LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du rapporteur spécial de la commission des finances, un amendement du Gouvernement n° II-2353 majorant de 100 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme 551 « provision relative aux rémunérations publiques » de la mission « crédits non répartis ».

Ces crédits sont destinés au financement de l'indemnité inflation, d'un montant de 100 euros, pour tous les agents de l'État et de ses opérateurs dont le revenu net est inférieur à 2 000 euros par mois. Cet amendement s'inscrit dans la lignée des annonces réalisées par le gouvernement en octobre dernier.

Les crédits relatifs à cette indemnité inflation ont vocation à être répartis ultérieurement par arrêté , une fois que leur ventilation au sein des différents programmes concernés sera connue.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 3 novembre 2021, sous la présidence de M. Dominique de Legge, vice-président, la commission a examiné le rapport de MM. Albéric de Montgolfier et Claude Nougein, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques » et « Crédits non répartis ».

M. Dominique de Legge , président . - Nous passons maintenant à l'examen des rapports sur les missions « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis » et « Transformation et fonction publiques » ainsi que sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Nougein , rapporteur spécial des missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonctions publiques » et « Crédits non répartis » . - Les missions que nous vous présentons ce matin sont assez différentes et d'ampleur budgétaire inégale. Je commencerai par la mission « Crédits non répartis », qui n'appelle que deux brèves remarques de notre part. Ses deux dotations sont prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles bénéficie cette année de la même ouverture de crédits que depuis 2018, soit 124 millions d'euros. Cette dotation a servi, depuis 2020, de réserve de budgétisation massive pour faire face la crise sanitaire. Elle a notamment été marquée en 2021 par une augmentation de 1,5 milliard d'euros, adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative du 19 juillet dernier. Cet abondement, justifié, selon le Gouvernement, par le contexte incertain de la crise sanitaire, avait suscité le scepticisme de notre commission, dans la mesure où il avait été décidé lorsque les restrictions touchant les activités économiques étaient en grande partie levées.

La seconde dotation, la provision relative aux rémunérations publiques, fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, afin de financer les différentes mesures décidées dans le cadre du rendez-vous salarial de la fonction publique de juillet dernier. Nous ne disposons d'aucune information sur la ventilation des crédits entre ces différentes mesures, ni dans les documents annexés au PLF ni dans les réponses au questionnaire budgétaire. Ce manque d'information est particulièrement regrettable, d'autant que le montant de cette dotation est particulièrement élevé cette année, avec près de 323,7 millions d'euros demandés, ce qui représente une augmentation de 63 % par rapport à celle de l'année 2021, dont le montant était déjà exceptionnellement élevé ! On ne peut guère se satisfaire du fait que la répartition de dépenses de titre 2 demeure ainsi inconnue.

J'en viens à la mission « Gestion des finances publiques », dotée de 10 milliards d'euros en 2022. Elle porte les crédits des deux grandes administrations de réseau du ministère de l'économie, des finances et de la relance, c'est-à-dire la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), ainsi que les crédits du secrétariat général du ministère.

Cette année encore, cette mission fait partie des rares missions du budget général à connaître une stabilisation de ses crédits. À périmètre constant, ces derniers baissent de 0,3 %. Il faut replacer ce chiffre dans un horizon plus large : les crédits ont diminué de près de 7 % en cinq ans, ce qui est rare.

De nouveau, deux facteurs expliquent cette baisse : le premier est la diminution nette des crédits octroyés à la DGFiP ; le deuxième, qui y est lié, est la maîtrise de la masse salariale, les dépenses de personnel représentant 85 % des dépenses de la mission. Le schéma d'emploi de la mission est négatif, environ 1 400 suppressions de poste sont prévues. Je le rappelle à titre de comparaison, sur le périmètre de l'État et de ses opérateurs, le solde des créations et des suppressions d'emplois serait une baisse de 509 équivalents temps plein en 2022.

Deux évènements ont bouleversé les missions de la DGFiP et de la DGDDI au cours des deux dernières années. Je ne reviendrai pas sur le premier, la crise sanitaire, dont nous avons beaucoup parlé l'an dernier, avec la mise en place des plans de continuité d'activité ou la gestion, par la DGFiP, du fonds de solidarité. Le deuxième a eu lieu le 31 décembre 2020 : c'est le Brexit. Le premier constat que nous pouvons faire, c'est que la DGDDI s'y était bien préparée. Il n'y a pas eu, comme cela pouvait être redouté, d'engorgement à la frontière, en tout cas du côté français. Il y a eu un temps d'adaptation avec la crise, puisque les flux ont nettement diminué, mais ces derniers ont retrouvé 95 % de leur niveau d'avant-crise, sans provoquer de blocages trop importants. Je le rappelle, 80 % des flux routiers entre l'Europe continentale et le Royaume-Uni transitent par la France.

