boris Johnson de déposer, le 13 juin 2022, un projet de loi intitulé « Northern Ireland Protocol Bill » prévoyant la désactivation unilatérale de certaines stipulations du protocole.

Cette décision unilatérale du Royaume-Uni avait conduit la Commission européenne à lancer des procédures d'infraction contre le gouvernement britannique. Au total, la Commission européenne a déclenché sept procédures2(*) contre Londres pour non-respect du protocole. Dénonçant une violation manifeste du droit international, ces procédures avaient pour but de rétablir le respect du protocole, par le Royaume-Uni, dans un certain nombre de domaines clés afin de protéger la santé et la sécurité des citoyens de l'UE.

L'application du protocole nord-irlandais a continué de susciter de vifs débats entre le Royaume-Uni et l'Union Européenne. La succession de trois Premiers ministres britanniques à l'automne 2022, après la démission de Boris Johnson, n'a pas permis de faire progresser ce dossier de manière satisfaisante. Il a fallu attendre l'arrivée au pouvoir fin octobre 2022 du nouveau Premier ministre, M. Rishi Sunak, attaché à des relations plus apaisées avec l'Union européenne, pour entrevoir la possibilité d'une issue.


* 1 Cette proposition était structurée autour de quatre axes et prévoyait notamment : 1) une réduction à hauteur de 80 % des contrôles sanitaires et phytosanitaires pour une large gamme de produits qui transitaient du Royaume-Uni vers l'Irlande du Nord pour être consommés en Irlande du Nord ; 2) une réduction de 50 % des formalités douanières nécessaires pour les biens transitant du Royaume-Uni vers l'Irlande du Nord ; 3) l'établissement d'un « dialogue structuré » entre les parties prenantes en Irlande du Nord (autorités publiques, société civile et entreprises) et la Commission ; 4) une adaptation du droit de l'Union pour assurer la sécurité de l'approvisionnement en médicaments de l'Irlande du Nord depuis le Royaume-Uni.

* 2 La Commission européenne a adopté le 22 juillet 2022 quatre procédures d'infraction contre le Royaume-Uni pour ne pas avoir respecté des parties importantes du protocole sur l'Irlande et l'Irlande du Nord, s'ajoutant aux trois procédures lancées le 15 juin 2022.