Rapport n° 151 (2022-2023) de Mme Muriel JOURDA , fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 novembre 2022

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N° 151

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 novembre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l' enfant ,

Par Mme Muriel JOURDA,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

870 rect. (2021-2022) et 152 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi n° 870 (2021-2022) déposée par Xavier Iacovelli et plusieurs de ses collègues le 18 août 2022 vise à créer une délégation aux droits de l'enfant dans chaque assemblée parlementaire, sur le modèle des délégations aux droits des femmes créées par la loi du 12 juillet 1999. Ces nouvelles instances seraient « chargées d'informer le Parlement de l'application des lois, de réfléchir aux pistes d'amélioration du droit existant et d'évaluer la politique publique en ce domaine ».

C'est la deuxième fois en trois ans que le Sénat a à examiner cette question 1 ( * ) . En 2019, il avait rejeté par 249 voix contre et 90 voix pour une proposition de loi identique 2 ( * ) , présentée par Éliane Assassi et ses collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE) pour marquer les trente ans de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), ainsi que la Journée nationale des droits de l'enfant 3 ( * ) . Le groupe CRCE a d'ailleurs redéposé son texte le 4 novembre dernier, à la suite de la création d'une délégation aux droits des enfants à l'Assemblée nationale par décision de sa conférence des présidents 4 ( * ) .

Lors de la séance publique du 20 novembre 2019, le rapporteur de la commission des lois avait alors déclaré : « nous ne sommes pas là pour réaffirmer notre intérêt constant, unanime et transpartisan pour les droits des enfants. Nous devons nous prononcer sur l'organisation parlementaire, puisque nous sommes saisis non d'une résolution relative aux droits des enfants, mais d'un texte tendant à la création de délégations parlementaires » 5 ( * ) .

En effet, la création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant ne répond pas à un engagement pris dans le cadre de la CIDE, mais touche avant tout à l'organisation des travaux au sein de chaque assemblée. C'est donc sous le seul prisme de l'efficacité du travail parlementaire qu'une telle initiative avait été examinée par la commission des lois 6 ( * ) , puis le Sénat.

I. UN REFUS DÉJÀ EXPRIMÉ PAR LE SÉNAT EN 2019

A. UN OBJECTIF : RECHERCHER LA MEILLEURE EFFICACITÉ DU TRAVAIL PARLEMENTAIRE

La tentation peut être grande de créer une structure permanente de contrôle à chaque fois qu'un sujet transversal semble le mériter, ne serait-ce que pour sa dimension symbolique . Toutefois, depuis 2009, les assemblées ont mené un effort de rationalisation des différentes structures de contrôle et d'évaluation, dans une volonté d'assurer l'efficacité et la cohérence du travail parlementaire . La loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 7 ( * ) , résultant d'une proposition de loi rédigée en concertation entre le Sénat et l'Assemblée nationale, a ainsi procédé à la suppression de cinq délégations et offices.

En 2015, le Bureau du Sénat, sur le rapport de Roger Karoutchi et Alain Richard, rapporteurs du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat, a affirmé l'importance d'« éviter la dispersion des sénateurs et donc la multiplication, la polysynodie des structures (délégations, structures temporaires, groupes d'études, groupes de travail, organismes extérieurs, organismes extraparlementaires...) » 8 ( * ) . Depuis cette date, aucune nouvelle délégation n'a été créée au Sénat. En 2020, la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relative à la bioéthique a ainsi supprimé l'article qui tendait à la création d'une délégation parlementaire à la bioéthique dans chaque assemblée 9 ( * ) .

Cet effort de rationalisation traduit une volonté de renforcer l'efficacité des activités législatives et de contrôle, en assurant une articulation harmonieuse entre les commissions permanentes et les autres structures .

B. UN CONSTAT : LE DROIT DES ENFANTS, UN SUJET DÉJÀ TRAITÉ PAR LES ORGANES EXISTANTS DU SÉNAT

Les commissions permanentes mènent régulièrement, dans leurs champs de compétences respectifs, des travaux législatifs ou de contrôle sur la situation des enfants . À cette occasion, elles examinent la manière dont leurs droits et leur intérêt sont respectés.

Sont les plus concernées la commission des affaires sociales, dans le cadre de ses compétences en matière de santé, de politique familiale, d'aide et d'action sociales, la commission de la culture, sur les sujets relatifs à l'enseignement scolaire et à la jeunesse, et dans une moindre mesure, la commission des lois, s'agissant notamment du droit de la famille et des mineurs délinquants.

De son côté, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes s'intéresse spécifiquement à la situation des enfants dès que ses travaux relatifs aux femmes peuvent les concerner.