Pour l'examen de cette mission et des crédits demandés pour 2022, nous avons souhaité faire un bilan de quatre grandes réformes et transformations engagées par la DGFiP et les Douanes au cours des dernières années. Ce bilan est plutôt satisfaisant, bien qu'il y ait toujours des marges de progrès et que certains processus soient inachevés.

Le premier chantier, entamé de longue date par la DGFiP, est celui de la rationalisation de son réseau et de ses emprises territoriales. Il y a eu un changement de méthode en 2019, avec le lancement du nouveau réseau de proximité, qui devait être finalisé en 2022 et dont les maires de nos départements ont beaucoup parlé. Au 1 er octobre dernier, 45 chartes avaient été signées avec des départements, 543 avec des établissements publics de coopération intercommunale et 70 avec des communes. Résultat : la finalisation de ce réseau est désormais prévue pour 2023.

La DGFiP vise une présence dans 2 570 communes en 2023, contre un peu moins de 2 000 en 2019. C'est bien, mais, attention, il ne s'agit pas toujours d'une présence permanente, il peut s'agir de points de contact mobiles, qui appellent toute notre vigilance quant à leur pérennité, pour ne pas qu'ils disparaissent au fil des années, et quant à la qualité du service public qui y est rendu.

Toujours à propos du réseau, le processus de relocalisation des services publics dans les villes moyennes a été entamé en 2021. Ainsi, 66 villes moyennes disposant d'immobilier ont été sélectionnées pour accueillir des services de la DGFiP, avec des installations prévues entre 2021 et 2024. Quelque 2 500 agents de l'administration fiscale seront concernés, sur les 6 000 agents de l'État supposés participer à ce dispositif de relocalisation. Il faut noter, là encore, l'effort très important de la DGFiP.

En plus des services relocalisés, il y aura des créations nettes, par exemple des centres téléphoniques. Albéric de Montgolfier et moi-même avons toujours insisté sur ce point : beaucoup de nos concitoyens ne peuvent pas faire leurs démarches en ligne, soit qu'ils ne soient pas à l'aise avec internet - c'est le cas dans les régions rurales, avec des personnes âgées -, soit que leur situation ne rentre pas dans les cases standards. Il est donc important de maintenir un point de contact direct, par téléphone, la DGFiP ayant encore beaucoup de progrès à faire sur ce point...

Le deuxième chantier, qui n'en est qu'à ses débuts, est celui du transfert à la DGFiP du recouvrement des impositions jusqu'à présent gérées par les Douanes. Ces transferts ont commencé en 2019 et devraient se poursuivre au moins jusqu'en 2024 ; c'est donc très progressif. Cette réforme peut engendrer des gains de productivité et des économies d'échelle. Elle doit surtout conduire l'administration des Douanes à s'interroger sur ses missions fondamentales en lui permettant de se recentrer sur son coeur de métier, le contrôle des trafics internationaux.

Troisième et avant-dernier axe prioritaire de développement pour la DGFiP et les douanes : la valorisation de la donnée. Au départ, il s'agissait surtout de développer des techniques d'analyse de données de masse au service du contrôle fiscal pour la DGFiP et de la lutte contre les trafics de toute nature pour la DGDDI. L'objectif est double : améliorer le ciblage des contrôles et parvenir à détecter les cas de fraude les plus complexes.

Depuis lors, ces techniques ont été mises au service d'autres missions. Par exemple, la DGFiP y a eu recours pour exercer un contrôle a priori sur les demandes des entreprises au titre du fonds de solidarité. La douane va s'en servir pour le fret postal et le fret express. En effet, les nouvelles règles de TVA sur le commerce électronique sont entrées en vigueur le 1 er juillet 2021. Elles ont supprimé l'affranchissement de TVA sur les envois de valeur négligeable, inférieurs à 22 euros ; tous les envois sont donc désormais assujettis à cette taxe. Résultat : le nombre de déclarations en douane pourrait bondir, passant de 15 millions à 450 millions par an ; il a donc fallu développer un système capable d'analyser des millions de colis importés chaque jour.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial des missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonctions publiques » et « Crédits non répartis » . - Certains d'entre vous demandaient où faire des économies ; pour moi, le montant de la dépense publique n'est pas un dogme en soi, la question est celle de l'efficacité de cette dernière, par exemple en matière de lutte contre la fraude fiscale.

