Rapport n° 192 (2021-2022) de Mme Valérie LÉTARD , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 24 novembre 2021

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N° 192

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi tendant à favoriser l' habitat en zones de revitalisation rurale tout en protégeant l' activité agricole et l' environnement ,

Par Mme Valérie LÉTARD,

Sénatrice

(sera publié ultérieurement)

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie Evrard, Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Sénat :

527 (2020-2021) et 193 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi déposée par M. Pierre Louault et examinée le 24 novembre en commission des affaires économiques vise à développer les possibilités d'adaptation du bâti et de construction de logement au sein des zones rurales.

À quelques mois de l'entrée en vigueur des nouvelles contraintes d'urbanisme prévues par le volet « zéro artificialisation nette » de la loi « Climat et résilience », le texte entend réconcilier lutte contre la consommation d'espace et développement rural. Elle propose de desserrer les contraintes d'urbanisme qui pèsent sur les communes les plus rurales. Elle vise aussi à apporter un soutien fiscal aux efforts de ces dernières en matière de logement. Pour assurer la conciliation des usages, elle souhaite réduire les frictions entre agriculture et habitat.

I. UNE CONTRADICTION CROISSANTE ENTRE UN DROIT DE L'URBANISME VISANT UN STATU QUO ET UNE RURALITÉ EN MAL DE DÉVELOPPEMENT DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE

A. LE VIEILLISSEMENT DE L'HABITAT RURAL CONTRIBUE À LA DÉPRISE DÉMOGRAPHIQUE ET À LA PERTE D'ATTRACTIVITÉ DES VILLAGES...

La ruralité française, c'est-à-dire environ 60 % du territoire national, recouvrant en majeure partie de petites communes peu denses, marquées par une dominante d'activité agricole et éloignées des centres urbains, fait face à un défi existentiel : parvenir à attirer et à accueillir de nouvelles activités et de nouveaux habitants , pour enrayer le déclin démographique et économique de certains territoires. Ce sont en effet les zones rurales qui ont été touchées le plus fortement, au cours des dernières décennies, par la déprise agricole, la désindustrialisation, le vieillissement de la population et la précarité (rapport de 2009 de l'IGAP et du CGAAER).

Conséquence notable de ce déclin, les communes rurales au sens de l'INSEE, jusqu'au coeur de leurs bourgs, se caractérisent par une forte vacance de l'habitat , en moyenne de 10 % en zone de revitalisation rurale contre 7 % en France, et pouvant atteindre jusqu'à 24 % par endroits.

Cette vacance est souvent subie, résultant de la faiblesse de la demande, mais surtout de la lente dégradation du parc de logements disponibles, faute de moyens et d'occupants . Dans la « diagonale du vide », près de 100 000 logements deviendraient vacants chaque année, et on dénombrerait, sur l'ensemble du territoire rural près de 140 000 corps de ferme à l'abandon.

Les coûts de rénovation de ce bâti ancien, dégradé, sont importants : on les estime à 2 000 euros en moyenne du mètre carré, montant bien supérieur à celui de la construction neuve, et qui croît avec l'empilement des nouvelles législations relatives, notamment, aux normes de performance énergétique.

En outre, le bâti ancien ne correspond pas toujours à la demande des nouvelles générations locales, voire des « néo-ruraux » .

Les zones rurales ont pourtant des atouts à jouer, en particulier à l'heure où l'exode urbain semble s'accélérer . Grâce aux efforts des acteurs locaux, elles renouent avec l'attractivité, et sont prêtes à relever le défi du renouvellement générationnel .

B. ...MAIS LES RÈGLES D'URBANISME TENDENT À IMPOSER AUX COMMUNES EN DÉPRISE LES MÊMES VERROUS QU'AUX ZONES URBAINES

Malgré les différences évidentes entre zones urbaines, zones appartenant aux aires d'attraction urbaine et zones rurales, le droit de l'urbanisme tend à imposer aux communes rurales ou en déprise démographique les mêmes verrous qu'aux zones urbaines :

• les règles de constructibilité ou de changement de destination se fondent sur une distinction entre espaces déjà urbanisés et espaces vierges d'urbanisation. Les communes dont le territoire est à dominante agricole ou naturelle disposent donc d'un potentiel de développement urbain moindre, quel que soit leur projet. Plus spécifiquement, la constructibilité plus restreinte en zone agricole complique la capacité des exploitations agricoles à se développer et à attirer de jeunes générations ;

• les documents d'urbanisme locaux doivent fixer des objectifs de limitation de la consommation d'espace reflétant la dynamique démographique. Une commune très attractive pourra ainsi ouvrir davantage de zones à l'urbanisation qu'une commune en déclin. Il en résulte une forme de « gel » du périmètre urbain des communes rurales, qui freine leurs efforts d'accueil de nouveaux arrivants . Ce problème s'accroîtra avec les nouvelles contraintes édictées par la loi « Climat et résilience » en matière de consommation d'espace ;

• la petite taille des communes rurales tend à réduire leur poids dans la gouvernance intercommunale : avec la montée en puissance des PLU intercommunaux, de nombreuses communes rurales ont le sentiment d'être « sacrifiées » dans les PLUi au profit des zones urbaines ou périurbaines, plus dynamiques ;

• enfin, plusieurs dispositifs fiscaux de soutien à la construction neuve ou à l'investissement locatif, tels que le dispositif « Pinel », ne sont applicables que dans les zones tendues ou dans les zones plus urbanisées. Ce ciblage fiscal ne permet pas aux communes rurales de mobiliser les investisseurs ou les fonds nécessaires au colossal effort de réhabilitation du parc de logements anciens.

C. LA POLITIQUE DE REVITALISATION RURALE, SURTOUT FISCALE, NÉGLIGE LE LEVIER DE L'URBANISME

La politique de revitalisation rurale s'appuie aujourd'hui principalement sur un dispositif fiscal, les zones de revitalisation rurale (ZRR) .

En vigueur depuis 1995, ce dispositif permet d'inciter à l'installation d'entreprises au sein de ces zones par le biais d'exonérations fiscales . Il concerne en 2021 environ 13 900 communes appartenant à 456 intercommunalités , ainsi que 4000 communes sortantes qui en ont bénéficié temporairement. Au total, il englobe donc près de la moitié des communes françaises .

Si le volet fiscal de la politique de revitalisation rurale est donc bien identifié, il n'existe pas réellement de pendant aux ZRR en matière de logement ou d'urbanisme . S'en approchent le programme Action coeur de ville , piloté par le Gouvernement, ou encore le dispositif contractuel d' opération de revitalisation de territoire (ORT), introduit par la loi ELAN, mais ce dernier ne donne accès qu'à des mesures fiscales ou d'urbanisme commercial. Ces dispositifs concernent principalement des centres-bourgs de taille moyenne, et non l'hyper-ruralité. Le code de l'urbanisme, lui, ne prévoit aucune mesure spécifique à la revitalisation des zones rurales .

II. LA PROPOSITION : SOUTENIR L'EFFORT DE REDYNAMISATION DES TERRITOIRES RURAUX, PAR UN ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES D'URBANISME ET PAR DES INCITATIONS FISCALES

La proposition de loi rassemble plusieurs mesures visant à réconcilier un urbanisme protecteur des sols avec une politique ambitieuse de développement rural .

A. ALLIER MESURES GÉNÉRALES ET MESURES SPÉCIFIQUES AUX ZONES DE REVITALISATION RURALE

Elle propose d'abord plusieurs mesures de portée générale , telles que l'inscription des objectifs de revitalisation rurale parmi les grands objectifs du code de l'urbanisme (article 1 er ), une meilleure prise en compte des spécificités rurales lors de l'élaboration des SCoT (article 3), ou une protection des agriculteurs contre les recours en indemnisation pour nuisance (article 6). Il propose aussi d'introduire une forme de droit au logement des exploitants agricoles à proximité de leur exploitation (article 5).

Le coeur du dispositif est néanmoins l'article 2 du texte , qui propose de créer au sein du code de l'urbanisme un chapitre nouveau, comportant des règles spécifiques et dérogatoires au bénéfice des communes classées en ZRR . Il est complété par une extension aux ZRR de la réduction d'impôt « Pinel » pour l'investissement locatif (article 4), et par une mesure garantissant la représentation d'un élu issu de ZRR au sein de la CDPENAF (article 7).

B. CONCILIER ÉCONOMIE AGRICOLE, RENOUVELLEMENT DE L'HABITAT ET PROTECTION DES SOLS

Prises ensemble, les mesures de la proposition de loi traduisent un objectif d'équilibre : elle vise à garantir que les communes rurales seront en mesure de renouveler leur parc de logement, et pourront disposer d'un potentiel minimal de développement, tout en conciliant cette mutation avec les impératifs de l'économie agricole locale et de la protection des sols. Ainsi, l'assouplissement de la constructibilité et du changement de destination en zone agricole (article 2) est contrebalancé par une plus grande protection des agriculteurs face aux recours du voisinage (article 6). De même, le « droit au logement » des agriculteurs (article 5) est tempéré par une meilleure représentation des élus des ZRR au sein de la CDPENAF (article 7).

La rapporteure souligne qu'elle soutient cette démarche de conciliation, et n'a à ce titre pas souhaité remettre en cause les équilibres trouvés dans le cadre de la loi « Climat et résilience » en matière de lutte contre l'artificialisation, objectif légitime de politique publique.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION

Sur proposition de la rapporteure, la commission des affaires économiques a souhaité conserver la logique d'ensemble du texte proposé, en vue de son examen en séance publique à la demande du groupe dont il est issu. En conséquence, elle a adopté quatre amendements élaborés selon les quatre axes ci-dessous.

A. RESSERRER LE CRITÈRE DE ZRR POUR MIEUX CIBLER LES COMMUNES PEU DENSES EN DÉCLIN DONT LE DÉVELOPPEMENT EST GELÉ

La rapporteure a souhaité remplacer le ciblage prévu, ayant recours au prisme des ZRR, par un périmètre plus adapté . Les ZRR concernant près de la moitié des communes françaises, et au moins un quart des EPCI, des dérogations trop larges pourraient remettre en question tant la pertinence des documents locaux de planification , qui portent les projets des élus locaux, que la gouvernance des territoires . Que dire à une commune non classée, dont la voisine classée en ZRR bénéficierait de possibilités décuplées ? Comment revoir les PLUi pour éviter les effets de compétition ? En outre, ce ciblage est variable et l'avenir des ZRR incertain .

En conséquence, la rapporteure a proposé un critère alternatif (article 2) : celui des « communes peu denses en déprise démographique », dont le territoire est principalement constitué aujourd'hui de zones non constructibles au titre du droit de l'urbanisme. Ce ciblage nouveau permettra de viser le coeur de la ruralité française, les communes en mal de revitalisation ayant souffert d'un droit de l'urbanisme trop restrictif. Le titre de la proposition de la loi a également été modifié par la commission pour tenir compte de l'évolution du ciblage retenu, et vise désormais l'ensemble des « zones rurales ».

B. SOUTENIR L'EFFORT DE RÉHABILITATION ET DE MODERNISATION DU PARC DE LOGEMENT

Plutôt qu'une extension du dispositif « Pinel » , qui soutient principalement la construction de logements collectifs, la rapporteure a proposé à la commission une double extension du « Denormandie dans l'ancien » , qui encourage la réhabilitation du bâti ancien à fin de création de logement locatif (article 4). Ce ciblage est considéré comme plus pertinent par l'ensemble des personnes auditionnées, et permettra d'améliorer l'équilibre financier des opérations de modernisation de l'habitat.

La commission a ainsi adopté une prolongation du dispositif jusqu'en 2025 (contre 2022 actuellement), mais aussi son extension au profit des petites communes peu denses en déprise démographique à fort taux de vacance : il n'est aujourd'hui mobilisé que dans le cadre des programmes gouvernementaux au profit des aires d'influence de villes moyennes.

C. GARANTIR L'EFFICACITÉ ET L'ACCEPTABILITÉ DE CES NOUVEAUX OUTILS, EN ASSURANT UN BON ENCADREMENT DES ASSOUPLISSEMENTS PROPOSÉS

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté plusieurs amendements visant à prévoir certains garde-fous. Ainsi, elle a recentré les assouplissements portant sur la constructibilité et les changements de destination sur l'objectif de création de logement ou d'hébergement (article 2), afin de ne pas détourner les zones agricoles de leur vocation première. Elle a aussi fondé la possibilité de construire en continuité de l'urbanisation sur le périmètre actuel des zones urbanisées, pour éviter les effets de « ricochet » (article 2). Au même article, elle a supprimé la dispense de compatibilité des documents locaux aux SCoT et aux SRADDET , que les personnes auditionnées ont unanimement considérée comme disproportionnée et dont les objectifs peuvent être atteints par d'autres moyens.

La commission a également souhaité encadrer le « droit au logement » des agriculteurs, pour éviter les changements de destination abusifs peu de temps après la construction (article 5). Ces demandes d'autorisation seront également soumises à l'avis de la CDPENAF.

D. INSUFFLER UNE DOSE DE TERRITORIALISATION À LA POLITIQUE DE REVITALISATION RURALE

Sur proposition de la rapporteure, la commission a souhaité insuffler une forme de territorialisation à la politique de revitalisation , en permettant aux collectivités locales de participer à la détermination des « zonages » pertinents pour le présent texte. Elle s'inspire en cela de l'expérimentation du « Pinel Breton », qui s'appuie sur l'échelon régional.

Il est donc proposé (aux articles 2 et 4) que les intercommunalités d'un périmètre départemental proposent au préfet de département une liste des communes concernées par les mesures d'incitation fiscales ou d'assouplissements urbanistiques, au regard éventuellement de critères qui pourront être encadrés par voie réglementaire. Cela permettra d'adapter au mieux le ciblage aux réalités locales.

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER

Faciliter l'habitat dans les zones de revitalisation rurale
dans le respect de l'agriculture et de l'environnement
Article 1er

Inscription des objectifs des zones de revitalisation rurale
parmi les objectifs généraux du code de l'urbanisme

Cet article vise à inscrire les objectifs des zones de revitalisation rurale parmi les objectifs généraux du code de l'urbanisme.

La commission a adopté cet article sans modifications.

I. La situation actuelle - Les objectifs généraux du code de l'urbanisme visent la conciliation entre différents axes de politique publique

Le code de l'urbanisme fixe en son article L. 101-2 les objectifs et principes généraux de l'action publique en matière d'urbanisme . Ces objectifs sont retracés dans le tableau ci-dessous.

Ces objectifs se situent au sommet de la hiérarchie des normes du droit de l'urbanisme.

Ils doivent être respectés par les documents d'urbanisme et de planification des collectivités territoriales , notamment les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU).

Ainsi, l'article L. 132-1 du code de l'urbanisme prévoit que « l'État veille au respect des principes définis à l'article L. 101-2 » lors de l'élaboration des documents d'urbanisme, notamment via le porter à connaissance des communes et EPCI. Le préfet peut également demander des modifications à tout projet de SCoT ou de PLU qu'il estimerait « compromettre gravement les principes énoncés à l'article L. 101-2 » (article L. 143-25). Les cartes communales sont également soumises au respect des principes de l'article L. 101-2 (article L. 161-3), ainsi que les objectifs des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) (article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales).

Enfin, les évaluations des PLU portent, entre autres, sur leurs résultats au regard de ces mêmes principes (article L. 153-27).

Principe d'équilibre
(1°)

L'action des collectivités vise l'équilibre entre :

• Les populations des zones urbaines et rurales ;

• Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ;

• Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;

• La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ;

• Les besoins en matière de mobilité.

Qualité urbaine, architecturale
et paysagère
(2°)

L'action des collectivités vise la qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de ville.

Principe
de diversité
des fonctions
et de mixité sociale
(3°)

L'action des collectivités vise la diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat :

• en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l'ensemble des modes d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial ;

• en tenant compte en particulier des objectifs :

- de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services ;

- d'amélioration des performances énergétiques ;

- de développement des communications électroniques ;

- de diminution des obligations de déplacements motorisés et de développement des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile.

Sécurité
et salubrité publiques
(4°)

L'action des collectivités vise la sécurité et la salubrité publiques.

Prévention
des risques
(5°)

L'action des collectivités vise la prévention des risques naturels prévisibles, des risques miniers, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature.

Protection de l'environnement et lutte contre le changement climatique
(6° et 7°)

L'action des collectivités vise :

• La protection des milieux naturels et des paysages ;

• La préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol ; des ressources naturelles ; de la biodiversité ; des écosystèmes ; des espaces verts ;

• La création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ;

• La lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ce changement ;

• La réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

• L'économie des ressources fossiles, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables.

Lutte contre l'artificialisation des sols (6° bis )

L'action des collectivités vise la lutte contre l'artificialisation des sols, avec un objectif d'absence d'artificialisation nette à terme.

Conception universelle
(8°)

L'action des collectivités vise la promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d'autonomie dans les zones urbaines et rurales.

II. Le dispositif envisagé - Inscrire les objectifs des zones de revitalisation rurale parmi les objectifs généraux du code de l'urbanisme

L'article 1 er de la proposition de loi insère, parmi les objectifs généraux du code de l'urbanisme, les objectifs des zones de revitalisation rurale , qui figurent à l'article 61 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Il est donc proposé d'insérer, à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme traitant des objectifs de l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme, un nouveau 2° bis qui renvoie au dit article 61 de la loi n° 95-115.

Article 61 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire

« Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A du code général des impôts, l'État et les collectivités territoriales mettent en oeuvre des dispositions visant notamment à :

- développer les activités économiques ;

- assurer un niveau de service de qualité et de proximité ;

- améliorer la qualité de l'habitat et l'offre de logement, notamment locatif ;

- lutter contre la déprise agricole et forestière et maintenir des paysages ouverts ;

- assurer le désenclavement des territoires ;

- développer la vie culturelle, familiale et associative ;

- valoriser le patrimoine rural ;

- et, d'une façon plus générale, à assurer aux habitants de ces zones des conditions de vie équivalentes à celles ayant cours sur les autres parties du territoire.

