Rapport n° 495 (2021-2022) de Mme Nadine BELLUROT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 février 2022

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N° 495

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 février 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d' organisation de l' élection présidentielle dans le contexte lié à l' épidémie de covid-19 et sur la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d' organisation des élections législatives dans le contexte lié à l' épidémie de covid-19 ,

Par Mme Nadine BELLUROT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

346 , 351 , 496 et 497 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le 16 février 2022 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois du Sénat a adopté , sur le rapport de Nadine Bellurot (Les Républicains - Indre), la proposition de loi organique n° 346 (2021-2022) visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19, et la proposition de loi n° 351 (2021-2022) visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19, présentées par Philippe Bonnecarrère (Union Centriste - Tarn) et plusieurs de ses collègues.

Alors que le Gouvernement ne paraît pas avoir pris toute la mesure du risque que la persistance de l'épidémie de covid-19 pourrait faire peser aussi bien sur la participation des électeurs aux deux rendez-vous démocratiques majeurs à venir que sont l'élection présidentielle et les élections législatives, que sur la sécurité sanitaire des personnes chargées de les organiser, la commission a souscrit sans réserve aux objectifs poursuivis par ces deux textes .

Elle en a adopté les dispositions, qui visent à adapter certaines règles du droit électoral au contexte sanitaire lié à l'épidémie de covid-19 , en ouvrant la possibilité à une même personne de se voir confier deux procurations, en assouplissant les modalités d'établissement des procurations à domicile, en permettant aux préfets de dédoubler les bureaux de vote en cas de risque épidémique particulier, ou encore en mettant l'accent sur les obligations qui reposent sur les médias audiovisuels en termes de couverture de la campagne électorale, notamment par la diffusion d'au moins un débat entre l'ensemble des candidats, afin de renforcer l'expression du pluralisme .

I. À LA VEILLE DE RENDEZ-VOUS DÉMOCRATIQUES MAJEURS, UNE ABSENCE D'ANTICIPATION REGRETTABLE DE LA PART DU POUVOIR EXÉCUTIF

A. DES CONDITIONS DE VOTE ADAPTÉES POUR TENIR COMPTE DE LA CRISE SANITAIRE LORS DES ÉLECTIONS LOCALES DE 2020 ET 2021

Si le premier tour des dernières élections municipales s'est tenu à la date prévue, soit le 15 mars 2020, sans adaptation particulière sur le plan sanitaire en dépit de l'apparition, quelques semaines auparavant, de la pandémie de covid-19, le second tour a été repoussé au 28 juin et s'est accompagné de mesures destinées à adapter le droit électoral à la situation sanitaire.

Ainsi, le droit à la double procuration 1 ( * ) a été consacré à titre provisoire par la loi ; le régime d' établissement des procurations à domicile a été considérablement assoupli ; enfin, la mise à disposition d' équipements de protection a été prévue pour les électeurs ainsi que pour les personnes intervenant dans les bureaux de vote 2 ( * ) .

Ces trois mesures ont été reconduites pour les élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021, pour lesquelles, en outre, a été mis à la charge du service public de l'audiovisuel le soin d' assurer la couverture du débat électoral relatif à ces deux scrutins 3 ( * ) .

B. UN ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS DE VOTE PAR PROCURATION, QUI PARAÎT INSUFFISANT, À LUI SEUL, POUR GARANTIR LA BONNE TENUE DES ÉLECTIONS DANS LE CONTEXTE SANITAIRE ACTUEL

Deux évolutions importantes du droit des procurations sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2022 :

- d'une part, en application d'une disposition votée dans la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique du 27 décembre 2019 4 ( * ) , un électeur peut dorénavant donner procuration à un mandataire inscrit sur la liste électorale d'une autre commune que la sienne (c'est ce qu'on appelle la « déterritorialisation » des procurations). Corrélativement, les procurations sont désormais centralisées dans le répertoire électoral unique (REU), qui contrôle automatiquement l'inscription du mandant et du mandataire sur une liste électorale, ainsi que le plafond de procurations détenues par ce mandataire, ce qui permet d'éviter des fraudes ;

- d'autre part, le régime d'établissement des procurations à domicile a été assoupli par un décret du 22 décembre 2021 5 ( * ) .

Si ces deux mesures apportent, de manière générale, davantage de souplesse au vote par procuration, et peuvent constituer une réponse utile pour les personnes que la situation sanitaire dissuaderait de se déplacer le jour du scrutin, elles ne sont toutefois pas à la hauteur des enjeux sanitaires et démocratiques que soulèvent les élections à venir.

Les chiffres clés des élections de 2022

Nombre d'inscrits
sur les listes électorales 6 ( * )

Nombre
de bureaux
de vote

Nombre moyen d'électeurs
par bureau de vote 7 ( * )

Taux de participation moyen
en 2017

élection présidentielle

élections législatives

II. DEUX TEXTES BIENVENUS POUR SÉCURISER LE DÉROULEMENT DES ÉLECTIONS À VENIR ET PRÉVENIR LE RISQUE D'ABSTENTION

Les propositions de loi organique et ordinaire comportent plusieurs mesures destinées à sécuriser les conditions d'organisation des scrutins présidentiel et législatifs et à prévenir l'abstention.

A. LE DROIT À LA DOUBLE PROCURATION

Les deux textes visent tout d'abord à reconduire, pour les élections de 2022, le droit de chaque mandataire à se voir confier deux procurations établies en France , selon les mêmes modalités que celles prévues pour le second tour des élections municipales et les élections départementales et régionales.

Cette mesure paraît aujourd'hui se heurter à un obstacle technique : en effet, le REU, qui est opérationnel depuis le 1 er janvier 2022, a été paramétré pour n'accepter qu'une seule procuration établie en France.

La commission regrette amèrement ce manque d'anticipation peu compréhensible de la part des services du ministère de l'intérieur. En effet, les difficultés liées à la configuration du REU ne présentent en tout état de cause pas de caractère insurmontable. Elle souligne l'intérêt de cette mesure qui, si elle n'a concerné que 8 % des mandataires qui ont bénéficié d'une procuration établie par voie électronique lors des élections départementales et régionales de 2021, pourrait cette année intéresser un plus grand nombre d'électeurs, au regard de l'engouement traditionnel des citoyens pour l'élection présidentielle et compte tenu de la déterritorialisation en vigueur depuis le 1 er janvier 2022. Aussi la commission a-t-elle souhaité la reconduire pour les deux élections à venir.

B. L'ÉTABLISSEMENT DES PROCURATIONS À DOMICILE

Par ailleurs, les propositions de loi organique et ordinaire visent à assouplir encore les conditions dans lesquelles un électeur peut établir ou retirer sa procuration depuis son domicile, en faisant pour cela appel aux services de police ou de gendarmerie, le cas échéant par simple appel téléphonique, afin que toutes les personnes vulnérables qui ne pourraient ou ne souhaiteraient pas, notamment pour des raisons liées à la situation épidémique, se déplacer au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie puissent en bénéficier.

La commission a salué une disposition qui, en offrant aux électeurs davantage de souplesse et de simplicité que le droit existant, évite que le contexte sanitaire ne constitue un frein à la participation électorale .

C. L'AMÉNAGEMENT DES BUREAUX DE VOTE

Alors que le droit en vigueur n'autorise les préfets à modifier le périmètre des bureaux de vote, s'il y a lieu, qu'au plus tard le 31 août de l'année précédant l'élection en cause, les propositions de loi organique et ordinaire leur ouvrent une souplesse supplémentaire en leur permettant, dans des conditions définies par voie réglementaire, d'augmenter le nombre de bureaux de vote après cette date, si la situation épidémique le rend nécessaire.

La commission a adopté cette disposition qui constitue un outil utile à la main des préfets pour adapter les modalités du vote à la réalité locale de l'épidémie le jour du scrutin .

D. LA COUVERTURE DE LA CAMPAGNE ÉLECTORALE PAR LES MÉDIAS AUDIOVISUELS

Enfin, la proposition de loi organique prévoit, pour la seule élection présidentielle, d'obliger l'ensemble des chaînes placées sous le contrôle de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à consacrer au moins quatre heures d'antenne par semaine, chacune, à la couverture de la campagne électorale, afin notamment de compenser la plus grande difficulté rencontrée par les candidats à faire campagne sur le terrain dans le contexte de la crise sanitaire.

Si l'objectif poursuivi par cette proposition paraît satisfait en pratique, compte tenu de la large couverture déjà accordée par les chaînes d'information en continu à l'actualité politique, et si sa rédaction pourrait peut-être également susciter des difficultés sur le plan juridique, la commission a néanmoins estimé que cette proposition avait le mérite de mettre en évidence les difficultés particulières rencontrées par les candidats, et notamment les plus « petits » d'entre eux, à faire entendre leur voix dans le contexte que nous traversons depuis deux ans, à rebours de l'objectif démocratique et constitutionnel essentiel que constitue l'expression du pluralisme politique en démocratie.

Cette proposition met également en évidence le manque de débats entre candidats déclarés ou présumés, chacun d'entre eux faisant campagne « en silo » sans que les propositions des uns et des autres soient véritablement soumises à la contradiction et au débat entre l'ensemble des prétendants à la fonction présidentielle.

Afin de remédier à cette situation, la commission a, sur proposition de la rapporteure, substitué au dispositif initialement proposé par la proposition de loi organique une disposition prévoyant qu'un débat, au moins, sera organisé entre l'ensemble des candidats avant le premier tour de scrutin , sous le contrôle de l'Arcom et dans le respect des principes d'équité et d'égalité qui gouvernent le traitement de la campagne présidentielle par les médias audiovisuels. Afin de ne pas interférer avec la politique éditoriale des chaînes, les modalités de ce ou ces débats seront définies en concertation avec l'ensemble des éditeurs soumis à la régulation de l'Arcom. Elle a adopté cette disposition de la proposition de loi organique ainsi modifiée.

La commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée et la proposition de loi sans modification.
Ces textes seront examinés en séance publique le 25 février 2022.

EXAMEN DES ARTICLES
DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er
Modalités de déroulement de la campagne présidentielle
dans les médias audiovisuels

Afin de compenser la plus grande difficulté à tenir des réunions publiques dans le contexte de la crise sanitaire, l'article 1 er de la proposition de loi organique propose de renforcer les obligations qui reposent sur les éditeurs de services de radio et de télévision à l'approche de l'élection présidentielle, en mettant à la charge de chacun d'entre eux l'obligation de consacrer au moins quatre heures d'antenne chaque semaine aux débats structurant l'élection présidentielle.

Considérant que cet objectif était en partie satisfait par la couverture de la campagne électorale assurée notamment par les chaînes d'information en continu, la commission lui a substitué un dispositif prévoyant la diffusion d'au moins un débat entre l'ensemble des candidats avant le premier tour de scrutin. Elle a adopté cet article ainsi modifié .

1. Une campagne audiovisuelle placée sous la supervision de l'Arcom (ex-CSA)

Afin de permettre l'accès aux différents médias audiovisuels des prétendants et candidats à l'élection présidentielle et de garantir la clarté et la sincérité du débat électoral, le législateur a confié à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui a succédé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le 1 er janvier 2022, le soin d'encadrer, par des recommandations adressées aux éditeurs des services de radio et de télévision autorisés ou ayant conclu une convention avec elle, les conditions dans lesquelles ces derniers rendent compte de la campagne électorale (article 16 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication).

L'état du droit, tel qu'il résulte du I bis de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, introduit par la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle, et de la recommandation n° 2021-03 du 6 octobre 2021 du Conseil supérieur de l'audiovisuel aux services de communication audiovisuelle en vue de l'élection du Président de la République, conduit à distinguer trois périodes dans l'organisation de la campagne de la prochaine élection présidentielle :

- une première période qui s'est ouverte le 1 er janvier 2022 et prendra fin le 7 mars , veille de la publication de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel, au cours de laquelle les candidats déclarés ou présumés et leurs soutiens bénéficient d'une présentation et d'un accès équitables à l'antenne. Ce principe d'équité , qui doit être respecté à la fois pour le temps de parole et pour le temps d'antenne, en tenant compte de la nature et de l'horaire des émissions, est apprécié en prenant en considération, d'une part, la représentativité du candidat déclaré ou présumé, et, d'autre part, sa capacité à manifester son intention à être candidat ;

- une deuxième période allant du 8 mars au 27 mars 2022 , veille de l'ouverture de la campagne électorale « officielle » : dans cette période dite « d'équité renforcée » , les éditeurs veillent à ce que les candidats et leurs soutiens bénéficient d'une présentation et d'un accès équitables à l'antenne, à la fois pour le temps de parole et pour le temps d'antenne, dans des conditions de programmation comparables (appréciées sur la base de quatre tranches horaires) - ce principe d'équité étant mis en oeuvre au regard de la représentativité du candidat et de sa contribution à l'animation du débat électoral ;

- enfin, la campagne électorale « officielle » ouvre une troisième période, close le vendredi inclus précédant le second tour de l'élection (soit le 22 avril 2022), au cours de laquelle s'applique un principe d'égalité stricte des temps de parole et des temps d'antenne accordés aux candidats et à leurs soutiens, celui-ci étant apprécié également dans des conditions de programmation comparables.

Au cours de chacune de ces périodes, les éditeurs relèvent les temps de parole et les temps d'antenne des candidats et de leurs soutiens dans l'ensemble de leurs programmes et les transmettent à l'Arcom, qui les publie sur son site Internet 8 ( * ) .

Ces dispositions mettent ainsi à la charge des éditeurs des obligations en matière de traitement de la campagne électorale, sous le contrôle de l'Arcom, à qui il revient de garantir l'expression du pluralisme politique, conformément à la mission que lui a confiée le Parlement.

2. La proposition de loi organique : compléter ce cadre général en mettant à la charge des éditeurs l'obligation de consacrer, chacun, au moins quatre heures hebdomadaires aux débats structurant l'élection présidentielle

L'article 1 er de la proposition de loi organique s'inscrit dans ce cadre de régulation, qu'il propose de compléter en mettant à la charge des éditeurs de services de communication audiovisuelle, en outre, l'obligation de consacrer, chacun, au moins quatre heures par semaine aux débats relatifs à l'élection présidentielle.

L'idée de l'auteur de la proposition de loi organique, Philippe Bonnecarrère, est claire : alors que la situation épidémique tarde à s'améliorer durablement, il convient de compenser, par une retransmission renforcée des débats par les médias audiovisuels, la plus grande difficulté à tenir des réunions publiques sur le terrain et la réticence compréhensible de certains de nos compatriotes à participer à de tels rassemblements, compte tenu des risques sanitaires que ceux-ci peuvent présenter nonobstant le respect des gestes barrières.

3. La position de la commission : une préoccupation en partie satisfaite dans la pratique, qui met en revanche en évidence un manque de débats à l'approche de l'élection présidentielle

3.1. Un dispositif sans doute en partie satisfait en pratique

La commission des lois partage sans réserve les préoccupations qui ont guidé Philippe Bonnecarrère dans la formulation de sa proposition de loi organique : bien que les réunions politiques ne soient pas soumises aux mesures de jauge ou à la présentation du passe vaccinal (comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, notamment, dans sa décision n° 2021-828 DC du 9 novembre 2021, § 17), le principe de responsabilité a naturellement conduit un certain nombre de candidats à l'élection présidentielle à limiter leurs rassemblements, dans le contexte d'une « cinquième vague » accentuée par la diffusion du variant « omicron », tandis que ce même contexte limite inévitablement la capacité de leurs soutiens à faire campagne sur le terrain. Afin de garantir l'information et la mobilisation des électeurs, il est donc essentiel que ces derniers puissent avoir accès aux programmes et positions défendus par les différents candidats, afin d'éclairer utilement leur vote le moment venu.

Pour autant, il ressort des auditions conduites par la rapporteure que l'objectif poursuivi par la proposition de loi organique est sans doute, dans les faits, déjà en partie satisfait .