La fraude à la TVA, notamment sur le commerce électronique, est un enjeu majeur. Philippe Dallier et moi-même l'avions soulevé il y a longtemps et le sujet a peu évolué face à un commerce électronique en pleine expansion et à une fraude massive et bien connue de vendeurs en ligne, qui ne sont parfois même pas enregistrés. C'est un enjeu pour les deux directions, la DGFiP et les Douanes, d'autant plus que le commerce électronique a explosé avec la crise sanitaire. En outre, c'est un enjeu de concurrence déloyale avec les commerces de proximité.

J'en viens au quatrième chantier engagé par la DGFiP et les douanes, celui de la dette technologique des administrations. Les dépenses informatiques ont malheureusement trop souvent servi de variable d'ajustement, et c'est d'autant plus regrettable que la DGFiP et les douanes assument des missions essentielles au bon fonctionnement de l'État, en recouvrant ses recettes et en gérant ses dépenses. Or, 9 % des applications de la DGFiP, par exemple, étaient jugées obsolètes, notamment celle qui est relative à la gestion de la rémunération des agents publics.

Il y a désormais un engagement pluriannuel sur les crédits informatiques de l'administration fiscale et des douanes. Le but est de commencer à résorber la dette technique. Il est clair pour nous, et nous le répétons depuis plusieurs années, que le principal défi reste la gestion des projets informatiques sur longue période. Nous parlions d'efficacité de la dépense publique ; s'il y a des gains de productivité à dégager, c'est bien au travers de l'informatisation. Or nous constatons que les coûts et les délais des projets ont été réévalués à la hausse. Au fil du temps, certains doublent voire triplent de volume !

Lorsque j'étais rapporteur général, la commission des finances avait commandé à la Cour des comptes une enquête sur le fondement du 2° de l'article 58 de la LOLF, un « 58 2° », sur le pilotage des projets informatiques de l'État. Malheureusement, nombre de ses recommandations n'ont pas été suivies d'effet.

Cette réflexion me conduit naturellement vers la mission « Transformation et fonction publiques ». Cette mission se compose de six programmes à vocation interministérielle ; elle est dotée de 441 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 788 millions d'euros en crédits de paiement.

Ces programmes se voulaient la traduction opérationnelle et budgétaire de la démarche de transformation de l'action publique, engagée par le Gouvernement sous l'appellation Action publique 2022. Différents baromètres s'y sont ajoutés : le suivi de la dématérialisation des 250 démarches administratives, les réformes prioritaires des ministères, qui ont succédé aux « objets de la vie quotidienne » et, dernier en date, le programme « Services publics + ». Nos concitoyens voient généralement peu de progrès à l'oeuvre et ces appellations, même si l'on en change régulièrement les termes, restent assez « techno » ; ce qui importe est la qualité du service rendu au citoyen. Or, cette multiplication des actions portées par le ministère de la transformation et de la fonction publiques rend parfois difficile le suivi de l'ensemble des réformes engagées et des crédits déployés.

L'année dernière, nous avions très fortement critiqué cette mission, qui se caractérisait par une sous-consommation très élevée des crédits ; on assistait souvent à des effets d'affichage, voire au mépris de l'autorisation parlementaire. Ces constats nous avaient conduits à déposer un amendement d'appel tendant à supprimer 75 % des crédits de la mission, afin d'obtenir des explications de Madame la ministre, Amélie de Montchalin. Ce coup de semonce a peut-être eu quelque utilité, puisque l'on peut observer certains progrès cette année et pour 2022, même s'il reste des marges de progression importantes.

Première progression observée : la clarification sur le portage budgétaire des projets soutenus par les programmes de la mission. Nous le demandions depuis deux ans, sans réponse du Gouvernement. Il est clair que l'ensemble des projets financés ne sera pas terminé à la fin de l'année 2022. Par exemple, la plupart des travaux sur la rénovation des cités administratives seront livrés en 2023 et même en 2024 pour Bordeaux. De même, de nouveaux crédits sont ouverts sur le Fonds pour la transformation de l'action publique, qui devait être clos.

