Rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Gérard LONGUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

Disponible au format PDF (2,3 Moctets)

Synthèse du rapport (273 Koctets)


N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 14

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Rapporteur spécial : M. Gérard LONGUET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » s'élèvent en PLF 2023, à 58,821 milliards d'euros hors contribution au CAS « Pensions » contre 55,245 milliards d'euros en 2022. Cela correspond à une augmentation de 3,576 milliards d'euros, soit une progression de + 6,5 % par rapport à 2022 . En y incluant la contribution au CAS « Pensions », la mission atteint 82,470 milliards d'euros en AE et 82,317 milliards d'euros en CP. Plus d'1,2 million de personnes sont rémunérées par le ministère de l'Éducation nationale au titre de l'enseignement scolaire , dont 726 800 enseignants dans le secteur public et 142 500 dans le secteur privé.

I. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE PERSONNEL DE 3,6 MILLIARDS D'EUROS

A. UN IMPACT TRÈS MARQUÉ DE LA HAUSSE DU POINT D'INDICE

Compte tenu du poids des dépenses de personnel dans la mission (plus de 90 % des crédits), la hausse de 3,5 % du point d'indice décidée à l'été 2022 a eu un impact budgétaire très important. En 2023, son coût sera d'1,2 milliard d'euros, soit un montant supérieur à celui des mesures catégorielles et qui explique à lui seul près d'un tiers de la hausse globale de la mission .

Répartition de la hausse des dépenses de personnel en 2023
(dont CAS « Pensions »)

(en CP en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. PLUS D'UN MILLIARD D'EUROS DE MESURES DE REVALORISATIONS CATÉGORIELLES

Les mesures de hausse des rémunérations s'élèvent à plus de 1,1 milliard d'euros en 2023 . Cette croissance peut elle-même se décomposer en plusieurs facteurs. Plus de la moitié (57 %) découle de la revalorisation des salaires des enseignants annoncée pour 2023 qui concernera la plus grande partie d'entre eux. Un quart, soit 300 millions (et 900 millions en année pleine), concernera la revalorisation à destination des enseignants effectuant des missions complémentaires.

Le total de ces mesures s'élève à 935 millions d'euros en PLF 2023. La seule revalorisation « socle » aura un impact de 1,9 milliard d'euros en année pleine et 635 millions d'euros en 2023 .

Ces hausses s'ajoutent aux mesures prises après le Grenelle de l'éducation. Près de 58 % des enseignants devraient bénéficier de la prime d'attractivité en 2023 . Cela représente une hausse de 400 euros par an, soit 33 euros par mois supplémentaires en moyenne.

Impact des mesures de revalorisation salariale en PLF 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

II. LES ENJEUX DES REVALORISATIONS SALARIALES ANNONCÉES POUR LA RENTRÉE 2023

Le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale ont annoncé le déploiement à partir de 2023 d'une troisième tranche de revalorisation salariale à destination des enseignants débutants. L'objectif est que les enseignants débutants puissent bénéficier d'un traitement minimum de 2 000 euros nets à partir de la rentrée 2023 . Cela reviendrait à une hausse de 75 euros par mois au minimum. Cette revalorisation est scindée entre une part générale (dite « revalorisation socle ») de 10 % de la rémunération, accordée sans condition et une part à destination des professeurs exerçant des missions supplémentaires dans le cadre du Pacte enseignant (dite « revalorisation pacte »). Le chiffre de 10 % recouvre en réalité un certain nombre de hausses déjà annoncées, dont la hausse du point d'indice (qui compte pour 1,5 % sur les 10 %) et les mesures dites « Grenelle » (2 %).

La revalorisation « pacte » devrait être accordée aux enseignants effectuant des missions particulières sur une base volontaire. La prise en compte de missions supplémentaires constitue un outil d'amélioration du pouvoir d'achat des enseignants tout en permettant d'une part d'intégrer dans leur rémunération certaines tâches qu'ils effectuent déjà , et d'autre part de s'aligner sur la plupart des pays européens, dans lesquels la rémunération n'est pas uniquement liée au temps « devant élèves ».

III. UN SCHÉMA D'EMPLOI DES PROFESSEURS QUI ACCOMPAGNE LA BAISSE DU NOMBRE D'ÉLÈVES

Le schéma d'emplois connaît une baisse de 1 598 postes d'enseignants pour le seul enseignement public , aux deux-tiers (- 1 117 emplois) pour le premier degré et un tiers (- 481 emplois) pour le second degré (programme 141). Le programme 139 connaît une baisse équivalente à celle du programme 141, répartie entre premier et second degré . Les réductions de postes sont destinées à permettre une adaptation des recrutements à l'évolution de la démographie scolaire, sans compenser intégralement la baisse du nombre d'élèves .

Le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré diminue de 49 700 élèves à la rentrée 2022, soit une baisse de 1,2 % par rapport à la rentrée précédente, puis de 62 800 élèves à la rentrée 2023 (- 1,5 %). Si ces évolutions ne concernent pour l'instant le second degré que dans une moindre mesure, elles s'y étendront à partir de 2024 ( 23 000 élèves en moins en 2024 et autant en 2025 ).

Évolution du nombre d'élèves dans le premier degré public

Source : commission des finances d'après la DEPP

IV. UNE POLITIQUE D'INCLUSION À LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE EN QUESTION

A. PRÈS DE QUATRE MILLIARDS D'EUROS SONT CONSACRÉS À LA SCOLARISATION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP

En dix ans, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 126 000 dans le premier degré et 76 000 dans le second degré à respectivement 200 000 et 184 000, soit une hausse de 58,7 % des effectifs dans le primaire et près de 150 % dans le secondaire. À la rentrée 2022, plus de 430 000 élèves en situation de handicap sont attendus dans les écoles et établissements publics et privés sous contrat.

Les crédits consacrés à « l'école inclusive », c'est-à-dire la scolarisation des élèves en situation de handicap, sont en très nette hausse sur l'ensemble des dernières années. Au cours du dernier quinquennat, ces crédits ont augmenté de 116 % et de 11 % entre 2022 et 2023. La hausse de moyen terme ne peut qu'interroger, dans la mesure où, au cours des dix dernières années, les moyens consacrés à la scolarisation de handicap ont cru de plus de 300 %.

B. UN NOMBRE D'AESH QUI A ÉTÉ MULTIPLIÉ PAR CINQ DEPUIS 2015

L'effectif total d'AESH s'élève à 123 874 personnes, dont 56 965 rémunérées sur le titre 2 de l'État et 66 909 hors titre 2 . Cela correspond à près de 83 000 ETPT. 4 000 ETP supplémentaires ont été créés à la rentrée 2021, autant en 2022 et autant devraient l'être en 2023. Depuis 2017, le nombre d'AESH a augmenté de 55 %. 4 000 nouveaux postes sont créés en PLF 2023, comme les deux années précédentes.

Évolution du nombre d'AESH depuis 2015 (en ETP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

C. UN MODÈLE À RECONSTRUIRE POUR GARANTIR SA SOUTENABILITÉ

La particularité de la gestion de la scolarisation des élèves en situation de handicap est que l'Éducation nationale, en administration centrale comme dans les rectorats, n'a pas de visibilité sur les effectifs , dans la mesure où le nombre d'élèves scolarisés dépend de l'évolution des notifications effectuées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Cela entraîne une déconnexion entre le prescripteur et le payeur qui n'est pas soutenable à long terme. Il semble indispensable de consolider un référentiel national pour harmoniser les prescriptions d'aide humaine.

Réunie le jeudi 3 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

Au 10 octobre 2022, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 40 % des réponses portant sur la mission « Enseignement scolaire » étaient parvenues au rapporteur spécial.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE LA MISSION

A. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE STABLE

Cette année encore, la maquette de la mission « Enseignement scolaire » est stable, sa dernière modification remontant à la loi de finances pour 2006.

La mission « Enseignement scolaire » comporte six programmes :

- le programme 140 - « Enseignement scolaire public du premier degré » ;

- le programme 141 - « Enseignement scolaire public du second degré » ;

- le programme 230 - « Vie de l'élève » ;

- le programme 139 - « Enseignement privé du premier et du second degrés » ;

- le programme 214 - « Soutien de la politique de l'éducation nationale » ;

- le programme « 143 - « Enseignement technique agricole ».

Leur ampleur budgétaire est néanmoins extrêmement inégale, dans la mesure où le budget du programme 141 est près de 25 fois supérieur à celui du programme 143 . À eux seuls, les programmes 140 et 141 représentent 75 % des dépenses de la mission , contre seulement respectivement 3,5 % et 1,9 % pour les programmes 214 et 143.

Part des différents programmes dans les dépenses de la mission

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE LA MISSION DE 6,5 % EN 2023

Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » relevant du ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse s'élèvent en PLF 2023, en crédits de paiement (CP) et à structure courante, à 58,821 milliards d'euros hors contribution au CAS « Pensions » contre 55,245 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Cela correspond à une augmentation de 3,576 milliards d'euros, soit une progression de + 6,5 % par rapport à 2022.

En y incluant la contribution au CAS « Pensions », la mission atteint 82,470 milliards d'euros en AE et 82,317 milliards d'euros en CP.

Évolution des crédits de la mission « Enseignement scolaire »
y compris CAS « Pensions »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2023

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

AE

2 829,3

2 565,2

2 910,8

345,6

13,5%

11,8

CP

2 701,1

2 599,6

2 757,2

157,6

6,1%

11,8

230 - Vie de l'élève

AE

6 384,4

6 859,8

7 373,8

514

7,5%

2,1

CP

6 384,1

6 859,8

7 373,8

514

7,5%

2,1

139 - Enseignement privé du premier et du second degrés

AE

7 767,3

7 997,0

8 468,1

471,1

5,9%

0,6

CP

7 767,2

7 997,0

8 468,1

471,1

5,9%

0,6

141 - Enseignement scolaire public du second degré

AE

34 107,5

34 607,6

36 455,9

1848,3

5,3%

5,1

CP

33 976,3

34 607,6

36 455,9

1848,3

5,3%

5,1

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

AE

23 587,8

24 204,6

25 667,2

1462,6

6,0%

2,5

CP

23 587,6

24 204,6

25 667,2

1462,6

6,0%

2,5

143 - Enseignement technique agricole

AE

1 488,3

1 527,1

1 594,9

67,8

4,4%

0,0

CP

1 481,4

1 527,2

1 594,9

67,7

4,4%

0,0

Total mission

AE

74 163,2

77 761,3

82 470,7

4709,4

6,1%

21,6

CP

74 025,7

77 795,7

82 317,1

4521,4

5,8%

21,6

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette hausse concerne l'ensemble des programmes de la mission, mais est essentiellement centrée sur les dépenses de personnel, qui augmentent de 7,9 % du fait des mesures salariales qui seront détaillées infra . Les crédits des mesures hors titre 2 au PLF 2023 s'élèvent, en CP, à 5,609 milliards d'euros contre 5 676,6 milliards d'euros en LFI 2022, soit une diminution de 1,19 %.

En conséquence, l'essentiel de la hausse des crédits découle de l'intégration dans la trajectoire de la mission de la hausse du point d'indice d'une part, ainsi que des principales mesures de revalorisation des enseignants annoncées durant l'été 2022 par le Président de la République d'autre part. Le poids très important des dépenses de personnel dans les programmes 140 et 141 explique que leur trajectoire corresponde dans l'ensemble à l'évolution globale de la mission « Enseignement scolaire »

En outre, le renforcement des crédits dédiés à la scolarisation des élèves en situation de handicap explique une partie de la hausse du programme 230, l'action 03 « Inclusion scolaire » étant en hausse de 11,4 %.

On observe également une forte hausse de l'action 08 du programme 214 - Logistique, systèmes d'information, immobilier, 19,5 millions d'euros de plus étant prévus pour l'immobilier du ministère.

En revanche, l'action « scolarisation à 3 ans » du programme 230 est en très forte baisse (- 70 %). Cette action porte les compensations aux communes dont les dépenses ont augmenté par rapport à 2017 en lien avec l'augmentation du nombre d'élèves liée à la scolarisation obligatoire. La baisse traduit donc une normalisation de la situation.

Taux d'évolution du montant des crédits demandés par programme
en 2021, 2022 et 2023 par rapport aux LFI 2020, 2021 et 2022

Source : commission des finances

Cette hausse des dépenses de la mission de 6,5 % fait suite à celle de 2,6 % votée en 2021. La trajectoire pluriannuelle devrait cependant voir la dynamique haussière de la mission se stabiliser au cours des prochaines années, la croissance devant être limitée à 2 % puis 1 % au cours des années suivantes.

Évolution pluriannuelle prévisionnelle de la mission
Enseignement scolaire

(en euros)

Source : commission des finances

La hausse devrait être également répartie entre les différents programmes jusqu'en 2025, les variations oscillant entre + 8 % et + 13 %. Seul l'enseignement technique agricole connaîtrait une croissance inférieure, d'environ 5 % sur les trois prochaines années.

Évolution pluriannuelle prévisionnelle par programme

(en euros)

Source : commission des finances

II. UNE HAUSSE DE 3,6 MILLIARDS D'EUROS ESSENTIELLEMENT LIÉE AUX REVALORISATIONS SALARIALES DES ENSEIGNANTS

A. LES DÉPENSES DE PERSONNEL, POSTE MAJEUR DE LA MISSION ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

1. Une stabilité des dépenses de personnel en dehors des mesures de revalorisation
a) Plus d'1,2 million de personnes sont rémunérées par la mission Enseignement scolaire

La mission « enseignement scolaire » se caractérise par l'ampleur des dépenses de personnel. Le ministère de l'éducation nationale (MENJS) constitue le premier employeur public.

Ainsi, 1,2 million de personnes sont rémunérées par le ministère de l'Éducation nationale au titre de l'enseignement scolaire , dont 726 800 enseignants dans le secteur public et 142 500 dans le secteur privé, 274 000 agents au titre d'autres missions, et 11 000 agents n'étant pas en poste.

Effectifs 2020-2021

Enseignement

869 273

Secteur public

1 er degré

334 219

2 d degré

392 536

Secteur privé sous contrat

1 er degré

45 475

2 d degré

97 043

Autres missions (non-enseignement)

320 822

Aucune affectation

11 420

Ensemble des personnels

1 201 515

Source : DEPP, État de l'école 2021

(1) Les enseignants

Les enseignants représentent 70 % des personnels du ministère , soit près de 900 000 personnes, répartis presque à parité entre premier et second degré.

Répartition des enseignants en 2020 selon leur statut

Source : commission des finances d'après la DEPP

Environ 8 % des enseignants sont des contractuels, ce qui représente 29 710 ETP. 64,3 % interviennent dans des disciplines de l'enseignement général et technologique, les disciplines de l'enseignement professionnel représentant 10 326 ETP.

Si les difficultés de recrutement intervenues à la rentrée 2022 ont mis en avant le recours aux enseignants contractuels, leur proportion est tendanciellement à la hausse au cours des dernières années. Le nombre d'enseignants contractuels a augmenté de 13 % entre 2016 et 2021 en ETP et de 18 % en ETPT . Il a augmenté de 6 % entre les seules années 2020 et 2021.

Évolution du nombre d'enseignants contractuels dans le second degré
depuis 2016

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial a pu montrer dans un rapport précédent sur les enseignants en mathématiques 1 ( * ) que le recrutement d'enseignants contractuels concernait particulièrement les disciplines scientifiques. Toutefois, les lettres et sciences humaines sont également concernées. La discipline qui comptait le plus d'enseignants contractuels dans l'enseignement général et technologiques est l'anglais (près de 2 000 enseignants, les mathématiques arrivant en cinquième position avec 1 326 enseignants).

Nombre d'enseignants contractuels par discipline
dans le second degré public en 2021

Source : commission des finances

Comme l'indiquait le rapporteur spécial dans un rapport de contrôle de 2018 2 ( * ) , « il apparaît par conséquent indispensable que le ministère définisse un socle de règles communes à l'ensemble des académies en matière de procédure de recrutement ». À l'image de ce qui est actuellement mis en oeuvre dans les lycées professionnels, les contractuels permettent d'adapter les recrutements aux besoins locaux , mais la souplesse locale doit aller de pair avec un réel contrôle du niveau des enseignants et une formation adaptée.

(2) Les personnels non-enseignants

En 2021-2022, près de 333 000 personnes sont rémunérées au titre du ministère chargé de l'Éducation nationale pour des missions autres que l'enseignement .

Ce chiffre inclut toutefois l'ensemble des personnels dits « d'assistance éducative », y compris les accompagnants en situation de handicap ( AESH) qui représentent à eux seuls 177 200 personnes .

Tous les enseignants du premier degré ont une activité d'enseignement, à l'exception des directeurs d'écoles entièrement déchargés, qui représentent 1,6 % des enseignants du premier degré. On observe une proportion similaire dans le second degré, 1,7 % des personnels enseignants du second degré n'étant pas devant élèves 3 ( * )

Le personnel administratif proprement dit ne concerne que 57 000 personnes, essentiellement concentré dans les rectorats .