Les zones de revitalisation rurale sont prises en compte dans les schémas de services collectifs et les schémas interrégionaux d'aménagement et de développement prévus par la présente loi ainsi que par les schémas régionaux de développement et d'aménagement prévus à l'article 34 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précitée. Ces zones constituent un territoire de référence pour l'organisation des services rendus aux usagers prévue à l'article 29 de la présente loi. »

III. La position de la commission - Pour une politique de revitalisation des zones rurales mieux intégrée aux autres politiques publiques

La rapporteure estime que les différents pans de politiques publiques - et leurs déclinaisons juridiques - mériteraient une meilleure articulation , afin d'éviter les lectures en silo et d'améliorer la cohérence globale de l'action publique . C'est l'intention de cet article, qui vise à ce que les grands objectifs affirmés par le code de l'urbanisme reflètent ceux que l'État s'est fixés par ailleurs depuis 1995 en matière de revitalisation rurale.

Elle soutient donc ce message fort, qui donne à la politique de revitalisation des zones rurales toute sa place aux côtés de l'effort de protection des terres agricoles et naturelles, de la promotion de la mixité du logement, ou encore du renouvellement urbain.

Peut-être des améliorations rédactionnelles pourraient-elles être apportées à cet article lors de l'examen en séance publique, afin d'améliorer l'insertion de cette mesure au sein du code de l'urbanisme et de limiter les redondances avec les objectifs existants, dont la liste est déjà longue.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 2

Dispositions dérogatoires au droit de l'urbanisme au bénéfice des communes classées en zone de revitalisation rurale

Cet article vise à introduire, au bénéfice spécifique des zones de revitalisation rurale, des dispositions dérogatoires au droit de l'urbanisme offrant des assouplissements en matière de construction nouvelle, d'adaptation du bâti et de changement de destination, en particulier dans les zones naturelles, agricoles et forestières. Il dispense aussi les documents des communes des ZRR de l'obligation de compatibilité avec les SCoT et SRADDET. Enfin, il modifie la portée de l'avis de la CDPENAF sur les documents d'urbanisme locaux et sur certaines autorisations d'urbanisme.

La commission a adopté deux amendements proposant une réécriture du présent article. Celle-ci a pour objet, d'une part, de modifier le ciblage retenu pour les assouplissements des règles d'urbanisme, en retenant les communes peu denses, en déprise démographique et dont le territoire est en grande partie inconstructible, plutôt que les communes classées en ZRR. D'autre part, la rédaction améliore l'insertion de ces dispositions nouvelles dans le droit de l'urbanisme, afin de garantir leur lisibilité et de faciliter leur prise en main par les élus. Enfin, elle apporte plusieurs garde-fous à ces nouvelles possibilités, pour éviter tout abus et garantir la proportionnalité des évolutions proposées.

I. La situation actuelle - Des règles communes du droit de l'urbanisme visant à permettre le développement urbain tout en protégeant les zones non urbanisées et les activités agricoles

A. Des règles spécifiques de protection des terres non urbanisées, différenciées selon le type de document d'urbanisme applicable

Comme l'affirment les principes généraux du droit de l'urbanisme, énoncés à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, le droit français de l'urbanisme entend concilier le développement des territoires - notamment démographique et économique - avec la protection des zones non urbanisées, en particulier agricoles.

En effet, si près de la moitié du territoire français est constituée de terres agricoles (et 40 % du territoire d'espaces naturels), la consommation annuelle d'espaces naturels, agricoles et forestiers au profit de l'urbanisation s'établit entre 30 000 et 50 000 hectares par an, soit un taux d'artificialisation estimé à 1 % chaque année. La conciliation des activités agricoles, occupant donc une majorité de l'espace, et des espaces de vie urbains, connaissant une forte croissance, est donc au coeur de la réglementation de l'urbanisme.

Le droit de l'urbanisme s'appuie donc sur une distinction fondamentale entre espaces urbanisés et espaces non urbanisés et ce, quels que soient les dispositions spécifiques ou le document d'urbanisme applicables à chaque commune. Dans les espaces urbanisés, des possibilités plus larges de construction nouvelle, d'extension des bâtiments, d'adaptation du bâti ou de changement de destination existent ; tandis que ces possibilités sont restreintes ou soumises à un contrôle accru dans les zones non urbanisées.

Parmi les nombreuses exceptions à l'inconstructibilité des zones non urbanisées figurent trois catégories de bâtiments :

- Les bâtiments liés aux activités agricoles et forestières, qui s'exercent par nature dans les zones non urbanisées ; ainsi que les bâtiments liés à la mise en valeur des ressources naturelles ;

- Les bâtiments incompatibles avec le voisinage des zones habitées ou nécessaires à l'équipement collectif .

En ce qui concerne les bâtiments liés à l'activité agricole plus précisément, peuvent ainsi être autorisées en zone agricole, naturelle ou forestière les constructions nouvelles à caractère de logement dans le périmètre des anciennes fermes ou dans les secteurs de taille et de capacité d'accueil limitée (STECAL) ; celles nécessaires à l'activité agricole, comme ceux destinés à l'accueil des animaux ou au stockage du matériel agricole ; ou encore, depuis la loi dite « ELAN », celles liées aux activités de production, de transformation et de commercialisation de produits agricoles.

TABLEAU SIMPLIFIÉ DES RÈGLES APPLICABLES SELON LE DOCUMENT D'URBANISME

RNU

Carte communale

PLU

Constructions nouvelles

Autorisées dans les parties urbanisées si conformes aux règles du RNU.

Autorisées dans les secteurs délimités si conformes aux règles de la carte communale.

Autorisées dans les zones urbanisées délimitées si conformes aux règles du PLU.

Interdites en dehors des parties urbanisées (L. 111-3)

SAUF (L. 111-4) :

1) Avec avis simple de la CDPENAF (L. 111-5) :

• logement au sein du périmètre d'une ancienne exploitation agricole ;

• nécessaires à l'exploitation agricole ;

• nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles (hors zone naturelle) ;

• incompatibles avec le voisinage des zones habitées ;

• nécessaires aux équipements collectifs ou aux aires d'accueil de gens du voyage ;

• nécessaires aux opérations d'intérêt national ;

• nécessaires à la mise en valeur des ressources naturelles ;

2) Avec avis conforme de la CDPENAF (L. 111-5) :

• autorisées par délibération motivée du conseil municipal si d'intérêt communal.

Interdites en dehors des secteurs délimités ,

SAUF (L. 161-4) :

1) Annexe à proximité d'un bâtiment existant ;

2) Si compatibles avec l'activité agricole et pas d'atteinte aux espaces naturels et aux paysages :

• nécessaires à des équipements collectifs ;

• nécessaire à l'exploitation agricole ou forestière, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, avec avis simple de la CDPENAF ;

• nécessaires au stockage et à l'entretien du matériel des coopératives d'utilisation de matériel agricole, avec avis simple de la CDPENAF ;

• nécessaires à la mise en valeur des ressources naturelles.

Interdites en zone agricole, naturelle ou forestière ,

SAUF :

• nécessaires à des équipements collectifs, si compatibles avec l'activité agricole et pas d'atteinte aux espaces naturels et aux paysages (L. 151-11) ;

• en zone agricole et forestière, nécessaires à la transformation, conditionnement et commercialisation des produits agricoles, avec avis simple de la CDPENAF (L. 151-11) ;

• au sein des STECAL (L. 151-13), délimités après avis simple de la CDPENAF.

Adaptation, réfection, extension de l'existant

Autorisées dans les parties urbanisées si conformes aux règles du RNU.

Autorisées si conformes aux règles de la carte communale.

Autorisées dans les zones urbanisées délimitées si conformes aux règles du PLU.

Autorisées hors des parties urbanisées, dans le respect des traditions architecturales locales (L. 111-4).

Interdites en zone agricole, naturelle ou forestière ,

SAUF si elles ne compromettent pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site, sont conformes avec le règlement du PLU, et après avis simple de la CDPENAF (L. 151-12)

Changement de destination de l'existant

Autorisé dans les parties urbanisées si conforme aux règles du RNU.

Autorisé si conforme aux règles de la carte communale.

Autorisé dans les zones urbanisées délimitées si conforme aux règles du PLU.

Autorisé hors des parties urbanisées, dans le respect des traditions architecturales locales (L. 111-4).

Autorisé si conforme aux règles de la carte communale.

Interdit en zone agricole, naturelle ou forestière ,

SAUF s'il ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site, est conforme avec le règlement du PLU, et après avis conforme de la CDPENAF ou de la CDNPS (L. 151-11).

Source : Commission des affaires économiques

B. La hiérarchie des normes d'urbanisme prévoit un encadrement de la consommation d'espace permise par les documents d'urbanisme communaux et intercommunaux

Outre des règles précises, présentées plus haut, applicables à l'échelle de chaque projet, le code de l'urbanisme prévoit aussi que s'applique aux documents d'urbanisme des communes un encadrement de la consommation d'espace et de l'artificialisation, par le biais de la hiérarchie des normes.

Ainsi, tant les SRADDET, document établi à l'échelle régionale, que les SCoT, élaborés par un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), prévoient des objectifs chiffrés de limitation de la consommation d'espace et des objectifs chiffrés de limitation de l'artificialisation nouvelle. Ces objectifs doivent ensuite être traduits dans les documents locaux, c'est-à-dire les PLU(i) et les cartes communales, soit par le biais d'objectifs chiffrés, soit sous la forme de dispositions de fond compatibles (par exemple au sein des règlements de PLU, notamment par le zonage).

En ce qui concerne la consommation d'espace, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II », a imposé aux SCoT de fixer des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF), le cas échéant déclinés par territoire. Les PLU(i) doivent également fixer de tels objectifs, dans un rapport de compatibilité avec ceux du SCoT.

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », impose également aux SRADDET, aux SCoT et aux PLU de prévoir un objectif chiffré de réduction du rythme de l'artificialisation nouvelle, les objectifs des SRADDET s'imposant à ceux des SCoT ou des PLU dans un rapport de prise en compte.

C. Un avis de la CDPENAF sur les dispositions des plans locaux d'urbanisme et des cartes communales

Dans un même objectif de protection des espaces non urbanisés, l'élaboration des documents d'urbanisme locaux peut-être soumise au regard de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) , compétente en matière de réduction des surfaces naturelles, forestières et agricoles.

Au titre de l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, « elle émet [...] un avis sur l'opportunité, au regard de l'objectif de préservation des terres naturelles, agricoles ou forestières, de certaines procédures ou autorisations d'urbanisme ». En particulier, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, dite loi « LAAAF », a rendu obligatoire son avis sur certains documents d'urbanisme locaux, en fonction de leur impact sur les espaces naturels, agricoles et forestiers. Elle a également confié à la commission un pouvoir d'autosaisine sur ces documents. L'intervention de la CDPENAF selon les cas de figure est retracée dans le tableau ci-dessous.

COMPÉTENCE DE LA CDPENAF SUR LES DOCUMENTS D'URBANISME LOCAUX

Couvert par un SCoT
approuvé après 2014

Non couvert par un SCoT
approuvé après 2014

Plan local d'urbanisme (PLU) communal ou intercommunal

• R end un avis sur le projet d'élaboration, de révision ou de modification :

- s'il crée un STECAL (L. 151-13) ;

- s'il élargit la constructibilité en zone NAF au titre du règlement (L. 151-12) ;

• Rend un avis sur le projet d'élaboration, de révision ou de modification :

- s'il réduit les espaces NAF ou crée un STECAL (L. 151-13, L. 153-16 et L. 153-33) ;

- s'il élargit la constructibilité en zone NAF au titre du règlement (L. 151-12) ;

- s'il ouvre à l'urbanisation des zones AU ou des zones NAF (L. 142-4, et L. 142-5)

Autosaisine :
Peut demander que tout projet lui soit soumis (L. 112-1-1, L. 153-17)

Carte communale

• Rend un avis sur le projet d'élaboration de carte communale (L. 163-4)

• Rend un avis sur le projet d'élaboration de carte communale (L. 163-4)

• Rend un avis sur le projet de révision :

- s'il réduit les secteurs où les constructions ne sont pas admises (L. 163-8)

- s'il ouvre à l'urbanisation des secteurs non constructibles (L. 142-4, L. 142-5)

Autosaisine :

Peut demander à ce que tout projet lui soit soumis ( L. 112-1-1 )

Source : Commission des affaires économiques du Sénat

II. Le dispositif envisagé - Un droit de l'urbanisme alternatif pour les communes classées en zone de revitalisation rurale, qui offre de plus grandes possibilités en matière de changement de destination, de constructibilité et de consommation d'espace en zone non urbanisée

La mesure proposée crée, au sein du titre II du code de l'urbanisme traitant des règles spécifiques s'appliquant à certaines parties du territoire, un chapitre rassemblant de nouvelles règles d'urbanisme spécifiques aux zones de revitalisation rurale . Ce chapitre nouveau comporte six articles.

A. Champ d'application des nouvelles dispositions

L'article L. 124-1 précise le champ d'application des nouvelles dispositions. Celles-ci s'appliqueront aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées dans les communes classées en ZRR au sens de l'article 1465 A du code général des impôts, c'est-à-dire aux communes qui figurent sur la liste aujourd'hui établie par arrêté ministériel. Ce classement s'apprécie au moment du dépôt de l'autorisation d'urbanisme.

Il est également prévu qu'en cas de modification du classement d'une commune, une adaptation de son document d'urbanisme intervienne dans un délai d'un an, afin d'en retirer ou d'y ajouter le cas échéant des dispositions spécifiques aux ZRR. Cette adaptation pourra se réaliser par le biais d'une modification simplifiée dans le cas d'un schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou d'un plan local d'urbanisme (PLU).

L'article L. 124-2 concerne le cas de figure spécifique des communes nouvelles : si une commune nouvelle est créée, il est prévu que le classement en ZRR s'apprécie à l'échelle de chaque commune préexistante pour le bénéfice des dispositions relatives aux ZRR en matière d'urbanisme.

B. Un assouplissement des règles de constructibilité des terrains et de changement de destination des bâtiments

L'article L. 124-3 prévoit, en ZRR, le bénéfice de deux autorisations générales :

- L'autorisation de toute modification ou agrandissement du bâti existant (c'est-à-dire l'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension limitée, la construction d'annexes limitées) ;

- L'autorisation de toute installation ou équipement public incompatible avec le voisinage des zones habitées ;

- L'autorisation de toute construction nouvelle située en continuité de l'urbanisation existante (c'est-à-dire des bourgs ou des hameaux).

C. Une dérogation à la compatibilité des PLU et cartes communales aux SCoT et aux SRADDET

L'article L. 124-4 propose deux aménagements de la hiérarchie des normes d'urbanisme au bénéfice des communes classées en ZRR :

- Pour celles couvertes par un plan local d'urbanisme ou par un SCoT, ces documents devront « prendre en compte » , au moment d'établir des cibles chiffrées de réduction de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers, les spécificités des ZRR ainsi que « l'objectif d'assurer à leurs habitants des conditions de vie équivalentes à celles ayant cours sur les autres parties du territoire », en lien avec les objectifs de revitalisation rurale ;

- En outre, les cartes communales ou PLU couvrant ces communes, ainsi que les SCoT qui s'appliquent à elles, ne seront pas soumis aux obligations de compatibilité ou de prise en compte de documents supérieurs (comme les SCoT ou les SRADDET - schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires ) en matière de consommation d'espace. En d'autres termes, les documents d'urbanisme locaux pourront déroger à la hiérarchie des normes d'urbanisme et ignorer les cibles de consommation d'espace qui devraient s'appliquer à eux.

D. Une modification de la portée de l'avis de la CDPENAF sur le plan local d'urbanisme et les autorisations d'urbanisme

L'article L. 124-5 modifie la portée de l'avis de la commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

- Celle-ci rend aujourd'hui un avis simple sur toute modification des dispositions des PLU permettant la construction d'annexes ou d'extensions en zones naturelles, agricoles ou forestières : il est proposé de le transformer en avis conforme dès lors que ces dispositions ont « pour conséquence une réduction des surfaces des espaces agricoles, naturels ou forestiers dans les zones de revitalisation rurale » ;

- À l'inverse, l'avis conforme de la CDPENAF, qui doit aujourd'hui précéder tout changement de destination d'un bâtiment en zone agricole, serait transformé en avis simple , lorsque le plan local d'urbanisme a déjà été soumis à l'avis conforme de la CDPENAF.

E. Des garde-fous

L'article L. 124-6 apporte des restrictions aux mesures générales édictées par les articles nouveaux L. 124-1 à L. 124-5.

Il prévoit que les dispositions du chapitre « ne sauraient en aucun cas fonder des décisions » ayant pour effet d'autoriser des travaux ou constructions « susceptibles d'entraîner des nuisances pour la population, incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière » ou « portant atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ».

Il précise également que le règlement du plan local d'urbanisme pourra toujours fixer des conditions et des règles applicables à « l'aspect extérieur des constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, leurs dimensions, leurs conditions d'alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l'aménagement de leurs abords », en application de l'article L. 151-18 du code de l'urbanisme.

III. La position de la commission - Des assouplissements tant pertinents que nécessaires, dont le ciblage et l'encadrement peuvent toutefois être améliorés

La rapporteure souligne que cet article constitue le coeur de la proposition de loi présentée par son collègue, M. Louault. Il apporte en effet plusieurs assouplissements au droit commun des règles de l'urbanisme, afin que les possibilités correspondent mieux aux besoins des zones rurales.

Comme cela a été rappelé lors des auditions - propos dont la rapporteure s'est fait l'écho devant les membres de la commission - cette volonté d'assouplissement naît à la fois d'un constat et d'un sentiment .

Le constat est celui de la rigidité des règles d'urbanisme, souvent basées sur des principes ou des interdictions fortes, difficiles à adapter aux circonstances locales. Il est vrai que le droit de l'urbanisme, souvent pensé avant tout pour les zones urbaines, tendues ou en forte croissance, tend à imposer aux communes rurales des verrous démesurés par rapport à leur situation réelle . On entend qu'il soit nécessaire de limiter l'étalement urbain en Île-de-France, dans les zones périurbaines ou littorales attractives, mais est-il bien nécessaire d'interdire toute construction dans une commune de 150 habitants de zone hyper-rurale et en déprise démographique ?

