B. SÉCURITÉ ET QUALITÉ SANITAIRES DE L'ALIMENTATION : UNE AUGMENTATION DES DÉPENSES DE PERSONNEL EN RAISON DE L'ÉVOLUTION RÉCENTE DES EFFECTIFS LIÉS AU BREXIT

1. Un schéma d'emplois du programme en hausse : un renforcement des effectifs mobilisés dans le contexte du Brexit en cours de gestion 2021

L'existence d'une action n° 6, dotée de 344 millions d'euros de crédits, soit plus de 56 % des dotations du programme conduit à rassembler dans un agrégat unique les charges de personnel correspondant aux différentes actions conduites, qui sont pourtant très diverses dans leurs finalités. Il en ressort une déperdition totale de l'information budgétaire sur les coûts de mise en oeuvre de ces différentes interventions 29 ( * ) .

En 2022, les crédits de titre 2 du programme , intégralement portés par l'action n° 6 , progressent de 7,4 millions d'euros, après une hausse de 19 millions d'euros l'année dernière. Ils passent de 335,8 millions d'euros à 343,2 millions d'euros. L'augmentation des charges de personnel atteint ainsi 2 %, après une progression de 5,9 % l'année dernière. En deux ans, les crédits de personnel auront donc progressé de près de 8 %.

Évolution des dépenses de personnel du programme 206 entre 2020 et 2022

Catégorie (en euros)

2020

2021

2022

Rémunération d'activité

200 906 283

207 742 198

214 556 041

Cotisations et contributions sociales

115 201 653

125 476 326

125 064 864

Prestations sociales et allocations diverses

1 878 934

2 620 912

3 524 600

Total titre 2 (y compris CAS pensions)

317 986 869

335 839 436

343 157 505

Total titre 2 (hors CAS pensions)

232 260 340

242 659 463

249 977 532

Sources : RAP 2020 et PAP de 2021 à 2022

L'augmentation des crédits hors CAS « Pensions » de 4 % entre 2020 et 2021, puis celle de 3 % entre 2021 et 2022 s'explique essentiellement par l'évolution des effectifs liés au Brexit . Le Royaume-Uni étant devenu un pays tiers, les contrôles douaniers et sanitaires et phytosanitaires (SPS) aux frontières de l'Union européenne ont donc été rétablis depuis le 1 er janvier 2021.

Les créations d'emplois destinés au contrôle aux frontières dans la perspective du Brexit opérées en cours de gestion en 2021 impactent la programmation budgétaire pour 2022.

En 2020, le plafond d'emplois du programme avait été relevé, passant de 4 695 ETPT à 4 792 ETPT (soit + 97 ETPT). Cette augmentation résultait notamment de la création de 320 ETPT correspondant pour l'essentiel (296 ETPT) au schéma d'emplois mis en place pour assurer le renforcement des contrôles aux frontières suite au Brexit. Les créations d'emplois prévues en 2020 s'ajoutaient aux 40 ETPT créés en 2019 . En 2021, le plafond d'emplois a de nouveau augmenté en loi de finances initiale où il a atteint 4 806 ETPT, et en cours de gestion. En 2022, le plafond d'emplois atteint donc 4 919 ETPT moyennant la correction de 106 ETPT correspondant à l'inscription en base en 2022 des créations de postes intervenues au sein du projet de loi de finances rectificative pour 2021, par redéploiements entre ministères, afin de renforcer les effectifs mobilisés pour le rétablissement des contrôles sanitaires et phytosanitaires aux frontières avec le Royaume-Uni depuis le Brexit .

Au total, les moyens alloués en lois de finances pour faire face aux contrôles supplémentaires à mettre en oeuvre dans ce contexte et pour la certification à l'exportation s'élèvent à 466 ETP , dont une centaine de vétérinaires. Sur ces ETP, 376 sont réservés aux contrôles à l'import et 90 à la certification à l'export. D'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, la cible de recrutement sera atteinte à 91 % au 31 décembre 2021 (443 ETP dédiés au Brexit recrutés). Les 23 postes restant à pourvoir seront recrutés courant le premier trimestre 2022.

Flux de marchandises contrôlées à l'importation du Royaume-Uni

Les postes de contrôle frontaliers (PCF) du littoral de la Manche-Mer du Nord sont pleinement opérationnels et 44 000 envois y ont été contrôlés entre janvier et juin, avec une augmentation constante.

Actuellement plus de 2 300 envois sont contrôlés chaque semaine.