En effet, avec la recomposition du paysage audiovisuel résultant de la montée en puissance des chaînes d'information en continu, la relative diminution du temps d'antenne consacré à la campagne électorale par les chaînes généralistes a été plus que compensée par la couverture de cette dernière par les chaînes d'information, lesquelles, outre les émissions et débats qu'elles consacrent aux débats électoraux, transmettent désormais également en direct les meetings politiques des principaux candidats (que l'on peut par ailleurs retrouver en rediffusion sur Internet).

Source : Arcom

Dans son rapport sur l'élection présidentielle de 2017, le CSA avait relevé qu' « au total, les candidats et leurs soutiens [avaient] bénéficié entre le 1 er février et le 5 mai de plus de 3 220 heures de temps d'antenne dans les programmes des 24 radios et télévisions constituant le panel des médias audiovisuels soumis à l'obligation de transmettre des relevés au Conseil. Le temps de parole global accordé à l'ensemble des candidats et à leurs soutiens au cours de la même période a représenté une durée de 1 850 heures. [...] En moyenne, l'expression des candidats et leurs soutiens a représenté plus de 130 heures par semaine en 2017, contre 60 heures en 2007 et 100 heures en 2012. La part des chaînes d'information s'est élevée à 62 % du total, celle des radios à 29 % et celle des chaînes généralistes à 9 % (principalement sur France 2 dont le volume a été particulièrement important). [...] » 9 ( * ) .

Les éditeurs soumis à la régulation de l'ARCOM pour la présente élection présidentielle sont les suivants : TF1, France Télévisions (France 2, France 3 pour son programme national et ses programmes régionaux, France 5, Outre-mer la Première radio et télévision), Canal + pour son programme en clair, M6, C8, TMC, BFM TV, CNews, LCI, FranceInfo, RT France, RMC Découverte, RMC Story, Radio France (France Inter, France Info, France Culture, France Bleu), RTL, Europe 1, RMC, BFM Business, Radio Classique, Sud Radio, France 24, RFI, TV5 Monde et Euronews.

Source : Recommandation n° 2021-03 du 6 octobre 2021 du CSA

Encore ce constat ne tient-il pas compte de la couverture assurée, en outre, par les éditeurs que sont Public Sénat, La Chaîne Parlementaire - Assemblée nationale et Arte, qui ne sont pas soumis à la régulation de l'Arcom. À titre d'exemple, outre une nouvelle émission hebdomadaire dédiée à la campagne, Public Sénat prévoit cette année de consacrer son émission quotidienne matinale à l'interview des candidats ainsi qu'un débat par semaine sur une des thématiques de la campagne, auxquels s'ajouteront la diffusion de documentaires en première partie de soirée et la mise en ligne de podcasts et d'animations sur les réseaux sociaux.

Sans doute ces différentes données ne rendent-elles qu'imparfaitement compte de la différence de situation importante entre les chaînes généralistes, d'une part, et les chaînes d'information, d'autre part, les premières s'étant progressivement désengagées du traitement de l'actualité politique, et singulièrement de la couverture des campagnes électorales, au profit des secondes, dans un contexte d'organisation et de politique éditoriale interne propre à chaque groupe. Ainsi la chaîne TF1 s'est-elle largement désinvestie du traitement de l'actualité politique, au profit de LCI. De même, la chaîne Canal + a considérablement réduit son temps d'antenne en clair et ne diffuse plus d'émission à portée politique depuis l'arrêt de l'émission « L'Info du vrai » en juin 2021 - la couverture de l'actualité politique étant assurée par d'autres chaînes du groupe, et notamment sa chaîne CNews.

À cet égard, imposer indistinctement à chaque éditeur de consacrer au moins quatre heures par semaine à la couverture de la campagne présidentielle conduirait le Parlement à s'immiscer dans la politique éditoriale des chaînes, sans justification évidente compte tenu de la large couverture assurée par les chaînes d'information, et de façon d'autant plus contestable qu'une telle obligation n'est, à ce jour, pas prévue dans les conventions ou cahiers des charges des éditeurs concernés. Ce dispositif poserait également d'importantes difficultés de mise en oeuvre à brève échéance, compte tenu de l'obligation faite à chaque chaîne d'annoncer ses grilles de programme au plus tard 18 jours avant leur diffusion, et pourrait s'avérer coûteux pour celles d'entre elles qui seraient contraintes de modifier de façon importante leur programmation.

3.2. Un dispositif qui met en évidence un manque de débats dans la campagne électorale en cours

Toutefois, si l'objectif poursuivi par cette proposition est déjà pour partie satisfait en pratique, et si sa rédaction pourrait peut-être également susciter des difficultés sur le plan juridique, en l'absence de motif d'intérêt général suffisant justifiant l'immixtion du Parlement dans l'organisation interne des éditeurs, la commission a estimé que cette proposition avait le mérite de mettre en évidence les difficultés particulières rencontrées par les candidats, et notamment les plus « petits » d'entre eux, à faire entendre leur voix dans le contexte que nous traversons depuis deux ans, à rebours de l'objectif démocratique et constitutionnel essentiel que constitue l'expression du pluralisme politique en démocratie.

Elle met également en évidence le manque de débats entre candidats déclarés ou présumés, chacun d'entre eux faisant campagne « en silo », sans que les propositions des uns et des autres soient véritablement soumises à la contradiction et au débat entre l'ensemble des prétendants à la fonction présidentielle.

Afin de remédier à cette situation, la commission a souhaité, sur proposition de la rapporteure, qu'un débat, au moins, soit obligatoirement organisé entre l'ensemble des candidats avant le premier tour de scrutin, sous le contrôle de l'Arcom et dans le respect des principes d'équité et d'égalité qui gouvernent le traitement de la campagne présidentielle par les médias audiovisuels. Afin de ne pas interférer avec la politique éditoriale des chaînes, les modalités de ce ou ces débats seraient définies en concertation avec l'ensemble des éditeurs soumis à la régulation de l'Arcom. Elle a, à cette fin, adopté l'amendement COM-2 de la rapporteure.

Ces dispositions, qui pourront le cas échéant être précisées en vue de l'examen de la proposition de loi organique en séance plénière, lui paraissent de nature à mieux répondre à l'objectif poursuivi par ce texte, qui est de permettre aux électeurs de bénéficier, malgré le contexte sanitaire qui limite les capacités des candidats à faire campagne sur le terrain, de l'ensemble des informations nécessaires pour leur permettre d'exprimer leur vote en pleine connaissance de cause le jour du scrutin.

La commission a adopté l'article 1 er de la proposition de loi organique ainsi modifié .

Article 2, II et V
Droit à la double procuration

Les II et V de l'article 2 de la proposition de loi organique visent à ouvrir, pour l'élection présidentielle, le droit pour le mandataire de détenir deux procurations établies en France.

Sensible à la nécessité de reconduire une disposition qui avait démontré son intérêt lors du second tour des élections municipales et des élections départementales et régionales, la commission a adopté les II et V de l'article 2 de la proposition de loi organique sans modification.

1. Le droit à la double procuration : une disposition provisoire prévue pour les élections de 2020 et 2021

1.1. Le droit commun : une procuration établie en France

En l'état du droit, chaque électeur ne peut disposer que d'une seule procuration établie en France, conformément à l'article L. 73 du code électoral . Un mandataire peut ainsi être porteur :

- soit d'une seule procuration établie en France ;

- soit d'une seule procuration établie à l'étranger (dans un consulat) ;

- soit d'une procuration établie à l'étranger et d'une procuration établie en France ;

- soit de deux procurations établies à l'étranger.

Le même article précise que, si ces limites ne sont pas respectées, seules sont valables la ou les procurations dressées les premières , tandis que les autres sont nulles de plein droit.

Les évolutions de l'article L. 73 du code électoral

Jusqu'au 3 janvier 1989, l'article L. 73 du code électoral fixait à deux le nombre de procurations dont pouvait disposer chaque mandataire, sans indiquer combien d'entre elles pouvaient être établies en France.

Souhaitant réduire le nombre de procurations pour éviter les manoeuvres frauduleuses, le Gouvernement avait été à l'initiative de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988, qui a notamment introduit la précision selon laquelle une seule des deux procurations peut être établie en France ; cette rédaction est en vigueur depuis le 4 janvier 1989.

1.2. Les aménagements prévus pour les élections de 2020 et 2021

Dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, l'accroissement du recours aux procurations est rapidement apparu comme un moyen de garantir la participation des électeurs tout en protégeant les plus vulnérables d'entre eux d'un risque de contamination 10 ( * ) .

Dès le 2 juin 2020, le Sénat a adopté la proposition de loi n° 93 (2019-2020) tendant à sécuriser l'établissement des procurations électorales, dont l'article 1 er bis , introduit par la commission des lois 11 ( * ) , visait à permettre à chaque mandataire de recevoir deux procurations établies en France.

Si cette loi n'a pas été examinée à l'Assemblée nationale, l'article 1 er de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires a ouvert, dans les mêmes conditions, le droit à la double procuration.

Cette disposition a ensuite été reprise pour les élections partielles organisées entre le 27 décembre 2020 et le 13 juin 2021 12 ( * ) , puis pour les élections départementales et régionales de juin 2021 13 ( * ) .

En revanche, aucune disposition n'a à ce jour été prévue pour les prochains scrutins présidentiel et législatifs.

1.3. L'entrée en vigueur du répertoire électoral unique le 1 er janvier 2022

En application de l'article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique et du décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021 14 ( * ) , les procurations font l'objet, depuis le 1 er janvier 2022, d'une gestion centralisée dans le répertoire électoral unique (REU). Les données relatives aux procurations sont ainsi enregistrées dans le REU, qui procède au contrôle automatisé de l'inscription sur les listes électorales du mandant et du mandataire, et du plafond des procurations par mandataire 15 ( * ) .

En conséquence, pour l'application de l'article L. 73 du code électoral, il convient de considérer que la procuration qui a été « dressée » la première est celle qui a été enregistrée la première dans le REU . Ainsi, doit être prise en compte la date d'enregistrement de la procuration dans le REU, et non sa date d'établissement par l'autorité habilitée. Les autres procurations sont quant à elles annulées, sauf si les procurations antérieures ont été résiliées 16 ( * ) .

Ainsi, le REU est actuellement configuré pour autoriser une seule procuration établie en France , et se bloque automatiquement au-delà de ce nombre.

2. Le dispositif : reconduire le droit à la double procuration pour l'élection présidentielle de 2022

Le II de l'article 2 de la proposition de loi organique vise à reconduire, pour l'élection présidentielle, le droit pour le mandataire de détenir deux procurations établies en France, de façon identique aux dispositions prévues pour le second tour des élections municipales de juin 2020 et les élections départementales et régionales de juin 2021.

Il est prévu, sur le modèle de l'article L. 73 du code électoral, que si cette limite de deux procurations par mandataire n'est pas respectée, alors les procurations qui ont été dressées les premières sont les seules valables ; la ou les autres procurations sont nulles de plein droit.

Le V de l'article 2 de la proposition de loi organique prévoit, en outre, des sanctions en cas d'infraction à cette disposition, à savoir un emprisonnement de deux ans et une amende de 15 000 euros.

Cette sanction correspond à celle prévue à l'article L. 107 du code électoral , qui, conformément à l'article L. 111 du même code, s'applique pour « toute manoeuvre frauduleuse ayant pour but d'enfreindre les dispositions des articles L. 64 et L. 71 à L. 77 ».

3. La position de la commission : reconduire pour l'élection présidentielle de 2022 une disposition présentant un fort intérêt sanitaire et démocratique

Alors que l'évolution de l'épidémie dans les mois à venir est incertaine, la commission met en avant la nécessité d'adapter le droit électoral en amont des scrutins majeurs de 2022, afin de prévenir les phénomènes d'abstention que la persistance de l'épidémie pourrait favoriser.

Elle estime ainsi que le droit à la double procuration, en permettant à chaque mandataire de recevoir deux procurations établies en France 17 ( * ) , fait partie de ces mesures nécessaires.

De plus, si le nombre de mandataires ayant reçu deux procurations lors des élections départementales et régionales est resté modéré 18 ( * ) , l'ordre de grandeur prévisible pour les élections de 2022 pourrait être tout autre, étant donné l'engouement traditionnel en France des citoyens pour le scrutin présidentiel 19 ( * ) . Dès lors, le nombre d'électeurs souhaitant demander une procuration pourrait être plus important que celui constaté à l'occasion des dernières élections, de même que, par répercussion, le nombre de mandataires qui seraient amenés à recevoir deux procurations.

Taux de participation aux élections depuis 2012
( hors élections européennes )

Élections

Année

Taux de participation (moyenne des deux tours)

Élections municipales

2014

62,8 %

2020

42,7 %

Élections départementales
et régionales

2015

49,4 %

2021

33,7 %

Élections législatives

2012

56,31 %

2017

46,9 %

Élection présidentielle

2012

79,9 %

2017

78,1 %

Source : commission des lois à partir d'éléments transmis
par le ministère de l'intérieur

Recours à la procuration lors des élections départementales
et régionales de 2021

Nombre

Taux

Mandataires désignés par tout moyen

609 869

100 %

Mandataires désignés par voie dématérialisée

256 145

42 %

Mandataires détenant deux procurations

20 509

8 % des mandataires désignés par voie dématérialisée

Source : commission des lois à partir d'éléments transmis
par le ministère de l'intérieur

Par ailleurs, la commission rappelle qu' aucun risque particulier pour la sincérité des scrutins n'a été identifié par le juge électoral.

Enfin, elle a connaissance des difficultés d'ordre technique que la coexistence du REU et du droit à la double procuration pourrait occasionner, le REU n'étant actuellement pas configuré pour autoriser une deuxième procuration établie en France , ainsi que le ministère de l'intérieur l'a indiqué à la rapporteure 20 ( * ) . Elle prend acte de la position de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), qui, tout en étant favorable à la pérennisation de cette mesure, attire néanmoins l'attention sur les risques techniques de dysfonctionnement des logiciels des communes que l'ouverture en des délais si courts du droit à la double procuration pourrait engendrer.

La commission estime néanmoins qu'il ne revient pas au Parlement de légiférer en fonction des difficultés techniques qui se poseraient au ministère de l'intérieur en raison de son propre manque d'anticipation. Elle s'étonne à ce titre que la configuration initiale du REU ait été effectuée au regard du seul droit en vigueur , abstraction faite de la nécessité éventuelle d'apporter des aménagements comparables à ceux réalisés en vue des scrutins de 2020 et 2021.

La commission a ainsi adopté les II et V de l'article 2 de la proposition de loi organique.

La commission a adopté les II et V de l'article 2 de la proposition de loi organique sans modification .

Article 2, III
Établissement des procurations à domicile

Le III de l'article 2 de la proposition de loi organique vise à assouplir les conditions dans lesquelles un électeur peut établir ou retirer sa procuration depuis son domicile, afin de tenir compte des contraintes liées à la situation sanitaire.

Saluant une disposition qui offrirait une plus grande souplesse pour l'électeur et protègerait les personnes fragiles ou vulnérables contre le risque d'une contamination, la commission a adopté le III de l'article 2 de la proposition de loi organique sans modification .

1. L'établissement des procurations à domicile : entre aménagements législatifs et évolutions réglementaires

1.1. L'état actuel du droit

Conformément à l'article R. 72-1 du code électoral , l'établissement d'une procuration suppose la comparution personnelle du mandant et la vérification de son identité 21 ( * ) .

Peuvent établir les procurations les magistrats judiciaires ainsi que les autorités habilitées par ceux-ci, à savoir : tout officier de police judiciaire (OPJ), autre que les maires ou leurs adjoints ; tout agent de police judiciaire (APJ) ; tout réserviste au titre de la réserve civile de la police nationale ou au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, ayant la qualité d'APJ 22 ( * ) .

Les demandes de procuration peuvent être recueillies :

- au sein du tribunal judiciaire du lieu de résidence ou de travail du mandant ;

- au sein de tout commissariat de police ou de toute brigade de gendarmerie sur le territoire national ;

- depuis le 18 juin 2020 23 ( * ) , dans des lieux accueillant du public dont la liste et les dates et heures d'ouverture sont arrêtées par le préfet ;

- au domicile du mandant : dans sa rédaction issue du décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021 24 ( * ) , le IV de l'article R. 72-1 prévoit que les officiers et agents de police judiciaire « se déplacent à la demande des personnes qui, en raison de maladies ou d'infirmités graves, ne peuvent manifestement comparaître devant eux » 25 ( * ) .