Les personnels non enseignants du scolaire en 2021-2022

Source : commission des finances d'après la DEPP

2. Une croissance soutenue des dépenses de personnel
a) Une croissance continue des dépenses de titre 2

La mission « Enseignement scolaire » a la particularité d'être essentiellement constituée de dépenses de personnel (titre 2), qui correspondent à 90 % des dépenses de la mission hors CAS « Pensions ».

Les programmes 140 et 141 portent quasi uniquement des dépenses de personnel, en grande majorité liées à la rémunération des enseignants comme indiqué plus haut. Le programme 139 comporte une part plus importante de dépenses d'intervention du fait du soutien apporté aux établissements scolaires privés. Le programme 230 est par construction le seul où les dépenses de personnel sont minoritaires, dans la mesure où il recouvre les reliquats des versements hors titre 2 des AESH et où il porte les crédits immobiliers et informatiques.

Ventilation des dépenses de la mission par titre

(en millions d'euro)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Les dépenses de personnel continuent d'augmenter par rapport à l'année précédente et tirent la croissance globale de la mission.

Le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel représente en 2023 53,213 milliards d'euros hors CAS, en augmentation de 7,6 % par rapport à l'année précédente .

Dépenses de personnel (titre 2)

en millions d'euros

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

Variation 2023/2021

Part des dépenses de personnel dans les dépenses totales en 2022

Programme 140
Enseignement public 1 er degré

23 614

24 162

25612

6,00 %

99,78%

Programme 141
Enseignement public 2 nd degré

33 981

34 500

36331

5,31 %

99,66%

Programme 230
Vie de l'élève

2 826

2 935

3624

23,48 %

49,15 %

Programme 139
Enseignement privé 1 er et 2 nd degrés

6 952

7 175

8468

18,02%

99 %

Programme 214
Soutien

1 781

1 819

1909

4,95 %

65,58 %

Programme 143
Enseignement technique agricole

973

996

1069

7,33 %

67,03 %

Total T2 sur la mission

70 127

71 587

77013

7,58 %

93,38 %

Total T2 hors CAS pension

49 285

50 569

53 212

5,23 %

90,46 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

(1) Un impact très marqué de la hausse du point d'indice

Compte tenu du poids des dépenses de personnel dans la mission, la hausse de 3,5 % du point d'indice décidée à l'été 2022 4 ( * ) a eu un impact budgétaire très important. En 2023, son coût sera d'1,2 milliard d'euros, soit un montant supérieur à celui des mesures catégorielles et qui explique à lui seul près d'un tiers de la hausse globale de la mission .

Un autre tiers découle des mesures catégorielles et en particulier des mesures de revalorisation à destination des enseignants. Le dernier tiers est partagé entre la compensation de la hausse du point d'indice sur les mois de l'année 2022 concernés et la prise en compte de facteurs structurels, en particulier le glissement vieillesse technicité (+ 770 millions d'euros).

Répartition de la hausse des dépenses de personnel sur la mission
Enseignement scolaire en 2023 (dont CAS « Pensions »)

(en CP en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

L'effet de la hausse du point d'indice sur 2023 explique à lui seul 34 % de la hausse du programme 140 (premier degré) et 31,4 % de celle du programme 141 (second degré). Elle a un impact plus faible sur le programme 230, dans la mesure où les AESH, qui constituent la grande majorité des emplois du programme, ne sont pas titulaires de la fonction publique.

Décomposition des facteurs d'évolution par programme

(en millions d'euros)

140

141

139

214

230

143

Variation des dépenses de personnel par rapport à 2022

+ 1 149

+ 1 836

+ 460

+ 90

+ 688

+ 70

Conséquences de l'exécution 2022 et impact du point d'indice 2022

357

554

110

45

77,5

4,1

Impact point d'indice 2023

400

576

119

23

69,2

12,5

Mesures catégorielles

387

452

194

16,5

57

2,6

Part de la hausse du point d'indice en 2023 dans l'évolution globale du programme

34,81 %

31,37 %

25,87 %

25,56 %

10,06 %

17,86 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

(2) Plus d'un milliard d'euros de mesures de revalorisations catégorielles

Les mesures de hausse des rémunérations s'élèvent à plus de 1,1 milliard d'euros en 2023.

Cette croissance peut elle-même se décomposer en plusieurs facteurs. Plus de la moitié (57 %) découle de la revalorisation des salaires des enseignants annoncée pour 2023 qui concernera la plus grande partie des enseignants. Un quart, soit 300 millions, concernera la revalorisation à destination des enseignants effectuant des missions complémentaires .

Enfin, 140 millions concerneront des revalorisations à destination des autres personnels, dont 74 millions pour permettre aux AESH de bénéficier de la prime en éducation prioritaire (REP/REP+).

Impact des mesures de revalorisation salariales en PLF 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

b) Un schéma d'emplois des enseignants en baisse

Le schéma d'emplois connaît une baisse de 1 598 postes d'enseignants pour le seul enseignement public , aux deux-tiers (- 1 117 emplois) pour le premier degré et un tiers (- 481 emplois) pour le second degré (programme 141). Le programme 139 connaît une baisse équivalente à celle du programme 141, répartie entre premier et second degré . Le schéma d'emplois rompt donc avec celui appliqué depuis 2020, qui visait à créer des postes dans le premier degré pour en supprimer à due concurrence dans le second, du fait des différentes mesures de renforcement du premier degré (en particulier dédoublement des classes en éducation prioritaire et plafonnement à 24 élèves par classe).

Les réductions de postes sont destinées à permettre une adaptation des recrutements à l'évolution de la démographie scolaire, sans compenser intégralement la baisse du nombre d'élèves ( cf. infra ).

La relative stabilité du plafond d'emploi de la mission (+ 667 ETPT) découle notamment du relèvement du plafond d'emploi des AESH (+ 10 000 ETPT sur le programme 230 , lié à la fois au schéma d'emploi et à l'intégration des AESH dans le titre 2). Le schéma d'emploi du programme 230 devrait augmenter de 4 100 ETP, destinés au recrutement de 4 000 AESH supplémentaires et 100 postes de conseillers principaux d'éducation.

Le plafond d'emploi de tous les autres programmes est à la baisse.

Évolution du plafond d'emplois
(dont impact des schémas d'emplois 2022 et 2023)

(en ETPT)

Source : réponses au questionnaire budgétaire

c) Des difficultés structurelles de recrutement accrues en 2022

Beaucoup a été dit sur les difficultés de recrutement des enseignants au cours des dernières années et tout particulièrement en amont de la rentrée 2022. Le rapporteur spécial renvoie là encore aux travaux qu'il a menés sur le sujet au printemps 2022 5 ( * ) .

La baisse du nombre de candidats a pour double corollaire une diminution du taux de sélectivité des concours ainsi qu'une hausse du nombre de postes non pourvus .

Dans le premier degré, à la session 2022 le taux de présents/poste (hors session supplémentaire) s'est établi à 1,8 contre 3,1 à la session 2021 . Le nombre de postes non pourvus s'élève à 1 686 ce qui représente 16,9 % des postes offerts. Dans le second degré, le taux de présents/poste était de 3,5 (47 909 présents pour 13 690 postes), contre 4,7 à la session 2021 (62 585 présents pour 13 390 postes).

En prenant en compte toutes les ressources apportées aux académies à la rentrée scolaire 2022 (les lauréats des concours 2022 nommés stagiaires et les néotitulaires issus des concours 2021), dans le premier degré les académies les plus en tension sont les académies de Créteil, Versailles, Paris et la Guyane.

Dans le second degré, le nombre de postes non pourvus s'élève à 2 070, ce qui représente 15,1 % des postes offerts . Certaines disciplines demeurent sous tension cette année. C'est par exemple le cas des lettres classiques où 57 % des postes sont pourvus pour 57,5 % à 62 % durant les trois années précédentes. D'autres disciplines présentent des taux d'admission également insuffisants en 2022. C'est le cas de la physique-chimie où 66,7 % des postes sont pourvus contre 80 % à 100 % durant les trois années précédentes. Plus largement, en incluant les voies professionnelles et technologiques, les principales disciplines en tension sont l'histoire géographie, la physique chimie, l'économie gestion (toutes options confondues), l'anglais, l'éducation musicale, les sciences industrielles de l'ingénieur, ainsi que la discipline « lettres-histoire ».

Évolution du concours de professeur des écoles

POSTES

INSCRITS

ADMIS

2018

2019

2020

2021

2022

2018

2019

2020

2021

2022

2018

2019

2020

2021

2022

Concours interne

491

422

463

417

503

4 841

3 957

3 556

4 200

4 378

322

278

353

327

357

6,3%

- 14,1%

9,7%

- 9,9%

20,6%

43,1%

- 18,3%

- 10,1%

18,1%

4,2%

- 9,3%

- 13,7%

27,0%

- 7,4%

9,2%

Concours externes

11 489

10 508

11 062

9 573

9 448

86 453

87 056

82 961

94 995

51 498

10 797

9 698

10 433

9 116

7 423

- 9,5%

- 8,5%

5,3%

- 13,5%

- 1,3%

0,1%

0,7%

- 4,7%

14,5%

- 45,8%

- 11,3%

- 10,2%

7,6%

- 12,6%

- 18,6%

Source : commission des finances

Évolution des candidats aux concours dans le second degré

2018

2019

2020

2021

2022

Postes

13 390

13 390

13 390

13 390

13 690

Inscrits

134 938

128 518

115 801

113 776

90 288

Présents

67 295

65 616

61 486

62 585

47 909

Admissibles

25 498

25 443

18 253

25 108

21 011

Admis

12 655

12 306

12 583

12 596

11 400

Liste complémentaire

163

168

758

142

220

taux de pression
inscrits/postes

10,1

9,6

8,6

8,5

6,6

taux de sélectivité*
présents/postes

5,0

4,9

4,6

4,7

3,5

taux de rendement
admis/postes

95%

92%

94%

94%

83%

Source : DGRH

S'il est vrai que cette année constituait une année de transition du fait de la réforme du recrutement des enseignants, les candidats devant désormais être titulaires d'un master et non plus être seulement inscrits en master, le rapporteur spécial a insisté dans ses précédents rapports sur le fait que ces chiffres traduisent une chute structurelle du nombre de candidats . Le nombre d'inscrits aux concours de l'enseignement du second degré a diminué de plus de 30 % en quinze ans, passant de 50 000 candidats présents en 2008 à 30 000 en 2020.

Le rapporteur spécial considère que, parmi l'ensemble des déterminants de la baisse d'attractivité du métier d'enseignant, deux facteurs peuvent être isolés.

Le premier, très documenté, est la compétition entre enseignement et secteur privé . Celle-ci est très sensible dans certaines disciplines, scientifiques et numériques tout particulièrement. Le rapporteur spécial a souligné dans un précédent rapport l'intérêt que peuvent représenter les initiatives anglaises mentionnées plus bas, en particulier s'agissant de la rémunération. Il est toutefois conscient des difficultés juridiques qui pourraient résulter des différences de rémunération entre deux enseignants de deux disciplines différentes. Il serait sans doute complexe d'envisager que les enseignants titulaires soient concernés, dans la mesure où les enseignants d'un même corps et de mêmes grade et échelon devraient juridiquement avoir le même traitement. En revanche, le rapporteur spécial souligne qu'une prime pour les contractuels permettrait de répondre en partie à la pénurie de contractuels qualifiés qui touche certaines académies, sans constituer une réponse globale au problème .

Rémunérations différenciées au Royaume-Uni selon les disciplines

En Angleterre, le ministère de l'éducation offre des compléments de rémunération non imposables, plus élevés pour les régions les moins attractives pour attirer les diplômés de « matières prioritaires » (mathématiques, physique, chimie, biologie, informatique, langues et géographie) vers l'enseignement et afin d'enrayer les départs précoces. De même, au Pays de Galles, des incitations à la formation des enseignants sont offertes aux diplômés pour qu'ils se forment à l'enseignement de ces disciplines dans l'enseignement secondaire.

Par ailleurs, le Premier ministre britannique a annoncé en octobre 2021 des augmentations de salaire pour les professeurs de mathématiques, de physique, de chimie et d'informatique . Les enseignants en début de carrière pourront bénéficier d'une hausse de salaire allant jusqu'à 3 000 livres non imposables par an. Il sera disponible pour les enseignants éligibles au cours des cinq premières années de leur carrière, et est soutenu par un engagement de financement de 60 millions de livres.

Le deuxième aspect est celui de la différence d'attractivité des territoires et surtout la différence de pouvoir d'achat entre les affectations pour une même rémunération d'enseignant . Le rapporteur spécial estime qu'il est aujourd'hui nécessaire d'ouvrir une réflexion sur les possibilités de modulation de la rémunération dans les territoires les moins attractifs . Les primes REP et REP+ ainsi que les primes accordées aux enseignants d'outre-mer constituent une première étape.

B. DES EFFORTS BUDGÉTAIRES NOTABLES À DESTINATION DES REVALORISATIONS DES RÉMUNÉRATIONS DES ENSEIGNANTS

1. Le constat répété de rémunérations insuffisantes
a) Malgré les dernières années de rattrapage, des rémunérations des enseignants français inférieures à la moyenne européenne

Dans l'enseignement élémentaire public, en 2019, le salaire effectif brut moyen des enseignants est plus faible en France qu'en Allemagne et dans la plupart des pays du nord de l'Europe , mais aussi qu'en Angleterre et au Portugal. Dans le premier cycle du second degré, il est en dessous de ceux en Allemagne et dans la plupart des pays d'Europe du Nord (Finlande, Danemark, Pays-Bas). Il est proche de ceux des enseignants suédois et anglais, et dépasse ceux des enseignants italiens. Dans le second cycle général de l'enseignement secondaire, les enseignants français ont toutefois un salaire effectif supérieur à celui de leurs homologues anglais et suédois , mais toujours inférieur à ceux des enseignants finlandais, danois, néerlandais et surtout allemands.

Le rapport annuel de l'agence européenne Eurydice 6 ( * ) montre que, en France, entre 2014 et 2019, les salaires statutaires bruts des enseignants en début de carrière ont augmenté de 2,3 % en euros constants pour les professeurs des écoles et 3,2 % pour les professeurs certifiés . Cette augmentation est inférieure à celle observée ailleurs en Europe.

Salaire moyen net mensuel des enseignants selon leur statut en 2020

(en euros)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Salaires mensuels moyens des enseignants du secteur public, 2020

(en euros)

Traitement indiciaire
brut

Primes et indemnités

Salaire
brut

Salaire
net

Salaire net EQTP

Montant

dont
heures sup.

Part de primes
(en %) (1)

Ensemble

2 748

411

137

12,8

3 220

2 596

2 686

Moins de 30 ans

2 039

318

77

13,3

2 390

1 929

1 998

50 ans ou plus

3 312

452

159

11,9

3 804

3 061

3 135

Enseignants du premier degré public

2 643

284

n.s.

9,5

2 990

2 397

2 479

Moins de 30 ans

2 038

255

n.s.

11,0

2 323

1 867

1 919

50 ans ou plus

3 192

312

n.s.

8,8

3 541

2 833

2 888

Dont enseignants titulaires

2 650

283

n.s.

9,4

2 996

2 402

2 482

Moins de 30 ans

2 040

250

n.s.

10,8

2 321

1 864

1 918

50 ans ou plus

3 200

310

n.s.

8,7

3 547

2 838

2 890

Professeurs des écoles

2 651

283

n.s.

9,4

2 997

2 403

2 483

Moins de 30 ans

2 040

250

n.s.

10,8

2 321

1 864

1 918

50 ans ou plus

3 210

310

n.s.

8,7

3 557

2 847

2 897

Classe normale

2 490

273

n.s.

9,6

2 831

2 271

2 357

Hors classe

3 440

295

n.s.

7,8

3 772

3 016

3 064

Classe exceptionnelle

3 839

465

n.s.

10,7

4 343

3 481

3 503

Dont enseignants non titulaires

1 856

447

n.s.