Le sentiment qui en résulte est celui d'un délaissement, voire d'un « sacrifice » des zones rurales , en mal de développement économique et démographique, au profit des zones urbaines et des métropoles dynamiques. On ferait des espaces ruraux, à dominante agricole, des terres sanctuarisées, qui ne pourraient s'adapter aux évolutions de l'activité économique, de l'agriculture ou de la demande de logement. Rappelons que les zones rurales sont en moyenne plus concernées par la déprise agricole, la désindustrialisation, le vieillissement de la population et la précarité que le reste du territoire, selon l'Insee. La dégradation de l'habitat y est bien supérieure, faute d'occupants et surtout de moyens pour adapter l'offre à la demande et conduire l'effort de rénovation.

D'un point de vue juridique, plusieurs facteurs contribuent à cet état des lieux :

• Le droit de l'urbanisme distingue généralement entre zones déjà urbanisées, où les possibilités de construction nouvelle ou d'adaptation sont très larges ; et les zones vierges d'urbanisation, très protégées. Les communes dont le territoire est à dominante agricole ou naturelle ont donc généralement un potentiel de développement urbain moindre , quel que soit leur projet.

• Les cibles de réduction de la consommation d'espace fixées par les documents d'urbanisme sont calquées sur la dynamique démographique : autrement dit, plus une ville est attractive, plus elle peut construire . Pour les zones en déprise démographique, cela peut être vécu comme un « gel » du périmètre urbain, et une condamnation.

• Les petites communes, historiquement dotées de cartes communales ou soumises au règlement national d'urbanisme, ont souvent une impression de perte de maîtrise lorsqu'elles rejoignent le périmètre d'un plan local d'urbanisme intercommunal . Bien que cela soit souvent un sujet de gouvernance locale et que cela soit loin d'être une généralité, cela participe néanmoins d'un sentiment de relégation.

• Enfin, la plupart des dispositifs fiscaux de soutien au logement ou à la construction sont ciblés sur les zones tendues ou urbanisées, et ne permettent pas aux communes rurales de mobiliser les investissements nécessaires à améliorer leur parc de logement, alors que l'enjeu y est grand.

Certes, le droit de l'urbanisme a beaucoup évolué au cours des derniers vingt ans. Très récemment, à l'initiative du Sénat, l'article 41 de la loi dite « ELAN » n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique a par exemple élargi les possibilités de construction en zone agricole, au bénéfice de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles, demande de longue date des agriculteurs français freinés dans le développement de leur exploitation.

La tendance actuelle est néanmoins celle d'un durcissement des contraintes urbanistiques, au regard des enjeux de lutte contre l'étalement urbain et contre l'artificialisation des sols . Ainsi, le chapitre dédié de la loi dite « Climat et résilience » n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, prévoit une réduction par deux d'ici 2050 du rythme d'artificialisation nouvelle, ce qui impliquera pour beaucoup de territoires français des rétrozonages de zones auparavant constructibles.

Pour ne pas condamner les zones rurales à une double peine, entre restriction de l'urbanisation et perte de dynamisme économique et démographique, il faut réconcilier les différents objectifs de politique publique, et faire du droit de l'urbanisme un facilitateur de la revitalisation . Il existe à ce titre un véritable gisement d'améliorations possibles en matière de logement et d'urbanisme.

Selon la rapporteure, les assouplissements proposés par l'article 2 de la présente proposition de loi en matière de constructibilité et de changement de destination vont tout à fait dans le bon sens . Ils permettront aux maires ruraux d'amplifier l'effort de réhabilitation du logement ancien - comme les 140 000 corps de ferme à l'abandon en France ou les 100 000 logements qui deviennent vacants chaque année dans la « diagonale du vide » ; le cas échéant, d'autoriser que ce bâti ancien soit adapté à d'autres usages et participent de la revitalisation des villages ; et enfin, autoriseront de manière encadrée la construction nouvelle, en continuité de l'existant et afin d'accueillir de nouvelles familles.

Ces évolutions répondent à une demande forte des élus des territoires ruraux , qui voient parfois de jeunes couples ou agriculteurs qui auraient souhaité s'installer dans une maison en bord de village, finalement y renoncer et partir s'installer en ville, faute de pouvoir obtenir les autorisations nécessaires. Pour les communes en déprise, ces départs sont des drames.

La rapporteure a donc invité la commission à soutenir pleinement la démarche de la proposition de loi .

Elle a toutefois souhaité proposer une rédaction alternative de cet article 2 afin d'en améliorer encore l'opérationnalité et de rassurer les acteurs sur sa proportionnalité , en visant quatre objectifs principaux.

• Proposer un ciblage adapté aux enjeux

Les auditions menées par la rapporteure ont mis en évidence que le ciblage sur les ZRR n'était peut-être pas le bon critère pour ouvrir droit à des assouplissements en matière d'urbanisme. En effet, près de la moitié des communes françaises (soit 18 000 environ en incluant les communes « sortantes ») sont aujourd'hui classées en ZRR. Ce champ d'application est donc trop large , puisqu'il concernerait aussi des communes dynamiques, attractives d'un point de vue démographique, voire déjà relativement urbaines.

En outre, le classement en ZRR est mouvant - une commune pouvant être inscrite ou rayée de la liste prévue par décret - et le dispositif doit, en l'état du droit, prendre fin en 2022. Il est donc apparu malaisé de s'appuyer sur les ZRR pour ouvrir droit à des dérogations en matière d'urbanisme, matière du temps long. Cela impliquerait des évolutions permanentes des documents d'urbanisme qui apparaissent peu opérationnelles, a fortiori pour des plans locaux d'urbanisme intercommunaux. Ce ciblage risquerait en outre de susciter des déséquilibres au sein de la gouvernance locale.

La rapporteure, en accord avec l'auteur du texte, a donc souhaité proposer un critère alternatif : celui des communes peu denses en déprise démographique, dont le territoire serait principalement constitué de zones non constructibles . Pour les raisons évoquées ci-dessus, ce critère permettrait de ne viser que le coeur de la ruralité - les communes en perte de vitesse, à dominante agricole et naturelle et peu urbanisées. Il permettrait en outre, lorsque cela sera pertinent, de viser des communes non classées en ZRR (en raison par exemple de la non-éligibilité de son établissement public de coopération intercommunale de rattachement), mais présentant un besoin identique. Ce critère serait donc à la fois plus ciblé et plus souple , apte à mieux prendre en compte la diversité des territoires.

• Insuffler une dose de territorialisation

Les contours des zones de revitalisation rurale sont déterminés selon des critères nationaux, et les communes classées sont désignées par l'État par voie réglementaire. Concernant les assouplissements urbanistiques proposés, la rapporteure estime au contraire qu'il faut s'appuyer sur la connaissance de territoire des élus locaux, pour déterminer le champ d'application pertinent en fonction des besoins des communes.

S'inspirant de l'expérimentation du « Pinel Breton » régionalisé, introduite en 2020, il est proposé que le préfet de département arrête, sur proposition des intercommunalités du département, la liste de ces communes peu denses, en déprise démographique et dont le territoire est principalement constitué d'espaces inconstructibles. Cette détermination sera bien sûr encadrée par des critères communs fixés par décret. Ce dialogue territorial, fondé sur la connaissance de terrain des collectivités, est préférable à un « zonage » établi unilatéralement par l'administration centrale, mode de fonctionnement qui a montré ses limites.

• Améliorer l'articulation du dispositif avec le droit commun de l'urbanisme

Le dispositif envisagé proposait de créer, dans le code de l'urbanisme, un chapitre spécifique aux zones de revitalisation rurale (ZRR), qui prévoirait des dérogations et assouplissements d'ordre général.

Or, il est apparu à la rapporteure, au cours des auditions, que cette modalité n'était peut-être ni la plus lisible, ni la plus efficace pour les acteurs locaux - tant les élus, que les citoyens ou les constructeurs.

En effet, elle ne tenait pas compte de deux éléments essentiels en droit de l'urbanisme : le document d'urbanisme et le zonage applicables à chaque terrain . Le droit prévoit aujourd'hui des dispositions spécifiques à chaque type de zonage - les zones naturelles sont par exemple plus protégées que les zones agricoles, et beaucoup plus que les zones urbanisées - et à chaque document d'urbanisme. Une commune dotée d'un plan local d'urbanisme (PLU) pourra davantage adapter son zonage aux spécificités locales (par exemple en délimitant des secteurs constructibles en zone agricole), tandis que ces mêmes possibilités ne sont pas ouvertes aux petites communes placées sous le régime « de base » du règlement national d'urbanisme (RNU).

La surimposition d'un chapitre édictant des autorisations et principes d'ordre général, à cette matrice organisée selon document d'urbanisme et zonage, n'est pas de nature à garantir la bonne lisibilité du droit applicable à chaque commune, et compliquera donc sa prise en main par les élus.

La rédaction proposée par la rapporteure vise donc à conserver les mêmes assouplissements, mais en les insérant au sein des différents chapitres du code de l'urbanisme visant respectivement le RNU, les cartes communales et les PLU (articles L. 111-4, L. 161-4 et L. 151-11 du code de l'urbanisme). Cette modalité permet également d'articuler les propositions formulées avec le droit existant. Ainsi, l'adaptation des bâtiments existants est déjà largement autorisée en zone agricole : une partie des propositions du présent article 2 est donc satisfaite.

• Prévoir des garde-fous pour limiter les abus et assurer l'acceptabilité

Enfin, les auditions ont démontré qu'il était nécessaire de rassurer les acteurs sur la portée des assouplissements proposés : ils ne constituent en rien une libéralisation de la construction en zone rurale, mais apportent simplement des réponses ponctuelles à des problèmes précis. En outre, l'impératif de lutte contre l'artificialisation des sols, à laquelle souscrit la rapporteure et qu'il n'est pas question de remettre en cause ici, appelle à la prudence sur la dynamique de construction nouvelle.

La rapporteure a donc souhaité introduire plusieurs précisions et garde-fous, pour mieux encadrer le dispositif proposé.

L'autorisation générale de construction en continuité de l'urbanisation a été recentrée sur le périmètre urbain tel qu'il existe aujourd'hui , afin d'éviter un effet « ricochet » d'extension urbaine en champignon. Ces constructions nouvelles devront être à usage d'habitation ou d'hébergement , conformément à l'objectif annoncé de la proposition de loi : la construction d'un centre commercial ou d'un entrepôt logistique ne pourra pas être autorisée sur des terres agricoles ou naturelles en vertu de ces dispositions.

Il a été précisé que les constructions nouvelles autorisées en vertu de ces nouvelles dérogations ne pourront porter atteinte aux espaces naturels et aux paysages, et feront l'objet d'un avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Pour les communes dotées d'un PLU, il est précisé que les élus locaux pourront, s'ils le souhaitent, se saisir du règlement de PLU pour pouvoir encadrer l'aspect et les dimensions des bâtiments ainsi autorisés (par exemple en termes de hauteur ou de volume). Il ne s'agit pas en effet de limiter le pouvoir de planification et de réglementation du maire ni d'autoriser des projets incohérents avec celui de la commune.

Enfin, les acteurs entendus se sont unanimement déclarés défavorables à la dispense de compatibilité aux SCoT et SRADDET des documents d'urbanisme des communes rurales. Cette exonération apparaît disproportionnée et remettrait en cause l'existence même des documents de planification. Il apparaît préférable de maintenir la cohérence des projets territoriaux, au vu notamment des mesures votées par le Sénat dans le cadre de la loi « Climat et résilience », et de retirer cette dispense.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a donc adopté les deux amendements identiques COM-7 de la rapporteure et COM-3 de M. Louault, introduisant la rédaction globale apportant l'ensemble de ces améliorations.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3

Prise en compte des spécificités des zones de revitalisation rurale
lors de la fixation des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'espace des schémas de cohérence territoriale (SCoT)

Cet article vise à prévoir la prise en compte des spécificités des zones de revitalisation rurale lors de la fixation des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'espace des schémas de cohérence territoriale.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - Les schémas de cohérence territoriale (SCoT) sont tenus de fixer des objectifs chiffrés de limitation de la consommation d'espace et de l'artificialisation des sols, qui s'appuient sur une analyse des dynamiques des dix années précédentes

A. Des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'espace dans les SCoT, fondés sur une analyse de la décennie passée

Les enjeux de lutte contre l'étalement urbain et de gestion économe de l'espace ont été intégrés de façon croissante aux documents de planification en matière d'urbanisme.

L'article 17 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « loi Grenelle II », qui a rénové l'outil de schéma de cohérence territoriale (SCoT) , a ainsi prévu que ceux-ci s'appuient sur une analyse de la consommation passée d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) du territoire, et fixent des objectifs de limitation de cette consommation.

À ce titre, aux termes du 4° l'article L. 141-15 du code de l'urbanisme, les SCoT doivent inclure, au sein de leurs annexes, une analyse de consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers portant sur les dix années précédant l'arrêt du projet de SCoT, justifiant les objectifs chiffrés de limitation de cette consommation retenus par le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT. Ce bilan est établi sur la base des données d'urbanisme, telles que les informations cadastrales de la base MAJIC ou les photographies satellites établies dans le cadre des programmes européens de suivi de la consommation d'espace.

Sur le fondement de cette analyse, le SCoT fixe, par le biais du document d'orientation et d'objectifs (DOO), des objectifs chiffrés de consommation économe de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain, ventilés par secteur géographique , comme le prévoit l'article L. 141-10 du même code. Cela facilite ainsi la déclinaison de ces objectifs chiffrés au sein des plans locaux d'urbanisme (PLU), qui doivent être compatibles avec le SCoT. Il appartient à l'établissement public porteur du SCoT (en général un établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat de SCoT) de décider du niveau de ces objectifs chiffrés, au regard des situations locales et de l'ambition portée .

VARIATION ANNUELLE DES SURFACES EN FRANCE MÉTROPOLITAINE SELON L'OCCUPATION

Source : Dossiers de l'Agreste, n° 3, avril 2021, « L'occupation du sol entre 1982 et 2018 »

Selon le Cerema, entre 20 000 et 30 000 hectares de terres agricoles, naturelles et forestières seraient consommés chaque année en France, 9,1 % de la surface métropolitaine étant aujourd'hui artificialisés. Près de 42 % de cette surface artificialisée, et 70 % de la consommation nouvelle d'espace, sont liés à la construction de logement.

Ces chiffres varient toutefois significativement selon les territoires français, en fonction de leurs spécificités en matière par exemple de croissance démographique, d'urbanisation, d'activité économique, de topographie ou encore de densité urbanistique.

RYTHME D'ARTIFICIALISATION PAR RÉGION ENTRE 2009 ET 2016

Source : « L'artificialisation et ses déterminants d'après les Fichiers fonciers », Cerema, 2017

Selon les éléments recueillis par la commission, les schémas de cohérence territoriaux ont effectivement intégré des objectifs de réduction de la consommation d'espace, pour la plupart d'entre eux très ambitieux.

En 2021, les SCoT sont déployés sur une grande partie du territoire : 447 SCoT sont en vigueur ou en cours d'élaboration sur le territoire français. 72 % des SCoT existants ont été révisés depuis 2014 , constituant des documents de « deuxième ou troisième génération » , allant dans le sens d'une plus grande ambition et intégrant les contraintes législatives nouvelles. 83 % des communes françaises, et 90 % de la population du pays, sont aujourd'hui inclus dans le périmètre d'un SCoT. L'AdCF avait souligné, lors des auditions menées dans le cadre de la loi « Climat et résilience », « les efforts de modernisation des documents d'urbanisme et de planification opérés au cours du dernier mandat. Des centaines de SCoT et des milliers de PLUi ont été approuvés, et traduisent déjà l'adhésion au principe de sobriété foncière et de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers ».

Actuellement, près des trois quarts de ces SCoT se sont fixé des objectifs de réduction supérieurs à 35 %, et pour 58 % des SCoT, supérieurs à 50 %.

OBJECTIFS DE RÉDUCTION DE CONSOMMATION D'ESPACE FIXÉS PAR LES SCOT EN VIGUEUR

Source : Commission des affaires économiques du Sénat, chiffres Fédération des SCoT

B. Un encadrement supplémentaire des objectifs chiffrés introduit par la loi « Climat et résilience »

De surcroît, la récente loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a établi un nouveau cadre de lutte contre l'artificialisation des sols, qui vise à atteindre, à horizon 2050, la « zéro artificialisation nette ». Le chapitre III de la loi, et en particulier l'article 194, prévoit ainsi que chaque schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) et schéma d'aménagement régional (SAR) fixe un objectif de réduction du rythme de la consommation d'ENAF d'au moins 50 % sur la période entre 2021 et 2031. Cet objectif régional s'imposera ensuite aux SCoT dans un rapport de prise en compte. La loi « Climat et résilience » vient donc encadrer plus fortement la compétence des SCoT en matière de fixation d'objectifs de réduction de la consommation d'espace, par le biais de la hiérarchie des normes d'urbanisme, afin de parvenir à un ralentissement plus important du rythme de consommation d'espace.

À l'initiative du Sénat, lors de l'examen de la loi « Climat et résilience », il a été prévu que l'objectif régional uniforme de - 50 % au moins puisse être décliné, ou « territorialisé », de manière infrarégionale. Ce sont ces objectifs infrarégionaux que devront ensuite prendre en compte les SCoT (article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales). Une seconde « territorialisation » est également possible via le SCoT lui-même, qui peut décliner l'objectif fixé par le SRADDET entre plusieurs zones en différents critères fixés par l'article L.141-8 du code de l'urbanisme :

• les besoins en matière de logement (notamment les obligations de production de logement social) et la dynamique démographique ;

• les besoins en matière d'implantation d'activité économique et de mutation et redynamisation des bassins d'emploi ;

• le gisement de potentiel foncier mobilisable dans les espaces déjà urbanisés et à urbaniser, et les éventuelles restrictions liées aux règles en matière de protection du littoral, de la montagne et des espaces naturels ;

• la diversité des territoires urbains et ruraux, les stratégies et besoins liés au développement rural, la revitalisation des zones rurales et des communes rurales peu denses ;

• les efforts de réduction de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers déjà réalisés par les collectivités dans les vingt ans passés et traduits dans les documents d'urbanisme ;

• les projets d'envergure nationale ou régionale, ainsi que les projets d'intérêt communal ou intercommunal.