Ces contrôles sont majoritairement réalisés aux PCF de Calais-Boulogne (83 %), Dunkerque (8 %) et Caen-Ouistreham (8 %). Les 1 % restants sont contrôlés dans les autres PCF, à Roscoff, Saint-Malo, Cherbourg, Le Havre et Dieppe. Ces contrôles concernent majoritairement (56 %) des marchandises destinées à d'autres États membres de l'Union européenne.

Les marchandises contrôlées sont surtout des produits d'origine animale (85 %), et des animaux vivants (11 %). Les végétaux et l'alimentation animale d'origine non animale représentent respectivement 3 % et 1 % des contrôles.

Sur ces 6 premiers mois, près de 500 envois, soit 1,33 % des marchandises contrôlées ont fait l'objet d'un refus d'admission sur le territoire européen en raison des non conformités détectées lors du contrôle.

Aucun engorgement des points d'entrée n'a été constaté depuis janvier, grâce au professionnalisme des équipes et à la coordination interministérielle, qui ont permis d'assurer le maintien de la fluidité du passage de la frontière et de relever ce défi inédit. Tous les postes de contrôle fonctionnant 24/24, 7j/7 n'ont jamais cessé leur activité et sont restés constamment ouverts.

Si en début d'année 2021 les flux de produits importés étaient très en-deçà des flux nominaux d'avant Brexit (- 75%), ils approchent à présent des valeurs quasi-normales. Ces baisses de flux s'expliquent principalement par le contexte sanitaire liée à la COVID, mais aussi par les réticences des opérateurs à accomplir les nouvelles formalités sanitaires et phytosanitaires et douanières, enfin, par la suspension de rotations de ferries assurant la liaison entre le Royaume-Uni, d'une part, et la Normandie et la Bretagne, d'autre part.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Avec le report de l'entrée en vigueur d'une partie de la certification à l'export vers le Royaume-Uni, les recrutements pour la certification à l'export avaient été gelés durant 6 mois. Le Royaume-Uni a en effet fait le choix d'une mise en place échelonnée. Le dispositif britannique sera ainsi complet et stabilisé à partir de juillet 2022.

Calendrier des règles pour l'export vers le Royaume-Uni

- depuis le 1 er janvier 2021, des exigences sanitaires et phytosanitaires s'appliquent pour les animaux, les végétaux et leurs produits dits à haut risque ;

- à partir du 1 er janvier 2022, la pré-notification sera exigée pour tous les produits relevant du domaine sanitaire et phytosanitaire (produits d'origine animale et végétaux dits « réglementés »), sans exigence de certification émise par les pays exportateurs ;

- à partir du 1er juillet 2022, la certification sera exigée pour tous les produits relevant du domaine sanitaire et phytosanitaire (produits d'origine animale et végétaux dits "réglementés"), et les contrôles physiques seront déployés à la frontière, à l'arrivée des produits sur le territoire britannique.

Pour une grande partie des exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires, les principaux changements n'interviendront ainsi qu'à partir de début 2022. D'autres effets du Brexit apparaîtront également à plus long terme. Les filières potentiellement les plus affectées pourraient être celles qui représentent un volume d'échanges important avec le Royaume-Uni (vins et spiritueux, produits laitiers, fruits et légumes, sucre) et celles pour lesquelles le Royaume-Uni est un partenaire clef (vins et spiritueux, produits laitiers, fruits et légumes, sucre et viande ovine).

Le Conseil et le Parlement européen ont décidé d'instituer un fonds spécifique, la réserve d'ajustement Brexit, doté de 5 milliards d'euros (dont 735 millions d'euros courant pour la France) qui pourra être utilisé en cas de perturbation avérée.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'administration souligne toutefois « la difficulté persistante à recruter des vétérinaires, en raison de la pénurie actuelle », qui entrave sensiblement le déploiement satisfaisant du dispositif. Or, la DGAL a rappelé aux rapporteurs spéciaux qu'ils sont les seuls à disposer, en pouvoirs propres, de certaines compétences administratives nécessaires au contrôle des produits animaux, hors produits de la pêche, et des animaux vivants. En outre, ils doivent jouir de la nationalité française pour exercer les missions de vétérinaire officiel aux frontières dont les attributions ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté. Compte tenu de la difficulté à recruter des vétérinaires, le recrutement à titre transitoire de vétérinaires n'ayant pas la nationalité française est autorisé pour procéder aux contrôles vétérinaire et phytosanitaire à l'importation et à la certification sanitaire à l'exportation.