L'article R. 73 précise que cette demande « doit être formulée par écrit et accompagnée d'une attestation sur l'honneur indiquant que l'électeur est dans l'impossibilité manifeste de comparaître ».

Ainsi, en l'état actuel du droit, les conditions dans lesquelles un électeur peut établir ou retirer sa procuration depuis son domicile demeurent assez strictement encadrées, bien qu'elles aient été aménagées depuis le début de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19.

1.2. Les aménagements à l'occasion de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19

Le régime applicable à la veille du second tour des élections municipales pour l'établissement des procurations à domicile était très rigide : la demande formulée par un électeur ne pouvant se déplacer en raison d'une maladie ou d'une infirmité grave devait être formulée par écrit et « accompagnée d'un certificat médical ou de tout document officiel justifiant [son] impossibilité manifeste de comparaître 26 ( * ) ».

Ce régime étant insuffisamment adapté à la situation sanitaire, l'article 1 er de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires a prévu son assouplissement à un triple titre, visant :

- le champ des bénéficiaires : le droit à établir ou retirer sa procuration depuis son domicile est ouvert à la demande de « toutes les personnes qui, en raison de l'épidémie de covid-19, ne peuvent pas comparaître » devant les autorités compétentes ;

- la justification de l'impossibilité de se déplacer : il n'est plus nécessaire de fournir un justificatif, mais il suffit d'indiquer la raison de l'impossibilité de se déplacer ;

- les modalités de saisine des autorités compétentes : les personnes concernées peuvent saisir les autorités compétentes par voie postale, par téléphone, ou par voie électronique, et non plus seulement par écrit.

Cet aménagement a été reconduit à l'identique pour les élections municipales partielles organisées entre le 27 décembre 2020 et le 13 juin 2021 27 ( * ) .

En vue des élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021 , l'article 14 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire a quelque peu resserré le dispositif en précisant que l'électeur accompagne sa demande d'établissement d'une procuration à domicile d'une attestation sur l'honneur de son incapacité à ne pas pouvoir se déplacer en brigade ou en commissariat en raison d'une maladie ou d'une infirmité graves . Comme précédemment, les électeurs concernés peuvent saisir les autorités compétentes par voie postale, par téléphone, ou par voie électronique .

Le décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021 a inscrit cette disposition aux articles R. 72-1 et R. 73 du code électoral, tout en limitant à la voie écrite les modalités d'expression de la demande.

À noter que les articles R. 72-1 et R. 73 du code électoral dans leur rédaction issue du décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021 sont également applicables à l'élection présidentielle , conformément à l'article 39-1 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

2. Le dispositif : reprendre pour l'élection présidentielle de 2022 l'aménagement prévu lors du second tour des élections municipales de 2020 et des élections municipales partielles de 2020 et 2021

Le III de l'article 2 de la proposition de loi organique vise à reprendre, pour l'élection présidentielle de 2022, la disposition relative à l'établissement des procurations à domicile qui avait été prévue pour le second tour des élections municipales de 2020 et les élections municipales partielles de 2020 et 2021 28 ( * ) .

Par rapport au droit existant, cet aménagement apporterait davantage de souplesse en permettant à toutes les personnes qui ne peuvent se déplacer « en raison de l'épidémie de covid-19 » d'établir ou de retirer leur procuration depuis leur domicile ; elles pourraient saisir les autorités compétentes par voie postale, par téléphone ou par voie électronique. Il leur suffirait d'indiquer la raison de leur impossibilité de se déplacer, sans avoir besoin de fournir un justificatif.

3. La position de la commission : renforcer la souplesse et la flexibilité du dispositif d'établissement des procurations à domicile

La commission souligne la nécessité de prévoir tous les aménagements nécessaires afin que le contexte sanitaire ne constitue pas un frein à la participation électorale .

Dans la mesure où le niveau de circulation du coronavirus restera, selon toute vraisemblance, important dans les semaines à venir, elle estime que toutes les personnes vulnérables qui souhaitent éviter de prendre le risque d'une contamination devraient pouvoir établir ou retirer une procuration depuis leur domicile.

La commission souligne à ce titre que la disposition portée au III de l'article 2 de la proposition de loi organique apporterait plus de souplesse que le droit existant, en élargissant les motifs d'impossibilité de déplacement au-delà des maladies et infirmités graves.

Cette disposition serait également synonyme d'une plus grande simplicité d'usage pour l'électeur , qui pourrait formuler sa demande par téléphone, et non pas seulement par écrit.

Enfin, la commission suggère également la plus grande simplicité de gestion pour l'administration qui découlerait de cette disposition. En effet, il est probable, compte tenu de la situation sanitaire, qu'un nombre important d'électeurs - et dans des volumes supérieurs à ceux observés lors des élections municipales de 2020 et départementales et régionales 2021, en raison de l'engouement traditionnel en France pour l'élection présidentielle - demandent à retirer ou établir leur procuration depuis leur domicile.

Tel qu'il existe actuellement, le régime d'établissement des procurations à domicile risquerait ainsi de générer un nombre conséquent d'attestations sur l'honneur en format papier , que les officiers et agents de police judiciaire seraient tenus de conserver pendant une durée de six mois après l'expiration du délai de validité de la procuration 29 ( * ) . À l'inverse, la disposition ici proposée, qui n'impose pas d'attestation sur l'honneur, apparaît moins contraignante sur le plan matériel.

Convaincue de la pertinence de la disposition proposée, la commission a par conséquent adopté le III de l'article 2 de la proposition de loi organique sans modification.

La commission a adopté le III de l'article 2 de la proposition de loi organique sans modification .

Article 2, IV
Déterritorialisation des procurations de vote
pour l'élection présidentielle

Le IV de l'article 2 de la proposition de loi organique vise à déterritorialiser les procurations en permettant au mandant de confier sa procuration à tout électeur, y compris lorsque celui-ci est inscrit sur la liste électorale d'une autre commune.

Dans la mesure où cette disposition s'applique déjà aux élections législatives comme à l'élection présidentielle, la commission ne l'a pas adoptée.

1. Les conditions à la désignation d'un mandataire

Le vote par procuration permet à un électeur (le mandant ) de confier l'expression de son vote à autre électeur (le mandataire ).

Depuis le 18 juin 2020, en application de la loi du n° 2019-1461 du 26 décembre 2019 relative à la vie à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, le vote par procuration est une modalité de vote ouverte à tous les électeurs 30 ( * ) ; il n'est plus nécessaire de justifier le motif pour lequel il est impossible de participer au scrutin.

Dans sa version antérieure au 1 er janvier 2022, l'article L. 72 du code électoral soumettait la désignation du mandataire à deux conditions : le mandataire devait jouir de ses droits électoraux , d'une part, et être inscrit dans la même commune que le mandant , d'autre part.

L'article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a supprimé cette seconde condition à compter du 1 er janvier 2022 .

Si cette disposition s'applique directement s'agissant des élections législatives, il n'en va pas de même pour l'élection présidentielle, qui est régie par un droit électoral spécial, défini par la loi organique 31 ( * ) .

L'article 5 de la loi organique n° 2021-335 du 29 mars 2021 portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République a ainsi prévu l'application à l'élection présidentielle de l'article L. 72 du code électoral dans sa nouvelle rédaction 32 ( * ) .

La jurisprudence dite de la « cristallisation »

Certaines dispositions de droit commun s'appliquent à l'élection présidentielle ; les articles 3 et 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 procèdent ainsi à un large renvoi aux articles du code électoral.

Le Conseil constitutionnel a toutefois précisé, à l'occasion de la jurisprudence dite de la « cristallisation », que les dispositions issues de la loi ordinaire « sont rendues applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de l'adoption définitive de la loi organique » 33 ( * ) . En conséquence, il convient d'actualiser régulièrement la loi organique du 6 novembre 1962, afin de tenir compte des modifications apportées entretemps au code électoral.

La dernière actualisation de la loi du 6 novembre 1962 correspond ainsi à la loi organique n° 2021-335 du 29 mars 2021 portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République.

Par ailleurs, si le mandataire peut, depuis le 1 er janvier 2022, être inscrit dans une autre commune que le mandant, le mandataire doit continuer à voter pour le mandant dans le bureau de vote de ce dernier.

2. Le dispositif : permettre aux électeurs de désigner un mandataire inscrit dans une autre commune

Le IV de l'article 2 de la proposition de loi organique vise à permettre au mandant, pour la prochaine élection présidentielle, de confier sa procuration à tout électeur, y compris lorsque celui-ci est inscrit sur la liste électorale d'une autre commune.

3. La position de la commission : supprimer une disposition satisfaite par le droit existant

Le droit en vigueur permet au mandant de confier sa procuration à tout électeur, y compris pour l'élection présidentielle.

La disposition prévue par le IV de l'article 2 de la proposition de loi organique étant déjà satisfaite par le droit en vigueur, la commission a adopté l'amendement COM-1 de la rapporteure visant à la supprimer.

La commission a supprimé le IV de l'article 2 de la proposition de loi organique.

Article 3
Augmentation du nombre de bureaux de vote

L'article 3 de la proposition de loi organique vise à permettre au préfet, dans des conditions définies par voie réglementaire, d'augmenter le nombre de bureaux de vote dans les communes du département afin d'assurer la sécurité sanitaire du scrutin.

La commission l'a adopté sans modification .

1. L'état du droit : une prérogative du préfet

En l'état du droit, c'est au préfet du département, le cas échéant en concertation avec les maires, qu'il appartient de répartir les électeurs en autant de bureaux de vote que l'exigent les circonstances locales et le nombre des électeurs, comme le prévoit l'article R. 40 du code électoral. À ce titre, le préfet définit non seulement le périmètre des bureaux de vote, mais également les lieux du vote .

Comme l'ont expliqué en audition les représentants du ministère de l'intérieur, deux principes régissent actuellement cette répartition :

- d'une part, la distance qui sépare les électeurs de leur lieu de vote doit être réduite autant que possible afin de faciliter leur déplacement les jours de scrutin ;

- d'autre part, afin de prévenir les risques d'engorgement et de files d'attente, le nombre d'électeurs inscrits doit être fixé, dans la mesure du possible, entre 800 et 1 000 électeurs maximum (voir à ce sujet la circulaire du 16 janvier 2020 relative au déroulement des opérations électorales lors des élections au suffrage universel direct).

En 2021, le nombre moyen d'électeurs par bureau de vote s'est élevé à 670 électeurs.

Conformément à ce que prévoit l'article R. 40 du code électoral, le périmètre des bureaux de vote doit être arrêté avant le 31 août de chaque année précédant le scrutin.

2. L'article 3 de la proposition de loi organique : permettre au préfet d'augmenter le nombre de bureaux de vote afin d'assurer la sécurité sanitaire du scrutin

L'article 3 de la proposition de loi organique vise à permettre au préfet d'augmenter le nombre de bureaux de vote afin d'assurer la sécurité sanitaire du scrutin. Il s'agirait ainsi, dans des lieux marqués par une forte recrudescence de l'épidémie, de répartir encore davantage les électeurs afin d'éviter des risques de files d'attente propices à la diffusion de la maladie.

3. La position de la commission : donner au préfet un outil supplémentaire pour faire face à une recrudescence de l'épidémie au niveau local

La commission souscrit pleinement aux objectifs de cette proposition, qui, en permettant de prévenir tout risque d'apparition de « clusters », vise à rassurer les électeurs qui pourraient être tentés de ne pas se déplacer en raison de la situation sanitaire et ainsi à encourager la participation au vote.

Sans doute, d'après les observations concordantes des services du ministère de l'intérieur et des représentants de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), aucun phénomène d'engorgement n'a été constaté lors du second tour des élections municipales de juin 2020 et des élections départementales et régionales de juin 2021. Mais il convient de prendre cet enseignement avec précaution : ces élections ont en effet été marquées par des taux de participation particulièrement faibles (41,6 % pour le second tour des municipales, moins de 35 % pour les élections départementales et régionales de juin 2021), si bien que ces observations ne sont pas nécessairement significatives s'agissant de l'élection présidentielle à venir, qui mobilise traditionnellement davantage les électeurs.

En outre, si l'article R. 40 du code électoral autorise le préfet à modifier le lieu du vote jusqu'à l'ouverture de la campagne électorale dans la commune intéressée, et même après cette ouverture en cas de force majeure, il n'est pas évident de déterminer si une recrudescence de l'épidémie au niveau local pourrait être considérée comme un cas de force majeure, autorisant le préfet à modifier au dernier moment le lieu du vote (notamment parce qu'au terme de deux ans de pandémie, une telle recrudescence paraît peu susceptible d'être regardée comme étant totalement imprévisible...) 34 ( * ) .

La commission a donc estimé que la disposition proposée par la proposition de loi organique, en permettant au préfet de créer des bureaux de vote composés de moins d'électeurs afin d'éviter d'éventuels phénomènes de file d'attente dans des lieux particulièrement exposés à un risque de contamination, ouvrait un outil supplémentaire utile à la sécurisation du scrutin. Le cas échéant, le préfet pourrait procéder à ces modifications après le 31 août , par dérogation avec ce que prévoit l'actuel article R. 40 du code électoral, dans des conditions qui devront être déterminées par décret en Conseil d'État.

La commission a adopté l'article 3 de la proposition de loi organique sans modification .

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES
DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1er, II et IV
Droit à la double procuration

Les II et IV de l'article 1 er de la proposition de loi vise à ouvrir, pour les élections législatives, le droit pour le mandataire de détenir deux procurations établies en France.

Sensible à la nécessité de reconduire une disposition qui avait démontré son intérêt lors du second tour des élections municipales et des élections départementales et régionales, la commission a adopté les II et IV de l'article 1 er de la proposition de loi.

Les II et IV de l'article 1 er de la proposition de loi reprennent en des termes identiques les II et V de l'article 2 de la proposition de loi organique 35 ( * ) , en les appliquant aux élections législatives de 2022.

La commission a adopté les II et IV de l'article 1 er de la proposition de loi sans modification .

Article 1er, III
Établissement des procurations à domicile

Le III de l'article 1 er de la proposition de loi vise à assouplir les conditions dans lesquelles un électeur peut établir ou retirer sa procuration depuis son domicile, afin de tenir compte des contraintes liées à la situation sanitaire.

Saluant une disposition qui offrirait une plus grande souplesse pour l'électeur et protègerait les personnes fragiles ou vulnérables contre le risque d'une contamination, la commission a adopté le III de l'article 1 er de la proposition de loi.

Le III de l'article 1 er de la proposition de loi reprend en des termes identiques le III de l'article 2 de la proposition de loi organique 36 ( * ) , en les appliquant aux prochaines élections législatives.

La commission a adopté le III de l'article 1 er de la proposition de loi sans modification .

Article 2
Augmentation du nombre de bureaux de vote

L'article 2 de la proposition de loi vise à permettre au préfet, dans des conditions définies par voie réglementaire, d'augmenter le nombre de bureaux de vote dans les communes du département afin d'assurer la sécurité sanitaire du scrutin.

La commission l'a adopté sans modification .

Cet article reprend en des termes identiques l'article 3 de la proposition de loi organique 37 ( * ) , en l'appliquant aux élections législatives de 2022.

La commission a adopté l'article 2 de la proposition de loi sans modification .

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 16 FÉVRIER 2022

M. François-Noël Buffet , président . - Nous en venons à l'examen de la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et de la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19, présentées par notre collègue Philippe Bonnecarrère et plusieurs de ses collègues.

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Ces deux textes proposent des éléments de réponse à des questions que le pouvoir exécutif a apparemment choisi, de manière difficilement compréhensible, de ne pas aborder : à sept semaines désormais du premier tour de l'élection présidentielle, le Gouvernement n'a prévu aucune mesure pour adapter aux conditions sanitaires les modalités d'organisation des scrutins à venir, pourtant majeurs pour la vie démocratique de notre pays.