Constatant les nombreux travaux menés par ces organes 10 ( * ) , la commission puis le Sénat ont estimé en 2019 qu'il n'y avait pas lieu de créer de délégation aux droits des enfants .

II. LES TRAVAUX SÉNATORIAUX SUR LES ENFANTS SE SONT POURSUIVIS DEPUIS 2019

Tant les travaux législatifs menés par les commissions permanentes que les travaux de contrôle conduits par celles-ci et la délégation aux droits des femmes sont la preuve que le Sénat n'a pas fléchi depuis 2019 dans sa volonté de prendre en compte la situation des enfants et de défendre sans relâche leur intérêt.

A. UN CONTRÔLE SOUTENU SUR DES SUJETS TRÈS VARIÉS

Au-delà du caractère symbolique - « message fort » ou « garantie de l'engagement total des parlementaires en faveur des droits de l'enfant » selon l'exposé des motifs -, la création de délégations aux droits de l'enfant aurait pour but de renforcer le contrôle exercé par le Parlement sur le respect des droits de l'enfant .

Or, dépassant cette pétition de principe, les travaux du Sénat montrent l'attention permanente portée à la situation des enfants.

Santé, protection de l'enfance, harcèlement scolaire, violences intrafamiliales, protection contre les crimes sexuels et l'inceste, accès des mineurs aux contenus pornographiques : tous ces thèmes ont été étudiés et ont donné lieu à de nombreuses auditions et rapports de la part des commissions permanentes.

Travaux de la commission des affaires sociales

Travaux de suivi de la MCI Répression des infractions sexuelles sur mineurs : audition de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance ( prévue le 14 décembre 2022 )

Rapport d'information sur la lutte contre l'obésité, n° 744 (2021-2022) du 29 juin 2022, par Mmes Chantal Deseyne, Brigitte Devésa et Michelle Meunier

Audition de M. Jean-Marc Sauvé, président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église, 28 octobre 2021 ( audition commune avec la commission des lois )

Proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu. Rapport n° 112 (2021-2022) du 27 octobre 2021, par Mme Colette Mélot

Projet de loi relatif à la protection des enfants. Rapport n° 74 (2021-2022) du 20 octobre 2021, par M. Bernard Bonne

Audition de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles, 29 septembre 2021

Proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote. Rapport n° 599 (2020-2021) du 19 mai 2021, par Mme Jocelyne Guidez

Audition de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État en charge de l'enfance et des familles, sur la petite enfance et la protection de l'enfance, 9 décembre 2020

Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance (2020-2022) -Audition de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, 5 février 2020

Travaux de la commission de la culture

Rapport d'information établissant le « bilan des mesures éducatives du quinquennat » n° 543 (2021-2022) du 23 février 2022, par Mme Annick Billon, M. Max Brisson et Mme Marie-Pierre Monier

Proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire. Rapport n° 323 (2021-2022) du15 février 2022, par M. Olivier Paccaud

Proposition de loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. Rapport n° 532 (2019-2020) du 17 juin 2020, par M. Jean-Raymond Hugonet

Travaux de la commission des lois

Audition de Mme Claire Hédon, défenseure des droits, pour la présentation de son rapport annuel pour 2021, 6 juillet 2022

Proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation. Rapport n° 467 (2021-2022) du 9 février 2022, par Mme Marie Mercier.

Proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire. Avis n° 310 (2021-2022) du 5 janvier 2022, par Mme Jacqueline Eustache-Brinio

Proposition de loi visant à réformer l'adoption. Rapport n° 50 (2021-2022) du 13 octobre 2021, par Mme Muriel Jourda

Audition de Mme Claire Hédon, défenseure des droits, pour la présentation de son rapport annuel pour 2020, 24 mars 2021

Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs. Rapport n° 291 (2020-2021) du 20 janvier 2021, par Mme Agnès Canayer

Proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels et de l'inceste. Rapport n° 271 (2020-2021) du 13 janvier 2021, par Mme Marie Mercier

Audition de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, pour la présentation de son rapport annuel d'activité pour 2019, 10 juin 2020

Proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales. Rapport n° 482 (2019-2020) du 3 juin 2020, par Mme Marie Mercier. Adoption de l'amendement confiant à l'ARCOM un pouvoir d'injonction et de référé à l'encontre des sites pornographiques qui ne restreignent pas leur accès aux mineurs.