II. Le dispositif envisagé - Prévoir la prise en compte des spécificités des zones de revitalisation rurale lors de la fixation des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'espace des SCoT

L'article 3 complète le 4° de l'article L. 141-15 du code de l'urbanisme, afin que soient pris en compte, lors de la fixation des objectifs chiffrés de réduction de la consommation d'ENAF au sein des SCoT sur le fondement de l'analyse décennale, les « spécificités et objectifs » des zones de revitalisation rurale.

III. La position de la commission - Une intention pleinement soutenue, mais dont la traduction législative pourra être améliorée dans le cadre de la séance publique

Les auditions menées par la rapporteure ont révélé un sentiment d'injustice, vécu par les élus des zones rurales qui voient leurs projets de développement contraints par des règles d'urbanisme perçues comme trop restrictives.

Il est vrai que le droit de l'urbanisme, pensé et élaboré principalement pour les zones urbanisées et attractives, tend à imposer aux communes rurales ou en déprise démographique des verrous disproportionnés par rapport aux dynamiques réelles. À titre d'exemple :

• Les règles de constructibilité ou de changement de destination prévues par le code de l'urbanisme se fondent, quel que soit le document d'urbanisme applicable, sur une distinction entre espaces déjà urbanisés et espaces vierges d'urbanisation. Les règles applicables aux premiers sont plus souples, tandis que les espaces naturels ou agricoles sont plus protégés. Les communes dont le territoire est à dominante agricole ou naturelle disposent donc d'un potentiel de développement urbain moindre , et ce quel que soit leur projet de développement rural. Plus spécifiquement, la constructibilité plus restreinte en zone agricole complique la capacité des exploitations agricoles à évoluer, à se développer et à attirer de jeunes générations ;

• Les documents d'urbanisme locaux doivent fixer des objectifs de limitation de la consommation d'espace reflétant la dynamique démographique . Une commune très attractive pourra ainsi ouvrir davantage de zones à l'urbanisation qu'une commune en déclin. Il en résulte une forme de « gel » du périmètre urbain des communes rurales, qui freine leurs efforts d'accueil de nouveaux arrivants . Ce problème risque en outre de s'accroître avec les nouvelles contraintes édictées par la loi « Climat et résilience » en matière de consommation d'espace ;

• Enfin, la petite taille des communes rurales tend à réduire leur poids relatif dans la gouvernance intercommunale : avec la montée en puissance des PLU intercommunaux, qui concernent désormais la moitié du territoire, de nombreuses communes rurales ont le sentiment d'être « sacrifiées » par les PLUi au profit des zones urbaines ou périurbaines, plus dynamiques et dont le « compte foncier » est plus permissif.

Pour toutes ces raisons, la rapporteure soutient pleinement l'intention de l'auteur , qui vise à garantir que la planification locale, dès l'échelon des schémas de cohérence territoriale, tienne compte des spécificités des zones rurales. Il s'agit d'assurer le plus en amont possible, et au plus haut niveau de planification, un dialogue de qualité qui laisse la place aux projets de développement des petites communes rurales .

La rédaction de cette mesure pourrait toutefois probablement être améliorée dans le cadre de l'examen en séance publique. En effet, la publication de la loi « Climat et résilience », depuis le dépôt de la proposition de loi, a d'ores et déjà amélioré la prise en compte des zones rurales au sein des SCoT. L'article L. 141-8, modifié par cette loi, prévoit désormais que le document d'orientation et d'objectifs (DOO) puisse décliner les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols en tenant compte de « la diversité des territoires urbains et ruraux, des stratégies et des besoins liés au développement rural ainsi qu'à la revitalisation des zones rurales et des communes rurales caractérisées comme peu denses ou très peu denses au sens des données statistiques de densité établies par l'Institut national de la statistique et des études économiques » . Peut-être une articulation entre la récente mesure de la loi « Climat et résilience » et celle proposée par le présent texte peut-elle être envisagée.

En outre, la rédaction globale adoptée par la commission à l'article 2 nécessitera une coordination juridique au présent article.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 4

Extension du dispositif de réduction d'impôt « Pinel » aux communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR)

Cet article vise à étendre le bénéfice de la réduction d'impôt « Pinel » à l'investissement locatif dans les communes classées en zones de revitalisation rurale (ZRR), que celles-ci se situent en zone tendue ou non.

La commission a transformé l'extension du dispositif « Pinel » aux ZRR en une extension temporelle et géographique du « Denormandie dans l'ancien », ciblé sur la réhabilitation des logements anciens. Il est proposé de le prolonger jusqu'en 2025 et de l'ouvrir aux communes peu denses en déprise démographique à fort taux de vacance.

I. La situation actuelle - La réduction d'impôt « Pinel », un dispositif visant à favoriser l'investissement locatif intermédiaire en zone tendue, dont l'extinction est prévue en 2024

L'article 199 novovicies du code général des impôts prévoit une réduction d'impôt, dite « dispositif Pinel », pour les contribuables qui acquièrent un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement ou le construisent, et qui s'engagent à le louer pendant une durée minimale de six ou neuf ans. L'objectif du dispositif est de favoriser le développement du logement intermédiaire locatif en zone tendue.

Introduit par l'article 5 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 et faisant suite au précédent « dispositif Duflot », le dispositif « Pinel » était initialement prévu pour une durée de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2016. Il a ensuite fait l'objet de plusieurs prolongations, d'abord d'un an 1 ( * ) , puis de quatre ans 2 ( * ) , et enfin de trois ans, jusqu'au 31 décembre 2024, par l'article 168 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

A. Le dispositif « Pinel » vise en priorité les communes situées au sein des zones tendues du marché locatif

Aux termes du IV de l'article 199 novovicies du code général des impôts, le dispositif « Pinel » s'applique principalement aux communes classées en zones tendues, c'est-à-dire des zones se caractérisant par un « déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements entraînant des difficultés d'accès au parc locatif existant » .

Les communes ainsi éligibles au dispositif sont définies par arrêté des ministres chargés du budget et du logement . Un arrêté du 1 er août 2014 en dresse la liste : elles sont réparties en cinq zones définies par l'article D. 304-1 du code de la construction et de l'habitation, désignées de la zone la plus tendue à la zone la moins tendue par les lettres A bis , A, B1, B2 et C (la zone A bis étant incluse dans la zone A et les zones B1 et B2 formant la zone B).

L'article 68 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a opéré un recentrage du dispositif sur les zones les plus tendues : initialement ouvert à certaines communes des zones B2 et C1, son ciblage a été resserré aux seules communes des zones A bis , A et B1 .

REPRÉSENTATION GRAPHIQUE DU CLASSEMENT DES COMMUNES EN ZONES A, B OU C

Source : Zonage A, B, C, Ministère de la transition écologique, mis à jour le 28 septembre 2020

De manière plus accessoire, le dispositif s'applique en outre aux communes dont le territoire est couvert par un contrat de redynamisation de site de défense ou l'a été dans un délai de huit ans précédant l'investissement.

Plus récemment, afin de répondre aux demandes plaidant pour une plus grande adaptation territoriale de la politique d'incitation fiscale à l'investissement locatif, l'article 164 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a instauré à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 2021, un dispositif dérogatoire de « zonage régional du Pinel », au bénéfice de la Région Bretagne. Les communes, mais aussi éventuellement les quartiers de communes éligibles au dispositif « Pinel » y sont, dans ce cadre, fixées par arrêté du préfet de région , après avis du président du conseil régional et du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, et non plus au niveau national.

B. Un dispositif qui ne vise plus aujourd'hui que le logement collectif et dont les conditions d'application ont été rendues plus restrictives, en vue de son extinction d'ici la fin de l'année 2024

1) Plusieurs conditions doivent être respectées

Le bénéfice du dispositif « Pinel » est encadré par un certain nombre de conditions d'application restrictives :

• Pour bénéficier de la réduction d'impôt, le contribuable doit, par ailleurs, s'assurer que le logement atteint un certain niveau de performance énergétique globale, fixé par décret ;

• Le propriétaire doit s'engager à louer le bien immobilier dans les douze mois suivant sa date d'achèvement ou d'acquisition, pour une durée minimale de six ou neuf ans, à son choix, pouvant être prorogée par périodes de trois ans dans la limite d'une durée totale maximale de douze ans. Le locataire peut être un ascendant ou un descendant du propriétaire, mais il ne peut pas être membre du même foyer fiscal ;

• Dans le cadre de cette location, le loyer et les ressources du locataire ne doivent pas excéder des plafonds fixés par décret 3 ( * ) en fonction de la localisation du bien et de son type, au titre du III de l'article 199 novovicies du code général des impôts. Ce plafond peut être adapté à la baisse par le préfet de région pour tenir compte de la situation locale du marché immobilier ;

• La réduction d'impôt ne peut s'appliquer qu'à deux acquisitions par an et par bénéficiaire.

2) Un recentrage sur la construction de logements collectifs

En outre, le dispositif a été recentré sur le logement collectif, ce qui a sensiblement réduit son champ d'application.

La réduction d'impôt « Pinel » était initialement ouverte tant au logement locatif individuel que collectif, dans les modalités suivantes :

• L'acquisition d'un logement neuf ou en état futur d'achèvement ;

• L'acquisition d'un logement faisant l'objet d'une rénovation ;

• La construction d'un logement neuf ;

• La réhabilitation d'un logement indécent ;

• La transformation en logement d'un immeuble à autre usage.

Toutefois, depuis le 1 er janvier 2021, la réduction d'impôt n'est applicable qu'aux seuls bâtiments d'habitation collective , comme l'a prévu l'article 161 de la loi n° 2019-1479 de finances pour 2020. L'article 169 de la loi de finances pour 2021 a précisé que tant la construction neuve que l'acquisition de bâtiments individuels sont désormais exclues du dispositif, mais non les travaux sur le logement locatif individuel existant.

3) Une réduction des taux applicables en vue de l'extinction du dispositif à la fin de l'année 2024

Le taux de réduction d'impôt applicable dans le cadre du dispositif « Pinel » varie selon la durée de mise en location du logement créé, conformément au VI de l'article 199 novovicies du code général des impôts. La réduction d'impôt est calculée sur le prix de revient du bien, retenu dans la limite d'un plafond fixé par décret et sans pouvoir dépasser la limite de 300 000 euros par contribuable et pour une même année d'imposition.

L'article 168 de la loi de finances pour 2021 a cependant procédé à un abaissement général des taux de réduction d'impôt pour les logements acquis ou construits en 2023 et en 2024.

Source : Commission des finances du Sénat, dossier législatif du projet de loi de Finances pour 2021

La réduction progressive des taux applicables - et du nombre de logements éligibles - prépare donc en réalité l'extinction progressive du dispositif « Pinel ». En effet, en l'état du droit et depuis l'article 68 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, il est prévu que le dispositif « Pinel » se termine à la fin de l'année 2024 , échéance défendue par le Gouvernement qui ne souhaite pas, à ce stade, procéder à une nouvelle prolongation.

C. Un dispositif spécifique à la réhabilitation des logements existants, créé en 2019 : le « Denormandie dans l'ancien »

Alors que le dispositif était initialement plutôt ciblé sur la création de logements neufs, l'article 226 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a introduit un nouveau volet du « Pinel » visant à encourager la réhabilitation de logement ancien dans les centres-bourgs en besoin de redynamisation.

Cette réduction d'impôt dite « Denormandie dans l'ancien » s'applique dans les mêmes conditions que le « Pinel » à deux nouveaux types d'opérations : l'acquisition de logements existants, qui font ensuite l'objet de travaux de rénovation , et l'acquisition de locaux existants à usage autre que d'habitation, qui font l'objet de travaux de transformation en logement.

Elle vise particulièrement les anciens bâtiments dépréciés des centres-bourgs dévitalisés, ciblage qui se traduit par deux conditions cumulatives :

• Les travaux de rénovation ou de transformation en logement doivent représenter au moins 25 % du montant total de l'opération , c'est-à-dire incluant l'acquisition du bien. Cela tend à exclure les biens immobiliers de forte valeur et déjà attractifs ;

• La réduction d'impôt ne s'applique que dans les « communes dont le besoin de réhabilitation de l'habitat en centre-ville est particulièrement marqué », figurant sur la liste établie par l'arrêté du 26 mars 2019 relatif à la liste des communes ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue au 5° du B du I de l'article 199 novovicies du code général des impôts, ou celles qui ont conclu une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT). À date, les communes bénéficiaires sont donc celles engagées dans les programmes Action Coeur de Ville ou les ORT.

Au titre du droit en vigueur, le « Denormandie dans l'ancien » ne s'applique qu'aux investissements réalisés du 1 er janvier 2019 au 31 décembre 2022.

II. Le dispositif envisagé - Une extension de la réduction d'impôt « Pinel » aux communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR)

Le présent article prévoit d'étendre aux zones de revitalisation rurale (ZRR) , définies à l'article 1465 du code général des impôts , la réduction d'impôt « Pinel » pour l'acquisition, la construction ou la transformation d'un logement dans un bâtiment d'habitation collectif à des fins de location.

À ce titre, est ajouté au IV de l'article 199 novovicies du code général des impôts, qui précise le champ d'application de la réduction d'impôt, une mention des communes classées en ZRR, aux côtés des communes situées en zone tendue ou couvertes par un contrat de redynamisation de site de défense.

III. La position de la commission - Augmenter la force de frappe du « Denormandie dans l'ancien », plus adapté que le « Pinel » aux enjeux des zones rurales

L'enjeu de modernisation du parc de logement au sein des zones rurales nécessite une mobilisation bien plus ambitieuse des pouvoirs publics que ce qui a été fait jusqu'à présent. Le bâti rural isolé, tout comme les petits bourgs, sont très dégradés. On estime que la dynamique démographique, couplée à l'absence d'entretien du parc, résulte en 100 000 vacances supplémentaires annuelles le long de la tristement nommée « diagonale du vide ». En outre, le relèvement des exigences applicables au logement, en matière de performance énergétique notamment, renchérit encore la réhabilitation et entretient la spirale de la dégradation de l'habitat en zone rurale, de la dévitalisation des centres-bourgs, de la dégradation du patrimoine des villages, et de la perte d'attractivité pour les jeunes familles.

De nombreuses petites collectivités rurales ne disposent absolument pas des moyens nécessaires pour mener cet effort colossal . Le soutien tant financier qu'en ingénierie de l'Agence nationale de cohésion des territoires est embryonnaire, et souvent ciblé plutôt sur les villes de taille moyenne et leur aire d'influence (comme les programmes Action Coeur de ville et les opérations de revitalisation de territoire) , que sur le coeur de la ruralité .

L'attractivité plus faible des zones rurales, en comparaison avec les zones urbaines, ne permet pas non plus d'attirer les investisseurs privés , car le coût de la réhabilitation (de l'ordre de 2000 euros du mètre carré, sans inclure les coûts d'acquisition) est sans commune mesure avec les loyers pratiqués ou les prix de la construction neuve. Les bâtiments, souvent « obsolètes » car trop sombres, trop exigus, non isolés, sans place de stationnement ni jardin par exemple, nécessitent en effet d'être totalement repensés. Les taux particulièrement élevés de logements vacants dans ces zones rurales, à hauteur par exemple de 15,5 % dans la Creuse, de 13,8 % dans la Nièvre ou encore de 13 % dans l'Indre, pouvant aller jusqu'à plus de 20 % dans certaines communes, contre 8,4 % en moyenne à l'échelle nationale, témoignent du phénomène, selon les chiffres fournis à la rapporteure par la direction générale du Trésor.

Il y a donc aujourd'hui une véritable carence dans les politiques publiques, en matière de soutien financier à la rénovation du parc de logement en zone rurale.

À l'aune de ce constat, les auditions ont confirmé que l'intention de la proposition de loi, qui entend offrir de nouvelles incitations fiscales à l'investissement dans le logement, est largement soutenue.

Toutefois, les personnes entendues estiment aussi que l'extension aux zones rurales du dispositif « Pinel », spécifiquement, n'est pas pertinente . En effet, celui-ci vise aujourd'hui principalement la construction neuve de logements locatifs collectifs : on a pourtant vu que les possibilités de construction neuve sont limitées dans les communes rurales, et que la demande en logement collectif y est faible. 4 ( * ) L'incitation proposée ne correspondrait donc ni aux possibilités ni à la demande, car le dispositif est calibré pour les zones urbaines tendues. Pis, l'incitation à la construction neuve standardisée, par essence en bordure d'urbanisation, pourrait encore accélérer la dévitalisation des bourgs ruraux.

L'efficacité générale du dispositif « Pinel » fait, en outre, l'objet de critiques . Deux rapports récents de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 5 ( * ) évaluant le dispositif indiquent notamment que la concurrence introduite par la réduction d'impôt pousserait les promoteurs à concevoir des logements standardisés, de moindre qualité. De plus, l'incitation fiscale aurait conduit au développement de logements neufs dans des zones où cela ne correspond ni à un besoin local ni à l'intérêt des particuliers, allant à l'encontre de l'objectif zéro artificialisation nette des sols inscrit dans la loi « Climat et résilience » 6 ( * ) . Ce sont ces considérations qui ont d'ailleurs poussé le Gouvernement à prévoir l'extinction progressive du « Pinel » d'ici 2024 : la pérennité de la mesure proposée par le présent article 4 n'est donc pas assurée.