Cette absence d'anticipation est d'autant moins compréhensible que le Gouvernement, en prolongeant jusqu'au 31 juillet la possibilité d'appliquer le passe sanitaire, puis vaccinal, considère lui aussi que les circonstances sanitaires des élections à venir demeurent incertaines. Or la persistance de l'épidémie de covid-19 pourrait faire peser un risque important tant sur la participation des électeurs aux scrutins présidentiel et législatifs que sur la sécurité sanitaire des personnes chargées de les organiser.

Par ailleurs, les conséquences de l'épidémie sur le déroulement de la campagne électorale, la tenue des meetings politiques et, plus généralement, la couverture audiovisuelle de la campagne méritent également d'être posées.

Je souscris donc pleinement aux objectifs poursuivis par ces deux textes.

Je vous proposerai tout d'abord de présenter les dispositions communes à ces deux textes, visant à aménager les conditions d'organisation des élections présidentielle et législatives en fonction du contexte sanitaire, avant d'aborder la disposition, propre à la proposition de loi organique, relative aux obligations pesant sur les médias audiovisuels pendant la campagne présidentielle.

S'agissant des mesures visant à adapter les conditions d'organisation des scrutins présidentiel et législatifs au contexte sanitaire, je soulignerai tout d'abord qu'elles correspondent quasiment toutes à des mesures déjà adoptées par le Parlement et mises en oeuvre lors des élections locales et territoriales de 2020 et 2021, et qu'elles ont, le cas échéant, démontré pleinement leur intérêt et leur efficacité. Il en va ainsi de l'assouplissement des conditions de vote par procuration, qui se traduit par deux dispositions : l'ouverture du droit à la double procuration, d'une part, et la facilitation de l'établissement des procurations à domicile, d'autre part.

Comme vous le savez, le droit pour chaque mandataire d'être porteur de deux procurations établies en France avait été consacré à titre provisoire par la loi pour le second tour des élections municipales ; cette disposition avait été reconduite pour les élections départementales et régionales de juin 2021.

Cette mesure revêt un intérêt pratique indiscutable, en facilitant, pour les électeurs ne souhaitant ou ne pouvant pas se déplacer au bureau de vote le jour de l'élection, la recherche de mandataires. Très concrètement, elle permet, par exemple, à un électeur de disposer d'une procuration pour ses deux parents ou ses deux grands-parents.

Si personne, parmi les élus et les électeurs, ne conteste la pertinence d'une telle mesure, l'obstacle qu'oppose le ministère de l'intérieur est, de manière quelque peu surprenante, d'ordre technique. Le répertoire électoral unique, opérationnel depuis le 1 er janvier 2022, a été paramétré pour n'accepter qu'une seule procuration établie en France. Alors que, depuis deux ans, nous faisons face à une pandémie, ce choix est curieusement déconnecté de toute considération sanitaire et pratique.

En tout état de cause, il ne revient pas au Parlement de légiférer en fonction des difficultés techniques qui se poseraient au ministère de l'intérieur en raison de son propre manque d'anticipation. Aussi vous proposerai-je d'adopter cette disposition de bon sens.

Quant à l'établissement des procurations à domicile, ses modalités sont aujourd'hui strictement encadrées : l'électeur doit accompagner sa demande d'une attestation sur l'honneur de son incapacité à se déplacer dans une brigade de gendarmerie ou dans un commissariat en raison d'une maladie ou d'une infirmité graves ; il ne peut exprimer sa demande que par écrit.

Les propositions de loi organique et ordinaire déposées par notre collègue Philippe Bonnecarrère visent à reprendre le même dispositif que celui qui a été prévu lors du second tour des élections municipales de 2020, afin d'apporter à l'électeur plus de souplesse et de simplicité par rapport au droit en vigueur. Ainsi, toutes les personnes vulnérables qui souhaitent éviter de prendre le risque d'une contamination pourront établir ou retirer une procuration depuis leur domicile. Je vous propose d'adopter également cette disposition, qui permettra d'éviter que le contexte sanitaire ne constitue un frein à la participation électorale.

Par ailleurs, afin d'éviter une trop forte concentration des électeurs dans les bureaux de vote, sous l'effet d'une mobilisation que nous espérons forte, les propositions de loi organique et ordinaire visent à ouvrir aux préfets la possibilité d'augmenter le nombre de bureaux de vote. Il s'agit là d'une mesure proposée par notre commission des lois en octobre 2020 en vue des élections départementales et régionales prévues initialement en mars 2021 ; elle avait à l'époque été adoptée par le Sénat, mais n'avais pas été reprise par l'Assemblée nationale.

Aujourd'hui, le code électoral oblige les préfets à fixer le périmètre des bureaux de vote avant le 31 août de l'année précédant le scrutin. Avec la disposition prévue par les deux propositions de loi, ils auront la possibilité, après cette date, de dédoubler, si besoin, ces bureaux de vote dans des communes qui seraient marquées par une résurgence particulière de l'épidémie. Il s'agit d'un outil supplémentaire, qui nécessitera des mesures réglementaires d'application, mais dont il serait regrettable de se passer compte tenu du contexte sanitaire qui, malgré tout, demeure incertain.

Je précise que, pour les élections départementales et régionales de l'an dernier, nous avions voté une disposition permettant au maire de déplacer le lieu du vote en extérieur, par exemple dans la cour de l'école. Je ne vous ai pas proposé de reprendre cette disposition au stade de notre examen en commission, mais nous pourrons en reparler, au besoin, d'ici la séance publique.

J'en viens à présent à la disposition propre à la proposition de loi organique, relative à la couverture audiovisuelle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle.

Comme vous le savez, la campagne électorale est encadrée par des conditions strictes, qui s'articulent en trois périodes. Depuis le 1 er janvier et jusqu'au 7 mars, veille de la publication de la liste des candidats, les médias doivent respecter un principe d'équité dans le traitement des temps de parole et des temps d'antenne accordés aux candidats déclarés ou présumés. À partir du 8 mars et jusqu'au 27 mars, nous passerons en période dite « d'équité renforcée » pour les temps de parole et d'antenne accordés aux candidats officiels, en tenant compte des horaires de diffusion. Enfin, pendant toute la période de la campagne officielle et jusqu'au vendredi précédant le deuxième tour, les médias devront respecter un principe d'égalité stricte dans le traitement des temps d'antenne et des temps de parole des candidats.

Tout en s'inscrivant dans ce cadre, la proposition de loi prévoit de le compléter pour obliger l'ensemble des médias audiovisuels placés sous la régulation de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui a succédé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le 1 er janvier dernier, à consacrer, chacun, au moins quatre heures d'antenne par semaine aux débats structurant l'élection présidentielle.

L'idée de notre collègue Philippe Bonnecarrère est claire : il s'agit de compenser, par un traitement « renforcé » de la campagne électorale à la radio et à la télévision, la plus grande difficulté que rencontrent les candidats à faire campagne sur le terrain, compte tenu de la crise sanitaire, et la plus grande difficulté à mobiliser les sympathisants et les électeurs dans ce contexte.

Telle qu'elle est formulée, sa proposition de loi pose néanmoins plusieurs questions.

Tout d'abord, compte tenu de l'importance prise depuis une dizaine d'années par les chaînes d'information en continu, son objectif paraît en partie satisfait en pratique. Certes, certaines grandes chaînes généralistes - je pense notamment à TF1, à Canal+ en clair ou à M6 - se sont largement désengagées du traitement de l'actualité politique. Mais c'est notamment parce que ces chaînes appartiennent à des groupes qui ont choisi, dans le cadre de politiques éditoriales et d'organisation internes propres à chacun d'eux, de « spécialiser » certaines de leurs chaînes sur ces questions. Si l'on raisonne globalement, ou ne serait-ce que par groupe, l'objectif de consacrer au moins quatre heures par semaine à la campagne électorale est déjà largement satisfait - les chaînes d'information en continu retransmettent même désormais les grands meetings, dont les rediffusions sont également disponibles sur leur site Internet : l'information est donc bien disponible pour l'électeur qui souhaite s'informer.

De ce fait, la proposition de loi organique soulève un problème juridique. Pour s'immiscer dans la politique éditoriale et l'organisation interne des groupes, il faut un motif d'intérêt général fort. Or, comme on l'a vu, la campagne électorale bénéficie déjà d'un traitement par les médias : cela poserait problème en cas d'examen du dispositif par le Conseil constitutionnel.

J'ajoute, pour terminer, que cette proposition paraît difficile à mettre en oeuvre compte tenu de l'obligation faite à chaque chaîne d'annoncer ses grilles de programme au moins trois semaines avant leur diffusion. De plus, cela représenterait un coût pour les chaînes.

Il m'a donc semblé que cet article ne pouvait pas être adopté en l'état. Pourtant, il a le mérite de poser de vraies questions, notamment celle de la difficulté rencontrée par les candidats moins connus pour faire entendre leur voix. Il met également le doigt sur les travers d'une campagne qui se déroule, en quelque sorte, « en silo », chaque candidat faisant campagne de son côté sans que les propositions des uns et des autres ne soient véritablement débattues entre eux. Comme notre collègue Philippe Bonnecarrère, je déplore que le Président de la République, non seulement ne se soit pas encore déclaré candidat, mais qu'il ait en outre laissé entendre qu'il ne participerait à aucun débat avant le premier tour. Cette situation est regrettable et dommageable pour la mobilisation et la bonne information des électeurs, comme pour la qualité du débat démocratique de façon générale.

C'est ce qui m'a conduit à vous proposer un amendement tendant à rédiger différemment l'article 1 er de la proposition de loi organique, en vue d'obliger l'ensemble des candidats à débattre entre eux avant le premier tour de l'élection présidentielle. Il appartiendrait aux candidats et aux différentes chaînes de s'entendre sur les modalités concrètes d'organisation et de diffusion de ce ou ces débats, sous le contrôle de l'Arcom et dans le respect des principes d'équité ou d'égalité applicables selon la période à laquelle le débat a lieu.

Tel est le sens de ma proposition, qui me paraît répondre de façon plus adéquate aux préoccupations ayant guidé nos collègues, mais qui pourra bien entendu faire l'objet d'évolutions d'ici la séance publique, pour tenir compte notamment des échanges que nous aurons entre nous ce matin.

Je conclurai en disant que ces deux textes proposent des dispositions bienvenues pour sécuriser le déroulement des élections à venir et prévenir le risque d'abstention. En conséquence, je vous propose d'adopter la proposition de loi organique ainsi modifiée, et la proposition de loi sans modification.

M. Philippe Bonnecarrère , auteur de la proposition de loi organique et de la proposition de loi . - Je remercie la rapporteure pour la qualité de sa présentation.

Comme vous l'aurez compris, ces dispositions n'ont aucune chance d'être adoptées, car le Gouvernement a refusé d'appliquer la procédure accélérée, à laquelle il a pourtant souvent recours. Ces deux textes sont un appel au pluralisme ; je refuse que la société française s'accoutume à l'abstention.

Les dispositions ne visent pas à réformer le fond de la procédure applicable aux élections. Ces réformes structurelles sont impossibles à quelques semaines du scrutin.

Je suis frappé de voir l'inexactitude des arguments présentés par Marlène Schiappa pour justifier son refus de toute évolution. Celle-ci soutient que ce débat a déjà eu lieu lors de l'examen de la loi organique de mars 2021 portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République ; c'est faux, car ce texte ajustait simplement certaines dispositions juridiques relatives à l'élection présidentielle. Les circonstances particulières créées par l'épidémie n'avaient alors pas été prises en compte.

La ministre affirme ensuite qu'il n'est pas raisonnable de modifier les règles moins de six mois avant la tenue du scrutin. Mais, en l'espèce, cette règle ne s'applique pas ! J'en veux pour preuve le fait que des modifications ont été introduites quelques semaines avant l'organisation respective des élections municipales et départementales et régionales. La loi du 22 février 2021 a ainsi reporté, de mars à juin 2021, le renouvellement général des conseils départementaux et des conseils régionaux.

Enfin, j'estime que le Gouvernement fait montre d'une certaine désinvolture à l'égard du Parlement. Après la visite du ministre de l'intérieur, le président du Conseil constitutionnel a évoqué, par le biais d'un communiqué de presse, « de nouvelles mesures d'organisation qui apparaîtraient rendues nécessaires par la crise sanitaire afin de garantir le bon déroulement de l'élection présidentielle », dont nous n'aurons jamais connaissance. Le ministre est donc bien conscient de la réalité du problème. Lorsque nous l'avons interrogée à ce sujet, Marlène Schiappa nous a indiqué qu'il s'agissait d'examiner les missions de la commission dirigée par Jean-Denis Combrexelle, qui pourtant ne nécessitent aucune disposition législative ou réglementaire. En ne nous livrant aucune information, le Gouvernement fait preuve de peu de transparence. Le fait que le répertoire électoral unique ne puisse être adapté à la possibilité d'une double procuration laisse par ailleurs songeur.

Je reconnais les faiblesses de ma proposition relative à la couverture audiovisuelle de la campagne électorale et j'accepte bien volontiers les remarques de la rapporteure. Les groupes télévisuels indiquent avoir renoncé à privilégier l'information sur leur chaîne principale ; c'est désormais le rôle des chaînes d'information en continu, dont l'audience est cependant moins importante et dont le modèle est fondé sur le principe de l'immédiateté. Dès lors, la campagne présidentielle se résumera à la dramaturgie du débat du second tour : je regrette cette situation, qui nuit à la stabilité de nos institutions et à la démocratie. Dans ce contexte, ces propositions de loi sont un cri d'alarme, dont je reconnais bien volontiers la modestie !

M. François Bonhomme . - Je salue le travail de notre rapporteure.

Je souscris pleinement aux analyses exprimées et aux dispositions contenues dans les propositions de loi, qui visent à faciliter les opérations de vote que la situation sanitaire complexifie singulièrement. L'enjeu est de garantir un niveau suffisant de participation au scrutin majeur de notre système démocratique, l'élection présidentielle, dont le Président de la République tire sa légitimité et sa capacité à agir.

Le droit en vigueur garantit peu ou prou l'accès des candidats moins connus aux chaînes de radio et de télévision. Toutefois, la presse écrite, dont le rôle demeure important, n'est pas soumise à ces obligations : c'est un angle mort qui n'a jamais été traité. Il est vrai qu'une tâche de cette ampleur alourdirait le travail de l'Arcom.

Face à ce malaise démocratique, il serait illusoire de croire que de nouvelles mesures, telles que le vote électronique, pourraient à elles seules résoudre la crise de la représentation. Le malaise est plus profond. Je pressens que la question restera entière demain, surtout si la participation aux prochaines élections atteint des taux historiquement bas.

Je soutiens ces propositions de loi, mais je crains que celles-ci ne permettent pas de répondre aux défis qui nous attendent pour les prochains mois.

M. Philippe Bas . - Je remercie Philippe Bonnecarrère et Nadine Bellurot pour la qualité de leur travail.

Il est désolant de constater que le processus d'examen de ces deux textes n'aboutira pas. Ceux-ci mettent en lumière un fait inexplicable : ce qui a été possible pour les élections locales en 2020 et 2021 ne le sera pas pour les élections présidentielle et législatives. Dans le même temps, le Gouvernement nous a demandé en janvier dernier de maintenir l'arsenal des instruments mis à sa disposition dans la lutte contre la possible recrudescence de la covid-19. Or la période actuelle est teintée d'optimisme : si l'épidémie prenait fin, il conviendrait alors de mettre fin aux pouvoirs d'exception octroyés au Gouvernement par le législateur.

D'un côté, le Gouvernement admet que la menace épidémique reste forte, et, de l'autre, il refuse de mettre en oeuvre des modalités de vote qui, certes, ne bouleverseraient pas le taux de participation, mais qui faciliteraient l'engagement citoyen des personnes que la covid-19 intimide. C'est inacceptable.