Les rapporteurs spéciaux trouvent dans les perspectives résultant en ce domaine du Brexit l'occasion d'une interrogation sur les conditions de l'intégration européenne des contrôles aux frontières.

Le commerce international entre l'UE et le reste du monde tend à se polariser sur certains points de passage. Cette situation conduit régulièrement à une certaine perplexité quant aux moyens déployés par certains pays à fort trafic maritime pour assurer les contrôles nécessaires. Si le commerce dont il s'agit peut engendrer des revenus très importants pour les pays concernés (ou, du moins, pour certains opérateurs économiques), il s'accompagne de coûts d'administration d'autant plus élevés que le commerce est dense. Or, comme ce semble devoir être le cas pour les denrées en provenance du R-U et importées en France, les produits entrants, devant être contrôlés, peuvent ne pas être destinés aux pays de première destination, devant ensuite être distribués dans l'espace de l'UE, où ils circulent librement. En bref, un pays de l'UE de première entrée est censé exposer des coûts de contrôle pour des produits qui ne sont pas nécessairement valorisés sur son territoire.

Il semble utile aux rapporteurs spéciaux d'entamer une réflexion sur l'opportunité d'une plus forte intégration européenne des contrôles sanitaires aux frontières ayant pour vocation d'en mesurer l'harmonisation opérationnelle effective et d'en apprécier les équilibres financiers.

2. Les moyens alloués à la sécurité sanitaire des aliments stables, mais une augmentation de la subvention versée à l'ANSES compte tenu de nouvelles missions qui lui sont confiées par la loi

Les crédits de l' action n° 03 « Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires » consacrée au coeur de la politique visant à assurer la sécurité sanitaire des aliments mis à la consommation (hors les crédits de personnel afférents à ce type d'interventions) sont quasiment stables (+ 2 % en AE et -0,4 % en CP).

Les moyens alloués à l'inspection sanitaire dans les établissements du secteur alimentaire augmentent de 200 000 euros (pour atteindre 6,5 millions d'euros), afin de se rapprocher de la réalité de la dépense (par exemple, la prise en compte des hausses tarifaires, en particulier des équipements de protection individuelle destinés aux agents intervenant dans les abattoirs).

La lutte contre les zoonoses dans la chaîne alimentaire reçoit toutefois des moyens décevants au regard de l'ampleur des enjeux (1,5 million d'euros hors mesures d'indemnisation aux éleveurs). Cette activité porte la participation financière accordée par l'État au programme de surveillance, dans les troupeaux de poules de reproduction et de poules pondeuses, des salmonelles ( Salmonella enteritidis et S. typhimurium ), qui sont responsables chez l'homme de toxi-infections alimentaires collectives.

En revanche, 3,6 millions d'euros supplémentaires sont prévus au titre de l'action n° 04 « Actions transversales » , au titre des moyens de fonctionnement de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et en vue de la création de la plate-forme de gestion dématérialisée de la certification sanitaire et phytosanitaire (système d'information Expadon 2).

La subvention pour charges de service public versée à l'ANSES est ainsi portée de 64,7 à 66,2 millions d'euros en CP (voir infra ). Cette augmentation de 1,5 million d'euros de la subvention découle de la prise en charge par le programme 206 du financement d'activités auparavant assurées par le Haut conseil des biotechnologies (HCB).

En effet, l'article 22 de la loi n°2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 prévoit le transfert à l'ANSES de certaines des missions du Haut conseil des biotechnologies (HCB). Ce transfert doit être effectif au 1 er janvier 2022. Il doit s'accompagner du développement par l'ANSES d'une capacité d'analyse socio-économique (ASE) pour faire face aux besoins d'expertise formulés par l'État dans de nombreux domaines.

En outre, d'autres dépenses de fonctionnement de cette action sont en hausse, de 2 millions d'euros . 1,2 million d'euros supplémentaires sont alloués en fonctionnement pour le développement du programme Expadon 2 qui vise à la création de la plate-forme de gestion dématérialisée de la certification sanitaire et phytosanitaire (SPS) nécessaire à l'exportation des produits agricoles et agroalimentaires. Le financement des plateformes d'épidémiosurveillance en santé animale, végétale et alimentaire est renforcé à hauteur de 700 000 euros, dans un objectif d'amélioration de la surveillance sanitaire et biologique du territoire.

3. La problématique du financement de l'ANSES

Le financement de l'ANSES est assuré par plusieurs programmes mais à titre principal par le programme 206.