En revanche, le dispositif « Denormandie dans l'ancien », bien que récent, est plébiscité par l'ensemble des acteurs . Centré sur la réhabilitation du bâti dégradé à fins de création de logements, il répond parfaitement à l'enjeu de la ruralité et permet d'améliorer l'équilibre financier de la revitalisation des centres ruraux. Il est à ce titre regrettable que son champ d'action soit si limité, au vu de son impact positif : il ne s'applique aujourd'hui que dans les communes concernées par Action Coeur de ville ou les ORT. Or, ce ciblage exclut souvent les petites communes isolées , loin des villes-centres, qui sont justement les plus touchées par la déprise démographique et la dégradation du bâti.

Tirant les conséquences de ses travaux, la rapporteure a donc proposé à la commission de recentrer la mesure proposée au présent article, en remplaçant l'extension du « Pinel » par une double extension de la réduction d'impôt « Denormandie dans l'ancien » . La commission a ainsi adopté les deux amendements identiques COM-8 de la rapporteure et COM-4 de M. Louault , qui prévoient :

• Premièrement, d'étendre le champ d'application géographique du dispositif « Denormandie dans l'ancien » , en ouvrant son bénéfice aux petites communes peu denses, en déprise démographique et à fort taux de vacance afin d'assurer une portée plus large à la politique de revitalisation des bourgs ;

• De confier en outre aux territoires eux-mêmes la possibilité de déterminer le « zonage » pertinent pour cette extension géographique, afin d' insuffler une forme de territorialisation à la politique fiscale de revitalisation. Sur le modèle de l'expérimentation d'un zonage régionalisé du « Pinel », introduite en 2020 7 ( * ) et actuellement déployée en Bretagne, il est proposé que le préfet de département arrête, sur proposition des intercommunalités du département, la liste de ces communes peu denses, en déprise démographique et à fort taux de vacance . Cette détermination sera bien sûr encadrée par des critères communs fixés par décret. Ce dialogue territorial, fondé sur la connaissance de terrain des collectivités, est préférable à un « zonage » établi unilatéralement par l'administration centrale, mode de fonctionnement qui a montré ses limites ;

• D'autre part, de prolonger cette incitation fiscale jusqu'en 2025, alors qu'elle doit s'éteindre à la fin de l'année 2022, afin d'intensifier l'effort de réhabilitation du parc national de logement.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

CHAPITRE II

Faciliter l'exercice d'activités agricoles
Article 5

Droit des exploitants agricoles à se loger
sur leur terrain d'activité ou à proximité

Cet article vise à instaurer une forme de droit des exploitants agricoles à se loger sur leur terrain d'activité ou à proximité, par construction nouvelle ou transformation de bâti existant, quel que soit le classement du terrain au regard du document d'urbanisme local. Il est prévu qu'un décret en Conseil d'État encadre cette mesure, notamment par le biais d'une surface maximale.

La commission a adopté une nouvelle rédaction de cet article, visant à sécuriser le droit au logement des agriculteurs à proximité de leur exploitation. Le bénéfice de la dérogation sera ainsi attaché aux besoins de l'exploitation, et non à la personne de l'exploitant. Il permet aussi à l'autorité compétente d'édicter des prescriptions relatives au logement édifié, prévoit un avis simple de la CDPENAF sur le projet, et un encadrement réglementaire. Enfin, tout changement de destination sera interdit pendant une durée de dix ans.

I. La situation actuelle - La création de logements en zone rurale est soumise aux règles du document d'urbanisme local, en particulier du zonage des terrains concernés, mais les exploitants agricoles bénéficient de certaines dérogations

Dans le droit actuel, la possibilité de créer un logement sur un terrain donné est soumise à l'ensemble des règles définies par le document d'urbanisme applicable (ou à défaut de document d'urbanisme local, par le règlement national d'urbanisme).

Dans le cas d'une transformation de bâti ancien, il peut s'agir d'un enjeu de changement de destination , par exemple pour transformer un local à usage commercial ou des bureaux en bâtiment d'habitation. Dans d'autres cas, cela peut concerner des projets d'adaptation, de rénovation, ou d'extension limitée de bâtis existants , pour les mettre aux normes ou accroître la surface habitable. Enfin, cela peut tout simplement passer par une construction nouvelle de logements collectifs ou individuels.

Des règles différentes s'appliquent à chacune de ces situations selon le document d'urbanisme applicable , c'est-à-dire selon que la commune soit couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou soit soumise au régime du règlement national d'urbanisme.

En outre, les règles varient selon le zonage applicable , c'est-à-dire selon le classement du terrain en zone où les constructions ne sont pas admises (au sein des cartes communales) ou en zone naturelle, agricole ou forestière (au sein des plans locaux d'urbanisme).

(Se référer au tableau synthétique du commentaire de l'article 2) .

Ainsi, dans les espaces urbanisés, des possibilités plus larges président, tant en matière de construction nouvelle que de modification du bâti existant, tandis que ces possibilités sont restreintes ou soumises à un contrôle accru dans les zones non urbanisées.

Les terres agricoles exploitées sont donc, de manière générale et à l'exception de terrains déjà bâtis tels que les anciens corps de ferme, soumises à des règles plus protectrices .

Cependant, nombre de dérogations existent au bénéfice spécifique des besoins des exploitations agricoles et forestières, situées par nature dans des zones non urbanisées :

• Peuvent ainsi être autorisées en zones non urbanisées, au titre de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme, dans les communes au règlement national d'urbanisme, les constructions nouvelles à caractère de logement dans le périmètre des anciennes fermes, et au titre de l'article L. 151-13, dans les communes couvertes par un PLU, dans les secteurs de taille et de capacité d'accueil limitée (STECAL) ;

• Peuvent aussi être autorisés les bâtiments nécessaires à l'activité agricole, comme ceux destinés à l'accueil des animaux ou au stockage du matériel agricole ; ou encore, depuis la loi dite « ELAN », ceux liés aux activités de production, de transformation et de commercialisation de produits agricoles (articles L. 111-5, L. 161-4 et L. 151-11 du code de l'urbanisme) ;

• Les changements de destination des bâtiments existants en zone agricole, naturelle ou forestière - par exemple pour transformer une grange en logement - peuvent être autorisés dans les communes couvertes par un plan local d'urbanisme, après consultation de la CDPENAF ou de la CDNPS et s'ils ne compromettent pas l'activité agricole ou forestière ni la qualité paysagère du site (L. 151-11 du code de l'urbanisme).

II. Le dispositif envisagé - Instaurer un droit général des exploitants agricoles à se loger sur leur terrain d'activité ou à proximité

L'article 5 de la proposition de loi propose d'instaurer, dans un nouvel article L. 111-26 figurant au sein du règlement national d'urbanisme (RNU), une forme de droit général des exploitants agricoles à se loger sur leur terrain d'activité ou à proximité .

Seraient ainsi autorisées tant les constructions nouvelles, que les adaptations de constructions existantes , sous conditions :

• Leur caractère « nécessaire » au logement d'un foyer ;

• Ce « foyer » doit comprendre au moins un membre exerçant « à titre principal » une activité agricole au sens du code rural et de la pêche maritime ;

• Le logement ainsi créé doit se situer sur le terrain d'exercice de l'activité agricole, ou sur un terrain mitoyen .

Un encadrement supplémentaire est prévu par décret en Conseil d'État : celui-ci pourra notamment prévoir une surface maximale proportionnelle à la taille du foyer, mais également d'autres « conditions », par exemple si d'autres logements existent déjà, si le logement projeté « ne présente pas d'utilité pour le bon exercice de l'activité agricole ou la surveillance permanente de l'exploitation », ou encore si il « présente une utilité manifestement insuffisante » pour justifier la dérogation.

Enfin, il est précisé que l'autorisation à caractère général ainsi édictée ne fera pas obstacle à l'application de l'article L. 151-18 du code de l'urbanisme, c'est-à-dire que le règlement du plan local d'urbanisme pourra continuer à réglementer les caractéristiques des bâtiments ainsi autorisés .

III. La position de la commission - Donner la souplesse nécessaire pour permettre le développement et la transmission des exploitations agricoles

L'agriculture française fait face à deux importants défis : celui de la transmission , alors que près d'un tiers des agriculteurs français partiront à la retraite dans les dix ans à venir ; mais aussi celui de la compétitivité au sein du marché globalisé.

Les territoires ne sont pas tous égaux face à ces enjeux. Dans certains d'entre eux, les terres agricoles se font rares et la régulation tend alors à garantir les possibilités d'installation des jeunes agriculteurs. Mais dans d'autres, les dynamiques démographiques et agricoles font qu'il est parfois difficile d'attirer de jeunes repreneurs d'exploitations .

Le bâti rural, souvent ancien, est très dégradé . On estime que 140 000 corps de ferme sont à l'abandon sur le territoire français, et des centaines de milliers de logements agricoles mériteraient rénovation. Il est parfois inadapté aux souhaits ou besoins de logement des exploitants et de leurs familles, qui ne peuvent en assumer l'entretien ou le mettre à niveau .

Les insuffisances de l'offre de logement en zone agricole sont donc criantes, et portent préjudice à l'économie agricole locale en aggravant la déprise agricole et en dégradant l'attractivité du métier .

En sus, la construction neuve autour des exploitations agricoles est fortement restreinte par le droit de l'urbanisme , en raison des exigences de protection environnementale des zones naturelles, agricoles et forestières ou de préservation de la surface agricole utile - exception faite des quelques dérogations existantes. Aujourd'hui, des dérogations peuvent en effet être consenties pour loger des agriculteurs sur leur exploitation, mais celles-ci sont contraintes par des critères largement jurisprudentiels, appliqués de manière restrictive par le juge . En outre, les possibilités varient selon le document d'urbanisme applicable à la commune concernée.

La rapporteure rappelle que la possibilité pour les exploitants de se loger à proximité de leur exploitation n'est pas un confort, mais une nécessité . Les exploitants ont une mission de surveillance et de soin de leurs bêtes, qui implique une présence constante et une réactivité que des logements éloignés ne peuvent pas offrir. Il est donc nécessaire d'apporter une souplesse supplémentaire, afin de permettre la modernisation des exploitations agricoles , notamment l'édification de logements d'agriculteurs à proximité de ces exploitations.

La rapporteure estime donc que la proposition formulée par les auteurs de la proposition de loi est pertinente et bienvenue : elle énonce un principe général, selon lequel la construction de logement au bénéfice d'un exploitant agricole et de sa famille, à proximité de son exploitation, est autorisée. Elle a le bénéfice de la simplicité et de la lisibilité , au contraire des multiples dérogations existant aujourd'hui et dont la mise en application réelle est incertaine.

Toutefois, les auditions menées autour de ce texte ont démontré qu'il était nécessaire de rassurer sur les objectifs et les conséquences de cette mesure, qui touche au coeur des exploitations agricoles :

• D'abord, il est préférable de lier le bénéfice de l'autorisation d'édifier un logement non pas au statut d'exploitant agricole, qui n'est pas strictement encadré par la réglementation et pourrait ouvrir la porte à des détournements, mais aux besoins de l'exploitation, par un critère de « logement nécessaire au bon fonctionnement d'une exploitation agricole ou forestière ». Cette formulation permet aussi d'adapter la disposition aux évolutions futures de l'exploitation ;

• Ensuite, il est utile de prévoir une capacité d'encadrement a minima par l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme (c'est-à-dire par le maire ou par le préfet). En effet, la mesure prévue à l'article 5 ne différenciant pas entre les communes couvertes par un PLU, une carte communale ou soumises au RNU ; il ne sera pas toujours possible de prévoir un encadrement réglementaire des caractéristiques des constructions (comme le fait le règlement de PLU en vertu de l'article L. 151-18). Il convient donc de donner la possibilité au maire de limiter, par le biais de prescriptions attachées à l'autorisation d'urbanisme, la hauteur ou la surface des logements autorisés, ou encore leur aspect extérieur, afin de les intégrer au mieux dans le bâti environnant et de limiter leur impact sur l'environnement . Un encadrement plus général par décret en Conseil d'État serait également pertinent, afin de garantir une application cohérente au niveau national de cette mesure ;

• Un avis simple de la CDPENAF sur les projets ainsi autorisés permettrait de créer le consensus autour du projet , afin d'assurer l'adhésion des agriculteurs actifs sur le territoire et des élus locaux. Elle permettra de recueillir une opinion éclairée sur la pertinence du projet et les conditions qui pourraient lui être attachées. Cet avis est aujourd'hui requis pour nombre de dérogations à l'inconstructibilité des zones agricoles, cet ajout est donc facteur de cohérence du droit ;

• Enfin, il est impératif de prévenir tout abus : il faut limiter les possibilités de détournement de ce droit au logement, qui pourraient intervenir par exemple par le biais de reventes puis de changement de destination des constructions ainsi permises . Concernant les cessions, il apparaît difficile de les restreindre, en vertu du droit de propriété, mais la rapporteure note que les SAFER pourront intervenir, par le biais de la préemption, pour en assurer le bénéfice à un exploitant. Concernant les changements de destination, il est effectivement nécessaire de prévoir un encadrement législatif, en interdisant toute transformation du bâtiment pour un autre usage que celui de logement dans un délai de dix ans .

Afin de tenir compte de l'ensemble des témoignages précieux recueillis lors des auditions, d'assurer l'efficacité et l'acceptabilité de la mesure proposée, la commission a adopté deux amendements identiques de la rapporteure ( COM-9 ) et de M. Louault ( COM-5 ) , qui opèrent une rédaction globale visant à apporter les différents garde-fous susmentionnés.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6

Exclusion des troubles de voisinage liés à l'activité agricole préexistante
du champ des dommages ouvrant réparation

Cet article vise à exclure les troubles liés à une activité agricole préexistante du champ des dommages au sens du code civil, c'est-à-dire du champ des dommages ouvrant droit à réparation dans le cadre d'un recours des voisins.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - Les possibilités de recours en indemnisation pour nuisances ou troubles de voisinage ouvertes par la loi sont parfois utilisées à l'encontre d'exploitations agricoles

A. La loi et la jurisprudence permettent de solliciter réparation pour des dommages causés par autrui, et plus spécifiquement pour des troubles anormaux de voisinage

Le code civil fixe, en son article 1240, un principe de responsabilité du fait personnel , c'est-à-dire la responsabilité de tout homme pour les dommages causés à autrui par sa faute. Tout dommage entraîne ainsi une obligation de réparation , dont peut se prévaloir la victime du dommage.

La jurisprudence pose plusieurs conditions à l'établissement de la responsabilité du fait personnel : le fait dénoncé doit avoir causé des dommages réels, directs, personnels et certains. Il peut ainsi s'agir de préjudices corporels, matériels ou moraux, mais aussi d'une perte de chance , c'est-à-dire la privation d'une opportunité. Enfin, il doit exister une faute de la part de la personne ayant causé le dommage, mais cette faute peut être caractérisée tant dans le cas d'un dommage intentionnel que dans les cas de négligence ou d'imprudence .

Ce principe de responsabilité s'applique également, au titre des articles 1242 à 1244 du code civil, pour les dommages causés non pas en propre, mais par une personne dont on a la charge, tels que les enfants ou les élèves - c'est la responsabilité du fait d'autrui - ou par une chose, telle un animal dont on est propriétaire - c'est la responsabilité du fait des choses.

Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cassation a fait naître 8 ( * ) , sur le fondement du droit de propriété, une théorie spécifique au cas particulier des troubles anormaux de voisinage : le juge judiciaire accepte ainsi, sous certaines conditions, d'indemniser des nuisances considérées comme excédant les inconvénients normaux du voisinage. Elle a ainsi accepté d'ordonner l'indemnisation, par exemple, des dégradations liées à des travaux dans le logement voisin, à des odeurs récurrentes et nauséabondes, ou à une perte de vue liées à des constructions nouvelles.

Sur le fondement de ce principe, peuvent solliciter réparation tant les propriétaires que les locataires, voire les occupants à titre gratuit des terrains concernés par les nuisances. Contrairement à la responsabilité du fait personnel, le recours en indemnisation sur la base des troubles anormaux de voisinage n'exige pas la démonstration d'une faute quelconque.

B. Le juge fait droit à des demandes d'indemnisation à l'encontre d'exploitations agricoles pour troubles de voisinage

La périurbanisation et l'avancée de la ville ont accru l'interface entre zones habitées et zones rurales , où s'exerce une activité essentiellement agricole. La proximité entre ces activités agricoles et les habitations de populations plus citadines a entraîné, au cours des dernières années, un accroissement des recours en indemnisation à l'encontre d'exploitants agricoles , visant la réparation de dommages constitués par des troubles de voisinage résultant justement de l'activité agricole.

La jurisprudence récente témoigne de cette évolution. Ont ainsi été jugés recevables et fondés divers recours visant à indemniser :

- la perte d'ensoleillement ou l'enlaidissement du paysage consécutifs à la construction d'un hangar agricole à proximité d'une résidence secondaire, ou la perte de vue liée à la présence de tas de bois au sein d'une exploitation agricole ;

- les nuisances liées à la présence d'insectes causés par la présence d'un troupeau ;

- les nuisances liées aux odeurs émises par des élevages hors sol, des troupeaux ou au stockage ou l'épandage de fumier ;

- les nuisances liées au bruit, qu'il émane d'animaux, ou de machines .

C. Une exception de pré-occupation prévue par le code de la construction et de l'habitation, toutefois modérée par la jurisprudence

Afin de tempérer les recours en indemnisation contre des activités courantes et exercées en toute légalité, l'article L. 113-8 (anciennement L. 112-16) du code de la construction et de l'habitation prévoit une restriction au principe de réparation des troubles anormaux de voisinage, sur la base d'une « clause de pré-occupation ».

Il nie ainsi tout droit à réparation dans des situations où l'auteur des nuisances bénéficie d'une forme d'antériorité, c'est-à-dire lorsque les activités à l'origine des dommages prédatent l'installation du voisin , n'ont pas changé depuis et sont exercées en conformité avec le droit applicable. En d'autres termes, une activité « agricole, industrielle, artisanale, commerciale, touristique, culturelle ou aéronautique » ne peut être considérée comme entraînant des dommages pour le voisinage, lorsque le permis de construire du bâtiment exposé ou son occupation est postérieure au début de ces activités.