Les arguments utilisés devant nous par Marlène Schiappa sont d'une mauvaise foi inqualifiable. Il est faux de dire qu'il est impossible de modifier la loi organique relative à l'élection présidentielle dans les mois qui la précèdent. La loi organique adoptée en février 2002 pour tirer les conclusions d'un avis du Conseil constitutionnel rendu à l'automne précédent en est l'illustration. Aucun obstacle tiré de la Constitution ou de la tradition républicaine ne s'oppose à la modification de l'organisation de l'élection présidentielle quelques mois avant son organisation. Or les propositions de loi de Philippe Bonnecarrère sont utiles à la démocratie. Notre débat aura au moins le mérite de souligner publiquement l'incongruité de la position du Gouvernement, qui s'est montré très imprévoyant.

M. Éric Kerrouche . - Je remercie Nadine Bellurot pour le travail accompli.

Monsieur Bonnecarrère, je ne sais pas si les textes désespérés sont les plus beaux, pour paraphraser Musset, mais il est sûr que notre débat est symbolique.

Je souscris aux propos de François Bonhomme : croire que des solutions techniques réduiront la crise de la participation est illusoire, mais celles-ci peuvent toutefois contribuer à améliorer la situation.

La crise de la participation existe dans tous les pays, mais elle s'accentue en France, car l'élection présidentielle écrase le paysage démocratique français. Or une seule élection, qui engendre souvent une déception immédiate quelques mois plus tard, ne saurait résumer la vie démocratique d'un pays. Certes, le Gouvernement a fait montre d'imprévoyance en ce qui concerne les élections. Toutefois, nous n'avons pas non plus été à la hauteur : nous aurions pu proposer des mesures pour faire entendre notre voix.

Il me semble difficile d'imposer aux différents acteurs les dispositions contenues dans les deux textes sur les procurations, compte tenu de l'entrée en vigueur du répertoire électoral unique le 1 er janvier dernier, comme l'a rappelé la rapporteure.

J'avoue ne pas comprendre la fétichisation française de la double procuration. La procuration simple ne fonctionne pas bien et est régulièrement dénoncée par les organisations internationales travaillant sur ce sujet. Marlène Schiappa nous a de plus indiqué que les doubles procurations, lorsqu'elles ont été autorisées, n'ont représenté que 8 % du nombre total de procurations, qui elles-mêmes s'élevaient à 8 % de la participation électorale. Je préfère le vote par correspondance à la procuration, qui comporte le risque d'influencer le choix des citoyens. En outre, les procurations ne font que renforcer la participation des citoyens déjà les plus investis dans le vote et, en cela, elle accentue les inégalités existantes : elles ne constituent en aucun cas un remède à l'abstention.

La déterritorialisation des procurations a été autorisée par la loi « Engagement et proximité ». Par ailleurs, le dédoublement des bureaux de vote suppose également de dédoubler les listes électorales, ce qui peut être à l'origine de problèmes.

Pour conclure, je comprends les mesures défendues par notre collègue, mais nous estimons que les solutions proposées ne sont pas à la hauteur de la situation. Or il est trop tard désormais : nous nous acheminons peut-être vers une élection présidentielle qui sera ébranlée par l'abstention et qui placera notre système politique dans une position délétère, comme en témoignent les prises de parole de certains candidats. Nous nous abstiendrons sur ce texte.

Mme Cécile Cukierman . - Je salue le travail mené par nos collègues. Je déplore moi aussi que ce texte ne puisse pas arriver au terme de son parcours.

Personne n'est dupe : même si elles entraient en application, les mesures contenues dans ces propositions de loi ne pourraient pas à elles seules résoudre la crise politique et la montée de l'abstention, scrutin après scrutin. Toutefois, nous avons toujours soutenu ce type de mesures, et nous continuerons à le faire cette fois encore.

On peut regretter l'attitude du Gouvernement, qui ne s'est pas donné les moyens d'adapter le scrutin présidentiel au contexte de la crise sanitaire. Même si la situation sanitaire s'améliore, l'inquiétude des Français perdurera.

En tout état de cause, le mode d'organisation des élections ne réglera pas tous les problèmes. Nous devons réfléchir à la profonde crise politique que traverse notre pays.

M. Alain Richard . - Je concentrerai mon propos sur la double procuration, et les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'a pas soutenu cette mesure.

Lors du scrutin présidentiel de 2017, une seule procuration était possible par personne, et le mandant et le mandataire devaient résider dans la même commune ; pourtant, quelque 3,5 millions de procurations avaient alors été établies. Lorsque le scrutin est important, le dispositif actuel renforce d'ores et déjà la participation. Le fait de pouvoir confier sa procuration à un électeur résidant dans une commune différente apporte une facilité supplémentaire.

La double procuration suscite des réticences, qui procèdent d'une méfiance vis-à-vis d'un usage de la procuration qui serait quasi « industriel ». D'aucuns profitent de la faiblesse de certains électeurs, les personnes très âgées notamment. Certes, la procuration représente une commodité pour la plupart des électeurs, mais il convient d'éviter sa banalisation et de ne pas encourager les abus. Nous ne considérons pas que l'examen de ce texte réponde à des enjeux essentiels ; c'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Je remercie Philippe Bonnecarrère et Philippe Bas pour leurs explications.

Monsieur Kerrouche, j'entends vos arguments sur la faible utilisation de la double procuration. Certes, lors des dernières élections locales, les 20 509 doubles procurations établies représentent un chiffre modeste, mais ce sont autant d'électeurs qui ont renforcé le taux - très faible - de participation. Comme l'a souligné Alain Richard, il est désormais possible de donner une procuration à une personne habitant dans une commune différente de la vôtre. Ces mesures contribuent à l'augmentation du nombre de votants. Il en va de même pour le dédoublement des bureaux de vote - je rappelle qu'il s'agit non pas d'une obligation, mais d'une simple faculté.

Madame Cukierman, vous avez bien compris notre démarche : nous souhaitons tous ici apporter des outils supplémentaires aux électeurs pour ces rendez-vous importants pour notre pays. Je vous remercie pour votre soutien.

Monsieur Richard, j'ai écouté vos arguments avec attention. Mais qui peut le plus peut le moins ! Certes, le dévoiement des procurations est toujours possible, mais, là encore, celles-ci contribuent à mieux associer nos concitoyens aux échéances électorales. La double procuration représente un outil supplémentaire dont nous ne devrions pas nous priver.

M. François-Noël Buffet , président . - Madame la rapporteure, je souhaite lever un doute : lorsqu'une procuration est confiée à un électeur résidant dans une autre commune, pouvez-vous nous confirmer que le mandataire doit voter dans le bureau de vote du mandant ?

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - C'est exact.

M. François-Noël Buffet , président . - Je souscris en partie aux propos des différents intervenants. Une double procuration se justifie davantage dans des circonstances extrêmes, telles que la situation sanitaire que nous connaissons depuis deux ans. Elle ne doit pas nécessairement revêtir un caractère définitif.

Avant l'examen des amendements, et en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter les périmètres indicatifs de ces deux propositions de loi.

Je vous propose de considérer que le périmètre de la proposition de loi organique inclut les dispositions relatives à l'organisation de l'élection présidentielle de 2022 dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, notamment les règles encadrant la propagande électorale audiovisuelle durant la période allant du 1 er janvier au 27 mars 2022 ; le nombre de procurations pouvant être détenues par les mandataires en vue de l'élection présidentielle d'avril 2022 ; les modalités d'établissement et de retrait des procurations en vue de l'élection présidentielle d'avril 2022 ; et enfin l'organisation des bureaux de vote lors du scrutin présidentiel d'avril 2022.

Quant à la proposition de loi ordinaire, je vous propose de considérer que son périmètre inclut les dispositions relatives à l'organisation des élections législatives de 2022 dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, notamment le nombre de procurations pouvant être détenues par les mandataires en vue des élections législatives de juin 2022 ; les modalités d'établissement et de retrait des procurations en vue des élections législatives de juin 2022 ; et enfin l'organisation des bureaux de vote lors des scrutins législatifs de juin 2022.

EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - L'amendement COM-2 vise à obliger l'ensemble des candidats à débattre entre eux avant le premier tour de l'élection présidentielle.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article  1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Nadine Bellurot , rapporteure . - Le paragraphe IV de l'article 2 vise à permettre au mandant de confier sa procuration à tout électeur, y compris lorsque celui-ci est inscrit sur la liste électorale d'une autre commune. Or le droit en vigueur offre déjà cette possibilité. C'est pourquoi l'amendement COM-1 vise à supprimer cette disposition.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

La proposition de loi organique est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification .

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort
de l'amendement

Article 1 er

Mme BELLUROT, rapporteure

2

Diffusion d'un débat entre l'ensemble des candidats avant le premier tour de l'élection présidentielle

Adopté

Article 2

Mme BELLUROT, rapporteure

1

Suppression d'une disposition satisfaite par le droit existant sur les conditions d'établissement des procurations

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 38 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 39 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 40 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 41 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté , lors de sa réunion du mercredi 16 février 2022, le périmètre indicatif de la proposition de loi organique n°346 (2021-2022) visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à l'organisation de l'élection présidentielle de 2022 dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, et notamment :

- les règles encadrant la propagande électorale audiovisuelle durant la période allant du 1 er janvier au 27 mars 2022 ;

- le nombre de procurations pouvant être détenues par les mandataires en vue de l'élection présidentielle d'avril 2022 ;

- les modalités d'établissement et de retrait des procurations en vue de l'élection présidentielle d'avril 2022 ;

- l'organisation des bureaux de vote lors du scrutin présidentiel d'avril 2022.

Lors de la même réunion, la commission des lois a arrêté le périmètre indicatif de la proposition de loi n°351 (2021-2022) visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 .

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à l'organisation des élections législatives de 2022 dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, et notamment :

- le nombre de procurations pouvant être détenues par les mandataires en vue des élections législatives de juin 2022 ;

- les modalités d'établissement et de retrait des procurations en vue des élections législatives de juin 2022 ;

- l'organisation des bureaux de vote lors des scrutins législatifs de juin 2022.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. JEAN-DENIS COMBREXELLE,
PRÉSIDENT DU COMITÉ DE LIAISON COVID

(Mercredi 9 février 2022)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous recevons Jean-Denis Combrexelle, en sa qualité de président du comité de liaison Covid sur le déroulement de la campagne présidentielle, que je remercie de s'être rendu disponible pour cette audition.

Celle-ci nous donne l'occasion de nous pencher sur les conditions d'organisation de la prochaine élection présidentielle, puis des élections législatives, dans le contexte toujours prégnant de la crise sanitaire. Il s'agit notamment de veiller à ce que certains dysfonctionnements relevés l'année dernière ne se reproduisent pas. Nous pourrons aussi évoquer les mesures contenues dans les propositions de loi organique et ordinaire de notre collègue Philippe Bonnecarrère, que nous examinerons en commission la semaine prochaine.

Ma première question concerne les missions exactes du comité de liaison que vous présidez. Lors de votre audition l'été dernier, vous nous aviez expliqué que le comité de suivi pour les élections départementales et régionales, que vous présidiez également, était une expérience inédite, qu'il s'agissait avant tout d'une instance de dialogue entre les associations d'élus, les partis politiques et les ministères chargés de l'organisation des élections, dans le contexte particulier de la crise sanitaire. Votre reconduction à la présidence de ce nouveau comité prouve que cette première expérience a été utile, mais votre mission se présente sous un jour doublement différent cette année : d'une part, elle est expressément centrée sur les seules questions en lien avec la crise sanitaire ; d'autre part, elle est placée sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle de la campagne en vue de l'élection présidentielle (CNCCEP), qui est présidée par le vice-président du Conseil d'État. Quelles sont donc les missions exactes du comité que vous présidez cette année et comment ses réunions et ses travaux s'articulent-ils avec ceux de la CNCCEP ?

Ma deuxième question porte sur les enseignements que vous avez tirés de l'organisation des élections de juin dernier. Nous vous avions entendu sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale : des leçons ont-elles été tirées ? Avec le recul, les remontées des préfectures et des contentieux ont-elles permis d'identifier d'autres difficultés, qui seraient pour vous des points de vigilance particuliers ou qui justifieraient de publier sans délai des recommandations ou d'adapter le protocole sanitaire ?

Enfin, malgré un léger desserrement des contraintes, les données n'ont pas fondamentalement changé par rapport à l'année dernière : avec plus de 250 000 nouveaux cas par jour, plus de 3 000 patients en réanimation et de fortes tensions sur les services hospitaliers, l'épidémie risque toujours de perturber le moment démocratique majeur qu'est l'élection présidentielle. Dans ce contexte, comment faire pour limiter autant que possible l'impact du risque sanitaire sur la participation ? Le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, renouveler cette année le dispositif de double procuration que le Parlement avait mis en place pour le second tour des élections municipales puis pour les élections départementales et régionales, dispositif que notre collègue Philippe Bonnecarrère propose de réinstaurer cette année. Quelle est votre position sur ce sujet ?

M. Jean-Denis Combrexelle, président du comité de liaison Covid sur le déroulement de la campagne présidentielle . - Le comité de liaison que je préside reprend dans son principe le comité de suivi mis en place pour les élections départementales et régionales : il s'agit d'une instance de dialogue entre les candidats et leurs équipes, les partis politiques et les administrations chargées de l'organisation des élections, notamment la direction de la modernisation et de l'administration territoriale et le bureau des élections du ministère de l'intérieur, dans une approche consensuelle. Cette démarche relativement nouvelle n'avait pas vocation à régler tous les problèmes, mais elle est parvenue à susciter de la confiance et s'est révélée importante. Nous avons pu écouter les partis et les candidats de manière à faire remonter les informations auprès des autorités et à formuler des propositions.

À la différence des élections locales, il existe déjà une commission chargée de régler les questions relatives à l'élection présidentielle, la CNCCEP. Le Conseil constitutionnel a également une responsabilité particulière. Il ne faut pas que le comité de liaison interfère avec les missions de ces instances, qui sont définies par la loi, voire par la Constitution.

Le comité que je préside aujourd'hui, à la différence du précédent, s'intéresse donc à la gestion de l'élection présidentielle exclusivement sous l'angle des circonstances sanitaires actuelles, alors que le précédent comité s'intéressait également à l'affichage, au grammage du papier des bulletins et à d'autres sujets encore. Ainsi, nous finalisons actuellement un projet de protocole sanitaire pour l'organisation des meetings électoraux.

Nous travaillons aussi à la prise en compte des dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire. Les partis avaient des interrogations légitimes sur ce point : ils doivent louer des salles plus grandes pour assurer le respect des gestes barrières, acheter des masques et du gel hydroalcoolique... J'ai interrogé sur ce sujet le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), Jean-Philippe Vachia. Il était important que les équipes des candidats puissent entendre que cette commission ferait montre d'autant de souplesse lors de l'élection présidentielle que pour les élections régionales et départementales. Certes, le plafond des dépenses est fixé dans la loi, mais ces dépenses seront en tout cas bien considérées comme éligibles au remboursement.

Nous parlerons ensuite de l'organisation concrète du scrutin : présence de masques dans les bureaux de vote, nombre suffisant d'assesseurs, etc .

Toutes nos activités font l'objet d'une information régulière et exhaustive adressée à la CNCCEP, dont je connais bien le président. Il n'y a pas l'épaisseur d'un papier à cigarette entre nous, tant fonctionnellement que personnellement !

Après l'élection présidentielle, le comité de liaison s'intéressera-t-il aux législatives ? Si l'épidémie connaissait une décrue, nous n'aurions plus de raison d'être, mais il est trop tôt pour en juger.

Quant aux enseignements à tirer des précédentes élections, le comité que je présidais alors avait bien été créé du fait de la situation sanitaire, même si ses missions allaient au-delà. Cet aspect de l'organisation des élections locales a dans les faits suscité peu de problèmes et de désaccords : grâce à l'implication des maires, des services administratifs et des préfectures, des partis politiques et des associations d'élus, la crise sanitaire a plutôt été bien gérée, en dépit de fortes inquiétudes ; il faudra qu'il en soit de même cette fois-ci. Les difficultés rencontrées à cette occasion ont plutôt mis en exergue des faiblesses structurelles, liées aux relations avec les prestataires privés, qu'il s'agisse de l'affichage, de la mise sous pli ou de la distribution de la propagande électorale. Beaucoup d'activités auparavant assurées par les administrations ou les partis relèvent maintenant de prestataires privés, dont certains ont acquis une position presque monopolistique.