Audition de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, 22 avril 2020 (point sur l'état d'urgence sanitaire)

Cycle d'auditions sur le nouveau code de la justice pénale des mineurs, 15 et 29 janvier 2020, 5 et 19 février 2020

Travaux de la commission des affaires économiques

Proposition de loi visant à encourager l'usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d'accéder à internet. Rapport n° 397 (2021-2022) du 26 janvier 2022, par Mme Sylviane Noël

Travaux de la délégation aux droits des femmes

Rapport d'information sur l'industrie de la pornographie, n° 900 (2021-2022) du 27 septembre 2022, par Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol

Table ronde sur la régulation de l'accès aux contenus pornographiques en ligne, 8 juin 2022

Table ronde sur la protection des mineurs face aux contenus pornographiques, 27 avril 2022

Audition de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles, sur la prostitution des mineurs, 2 décembre 2021

Table ronde sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan, 25 novembre 2021

Audition de Mme Catherine Champrenault, procureure générale honoraire et de M. Gilles Charbonnier, avocat général, sur la prostitution des mineurs, 18 novembre 2021

Audition de M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, au sujet des risques accrus de violences liés, pour les enfants et les adolescents, au confinement, 16 avril et 26 novembre 2020

Rapport d'information sur le bilan de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants au sein de la famille, n° 597 (2019-2020) du 7 juillet 2020, par Mme Annick Billon, M. Max Brisson, Mmes Laurence Cohen, Laure Darcos, Joëlle Garriaud-Maylam, Françoise Laborde, M. Marc Laménie, Mme Claudine Lepage, M. Claude Malhuret, Mmes Noëlle Rauscent, Laurence Rossignol, Maryvonne Blondin, Marta de Cidrac et Nassimah Dindar

Enfin, le Sénat mène également des travaux relatifs aux droits de l'enfant dans un cadre plus large que les commissions permanentes et délégations. C'est notamment le cas au travers de la participation des sénateurs à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui a publié en mai 2022 un rapport intitulé « Éliminer la pauvreté extrême des enfants en Europe: une obligation internationale et un devoir moral », ou encore des questions au Gouvernement ou des questions écrites qui portent sur des thèmes très variés : travaux de la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), conditions de vie des enfants dans le monde, politique du Gouvernement en matière de petite enfance, développement et financement des soins à domicile pour les enfants présentant des troubles du spectre autistique, conséquences du port du masque chez les enfants, conditions de détention des mineurs non accompagnés, etc .

B. UNE TRANSVERSALITÉ DÉJÀ ASSURÉE

Lorsque les sujets l'ont nécessité, les commissions permanentes ont constitué des missions communes d'information rassemblant des sénateurs de tous groupes pour parvenir à des constats et des recommandations qui transcendent les clivages politiques .

Travaux communs des commissions permanentes

Prévenir la délinquance des mineurs - Éviter la récidive. Rapport d'information n° 885 (2021-2022) du 21 septembre 2022, par Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Bernard Fialaire, Mmes Laurence Harribey et Muriel Jourda ( au nom de la commission de la culture et de la commission des lois )

Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale, Rapport d'information n° 854 (2020-2021) du 29 septembre 2021, par MM. Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy ( au nom de la commission des affaires sociales et de la commission des lois )

Sur l'obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs, Rapport d'information n° 304 (2019-2020) du 5 février 2020, par Mmes Maryse Carrère, Catherine Deroche, Marie Mercier et Michelle Meunier ( au nom de la commission des affaires sociales et de la commission des lois )

Les commissions permanentes coordonnent par ailleurs leurs travaux, à l'instar de la commission des affaires sociales et de la commission des lois sur les textes sur la protection des enfants et l'adoption ou ont complété les dispositifs existants en bonne intelligence, comme en matière de prévention de l'exposition des mineurs aux contenus pornographiques sur Internet, à l'instar des commissions des lois (régulation des opérateurs par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) et des affaires économiques (contrôle parental).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : MAINTENIR L'ORGANISATION ACTUELLE DU SÉNAT QUI MONTRE SON EFFICACITÉ

L'organisation actuelle du Sénat fait ainsi la preuve qu'elle est capable d'assurer la transversalité de ses travaux pour traiter efficacement les problématiques multiples qui concernent les enfants. À cet égard, le choix fait, le 13 septembre 2022, par la Conférence des Présidents de l'Assemblée nationale de créer une délégation aux droits des enfants composée de 36 députés ne s'impose nullement au Sénat.

Présidée par Perrine Goulet, députée de la première circonscription de la Nièvre 11 ( * ) et chargée d'informer la représentation nationale sur toute question relative aux droits des enfants, cette nouvelle instance peut entendre toute personne dont elle estime l'audition nécessaire et conduit des missions d'information et des « missions flash » sur les sujets de sa compétence.