La Cour de cassation a toutefois récemment estimé 9 ( * ) que cette exception de préoccupation ne s'applique pas aux activités non réglementées, celles-ci restant soumises au principe de réparation en cas de troubles anormaux du voisinage. Cette interprétation est de nature à tempérer significativement la portée de l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation, et donc à réduire la protection offerte aux activités exercées de longue date.

II. Le dispositif envisagé - Une exception au principe de réparation au bénéfice des nuisances liées à l'activité agricole préexistante

L'article 6 propose d'insérer au sein du code civil, dans sa partie relative à la responsabilité extracontractuelle, un nouvel article traitant spécifiquement de la responsabilité en raison des troubles liés à l'activité agricole.

Ce nouvel article 1244-1 prévoit que les troubles « inhérents à l'exercice » d'une activité agricole au sens du code rural et de la pêche maritime, causés à des voisins dont l'installation est postérieure à l'activité agricole, ne pourront être considérés comme « dommages » au sens du code civil, et n'ouvriront donc aucun droit à réparation.

La disposition s'appliquera aussi aux activités agricoles débutées postérieurement à l'installation du voisin, tant que les troubles causés sont du même ordre que l'activité préexistante (par exemple, donc, en cas de reprise d'une exploitation agricole).

III. La position de la commission - Protéger l'activité agricole des conflits d'usage liés à l'urbanisation

L'extension des zones habitées au sein de territoires jusqu'à présent à dominante agricole peut faire naître des frictions au sein des territoires ruraux . L'actualité récente a témoigné de la multiplication des recours abusifs d'habitants nouvellement installés contre le chant du coq, le bruit des cloches ou encore les odeurs de fumier, dynamique ayant conduit le Sénat à adopter à l'unanimité en janvier dernier la loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises.

Inévitablement, les attentes des populations résidant en zone rurale ne sont pas toujours les mêmes : s'y croisent exploitants agricoles, résidant sur leur lieu de travail, résidents permanents - qu'ils le soient de longue date ou nouvellement arrivés - mais aussi résidents temporaires ou vacanciers séduits par la campagne et sa tranquillité. Il faut alors trouver une manière de vivre ensemble, de faire ville, qui réconcilie ces usages distincts.

Il n'en reste pas moins que les conflits d'usage qui peuvent en résulter se traduisent parfois par des recours en indemnisation de voisins à l'encontre des exploitants locaux qui - c'est leur métier - utilisent des machines, ont recours à l'épandage, et élèvent des bêtes. Cela est dommageable, tant pour le « vivre ensemble » rural, que pour l'économie agricole de ces territoires : la déprise agricole fait déjà des ravages et il est parfois difficile de trouver des repreneurs pour la transmission des exploitations.

Il convient de rappeler que l'on est bien loin d'un manque de régulation des activités exercées à proximité de zones habitées. Les activités sources de nuisances pour les populations sont soumises à des réglementations spécifiques , comme celle des installations classées pour la protection de l'environnement ( ICPE ) relevant du code de l'environnement. C'est le cas par exemple des méthaniseurs agricoles. Des règles d'éloignement s'appliquent aussi pour les activités incompatibles avec le voisinage des zones habitées . Enfin, on peut également citer la réglementation relative au bruit, comme le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage et modifiant le code de la santé publique, applicable aux bruits émanant des exploitations agricoles.

La rapporteure soutient donc pleinement la démarche consistant à protéger l'activité agricole préexistante - en ce qu'elle s'exerce dans des conditions normales - des recours abusifs du voisinage.

Les ménages s'installant, en connaissance de cause, sur des terrains en bordure de champs cultivés ou d'élevages, ne doivent pas être fondés à demander une indemnisation aux frais de l'agriculteur , sauf bien sûr en raison de nuisances importantes dépassant l'exercice ordinaire des activités agricoles.

La rapporteure a donc recommandé à la commission d'adopter sans modifications le présent article.

Toutefois, il faut noter que la mesure proposée est très proche, dans son intention comme dans sa rédaction, de la disposition existant déjà à l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation . Il sera donc probablement nécessaire, lors de l'examen en séance publique, de proposer une articulation évitant les redondances entre ces deux dispositions. Des améliorations juridiques relatives à la qualification de dommage pourront aussi être envisagées.

La rapporteure rappelle enfin que toute exonération de responsabilité en matière de troubles de voisinage touche à des principes constitutionnels forts - notamment le droit de propriété et le droit au recours - et doit donc être précisément calibrée, comme l'a d'ailleurs rappelé le Conseil d'État dans son avis relatif à la proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises. 10 ( * )

Elle regrette à ce titre que le Gouvernement ait manqué à l'obligation légale prévue à l'article 3 de la loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, qui prévoyait la remise au Parlement avant le 29 juillet 2021 d'un rapport examinant la possibilité d'encadrer, dans le code civil, la théorie jurisprudentielle du trouble anormal de voisinage, autre levier susceptible de mieux protéger les agriculteurs des recours abusifs.

La commission a adopté l'article sans modification.

CHAPITRE III

Dispositions diverses
Article 7

Obligation de désignation d'au moins un représentant des communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR) parmi les maires siégeant au sein de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF)

Cet article vise à modifier la composition des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) afin de prévoir que, dans les départements dont le territoire comprend des zones de revitalisation rurale (ZRR), au moins l'un des représentants des collectivités territoriales siégeant au sein de la commission soit issu des communes ou établissements publics de coopération intercommunale situés en ZRR.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - La commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), organisme consultatif rendant des avis sur les documents et autorisations d'urbanisme, inclut des représentants des collectivités territoriales

L'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit la constitution, dans chaque département, d'une commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) .

A. Missions de la CDPENAF

La CDPENAF peut être consultée sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou à usage agricole, et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de ces espaces. Elle peut dans ce cadre émettre un avis, simple ou conforme, sur certains documents ou autorisations d'urbanisme - par exemple sur les nouveaux plans locaux d'urbanisme ou sur les demandes de projets de construction en zone agricole. Elle peut aussi demander à être consultée sur tout autre projet ou document d'aménagement ou d'urbanisme.

La commission est présidée par le préfet et rassemble des représentants de l'État, des collectivités territoriales et des organisations professionnelles du département.

B. Composition de la CDPENAF

• Sa composition, encadrée par l'article L. 112-1-1 mais précisée par décret, a évolué concomitamment à l'élargissement de ses missions. D'abord instituée comme commission départementale de la consommation des espaces agricoles (CDCEA) par l'article 51 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, elle était initialement composée des membres suivants : le président du conseil départemental ;

• deux maires désignés par l'association des maires du département pour une durée de six ans, renouvelable ;

• le président d'un établissement public ou d'un syndicat mixte ayant son siège dans le département, nommé pour une durée de six ans, renouvelable ;

• le directeur de la direction départementale des territoires ou de la direction départementale des territoires et de la mer ;

• le président de la chambre d'agriculture compétente pour le département ;

• le président de chacune des organisations syndicales départementales représentatives ;

• le président d'une association locale affiliée à un organisme national à vocation agricole et rurale ;

• un membre proposé par une organisation représentative des propriétaires agricoles dans le département, nommé pour une durée de six ans, renouvelable ;

• le président de la chambre départementale des notaires ;

• les présidents de deux associations agréées de protection de l'environnement, nommés pour une durée de six ans, renouvelable.

L'élargissement des missions de l'organisme, devenu commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) , à l'impulsion de l'article 25 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a conduit à la modification de la composition de la CDPENAF en 2015 11 ( * ) . Plusieurs membres additionnels ont ainsi été introduits :

• le président du conseil de la métropole lorsque le territoire du département comprend une métropole ;

• le président de l'association départementale ou interdépartementale des communes forestières, lorsque cette association existe ;

• le président d'une association locale affiliée à un organisme national à vocation agricole et rurale, nommé pour une durée de six ans, renouvelable ;

• le président du syndicat départemental ou interdépartemental des propriétaires forestiers ;

• le cas échéant, le directeur de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO)

Enfin, deux membres peuvent y siéger avec une voix consultative : un représentant de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) compétente pour le département, et le directeur de l'agence locale de l'Office national des forêts (ONF), lorsque la commission traite de questions relatives aux espaces forestiers.

C. Dispositions spécifiques à certaines collectivités ou zones

Des adaptations spécifiques sont aussi prévues pour certaines collectivités.

Ainsi, dans les départements comprenant des zones de montagne, il est désormais prévu qu'au moins l'un des maires siégeant à la CDPENAF doit être issu de ces zones.

Par exception, la région Ile-de-France se caractérise par l'existence d'une CDPENAF « mutualisée » , dénommée commission interdépartementale de la préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CIPENAF), couvrant les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne (article D.112-1-11-1 du code rural et de la pêche maritime).

Enfin, la composition de la CDPENAF est adaptée dans les départements d'outre-mer, en vertu de l'article D.181-11 du code rural et de la pêche maritime.

II. Le dispositif envisagé - Prévoir qu'au moins l'un des représentants des collectivités territoriales siégeant à la CDPENAF soit issu d'une zone de revitalisation rurale (ZRR), lorsqu'il en existe sur le territoire départemental

L'article 7 de la proposition de loi prévoit que, dans les départements dont le territoire comprend une ou plusieurs zones de revitalisation rurale (ZRR), au moins l'un des deux représentants des collectivités territoriales siégeant à la CDPENAF soit issu d'une commune ou d'un EPCI situé dans ces zones. Au titre des dispositions réglementaires en vigueur, cela concernerait donc l'un des deux maires membres de la commission.

Le deuxième alinéa de l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit d'ores et déjà une disposition équivalente au bénéfice des zones de montagne , est complété en ce sens.

III. La position de la commission - Une précision qui va dans le sens d'une meilleure représentativité, sans bouleverser l'équilibre de la composition de la CDPENAF

La rapporteure accueille favorablement la mesure proposée par cet article, qui permet d'améliorer la représentation des communes rurales au sein des CDPENAF. Celles-ci étant majoritairement composées de terres agricoles, forestières ou naturelles, elles sont particulièrement souvent amenées à soumettre des projets de construction à la CDPENAF : toute disposition permettant d'améliorer le dialogue entre acteurs locaux et collectivités, à mieux anticiper et mieux comprendre les décisions de la CDPENAF, doit être soutenue . Cette mesure n'est pas sans précédent, les communes de montagne bénéficiant déjà d'une telle représentation garantie.

La rapporteure s'est assurée que le présent article n'aurait pas pour effet de bouleverser les équilibres locaux trouvés dans les CDPENAF existantes : au regard du nombre important de communes classées en ZRR
- 39,8 % de l'ensemble des communes en France en 2021 - il sera aisé de remplir l'obligation de représentativité, probablement d'ailleurs déjà satisfaite de facto dans de nombreux départements, sans que celle-ci n'aboutisse à un « monopole » de certaines communes de ZRR sur le siège d'élu à la CDPENAF.

Surtout, rappelant son attachement à la préservation des équilibres existants , la rapporteure souligne qu'elle s'opposerait à toute évolution de la composition de la CDPENAF qui aurait pour effet de décroître la représentation relative des élus, ou au contraire des professionnels. L'équilibre actuel permet un dialogue de qualité et la conciliation des projets : il n'apparaît pas pertinent de le remettre en cause. La mesure proposée, qui modifie simplement la répartition des sièges entre représentants des collectivités locales, est en revanche tout à fait bienvenue.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 8

Gage financier

Cet article prévoit un gage financier pour la perte de recettes résultant des mesures de la proposition de loi.

La commission a adopté l'article sans modification.

L'article 8 prévoit un gage financier pour l'ensemble des mesures de la proposition de loi, par le biais de la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs.

Ce gage est notamment nécessaire à la recevabilité de la mesure proposée à l'article 4, relative à l'extension aux zones de revitalisation rurale du dispositif « Pinel » de réduction d'impôt pour l'investissement locatif.

En conséquence, la commission a maintenu ce gage, en invitant toutefois le Gouvernement à soutenir les mesures portées par le texte de la commission et à lever le gage lors de l'examen en séance publique.

La commission a adopté l'article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 novembre 2021, la commission a examiné le rapport de Mme Valérie Létard sur la proposition de loi n° 527 (2020-2021) tendant à favoriser l'habitat en zones de revitalisation rurale tout en protégeant l'activité agricole et l'environnement

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous passons à l'examen de la proposition de loi de notre collègue Pierre Louault qui tend à favoriser l'habitat en zones de revitalisation rurale (ZRR) tout en protégeant l'activité agricole et l'environnement. Je vous rappelle avant l'examen de cette proposition de loi qu'afin de préserver les droits spécifiques des groupes d'opposition et minoritaires dans le cadre de leurs espaces réservés, un « gentlemen's agreement » a été conclu en 2009 entre les présidents de groupe et de commission et validé par la Conférence des présidents. Le principe de cet accord est de préserver la nature du texte déposé et inscrit à l'ordre du jour afin que le débat ait lieu dans les termes souhaités par le groupe d'opposition ou minoritaire en séance publique.

À cet égard, et comme d'habitude, sauf accord du groupe auteur de la demande d'inscription à l'ordre du jour de la séance publique, la commission ne peut modifier le texte de la proposition de loi. Notre rapporteure a également les mains liées et ne pourra présenter que des amendements ayant reçu l'accord de l'auteur de la proposition de loi. Cela me semble ici le cas puisque je constate que tous les amendements du rapporteur ont fait l'objet d'un dépôt d'amendements identiques de la part de l'auteur. En revanche, la commission retrouvera sa pleine liberté en vue de la séance publique, qui se tiendra le mercredi 8 décembre après-midi.

Je laisse maintenant la parole à M. Pierre Louault pour qu'il nous présente le contenu de sa proposition de loi, puis à notre rapporteure Mme Valérie Létard.

M. Pierre Louault , auteur de la proposition de loi . - Cette proposition de loi vise à répondre aux difficultés que rencontrent de nombreux maires de petites communes rurales pour obtenir des permis de construire ou faciliter le changement d'affectation des bâtiments. Il devient aussi de plus en plus compliqué pour les agriculteurs d'habiter sur leur exploitation. Tel est l'objet de cette proposition de loi qui, sous l'impulsion de Valérie Létard, devrait évoluer, pour concerner les zones rurales en déprise, et non plus les ZRR.

Mme Valérie Létard , rapporteure . -Je souhaite tout d'abord remercier notre collègue Pierre Louault, pour avoir mis à l'agenda de notre groupe et du Sénat ce texte important visant à favoriser l'habitat en zones de revitalisation rurale, qui aborde un sujet que nous avons tous rencontré dans nos circonscriptions ou dans les murs de ce palais : les interactions entre droit de l'urbanisme et développement rural. Il nous donne l'opportunité d'en débattre librement, sans les contraintes qui accompagnent souvent un projet de loi, et de faire la démonstration de la qualité de l'initiative sénatoriale. Je souhaite aussi remercier notre présidente de m'avoir confié ce rapport, mission que j'ai prise à coeur dans cette période budgétaire par ailleurs chargée.

Ce texte naît, je crois, à la fois d'un constat et d'un sentiment, dont les maires des territoires ruraux se font souvent l'écho. Le constat est celui de la rigidité des règles d'urbanisme, souvent basées sur des principes ou des interdictions fortes, difficiles à adapter aux circonstances locales. Le sentiment est celui d'un délaissement, voire d'un « sacrifice » des zones rurales, en mal de développement économique et démographique, au profit des zones urbaines et des métropoles dynamiques. On ferait des espaces ruraux, à dominante agricole, des terres sanctuarisées, qui ne pourraient s'adapter aux évolutions de l'activité économique, de l'agriculture ou de la demande de logement.

Comme souvent, il faut apporter une dose de nuance. Le droit de l'urbanisme a beaucoup évolué au cours des dernières années : nous avons, par exemple, voté dans la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », des assouplissements en matière de constructibilité en zone agricole au profit des exploitations. Par ailleurs, je ne souhaite aucunement que notre travail soit perçu comme une stigmatisation des zones rurales, qui sont, par bien des aspects, des territoires en réinvention, centraux pour notre conscience nationale, et qui bénéficient depuis quelques années d'un regain d'attractivité qu'ils méritent.

Toutefois, il est vrai que le droit de l'urbanisme, souvent pensé avant tout pour les zones urbaines, tendues ou en forte croissance, tend à imposer aux communes rurales des verrous démesurés par rapport à leur situation réelle. On peut comprendre qu'il soit nécessaire de limiter l'étalement urbain en Île-de-France, dans les zones périurbaines ou littorales, mais est-il bien nécessaire d'interdire toute construction dans une commune de 150 habitants de zone hyper-rurale ?

Je donnerai quelques exemples de ces règles souvent problématiques pour les communes rurales.

Le droit distingue les zones déjà urbanisées, où les possibilités de construction nouvelle ou d'adaptation sont très larges, et les zones vierges d'urbanisation, très protégées. Les communes dont le territoire est à dominante agricole ou naturelle ont donc généralement un potentiel de développement urbain moindre, quel que soit leur projet.

Les cibles de réduction de la consommation d'espace des documents d'urbanisme sont calquées sur la dynamique démographique : autrement dit, plus une ville est attractive, plus elle peut construire. Pour les zones en déprise démographique, cela peut être vécu comme un « gel » du périmètre urbain, et une condamnation.

Nous le savons, les petites communes ont souvent une impression de perte de maîtrise lorsqu'elles rejoignent un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Bien que cela soit souvent un sujet de gouvernance locale, cela participe néanmoins d'un sentiment de relégation.

Enfin, dernier exemple, la plupart des dispositifs fiscaux de soutien au logement ou à la construction sont ciblés sur les zones tendues ou urbanisées, et ne permettent pas aux communes rurales de mobiliser les investissements nécessaires à la modernisation de l'habitat.