La double procuration a bien fonctionné pour les élections locales. Le dispositif n'a pas été renouvelé, du fait de problèmes d'ordre informatique au ministère de l'intérieur. Il est sans doute un peu tard maintenant pour les résoudre et remettre en place cette possibilité pour l'élection présidentielle, mais il s'agissait selon moi d'une bonne mesure, qui méritera sans doute d'être renouvelée.

M. François-Noël Buffet , président . - L'élection présidentielle mobilise davantage que les élections locales ; il faudra donc, du point de vue sanitaire, gérer un flux de personnes plus important dans les bureaux de vote.

Mme Nadine Bellurot , rapporteure de la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et de la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 . - Dans le cadre de votre dialogue avec les candidats ou leurs représentants, les mesures relatives aux meetings de campagne font-elles toujours l'objet de discussions, ou bien celles-ci ont-elles d'ores et déjà été fixées ?

Nous interrogerons le Gouvernement sur la nature, selon lui technique, des problèmes empêchant l'exercice de la double procuration, qui me paraissent difficilement compréhensibles compte tenu du contexte épidémique qui n'est pas nouveau !

Enfin, le comité que vous présidez a-t-il eu des discussions avec l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) quant aux mesures qui pourraient être prises pour adapter les règles de propagande audiovisuelle au contexte sanitaire ? Ces discussions ont-elles abouti à des propositions ?

M. Loïc Hervé . - Le comité que vous présidez n'édicte pas de normes ; il s'agit d'un lieu de dialogue chargé de trouver des solutions qui seront non pas d'ordre législatif, puisque le Parlement ne pourra pas siéger au-delà du mois de février, mais plutôt des bonnes pratiques.

Le Conseil constitutionnel a censuré la faculté donnée à l'organisateur d'une réunion politique de soumettre l'entrée de leur public au contrôle du passe vaccinal. Ces réunions participent complètement de l'exercice de la démocratie et de l'information des citoyens. Aujourd'hui, un organisateur qui met en oeuvre de tels contrôles se rend coupable d'un délit. Certains candidats semblent pourtant l'avoir fait ; or aucune poursuite n'a été engagée à ma connaissance. Quelle est la position de votre comité sur ce point précis d'application de la loi pénale ?

Mme Cécile Cukierman . - Pour y participer, je peux indiquer que ce comité ne vise nullement à permettre quelque dérogation que ce soit à la loi ou aux règlements pour tel ou tel candidat. Les échanges qui s'y mènent avec les représentants des candidats à l'élection présidentielle visent à identifier ensemble les difficultés supplémentaires causées par la crise sanitaire. On y échange des bonnes pratiques, on y élabore des documents consensuels.

On ne gère pas la covid-19 avec seulement des masques et du gel. Ainsi, la question du grammage du papier n'est pas anecdotique quand la pandémie cause des difficultés d'approvisionnement. Certaines des difficultés rencontrées en matière d'affichage et de distribution de la propagande électorale sont liées à la situation sanitaire. Très certainement, on n'est pas à l'abri de nouveaux problèmes. Je souhaite donc que ce comité puisse continuer son activité pour les élections législatives, pour faire face à des difficultés que l'on n'anticipe pas encore.

Enfin, nous voulons tous lutter contre l'abstention ; l'impossibilité de la double procuration, même si elle est d'ordre technique, en est d'autant plus regrettable.

M. Éric Kerrouche . - Vous vous êtes dit plutôt satisfait de la gestion sanitaire des dernières élections. Je n'en fais pas la même analyse : même si leur déroulement aurait pu être pire encore, ces élections se sont mal passées ! La très faible participation en témoigne. Certes, il existe une abstention structurelle qui progresse d'année en année, mais il en est aussi une qui est liée à la covid-19. Or rien n'a été fait pour améliorer la participation ; je regrette un manque d'anticipation du Gouvernement en la matière. La double procuration ne me paraît certes pas suffisante, mais cette fois-ci, on ne peut même pas la mettre en oeuvre !

Concernant le recueil des parrainages pour l'élection présidentielle, j'ai reçu mon formulaire assez tard ; la préfecture des Landes a justifié cette situation par des difficultés techniques indépendantes de sa volonté. Celles-ci sont-elles liées à la situation épidémique ? Il s'agit d'une période contrainte, pour les candidats comme pour les parrains.

Quant à la mise sous pli, après les dernières difficultés, le ministère de l'intérieur a décidé d'internaliser cette tâche pour l'élection présidentielle. Le lieu de routage devra être situé à moins d'une heure et demie du chef-lieu, les opérations seront mécanisées et le routeur ne devra pas avoir rencontré de difficultés lors des précédents scrutins. En revanche, pour les législatives, la préfecture m'a fait savoir que la solution à retenir serait examinée ultérieurement. Pourquoi un tel retard ? Peut-on garantir que les difficultés rencontrées l'an dernier ne se reproduiront pas ? Les communes seront-elles associées au processus ?

Enfin, les coûts de la campagne électorale augmentent, notamment du fait de l'augmentation du prix du papier. Celle-ci est liée à la pandémie et dure depuis plus d'un an. Le papier est de plus en plus rare et cher. Vous avez parlé de souplesse dans l'application des règles financières, mais le décret du 30 décembre 2019 sur la majoration du plafond des dépenses électorales sera-t-il en vigueur pour les élections législatives ? La loi permet-elle d'actualiser le coefficient de majoration ? Là encore, je regrette un manque d'anticipation en la matière.

Mme Agnès Canayer . - Les doubles procurations ont bien fonctionné lors des derniers scrutins. Une nouvelle fois, on constate avec les problèmes techniques invoqués aujourd'hui que l'État ne dispose souvent pas de bons outils numériques. Un autre argument est avancé pour justifier la non-reconduction des doubles procurations : dorénavant, les procurations pourront être données à des électeurs inscrits dans d'autres communes.

Concernant l'affluence à prévoir dans les bureaux de vote, avez-vous bien conscience que la refonte des cartes d'électeurs pourra susciter des embouteillages supplémentaires ? On compte sept millions de citoyens non inscrits ou mal inscrits sur les listes électorales ; nombreux sont ceux qui viendront chercher leur carte dans le bureau lors du premier tour.

Enfin, des modalités spécifiques d'organisation du scrutin sont-elles prévues pour les villes qui utilisent des machines à voter, comme Le Havre ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Concernant les prestataires privés, après le fiasco de la distribution des documents électoraux l'année dernière, qu'a-t-il été décidé exactement ? La Poste assurera-t-elle une part prépondérante de cette distribution ? D'autres sociétés ont-elles été habilitées à le faire, et dans quelles conditions ?

Mes collègues ont déjà évoqué le problème du papier. Les imprimeurs nous disent qu'ils ont beaucoup de mal à s'approvisionner, que les coûts augmentent partout. Les tarifs de remboursement ne devraient-ils pas être revus ?

Mme Catherine Belrhiti . - La campagne électorale sert avant tout à mobiliser les électeurs ; tout ce qui pourrait les dissuader de participer à une réunion de campagne contribue à l'abstention. Cette participation diminue pourtant d'année en année. Comptez-vous proposer le recours accru à d'autres outils de propagande électorale, comme les messages audiovisuels ou la communication sur internet ? Des rumeurs circulent quant à l'imposition du passe sanitaire ou vaccinal dans les bureaux de vote. Soutiendrez-vous une telle proposition, que ce soit pour les électeurs ou seulement pour les présidents et assesseurs ? Si tel est le cas, allez-vous aussi promouvoir l'obligation du vote par correspondance pour les personnes non vaccinées ? Enfin, je regrette que l'on ne puisse pas cette fois avoir recours à la double procuration.

M. Jean-Denis Combrexelle . - S'agissant de notre comité, notre rôle est évidemment différent de celui du Parlement, qui vote la loi. J'ai parlé de bonnes pratiques et il est vrai qu'on a souvent tendance en France à considérer une telle approche avec condescendance, les juristes opposant fréquemment le droit « dur » et le droit  « mou »... Elle est pourtant essentielle. Je suis moi-même juge et haut fonctionnaire, et je peux vous dire qu'un tel comité, sans être nécessairement impressionnant, peut être utile pour trouver des solutions concrètes. L'État profond, si je puis m'exprimer ainsi, en a aussi besoin pour faire remonter les problèmes qui peuvent se poser.

Madame la sénatrice Belrhiti, nous ne sommes pas là pour créer de la norme, a fortiori pour faire des choses qui seraient en contradiction avec la loi ou avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le protocole que nous préparons s'inscrit directement dans le cadre des textes et de la jurisprudence constitutionnelle. Celle-ci est très claire en ce qui concerne les élections : ni passe sanitaire ou vaccinal, ni jauge.

J'ajoute que le Conseil constitutionnel a censuré l'amendement qui avait été adopté à l'initiative du député Guillaume Larrivé qui visait à autoriser les organisateurs de meetings à subordonner l'accès à ceux-ci à la présentation d'un passe sanitaire ou vaccinal. Là aussi, nous tirons simplement les conséquences de la jurisprudence, en tentant de la concilier avec les règles techniques qui s'appliquent par ailleurs à des réunions ayant lieu dans un établissement recevant du public - les meetings politiques ont presque toujours lieu dans de tels établissements. Ces règles ne doivent évidemment pas soulever de problèmes pour les libertés publiques. Dans ce cadre, les gestes barrières doivent s'appliquer : port du masque ; respect des règles de distance parmi le public, dans toute la mesure du possible ; mise à disposition de gel hydroalcoolique ; aération de la salle... Je reconnais que cela peut poser des contraintes pour les organisateurs et les candidats, mais c'est le sens du protocole qui illustre d'ailleurs notre rôle : ne pas ajouter de normes, ni déroger aux règles existantes.

En ce qui concerne d'éventuelles sanctions pénales, je crois que nous devons d'abord responsabiliser les candidats et les équipes de campagne. C'est le point le plus important et nous n'allons pas mettre un policier ou un gendarme partout, même s'il est vrai que nous voyons parfois à la télévision des images de meetings où le masque n'est pas systématiquement porté...

S'agissant d'une éventuelle présence plus importante des candidats et de la campagne dans les médias au cas où le nombre de meetings ne pourrait pas être aussi élevé que nous le souhaiterions, nous avons des échanges avec l'Arcom à ce sujet. Comme vous le savez, des règles existent déjà pour les médias en période de campagne électorale - respect des temps de parole, équité...

Monsieur le sénateur Kerrouche, quand j'ai dit que les élections départementales et régionales s'étaient plutôt bien passées, il ne s'agissait aucunement d'autosatisfaction, je pensais uniquement à la préoccupation principale de notre comité : comment gérer les opérations électorales en période d'épidémie comme celle que nous connaissons avec la covid ? Je ne pensais à rien d'autre et je reconnais bien volontiers que ces élections ont posé d'importants problèmes en termes de participation, notamment chez les jeunes, et de distribution de la propagande électorale.

La question des parrainages n'entre pas dans nos missions ; elle relève du Conseil constitutionnel et du ministère de l'intérieur. Si des problèmes se posent, il est très important de les faire remonter à l'administration centrale du ministère.

Le coût du papier et les problèmes d'approvisionnement sont évidemment une préoccupation et je peux vous dire que le ministère de l'intérieur en est conscient. Nous devons tenir compte de cette situation.

Au sujet des procurations, il revient au ministère de l'intérieur de vous apporter une réponse. J'ai tendance à penser, à titre personnel, que la double procuration est une bonne mesure, mais nous devons veiller à éviter les dérives. Pour cela, nous avons besoin d'un système informatique performant.

En ce qui concerne l'organisation des bureaux de vote, nous devons appliquer la jurisprudence du Conseil constitutionnel : le vote est un droit si important dans une démocratie qu'il est hors de question de le subordonner à la présentation d'un passe sanitaire ou vaccinal. Pour autant, il nous faut là aussi respecter les gestes barrières, notamment le port du masque, le cas échéant le port d'un masque FFP2 pour les personnes présentant des risques particuliers. Nous devons poursuivre les discussions, parce que l'élection présidentielle est un moment particulier dans notre pays, à l'origine d'une forte affluence des électeurs. Au moment des élections départementales et régionales, il existait une grande inquiétude sur la capacité à mobiliser des assesseurs, mais je rappelle que, alors que presque partout, il y avait deux élections, dont des bureaux de vote en double, nous n'avons finalement pas rencontré de problèmes particuliers, sauf à Marseille.

S'agissant des prestataires, je crois que le ministère de l'intérieur a tiré les leçons de ce qui s'est passé. Dorénavant, c'est La Poste qui est le cocontractant de l'État et les exigences de rapports et de signalements ont été renforcées, notamment au travers d'indicateurs. Lors des dernières élections, les alertes sont apparues trop tardivement pour pouvoir réagir. C'est pourquoi il est important, d'une part, d'avoir un cocontractant de confiance, d'autre part, de pouvoir détecter le plus en amont possible les éventuels problèmes.

Il est vrai que les votes par correspondance ou électroniques peuvent apparaître comme un moyen d'augmenter la participation électorale. Je voudrais vous donner mon sentiment personnel à ce sujet. D'une part, l'abondance de la jurisprudence sur le vote par correspondance montre que ce dispositif a posé d'importants problèmes dans le passé, même si d'autres pays l'utilisent. D'autre part, j'ai eu, en tant que directeur général du travail, à organiser des élections prud'homales : nous avons mis en place un vote électronique, mais nous n'avons pas vu d'effet sur le taux de participation. C'est donc, à mon sens, un sujet délicat, en particulier quand nous parlons d'élections avec autant de votants. Pour que cela fonctionne et que le résultat final soit accepté, il me semble que nous devons vivre dans une société de confiance : la société doit faire confiance aux experts informatiques et à l'entreprise qui gère le processus. En sommes-nous là aujourd'hui ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Qu'en est-il du tarif de remboursement en cas de hausse du prix du papier ? Il me semble qu'il est fixé par voie réglementaire.

M. Jean-Denis Combrexelle . - Cela est en effet inscrit dans un texte de nature réglementaire. Le ministère de l'intérieur est en train d'expertiser la question.

Mme Cécile Cukierman . - Je veux rebondir sur ce point, même si cela excède certainement le cadre de notre réunion. Si nous devons tenir compte de la hausse du prix du papier, chacun doit jouer le jeu ! Il s'agit tout de même d'argent public.

M. Alain Richard . - Très bien !

Mme Cécile Cukierman . - Lors des dernières élections, une entreprise a fait exploser ses tarifs d'affichage, ce qui a eu des conséquences pour tous les candidats. Nous devrons relever les plafonds en cas de besoin, mais dans le cadre d'un dialogue avec l'ensemble des entreprises qui contribuent à l'organisation des opérations électorales, quel que soit leur statut. Ce serait trop simple de se limiter à dire qu'on relève les plafonds de dépenses. Les élections ne sont pas synonymes de dépenses à volonté !

M. Éric Kerrouche . - Quelles sont les perspectives pour les élections législatives en ce qui concerne la mise sous pli des documents de propagande ?

En ce qui concerne les procurations - je ne peux pas ne pas revenir sur ce sujet après ce qui a été dit -, la France est le seul pays parmi les pays industrialisés à utiliser cette technique de manière aussi massive. Or elle est critiquée, ne serait-ce que parce que le mandant ne sait pas en réalité pour qui il vote ! J'ajoute que les jurisprudences dont vous parlez sont datées et qu'à l'époque il n'y avait aucun contrôle - on pourrait dire que la loi poussait au crime... Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas une réponse technique qui va résoudre un problème démocratique ; mais si on écarte toutes les réponses techniques, il ne faut pas s'étonner que les problèmes démocratiques s'accroissent !