Ensuite, les perspectives de consommation des crédits pour 2021 sont plus favorables que pour les années passées, à l'exception du programme 348 dédié aux travaux immobiliers sur les cités administratives. La mission affichait jusqu'ici un taux maximal de consommation de 26 %, en dépit d'objectifs ambitieux. Personne ne peut ainsi soutenir que les cités administratives, construites dans les années 1960 ou 1970, ne nécessitent pas de travaux. On observe pourtant d'importantes sous-consommations, qui sont dues aux retards constatés dans l'avancement des chantiers.

Certaines des difficultés constatées depuis 2018 sont ainsi toujours là. Les délais de contractualisation sont extrêmement longs, il y a des décalages persistants entre les besoins anticipés et les besoins réels des porteurs de projet, et les indicateurs de suivi sont toujours lacunaires. C'est surprenant pour une mission qui se veut être la représentation de la flexibilité et de l'innovation publique. On en est loin...

Je vous citerai un exemple sur les indicateurs de performance. Quand on demande au Parlement d'autoriser une dépense de 2 milliards d'euros sur cinq ans - ce n'est pas rien -, on est en droit d'attendre un meilleur suivi des projets financés. Or, sur la rénovation des cités administratives, aucun indicateur ne retrace l'avancement des travaux, alors même qu'ils prennent du retard chaque année

Il en est de même pour le Fonds pour la transformation de l'action publique : on nous explique qu'un euro investi doit conduire à un euro d'économie pérenne sur trois ans. Or, c'est seulement pour 2022 qu'on nous présentera le rendement sur investissement réellement constaté, et pas seulement celui attendu et prévu par les porteurs de projets.

Enfin, troisième et dernier point, il y a eu un début d'effort pour rationaliser l'organisation de la mission. Le Fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH) a été rattaché au programme 148 « Fonction publique ». Cet effort de rationalisation n'est toutefois pas encore achevé, avec l'existence de programmes d'ampleur budgétaire très limitée, ce qui interroge sur leur portée réelle et sur leur visibilité.

Ces progrès sont donc réels, mais encore insuffisants pour modifier totalement notre perception de la mission. En clair, il y a beaucoup d'affichage et les indicateurs ne correspondent pas à la perception de nos concitoyens. J'ai reçu, l'année dernière, un directeur d'administration chargé de la modernisation, qui m'expliquait que le taux de satisfaction des usagers des trésoreries et des usagers des commissariats de police était très élevé, au-delà de 90 %. On peut s'interroger sur la méthode ou sur l'échantillon retenu, car tout semblait parfait. Or, si tout n'est pas noir, tout n'est pas non plus merveilleux...

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Le montant de la provision relative aux rémunérations publiques sur la mission « Crédits non répartis » est particulièrement élevé cette année. Pouvez-vous nous donner des exemples de mesures financées par cette dotation ? Nous avons par ailleurs eu des débats houleux sur la réforme de la haute fonction publique. Cette réforme a-t-elle des conséquences particulières sur les crédits du programme 148 « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » ?

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - La question de la répartition des crédits ouverts sur la provision relative aux rémunérations publiques est encore assez floue. Ces crédits devraient être dédiés aux mesures décidées dans le cadre du rendez-vous salarial de la fonction publique du mois de juillet dernier. Je cite, pêle-mêle, l'allocation de télétravail, la prime de 500 euros des maîtres d'apprentissage, ainsi que les mesures en faveur des agents publics de la catégorie C - revalorisation des grilles et bonification d'ancienneté - qui sont, selon moi, des éléments essentiels.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - La réforme de la haute fonction publique comprend deux aspects : la question de l'école et celle de la fusion des corps. La suppression au 1 er janvier 2022 de l'École nationale d'administration (ENA) et son remplacement par l'Institut national du service public ne se traduira pas par des économies, mais probablement, au moins à court-terme, par une augmentation des crédits au titre de la subvention octroyée à cet opérateur pour charges de service public. Quant à la question de l'avenir des corps, les décrets sont en cours de publication. Ils sortent au fil de l'eau. Il est à ce stade extrêmement difficile d'évaluer l'impact budgétaire pour 2022.

M. Thierry Cozic . - En 2021, 1 800 suppressions d'emplois ont été annoncées à la DGFiP, accompagnées des 989 fermetures de trésoreries. Dans le PLF pour 2022, 1 392 nouvelles suppressions sont prévues. J'ai le sentiment que l'État organise son impuissance dans la lutte contre la fraude fiscale. L'actualité récente - je pense aux Pandora papers - a pourtant montré que, sur ce front, nous avons besoin de tous les moyens humains nécessaires pour recouvrer des sommes de plus en plus importantes.