19,0

2 348

1 896

1 980

Enseignants du second degré public

2 843

525

251

15,3

3 426

2 774

2 875

Moins de 30 ans

2 040

385

152

15,6

2 463

1 997

2 090

50 ans ou plus

3 395

550

263

13,8

3 988

3 219

3 309

Dont enseignants titulaires

2 942

540

263

15,2

3 542

2 867

2 939

Moins de 30 ans

2 072

388

157

15,5

2 502

2 028

2 099

50 ans ou plus

3 491

563

272

13,7

4 098

3 307

3 375

Professeurs de chaire supérieure

4 395

2 160

1 834

32,5

6 651

5 575

5 574

50 ans ou plus

4 535

2 110

1 770

31,4

6 723

5 621

5 620

Professeurs agrégés

3 546

733

481

16,8

4 361

3 546

3 626

Moins de 30 ans

2 369

500

299

17,2

2 908

2 366

2 462

50 ans ou plus

4 144

734

466

14,9

4 938

3 998

4 064

Classe normale

3 225

722

480

17,9

4 038

3 290

3 376

Hors classe

4 223

727

466

14,5

5 009

4 053

4 122

Classe exceptionnelle

4 708

898

565

15,8

5 668

4 597

4 669

Professeurs certifiés

2 806

474

209

14,2

3 335

2 694

2 769

Moins de 30 ans

2 033

365

138

15,0

2 439

1 975

2 044

50 ans ou plus

3 365

490

218

12,6

3 896

3 137

3 210

Classe normale

2 475

458

199

15,3

2 992

2 422

2 495

Hors classe

3 514

484

226

12,0

4 041

3 251

3 325

Classe exceptionnelle

3 792

624

267

14,0

4 470

3 606

3 670

Professeurs d'EPS

2 824

487

197

14,4

3 370

2 723

2 781

Moins de 30 ans

2 057

405

138

16,1

2 508

2 033

2 102

50 ans ou plus

3 516

478

187

11,9

4 034

3 244

3 305

Classe normale

2 483

484

197

16,0

3 033

2 457

2 514

Hors classe

3 530

472

197

11,7

4 048

3 255

3 317

Classe exceptionnelle

3 807

581

203

13,1

4 434

3 571

3 626

Professeurs de lycée professionnel

2 920

593

255

16,6

3 573

2 899

2 948

Moins de 30 ans

2 039

415

179

16,6

2 503

2 035

2 100

50 ans ou plus

3 327

596

238

15,0

3 964

3 205

3 257

Classe normale

2 577

580

260

18,0

3 226

2 625

2 673

Hors classe

3 554

587

243

14,0

4 180

3 375

3 433

Classe exceptionnelle

3 851

749

252

16,1

4 655

3 764

3 810

Dont enseignants non titulaires

1 970

391

142

16,3

2 402

1 952

2 128

Moins de 30 ans

1 895

370

126

16,2

2 286

1 857

2 021

50 ans ou plus

2 046

366

136

15,0

2 447

1 987

2 182

Source : commission des finances d'après la DEPP, panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire

Les enseignants de plus de 50 ans gagnent en moyenne 50 % de plus que leurs collègues de moins de 30 ans , et jusqu'à 62 % de plus dans le second degré. Un professeur de moins de 30 ans ne gagne ainsi en moyenne que 1 806 euros nets par mois, soit 1,2 fois le salaire minimum de croissance (Smic), contre près de 1 000 euros supplémentaires en fin de carrière .

S'agissant de la comparaison avec le secteur privé, à niveau de formation équivalente, d'après l'OCDE, les salaires effectifs moyens des enseignants aux niveaux d'enseignement primaire et secondaire général représentent entre 81 % et 96 % des revenus des travailleurs diplômés de l'enseignement tertiaire en moyenne dans les pays et économies de l'OCDE. En France, cette proportion varie de 78 % dans l'enseignement primaire, à 99 % dans l'enseignement secondaire général .

Les salaires effectifs des enseignants français sont en deçà du revenu du travail des actifs ayant atteint au moins le niveau licence . Plus précisément, les salaires des professeurs sont inférieurs à ceux des actifs du privé de 20 % dans le préélémentaire, 22 % dans l'élémentaire et 12 % au collège. En revanche, les enseignants en lycée ont un niveau de salaire effectif quasiment égal à celui de la population totale des actifs, ce qui est notamment dû au poids des professeurs agrégés.

Salaires effectifs moyens bruts des enseignants par niveau d'enseignement, rapportés aux revenus des actifs travaillant diplômés
de l'enseignement supérieur en 2020-2021

(indice des actifs diplômés en base 100)

Source : DEPP, repères et références statistiques 2022

Par rapport aux autres fonctionnaires, le salaire moyen net des enseignants se rapproche de celui des brigadiers et gardiens de la paix , en dépit d'un traitement indiciaire brut des enseignants du secteur public équivalent à celui des attachés d'administration et des capitaines et lieutenants de police. Les primes représentent en effet un tiers de la rémunération de ces derniers, contre 15 à 18 % seulement pour un professeur.

La rémunération d'un professeur des écoles est inférieure au salaire moyen des fonctionnaires civils de catégorie B . En revanche, les professeurs agrégés font exception, étant en moyenne davantage rémunérés qu'un attaché d'administration.

Évolution des salaires mensuels bruts statutaires des enseignants
du secteur public entre 1990 et 2020

(en euros constants 2020)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Le rapporteur spécial a déjà montré l'érosion dans le temps du pouvoir d'achat des enseignants . A titre d'exemple, le salaire d'un professeur des écoles en début de carrière représentait 1,8 fois le SMIC en 1990, contre 1,5 fois en 2020 .

Rapport du salaire statutaire brut des enseignants au montant d'un SMIC brut
à temps plein

1990

2000

2010

2013

2015

2020

Professeurs des écoles

Début de carrière

1,8

1,6

1,4

1,4

1,4

1,5

10 ans de carrière

2,3

2,0

1,7

1,6

1,6

1,7

15 ans de carrière

2,5

2,1

1,8

1,8

1,7

1,8

Fin de carrière

3,7

3,2

2,7

2,6

2,5

2,6

Professeurs certifiés, d'EPS et de lycée professionnel

Début de carrière

1,9

1,7

1,5

1,5

1,5

1,6

10 ans de carrière

2,4

2,1

1,8

1,7

1,7

1,8

15 ans de carrière

2,6

2,2

1,9

1,8

1,8

1,9

Fin de carrière

3,8

3,2

2,8

2,6

2,7

2,7

Professeurs agrégés

Début de carrière

2,3

2,0

1,8

1,7

1,7

1,8

10 ans de carrière

3,1

2,6

2,3

2,1

2,2

2,3

15 ans de carrière

3,3

2,8

2,4

2,3

2,4

2,5

Fin de carrière

4,6

4,0

3,4

3,2

3,3

3,3

Source : DEPP

b) Des rémunérations trop peu avantageuses pour les débuts et milieux de carrière

L'OCDE 7 ( * ) distingue quatre types de gestion des carrières enseignantes :

- Le premier regroupe les pays ayant fait le choix d'une hausse forte au cours des débuts de carrière, puis d'une relative stabilité salariale . C'est le cas de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg ou de la Pologne.

- Le deuxième groupe inclut les pays où les augmentations salariales ont principalement lieu en fin de carrière . Cette catégorie inclut la Grèce, le Portugal ou l'Autriche.

- Le troisième concerne les pays où les rémunérations enseignantes augmentent modestement en début de carrière puis se stabilisent . C'est le cas du Danemark, de la Norvège, de la Finlande ou de la Suisse.

- Enfin, les rémunérations des enseignants sont relativement stables tout au long de la carrière des enseignants dans un nombre conséquent de pays européens : en Allemagne, Espagne, Italie ou encore en République Tchèque. Ce sont donc des structures de carrière dites « plates » .

La France se situe dans le deuxième groupe, l'avancement à l'ancienneté étant limité par l'âge très tardif du premier passage de grade . Il faut ainsi attendre vingt ans pour qu'un enseignant certifié connaisse son premier saut de grade . En conséquence, l'écrasante majorité des enseignants est rattaché à la classe normale : 77 % dans le premier degré, 64 % des certifiés et 66,4 % des agrégés , dans l'ensemble plus âgés. L'âge moyen des enseignants hors classe varie entre 53 et 55 ans, ce qui correspond à des enseignants presque en fin de carrière. Le même constat peut être étendu à la classe exceptionnelle, qui constitue le grade au-dessus du grade hors classe, qui ne concerne que très peu d'enseignants (entre 6 à 7 %) .

Répartition des enseignants titulaires du secteur public, en fonction
de leur corps et de leur grade en 2021-2022

Effectifs

Répartition par grade en %

Age moyen

Professeurs des écoles

Classe normale

271 476

77,3

40

Hors classe

58 177

16,6

53,5

Classe exceptionnelle

21 614

6,2

56,4

Ensemble

351 267

100

43,2

Professeurs certifiés

Classe normale

141 725

64,8

39,8

Hors classe

60 189

27,5

54,1

Classe exceptionnelle.

16 967

7,8

55,8

Ensemble

218 881

100

45,0

Professeurs agrégés

Classe normale

34 748

66,4

40,8

Hors classe

14 125

27,0

54,8

Classe exceptionnelle.

3 486

6,7

58,2

Ensemble

52 359

100,0

45,7

Source : commission des finances d'après la DEPP

Il faut 29 ans de carrière à un enseignant français pour atteindre le salaire maximum, contre 12 ans seulement à un enseignant danois.

Les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l'UE, mais c'est après dix et quinze ans d'ancienneté que l'écart avec la moyenne des pays européens atteint près de 10 000 dollars annuels . Le salaire statutaire en fin de carrière des enseignants du primaire en France est supérieur de 76 % au salaire statutaire des enseignants en début de carrière, la moyenne OCDE étant de 66 %. Selon l'OCDE 8 ( * ) , le salaire statutaire des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans de service est inférieur d'au moins 15 % à la moyenne de l'OCDE . Par comparaison, l'écart avec la moyenne de l'OCDE se situe entre 4 % et 9 % selon le niveau en tout début de carrière.

Différence entre les salaires statutaires des enseignants européens
dans le premier degré à différents stades de leur carrière
pour l'année 2020-2021

(en dollars en parité de pouvoir d'achat)

Source : Commission des finances d'après l'OCDE, Regards sur l'éducation 2021 et Eurydice

La DEPP a mené en 2022 un travail d'évaluation auprès de 200 000 personnels de l'Éducation nationale pour construire un « baromètre du bien-être au travail des personnels de l'Éducation nationale ». Il ressort de cette étude que le taux de satisfaction des personnels sur les perspectives de carrière est extrêmement bas (3,1/10 en moyenne), soit une préoccupation qui apparaît plus grande que celle d'une rémunération insuffisante (3,4/10 , un taux qui reste également faible).

Seuls 2,8 % des enseignants du premier degré déclarent répondre positivement à la question « les possibilités de carrière hors de votre métier actuel qui vous sont offertes au sein de la fonction publique sont-elles attractives ou très attractives ». Les réponses ne sont guère plus satisfaisantes dans le second degré, dans la mesure où 5,6 % des enseignants répondent oui à la même question.

Déclarations des personnels sur la satisfaction vis-à-vis de leurs conditions
de travail en 2022

Diriez-vous que vos conditions de travail sont satisfaisantes ?

Vos perspectives de carrière (avancement, promotion, rémunération) vous paraissent-elles satisfaisantes ?

Êtes-vous satisfait(e) de votre niveau de rémunération ?

Dans l'ensemble, êtes-vous satisfait(e) de l'équilibre entre votre vie professionnelle et votre vie personnelle ?

Dans quelle mesure le sentiment d'épuisement s'applique-t-il à votre expérience professionnelle actuelle ?

Les possibilités de carrière hors de votre métier actuel qui vous sont offertes au sein de la fonction publique sont attractives ou très attractives.

Les possibilités de carrière hors de la fonction publique sont attractives ou très attractives.

Note moyenne sur 10 (10 correspond à « tout à fait » et 0 à « pas du tout »)

Pourcentage

Personnels de l'Éducation nationale

4,9

3,1

3,4

5,7

6,8

4,5 %

13,2 %

Personnels du premier degré

4,7

3,1

3,4

5,6

7,1

2,8 %

9,2 %

Personnels du second degré

5,0

3,0

3,4

5,8

6,6

5,6 %

15,5 %

Personnels médico-sociaux

4,6

3,0

3,5

6,3

6,5

5,4 %

28,8 %

Source : Baromètre du bien-être au travail des personnels de l'Éducation nationale, DEPP

Au-delà des enjeux de revalorisation salariale au sens strict, il est essentiel d'engager une réflexion de fond sur la structuration de la carrière des enseignants . En d'autres termes, la revalorisation des enseignants ne peut-être être uniquement constituée de mesures indemnitaires, mais doit s'accompagner de nouvelles perspectives sur le déroulement de carrière.

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, plusieurs pistes sont actuellement à l'étude. A ainsi été évoquée la possibilité d'anticiper les bonifications d'ancienneté pour accélérer les débuts de carrière .

Concernant les passages de grade, plusieurs possibilités ont été soulevées, notamment celle d'avancer la plage d'appel pour le passage à la hors classe pour qu'il advienne plus tôt dans la carrière. Le taux de promotion pourrait également être modifié (il se situe actuellement à 18 % et est commun aux premier et au second degré). Les effectifs concernés par le passage à la classe exceptionnelle sont par ailleurs aujourd'hui contingentés à 10 % du corps. Ce seuil sera atteint dès 2023, et il serait donc nécessaire de le moduler afin de maintenir les possibilités d'avancement.

Le rapporteur spécial souligne également les enjeux de reprise d'ancienneté , qui vient d'être réformée pour le troisième concours, ce dont il se félicite à l'heure où les recrutements de professeurs ayant déjà exercé une première carrière augmentent. Dès lors que les contractuels constituent une ressource de plus en plus utilisée par le ministère de l'éducation nationale, il serait utile de leur permettre de capitaliser sur leur carrière précédente, afin d'attirer des profils diversifiés.

c) Les facteurs influant sur la rémunération des enseignants
(1) Un poids des primes dans la rémunération

En dépit de niveaux de rémunération peu élevés par rapport à l'OCDE, la France est le pays qui prévoit le plus de primes (13 indemnités et primes sur les 14 comptabilisées par l'OCDE) en plus de la part indiciaire de traitement, suivi de la Slovaquie et de la Croatie (12 indemnités et primes). Dans certains pays, comme l'Ecosse ou l'Allemagne, les compensations financières sont directement intégrées au salaire des enseignants.

Cela conduit à ce que, bien que la grille de rémunération indiciaire des enseignants du premier degré et des enseignants certifiés du second degré soit identique , la rémunération moyenne est plus élevée dans le second degré du fait du poids des enseignants certifiés et des heures supplémentaires. Les primes représentent en moyenne 9,2 % du salaire brut des enseignants du premier degré et 15,6 % de celui des enseignants du second degré.

Pour un professeur du premier degré, le montant moyen des diverses primes et indemnités s'élevait en 2020 à 265 euros . Il atteignait 500 euros dans le second degré . Ces montants ont encore augmenté avec la prime d'attractivité versée dans le cadre du Grenelle de l'éducation ( cf. infra )

Décomposition des facteurs de rémunération brute des enseignants en 2020

(en euros)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Les primes attribuées aux enseignants français

Certaines primes concernent en réalité l'ensemble des enseignants.

Pour les professeurs des écoles titulaires, c'est le cas de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) qui s'élève à 100 euros bruts mensuels. Dans le second degré, il s'agit de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) dont la part fixe s'élève à 101 euros bruts mensuels.

En outre, depuis 2021, les enseignants touchent les primes dites « Grenelle » dont 150 euros par an net par enseignant pour l'informatique ou une prime d'attractivité allant jusqu'à 100 euros net par mois pour les enseignants en début de carrière.

Au-delà de ces primes « générales », plusieurs types de bonifications sont intégrés à la rémunération des enseignants français. Le premier type de prime inclut les indemnités relatives aux tâches et responsabilités autres que l'enseignement :

- responsabilité de direction ou autres en plus de celles d'enseignement : l'indemnité pour mission particulière varie de 312 euros à 3 750 euros. Par ailleurs, pour les enseignants du premier degré qui assurent la fonction de directeur d'école, l'indemnité de sujétion spéciale de direction varie de 1 795 euros à 2 195 euros (hors éducation prioritaire) selon le nombre de classes de l'école ;

- Conseil aux élèves (orientation professionnelle, supervision des élèves, prévention de la délinquance...) : 1 200 euros dans le premier degré (ISAE) et 1 214 euros dans le second degré (ISOE) ;

- Contribution aux activités extrascolaires : entre 22 euros et 27 euros par heure dans le premier degré ;

- Formation des futurs enseignants et soutien aux collègues enseignants : les professeurs maîtres formateurs (1 er degré) touchent 1 250 euros brut par an, et les professeurs formateurs académiques (2 nd degré) 834 euros par an ;

- Mission de professeur principal : les professeurs principaux du secondaire bénéficient de la part variable de l'ISOE (de 906 euros à 1 426 euros, hors éducation prioritaire).

- Participation à des programmes de tutorat ou de soutien aux enseignants nouvellement diplômés : 1 250 euros brut par an ;

- Paiement des heures supplémentaires . Dans le second degré, les heures supplémentaires années (HSA) constituent une part conséquente de la rémunération : le montant de la 1 ère HSA accomplie par les enseignants au-delà de leur volume d'heure obligatoire est majoré de 20 %. Les heures supplémentaires effectives (HSE) sont rétribuées à raison de 1/36 e d'HSA, majoré de 25 %.

La France figure en revanche parmi les pays d'Europe qui accordent le moins de primes relatives aux qualifications, aux formations et aux performances des enseignants . Seule entre dans cette catégorie l'allocation de formation qui rémunère les jours de formations suivis par les enseignants pendant les vacances scolaires, plafonnée à 120 euros par jour et dans la limite de cinq jours par année scolaire.