Cette délégation nouvelle est la sixième délégation de l'Assemblée nationale (en comptant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques), tandis que le Sénat en dispose déjà de sept .

État des lieux des délégations parlementaires

Assemblée nationale

Sénat

Loi n° 83-609 du 8 juillet 1983

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst)

Loi n° 99-585 du 12 juillet 1999

Délégation

aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Délégation

aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Loi n° 2007-1443
du 9 octobre 2007

Délégation

au renseignement

Délégation

au renseignement

Bureau du Sénat (2009)

Conférence des Présidents
de l'Assemblée nationale (2017)

Délégation

aux collectivités territoriales

et à la décentralisation

Délégation

aux collectivités territoriales

et à la décentralisation

Bureau du Sénat (2009)

/

Délégation sénatoriale à la prospective

Bureau du Sénat (2011)

Conférence des Présidents
de l'Assemblée nationale (2012)

Loi n°2017-256
du 28 février 2017

Délégation

aux outre-mer

Délégation

aux outre-mer

Bureau du Sénat (2014)

/

Délégation sénatoriale aux entreprises

Conférence des Présidents
de l'Assemblée nationale (2022)

Délégation aux droits des enfants

/

Source : Commission des lois du Sénat

Cette création est une décision d'organisation propre à l'Assemblée nationale , au même titre que lorsque le Bureau du Sénat avait décidé de créer les délégations à la prospective ou aux entreprises, sans être suivi par l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, force est de constater qu'au Sénat les thèmes annoncés comme objets des travaux de la délégation - à savoir « ASE, violences intrafamiliales, inceste, harcèlement scolaire, pornographie » 12 ( * ) - ont tous été traités par les commissions permanentes et la délégation aux droits des femmes .

Travaux de la délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale

Audition de Mme Adeline Hazan, présidente de l'UNICEF France

Audition de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État auprès de la Première ministre chargée de l'enfance

Audition de Mme Claire Hédon, Défenseure des droits et de M. Eric Delemar, adjoint en charge de la défense et de la promotion des droits de l'enfant

Audition de M. Édouard Durand et de Mme Nathalie Mathieu, co-présidents de la CIIVISE (à venir)

Mission d'information sur la lutte contre les violences faites aux mineurs en outre-mer (en cours)

Les auditions conduites par cette nouvelle délégation pourraient l'être par la commission des affaires sociales ou celle des lois ; quant à la première mission d'information annoncée sur la lutte contre les violences faites aux mineurs en outre-mer, elle relèverait tout aussi bien de la délégation aux outre-mer que d'une mission commune des commissions des affaires sociales et des lois.

Il ne semble donc pas y avoir d'« angle mort » sur la matière dont le Sénat se saisit et traite des sujets relatifs aux droits des enfants.

La commission a considéré qu'au regard de la manière dont le Sénat prend en compte la question des enfants dans le cadre de ses travaux législatifs et de contrôle, il n'y avait pas lieu de modifier l'analyse qui était la sienne en 2019 .

Compte tenu des différences d'organisation entre les assemblées et de leur autonomie, la création d'une délégation aux droits des enfants à l'Assemblée nationale n'est pas une raison suffisante pour changer de position.

Pour ces raisons, à l'initiative de son rapporteur, la commission n'a pas adopté la proposition de loi.

*

* *

La commission n'a pas adopté la proposition de loi .

EXAMEN EN COMMISSION

M. François-Noël Buffet , président . - Nous commençons nos travaux par l'examen de la proposition de loi (PPL) tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant, déposée par Xavier Iacovelli et plusieurs de nos collègues. Xavier Iacovelli, n'étant pas membre de notre commission, je vous propose d'accéder à sa demande de nous présenter son texte, conformément aux dispositions de l'article 15 bis de notre Règlement.

Il en est ainsi décidé.

M. Xavier Iacovelli , auteur de la proposition de loi . - Je vous remercie de m'accorder ce droit de présenter cette proposition de loi, qui revêt, à mes yeux, une importance particulière compte tenu de mon attachement à la protection de l'enfance. La création de délégations parlementaires aux droits des enfants constitue une demande régulière et ancienne, puisque cela fait vingt ans que le milieu associatif la demande. Le juge Jean Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, avait rédigé une proposition en ce sens dans le rapport de 2014, rédigé dans le cadre du groupe de travail institué par la ministre déléguée à la famille. À quelques jours du trente-troisième anniversaire de la ratification de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), il faut rappeler que celle-ci incite également fortement les États à créer cette délégation, sans toutefois l'imposer.