De plus, les élus sur nos territoires nous font remonter des difficultés liées au décaissement des fonds du plan de relance. Je rappelle que ce sont les agents de la DGFiP qui doivent piloter la mise en place des fonds de soutien. Les suppressions d'équivalents temps plein (ETP) vont de pair avec les fermetures de trésoreries. Or la dématérialisation ne peut se substituer à l'accueil du public. La fracture numérique est un handicap de tous les jours. La Cour des comptes indiquait en 2018 que la qualité de l'accueil aux guichets est particulièrement dégradée dans certaines zones, avec parfois plus de trois heures d'attente en moyenne. Pensez-vous que ces 1 392 nouvelles suppressions soient de nature à garantir un service public de proximité et de qualité pour nos concitoyens ?

M. Marc Laménie . - Cette mission est fortement affectée par les réductions de moyens humains. N'est-ce pas une contradiction puisque l'objectif est de préserver les recettes de l'État ? Les rapporteurs spéciaux ont insisté sur la fraude, qui est très importante.

Les trésoreries constituaient un lien de proximité avec les élus locaux. Les directeurs des finances publiques affirment que ce lien sera maintenu grâce à des réseaux de conseillers. Avons-nous une idée de l'efficacité d'un tel dispositif ?

L'administration des douanes utilise des équipements et des véhicules spécialisés. Qu'en est-il de l'évolution des effectifs des douaniers « motards » ?

Quant au patrimoine immobilier de l'État, les cessions représentent des montants importants. Quels sont les types de bâtiments concernés ?

M. Emmanuel Capus . - Ma première question est relative à la DGFiP. Notre commission des finances doit se montrer cohérente et se réjouir de cet effort de maîtrise qu'elle a toujours appelé de ses voeux. Nous aimerions d'ailleurs que les efforts soient de même ampleur en ce qui concerne les autres missions !

Je partage l'inquiétude en matière de fraude fiscale. Est-elle plus importante qu'avant ? Je l'ignore, mais il me semble que des efforts importants ont été consentis pour clarifier les relations avec nos voisins et favoriser les échanges internationaux d'informations. Parallèlement aux efforts de maîtrise de la masse salariale, principalement liés à la numérisation et à la dématérialisation, des moyens techniques et informatiques ont-ils été mis en oeuvre en matière de lutte contre la fraude pour contrebalancer la diminution des moyens humains ?

Le rapport précise qu'il y a eu une réorganisation de nos douanes pour tenir compte du Brexit. Cette réorganisation fonctionne-t-elle bien ? Est-elle à la hauteur des enjeux, je pense notamment à la crise de la pêche ? Avons-nous les moyens humains d'assumer une politique plus offensive par rapport au Royaume-Uni ?

M. Christian Bilhac . - Je me félicite également des économies réalisées. Les crédits de cette mission s'élèvent à environ 10 milliards d'euros, soit à peu près le montant recouvré au titre du contrôle fiscal. En supprimant trop de personnels, il ne faudrait toutefois pas que l'on perde beaucoup plus que ce que l'on gagne ! Idem pour la douane, qui mérite d'être renforcée, notamment en raison du Brexit.

Le réseau a été beaucoup transformé, les points de contact ne sont souvent que des permanences ouvertes quelques heures par semaine. De nombreux maires se plaignent de l'éloignement. Les directions régionales et Bercy ont-ils pris leur part dans cette réorganisation ou l'effort de réduction d'effectifs n'a-t-il été supporté que par le réseau déconcentré, sur le terrain ?

M. Michel Canévet . - Mes préoccupations sont similaires à celles d'Emmanuel Capus. En matière d'évolution informatique, les choses se sont plutôt bien passées pour la DGFiP, j'en veux pour preuve la mise en oeuvre du prélèvement à la source et les dispositifs liés au fonds de solidarité. Nous avons constaté certains errements de l'État au sujet des programmes informatiques. J'ai le sentiment que l'évolution du réseau de la DGFiP va dans le bon sens puisqu'il s'agit de réduire le coût global et de s'adapter aux évolutions intervenues pour le prélèvement des impôts. Qu'en pensent les rapporteurs spéciaux ?

Ma dernière préoccupation porte sur l'immobilier. Les moyens immobiliers dédiés à la rénovation des bâtiments publics ayant été décuplés dans le cadre du plan de relance, des chantiers ont-ils pris du retard ? Que faudrait-il faire pour pallier rapidement cet état de fait ?