Plus généralement, il est vrai que la politique de revitalisation des zones rurales s'est jusqu'ici principalement appuyée sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), c'est-à-dire sur des exonérations fiscales visant à faciliter les installations d'entreprises. Le levier des règles de l'urbanisme, qui contribue pourtant à l'attractivité d'un territoire et à la qualité de son offre de logement, a été négligé. Certes, il existe des programmes comme Coeur de ville ou les opérations de revitalisation de territoire (ORT) - ce dernier étant d'ailleurs issu du Sénat -, mais un premier retour d'expérience montre qu'ils dépendent trop souvent du bon vouloir de l'État, et ciblent surtout les villes moyennes et les centres-bourgs.

Comme l'auteur de ce texte, j'estime donc qu'il existe un véritable « gisement » d'améliorations possibles en matière d'urbanisme et de logement, pour déployer une meilleure politique de revitalisation des zones rurales.

Il nous faut absolument mener cette réflexion, pour mobiliser l'ensemble des outils à notre disposition, car le constat est sans appel.

Les zones rurales sont en moyenne plus concernées par la déprise agricole, la désindustrialisation, le vieillissement de la population et la précarité que le reste du territoire, selon l'Insee.

Elles connaissent une forte dégradation de l'habitat, faute d'occupants et surtout de moyens. Dans la « diagonale du vide », 100 000 logements deviennent vacants chaque année. Contrairement à ce qu'avance l'administration, que j'ai interrogée à ce sujet, la vacance n'est pas tant causée par une faible demande, que surtout par l'inadéquation du parc de logements à la demande : trop vieux, trop petits, trop sombres, pas assez raccordés, trop peu isolés... En zone rurale, on compte aussi 140 000 corps de ferme à l'abandon. Cette vacance persiste et s'accumule, car le coût de la rénovation est prohibitif, jusqu'à 2 000 euros du mètre carré, et les normes, notamment énergétiques, se durcissent.

De surcroît, la construction neuve est souvent impossible en raison des règles d'urbanisme que j'ai déjà citées. Nombre de maires de communes en déprise démographique indiquent devoir renoncer à accueillir de nouvelles familles, faute de pouvoir délivrer des permis de construire.

Ces chiffres montrent l'ampleur de l'enjeu. Il faut prendre la revitalisation des territoires ruraux à bras-le-corps, sous peine d'entretenir le sentiment de relégation et de « périphérisation » de nos concitoyens.

Je ne détaillerai pas les mesures proposées par la proposition de loi, que vous connaissez. Elle allie des mesures de portée générale - comme la prise en compte de la revitalisation rurale dans les grands objectifs du code de l'urbanisme, la protection des agriculteurs face aux recours du voisinage, ou encore la création d'un « droit au logement » pour les agriculteurs à proximité de leur exploitation - et des mesures spécifiques aux ZRR. Parmi celles-ci, l'article 2 de la PPL est particulièrement important : il prévoit des règles d'urbanisme applicables uniquement en ZRR, qui permettent une plus grande constructibilité et élargissent les possibilités de changement de destination dans ces communes. Une extension du dispositif « Pinel » aux ZRR est aussi prévue, ainsi qu'une meilleure représentation de ces territoires au sein des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Quelle est donc ma position sur ce texte ? De manière générale, il me semble que notre collègue Pierre Louault a visé ici un objectif d'équilibre : les communes rurales doivent être en mesure de renouveler leur parc de logements et disposer d'un potentiel minimal de développement ; mais il faut concilier cette mutation avec les impératifs de l'économie agricole locale, et avec les enjeux environnementaux de la lutte contre l'artificialisation, que nous avons soutenus dans la loi « Climat et résilience », et que je ne souhaite d'ailleurs pas remettre en cause.

Je soutiens donc pleinement sa démarche, qui me semble répondre à des demandes exprimées de longue date par les élus des territoires ruraux et que nous avons tous entendues.

En revanche, les nombreuses auditions que nous avons menées ont démontré qu'il est nécessaire de rassurer sur les objectifs de ce texte et sur ses équilibres. On touche en effet au coeur du quotidien de beaucoup de Français -  je pense à nos agriculteurs, aux familles qui cherchent à s'installer -, mais aussi à des sujets de gouvernance locale.

À ce titre, j'ai travaillé avec mon collègue Pierre Louault pour proposer quelques ajustements, en amont de la séance publique, qui s'inscrivent pleinement dans son intention et ne dénaturent aucunement le texte, mais gomment, peut-être, certaines aspérités, apportent des garde-fous ou recentrent les dispositifs.

Les quatre amendements que nous vous proposons suivent quatre axes.

Tout d'abord, resserrer le critère des ZRR pour mieux cibler le coeur de la ruralité française. Nos auditions ont mis en évidence que le ciblage sur les ZRR n'était peut-être pas le bon critère pour ouvrir droit à des assouplissements. En effet, près de la moitié des communes françaises sont aujourd'hui en ZRR : il nous est apparu que ce champ d'application était trop large. En outre, ce classement étant mouvant - et devant, à ce stade, disparaître en 2022 -, il est difficile à concilier avec le temps long de l'urbanisme et des documents locaux. Nous avons aussi voulu éviter de susciter des déséquilibres au sein de la gouvernance locale.

Nous proposons donc un critère alternatif : celui de communes peu denses en déprise démographique, dont le territoire serait principalement constitué de zones non constructibles. Cela nous permet, en s'appuyant sur des critères objectifs, de viser le coeur de la ruralité française, les communes en mal de revitalisation qui ont souffert d'un urbanisme trop restrictif. Nous savons que la ruralité est très diverse : les communes rurales du littoral, bien plus dynamiques, avec des prix du foncier élevés, ne sont pas dans la même situation que les petites communes de l'hyper-ruralité en déprise. Pour tenir compte de ce changement de ciblage, nous proposons de modifier le titre de la proposition de loi, qui visera l'ensemble des « zones rurales ».

Le deuxième axe consiste à soutenir l'effort de réhabilitation et de modernisation du parc de logement. Le texte initial prévoit d'étendre le bénéfice de la réduction d'impôt Pinel aux communes de ZRR. J'en soutiens la logique, car il faut intensifier les incitations fiscales au développement rural. Toutefois, il nous est apparu au fil des auditions que le « Pinel », qui vise aujourd'hui principalement la construction de logement collectif neuf, n'était pas l'outil le plus adapté aux zones rurales. L'enjeu y est bien davantage la réhabilitation du parc bâti ancien et l'amélioration de l'équilibre financier de ces opérations.

En conséquence, nous proposons de remplacer l'extension du « Pinel » par une extension plus ciblée du « Denormandie dans l'ancien », dispositif spécifique à la réhabilitation de bâti ancien à des fins locatives. Ce dispositif, plébiscité par l'ensemble des acteurs, est aujourd'hui limité aux ORT et à Coeur de ville, c'est-à-dire plutôt à des villes moyennes, et doit s'éteindre en 2022.

Nous proposons de le prolonger jusqu'en 2025, et surtout de l'ouvrir aux petites communes peu denses en déprise démographique à fort taux de vacance. Je l'ai dit, il faut prendre à bras le corps cet effort de reconstruction de nos centres anciens : ce sera la clef de leur revitalisation. Aujourd'hui, l'action de l'État a un goût de trop peu... Ne faudrait-il pas même créer une agence dédiée à la ruralité, sur le modèle de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ? L'Agence nationale de la cohésion des territoires s'occupe essentiellement des centres-bourgs.

Troisième axe, insuffler une dose de territorialisation à la politique de revitalisation rurale. Je l'ai dit, nous souhaitons remplacer, pour cette PPL, le critère de ZRR par un autre ciblage, notamment sur les communes peu denses en déprise démographique.

Pourquoi ne pas s'inspirer du dispositif du « Pinel Breton », actuellement en cours d'expérimentation et très prometteur ? Pourquoi ne propose-t-on pas aux territoires eux-mêmes d'affiner ce ciblage ? Ce sont eux, après tout, qui connaissent le mieux les besoins réels. Nous souhaitons donc que la liste des communes qui pourront bénéficier des dérogations et dispositifs proposés soit établie par le préfet de département sur proposition des intercommunalités, en respectant des grandes lignes communes, plutôt que par décret d'une administration centrale... Cela nous semble aller dans le sens d'un meilleur dialogue territorial et d'une plus grande pertinence.

Enfin, dernier axe, garantir l'efficacité et l'acceptabilité des nouveaux outils, en assurant un bon encadrement. Nous avons voulu répondre à certaines des observations soulevées lors des auditions, en précisant et en encadrant parfois les mesures proposées. Par exemple, nous proposons de recentrer les assouplissements en matière de constructibilité et de changements de destination sur l'objectif de création de logements ou d'hébergement. Nous encadrons aussi la possibilité de construire en continuité de l'urbanisation, pour éviter les effets de « ricochet ».

Il nous a semblé préférable de retirer la dispense de compatibilité des documents locaux d'urbanisme aux schémas de cohérence territoriale (SCoT) et aux schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), au profit d'une meilleure prise en compte des spécificités communales. Cela permettra de maintenir la cohérence des projets territoriaux, au vu notamment des mesures que nous avons votées dans la loi « Climat et résilience ». Enfin, nous avons encadré le « droit au logement » des agriculteurs sur leur exploitation, pour éviter tout changement de destination abusif peu de temps après la construction et pour préserver la vocation agricole des terres. Les demandes d'autorisation seront aussi soumises à l'avis de la CDPENAF.

Voilà mes chers collègues, les quelques évolutions que je vous propose, en accord avec notre collègue et auteur Pierre Louault, au stade de la commission. Il s'agit de maintenir l'intégrité et la cohérence du texte, qui me semble réellement apporter des réponses adaptées à des inquiétudes soulevées de longue date par les élus des territoires ruraux, tout en améliorant certains points pour le rendre encore plus efficace et pertinent.

Mme Viviane Artigalas . - Je remercie M. Louault pour le dépôt de cette proposition de loi. L'habitat en zone rurale représente un vrai sujet et nous partageons son constat. Je remercie aussi notre rapporteure pour son travail et ses propositions que nous soutenons, notamment sur deux points qui nous semblaient problématiques.

Sur le périmètre de la proposition de loi, tout d'abord. Une réflexion, en effet, devrait être engagée très prochainement pour repenser les dispositifs zonés. Nous sommes donc favorables à ce que la proposition de loi vise les communes rurales peu denses en déprise démographique, plutôt que les ZRR. Je m'interroge dès lors sur la pertinence de maintenir dans les articles 1 er , 3 et 7 la référence aux ZRR : est-ce que cela ne fragilise pas le texte ?

Comme la rapporteure, nous considérons que le dispositif « Denormandie dans l'ancien » est plus adapté que le « Pinel » aux spécificités des territoires ruraux. Les mesures permettant des constructions nouvelles dans les zones non-urbanisées ou principalement agricoles, naturelles et forestières ne risquent-elles pas de favoriser le mitage et l'habitat diffus ? Je rappelle que des mesures existent déjà dans la loi « ELAN » ou dans le code de l'urbanisme. Pourquoi, en outre, supprimer l'avis conforme de la CDPENAF ?

Enfin, je m'interroge sur l'article 6. En effet, le Conseil d'État s'est déjà prononcé sur cette question à propos d'une proposition de loi qui visait à ce que les nuisances sonores ou olfactives relevant du patrimoine sensoriel des campagnes ne soient pas considérées comme des troubles anormaux de voisinage. Il concluait qu'il ne paraissait pas nécessaire de modifier les équilibres existants, d'autant que l'exclusion générale et absolue prévue par le texte risquait de heurter le principe du droit d'agir en responsabilité et, plus généralement, du droit au recours effectif, en privant les victimes d'un trouble anormal de toute possibilité de le faire cesser. De plus, la jurisprudence prend habituellement en compte, dans les litiges impliquant les animaux de basse-cour, le caractère rural d'une commune. Enfin, l'article L. 112-16 du code de la construction de l'habitation prévoit que les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent aux bâtiments exposés à ces nuisances a été demandé postérieurement à l'existence des activités les occasionnant. L'état actuel du droit permet donc d'assurer une protection équilibrée des intérêts en présence. Est-il donc pertinent de priver les personnes de tout recours ? Il me semble aussi que cette question relève plutôt de la compétence de notre commission des lois.

M. Laurent Duplomb . - Je souhaite aussi remercier M. Louault pour cette proposition de loi. Je pense malgré tout qu'il convient d'éviter d'ouvrir la boîte de Pandore sur les ZRR. L'Assemblée nationale est en train de se saisir de ce dossier. Ma crainte est que leur périmètre ne soit réduit à l'avenir.

Nous avons beaucoup de remontées au niveau local à propos des CDPENAF. Les règles liées à la discontinuité du bâti ne résultent pas tant de la loi, notamment de la loi « Montagne », que de la jurisprudence et de l'interprétation des juges. L'administration avance de nombreux prétextes pour refuser les dossiers lors des CDPENAF. On ne peut plus continuer ainsi et les maires se plaignent : dès qu'un chemin existe ou qu'il existe dix ou vingt mètres entre deux maisons, cela constitue un prétexte suffisant pour faire annuler un permis de construire au nom de la continuité du bâti ! Il faut supprimer l'avis de la CDPENAF et privilégier les besoins de nos communes. Autrement, il risque de ne plus pouvoir être possible de construire dans les zones rurales, alors que les grandes villes s'étendent de manière tentaculaire. Il vaudrait mieux que la répartition des constructions soit plus équilibrée sur tout le territoire ! On vote des lois pour aménager le territoire et donner un nouvel élan aux communes rurales - d'autant plus que depuis le déclenchement de la crise sanitaire beaucoup de gens veulent venir habiter à la campagne -, mais les textes sont interprétés par les CDPENAF de telle manière que l'on bloque toutes les constructions. C'est aberrant : les gens s'entassent sur certaines parties du territoire, tandis que d'autres endroits se vident. Le recours au PLUi constitue une échappatoire pour les maires. Beaucoup acceptent de perdre la compétence urbanisme pour éviter de passer en CDPENAF. Toutefois, cela aboutit à dessaisir encore un peu plus les maires.

En ce qui concerne les bâtiments agricoles, il faut rétablir la règle de réciprocité. Aucun bâtiment agricole ne peut être implanté à moins de 50 ou 100 mètres, selon les cas, de toute construction à usage d'habitation, et inversement. Un agriculteur qui investit pour s'installer en dehors du village ne doit pas voir son exploitation être rattrapée par de nouvelles constructions les années suivantes. En tout cas, il faut être logique et ne pas demander aux agriculteurs qui construisent à côté de leurs bâtiments de respecter des règles que l'on n'impose pas aux particuliers. Les CDPENAF se permettent souvent, en l'occurrence, de juger les pensées et non les faits : elles peuvent interdire à un agriculteur de construire au motif présumé qu'il ne voudrait pas utiliser le bâtiment pour son exploitation, mais il ne s'agit que d'une supputation. Il faut supprimer ce pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration ; celle-ci obéit souvent à des lobbies peu soucieux du développement agricole. Je ne suis pas favorable aux agences administratives, qui multiplient les contraintes et les injonctions, à l'image de l'agence de l'eau Loire-Bretagne. Je préférerais qu'elles soient composées de personnes élues.

M. Bernard Buis . - Ce texte vise à redynamiser nos campagnes, à leur redonner une nouvelle impulsion. Cela passe évidemment par l'urbanisme communal. Revitalisation ne rime pas forcément avec sanctuarisation. Si nous partageons le constat de l'auteur de la proposition de loi, nous nous interrogeons sur l'opportunité de viser les zones de revitalisation rurale, qui concernent 40 % de nos communes. Nous sommes favorables à la libération des territoires, à leur réarmement et à l'affirmation du droit à la différenciation. Mais jusqu'où faut-il aller, et comment ? Ne risque-t-on pas de remettre en cause la cohésion de nos territoires et ses principes d'équilibre ? La proposition de notre rapporteure consistant à cibler les zones d'hyper-ruralité semble aller dans le bon sens, encore faudra-t-il bien les définir.

Ce texte s'adresse tout particulièrement aux communes, près de 10 000, qui ne possèdent pas de documents d'urbanisme et qui sont soumises au règlement national d'urbanisme. Dans la Drôme, un grand nombre de communes rurales ou montagnardes sont concernées, tandis que les zones urbanisées disposent pour la plupart d'un PLU. C'est sur ce sujet, il me semble, qu'il convient de travailler. Alors que la loi « Climat et résilience » consacre un de ses titres à la lutte contre l'artificialisation des sols, un des grands facteurs de perte de la biodiversité, nous ne pouvons pas soutenir l'article visant à élargir le dispositif « Pinel » au milieu rural. Je soutiens la position notre rapporteure qui propose de privilégier le dispositif « Denormandie ».

L'article 2 nous semble satisfait. En effet, la CDPENAF est déjà consultée sur les SCoT et les PLU : en l'absence de SCoT, il ne nous semble pas opportun d'ajouter une procédure supplémentaire qui alourdirait le processus d'adoption.

Enfin, l'article 6, qui vise à inscrire dans le droit la notion de « troubles inhérents à l'exercice de l'activité agricole causés à une personne occupant un logement dans le voisinage de l'exploitation », semble également satisfait par le droit existant, notamment par l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitat.

Pour les raisons indiquées, nous réservons notre vote.

M. Franck Menonville . - Je partage l'esprit de cette proposition de loi. On note depuis deux ans une inversion des flux de populations, qui ont lieu désormais depuis les métropoles vers les espaces ruraux. Nous devons pouvoir accueillir dans de bonnes conditions ces nouvelles populations. Certaines communes ne peuvent construire pour héberger les enfants de leurs propres habitants. Dans la lutte contre l'étalement urbain, on est passé d'un extrême à l'autre. Je soutiens aussi les amendements de notre rapporteure, notamment celui sur l'extension du dispositif « Denormandie », car la rénovation du bâti ancien et l'amélioration de l'habitat dans les coeurs de village constituent un vrai défi.

M. Pierre Louault . - Je remercie notre rapporteure qui a conservé l'esprit de ma proposition de loi, tout en l'améliorant. Le texte ainsi amendé me semble répondre à la plupart des préoccupations exprimées.