Ainsi, même si le rapport de l'Unicef montre que les progrès réalisés par la France ont été importants durant les trois dernières décennies, de nombreux défis restent à relever pour garantir l'effectivité des droits des enfants : la protection de l'enfance, l'accès aux soins, la lutte contre les inégalités, l'accès à la pratique sportive et à la culture, la question du handicap, mais aussi la lutte contre l'inceste ou la cyberpédocriminalité.

L'intérêt supérieur de l'enfant doit guider nos politiques publiques. Or les enfants les plus vulnérables peinent à accéder à leurs droits, comme les enfants en situation de grande pauvreté, ceux qui sont porteurs de handicap ou victimes de violences, ou encore les enfants détenus ou en situation de migration. Nous avions d'ailleurs rédigé avec Henri Leroy, Laurent Burgoa et Hussein Bourgi un rapport d'information portant sur la question des mineurs non accompagnés (MNA). De plus, nous nous sommes rendu compte que la santé mentale des enfants, qui plus est dans le contexte de crise sanitaire, constitue un sujet majeur. Aussi, tous ces défis doivent être traités de manière pérenne dans le cadre de délégations spécifiques.

L'enfant n'est pas seulement un être fragile devant être protégé, mais il est aussi un sujet de droit. À ce titre, nous devons avoir un regard transversal sur les politiques publiques concernées.

Le 13 février 2003, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, qui n'a malheureusement jamais été inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat. Ce texte, déposé notamment par Jacques Barrot, visait à doter chacune des assemblées d'une structure permanente, afin d'accroître le rôle du Parlement dans le cadre de la protection du droit des enfants. En 2019, une proposition de loi du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (CRCE) du Sénat tendant également à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants avait été rejetée par le Sénat.

Depuis lors, la situation a évolué dans la mesure où la réforme constitutionnelle de 2008 a expressément consacré la mission de contrôle et d'évaluation du Parlement. Ce dernier s'est organisé en conséquence pour travailler plus efficacement, notamment en supprimant cinq délégations et offices en 2009.

Je comprends bien les craintes du Sénat quant à la création d'une nouvelle délégation. J'ai également entendu que certains redoutaient que la présidence d'une telle délégation revienne à l'opposition sénatoriale ; après vérification, je tiens à vous rassurer, la présidence reviendrait bien à la majorité. La création d'une délégation n'enlèverait rien aux prérogatives et au pouvoir législatif des commissions permanentes, bien au contraire, elle pourrait alimenter leurs travaux, car celles-ci sont souvent surchargées.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - L'objet de cette proposition de loi est simple. Chacun l'aura compris, la création de deux délégations parlementaires aux droits de l'enfant ne procède pas de la volonté de créer de nouveaux droits de l'enfant, ni de distinguer ceux qui s'intéressent aux droits de l'enfant de ceux qui s'en désintéressent. Il s'agit d'afficher - le terme n'est pas péjoratif - l'intérêt du Sénat pour le sujet et d'organiser le travail parlementaire, puisque la délégation est un organe de travail. Pour rappel, le Sénat avait rejeté en 2019 la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants de notre collègue Éliane Assassi - j'avais déjà émis à l'époque un avis défavorable en tant que rapporteur sur ce texte.

Tout d'abord, preuve est déjà faite que le Sénat porte un intérêt aux droits des enfants. En témoignent les nombreux travaux que nous menons au sein de la commission des affaires sociales, de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et, dans une moindre mesure, de la commission des lois.

Permettez-moi de citer les travaux réalisés depuis 2019 par la commission des affaires sociales : audition de Charlotte Caubel à venir, le 14 décembre prochain, dans le cadre des travaux de suivi de la mission commune d'information sur la répression des infractions sexuelles sur mineurs ; rapport d'information sur la lutte contre l'obésité en juin 2022 ; audition de Jean-Marc Sauvé, président de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église en octobre 2021 ; examen de la proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu en octobre 2021 ; examen du projet de loi relatif à la protection des enfants en octobre 2021 et de la proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote en mai 2021. Elle a également procédé à l'audition d'Adrien Taquet le 5 février 2020, le 9 décembre 2020 et le 29 septembre 2021.

Pour ce qui concerne la commission de la culture, je citerai le rapport d'information établissant le bilan des mesures éducatives du quinquennat en février 2022 ; l'examen de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire en février 2022 et de la proposition de loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne en juin 2020.

