N° 42

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 octobre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l' interruption volontaire de grossesse et à la contraception ,

Par Mme Agnès CANAYER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

872 (2021-2022) et 43 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La possibilité du recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la contraception ne fait l'objet d' aucune remise en cause en France .

Les lois « Veil » et « Neuwirth » , qui ont ouvert ces droits aux femmes, font aujourd'hui partie de notre patrimoine juridique fondamental . Le Sénat y est particulièrement attaché .

À partir de ces lois, le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence protectrice , qu'il fait découler de la liberté de la femme tirée de l' article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et qu'il concilie avec le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation. La France offre donc déjà tous les outils juridiques pour garantir l'IVG et la contraception .

Selon la commission des lois, l' inscription d'un droit constitutionnel à l'avortement et à la contraception , proposée à l'initiative du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, n'est pas justifiée par la situation rencontrée dans notre pays . Elle importe un débat lié à l'organisation constitutionnelle propre aux États-Unis d'Amérique, très différente de celle de la France. La démarche purement proclamatoire et symbolique , voulue par les auteurs du texte, ne s'inscrit pas dans l'esprit du texte de la Constitution de 1958 et ne permet pas d'apporter une réponse aux difficultés qui peuvent se rencontrer en pratique pour l'accès à l'IVG . Ce faisant, elle met au coeur de l'actualité un sujet sur lequel il n'y a pas de remise en cause .

En conséquence, à l'initiative de sa rapporteure, Agnès Canayer, la commission des lois a rejeté la proposition de loi constitutionnelle .

I. UN ATTACHEMENT FORT DU SÉNAT À L'INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET À LA CONTRACEPTION, SOLIDEMENT PROTÉGÉES EN FRANCE

Les lois portées par Simone Veil et Lucien Neuwirth font aujourd'hui partie intégrante de notre patrimoine juridique et le Sénat s'est toujours montré fortement attaché à ces libertés de la femme .

Sur ces fondements juridiques, l' IVG et la contraception sont pleinement protégées .

L'IVG est inscrite dans le droit positif à l'article L. 2212-1 du code de la santé publique qui dispose que : « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l'interruption de sa grossesse (...) ».

Depuis la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 portée par Simone Veil , la liberté d'interrompre sa grossesse n'a jamais cessé d'être confortée avec, encore récemment, un allongement du délai dans lequel elle peut être pratiquée de douze à quatorze semaines.

De plus, le Conseil constitutionnel l'a toujours jugée conforme à la Constitution, les quatre fois où il s'est prononcé sur le sujet en 1975, 2001, 2014 et 2016.

La liberté d'interrompre sa grossesse est considérée par le Conseil constitutionnel depuis sa décision du 27 juin 2001 comme une composante de la liberté de la femme découlant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 , qu'il concilie avec le principe de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation ».

Preuve de la solidité de ce fondement , dans une décision de 2017 portant non pas sur l'IVG elle-même mais sur le délit d'entrave, le Conseil constitutionnel a jugé que l'objet des dispositions contestées était de « garantir la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789 » 1 ( * ) .

Telle était d'ailleurs la position exprimée par le Gouvernement lors de la dernière législature .

Il est en outre fortement probable que si le Conseil constitutionnel était saisi d'une loi interdisant ou restreignant fortement l'IVG, il ne pourrait la juger conforme à la Constitution dès lors qu'elle priverait de garanties légales cette « liberté de la femme » .

Quant à la contraception , consacrée par la loi du 28 décembre 1967 portée par Lucien Neuwirth, elle est aujourd'hui régie par l'article L. 5134-1 du code de la santé publique selon lequel « Toute personne a le droit d'être informée sur l'ensemble des méthodes contraceptives et d'en choisir une librement ».

Comme pour l'IVG, son accès n'a cessé d'être étendu au fil des années . Il s'agit en outre davantage d'un sujet médical , qui ne soulève aucun principe juridique avec lequel il devrait être éventuellement concilié.


* 1 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-747 DC du 16 mars 2017 sur la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

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