Il existe par ailleurs plusieurs types d'indemnités liées aux conditions d'enseignement :

- Enseigner à des élèves à besoins éducatifs particuliers ( élèves en situation de handicap ) dans des classes ordinaires : 2 500 euros brut par an dans le 1 er degré. Les professeurs spécialisés bénéficient en revanche de 844 euros à 2 609 euros brut par an (tous niveaux confondus) ;

- Enseigner dans une zone défavorisée, reculée ou avec un coût de la vie élevé : la prime REP s'élève à 1 734 euros par an, et la prime REP+ à 5 114 euros bruts auxquels s'ajoute une part variable visant à reconnaître l'engagement collectif des équipes et des établissements comprise entre 200 euros et 600 euros nets par an.

Enfin, les enseignants peuvent percevoir des indemnités et allocations liées à leur situation familiale ou leur lieu de résidence.

(2) Une variable de la rémunération des enseignants : le recours accru aux heures supplémentaires

Le rapporteur spécial considère que la politique de recours aux heures supplémentaires dans le second degré constitue une souplesse utile pour faire face aux éventuelles difficultés de recrutement. Un ETP correspond à 648 heures supplémentaires par an . Le recours aux heures supplémentaires permet également de relever le nombre moyen d'heures d'enseignement par professeur, qui aura ainsi augmenté de 13 % sur les 30 dernières années en lycée, et dans une moindre mesure de 7 % au collège .

Tous les professeurs ne sont pas concernés de la même manière par le recours aux heures supplémentaires. De manière générale, moins un enseignant doit effectuer d'heures réglementaires, plus son volume moyen d'heures supplémentaires est élevé. Dans le cas des enseignants agrégés, leur nombre moyen d'heures supplémentaires est accru par les heures d'interrogations : un enseignant en CPGE effectue en moyenne 3,5 heures supplémentaires par semaine, contre 1,25 en collège et 1,73 en lycée .

Nombre moyen d'heures supplémentaires en 2021 par semaine de cours
par catégorie d'enseignants

Source : commission des finances d'après la DEPP

Il convient de discerner les heures supplémentaires années (HSA) , intégrées dans l'emploi du temps des enseignants et qui sont en quelque sorte des heures « pérennisées » des heures supplémentaires effectives (HSE) , qui sont des heures ponctuelles, notamment pour du remplacement.

Le nombre d'HSA que les enseignants peuvent être tenus d'effectuer, dans l'intérêt du service en sus de leur maximum hebdomadaire de service, a été porté à deux en 2019 9 ( * ) . Cette évolution semble avoir été acceptée par les enseignants, ce dont se félicite le rapporteur spécial. Depuis le 1 er septembre 1999, le montant de la 1 ère HSA accomplie par les enseignants au-delà de leur volume d'heure obligatoire est majoré de 20 % 10 ( * ) . Les HSA sont donc partie intégrante de la rémunération des enseignants : une HSA représentait en moyenne 1 370 euros en 2021, et 1 257 euros pour un enseignant titulaire du Capes . Un enseignant certifié du secondaire qui effectue deux HSA, cas le plus fréquent, voit donc en moyenne s'ajouter à son traitement environ 2 500 euros par an, soit 200 euros par mois .

Montant moyen annuel d'une HSA

(en euros)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Depuis le 1 er janvier 2008, les HSE sont quant à elles rétribuées à raison de 1/36 e d'HSA, majoré de 25 % 11 ( * ) . À titre d'exemple, le montant de l'HSE d'un professeur certifié de classe normale s'élève à 43,6 euros en 2021 .

Concernant le coût total des heures supplémentaires, il s'élevait à 1,462 milliard d'euros, en augmentation de 304 millions d'euros par rapport à l'année précédente

Le montant des crédits au titre des heures supplémentaires (y compris vacations) inscrit au PLF 2023 progresse de 55 millions d'euros par rapport à la LFI 2022 en raison de l'impact de l'augmentation de la valeur du point d'indice.

Ventilation de la dépense relative aux heures supplémentaires

(en euros)

Source : commission des finances d'après Repères et références statistiques

Cette augmentation des heures supplémentaires permet l'augmentation des moyens d'enseignement dans le second degré, tout en favorisant le pouvoir d'achat des professeurs qui les effectuent.

2. Les effets des revalorisations ciblées des années précédentes
a) Le Grenelle de l'éducation a entraîné une première tranche de mesures ciblées

Diverses mesures ont été annoncées par le Gouvernement dans le cadre du Grenelle de l'éducation ayant eu lieu en 2020 à destination des personnels enseignants. Ces mesures « Grenelle » recouvraient initialement :

- 178 millions d'euros de prime d'équipement informatique , soit 150 euros par an net par enseignant ;

- 260 millions d'euros sous forme de prime d'attractivité visant à accélérer l'augmentation du traitement en début de carrière ;

- 50 millions d'euros d'augmentations catégorielles, notamment à destination des chefs d'établissement et directeurs d'école . Ils complètent l'indemnité exceptionnelle d'un montant de 450 euros bruts versée aux directeurs d'école en 2019-2020 ;

- 2,75 millions d'euros pour le passage du taux de promotion à la hors classe de 17 % à 18 %.

À ces mesures générales s'ajoutait une enveloppe indemnitaire ad hoc de 30 millions d'euros destinée à accompagner les mesures de l'agenda social relatives aux ressources humaines .

Ces mesures avaient en 2021 un coût de 440 millions d'euros. Celui-ci a presque doublé en 2022 pour atteindre 726 millions d'euros, dont 600 de mesures nouvelles . Au total, sur 2021-2022, les mesures de revalorisation salariale auront eu un coût de 1,16 milliard d'euros.

La prime « Grenelle » d'attractivité

Cette prime avait pour objectif de permettre une progression plus rapide au cours des 15 premières années de carrière.

La prime d'attractivité varie en effet suivant l'échelon, en privilégiant les 15 premières années de carrière et en appliquant un principe dégressif. Les contractuels dont l'indice de rémunération se situe en-deçà de l'indice brut 591 étaient également éligibles.

La prime a concerné 31 % des enseignants titulaires et 96 % des contractuels en 2021, bénéficiant d'une hausse comprise entre 1 400 euros et 500 euros bruts annuels pour les titulaires et entre 400 et 800 euros pour les contractuels. Un professeur débutant gagne ainsi 100 euros nets de plus chaque mois. Un contractuel en début de carrière gagne 54 euros nets de plus chaque mois.

Elle devait concerner en 2022 58 % des enseignants pour un montant total de 245 millions d'euros .

Ces mesures de revalorisation s'inscrivent partiellement dans la continuité des années précédentes. C'est par exemple le cas de la revalorisation du dispositif indemnitaire de l'éducation prioritaire mise en oeuvre depuis la rentrée scolaire 2018 12 ( * ) qui représente 29 millions d'euros supplémentaires en 2021, soit 48,6 millions d'euros au total en année pleine.

b) Les effets de ces mesures en PLF 2023

L'impact en année pleine en 2023 de certaines des mesures « Grenelle » s'élève à 44 millions d'euros.

Près de 419 000 enseignants, soit les 58 % des enseignants déjà concernés en 2022, devraient bénéficier de la prime d'attractivité en 2023 , soit un coût de 200 millions d'euros environ. Cela représente une hausse de 400 euros par an, soit 40 euros par mois supplémentaires en moyenne .

Coût des mesures de revalorisation salariales des enseignants
dans l'enseignement public

(en ETP et en euros)

Second degré

Premier degré

ETP concernés

Coût 2021

Coût 2022

Coût 2023

ETP concernés

Coût 2021

Coût 2022

Coût 2023

Mesures statutaires

292 299

-3 157 485

18 028 440

23 156 095

Dont mise en oeuvre du protocole Parcours carrière et rémunération (PPCR)

2 280

10 262 815

10 262 815

6 100 000

4 652

11 696 798

11 696 798

7 900 000

Dont relèvement du taux de promotion des enseignants (18 %)

907

1 023 649

3 070 947

1 075

1 307 889

3 923 667

Effet sur 2023 des mesures de revalorisation antérieures

19 500 000

14 700 000

Prime Grenelle d'attractivité

226 169

65 244 931

97 867 397

112 122 000

192 637

56 433 829

84 650 744

90 500 000

Prime d'équipement informatique

386 619

74 849 488

74 849 488

335 597

62 018 244

62 018 244

Requalification de la filière administrative

525

1 002 375

3 007 125

Prime de fidélisation Seine-Saint-Denis

699

1 537 200

1 537 200

381

808 500

808 500

Éducation prioritaire

15 319

2 628 674

7 886 022

32 770

5 367 724

16 103 172

Autres mesures Grenelle

8 343 545

8 343 545

119 362

1 432 344

Mesures 2023

400 100 000

339 000 000

Revalorisation socle 2023

-

-

269 900 000

-

-

229 500 000

Revalorisation « pacte » 2023

-

-

130 200 000

-

-

109 500 0000

Total revalorisations

153 898 512

190 333 292

419 600 000

142 776 099

188 169 099

353 700 000

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

3. « Débuter à 2 000 euros par mois » : un engagement à saluer en faveur des jeunes enseignants mais des interrogations qui demeurent
a) Une hausse de 10 % jusqu'en milieu de carrière
(1) 2 000 euros par mois et hausse de 10 % : quels publics concernés ?

Le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale ont annoncé le déploiement à partir de 2023 d'une troisième tranche de revalorisation salariale à destination des enseignants débutants. L'objectif est que les enseignants débutants puissent bénéficier d'un traitement minimum de 2 000 euros nets à partir de la rentrée 2023 .

Lors de son discours aux recteurs à la Sorbonne jeudi 25 août 2022, le Président de la République avait indiqué que seraient mises en place de nouvelles revalorisations salariales pour les enseignants. La cible annoncée était un minimum de rémunération de 2 000 euros nets par mois en début de carrière . Cela reviendrait à une hausse de 75 euros par mois au minimum.

Cette revalorisation est scindée entre une part générale (dite « revalorisation socle ») de 10 % de la rémunération, accordée sans condition et une part à destination des professeurs exerçant des missions supplémentaires dans le cadre du Pacte enseignant (dire « revalorisation pacte »). Le total de ces mesures s'élève à 935 millions d'euros en PLF 2023 . La revalorisation étant accordée à partir de la rentrée 2023, elle ne concernera que quatre mois de rémunération et son coût en année pleine sera donc beaucoup plus important.

La seule revalorisation « socle » aura un impact de 1,9 milliard d'euros en année pleine et 635 millions d'euros en 2023.

Le chiffre de 10 % recouvre en réalité un certain nombre de hausses déjà annoncées, dont la hausse du point d'indice (qui compte pour 1,5 % sur les 10 %) et les mesures dites « Grenelle » (2 %).

Sur le principe, le rapporteur spécial considère que cette dynamique va dans le sens d'un rattrapage des salaires enseignants qui contribue à normaliser leur situation par rapport à leurs collègues européens. L a poursuite des revalorisations était indispensable pour restaurer l'attractivité du métier d'enseignant , en particulier dans les disciplines les plus en tension.

Cette revalorisation est d'autant plus justifiée que la réforme des recrutements des professeurs entrée en vigueur en 2021 a élevé le niveau de diplôme requis . Dans la mesure où les candidats aux concours d'enseignant doivent désormais être titulaires d'un master, le ministère doit veiller à ce que le décrochage avec les revenus offerts aux titulaires de diplômes de même niveau ne s'accroissent pas outre-mesure, sous peine de creuser les difficultés de recrutement qui sont déjà problématiques dans certaines disciplines.

De nombreuses interrogations demeurent toutefois quant au périmètre des enseignants pouvant bénéficier de cette hausse, qui sera fixé à l'issue des négociations débutées en octobre 2022. Le ministre de l'Education nationale a indiqué que les enseignants devaient bénéficier d'une augmentation pendant les vingt premières années de leur carrière. Il serait logique que cette hausse ne soit ni linéaire ni identique pour l'ensemble des enseignants concernés, sous peine d'un effet de seuil fort une fois passé les vingt ans qui serait très désincitatif pour la seconde partie de carrière.

La revalorisation « pacte » devrait être accordée aux enseignants effectuant des missions particulières sur une base volontaire. Elle est dotée de 300 millions d'euros en 2023, son coût en année pleine étant évalué à 900 millions d'euros mais dépendra fortement du nombre d'enseignants ayant adhéré au Pacte enseignant.

Concernant le contenu de ces missions supplémentaires, une concertation avec les organisations syndicales a débuté à l'automne et s'intensifiera à partir de janvier 2023. Le rapporteur spécial sera très attentif à l'évolution des réflexions en cours.

(2) D'autres mesures catégorielles ciblées prévues par le PLF 2023

Au-delà des évolutions concernant la rémunération des enseignants, plusieurs augmentations de crédits à destination d'autres personnels sont également prévues.

Plusieurs mesures concernent les futurs enseignants. Ainsi, l'indemnisation des stages d'observation des 15 000 étudiants en master Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) devrait s'élever à 15 millions d'euros , contre seulement 5 millions d'euros prévus en 2022.

Dans le même ordre, le dispositif de préprofessionnalisation permettant à des étudiants dès la deuxième année de licence d'être recrutés en tant qu'assistants d'éducation est en hausse de 55 millions d'euros par rapport à 2022, pour atteindre 178 millions d'euros. Cette hausse résulte à la fois de l'augmentation prévue du nombre d'étudiants concernés et de l'extension du recrutement aux étudiants de masters 2 à la suite de la réforme de la formation initiale des enseignants en 2021 qui a décalé d'un an le passage des concours de l'enseignement.

Le dispositif de préprofessionnalisation

La loi pour une école de la confiance prévoit à son article 49 la possibilité pour les écoles, collèges et lycées de recruter des assistants d'éducation pour qu'ils y exercent des fonctions d'enseignement intégrées à leurs parcours de préprofessionnalisation .

Ce contrat de droit public proposé depuis 2019 aux étudiants inscrits en deuxième année de licence conjugue le cycle de formation universitaire avec une formation pratique dans un établissement. Les missions confiées aux AED en préprofessionnalisation sont à caractère pédagogique et évoluent progressivement vers l'enseignement en pleine responsabilité devant élèves lorsqu'ils sont inscrits en master MEEF.

Ce dispositif de préprofessionnalisation peut se cumuler avec le parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE) : adossé à un parcours de licence généraliste, il est dispensé en partie dans un lycée et en partie dans une université pendant les trois années de licence (L1, L2 et L3). À partir de la deuxième année de licence, les étudiants en PPPE peuvent bénéficier à profit du dispositif AED en préprofessionnalisation qui leur apporte un complément de formation en prise avec la réalité de la classe et les amène à se projeter concrètement dans le métier d'enseignant.

Ce dispositif a pris effet à la rentrée scolaire 2019, avec 1 181 étudiants recrutés en L2, 1 884 nouveaux recrutements à la rentrée 2020 et 2 467 à la rentrée 2021. 3 000 recrutements sont respectivement prévus pour les rentrées 2022 et 2023. Environ 9 000 étudiants sont actuellement concernés .

Le rapporteur spécial a pu souligner par le passé l'intérêt de ces dispositifs, qui permettent de familiariser les étudiants avec l'exercice concret de leur futur métier en amont des concours . Ils p ermettent de s'assurer de leur choix de continuer à exercer, et donc de réduire les démissions précoces tout en leur assurant une montée en compétence pendant leurs études.

La réforme des concours enseignants a également entraîné une hausse des crédits des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) à hauteur de 9,4 millions d'euros afin de financer l'année supplémentaire de formation pour les enseignants stagiaires.

Les crédits prévus dans le projet de loi de finances permettront également des revalorisations pour les autres professionnels de l'éducation à hauteur de 66 millions d'euros, à destination des personnels sociaux et de santé ; des personnels administratifs et techniques et des personnels d'encadrement.

Enfin, 74 millions d'euros sont prévus pour l'extension de la « prime REP » à destination des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) en 2023. D'autres mesures de professionnalisation des AESH sont également poursuivies et seront développées plus bas.

b) Les enjeux de la définition du Pacte enseignant

Le rapporteur spécial a noté dans des rapports précédents que la nature des primes accordées aux enseignants français est trop souvent peu incitative. Il a relevé la nécessité d'une hausse d'ampleur de la rémunération des enseignants et centrée sur les débuts de carrière, afin de parvenir à l'indispensable rattrapage de nos voisins européens. Cette hausse ne peut faire l'économie de la prise en compte de nouveaux facteurs dans l'évolution de la rémunération des enseignants .

Le rapporteur spécial considère que la prise en compte de missions supplémentaires constitue un outil d'amélioration du pouvoir d'achat des enseignants tout en permettant d'une part d'intégrer dans leur rémunération certaines tâches qu'ils effectuent déjà , et d'autre part de s'aligner sur la plupart des pays européens, dans lesquels la rémunération n'est pas uniquement liée au temps « devant élèves ». La prise en compte de nouvelles missions lui semble aller dans le bon sens.

La mission la plus fréquemment évoquée comme une possibilité est la réalisation de remplacements de courte durée. Si le système de remplacement dans le premier degré est relativement efficace (8 % des enseignants du premier degré sont exclusivement dédiés à des missions de remplacement, permettant d'atteindre un taux de remplacement de plus de 90 %), le système de remplacement de courte durée dans le second degré, censé être effectué sur les ressources propres de l'établissement, est très lacunaire.