La commission des lois a procédé, quant à elle, à l'audition de Claire Hédon, Défenseure des droits, en juillet 2022 et en mars 2021 ; à l'audition de Jacques Toubon, son prédécesseur, en avril et en juin 2020 ; et à l'examen de plusieurs textes : la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation en février 2022 ; la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire en janvier 2022 ; la proposition de loi visant à réformer l'adoption en octobre 2021 ; le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs en janvier 2021 ; la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels et de l'inceste en janvier 2021 ; la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales en juin 2020. Elle a également organisé quatre auditions sur le nouveau code de la justice pénale des mineurs en janvier et en février 2020.

La commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à encourager l'usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d'accéder à internet en janvier 2022.

Sans oublier la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui a adopté un rapport d'information sur l'industrie de la pornographie en septembre 2022 et un rapport d'information sur le bilan de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants au sein de la famille en juillet 2020. Elle a organisé plusieurs tables rondes : une première sur la régulation de l'accès aux contenus pornographiques en ligne en juin 2022 ; une deuxième sur la protection des mineurs face aux contenus pornographiques en avril 2022 ; une troisième sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan en novembre 2021. Elle a auditionné Adrien Taquet en avril 2020, en novembre 2020 et en décembre 2021, ainsi que Catherine Champrenault et Gilles Charbonnier, magistrats du parquet, sur la prostitution des mineurs en novembre 2021.

Je pourrais encore mentionner la participation des sénateurs à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, nos questions d'actualité au Gouvernement, nos questions écrites, ainsi que les travaux communs de nos commissions permanentes, avec le rapport d'information sur la délinquance des mineurs en septembre 2022, le rapport d'information sur les mineurs non accompagnés en septembre 2021 et enfin le rapport d'information sur l'obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs en février 2020.

Cette liste exhaustive prouve bien que le Sénat n'a jamais fléchi quant à son travail sur la protection des mineurs. D'ailleurs, la délégation aux droits des enfants qui vient d'être créée à l'Assemblée nationale ne fera rien d'autre que de procéder aux auditions que nous avons déjà réalisées.

Concernant l'organisation de notre travail au sein du Parlement, le rapport réalisé en 2015 par nos collègues Alain Richard et Roger Karoutchi avait préconisé d'éviter la « polysynodie », c'est-à-dire la multiplication des instances. D'une part, les sénateurs ne peuvent être présents lors de toutes les réunions de ces organes, et d'autre part nous devons veiller à la cohérence de nos travaux. N'émiettons pas notre travail.

Enfin, la voie à privilégier pour modifier l'organisation du travail parlementaire est de s'adresser au Bureau, même si une proposition de loi n'est pas forcément iconoclaste.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur cette proposition, comme je l'avais fait en 2019.

Mme Marie Mercier . - Je veux affirmer que personne ici, j'y insiste, ne pense que l'enfant ne mérite pas tout notre intérêt. En atteste la liste précise des travaux menés dans nos instances que notre rapporteur nous a communiquée.

J'ai été extrêmement marquée lors des auditions concernant les violences sexuelles sur mineurs par les propos d'un procureur : « Quand on parle de mineurs, dans notre esprit, le sujet devient mineur. » Le sujet est bien au contraire majeur ! Nous devons veiller à ces considérations qui peuvent habiter l'inconscient collectif. En effet, tous ces mineurs sont des adultes en construction qui constitueront la société de demain.

Si je comprends parfaitement l'avis défavorable du rapporteur d'un point de vue organisationnel et technique, ne pourrait-on pas réfléchir à une structure qui fédérerait les trois commissions autour des sujets liés à l'enfance, sans qu'il s'agisse d'une nouvelle délégation ?

Dans notre monde actuel, marqué par les réseaux sociaux et la souffrance des enfants, ne pourrions-nous pas réfléchir à une structure plus pérenne pour traiter ces questions et donner plus de force à la protection de l'enfance qu'elle n'en a aujourd'hui ?

M. François Bonhomme . - Pour m'inscrire dans la droite ligne des propos du rapporteur, je rappelle que la commission des lois a eu de multiples occasions de procéder à des améliorations concernant les droits de l'enfant : la longue liste égrenée en témoigne.

La question est donc de savoir si la création d'une délégation serait de nature à améliorer le travail parlementaire. Cette question doit être mise en regard des travaux réalisés et de l'éventuel alourdissement, voire de la possible opacification, du travail parlementaire par cette délégation. Une réponse administrative n'est pas de nature à améliorer la question des droits de l'enfant. Méfions-nous des postures immédiates et inscrivons nos travaux dans la durée.