M. Jean-Denis Combrexelle . - Je pense que les élections législatives devraient connaître le même régime que l'élection présidentielle. Nous avons tiré les leçons des élections précédentes.

Au sujet des modalités de vote - procuration, vote par correspondance, vote électronique... -, il revient davantage aux responsables politiques qu'au haut fonctionnaire que je suis de trancher. En tout cas, je ne suis pas certain que la réponse à la faiblesse du taux de participation soit uniquement technique...

M. Jean-Pierre Sueur . - C'est certain, quand on voit les thèmes actuels de la campagne...

M. François-Noël Buffet , président . - Je vous remercie de votre intervention, Monsieur Combrexelle.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE MME MARLÈNE SCHIAPPA,
MINISTRE DÉLÉGUÉE AUPRÈS DU MINISTRE
DE L'INTÉRIEUR, CHARGÉE DE LA CITOYENNETÉ

(Mercredi 9 février 2022)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous entendons cet après-midi Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté, sur l'organisation des prochaines élections présidentielle et législatives.

Ce matin, Jean-Denis Combrexelle, président du comité de liaison Covid sur le déroulement de la campagne présidentielle, nous a donné des précisions sur le déroulement de la campagne électorale dans un contexte épidémique. En tant que ministre, vous êtes chargée de l'organisation des élections. Certaines règles expérimentées à l'occasion des élections de 2020 et de 2021 n'ont pas été reprises pour les élections de cette année. Notre collègue Philippe Bonnecarrère a déposé une proposition de loi organique et une proposition de loi ordinaire tendant notamment à autoriser la double procuration pour l'élection présidentielle et les élections législatives, mais il n'est pas sûr qu'elles puissent aboutir d'ici la suspension des travaux parlementaires prévue à la fin du mois.

En outre, en matière de propagande électorale, nous avions constaté, l'été dernier, un « fiasco multifactoriel » lors des élections départementales et régionales de 2021. Il semble qu'Adrexo ne participera pas au nouvel appel d'offres, remporté par La Poste. Comment les choses seront-elles organisées pour les élections à venir ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté . - L'année 2022 est marquée par deux élections nationales, présidentielle et législatives. Le ministère de l'intérieur est chargé de l'organisation, y compris matérielle, des élections et de l'application de la loi électorale. Comme pour chaque scrutin, nos services, en lien avec les préfectures et les maires, sont mobilisés pour assurer le bon déroulement des scrutins.

L'organisation des élections est juridiquement délicate, mais comporte aussi des défis matériels et logistiques qui doivent intégrer l'impératif sanitaire. L'histoire récente nous enseigne que les conditions sanitaires risquent d'évoluer entre février et avril : il faudra continuer à faire preuve d'adaptation.

Le cadre juridique de l'élection présidentielle est multiple. Les articles 6, 7 et 58 de la Constitution et la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, dernièrement modifiée en 2021, sont la base du droit applicable. S'y ajoute le code électoral.

Outre le ministère de l'intérieur, le Conseil constitutionnel joue un rôle central dans l'élection présidentielle, puisqu'il veille à sa régularité. Nos services ont donc, pour l'élaboration de tous les textes réglementaires et circulaires, un dialogue continu avec le Conseil constitutionnel, qui, notamment, comptabilise les formulaires de présentation des candidats, arrête la liste officielle des candidats et proclame les résultats.

La loi organique du 6 novembre 1962 prévoit aussi une commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection du Président de la République, présidée par le vice-président du Conseil d'État, qui veille au respect de l'égalité entre les candidats et à l'observation des règles de l'élection, en contrôlant notamment la conformité des affiches et des professions de foi aux prescriptions applicables. La commission contrôle aussi le déroulement de la campagne, en accompagnant les candidats et leurs équipes.

Le ministère de l'intérieur assure, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, l'organisation matérielle du scrutin. Cette préparation est d'abord juridique : adaptation des textes réglementaires, décret de convocation des électeurs, préparation de circulaires et instructions aux préfets et aux maires. Ensuite, le ministère transmet les formulaires de présentation des candidats aux élus habilités, et les préfectures s'assurent de la bonne diffusion aux maires des instructions. Le ministère centralise et publie aussi les résultats de l'élection tels qu'ils sont transmis depuis chaque commune, ce qui permet de communiquer une première estimation aux Français dès 20 heures.

Enfin, je souligne le rôle essentiel des maires : en tant qu'agents de l'État, ils assurent avec leurs équipes la tenue des bureaux de vote et la révision des listes électorales. Je salue ce travail efficace, accompli au-delà de toute appartenance politique.

Je mentionne que sont impliqués d'autres services de l'État, dont l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la commission des sondages ou encore l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).

S'agissant des opérations préparatoires au scrutin, je reviens sur la distribution des documents électoraux en juin dernier. Le rapport de la mission d'information du Sénat, dont je salue la précision, a mis en lumière les difficultés rencontrées en 2021 et a proposé des pistes d'amélioration.

En matière d'acheminement, le contrat qui liait le ministère de l'intérieur à Adrexo pour la moitié du territoire national a été résilié le 13 août 2021. Un nouveau marché de droit commun s'appliquera à compter de mars 2022, en tenant compte des recommandations du Sénat. Conformément à la recommandation n° 3 de la mission sénatoriale, la prépondérance sera donnée aux moyens opérationnels, avec un critère technique pondéré à 60 %, et des sous-critères relatifs aux moyens humains et à la gestion des incidents.

Conformément à la recommandation n° 9 de la mission d'information, nous avons enrichi nos exigences en matière de reporting commune par commune, notamment s'agissant des plis non distribués. Nous avons réinternalisé la mise sous plis, soit en régie préfectorale, soit par délégation aux communes via une convention. Toutefois, certaines prestations pourront être externalisées : des critères spécifiques sont définis, selon la taille des départements, avec un recours privilégié à des partenaires de proximité, situés à une heure et demie maximum de la préfecture. Ainsi, 46 départements externaliseront la mise sous plis, 50 la feront en régie. La Poste, les routeurs, les imprimeurs et les afficheurs ont été rencontrés par les services du ministère, et trois plans d'organisation, de contrôle et de secours, élaborés en janvier 2022, en cours d'audit, guideront les préfectures.

Ensuite, sur l'organisation sanitaire des scrutins, l'objectif est la pleine expression du suffrage universel. Nous nous appuyons sur l'expérience des organisations locales de 2021, ainsi que sur le dialogue régulier avec les candidats et les partis politiques. En 2021, ce dialogue s'était déroulé dans le cadre du comité national de suivi des élections régionales et départementales, apprécié de tous les participants. Le Premier ministre a souhaité une instance similaire pour 2022 : le comité de liaison est installé depuis le 12 janvier, sous la responsabilité de Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, et présidé par Jean-Denis Combrexelle, ancien président de la section du contentieux du Conseil d'État.

Le travail de ce comité a permis d'établir un protocole sanitaire commun applicable aux réunions et meetings politiques. L'expérience de 2021 nous a aussi permis de définir des protocoles pour les bureaux de vote, comportant le respect des gestes barrières, la limitation à trois du nombre d'électeurs présents simultanément, la pose de parois de protection sur les bureaux et la mise à disposition de masques et gel pour les électeurs. Vu le taux de vaccination actuel, nous n'envisageons en revanche pas de reconduire la priorité à la vaccination pour les membres des bureaux de vote.

Pour conclure, j'insiste sur l'objectif d'un fort taux de participation. Nous facilitons le vote avec une date plus tardive d'inscription sur les listes électorales : celles-ci sont ouvertes en ligne jusqu'au 2 mars sur service-public.fr et jusqu'au 4 mars en mairie. Il n'est donc pas trop tard !

De plus, ceux qui doivent la recevoir bénéficieront d'une carte électorale d'un format nouveau, avec un QR code permettant à chaque électeur d'accéder aux informations sur les élections. Cela ne fera certes pas tout contre l'abstention, mais facilite la diffusion des informations.

De plus, nous poursuivons la simplification de l'établissement des procurations : depuis 2021, maprocuration.gouv.fr permet d'effectuer l'ensemble de la démarche en ligne. En janvier 2022 est entrée en vigueur la déterritorialisation des procurations, que vous avez votée et qui facilitera la recherche de mandataires.

S'agissant du droit à la double procuration, prévu par les propositions de loi organique et ordinaire de Philippe Bonnecarrère, je rappelle qu'en 2021, le Parlement ne l'a pas repris lorsqu'il a examiné la loi organique portant diverses mesures relatives à l'élection présidentielle. En outre, le Gouvernement entend respecter le principe républicain qui consiste à ne pas modifier les règles électorales dans l'année précédant le scrutin. Selon nous, l'argument sanitaire ne justifie pas un changement de doctrine sur ce point, d'autant que le contexte sanitaire de juin 2020 et juin 2021 ne semble plus d'actualité. La double procuration ouverte lors des derniers scrutins n'a représenté que 8 % des mandataires qui ont effectué leur demande de procuration de façon dématérialisée, soit 20 000 électeurs. C'est pourquoi le Gouvernement n'a pas jugé utile de la reprendre pour les échéances à venir.

Je vous invite à inciter les électeurs à prendre massivement part aux prochaines élections. Nous allons lancer une large campagne d'incitation au vote, avec la diffusion d'informations pratiques. Les jeunes sont nombreux à s'abstenir : j'ai réuni les dirigeants de grands réseaux sociaux pour mieux communiquer en leur direction et les inciter à participer aux élections, quel que soit la candidate ou le candidat qu'ils choisiront.

Mme Nadine Bellurot , rapporteure de la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et de la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 . - Vous avez indiqué que la double procuration n'avait concerné que peu de votes en 2021. Cependant, 20 000 électeurs peuvent faire la différence entre des candidats pour l'élection présidentielle. Le système avait bien fonctionné en 2021 ; pourquoi alors cette option n'a-t-elle pas été prise en compte lors du paramétrage du Répertoire électoral unique? On nous dit que la double procuration n'est pas possible pour des raisons techniques, mais dans ce cas pourquoi n'avoir pas anticipé davantage ?

Par ailleurs, pouvons-nous envisager une discussion avec l'Arcom pour adapter les règles de propagande audiovisuelle au contexte sanitaire ? Envisagez-vous de nouvelles règles d'organisation des débats ?

Enfin, vous avez détaillé l'organisation des bureaux de vote, dont le nombre est arrêté depuis le 31 août dernier. Y en aura-t-il davantage pour éviter le risque d'engorgement et de formation de clusters ?

M. Philippe Bas . - Je note certains points positifs dans votre propos, Madame la ministre, dont la prise en compte des recommandations de notre commission des lois sur l'acheminement de la propagande électorale : le fiasco des dernières élections territoriales est un accident démocratique sans précédent. J'espère bien que nous échapperons au renouvellement de ce sinistre.

Je suis également satisfait d'entendre que les inscriptions sur les listes électorales seront possibles jusqu'au 4 mars, et que la déterritorialisation des procurations sera mise en oeuvre, alors que le Sénat n'avait pas été suivi sur ce point à deux reprises, ni par le Gouvernement ni par l'Assemblée nationale.

Cependant, j'appuie la demande de Nadine Bellurot : s'agissant des procurations, je ne comprends pas pourquoi ce qui a été possible lors du second tour des municipales et lors des élections départementales et régionales ne l'est plus pour les élections présidentielle et législatives. Vos arguments ne me convainquent pas.

Tout d'abord, il est possible de modifier les conditions d'une élection peu de temps avant celle-ci. C'est d'ailleurs ce que vous aviez fait pour les élections locales de 2020. Il y a un autre exemple : la loi organique relative à l'organisation de l'élection présidentielle, promulguée le 16 février 2002, deux mois avant la présidentielle, a modifié les règles de publication des sondages. La pratique existe donc bien.

Ensuite, il faut évoquer le contexte sanitaire. Si on ne pouvait pas imaginer, au moment où nous avons modifié l'an dernier la loi organique sur l'élection présidentielle, que le contexte sanitaire appellerait toujours une vigilance particulière au moment de l'élection présidentielle de 2022, on peut en revanche le prévoir depuis cet automne. C'est vous qui avez exigé, contre l'avis du Sénat, que le passe sanitaire continue à s'appliquer jusqu'au 31 juillet 2022, que le régime de l'état d'urgence sanitaire puisse continuer à s'appliquer jusqu'à la même date. Puis, en janvier dernier, c'est-à-dire il y a quelques semaines, c'est vous qui avez exigé de transformer le passe sanitaire en passe vaccinal, en enjambant l'élection présidentielle et les élections législatives.

C'est donc que le Gouvernement admet, comme nous le faisons nous aussi, que les circonstances sanitaires de l'élection présidentielle comme des élections législatives restent tout à fait incertaines, ce qui peut expliquer la réticence d'un certain nombre de personnes vulnérables à se déplacer jusqu'aux bureaux de vote et justifie de maintenir le régime exceptionnel des doubles procurations.

Madame la ministre, je vous demande de bien vouloir reconsidérer votre position, qui est totalement inexplicable.

Mme Agnès Canayer . - Un certain nombre de mesures ont permis de moderniser les processus électoraux : le Répertoire électoral unique, la déterritorialisation des procurations, la simplification de l'inscription sur les listes électorales.

Néanmoins, la modernisation n'a pas avancé ces cinq dernières années sur la question des machines à voter. Allons-nous enfin pouvoir lever le moratoire ? D'autant qu'en période d'épidémie liée au covid-19, les machines à voter permettent d'avoir moins de contacts physiques et de transmission de papiers.

Lors de l'élection présidentielle, nous allons cumuler une participation que l'on espère plus élevée que lors des dernières élections, et le renouvellement des cartes d'électeur. On sait qu'il y a sept millions de mal-inscrits sur les listes électorales en France, ce qui va provoquer une affluence supplémentaire et des temps d'attente dans les bureaux de vote pour récupérer les cartes d'électeur.

Ma question est simple : avez-vous l'intention de simplifier les procédures de changement d'adresse sur les listes électorales, notamment dans les grandes villes ?

M. Philippe Bonnecarrère . - La loi organique du 29 mars 2021 n'a absolument pas traité les conséquences de la pandémie. Il s'agissait, comme avant chaque élection présidentielle, de tenir compte, dans la loi organique, des modifications intervenues les années précédentes dans le droit électoral et le cas échéant des enseignements tirés du précédent scrutin. Concrètement, cette loi intègre la dématérialisation des comptes de campagne dans leur envoi à la commission nationale et l'ouverture du droit de vote par correspondance aux détenus. Il s'agit simplement d'un peignage technique. Vous ne pouvez pas nous opposer que le débat aurait porté sur les conséquences de la pandémie.

Nous connaissons bien la règle des douze mois, mais elle n'a jamais joué pour les modalités d'organisation des élections, comme vient de l'indiquer Philippe Bas.

Dans le cadre de la loi sur le passe vaccinal, le Gouvernement, conscient de la gravité de la situation sanitaire, a introduit deux dispositions : l'une pour assouplir les conditions de réunion des assemblées générales des sociétés commerciales, l'autre pour assouplir les conditions de tenue des assemblées générales de copropriété. Madame la ministre, si l'on tient compte de l'effet de la pandémie sur la tenue des assemblées générales de copropriété, ne peut-on également considérer qu'il faut en faire de même sur la tenue de l'élection présidentielle ?

Par ailleurs, le ministre Gérald Darmanin a été reçu le mardi 11 janvier 2022 par le président du Conseil constitutionnel. Un communiqué du Conseil indique que « le ministre a évoqué la possibilité que, après concertations, le Gouvernement élabore de nouvelles mesures d'organisation qui apparaîtraient rendues nécessaires par la crise sanitaire ». Le contrôle de constitutionnalité porte sur des dispositions législatives : quelles sont donc les mesures d'organisation à caractère législatif qui avaient été envisagées par votre ministère ?

Le communiqué précise également que le président du Conseil constitutionnel « a pris bonne note » de cette possibilité et que ces mesures donneraient lieu au contrôle traditionnel du Conseil. Nous indiquer la teneur de ces mesures est une transparence élémentaire que vous devez au Parlement, au regard de l'importance de l'élection présidentielle.