Pourraient également être intégrées dans le pacte enseignant des missions déjà effectuées par certains enseignants, notamment des tâches de coordination ou de suivi.

D'autre part, le rapporteur spécial a souvent souligné l'insuffisance du système français de formation continue. Sans sous-estimer les limites des formations proposées, il serait sans doute utile d'aller vers une prise en compte des formations parmi les missions ouvrant droit à une rémunération complémentaire .

III. LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UTILISER LA BAISSE DÉMOGRAPHIQUE POUR POURSUIVRE LE RENFORCEMENT DU PREMIER DEGRÉ

Le rapporteur spécial souligne depuis des années la nécessité de construire la politique de la mission « Enseignement scolaire » en anticipant les grandes évolutions démographiques en cours .

Il se félicite donc que, pour la première fois, le Gouvernement ait mis en avant l'argument démographique dans la préparation du budget 2023 13 ( * ) , qui rejoint la recommandation émise par le rapporteur spécial l'année précédente de tirer profit des évolutions de la population scolarisée afin d'améliorer la qualité de l'enseignement et d'aligner les taux d'encadrement avec la moyenne européenne.

1. A la rentrée 2023, la baisse du nombre d'élèves concernera l'ensemble des niveaux

Après une hausse continue de 2011 à 2016, les effectifs en élémentaire diminuent de plus en plus fortement à chaque rentrée depuis 2017 . Les élèves entrés à l'école primaire à la rentrée 2022 sont beaucoup moins nombreux que ceux qui ont quitté le premier degré pour entrer dans le secondaire 14 ( * ) . Le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré diminue de 49 700 élèves à la rentrée 2022, soit une baisse de 1,2 % par rapport à la rentrée précédente, puis de 62 800 élèves à la rentrée 2023 (- 1,5 %).

Le nombre total d'élèves dans le premier degré, en incluant le préélémentaire, s'établit à 6,46 millions à la rentrée 2022 . Il devrait poursuivre sa baisse aux rentrées suivantes, passant de 6 370 800 élèves à la rentrée 2023 à 6 166 200 à la rentrée 2026.

La baisse du nombre d'élèves est encore plus accentuée dans le milieu rural, où il a diminué de 11,8 % en maternelle et de 5,3 % dans le primaire, que dans les villes, où la chute est limitée à 7,8 % en maternelle et 0,8 % en primaire. C'est en éducation prioritaire que la chute est la plus limitée, ces classes accueillant donc proportionnellement de plus en plus d'élèves. Le nombre d'élèves en primaire en éducation prioritaire est resté stable depuis 2015.

Évolution du nombre d'élèves dans le premier degré public

Source : commission des finances d'après la DEPP

Si ces évolutions ne concernent pour l'instant le second degré que dans une moindre mesure, elles s'y étendront à partir de 2024 ( 23 000 élèves en moins en 2024 et autant en 2025 ) 15 ( * ) . A partir de 2026, la chute démographique atteindra également le lycée, pour lequel le pic du nombre d'élève est atteint à la rentrée 2022.

Évolution du nombre d'élèves dans le second degré

Source : commission des finances d'après la DEPP

2. Approfondir l'amélioration du taux d'encadrement dans le premier degré

Ces évolutions démographiques ont en effet un corollaire positif, à savoir l'amélioration du taux d'encadrement.

a) Un nombre moyen d'enfants par classe toujours trop élevé

La France se caractérise toujours par un nombre d'enfants par classe nettement supérieur à la moyenne européenne, particulièrement dans le premier degré. Dans le premier degré, la France présente le taux le plus fort au sein de l'Union européenne avec près de 19 élèves par enseignant dans l'élémentaire et plus de 23 élèves par enseignant dans le préélémentaire . Si les personnels auxiliaires sont comptabilisés en plus des enseignants (Atsem dans le cas français), comme le fait l'OCDE, le taux d'encadrement descend à 16 élèves par personnel en France et à 12 élèves en moyenne dans l'Union européenne. Dans le premier cycle du secondaire en France, le taux d'encadrement est meilleur que dans le premier degré et s'élève à 14 élèves par enseignant . Il reste cependant plus élevé que dans tous les autres pays, sauf aux Pays-Bas (16) et au Royaume-Uni (15).

Nombre moyen d'élèves par enseignant et par niveau en 2018

1 er degré Second degré

Source : État de l'école 2021, DEPP

Seule exception, dans le second cycle du secondaire, lycées professionnels, généraux et technologiques confondus, le taux d'encadrement en France, à 11 élèves par enseignant est meilleur que celui de la moyenne UE-28 (12) et surtout que celui des Pays-Bas (18) et du Royaume-Uni (17).

Dans les petites écoles rurales, la question n'est pas tant celle du taux d'encadrement qu'au contraire celle d'un nombre d'élèves trop faible . Le Gouvernement mène actuellement une politique de non fermeture des classes en zone rurale sans l'accord du maire. En conséquence, en dehors des mesures de dédoublement de l'éducation prioritaire, le nombre de classes en école rurale n'a diminué que de 1,6 % en primaire en 6 ans, contre une diminution du nombre d'élèves de 5,3 %.

Évolutions démographiques dans le premier degré entre 2015 et 2021

Nombre d'élèves

Nombre de classes

2015

2021

Évolution
en %

2015

2021

Évolution
en %

Préélémentaire

Éducation prioritaire

467 551

439 296

- 6,0%

20 032

22 058

10,1%

Public rural hors EP

653 280

576 339

- 11,8%

27 726

26 200

- 5,5%

Public urbain hors EP

1 122 030

1 034 050

- 7,8%

43 658

43 294

- 0,8%

Élémentaire

Éducation prioritaire

691 238

691 040

0,0%

30 410

41 467

36,4%

Public rural hors EP

1 109 618

1 051 343

- 5,3%

49 152

48 375

- 1,6%

Public urbain hors EP

1 788 813

1 775 089

- 0,8%

73 305

75 606

3,1%

Source : DEPP

Si le rapporteur spécial ne peut qu'approuver l'attention portée aux petites communes rurales, le coût de cette mesure lui semble difficilement soutenable . La faible densité d'élèves par établissement scolaire constitue un facteur de coûts de structure supplémentaires en France. La France compte 61 000 établissements scolaires pour 12 millions d'élèves, soit 197 élèves par établissement en moyenne, contre 32 238 établissements scolaires pour 8,38 millions d'élèves en Allemagne, soit 257 élèves par établissement en moyenne . Cette faible densité d'élèves par établissement entraîne des coûts d'entretien, de maintenance, de personnel et de gardiennage plus élevés.

b) Approfondir les évolutions en cours pour poursuivre la diminution du taux d'encadrement et accompagner la baisse démographique

Le dossier de presse du ministère de l'Education nationale pour le PLF 2023 indique que « le Gouvernement fait le choix de préserver l'emploi enseignant en utilisant cette baisse démographique en faveur de redéploiements pour améliorer le taux d'encadrement dans le premier degré et poursuivre les politiques prioritaires dans le second degré ».

Cela fait écho aux recommandations émises de longue date par le rapporteur spécial, qui indiquait par exemple dans le rapport budgétaire pour le PLF 2022 que « l a baisse des effectifs constitue en effet selon le rapporteur spécial l'occasion de poursuivre la transformation du système scolaire français. Par un effet mécanique, la réduction du nombre d'élèves entraînera une baisse du taux d'encadrement qui est de nature à améliorer le suivi des élèves , dans le prolongement des dédoublements de classe déjà mis en oeuvre ».

(1) Une nette amélioration dans le premier degré, liée tant à la démographie qu'à plusieurs mesures mises en place au cours du précédent quinquennat

Si, comme indiqué plus haut, la France accuse encore un retard certain sur les autres membres de l'Union européenne en matière de nombre d'élèves par classe dans le premier degré, la tendance est très largement à la baisse depuis plusieurs années, ce dont se félicite le rapporteur spécial.

Pendant plusieurs décennies, l'accent a été mis en France sur le second degré, ce qui s'est traduit par une baisse concomitante de la dépense intérieure d'éducation en faveur du premier degré . Celle-ci est cependant repartie à la hausse depuis 2015 pour atteindre 2 % du PIB en 2020, mais reste largement inférieure à la dépense d'éducation pour le second degré, qui se situe à 2,6 % en 2020, après un sommet à 3,3 % du PIB dans les années 1990.

Évolution de la dépense intérieure d'éducation par niveau

(en pourcentage du PIB en euros 2020)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Cette dynamique de renforcement de la dépense dans le premier degré se traduit par une diminution continue du taux d'encadrement, qui s'est réduit au cours des dix dernières années de près de 9 % dans le préélémentaire et de 7 % dans le primaire.

Évolution des effectifs par classe dans le premier degré

Source : commission des finances d'après la DEPP

Cette diminution est certes liée à la baisse de la démographie des élèves, mais elle résulte essentiellement de deux mesures prises en faveur du premier degré au cours du précédent quinquennat.

Concernant l'éducation prioritaire, on peut voir sur le graphique ci-dessus qu'elle connait désormais un nombre moyen d'élèves par classe très inférieur (16,7 dans le primaire et 19,9 en maternelle) à celui dans l'enseignement hors REP (respectivement 22,7 et 21,7 enfants par classe en moyenne).

La principale cause de cette réduction est le mouvement de dédoublement progressif des classes de CP et de CE1 mis en oeuvre à partir de la rentrée 2017 dans le réseau d'éducation prioritaire (REP) et le réseau renforcé (REP+) avec pour objectif d'atteindre pour chacune un maximum de 12 élèves. Cette mesure s'est traduite par la création de 10 800 classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, soit environ 300 000 élèves.

L'impact du dédoublement sur le niveau des élèves

Les premières évaluations menées par la DEPP 16 ( * ) montraient que, antérieurement au dédoublement, en CE1, 40 % des élèves de REP+ étaient en très grande difficulté en mathématiques et en français. Grâce au dédoublement, cette proportion serait abaissée de 7,8 % pour le français et de 12,5 % en mathématiques. En CE1, en 2019, en français, les écarts de performances entre les élèves dans et hors éducation prioritaire diminuent dans tous les domaines.

Selon les évaluations les plus récentes 17 ( * ) , les résultats sont positifs en CP : le dédoublement correspond à une diminution de 16 % en français et de 38 % en mathématiques de l'écart observé en début de CP entre le groupe REP+ et le groupe hors éducation prioritaire. Ainsi, en français, les REP+ rattrapent leur retard initial entre le début du CP et la fin du CE1 par rapport aux élèves d'un niveau proche de REP+ pour arriver à des performances similaires à ces derniers. La DEPP indique ainsi que « les progressions sont un peu plus fortes en REP+, ce qui peut être interprété comme un effet favorable de la réduction de la taille des classes ».

L'effet est en revanche moins significatif en CE1 en français : la proportion d'élèves en difficulté en REP + passe de 22,4 % en début de CP à 21,5 % en fin de CP mais remonte à 22,3 % en fin de CE1. Il est en revanche important en mathématiques : la proportion d'élèves en difficulté en REP+ passe de 21,4 % en début de CP à 18,5 % en fin de CP, 18,5 % en début de CE1 et enfin en fin de CE1.

Le rapporteur spécial sera attentif aux nouvelles évaluations qui seront rendues. Il est nécessaire de s'assurer que les cohortes suivantes confirment les premiers résultats positifs de la rentrée 2021.

Le dédoublement a ensuite été étendu en classe de grande section de maternelle à compter de la rentrée 2020 et concernait près de 75 % des classes de grande section, ayant nécessité le recrutement de 1 900 ETP supplémentaires. 1 670 emplois seront consacrés à la poursuite du dédoublement en 2022. Les grandes sections en secteur prioritaire ne seront toutefois intégralement dédoublées qu'en 2023, pour l'ensemble des 150 000 élèves concernés et 6 000 emplois supplémentaires.

Autre mesure ayant contribué à la réduction du taux d'encadrement, hors éducation prioritaire, le plafonnement à 24 élèves dans les classes de CP et de CE1 à compter de la rentrée 2020 se poursuit. 2 660 emplois y sont dédiés pour le seul enseignement public. Ainsi, la part des classes à 24 élèves pour les niveaux de grande section, de CP et de CE1 atteint 95 % à la rentrée 2022 (contre 86 % à la rentrée 2021). La mesure a donc presque atteint son plein effet en 2022, sa complète mise en oeuvre ne nécessite pas de moyen supplémentaire en 2023.

(2) Des efforts qui doivent être étendus au collège

Le rapporteur spécial se félicite de la dynamique à l'oeuvre de réduction du taux d'encadrement dans le premier degré , qui doit être approfondie mais surtout étendue au secondaire et surtout au collège.

Si le taux d'encadrement dans le second degré en France se situe dans la moyenne européenne, il dissimule en réalité de grandes disparités de moyens entre le collège et le lycée , encore accentuées par la réforme du lycée général qui a favorisé les très petits effectifs pour certaines spécialités, et par la très grande spécialisation de certains enseignements dans les lycées professionnels. Pour 100 élèves, 118 heures d'enseignement en collège sont mobilisées, contre 126 heures en lycée et près du double en lycée professionnel. L'encadrement en collège doit désormais faire l'objet d'une attention particulière , alors qu'il va commencer à être touché par l'arrivée en 6 e des cohortes les moins nombreuses après le pic de naissances de 2010.

Nombre d'heures d'enseignement par élève dans le second degré

2010

2015

2020

Collège

1,23

1,20

1,18

Lycée général et technologique

1,38

1,30

1,26

Lycée professionnel

2,09

2,11

2,17

Source : commission des finances d'après la DEPP

B. POURSUIVRE LE RENFORCEMENT DE LA PLACE DE L'ÉTABLISSEMENT

Le Président de la République a annoncé la pérennisation de l'expérimentation menée à Marseille sur « l'école du futur ».

L'expérimentation marseillaise

Ce sont 59 écoles (maternelles, élémentaires et primaires) qui ont été volontaires pour s'engager dans des expérimentations pédagogiques. Parmi ces écoles, 81 % relèvent de l'éducation prioritaire (REP+ et REP) ou de l'éducation accompagnée (écoles dont la situation est assimilable à celle des REP). Près de 700 enseignants et 11 000 élèves sont ainsi concernés.

Hors dépenses de personnel, 3,5 millions d'euros ont été mobilisés . Sur le titre 2, le total des postes mobilisés s'élève à 120 postes d'enseignants, 55 AESH et 11 personnels de santé scolaire .

Un des volets les plus intéressants de ce dispositif est la possibilité pour le directeur de disposer d'un pouvoir de recrutement des enseignants à profils particuliers et de mener des projets d'établissement . Le rapporteur spécial est très favorable au renforcement de la liberté du chef d'établissement . En conséquence, l'extension de l'expérimentation marseillaise semble aller dans le sens d'une plus grande adaptation des recrutements en fonction des besoins et de l'offre locale d'enseignants, face à un système d'affectation nationale très dissuasif pour les jeunes enseignants.

L'extension de l'expérimentation s'accompagne de la création dès 2023 d'un fonds d'innovation pédagogique, qui devrait être doté de 500 millions d'euros d'ici 2027. En 2023, ce fonds devrait compter 150 millions d'euros , qui ne figurent pas sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » mais sur ceux de la mission « Investir pour la France de 2030 ».

En revanche, les informations concernant les modalités de gestion de ce fonds et de sélection des projets, ainsi que sa trajectoire complète d'ici 2027, restent très lacunaires . Le rapporteur spécial appelle le ministère à clarifier ces aspects le plus rapidement possible, afin de garantir la prévisibilité de la dépense et de permettre une évaluation de la sélection des projets d'établissement.

Concernant les usages internationaux, le rapporteur spécial renvoie à ses récents travaux sur les comparaisons européennes 18 ( * ) , laissant parfois des souplesses très étendues aux chefs d'établissements. Par exemple dans le cas portugais, le chef d'établissement, élu peut désormais décider librement de l'utilisation de ses heures, hors portugais et mathématiques, dans la limite de 25 % des horaires définis nationalement.

Le corollaire de cette liberté est une évaluation précise et individualisée au niveau de l'établissement , qui doit pouvoir laisser à chaque chef d'établissement la possibilité se comparer à des établissements possédant les mêmes caractéristiques et de mesurer la valeur ajoutée de chaque établissement. Le Conseil d'évaluation de l'école (CEE), créé en 2019, est chargé de l'évaluation des établissements, dont il partage la maîtrise d'oeuvre avec les recteurs d'académie. Le Conseil a ainsi mis en oeuvre au printemps 2020 un cadre d'évaluation des établissements scolaires.

Le ministère avait initialement demandé aux recteurs de programmer chaque année l'évaluation de 20 % des établissements , soit environ 2 000 établissements du second degré par an, afin de viser l'évaluation de tous les établissements tous les cinq ans .

Du fait de la crise sanitaire, ce rythme a été ralenti, seuls 5 % des établissements ayant été évalués la première année. En 2022, 3 000 établissements du second degré avaient déjà été évalués.

Le rapporteur spécial considère que l'action du conseil d'évaluation de l'école pour guider les établissements dans leur auto-évaluation et former les évaluateurs externes est extrêmement intéressante.