Mme Nathalie Goulet . - J'avais fait la même démarche en demandant une délégation chargée de la lutte contre la fraude fiscale. Ce fut un véritable parcours d'obstacles pour finalement aboutir à la création d'un groupe de travail sur le sujet au sein de la commission des finances. Nous nous sommes également heurtés à des raisons financières liées aux coûts engendrés par la création d'une délégation supplémentaire.

Il faudra réexaminer la question des instances thématiques après le prochain renouvellement sénatorial en 2023. Les sujets évoluent, notre manière de les traiter doit évoluer, car l'accès de nos concitoyens aux informations évolue également.

M. Hussein Bourgi . - Je souhaite remercier le rapporteur pour son travail et son rappel exhaustif des différents travaux menés par les commissions. La question des droits des enfants constitue une préoccupation récurrente de nos travaux.

Ainsi, lorsque nous avons traité du harcèlement scolaire, les enfants étaient au coeur de nos préoccupations et de nos réflexions. Il en fut de même avec la pornographie, sujet au travers duquel les enfants sont apparus en filigrane, soit comme spectateurs, soit parfois, malheureusement, comme acteurs. Cela va sans dire lorsque nous traitons de la délinquance des mineurs, de la précarité, de l'échec scolaire, du suicide des jeunes, du mariage pour tous, de la procréation médicalement assistée (PMA), de la bioéthique, du changement de nom patronymique. On s'est toujours posé la question de l'intérêt supérieur de l'enfant.

C'est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) est favorable à cette proposition de loi.

Nous avons en réalité les mêmes débats depuis 2003, quand Jacques Barrot et Dominique Paillé avaient eu l'excellente idée de déposer une proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, qui avait été adoptée par l'Assemblée nationale, mais n'avait pas été examinée par le Sénat.

Permettez-moi de relever un paradoxe : affirmer, d'un côté, qu'il n'y a pas lieu de créer une délégation aux droits de l'enfant, alors que, de l'autre, le Sénat a créé une délégation sénatoriale à la prospective en 2009 et une délégation sénatoriale aux entreprises en 2014. Cela revient à faire injure aux sénateurs qui siégeaient avant ces dates, comme s'ils ne s'étaient pas intéressés à ces sujets. Pourquoi la création d'une délégation serait-elle souhaitable et légitime pour certaines thématiques et pas pour les droits de l'enfant ? Cet argument me semble fragile.

Ne soyons pas dans une posture. Si les commissions permanentes travaillent de manière approfondie sur ces sujets, il est nécessaire que les différents travaux soient synthétisés dans une instance dédiée afin d'éclairer utilement le Parlement.

Mme Esther Benbassa . - Même si nous avons déjà eu ces débats, nous ne pouvons pas nier que l'actualité crée un focus sur le sujet de l'enfance. Or la délégation aux droits des femmes a fait avancer la question et a su se mettre au diapason du débat public. Dès lors, pourquoi retarder la création d'une délégation aux droits de l'enfant ? Nous enverrions un signal positif à la société, qui débat amplement de ce sujet, des conventions ayant gravé dans le marbre les droits des enfants.

L'ensemble des sénateurs ne serait évidemment pas obligé d'assister à toutes les réunions de cette nouvelle délégation. Celle-ci représenterait un apport pour le Sénat, qui pourrait alors suivre de plus en plus étroitement les débats sociétaux.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je veux remercier Xavier Iacovelli de nous avoir présenté sa proposition de loi et le rapporteur de son analyse.

Cette délégation permettrait de centraliser tous les travaux cités, de mieux les coordonner, de spécialiser la thématique de l'enfance qui tend à évoluer au fil des avancées des technologies numériques. Pour ma part, j'ai des craintes quant aux conséquences de l'utilisation d'internet sur les enfants.

À l'image de la délégation aux droits des femmes, de la délégation aux outre-mer, de la délégation aux entreprises, qui font un travail formidable, cette nouvelle délégation prendrait le relais du travail réalisé par les commissions.

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Marie Mercier et Nathalie Goulet ont souligné que nous devrions peut-être travailler différemment sur certains sujets. J'entends leurs arguments. Néanmoins, il ne m'appartient pas de remettre en cause le consensus de 2015 ; il revient au Bureau du Sénat de modifier notre organisation, de la même manière que la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale a créé la délégation aux droits des enfants. La commission des lois n'a pas cette compétence.

François Bonhomme a posé la vraie question : cette délégation permettra-t-elle d'améliorer notre travail ou, au contraire, ne risque-t-elle pas de l'opacifier ? Voire d'avoir des avis divergents sur une même question ? Je partage ses craintes sur ce point.