La progression de la subvention pour charges de service public destinée à l'ANSES, de 1,5 million d'euros, pour atteindre 66,2 millions d'euros, découle du financement d'activités auparavant assurées par le Haut conseil des biotechnologies (cf. supra ). Toutefois, la question des ressources de l'Agence reste posée et inquiète les rapporteurs spéciaux.

En lien avec une approche dénommée « modèle économique - produits réglementés » qui tend à assurer le financement de l'activité de stricte police sanitaire par les demandeurs, le financement de l'ANSES repose de plus en plus sur des recettes alternatives à la subvention pour charges de service public .

La promotion de ce modèle n'empêche pas l'ANSES de subir une dégradation de sa situation budgétaire.

Résultats « budgétaires » de l'ANSES

Situation budgétaire
de l'ANSES (en k€)

CF 2019

CF 2020

BI 2021

BR1 2021

Dépenses de fonctionnement (personnel compris) en CP

132 561

134 539

143 412

144 897

Part des dépenses de personnel

73%

73%

70%

69%

Recettes de la fiscalité affectée

30 897

23 975

24 300

24 300

Solde budgétaire

526

300

-3 719

-6 036

Stock de restes à payer au 31/12

57 467

58 753

55 448

55 193

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En effet, en 2020, le solde budgétaire de l'ANSES est excédentaire à hauteur de 300 000 euros contre une prévision de -1,6 million d'euros lors de son budget initial. Le résultat meilleur que prévu est essentiellement lié à la crise sanitaire qui a entraîné une diminution de certains coûts (frais de déplacement et fluides) et le report de certaines dépenses sur 2021.

Pour 2021, le solde budgétaire se dégraderait de 2,3 millions d'euros par rapport aux prévisions initiales, pour atteindre - 6 millions d'euros , en particulier du fait :

- de la prise en compte de l'impact de l'exécution 2020, année durant laquelle des recettes avaient été perçues en avance, mais pour laquelle les dépenses de fonctionnement et d'investissement ont été reportées à 2021 ;

- d'une progression de la masse salariale de l'établissement (embauche de 6 emplois hors plafond rendue nécessaire par une forte dynamique des projets de recherche de l'ANSES et par la revalorisation du régime indemnitaire) ;

- de l'autofinancement de certains projets d'investissements.

Le résultat budgétaire déficitaire pour 2021 se traduit par un résultat financier négatif.

Résultats financiers de l'ANSES

Situation financière
de l'ANSES (en k€)

CF 2019

CF 2020

BI 2021

BR1 2021

Résultat de l'exercice

-776

945

483

-863

Capacité d'autofinancement

7 785

8 974

6 079

4 737

Niveau final du fonds de roulement

31 697

30 951

21 378

24 914

Niveau final de trésorerie au 31/12

33 443

39 583

23 091

25 939

Trésorerie en mois de fonctionnement

2,6

2,6

1,7

2,0

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Structure de financement de l'ANSES entre 2017 et 2020

Recettes (k€)

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

Budget 2021 (*)

% dans le BI 2021

SCSP

92 271

91 486

104 504

105 036

70%

Fiscalité affectée

32 718

30 897

23 975

24 300

16%

Autres financements publics fléchés ou non

15 625

14 721

11 789

16 959

11%

Recettes propres

5 118

4 572

4 481

3 658

2%

TOTAL

145 732

141 676

144 750

149 952

100,0%

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La fiscalité affectée, si elle représente une part plus importante des ressources de l'ANSES, les recettes propres demeurant à un niveau secondaire (2 % du total), apparaît en nette baisse depuis 2018.

La fiscalité affectée devrait compter pour 24,3 millions d'euros dans les recettes de l'établissement en 2021. Ces recettes ont subi une diminution importante entre 2019 et 2020, de 8,4 millions d'euros en raison à la fois de facteurs conjoncturels (impact de la crise sanitaire notamment), et pour partie de facteurs plus structurels (diminution du nombre de substances actives et de produits phytopharmaceutiques autorisés, sous l'impact de l'évolution des réglementations européenne et nationale).

Les rapporteurs spéciaux estiment ainsi qu'une réflexion doit être engagée sur les modes de financement de l'ANSES et de leur adéquation avec ses missions.


* 29 Par exemple, alors que les inspections en abattoirs forment une composante majeure de l'activité de la direction générale de l'alimentation, ses coûts ne sont identifiés qu'à partir des dépenses de fonctionnement auxquelles elles donnent lieu, 6,5 millions d'euros, soit une somme très éloignée de la réalité des coûts de cette mission.

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