Mme Cécile Cukierman . - Personne ne pouvait imaginer la situation sanitaire que nous connaissons depuis maintenant deux ans. Si notre objectif commun est de s'assurer qu'il puisse y avoir le plus de personnes en situation d'aller voter en avril prochain, je crois qu'il ne faut rien s'interdire : certaines modalités d'organisation des opérations électorales pourraient être réexaminées. Vous pouvez toujours utiliser la procédure accélérée pour faire examiner un texte de loi.

Les Françaises et les Français qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales ont jusqu'au 4 mars pour le faire. Il ne reste maintenant que trois semaines, mais il faudrait songer à l'avenir à lancer une communication gouvernementale massive pour inciter nos concitoyens à s'inscrire. J'espère en tout cas que des actions seront menées pour inciter les citoyens inscrits à aller voter.

L'élection présidentielle, c'est aussi le temps des parrainages. Ainsi que j'en faisais part la semaine dernière au comité de liaison présidé par M. Combrexelle toutes les préfectures n'ont pas préparé l'envoi du parrainage avec le même soin, semble-t-il. Des problèmes ont été relevés sur les adresses auxquelles ont été envoyés les formulaires de parrainage. Cela ne remet pas en cause le fait que tel ou tel candidat aura, ou non, ses parrainages. Mais la pression médiatique sur la question est forte. Il faudra s'assurer, pour la prochaine élection présidentielle, que tous les élus aient bien en même temps les documents pour qu'ils puissent, dans le temps qui leur est imparti, faire leur choix ou leur non-choix.

M. Éric Kerrouche . - Madame la ministre, depuis deux ans, de multiples propositions pour faire évoluer de manière significative notre façon de voter vous ont été faites. Votre gouvernement a fait le choix d'écarter toutes les solutions qui lui ont été proposées, et nous nous retrouvons face à des difficultés qu'il était tout à fait possible d'anticiper, par exemple en adoptant des mesures dans la loi organique examinée en 2021. Des solutions comme la double procuration ne sont, selon moi, pas assez performantes : leur faible utilisation montre qu'elles n'ont pas reçu un bon accueil de la part de nos concitoyens.

On m'a fait part de difficultés techniques, dans mon département, concernant l'application à utiliser pour les parrainages. Ces difficultés sont-elles définitivement résolues ? On s'étonne, à vrai dire, qu'elles aient pu avoir lieu.

En ce qui concerne la mise sous pli de la propagande, dans certaines préfectures, des choix ont été faits pour la présidentielle, mais pas encore pour les législatives. Il est surprenant qu'on ne connaisse pas les règles alors que l'on s'approche des deux élections.

L'augmentation du coût du papier et sa rareté ne sont pas des découvertes. Cela va transformer l'économie des campagnes électorales. Ma question est simple : le décret du 30 décembre 2009 qui porte majoration du plafond des dépenses électorales s'appliquera-t-il aux élections législatives ? Y aura-t-il une actualisation du coefficient de majoration ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée . - Il ne me reste que peu de temps pour répondre aux questions, mais je reste à votre disposition si besoin est.

Madame Bellurot, sur la question de la double procuration, vous avez raison de rappeler que 20 000 électeurs, ce n'est pas négligeable. À certaines élections, on serait ravi d'avoir 20 000 électeurs en plus ! Nous avons eu ce débat en mars dernier à l'occasion de l'examen de la loi organique sur l'élection présidentielle, et je ne peux laisser dire que nous n'avions alors pas parlé du covid, qui était déjà bien présent dans nos vies... Cette loi a fait l'objet d'une commission mixte paritaire conclusive ; chacun a pu s'exprimer, voter et valider le dispositif.

Sur la question du temps de parole, l'Arcom relève du ministère de la culture, même si, évidemment, nous sommes en lien avec ses représentants que nous recevons très régulièrement au ministère de l'intérieur pour évoquer notamment l'information sur les réseaux sociaux.

Les règles contrôlées par l'Arcom n'ont pas, à ma connaissance, évolué : elles prévoient toujours trois périodes. Du 1 er janvier au 7 mars inclus, l'Arcom veille à l'équité des temps de parole et des temps d'antenne des candidats déclarés ou présumés, de leurs représentants et de leurs soutiens. Le 8 mars, le Conseil constitutionnel publiera la liste des candidats officiels. À partir de cette date et jusqu'à la veille de l'ouverture de la campagne, soit le 27 mars, l'équité des temps de parole doit être respectée dans des conditions de programmation comparables, tenant compte des horaires et des audiences. Durant la période de la campagne électorale officielle, les services de télévision et de radio doivent respecter l'égalité stricte des temps de parole et d'antenne.

L'adaptation du nombre de bureaux de vote est une question qui relève effectivement de la responsabilité des préfets de département. La modification n'apparaît pas toujours comme la solution à privilégier, mais c'est une prérogative du préfet qui doit faire ce choix dans le respect des protocoles sanitaires définis, des matériels de protection fournis, et de la gestion des flux.

Monsieur le questeur Philippe Bas, nous avons suivi les recommandations du Sénat : nous espérons que cela nous permettra d'avancer en matière de distribution de la propagande électorale. La déterritorialisation des procurations a été votée, et de mémoire, le Gouvernement y était très favorable. Le Sénat a prévu dans la loi qu'il ne fallait pas modifier les règles d'organisation de l'élection présidentielle durant l'année qui précède. J'entends l'exemple que vous me donnez, mais c'est une tradition républicaine. Il nous serait reproché de prendre une initiative en ce sens. Je rappelle qu'il ne faut pas de passe sanitaire pour aller voter.

Madame la sénatrice Canayer, un rapport met en évidence le fait que, dans le cas où l'usage des machines à voter serait confirmé après les élections de 2022, il faudrait prendre en compte l'obsolescence des machines actuellement utilisées et actualiser les exigences au regard du nouvel état de la technologie. Le ministère de l'intérieur et l'Anssi ont engagé une série de travaux qui visent à réévaluer les possibilités d'utilisation de machines à voter. On ne mettra a priori pas fin au moratoire d'ici à l'élection présidentielle.

Les travaux menés par l'Anssi ont un impact majeur, puisque les nouvelles exigences vont dans le sens d'une sécurisation renforcée du dispositif, d'une transparence accrue de l'organisation des machines à voter, avec notamment l'impression d'un bulletin papier pour rendre le vote par machine à voter vérifiable et contrôlable. Cela rejoint les évolutions constatées dans d'autres pays. S'il était décidé d'appliquer ce nouveau référentiel pour les machines à voter, en cas de levée du moratoire, il y aurait forcément une période transitoire pour l'application concrète de ce mécanisme.

Nous avons considérablement renforcé la facilité et la rapidité de l'inscription sur les listes électorales. Aujourd'hui, il faut deux minutes pour s'inscrire ou changer d'adresse sur une liste électorale grâce au site service-public.fr .

Monsieur le sénateur Bonnecarrère, nous avons évoqué la situation sanitaire liée à la covid-19 pendant le débat sur la loi du 29 mars 2021. Lors du rendez-vous entre le ministre de l'intérieur et le Conseil constitutionnel, il a été essentiellement question de la mise en place du comité de liaison sur les aspects sanitaires.

M. Philippe Bonnecarrère . - Ce n'est pas possible, il n'y a pas de contrôle constitutionnel sur les modalités administratives ! Le ministre ne s'est pas déplacé pour cela.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée . - Si, c'est possible ! Cette rencontre a donné lieu à une communication de M. Fabius dans laquelle il a précisé ce qui relevait des prérogatives du Conseil. Des échanges ont eu lieu sur l'organisation des élections. Je n'étais pas présente à ce rendez-vous, et je vous donne les informations dont je dispose : il a été notamment - j'insiste sur ce point - question de la mise en place du comité de liaison sur les aspects sanitaires.

Madame la sénatrice Cukierman, vous avez évoqué la nécessité d'une communication sur l'inscription sur les listes électorales. Je suis ministre depuis 2017, et je suis parfois désespérée du système médiatique et de la façon dont il fonctionne. Nous avons mis en place des actions de communication, nous n'avons de cesse de faire des notes aux rédactions, des communiqués de presse, et d'organiser des événements sur l'inscription sur les listes électorales, sur la démocratie, sur la lutte contre l'abstention. Nous avons lancé des campagnes sur les réseaux sociaux ; elles ne sont pas reprises. Si je publie un message sur Twitter ou Instagram sur des sujets personnels, ils sont repris des milliers de fois ; en revanche, si je donne la date jusqu'à laquelle il est possible de s'inscrire sur les listes électorales, il y a à peine huit reprises. Je le déplore, et si vous avez une solution pour mieux faire connaître cette campagne sur les réseaux sociaux, je suis preneuse !

Par ailleurs, je suis très vigilante à ne pas outrepasser mes fonctions : je suis ministre chargée de la citoyenneté, mais je suis aussi une responsable politique. Je fais attention à ne pas mélanger les deux, et à m'assurer que mes appels à l'inscription sur les listes électorales soient neutres et non partisans.

Les campagnes de communication existent donc bel et bien, mais j'entends des élus qui me font la même remarque que vous. Avec le Service d'information du Gouvernement, nous allons lancer dans les prochaines semaines d'autres campagnes, sous de nouvelles formes d'affichage et d'animation, afin d'inciter nos concitoyens à s'inscrire sur les listes électorales.

Sur les envois des formulaires de parrainages, je partage votre réflexion : étant moi-même conseillère régionale, c'est au conseil régional d'Île-de-France que j'ai reçu mon formulaire de parrainage. Pour l'instant, la consigne est d'envoyer le formulaire à l'adresse la plus sûre, en général celle du lieu d'élection. Il faut travailler à cette question pour les prochaines élections.

Monsieur le sénateur Kerrouche, l'arrêté relatif aux tarifs de remboursement sera publié en mars prochain, sur la base de l'indice des prix de l'Insee et du coût d'impression. L'idée est d'être au plus près de la réalité de la hausse des prix, comme cela s'est fait d'ailleurs lors de la dernière élection présidentielle.

Sur la question de la propagande, les dispositions de sécurisation prises pour l'élection présidentielle le seront aussi pour les élections législatives.

Monsieur Bonnecarrère, la question du vote en réunion de copropriété me semble assez éloignée de celle de l'expression du suffrage universel, régie par les principes de sincérité et de secret du scrutin. Je me mettrai en relation avec la ministre du logement pour avoir davantage d'informations à vous communiquer sur ce sujet.

M. François-Noël Buffet , président . - Je vous remercie, madame la ministre.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DE LA CONTRIBUTION ÉCRITE

M. Philippe Bonnecarrère , sénateur du Tarn, auteur de la proposition de loi organique et de la proposition de loi

Ministère de l'Intérieur

Direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT)

M. Marc Tschiggfrey , adjoint au directeur, chef du service de la modernisation de l'action publique

M. Sébastien Audebert , chef du bureau des élections et des études politiques

Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom)

Mme Anne Grand d'Esnon , membre du collège, présidente du groupe pluralisme et déontologie des programmes

M. Albin Soares-Couto , directeur adjoint de la direction des publics, du pluralisme et de la cohésion sociale

M. Dominique Louveau , chargé de mission à la direction des publics, du pluralisme et de la cohésion sociale

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

M. Éric Verlhac , directeur général

Mme Geneviève Cerf , responsable administration et gestion communale

CONTRIBUTION ÉCRITE

Groupe CANAL+

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-346.html

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-351.html


* 1 Y compris lorsque les procurations sont toutes deux établies en France.

* 2 Article 1 er de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.

* 3 Article 2 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique ; article 14 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

* 4 Article 112 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 5 Décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021, qui a modifié les articles R. 72-1 et R. 73 du code électoral.

* 6 Soit 94 % des Français en âge de voter (source : Institut national de la statistique et des études économiques, juin 2021).

* 7 Chiffres de 2021 (source : ministère de l'intérieur).

* 8 https://www.arcom.fr/actualites/election-presidentielle-2022-debut-de-la-periode-electorale-et-publication-des-releves-des-temps-de-parole-et-dantenne

* 9 https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Rapports-au-gouvernement/Rapport-sur-les-campagnes-electorales-Election-presidentielle-23-avril-7-mai-2017-elections-legislatives-11-18-juin-2017

* 10 Le Conseil scientifique a ainsi estimé, dans son avis du 29 mars 2021 relatif aux enjeux sanitaires des élections régionales et départementales que « le vote par procuration doit être encouragé et rendu largement possible pour faciliter son usage par toute personne préférant exercer son droit de vote par procuration afin de minimiser tout risque de contamination » (p. 12).

* 11 Qui s'est inspirée à cette occasion de la proposition de loi n° 455 (2019-2020) visant à mieux protéger les électeurs et les candidats pour le second tour des élections municipales de juin 2020, présentée par Philippe Bas, Bruno Retailleau et Hervé Marseille.

* 12 Article 2 de la loi n° 2020-1670 du 24 décembre 2020 relative aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales.

* 13 Article 2 de la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

* 14 Décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021 modifiant les dispositions du code électoral relatives au vote par procuration et portant diverses mesures modifications du code électoral.

* 15 Ces contrôles ne sont par conséquent plus effectués par la commune ; corrélativement, le maire n'est plus tenu d'ouvrir un registre consacré à l'inscription des procurations, mais édite le registre des procurations à partir du REU.

* 16 Voir circulaire INTA2139099J du ministre de l'intérieur en date du 31 décembre 2021.

* 17 Dans les faits, un électeur pourrait ainsi disposer d'une procuration pour ses deux parents, grands-parents ou arrière-grands-parents.

* 18 20 509 pour 256 145 mandataires désignés par voie électronique, soit 8 % (source : ministère de l'intérieur).

* 19 Le taux moyen de participation aux deux tours de l'élection présidentielle s'est élevé à 79,9 % en 2012, et 78,1 % en 2017 (source : ministère de l'intérieur).

* 20 Lors de son audition par la rapporteure, le ministère de l'intérieur a fait état de la nécessité d'effectuer des développements complémentaires dans le REU dans le cas où le plafond du nombre de procurations établies en France serait relevé à deux ; la ministre déléguée chargée de la citoyenneté n'a pas fourni davantage d'explications à ce sujet lors de son audition par la commission des lois le 9 février 2022 ( http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220207/lois.html#toc6 ).

* 21 À noter que le mandataire n'a pas à comparaître devant l'autorité habilitée et que son identité n'est pas non plus vérifiée par ce dernier.

* 22 À noter que les OPJ et les APJ habilités par un magistrat peuvent établir des procurations pour tout mandant, sans restriction géographique.

* 23 En application de l'article 5 du décret n°2020-742 du 17 juin 2020.

* 24 Décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021 modifiant les dispositions du code électoral relatives au vote par procuration et portant diverses modifications du code électoral, entré en vigueur le 1 er janvier 2022.

* 25 IV de l'article R. 72-1 du code électoral.

* 26 Article R. 73 du code électoral dans sa version antérieure au 1 er janvier 2022.

* 27 En application de l'article 2 de la loi n° 2020-1670 du 24 décembre 2020 relative aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales.

* 28 Article 2 de la loi n° 2020-1670 du 24 décembre 2020 relative aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales.

* 29 En application du dernier alinéa de l'article R. 73 du code électoral.

* 30 L'article L .71 du code électoral prévoit désormais que « tout électeur peut, sur sa demande, exercer son droit de vote par procuration ».

* 31 Loi organique n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

* 32 Le premier alinéa 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel précise ainsi que « l'article L. 72 du code électoral est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique ».

* 33 Conseil constitutionnel, 11 janvier 1995, Loi organique modifiant diverses dispositions relatives à l'élection du Président de la République et à celle des députés à l'Assemblée nationale et loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République, décision n° 94-353/356 DC.

* 34 Pour mémoire, la notion de « force majeure » répond traditionnellement à une triple condition d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité.

* 35 Voir le commentaire pp. 16-21.

* 36 Voir le commentaire pp. 21-25.

* 37 Voir le commentaire pp. 27-29.

* 38 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 39 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 40 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 41 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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