S'agissant du paradoxe soulevé par Hussein Bourgi, je rappelle que les délégations citées ont été créées en 2009 et 2014, soit avant la position du Bureau en 2015. Il n'y a donc pas de paradoxe, ma position s'inscrit dans la droite ligne de la décision d'arrêter de créer des instances supplémentaires et de travailler dans les commissions législatives.

Esther Benbassa, vous soulignez que nous enverrions un signal à la société si nous créions cette délégation. Pour ma part, je me méfie des signaux, de l'affichage, des symboles. Toutefois, le signal positif, nous l'envoyons d'ores et déjà : notre travail sur la protection des droits de l'enfant n'est pas neutre.

Enfin, Thani Mohamed Soilihi, je ne crois pas que l'énumération plaide en faveur d'une centralisation. N'oublions pas la différence fondamentale qui existe entre les délégations et nos commissions. La délégation n'a aucun pouvoir législatif, contrairement à une commission. Nous n'allons donc pas centraliser les travaux législatifs dans une délégation qui n'a pas de pouvoir législatif.

M. François-Noël Buffet , président . - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la création d'organes parlementaires spécialisés en matière de droits de l'enfant.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Etant défavorable à la création d'une nouvelle délégation, je ne peux qu'être défavorable aux amendements COM-3 , COM-1 et COM-2 .

Les amendements COM-3, COM-1 et COM-2 ne sont pas adoptés.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Muriel Jourda , rapporteur . - Par cohérence, je suis également défavorable à l'amendement COM-4 .

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.

Conformément, au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposé sur le Bureau du Sénat.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme DEVÉSA

3

Élargissement du champ d'intervention des délégations aux droits de l'enfant à celui de « l'enfance »

Rejeté

Mme DEVÉSA

1

Possibilité pour les nouvelles délégations de s'auto-saisir de tout texte

Rejeté

Mme DEVÉSA

2

Possibilité de saisir les délégations parlementaires aux droits de l'enfant de propositions de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution

Rejeté

Intitulé de la proposition de loi

Mme DEVÉSA

4

Modification de l'intitulé de la proposition de loi

Rejeté

RÈGLES RELATIVES
À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 13 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 14 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 15 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 16 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du 30 novembre 2022, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 870 rectifié (2021-2022) tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à la création d'organes parlementaires spécialisés en matière de droits de l'enfant .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Xavier Iacovelli , sénateur des Hauts-de-Seine, auteur de la proposition de loi

M. François-Noël Buffet , sénateur du Rhône, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale

Mme Catherine Deroche , sénatrice du Maine-et-Loire, présidente de la commission des affaires sociales

M. Laurent Lafon , sénateur du Val-de-Marne, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-870.html


* 1 Diverses autres initiatives avaient précédé ce texte, mais sans être inscrites à l'ordre du jour du Sénat. Par exemple, la proposition de loi n° 180 (2002-2003) des députés Jacques Barrot et Dominique Paillé transmise au Sénat le 13 février 2003 ou la proposition de loi n° 5 (2009-2010) de Joëlle Garriaud-Maylam, déposée au Sénat le 6 octobre 2009, qui ne visait pas les deux assemblées.

* 2 À l'exception du nom de la délégation, appelée précédemment « délégation aux droits des enfants » et non « délégation aux droits de l'enfant ». C'est d'ailleurs l'objet de la rectification apportée à la proposition de loi n° 870 (2021-2022).

* 3 Proposition de loi n° 134 (2018-2019) d'Éliane Assassi et ses collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

* 4 Texte n° 101 (2022-2023) de Mmes Éliane Assassi, Cécile Cukierman et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 4 novembre 2022.

* 5 https://www.senat.fr/seances/s201911/s20191120/s20191120004.html

* 6 Rapport n° 112 (2019-2020) de Mme Muriel Jourda, fait au nom de la commission des lois, déposé le 13 novembre 2019.

* 7 Loi n° 2009-689 du 15 juin 2009 tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative.

* 8 Compte rendu de la réunion du Bureau du Sénat du mercredi 11 mars 2015 : https://www.senat.fr/role/fiche/bur_cr_reunion110315.html

* 9 https://www.senat.fr/rap/l19-237/l19-23715.html#toc151

* 10 Le rapport faisait la recension des nombreux travaux menés depuis la session 2015-2016.

* 11 Qui avait également déposé une proposition de loi visant à la création d'une délégation parlementaire aux droits de l'enfant à l'Assemblée nationale, n° 208, le 23 août 2022.

* 12 https://twitter.com/YaelBRAUNPIVET/status/1569627370360807424

* 13 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 14 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 15 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 16 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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