B. UNE BAISSE DES CRÉDITS QUI S'EXPLIQUE PAR L'EFFET DE LA RÉFORME DES IMPÔTS DE PRODUCTION

La contraction du montant des crédits exécutés en 2021 et évalués pour 2022 s'explique principalement par les effets de la réforme des impôts de production découlant des articles 3 et 4 de la loi de finances initiale pour 2021.

En premier lieu, l'article 3 a abaissé, à compter de 2021, le taux de CVAE (division par deux de ce taux qui passe de 1,5 % à 0,75 %) en supprimant la part de CVAE (50 %) affectée à l'échelon régional. Corrélativement, le schéma de financement des régions a été revu en substituant à la CVAE une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée.

La conséquence de cette mesure est ainsi une division par deux du montant de l'imposition due par les entreprises au titre de la CVAE soit une diminution d'environ 7,2 milliards d'euros.

En second lieu, l'article 4 procède à une réforme des modalités d'établissement de la valeur locative cadastrale des locaux industriels qui intervient dans l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties et sur la cotisation foncière des entreprises. L'allègement d'impôt est estimé à 1,75 milliard d'euros pour la taxe foncière sur les propriétés bâties et à 1,54 milliard d'euros pour la cotisation foncière soit un total de 3,3 milliards d'euros . Elle correspond à une diminution des taux applicables de 8 % à 4 % pour les sols et terrains et de 12 % à 6 % pour les constructions et installations foncières .

La baisse de recettes pour les communes et EPCI impactés par cette réforme sera compensée par l'institution d'un prélèvement sur recettes de l'État.

1. Une réforme aux effets très incertains sur l'attractivité et l'emploi

Le principal objectif de cette réforme affiché par le gouvernement était de diminuer le poids de ces impôts qui « pèsent sur la compétitivité des entreprises françaises par rapport à leurs concurrentes, mais aussi sur l'attractivité du territoire en affectant défavorablement les décisions d'implantations, notamment des entreprises industrielles ».

Or, ces mesures auront un impact variable d'une région à l'autre en fonction du nombre d'entreprises qui y est implanté (à titre d'exemple, en Lozère, environ 900 entreprises contre plus de 26 000 dans le Rhône ou 60 000 à Paris). Dans ce contexte, les bénéficiaires les plus importants seront, dès lors, les départements qui sont déjà les plus attractifs - Hauts-de-Seine, Rhône ou Paris.

D'autre part, cette réforme ne favorise pas essentiellement l'industrie dans la mesure où la baisse de la CVAE est applicable à toutes les entreprises ce qui implique que les plus gros gains, calculés au niveau départemental, ne touchent pas les départements qui comptent le plus d'industries, mais ceux qui comptent le plus d'entreprises. Ainsi, Paris et les Hauts-de-Seine, qui ne comptent que très peu d'établissements industriels, vont concentrer respectivement 890 millions d'euros et 711 millions d'euros des baisses d'impôts.

Dans ce contexte, il est peu probable que cette réforme ait un impact sur la répartition territoriale des implantations industrielles puisqu'elle s'applique uniformément au niveau national et elle ne sera pas en mesure d'accroitre l'attractivité et subséquemment l'emploi dans les régions les plus pauvres et les moins industrialisées. D'autant plus que le lien entre impôts de production et compétitivité n'est pas établi, comme l'a montré l'OCDE dans ses données « impôts sur les biens et services » (par exemple les Pays-Bas et le Danemark ont un niveau de taxes plus élevé qu'en France mais sont plus compétitifs). La fiscalité locale est loin d'être la préoccupation majeure des entreprises contrairement au cadre de vie ou encore au bassin d'emplois.

2. Une réforme générant une perte d'autonomie financière pour les collectivités

Les mesures de compensation de cette réforme génèrent - comme la réforme de la taxe d'habitation - une perte de l'autonomie et de la résilience financière des collectivités territoriales.

Aussi, le rapporteur spécial, comme il l'avait déjà fait lors de l'examen du PLF 2021, s'interroge sur l'impact :

- de la substitution d'une fraction de TVA aux actuelles recettes de CVAE ;

- de la substitution d'un prélèvement sur recettes aux recettes issues de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière.

Sur le premier point, le rapporteur spécial rappelle que, désormais, les régions percevront une ressource dont l'évolution est très sensible à la conjoncture économique , quand la CVAE n'est affectée par un retournement conjoncturel qu'après une à deux années, en raison de sa mécanique.

Or, si la compensation de perte de la taxe d'habitation pour les départements et les EPCI par l'affectation d'une fraction de TVA est accompagnée d'un mécanisme de sécurité 38 ( * ) pour maintenir un niveau minimum de ressources même en période de crise et de contraction générale de l'économie, la compensation de la CVAE ne semble pas prévoir un tel dispositif de sécurité.

Aussi, si une nouvelle crise économique devait se produire, les ressources de l'État et subséquemment des régions - compte tenu des dispositions introduites et évoquée supra - se trouveraient immédiatement affectées.

Sur le deuxième point, le rapporteur spécial note que la compensation en faveur des collectivités du bloc communal ne présente pas une nature fiscale. Il est prévu, en effet, de compenser les collectivités locales par un prélèvement sur les recettes de l'État, c'est-à-dire par une dotation .

Comme le mécanisme de compensation de CVAE aux régions, une telle modalité de compensation conduit à réduire le ratio d'autonomie financière du bloc communal.

D'autre part, ce système de dotation ne présente aucune garantie dans son montant et dans sa durée. Le rapporteur spécial souligne, dès lors, la vigilance qui devra être apportée afin que ces prélèvements sur recettes ne soient pas « ajustés », à l'avenir, au détriment des collectivités locales bénéficiaires.

Enfin, ces mesures constituent un effort fiscal conséquent pour l'État sans aucune contrepartie en matière sociale ou environnementale.

Elles viennent, ainsi, nourrir la liste des dispositifs d'allégements sociaux et fiscaux mis en oeuvre sans qu'aucune étude préalable ne soit produite pour démontrer leur utilité du point de vue de l'activité économique ou de l'emploi.

3. Une réforme qui a entrainé mécaniquement une contraction importante des crédits évalués en 2021 et qui continue à produire des effets en 2022

Là-encore, le rapporteur spécial prend acte, toutefois, des conséquences comptables des réformes proposées du point de vue de la dynamique budgétaire du programme.

Ainsi, la nouvelle méthode de calcul de la valeur cadastrale des locaux industriels a entrainé une diminution par deux des bases imposables réduisant, dans le même temps, le montant des dégrèvements effectués dès 2021.

De même, la suppression de la part régionale de la CVAE a généré une réduction du coût du dégrèvement barémique puisque celui-ci est facteur du montant de l'imposition.

Par ailleurs, cette tendance à la baisse se poursuit en 2022 en raison de la traduction, cette année, de l'abaissement de 3 % à 2 % du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée des entreprises.


* 38 L'article 16 de la loi de finances pour 2020 prévoit, en compensation de la perte de la taxe d'habitation pour les départements et les EPCI, l'affectation d'une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée avec une mesure de maintien. En effet, si le produit de la taxe sur la valeur ajoutée attribué pour une année donnée représente un montant inférieur pour l'année considérée à la somme définie au 1° du 1, la différence fait l'objet d'une attribution à due concurrence d'une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée revenant à l'État.

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