C. UNE POLITIQUE D'INCLUSION À LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE EN QUESTION

1. Une scolarisation des élèves en situation de handicap en progression constante au cours des dernières années

Depuis la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, qui garantit à tous le droit à une scolarisation en milieu ordinaire, dès lors qu'elle est possible, le nombre d'élèves en situation de handicap concernés a cru de manière continue.

Scolarisation des élèves en situation de handicap entre 2006 et 2020

(en milliers)

Source : commission des finances d'après la DEPP

En dix ans, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 126 000 dans le premier degré et 76 000 dans le second degré à respectivement 200 000 et 184 000, soit une hausse de 58,7 % des effectifs dans le primaire et près de 150 % dans le secondaire.

Pour les seuls élèves scolarisés en unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), après la hausse des effectifs observée en 2021 (+ 2,3 % soit 1 200 élèves de plus), le nombre d'élèves en ULIS devrait augmenter régulièrement à chaque rentrée (+ 2,0 points chaque année jusqu'en 2026) pour atteindre 59 900 élèves à la rentrée 2026.

À la rentrée 2022, plus de 430 000 élèves en situation de handicap sont attendus dans les écoles et établissements publics et privés sous contrat . Le nombre d'élèves bénéficiant d'un dispositif ULIS est estimé à plus de 117 000.

2. Près de quatre milliards d'euros sont désormais consacrés à l'école inclusive

Les crédits consacrés à « l'école inclusive », c'est-à-dire la scolarisation des élèves en situation de handicap, sont en très nette hausse sur l'ensemble des dernières années. Au cours du dernier quinquennat, ces crédits ont augmenté de 116 % et 11 % entre 2022 et 2023. La hausse de moyen terme ne peut qu'interroger, dans la mesure où, au cours des dix dernières années, les moyens consacrés à la scolarisation de handicap ont cru de plus de 300 %.

Évolution des crédits de l'action 03 - scolarisation des élèves
en situation de handicap sur le programme 230

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

En PLF 2023, la participation du ministère en faveur du handicap s'élèvera à plus de 3,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 81 % depuis 2017. Elle s'élevait en LFI 2022, à plus de 3,6 milliards d'euros.

Comme indiqué sur le tableau ci-dessous, la quasi-totalité de ces dépenses couvrent la rémunération des personnels dédiés, dont plus des deux tiers pour les seuls accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

Crédits dédiés à l'école inclusive en PLF 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

3. Un renforcement continu des moyens humains qui ne peut qu'interroger
a) Un nombre d'AESH qui a été multiplié par cinq depuis 2015

Les moyens humains consacrés à l'école inclusive ont été fortement renforcés essentiellement au travers du recrutement de nombreux AESH dont le statut a été créé en 2014. Les AESH interviennent désormais auprès de l'ensemble des élèves bénéficiant d'une prescription d'aide humaine, notamment dans le cadre des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

L'effectif total d'AESH s'élève à 123 874 personnes, dont 56 965 rémunérées sur le titre 2 de l'État et 66 909 hors titre 2 . Cela correspond à près de 83 000 ETPT. 4 000 ETP supplémentaires ont été créés à la rentrée 2021, autant en 2022 et autant devraient l'être en 2023. Depuis 2017, le nombre d'AESH a augmenté de 55 %.

Évolution du nombre d'AESH depuis 2015

(en ETP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les AESH sont des emplois très féminisés et souvent exercés à temps partiel. Il était donc indispensable de mettre en place une politique de dé-précarisation et de professionnalisation des AESH , notamment au travers de la généralisation du recrutement de ces personnels en contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois, avant signature d'un contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 6 ans d'ancienneté. La totalité des AESH sera gérée sur le titre 2 d'ici 2025. Plus de 25 000 ETP d'AESH seront ainsi basculés du HT2 vers le T2 dès 2023, soit 8 565 ETPT.

Évolution du nombre d'AESH entre 2022 et 2023

(en ETPT)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Sur les deux années 2021 et 2022, sans compter les hausses du point de la fonction publique , 56 millions d'euros ont été mobilisés par le ministère pour améliorer la rémunération des AESH . La revalorisation des AESH avec une grille indiciaire permettant une progression automatique tous les trois ans représentait ainsi 20,7 millions d'euros en 2021 et 24 millions d'euros en 2022.

La création d'un quasi statut a ainsi procuré une hausse moyenne de rémunération de 612 euros bruts par an et par ETP. À cette revalorisation s'ajoutent 180 euros bruts par an et par agent au titre du remboursement des cotisations de protection sociale complémentaire. En 2023, l'indemnité de sujétions d'exercice en éducation prioritaire sera étendue aux AESH.

En parallèle de la hausse du nombre d'AESH, le nombre d'enseignants spécialisés pour la scolarisation d'élèves en situation de handicap a également largement augmenté.

Évolution du nombre de postes d'enseignants spécialisés
dans le domaine du handicap depuis 2017

(en ETP)

rentrée 2017

rentrée 2018

rentrée 2019

rentrée 2020

rentrée 2021

Postes spécialisés dans le domaine du handicap au sein du MEN

11 975

12 460

13 079

13 547

14 263

Postes spécialisés dans le domaine du handicap hors MEN

6 806

6 961

7 148

7 219

7 499

Total postes spécialisés dans le domaine du handicap

18 781

19 421

20 226

20 766

21 762

Source : DGESCO

b) Une soutenabilité à long terme qui nécessite de revoir le modèle de prescription

La particularité de la gestion de la scolarisation des élèves en situation de handicap est que l'Éducation nationale, en administration centrale comme dans les rectorats, n'a pas de visibilité sur les effectifs, dans la mesure où le nombre d'élèves scolarisés dépend de l'évolution des notifications effectuées par les maisons départementales des personnes handicapées .

Le processus de notification

Les parents de l'enfant en situation de handicap font une demande
d'accompagnement auprès de la MDPH. La famille peut également être informée par le chef d'établissement ou le directeur d'école de la nécessité de mesures compensatoires dans le cadre d'un plan personnalisé de scolarisation. En l'absence de réaction de la part de la famille dans un délai de 4 mois, la MDPH est tenue d'engager un dialogue avec la famille.

Pour une première demande d'aménagement, la famille doit prendre contact avec l'équipe pédagogique afin que celle-ci élabore le guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-sco). Ce guide précise la situation scolaire de l'élève et ses possibles besoins de compensation. Il comprend notamment les observations des enseignants sur l'élève.

L'équipe pluridisciplinaire d'évaluation (EPE) au sein de la MDPH évalue les besoins de compensation et élabore le parcours personnel de scolarisation (PPS). Il le transmet pour avis à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui prend la décision et émet la notification MDPH.

Source : Bilan des mesures éducatives du quinquennat , rapport d'information de Mme Annick BILLON, M. Max BRISSON et Mme Marie-Pierre MONIER, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, n° 543 (2021-2022) ; février 2022.

Cela entraîne une déconnexion entre le prescripteur et le payeur qui n'est pas soutenable à long terme . Dans certaines MDPH, la hausse de prescriptions à la rentrée 2022 par rapport à l'année précédente a pu atteindre 25 % . Sans remettre en cause les besoins importants concernant un grand nombre d'enfants, dont la présence en classe doit être garantie, les informations transmises au rapporteur spécial indiquent que certaines MDPH ont parfois une définition très large du handicap. Si la compensation des inégalités sociales et familiales constitue en soi un objectif louable, il n'est pas certain que la prescription d'un adulte dédié aux élèves les plus en difficulté socialement soit une solution durable .

En tout état de cause, il serait indispensable de consolider un référentiel national concernant les prescriptions d'aide humaine.

D. LES DÉPENSES DES OPÉRATEURS DE LA MISSION RESTENT LIMITÉES

Plus de 99,5 % des moyens consacrés à la mission « Enseignement scolaire » sont des crédits budgétaires et seuls 0,2 % sont à destination des opérateurs de la mission . A titre de comparaison, dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les opérateurs perçoivent 61,5 % des moyens, outre 20 % passant par des dépenses fiscales.

Cinq opérateurs sont rattachés à la mission Enseignement scolaire : le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) ; France Education international (FEi) ; le Centre national d'enseignement à distance (Cned) ; l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) ; le réseau Canopé.

Sur la période 2017-2022, pour chacun des opérateurs, sauf FEI, l'évolution des emplois a été négative . Les deux opérateurs qui ont connu la plus forte baisse de leurs effectifs entre 2017 et 2022 sont le réseau Canopé (- 152 ETPT) et l'Onisep (- 134 ETPT).

Emplois rémunérés par les opérateurs du programme

(en ETP)

Source : commission des finances

En 2023, les ressources accordées aux différents opérateurs devraient être stables ou en légère hausse, à l'exception de l'Onisep, dont la subvention pour charges de service public est en baisse constante depuis 2018 et le transfert des Dronisep aux régions.

Évolution de la subvention pour charges de service public accordée à chaque opérateur sur le programme 241

(en millions d'euros)

2020

2021

Evolution 2020 - 2021

2022

Evolution 2021-2022

PLF 2023

Evolution 2022-2023

Cereq

6,85

6,84

0 %

7,32

7 %

7,42

1,4 %

Cned

31,50

35,28

12 %

32,21

- 9 %

32,37

0,5 %

FEI

0,29

3,53

1 109 % 19 ( * )

3,68

4 %

3,75

1,9 %

Onisep

27,61

24,66

- 11 %

22,84

- 7 %

21,55

- 5,6 %

Réseau Canopé

87,84

85,78

- 2 %

82,68

- 4 %

83,89

1,5 %

Source : commission des finances

Le centre national d'enseignement à distance (Cned)

La Cour des comptes a récemment rendu des observations sur le Cned 20 ( * ) . Elle indique que « l'extension des missions et de son offre de services rend
aujourd'hui nécessaire de repenser sa place et sa stratégie
».

La Cour considère notamment que l'extension continue des missions du Cned doit entraîner un « resserrement nécessaire de l'offre de formation ». En particulier, l'insuffisance des moyens numériques, pourtant au fondement de l'enseignement délivré par le Cned a pour effet de « moins bien traiter les élèves du CNED que les élèves en établissement du fait de l'insuffisante interopérabilité entre les systèmes d'information du CNED et les applications ministérielles ».

S'agissant des moyens financiers du Cned, il dispose d'une subvention pour charges de service public de 32,4 millions d'euros en 2023. Celle-ci ne constitue cependant pas la seule ressource de l'opérateur. Outre les ressources propres, qui nécessitent par ailleurs de « préciser la doctrine tarifaire », le Cned dispose d'enseignants mis à disposition par le ministère de l'Education nationale. La Cour des comptes estime que les ressources extra-budgétaires du Cned, qui représentent 89 millions d'euros, doublent le budget présenté dans le projet annuel de performance.

S'agissant de la gestion du parc immobilier du Cned, « sans « logique territoriale » particulière », la Cour note que « plusieurs de ces sites, parfois vétustes, ont un taux d'occupation très faible occasionnant des coûts de structure importants ».

E. LA SCOLARISATION DES 20 000 ÉLÈVES UKRAINIENS

À la suite du conflit en Ukraine, 18 832 élèves ukrainiens réfugiés étaient scolarisés en France à la fin de l'année 2021-2022 , dont 19 % en maternelle, 39 % en élémentaire, 32 % en collège et 10 % en lycée. Ils devaient être 20 000 à la rentrée 2022-2023. Plus de 2 600 d'entre eux sont accueillis dans les trois académies d'Île de France (Versailles, Paris et Créteil), les autres académies les plus concernées étant Nice (1 583 élèves), Grenoble (1 274 élèves) et Montpellier (1 093 élèves).

Le ministère de l'éducation nationale a mis en place une cellule nationale en charge du suivi et de la coordination ministérielle des questions liées à la crise ukrainienne. Les académies ont également été invitées à constituer, à leur niveau, une cellule Ukraine et à désigner un référent, qui échange régulièrement avec la cellule nationale.

Depuis le 24 février 2022, les enfants déplacés d'Ukraine sont accueillis dans les écoles et les établissements avec pour objectif de les scolariser le plus rapidement possible après leur arrivée et au plus proche de leur lieu d'hébergement. En parallèle, s'agissant de leur accueil en classe ordinaire, ces élèves sont accompagnés de façon renforcée pour l'apprentissage du français, soit par une prise en charge en unité pédagogique pour les élèves allophones nouvellement arrivés (UPE2A) soit en suivant des modules de français langue seconde. De plus, le Cned a mis à disposition une formation en ligne de français langue étrangère, suivie par un peu moins de 500 élèves.

Les académies ont également été invitées à recruter au moins un enseignant réfugié pour accompagner les élèves . Au mois de juin 2022, plus de 90 enseignants étaient recrutés ou en cours de recrutement dans les académies.

Enfin, à la demande du ministère ukrainien chargé de l'éducation, le lien avec l'enseignement ukrainien a été maintenu pour les élèves qui le souhaitaient. Au mois de juin 2022, les élèves volontaires ont eu la possibilité de s'inscrire à des classes virtuelles de langue et culture ukrainiennes. Ces cours en ligne se sont déroulés sur le temps périscolaire et étaient animés par les enseignants réfugiés recrutés dans les académies. Pour que les élèves disposent de l'équipement numérique nécessaire au maintien du lien avec l'enseignement ukrainien, le stock national d'équipements, constitué dans le cadre de la crise sanitaire, a été mis à disposition. Il a permis d'équiper 836 élèves en PC et de prêter 452 box 4G.

Doté de 2 millions d'euros, une partie du dispositif « Ouvrir l'école aux parents pour la réussite des élèves » (OEPRE) a vocation à venir en appui des élèves et de leurs familles réfugiés d'Ukraine, en favorisant, notamment, l'intégration des parents en les impliquant dans la scolarité de leur enfant.

Enfin, les élèves ukrainiens peuvent bénéficier des crédits de fonds sociaux. Le coût de l'ensemble de ces dispositifs est dans l'ensemble difficile à évaluer, dans la mesure où les académies mobilisent pour l'instant leurs marges budgétaires afin de permettre la prise en charge des élèves au sein des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A).

F. UNE RÉFORME DES LYCÉES PROFESSIONNELS DONT LES CONSÉQUENCES BUDGÉTAIRES SE FERONT SENTIR APRÈS 2024

Plus d'un million d'élèves et apprentis sont scolarisés dans la voie professionnelle. Le Président de la République a annoncé en août dernier une refonte globale de l'enseignement professionnel .

Effectifs des formations professionnelles en 2010 et 2020

2010

2020

Scolaire

Apprentissage

Total

Scolaire

Apprentissage

Total

Niveau 3

214 299

191 857

406 156

129 805

182 068

311 873

dont CAP

133 173

176 956

310 129

122 673

161 458

284 131

Niveau 4

585 576

123 018

708 594

600 717

124 236

724 953

dont bac professionnel

577 803

67 020

644 823

594 097

57 452

651 549

dont brevet professionnel

47 778

47 778

43 855

43 855

Total

799 875

314 875

1 114 750

730 522

306 304

1 036 826

Source : commission des finances, État de l'école 2021

Celle-ci n'en est encore qu'aux premiers stades de la concertation et n'aura en conséquence aucun impact budgétaire dès 2023. Les discussions s'engagent pour l'heure sur quatre grands enjeux : « réduire le nombre de décrocheurs ; accompagner pour une poursuite d'étude réussie ; favoriser l'insertion professionnelle ; ménager des marges de manoeuvre en établissement tout en garantissant la valeur nationale du diplôme ». La réforme doit permettre de mieux adapter l'offre d'enseignement aux besoins de l'économie réelle , ce dont le rapporteur spécial se félicite.

Cependant, dès la rentrée 2022, 12 nouveaux diplômes ont été mis en oeuvre, parmi lesquels des baccalauréats professionnels (modélisation et prototypage 3D, accompagnement soins et services à la personne, etc.), des mentions complémentaires (encadrement secteur sportif) ou encore l'unité facultative secteur sportif du baccalauréat professionnel.

Les enjeux financiers les plus présents à ce stade concernent la mise en place d'une gratification des lycéens professionnels lors de leurs périodes de stage, lesquelles devraient par ailleurs être doublées . Selon les premières informations fournies au rapporteur spécial, le coût de la mesure serait, à réglementation constante, pour une année scolaire, d'environ 263 millions d'euros pour l'enseignement public et de 63 millions d'euros dans l'enseignement privé sous contrat . En retenant l'hypothèse de la hausse des stages en terminale, le coût de la mesure pourrait être approximativement de 426 millions d'euros pour l'enseignement public et de 103 millions d'euros dans l'enseignement privé sous contrat .

La réforme de la voie professionnelle constitue un enjeu central pour des enseignements encore trop peu valorisés. Il conviendra d'être très attentif au déroulement des discussions en cours.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Le Gouvernement, dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, a retenu l'amendement n° II-1682 de notre collègue député Mathieu Lefèvre. Le Gouvernement a levé le gage par un amendement n° II-2879.