M. Daniel Gremillet . - Je voudrais évoquer la question des friches agricoles : beaucoup de bâtisses agricoles inutilisées et délabrées gardent leur statut agricole en dépit de leur abandon, mais elles occupent de l'espace. On pourrait les rebâtir, cela permettrait de récupérer du foncier pour bâtir et faciliter les aménagements dans nombre de villages. Pour survivre, les villages ont besoin de pouvoir construire et de renouveler leur bâti.

M. Daniel Salmon . - Nous partageons un certain nombre d'objectifs de cette proposition de loi. Elle privilégie les réhabilitations ou les changements d'affectation avant d'envisager des constructions neuves. Ces évolutions vont dans le bon sens. Nous soutenons aussi le recours au « Denormandie » plutôt qu'au « Pinel ». Il serait intéressant de s'interroger sur les friches et les bâtiments agricoles abandonnés : voilà un gisement potentiel de foncier pour de nouvelles constructions, si ces terrains étaient déjà artificialisés.

M. Henri Cabanel . - Notre ancien collègue Alain Bertrand parlait souvent de l'hyper-ruralité. Il serait satisfait de cette proposition de loi. Certains territoires connaissent des revitalisations « à moitié » : ils accueillent des résidences secondaires qui ne permettent pas vraiment de faire revivre le territoire. Je ne partage pas le réquisitoire de M. Duplomb sur les CDPENAF, où siègent les représentants du monde agricole et des acteurs locaux - les chambres de l'agriculture, les syndicats agricoles, les propriétaires forestiers, etc. Les représentants de l'État ne font que la présider. Elles sont un lieu de discussion. Il ne paraît pas opportun de se passer de leur avis.

M. Laurent Somon . - Il est en effet pertinent d'étendre le périmètre visé par la proposition de loi aux communes rurales, sans se limiter aux ZRR, dispositif qui devrait être modifié à l'avenir. Si je ne partage pas totalement les critiques de M. Duplomb sur les CDPENAF, il convient toutefois de constater que l'absence d'une définition légale des parties actuellement urbanisées (PAU) ne permet pas de définir avec certitude le périmètre susceptible d'être urbanisé. De même, la définition des dents creuses est soumise à interprétation et varie fortement selon les départements. On autorise parfois l'implantation d'éoliennes, qui consomment plusieurs milliers de mètres carrés, tout en interdisant de construire un bâtiment de 500 mètres carrés !

M. Laurent Duplomb . - Absolument !

M. Laurent Somon . - Construire n'implique pas nécessairement l'artificialisation ni l'imperméabilisation complète des sols. Il peut s'agir de jardins et les atteintes à la biodiversité peuvent être compensées. Il faut donc bien apprécier au cas par cas la surface réelle consommée au détriment des terres agricoles, qui d'ailleurs, souvent dans ces cas-là, ne sont plus vraiment agricoles : il s'agit de parcelles biscornues n'offrant aucune possibilité de culture et qui ne sont plus éligibles aux subventions de la politique agricole commune. Enfin, je soutiens les propositions sur les friches agricoles et sur le recours au dispositif « Denormandie ».

Mme Valérie Létard , rapporteure . - J'ai cherché à garantir l'applicabilité de cette proposition de loi ambitieuse, en veillant à sa cohérence avec le droit existant, notamment avec la loi « Climat et résilience ». L'objectif « zéro artificialisation nette » ne rime pas avec « zéro construction ». S'il est nécessaire de protéger nos espaces naturels ou agricoles, nos règles ne doivent pas être désincarnées et déconnectées des réalités du terrain. Tout est question de bon sens et de nuances. Il faut savoir rendre à la nature certains espaces dégradés, mais aussi construire lorsque cela est nécessaire.

En ce qui concerne la constructibilité en zone agricole, mes amendements visent à introduire des garde-fous, qui sont similaires à ceux déjà existants : avis de la CDPENAF, compatibilité avec le caractère agricole de la zone, possibilité laissée au maire de réglementer les dimensions et l'aspect des constructions, etc. Il n'y a donc pas d'affaiblissement du droit à craindre de ce point de vue.

Le texte initial était redondant, car il prévoyait un avis conforme de la CDPENAF sur les documents d'urbanisme, qui existe déjà aujourd'hui. En revanche, il l'assouplissait sur les projets individuels. Je propose de conserver le droit existant et d'éviter les doublons. Il faut veiller à ne pas engorger la CDPENAF.

Monsieur Duplomb, nous avons souhaité maintenir l'équilibre existant en ce qui concerne la CDPENAF et ne pas modifier sa composition. Les agriculteurs sont attachés au maintien de l'avis de la CDPENAF. Je réfléchis en outre à un amendement en séance publique pour tenter d'objectiver les critères et essayer d'uniformiser les décisions des CDPENAF sur tout le territoire en fixant un cadre commun, une doctrine, pour éviter les décisions à géométrie variable.

En ce qui concerne les troubles de voisinage, il existe effectivement un article dans le code de la construction et de l'habitation, qui est très similaire à la proposition de M. Louault. Là encore, nous analyserons la cohérence entre les deux dispositifs d'ici la séance.

Les mesures contenues dans la proposition de loi permettront de mieux traiter la question des friches agricoles. Il sera possible de réhabiliter plus facilement le bâti ancien pour lui donner une nouvelle vie et accueillir de nouvelles familles, ainsi que de procéder à un changement de destination d'un bâtiment. Ce qui manque, ce sont des moyens en matière d'ingénierie pour revitaliser toute une zone. Le dispositif « Denormandie » vise seulement l'habitat.

Enfin, je propose de modifier le périmètre de la proposition de loi, en passant des ZRR, qui sont susceptibles de disparaître, aux zones en déprise.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

Mme Valérie Létard , rapporteure . - L'amendement COM-7 vise à remplacer le ciblage sur les ZRR par un ciblage plus fin, sur les communes peu denses, en déprise démographique et dont le territoire est en grande partie inconstructible. Il améliore également l'insertion des assouplissements proposés au sein de l'architecture actuelle du code de l'urbanisme. Enfin, il propose quelques encadrements à ces assouplissements, afin de les recentrer sur l'objectif d'amélioration de l'habitat et d'apporter quelques garde-fous pour éviter les effets de bord. L'amendement COM-3 rectifié est identique.

Mme Viviane Artigalas . - Vous modifiez le deuxième alinéa de l'article L. 111-4 pour ajouter les terrains sur lesquels sont sis ces bâtiments. Ne faudrait-il pas prendre en considération la taille du terrain : si le terrain est très vaste, il existe un risque de mitage. Enfin, par cohérence avec le changement d'intitulé du texte, ne faudrait-il pas supprimer toutes les références aux ZRR ?

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Cet amendement doit se lire en articulation avec l'article 5 sur le droit au logement des exploitants.

Les amendements COM- 7 et COM-3 rectifié sont adoptés.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Mon amendement COM-8 vise à recentrer sur la réhabilitation de l'habitat ancien le soutien fiscal proposé au bénéfice des zones rurales : plutôt qu'une extension de la totalité du dispositif « Pinel », qui cible surtout le logement collectif neuf, il prévoit une extension du « Denormandie dans l'ancien », plus adapté aux enjeux de réhabilitation. Cette extension est à la fois temporelle - jusqu'en 2025 -, et géographique. L'amendement COM-4 rectifié est identique.

Les amendements COM- 8 et COM-4 rectifié sont adoptés.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Mon amendement COM-9 vise à sécuriser le droit au logement des agriculteurs à proximité de leur exploitation. Il lie le bénéfice de ce droit aux besoins de l'exploitation même, plutôt qu'à la personne de l'exploitant. Cela permet une meilleure adaptation dans le temps. Il permet aussi au maire d'édicter des prescriptions quant aux caractéristiques du projet, pour éviter par exemple les constructions de taille ou de hauteur démesurées, ou d'aspect peu compatible avec les zones à dominante agricole. Il prévoit aussi un avis de la CDPENAF. Enfin, il interdit tout changement de destination des logements agricoles ainsi bâtis, pendant une durée de dix ans, afin d'éviter les détournements et les effets d'aubaine. L'amendement COM-5 rectifié est identique.

Les amendements COM-9 et COM-5 rectifié sont adoptés.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 8

L'article 8 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Mon dernier amendement COM-10 modifie le titre de la proposition de loi, pour tenir compte des évolutions du ciblage que nous avons proposées : les mesures ne visant plus uniquement les ZRR, il faut donc le répercuter sur l'intitulé du texte. Nous nous assurerons aussi avant la séance que d'autres mesures de coordination ne sont pas nécessaires. L'amendement COM-6 rectifié est identique.

Les amendements COM-10 et COM-6 rectifié sont adoptés.

L'intitulé de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Sophie Primas , présidente . - Permettez-moi de vous indiquer le périmètre retenu au titre de l'article 45 de la Constitution.

En application du vadémécum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il me revient de faire adopter le périmètre indicatif de la proposition de loi tendant à favoriser l'habitat en zones de revitalisation rurale tout en protégeant l'activité agricole et l'environnement.

Nous considérons que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives à la prise en compte des enjeux propres aux zones rurales dans les grands principes du droit de l'urbanisme ; aux règles d'urbanisme applicables dans les communes rurales ainsi que dans les zones à dominante agricole, forestière ou naturelle, en matière de constructibilité, d'agrandissement, d'adaptation et de changement de destination ; à la manière dont le contenu des documents d'urbanisme est adapté ou évolue pour tenir compte de ces règles d'urbanisme spécifiques ou des spécificités des zones rurales, à l'exclusion de toute modification des procédures d'évolution actuellement prévues par le code de l'urbanisme ; à la manière dont la hiérarchie des normes d'urbanisme est appliquée aux documents de planification locaux des communes rurales ; au champ d'application de la réduction d'impôt dite « Pinel », prévue à l'article 199 novovicies du code général des impôts, dans ses différents volets et en ce qu'il concerne les communes rurales ; aux conditions dans lesquelles un logement peut être construit au sein ou à proximité d'une exploitation agricole ; aux conditions dans lesquelles il peut être fait droit à un recours en indemnisation contre un exploitant agricole sur le fondement de troubles de voisinage ; à la portée de l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers en ce qu'il est recueilli sur les documents d'urbanisme locaux des communes rurales et sur les autorisations d'urbanisme délivrées sur le territoire de ces dernières ; à la manière dont la composition de la CDPENAF permet la représentation d'élus issus de zones rurales.

Ne sont pas considérées comme susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives à la gouvernance des collectivités et des intercommunalités rurales ; à la densité et la qualité des services publics au sein des territoires ruraux ; aux conditions encadrant l'exercice de l'activité agricole ou à la définition du statut d'exploitant agricole.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Chapitre I er : Faciliter l'habitat dans les zones de revitalisation rurale dans le respect de l'agriculture
et de l'environnement

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme LÉTARD, rapporteure

7

Nouvelle rédaction de l'article - Modification du ciblage des communes rurales - Encadrement des assouplissements proposés - Suppression de la dispense de compatibilité aux SCoT - Mesures de coordination

Adopté

M. LOUAULT

3 rect.

Nouvelle rédaction de l'article - Modification du ciblage des communes rurales - Encadrement des assouplissements proposés - Suppression de la dispense de compatibilité aux SCoT - Mesures de coordination

Adopté

Article 4

Mme LÉTARD, rapporteure

8

Substitution de l'extension du « Pinel » par une extension temporelle et géographique du « Denormandie dans l'ancien »

Adopté

M. LOUAULT

4 rect.

Substitution de l'extension du « Pinel » par une extension temporelle et géographique du « Denormandie dans l'ancien »

Adopté

Chapitre II : Faciliter l'exercice d'activités agricoles

Article 5

Mme LÉTARD, rapporteure

9

Nouvelle rédaction de la mesure - Encadrement de l'assouplissement proposé - Interdiction de changement de destination pendant dix ans - Avis de la CDPENAF - Possibilité pour le maire d'édicter des prescriptions

Adopté

M. LOUAULT

5 rect.

Nouvelle rédaction de la mesure - Encadrement de l'assouplissement proposé - Interdiction de changement de destination pendant dix ans - Avis de la CDPENAF - Possibilité pour le maire d'édicter des prescriptions

Adopté

Proposition de loi tendant à favoriser l'habitat en zones de revitalisation rurale tout en protégeant l'activité agricole et l'environnement

Mme LÉTARD, rapporteure

10

Modification de l'intitulé du texte pour refléter l'évolution du ciblage des différentes mesures

Adopté

M. LOUAULT

6 rect.

Modification de l'intitulé du texte pour refléter l'évolution du ciblage des différentes mesures

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 12 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 13 ( * ) .
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 14 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 15 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 24 novembre 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 527 (2020-2021) tendant à favoriser l'habitat en zones de revitalisation rurale tout en protégeant l'activité agricole et l'environnement.

Elle a considéré que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives :

- à la prise en compte des enjeux propres aux zones rurales dans les grands principes du droit de l'urbanisme ;

- aux règles d'urbanisme applicables dans les communes rurales ainsi que dans les zones à dominante agricole, forestière ou naturelle, en matière de constructibilité, d'agrandissement, d'adaptation et de changement de destination ;

- à la manière dont le contenu des documents d'urbanisme est adapté ou évolue pour tenir compte de ces règles d'urbanisme spécifiques ou des spécificités des zones rurales, à l'exclusion de toute modification des procédures d'évolution actuellement prévues par le code de l'urbanisme ;

- à la manière dont la hiérarchie des normes d'urbanisme est appliquée aux documents de planification locaux des communes rurales ;

- au champ d'application de la réduction d'impôt dite « Pinel », prévue à l'article 199 novovicies du code général des impôts, dans ses différents volets et en ce qu'il concerne les communes rurales ;

- aux conditions dans lesquelles un logement peut-être construit au sein ou à proximité d'une exploitation agricole ;

- aux conditions dans lesquelles il peut être fait droit à un recours en indemnisation contre un exploitant agricole sur le fondement de troubles de voisinage ;

- à la portée de l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) en ce qu'il est recueilli sur les documents d'urbanisme locaux des communes rurales et sur les autorisations d'urbanisme délivrées sur le territoire de ces dernières ;

- à la manière dont la composition de la CDPENAF permet la représentation d'élus issus de zones rurales.

Ne sont pas considérées comme susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives, entre autres :

- à la gouvernance des collectivités et des intercommunalités rurales ;

- à la densité et la qualité des services publics au sein des territoires ruraux ;

- aux conditions encadrant l'exercice de l'activité agricole ou à la définition du statut d'exploitant agricole.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 10 novembre 2021

- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : M. François ADAM , directeur, M. Guillaume LEFEBVRE , adjoint au sous-directeur de la qualité du cadre de vie.

- Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) : M. Emmanuel HYEST , président, M. Michaël RIVIER , directeur juridique.

- Table ronde des organisations agricoles

Coordination rurale : M. Max BAUER , secrétaire général adjoint ;

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : Mme Catherine FAIVRE PIERRET , membre du bureau et agricultrice dans le département du Doubs, M. Augustin DUFOUR , chargé de mission ;

Jeunes agriculteurs : M. Basile FAUCHEUX , vice-président, Mme Mathilde ROBY , cheffe du service économique, M. Thomas DEBRIX , chef du service communication et affaires publiques ;

Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) : M. Jean-Claude WAILLIEZ , secrétaire national.

Mercredi 17 novembre 2021

- Table ronde

Fédération nationale des schémas de cohérence territoriale (FN SCoT) : Mme Stella GASS , directrice, M. Nicolas HASLÉ , membre du conseil d'administration et président du SCoT du Grand Vendômois ;

Intercommunalités de France : M. Sébastien MIOSSEC , président délégué, M. Maxime GOUDEZEUNE , conseiller santé et ruralité, Mme Montaine BLONSARD , chargée des relations avec le Parlement.

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation - Cabinet du ministre : M. Benjamin BALIQUE , conseiller forêt, agroécologie, biodiversité, M. Nicolas MAZIERES , conseiller politique, chargé des relations avec le Parlement.

Jeudi 18 novembre 2021

- Table ronde

Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) : M. Jean-Marc TORROLLION , président, Mme Bénédicte ROUAULT , chef de cabinet du président ;

Fédération française des constructeurs de maisons individuelles (FFCMI) : M. Philippe GUENOT , délégué technique national.

Mardi 23 novembre 2021

- Ministère chargé du logement auprès du ministère de la transition écologique - Cabinet du ministre : Mme Jenna REINETTE , conseillère urbanisme, aménagement et lutte contre l'étalement urbain, Mme Lucy KERCKAERT , conseillère parlementaire.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA)

- Direction générale du Trésor (DG Trésor)

- Fédération des promoteurs immobiliers (FPI)

- Fédération française du bâtiment (FFB)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-527.html


* 1 Article 58 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 2 Article 68 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 3 Article 2 terdecies D de l'annexe III au code général des impôts pour les investissements réalisés en métropole et par l'article 2 terdecies F de l'annexe III au code général des impôts pour ceux réalisés en outre-mer.

* 4 Selon la DG Trésor : « Le logement collectif est aujourd'hui marginal dans les communes situées en dehors des unités urbaines, moins de 10 % en 2020 d'après l'INSEE. La dynamique de construction de logements collectifs en zones rurales est ainsi faible, du fait (i) de la faiblesse de la demande de logement dans ces territoires et (ii) des réserves importantes de foncier constructible disponible, qui conduisent la plupart des ménages optant pour le neuf dans ces territoires à privilégier la construction de maisons individuelles. »

* 5 « Développement de l'offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels », IGF et CGEDD, avril 2021, et « Évaluation du dispositif d'aide fiscale à l'investissement locatif Pinel », novembre 2018, IGF et CGEDD.

* 6 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 7 Article 164 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 8 Civ., 19 novembre 1986, Bull. civ. II n° 172 p. 116.

* 9 Civ. 2e, 10 juin 2004, n° 03-10 434, RDI 2004.348, obs. F.G. Trébulle.

* 10 Avis sur la proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, séance du jeudi 16 janvier 2020, n° 3999 419, Conseil d'État.

* 11 Décret n° 2015-644 du 9 juin 2015 relatif aux commissions départementales et interdépartementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers en métropole.

* 12 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 13 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 14 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 15 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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