Les crédits de la mission augmentent donc de 80 millions d'euros , afin de financer la revalorisation des AESH à hauteur d'environ 10 % de la rémunération des AESH sur une année pleine. Cela revient donc à appliquer aux AESH le même régime de revalorisation salariale que celui des enseignants, si l'on inclut le versement des primes REP et REP+, qui figurait déjà dans le texte initial (cf. supra ) pour un montant de 74 millions d'euros.

Le rapporteur spécial salue cet effort de déprécarisation à destination des AESH, mais réitère ses remarques quant à la soutenabilité de la trajectoire budgétaire de l'école inclusive.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 3 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, sur la mission « Enseignement scolaire ».

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire » . - Je présente pour la dernière fois aujourd'hui mon rapport sur un budget dont je suis rapporteur spécial depuis longtemps. En considérant ce projet de loi de finances pour 2023, j'éprouve une petite satisfaction. En effet, depuis près d'une dizaine d'années, nous considérons qu'en matière d'enseignement scolaire nous devons nous intéresser au qualitatif plus qu'au quantitatif. Cela nous a notamment opposés à la politique menée pendant le quinquennat du président Hollande, qui jouait la quantité.

Jean-Michel Blanquer, quant à lui, a essayé de prendre en compte deux idées émises par le Sénat, la première consistant donc à ne pas sacrifier le qualitatif. La seconde, à laquelle nous pouvons tous souscrire, quelles que soient nos options politiques, et que le Sénat a soutenue de façon systématique, vise à mettre l'accent sur l'école primaire. En effet, la réussite scolaire se joue dès le premier degré, qui a toujours été un peu sacrifié rue de Grenelle tant il est vrai que, dans ce beau ministère, il vaut mieux être agrégé qu'instituteur.

Pour que ces deux visions s'imposent, les comparaisons avec les pays européens et ceux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont joué un rôle important. Ainsi, les débats franco-français sur le sujet ont fini par être tranchés depuis l'extérieur. Le travail des ministres successifs a été considérablement facilité dès lors qu'ils acceptaient de ne plus considérer la France comme le centre de tout, se mettant alors à comparer le pays aux autres en termes de coûts et de résultats. Notre école est la meilleure du monde et nous commémorons religieusement les hussards noirs de la République ! Mais les temps ont changé et le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) fixe la norme plus sûrement que Le Grand Meaulnes , pour lequel nous continuons de nourrir le plus profond respect. Finalement, ce classement Pisa nous a aidés à débattre de façon apaisée des meilleures manières de faire fonctionner notre enseignement scolaire.

J'éprouve une autre petite satisfaction, que vous devez partager en tant que membres de la commission des finances. En effet, nos rapports sur le recrutement des enseignants de mathématiques et sur les rémunérations des enseignants en Europe ont autorisé certains à considérer la revalorisation des salaires du corps enseignant non plus comme un acte d'allégeance à un syndicalisme conservateur, mais comme une mesure de bon sens, qui permettrait à nos jeunes de se retrouver face à des enseignants meilleurs et plus motivés .

Je ne suis pas un soutien fanatique du Gouvernement - je ne suis pas non plus d'ailleurs un opposant fanatique. Cependant, j'ai de la considération pour la contribution de Jean-Michel Blanquer au Grenelle de l'éducation.

Par ailleurs, le despotisme éclairé qui imprègne tant notre République a permis au président Macron, en vacances à Marseille, de découvrir que l'école française n'allait pas très bien et de prendre des dispositions. Il a ainsi lancé une opération d'innovation reposant notamment sur l'idée - notre commission l'a toujours défendue - de l'autonomie des établissements et de la responsabilité affirmée de leurs chefs. Cette idée est encore très expérimentale et on en mesure mal les contours, comme souvent lorsqu'elles font l'objet de déclarations ayant pour vocation de passionner l'opinion le temps d'un journal télévisé. Il est difficile d'identifier ensuite leur cheminement. En effet, je rappelle que l'éducation nationale compte plus d'1,2 million de personnes rémunérées et que 860 000 enseignants font face à leurs élèves, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé sous contrat. Ainsi, chaque idée géniale émise au sommet traverse un temps d'hystérésis avant de parvenir à la base et d'obtenir des résultats effectifs. Cependant, mieux vaut que ces orientations soient bonnes que mauvaises et ces idées d'autonomie, de responsabilité et de liberté pour les établissements créent un climat intéressant.

Revenant au budget, je ferai deux premières remarques.

D'abord, en ce qui concerne les effectifs, si l'on écarte le problème des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sur lequel je reviendrai, nous observons une sorte de stabilité puisque le schéma d'emploi connait une très légère baisse de 1 600 postes pour un effectif de 860 000.

Néanmoins, en ce qui concerne le qualitatif, je note une forte croissance des dépenses salariales puisqu'elles augmentent de 3,6 milliards d'euros, s'élevant à près de 59 milliards d'euros. Un tiers de cette hausse, soit 1,2 milliard d'euros, correspond à la revalorisation de 3,5 % du point d'indice, qui pèse sur les budgets et bénéficie à tous les fonctionnaires de l'État et des collectivités locales.

Ensuite, des mesures catégorielles de hausse des rémunérations traduisent la volonté de soutenir particulièrement la situation matérielle des enseignants. Elles correspondent à la mise en oeuvre des mesures du Grenelle, à une revalorisation « socle » des rémunérations et à une revalorisation conditionnelle. Ces mesures représentent 1,1 milliard d'euros, ce montant étant significatif. Enfin, une dernière enveloppe de 770 000 millions d'euros sera consacrée au glissement vieillesse technicité (GVT).

J'en viens à présent à des problèmes qui ont déjà été évoqués, n'ont pas été réglés et continueront, j'en suis sûr, de préoccuper mes successeurs. Il s'agit d'abord de la difficulté de recrutement. Ainsi, en 2018, 135 000 candidats se présentaient encore aux concours de la fonction publique de l'éducation nationale. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 90 000, soit 50 % de moins. Plus grave encore, les postes ont été pourvus en 2018 à hauteur de 95 % par les candidats ayant été admis, mais ils ne sont plus couverts qu'à 83 % en 2022. En outre, la durée des études supérieures ne cesse d'être allongée et il faut désormais avoir obtenu un master 2 pour se présenter à ces concours, ce qui contribue à compliquer le recrutement des enseignants. Il existe des solutions qui ne sont pas faciles à mettre en oeuvre, certains problèmes relevant de questions de société.

À ce titre, je voudrais évoquer deux sujets pour poser le débat. D'abord, il existe des différences de recrutement entre les matières. En effet, certaines formations comme les mathématiques, la chimie ou les sciences physiques, ouvrent de nombreux débouchés dans le secteur privé, plus attractif en termes de salaires, poussant ainsi les étudiants à se détourner de la fonction publique. Certes, ce problème touche moins les étudiants de latin et grec...

Ensuite, le coût et l'agrément de la vie ne sont pas les mêmes partout en France et, si l'Île-de-France peut faire figure de meilleur territoire pour conduire une brillante carrière, il reste l'un des plus chers et l'un des plus difficiles pour tous les métiers du service public.

Le recrutement régional et le recrutement par matières posent donc la question de la différenciation des revenus. Certains pays européens l'acceptent par matières et d'autres, comme l'Allemagne, le pratiquent par territoires. De notre côté, nous appliquons l'unité et cela aboutit parfois à des situations assez cocasses. Ainsi, quand seuls les enseignants les mieux payés peuvent se permettre d'accepter des postes dans des régions comme l'Île-de-France, c'est là que l'on trouve le plus de jeunes, ces postes étant les plus difficiles et les moins choisis par les enseignants expérimentés.

Par ailleurs, si l'on compare les salaires de nos enseignants à ceux des autres pays européens, seuls les professeurs français du secondaire, quand ils sont en deuxième, voire en troisième partie de carrière - en classe exceptionnelle - reçoivent des salaires comparables aux moyennes européennes. Les autres sont en dessous, voire nettement en dessous quand il s'agit des enseignants du primaire. Ainsi, en 1990, un professeur des écoles débutant touchait 1,8 fois le SMIC, contre 1,5 fois aujourd'hui. En fin de carrière, un agrégé de classe exceptionnelle touchait alors 4,6 fois le SMIC, contre 3,3 fois aujourd'hui. Quand la mécanique vous rapproche du salaire minimum, il devient difficile de se sentir motivé et heureux ; c'est une affaire de statut.

Pour faire face à ces difficultés, nous avons recours aux primes et nous sommes le pays d'Europe qui en compte le plus, quatorze étant identifiées. Elles représentent entre 9 % et 15 % du salaire, ce qui est très inférieur à ce qu'elles peuvent représenter au ministère de l'intérieur par exemple. Les enseignants, cadres A du ministère de l'éducation nationale, ont donc des revenus comparables à des cadres B du ministère de l'intérieur. Là encore, ces différences n'incitent pas vraiment à se présenter aux différents concours.

Par ailleurs, les heures supplémentaires offrent aussi une solution. Elles ont un impact significatif, mais profitent plutôt à ceux qui sont déjà les mieux payés. Ainsi, un enseignant en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) touche en moyenne trois heures et demie supplémentaires, alors que dans les collèges la moyenne est d'une heure et quart pour chaque enseignant. La formule des heures supplémentaires est bonne puisqu'elle permet d'apporter un peu de souplesse. En effet, elles permettent d'avaler des bosses et des difficultés liées à l'évolution démographique et à la résistance opiniâtre que mènent les élus locaux comme nous, puisque nous faisons tout pour maintenir nos collèges ouverts quels que soient les effectifs. Ce faisant, nous ne tenons pas compte d'une réalité : les jeunes ne sont plus forcément présents là où nous sommes élus. Ainsi, le Sud-Ouest, l'Occitanie ou la Bretagne ont des besoins grandissants, mais ce n'est pas le cas du Grand Est, que je représente, où la population évolue de façon négative. Comme nous n'augmentons pas le nombre global des enseignants, pour des raisons légitimes, il faut trouver des solutions partielles et les heures supplémentaires en apportent une. Il faudrait néanmoins élargir la marge de manoeuvre en la matière.

J'en viens aux effets bénéfiques du Grenelle. L'équipement en matériel informatique a été bien accueilli, la prime d'attractivité a eu le mérite de viser les jeunes enseignants débutants, en particulier dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP), et la prime de soutien aux chefs d'établissements était bienvenue.

En ce qui concerne les orientations affichées par le Président de la République cet été, une formule assez spectaculaire a été retenue : pas moins de 2 000 euros net par mois pour tous les enseignants. Il s'agit d'une belle opération de communication, mais l'augmentation de 10 % va coûter 1,9 milliard d'euros en année pleine. En outre, j'aimerais connaitre la répartition du socle dans le détail, pour savoir si l'on s'attaque enfin au retard que connaissent les enseignants en début de carrière en termes de salaires, ce retard représentant la faiblesse principale de notre système de rémunération.

Par ailleurs, le « pacte » représenterait jusqu'à 10 % des revenus supplémentaires de l'enseignant, en contrepartie d'engagements pour les enseignants volontaires. Cette enveloppe s'élèverait à 900 millions d'euros en année pleine, en fonction du nombre d'enseignants qui y participeraient.

On ne connait ni la répartition du socle ni les contreparties du pacte et, si je suis plutôt favorable à ces deux mesures, j'aimerais que le ministre s'explique.

En ce qui concerne la question des salaires, je rappelle que l'Allemagne paye ses enseignants en moyenne 50 % de plus que la France. Cependant, elle leur demande 35 heures de présence effective dans les établissements. Avec des durées de cours comparables à celles de notre pays, il s'agit donc pour eux d'assurer des missions d'encadrement des élèves afin d'atteindre ces 35 heures hebdomadaires, sachant que le nombre de semaines travaillées par an est à peu près similaire au nôtre.

Je tiens aussi à évoquer la préprofessionnalisation. Je regrettais plus tôt dans mon propos que l'on mette cinq ans pour accéder aux concours de l'éducation nationale. Cette mesure permet à des étudiants stagiaires d'être déjà présents dans l'enseignement ; elle me semble bonne et commence à être significative.

J'en arrive au problème des AESH, qui tient en particulier à l'absence de lien entre la décision prise par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et l'éducation nationale - élèves, enseignants et établissements. Or nous faisons face à une inflation spectaculaire, puisque le nombre de bénéficiaires a pratiquement doublé en dix ans, pour atteindre 400 000 élèves aujourd'hui. Parmi les 333 000 employés de l'éducation nationale qui ne sont pas enseignants, on compte 123 000 AESH, qui ne travaillent pas à temps plein. Leur statut a été amélioré, mais un problème de cohérence demeure entre la politique des MDPH et les capacités de l'éducation nationale à accueillir et à gérer financièrement ce dispositif. L'école inclusive représente un budget de 4 milliards d'euros pour environ 400 000 élèves, qui méritent d'être soutenus, mais qui devraient l'être dans le cadre d'une meilleure coopération entre ceux qui prescrivent et ceux qui organisent.

Sur un tout autre sujet, je prends note d'un motif de fierté. En effet, l'éducation nationale a accueilli 20 000 élèves ukrainiens, essentiellement en Île-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes et dans le Midi. Cet accueil a entrainé un recrutement de contractuels ukrainiens - ils sont à mes yeux essentiels -, afin que ces élèves conservent un lien avec leur monde culturel d'origine, puisqu'ils ont vocation à revenir en Ukraine, selon le souhait exprimé par les familles.

Enfin, nous l'avons évoqué tout à l'heure avec Gabriel Attal, nous observons un début d'évolution quant à la réforme des lycées professionnels. Je signale qu'une concurrence assez sévère ne devrait pas manquer de s'établir entre le statut de l'apprenti, qui est un salarié, et celui du stagiaire, qui travaille en alternance et reçoit des gratifications qui ne sont pas nécessairement compétitives. J'ignore quelle est la stratégie à suivre, mais nous avons la chance d'accueillir le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, qui pourra donner son avis.

Après avoir bien réfléchi, je vous propose d'adopter ces crédits. Cependant, il faudra poser en séance publique des questions auxquelles le ministre doit répondre. D'abord, il faudra poser une première question visant à obtenir des explications sur deux sujets : la répartition du socle et les contreparties du pacte, notamment pour savoir si, comme l'a évoqué le président Macron, on s'apprête à proposer aux chefs d'établissements des enseignants plus disponibles pour des tâches différentes.

La seconde question que je voudrais poser au ministre concerne l'élitisme républicain. J'en suis issu, j'ai passé les concours administratifs : sans ces lycées ou établissements sous contrat, mon parcours aurait sans doute été différent. Je souhaite que le ministre conserve ces établissements qui tirent notre système vers le haut. Il ne faut pas les supprimer au prétexte qu'ils concentreraient les meilleurs élèves. Ce n'est pas ainsi qu'on aidera les autres. Lorsque je dirigeais la région Lorraine, j'ai ouvert, en lien avec le directeur de Science Po-Paris, les premières filières en province d'accès direct à Science Po dans les lycées professionnels. Cela a fonctionné. Mais lorsque l'on a la chance de disposer de professeurs de classes préparatoires de grand talent, d'élèves motivés et de familles prêtes à les soutenir, il ne faut pas se priver d'un tel système. Ce n'est pas en sacrifiant la rive gauche que l'on aidera la Seine-Saint-Denis ! Je serai donc attentif aux propos de notre ministre. Mon expérience me montre que le diable se cache dans les détails, mais on ne le découvre souvent que lorsque l'on n'est plus ministre...

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis de la commission de la culture sur la mission « Enseignement scolaire » . - Je remercie le rapporteur spécial pour son analyse précieuse. Je n'évoquerai pas la préparation de la rentrée scolaire. La chute du nombre de candidats dans les concours de recrutement est préoccupante. Les conséquences s'en feront sentir à long terme.

Ce projet de loi de finances traduit des efforts significatifs pour améliorer la rémunération des enseignants. Le retard accumulé était considérable. Il est essentiel que ce choc d'attractivité se poursuive, mais cela reste incertain. J'espère que le ministre nous rassurera. La revalorisation engagée depuis le Grenelle de l'éducation de 2021 a rencontré des difficultés. Le ministre a raison de refuser que des enseignants puissent gagner moins de 2 000 euros par mois. En 2020, un professeur des écoles gagnait 1 961 euros net en début de carrière, un professeur certifié, 2 056 euros, un professeur de lycée professionnel, 2 130 euros, et un professeur agrégé, 2 400 euros. C'est trop peu. Au-delà de l'aspect financier, il y va aussi de la considération sociale.

Il convient aussi d'améliorer les conditions d'exercice du métier. Mais il est à craindre que ces mesures ne suffisent pas, tant le problème est profond. Le rapporteur spécial a évoqué le schéma d'emplois. On aurait pu imaginer qu'au lieu de supprimer 2 000 postes d'enseignants on réduise le nombre d'élèves par classe.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - En une dizaine d'années, le nombre de naissances par an en France est passé de 840 000 à 760 000. C'est une tragédie pour notre pays, et cela signifie que les effectifs d'une classe d'âge baisseront de 10 %.

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis . - En effet, la baisse du nombre d'élèves est considérable. Nous pourrions peut-être toutefois profiter de cette situation pour renforcer l'encadrement éducatif.

Je suis inquiet lorsque je constate que 30 % des démissions sont le fait de nouveaux professeurs. Cela reflète les difficultés ou le malaise des enseignants stagiaires. De plus, ces démissions ont souvent lieu en début d'année scolaire. Je ne parlerai pas de la formation express de quatre jours des enseignants contractuels...

J'espère donc que les revalorisations renforceront l'attractivité de ce beau et noble métier d'enseignant. Au-delà des chiffres, nous attendons aussi du ministre qu'il nous livre sa vision de l'éducation nationale. Nous l'avons peu entendu à ce propos.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je remercie notre rapporteur spécial pour son analyse étayée par l'expérience. Il a évoqué les difficultés de recrutement, mais de plus en plus d'enseignants abandonnent en cours de carrière. Peut-on chiffrer et comment expliquer cette évaporation des effectifs ? Celle-ci complique la tâche de l'éducation nationale pour piloter la ressource humaine.

En ce qui concerne les AESH, notre rapporteur spécial plaide pour une meilleure articulation entre l'éducation nationale et les MDPH, qui relèvent des conseils départementaux. Je plaide plus généralement pour une meilleure articulation avec les collectivités territoriales. L'État et les collectivités signent des conventions pour organiser la coordination des activités scolaires et périscolaires dans les écoles, mais le recrutement des AESH dépend uniquement de l'État. De plus, il s'agit souvent de contrats à temps partiel, non à temps complet, et les rémunérations ne sont pas très élevées. Il conviendrait donc que l'État et les collectivités se coordonnent davantage pour renforcer l'attractivité de ces métiers. J'espère que la création de 4 000 postes d'AESH prévue dans ce projet de loi de finances ne sera pas qu'un effet d'affichage !

M. Michel Canévet . - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation, son expertise et son franc-parler. Je ne savais pas que l'on comptait 123 000 AESH. Dans la mesure où les MDPH dépendent des départements, ne serait-il pas logique de leur confier totalement la gestion des AESH en décentralisant ? Cela serait source d'économies.

Les enseignants choisissent de partir en retraite tôt, car ils n'en peuvent plus. Ne pourrait-on trouver une formule pour que les enseignants en fin de carrière accompagnent les jeunes professeurs ?

Je me fais le porte-parole de Vincent Delahaye, qui voulait poser deux questions. Il constate que le nombre d'élèves a diminué de 2,7 % en deux ans alors que le nombre de professeurs a baissé de 0,2 %. Il voudrait savoir si le nombre de professeurs par élève en France n'est pas supérieur à la moyenne européenne ? En outre, sur 1,2 million de personnels du ministère, 860 000 sont enseignants. Que font les 340 000 autres ? Ne pourrait-on réaliser des économies ?

M. Éric Jeansannetas . - Je remercie notre rapporteur spécial ainsi que le rapporteur pour avis. Nous partageons globalement les inquiétudes et les points de vigilance qui ont été évoqués.

La « revalorisation socle » peut poser des difficultés de motivation du corps enseignant en général.

Les besoins en effectifs enseignants étaient réels. En dépit des appréciations portées sur le quinquennat du président Hollande, le quantitatif a permis que nous entrions, aujourd'hui, dans la phase qualitative. La crise du recrutement que nous connaissons aujourd'hui - 83 % des postes pourvus, appel massif au recrutement de contractuels - peut remettre le qualitatif en question. Nous devons être vigilants.

Vous avez mentionné les « préprofesseurs ». Je pense que les « prévocations », qui peuvent amener les meilleurs élèves à vouloir embrasser la carrière d'enseignant, peuvent être une piste. C'est tout simplement l'avenir de notre pays qui est en jeu.

Nous constatons que le budget permet d'envisager des améliorations tangibles, mais nous attendons du ministre des explications plus précises sur la répartition du socle et du pacte, qui nous semble quelque peu complexe à mettre en place parce que beaucoup de tâches sont aujourd'hui effectuées par les enseignants. S'agit-il de valoriser ce que font de fait aujourd'hui la plupart des enseignants dans les établissements scolaires ?

Nous nous abstiendrons du fait des points de vigilance et des inquiétudes qui ne sont pas levés, notamment s'agissant de la crise du recrutement. Que l'on ait perdu autant de candidats en quatre ans pose véritablement question. La rémunération est une explication, mais il y en a sans doute d'autres.

M. Didier Rambaud . - Étant fils d'un professeur agrégé de mathématiques, lui-même fils d'un petit boulanger de montagne, j'ai été ému par ce qu'a dit notre rapporteur spécial sur l'élitisme républicain.

J'insiste sur la baisse des effectifs. Hier soir, vous avez évoqué, en séance, 500 000 élèves en moins. Cette diminution ne sera pas sans conséquence sur les futurs budgets de l'éducation nationale. Qu'en fera-t-on ? Choisira-t-on de travailler davantage sur le qualitatif ou de donner un coup de rabot budgétaire ?

Il faut mieux cerner cette baisse des effectifs. Va-t-elle impacter l'enseignement primaire davantage que l'enseignement secondaire ? Impactera-t-elle de manière homogène tous les territoires ? Une fermeture de classe est moins anodine dans un secteur rural de montagne que dans un groupe scolaire d'une grande ville...

M. Vincent Segouin . - Ma question n'est pas de nature budgétaire : elle porte sur le qualitatif. L'autorité des professeurs va-t-elle revenir au goût du jour ? Le redoublement sera-t-il dorénavant perçu comme un outil qui permet aux enfants d'atteindre un niveau compte tenu de leur maturité ? Je m'interroge sur les erreurs du passé.

M. Antoine Lefèvre . - Je veux interroger notre rapporteur spécial sur le dispositif des territoires éducatifs ruraux. L'académie d'Amiens expérimente ce dispositif, qui connaît, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, une augmentation de 9 millions d'euros. Cette hausse est bienvenue, parce que le bilan demeurait en demi-teinte depuis son lancement en janvier 2021, avec une gouvernance éclatée entre les services de l'État, la direction académique et les élus locaux, le ministère de l'éducation demeurant en filigrane le pilote de chacun des projets. Il y a, en outre, une forme d'inégalité avec le programme des cités éducatives, qui bénéficie, pour sa part, de plus de 100 millions d'euros versés par le ministère de la ville sur la période pluriannuelle 2020-2022.

Ma question est simple : l'accompagnement de l'État sur le projet des territoires éducatifs ruraux est-il véritablement à la hauteur de l'enjeu, qui est d'assurer une continuité pédagogique entre les territoires ?

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Notre collègue rapporteur pour avis a dit l'essentiel : l'argent est important, mais il ne fait pas tout. L'éducation ne peut fonctionner sans valeurs partagées entre jeunes, enseignants et parents. C'est le bon fonctionnement de cette trinité qui peut améliorer la situation.

Cela dit, il faut bien reconnaître que, dans la société d'aujourd'hui, le métier d'enseignant continue d'avoir une productivité faible : former un jeune prend toujours autant de temps et coûte toujours autant d'argent. Cependant, l'intelligence artificielle, l'informatique, le numérique sont utiles, mais ne remplacent pas l'implication personnelle de l'enseignant envers ses élèves et l'écoute de l'enseignant par les élèves. C'est une singularité dont il faut tenir compte.

Nous souhaitons tous connaître l'avis de M. le ministre. Ce n'est pas un homme politique : c'est un « rechercheur », un homme cultivé, et une démonstration vivante de la dimension internationale de notre culture. Il y a chez cet homme des promesses, dont on aimerait qu'elles se transforment en engagements et en convictions personnelles affichés publiquement. C'est la raison pour laquelle j'attends le débat en séance avec beaucoup d'impatience. Le parcours de Jean-Michel Blanquer, qui avait été enseignant, chef d'établissement, recteur, directeur au ministère, était beaucoup plus balisé.

Monsieur le rapporteur général, s'il y a plus de sorties en cours de carrière, il n'y en a pas beaucoup. En revanche, phénomène assez sympathique, il y a des entrées en cours de carrière, notamment parmi les contractuels - des hommes et femmes cadres qui, à un certain âge, décident de se reconvertir dans l'enseignement. Pourquoi la sortie en cours de carrière est-elle rare ? C'est la contrepartie positive d'un système de rémunération qui favorise largement l'ancienneté. Avec le temps, non seulement les enseignants sont mieux payés, mais ils ont plus de chances de travailler près du soleil, de la mer ou d'une ville universitaire - leurs destinations préférées. Le risque n'est donc pas excessif.

S'agissant du rôle des collectivités locales à l'égard des AESH, il est évident que nous avons le devoir absolu d'assurer une coordination entre les conseils départementaux, responsables des MDPH, et l'éducation nationale au sens large : le recteur, qui a une vision globale, les directeurs départementaux et les chefs d'établissement. Nous avons les mêmes difficultés de recrutement dans le secteur social dans nos départements.

D'ailleurs, le Gouvernement a intégré, dans son recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution sur la seconde partie du projet de loi de finances, un amendement portant revalorisation de 10 % des revenus des AESH, pour un coût total de 80 millions d'euros. Il convient de saluer l'effort, mais, si c'est pour priver l'aide sociale à l'enfance (ASE) de jeunes dont elle a besoin, le match sera vraiment « nul », au sens propre du terme ! Il faut vraiment une coordination entre l'Assemblée des départements de France (ADF) et le ministère sur la question des AESH. Sans cet accord, on risque de voir des compétitions stupides... Cela rejoint la préoccupation de Michel Canévet, qui souhaiterait une décentralisation plus large. Je suis complètement d'accord avec cette idée.

Le tutorat commence à exister pour la formation des enseignants, notamment grâce à la préprofessionnalisation, mais on pourrait imaginer qu'il soit beaucoup plus systématique et qu'il y ait en quelque sorte une formation des enseignants par apprentissage, ce qui est un peu la tendance. Cela mériterait une réflexion plus approfondie.

Pour répondre à M. Delahaye, les taux d'encadrement sont plutôt faibles par rapport aux moyennes européennes. C'est vrai dans le primaire comme dans le secondaire. Dans le premier degré, nous avons un professeur pour 19 élèves, contre une dizaine en Italie ou en Belgique. Dans le second degré, nous avons 24 élèves par classe, ce qui nous place parmi les mauvais élèves de l'Europe, aux côtés du Royaume-Uni notamment.

Les baisses d'effectifs que nous allons connaître pourront entraîner une baisse du nombre d'enseignants, mais certainement pas de façon parfaitement homothétique et strictement proportionnelle - il existe, d'ailleurs, des problèmes géographiques. Je confirme à Didier Rambaud que les effectifs diminueront de 50 000 par an lors des huit à dix prochaines années.

M. Jeansannetas me rappelle que le quantitatif d'hier permet le qualitatif d'aujourd'hui. Je lui donne acte de son optimisme et de sa confiance. Il faut d'ailleurs reconnaître que ce n'est pas complètement faux...

Les contractuels sont non pas un risque, mais une chance : l'introduction, à l'école, d'hommes et de femmes qui ont une autre expérience permet à la communauté éducative une ouverture sur d'autres formations, d'autres parcours. Le taux de contractuels est de 8 %. C'est significatif, mais ce n'est pas une tragédie. Compte tenu des évolutions à venir, c'est même, pour la commission des finances, la certitude de pouvoir réadapter progressivement les effectifs aux besoins réels.

Vous avez mille fois raison sur l'affectation du socle et la contrepartie du pacte. Nous sommes tous d'accord sur ce sujet.

M. Segouin a posé une question majeure : celle de l'autorité du professeur. Il faut installer l'établissement comme un lieu disposant d'une véritable identité dans le territoire où il sert. Le fait d'être un établissement public n'interdit nullement cette identité. Il faut sans doute évoluer sur les responsabilités du chef d'établissement. Je rappelle toujours l'exemple des lycées agricoles : ces établissements publics ont un directeur qui a de l'autorité, un conseil d'administration qui a une certaine liberté et un président de conseil d'administration qui a la faculté d'aider l'établissement. Cela change complètement les relations entre les dirigeants, les enseignants et leurs élèves. Le climat est fondamentalement différent quand les parents et les élèves savent que leurs enseignants sont écoutés par un directeur qui dispose d'une autorité et de moyens d'intervention. Pour rétablir le respect, il faut que toute la hiérarchie des adultes soit solidaire et puisse répondre de manière homogène. Quand l'éducation nationale exige, au nom de l'obligation scolaire, que le chef d'établissement recase dans un autre établissement l'élève dont il ne veut pas, il se prive de la possibilité d'écarter un élève. Or il suffit d'un enquiquineur pour perturber toute une classe...

Il faut une solidarité entre adultes : parents, enseignants, membres du conseil d'administration, mais aussi élus, doivent intégrer l'établissement comme étant le leur, et non comme une enclave de la rue de Grenelle sur leur territoire. Il faut rechercher tout ce qui peut renforcer les liens entre l'établissement et le tissu des élus et des professionnels d'un secteur. Je cite toujours l'exemple des lycées agricoles. Je pense que donner au proviseur la faculté de soutenir ses enseignants face aux élèves changerait pas mal de choses. Ce serait encore mieux si les parents cessaient d'avoir peur de leurs enfants...

Pour que les professeurs soient heureux, il faut qu'ils aient la certitude d'être soutenus. Or ils ont la certitude de ne pas l'être. Les remontées du terrain montrent que le « pas de vague » ruine la qualité de l'enseignement.

M. Lefèvre nous dit que les villes sont mieux traitées que les territoires éducatifs ruraux. Il a sans doute raison, mais j'apporterai une nuance : les territoires ruraux bénéficient le plus souvent de taux d'encadrement très supérieurs au milieu urbain. En territoire rural, on a moins d'argent, mais la relation humaine est plus solide. On respecte encore les enseignants. Les parents connaissent les enseignants, ceux-ci se connaissent entre eux et connaissent les parents. À cet égard, maintenir des collèges qui n'accueillent guère plus de 100 élèves est un non-sens pédagogique, mais c'est un confort sur le plan humain. Le milieu urbain est tout de même beaucoup plus difficile du fait de l'hétérogénéité des populations et de comportements qui ne sont pas spontanément favorables au respect de l'enseignant.

Concernant les territoires éducatifs ruraux, pour l'instant, le PLF pour 2023 prévoit une hausse de 2 millions d'euros pour l'expérimentation lancée en 2021 dans 23 territoires. Le coût total en 2023 sera d'environ 4 millions. C'est bien, mais ce n'est pas cela qui fera la différence. Je pense que notre monde rural est privilégié en termes de qualité d'enseignement, dès lors que l'on a des enseignants stables.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des ressources humaines - Ministère de l'Éducation nationale

- M. Vincent SOETEMONT, directeur général ;

- M. Marc ESTOURNET, chef du service des personnels enseignants de l'enseignement scolaire.

Direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco)

- M. Edouard GEFFRAY, directeur général ;

- M. Christophe GÉHIN, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales.

Rectorat de l'académie de Paris

- M. Christophe KERRERO, recteur ;

- Mme Delphine VIOT, secrétaire générale chargée de l'enseignement scolaire.

Conseil d'évaluation de l'école

- Mme Béatrice GILLE, présidente ;

- M. Thibaut de SAINT POL, secrétaire général.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 Réagir face à la chute du niveau en mathématiques : pour une revalorisation du métier d'enseignant, fait au nom de la commission des finances, juin 2021.

* 2 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes sur le recours aux personnels contractuels dans l'éducation nationale, par M. Gérard Longuet, mai 2018.

* 3 Bilan social du ministère de l'éducation nationale 2020-2021.

* 4 Décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation.

* 5 Comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants ; rapport d'information de M. Gérard LONGUET, fait au nom de la commission des finances ; n° 649 (2021-2022) - juin 2022.

* 6 Teachers' and School Heads' Salaries and Allowances in Europe - 2019-2020, Eurydice, octobre 2021.

* 7 OCDE 2018 : Les carrières enseignantes en Europe.

* 8 OCDE, Regards sur l'éducation 2021.

* 9 Décret n° 2019-309 du 11 avril 2019 portant création d'une seconde heure supplémentaire hebdomadaire non refusable par les enseignants du second degré.

* 10 Décret n° 99-824 du 17 septembre 1999.

* 11 Décret n° 2008-199 du 27 février 2008.

* 12 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 13 Dossier de presse du ministère de l'Education nationale.

* 14 DEPP note 22.11.

* 15 DEPP note 22.12.

* 16 Dédoublement des classes de CP en éducation prioritaire renforcée : première évaluation, étude de la DEPP, janvier 2019.

* 17 Impact de la réduction de la taille des classes de CP et CE1, DEPP, octobre 2021.

* 18 Crise d'attractivité du métier d'enseignant : quelles réponses des pays européens ?, Rapport d'information de M. Gérard LONGUET, fait au nom de la commission des finances, n° 649 (2021-2022), juin 2022.

* 19 La très forte augmentation entre 2020 et 2021 de la SCSP de FEI découle en partie de l'absence de versement de la SCSP en 2020.

* 20 Le Centre national d'enseignement à distance (CNED), opérateur historique de l'enseignement à distance au service de la politique du numérique pour l'éducation, 15 juin 2022.

Page mise à jour le

Partager cette page