M. Bernard Delcros . - Je souhaite que l'exemple de la DGFiP soit suivi par d'autres secteurs. La délocalisation de services entiers a permis de relocaliser des emplois publics dans les territoires ruraux et les petites villes. C'est un bon exemple en matière d'aménagement du territoire.

En ce qui concerne la réforme des trésoreries, la DGFiP annonce une augmentation des points d'accueil, mais une partie importante d'entre eux sont situés dans les maisons de services au public ou dans les maisons France Service. Il serait utile d'évaluer le coût d'un tel transfert de charges vers les collectivités.

M. Éric Bocquet . - Je pense, en cet instant, au rapport très critique produit l'an dernier par notre ancien collègue Jacques Genest sur la présence des services de l'État dans les territoires avec toutes les conséquences que cela entraîne, notamment dans les territoires ruraux.

La DGFiP a été le plus gros contributeur à la réduction des emplois publics dans ce pays : 30 000 ETP de moins depuis 2008, ça n'est pas rien. Comment imaginer que cela se fasse sans conséquence ? On met aujourd'hui en avant les nouvelles modalités d'analyse, notamment l'intelligence artificielle et le data mining . Google, qui devait 7 milliards d'euros d'impôts à la France et qui s'en est finalement tiré avec un chèque de 1 milliard, envisage d'aider la DGFiP à traquer les piscines non déclarées dans neuf départements français, à titre expérimental, à partir du mois d'octobre. Confirmez-vous cette information, qui pourrait prêter à sourire si ce n'était pas tragique ?

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Plusieurs d'entre vous ont fait allusion aux diminutions d'effectifs. Les résultats du contrôle fiscal ont atteint un pic en 2019, avec 11 milliards d'euros recouvrés, mais sont retombés à 7,8 milliards d'euros en 2020. Il faut cependant nuancer cette baisse, c'est le même montant que les services du contrôle fiscal avaient recouvré en 2018, alors même que les résultats de l'année 2020 ont été très touchés par la crise sanitaire et économique.

Les contrôles sur place ont été gelés durant le premier confinement, avant de ne reprendre que très progressivement. Par ailleurs, la lutte contre la fraude fiscale n'est pas seulement une question de moyens humains, c'est aussi une question de mobilisation des nouvelles technologies et de perfectionnement de nos outils d'analyse. Les choses ont changé : la fraude est plus complexe, le volume des informations reçues ne cesse d'augmenter. Nous avons besoin de ces nouveaux dispositifs pour lutter contre la fraude qui, je le rappelle, ne doit pas être confondue avec l'évasion fiscale. Nous devons aussi tenir compte du fait que plus nos outils sont efficaces, plus ils peuvent avoir un effet désincitatif sur la fraude.

La DGFiP est en mesure de s'adapter aux nouveaux risques de fraude, elle l'a montré avec le fonds de solidarité. La Cour des comptes, dans un rapport sur les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel de leur utilisation, a souligné que le risque de fraude sur le fonds de solidarité avait été mieux anticipé que le risque de fraude sur le chômage partiel. Là-encore, il ne faut pas non plus confondre fraude et erreurs de bonne foi de la part de certaines entreprises, d'autant que les règles d'éligibilité ont été modifiées à plusieurs reprises.

S'agissant du réseau des trésoreries, on voit sur le terrain qu'elles servent davantage aux municipalités qu'aux citoyens eux-mêmes, d'autant que les secrétaires de mairies de petites communes ont parfois du mal à suivre les changements fréquents de procédure et peuvent avoir besoin d'aide pour établir le budget communal, en particulier quand il s'agit de nouveaux maires. Sur ce point, je précise que la DGFiP doit déployer d'ici 2023 son réseau de 1 000 conseillers aux décideurs locaux : 450 sont entrés en fonction en 2021.

La DGFiP voit ses dépenses reculer, il faut s'en réjouir à condition que le service au public n'en pâtisse pas. En cinq ans, les effectifs sont passés 105 000 à 96 000, c'est important sachant que les dépenses de personnels représentent 85 % des crédits. Il faut également tenir compte de la modification des activités et des missions, avec le prélèvement à la source par exemple. Attention dans ce cadre à ne pas trop se reposer sur les entreprises pour accomplir certaines missions, je pense ici à la prime dite de pouvoir d'achat de 100 euros que le Gouvernement vient d'annoncer. Un maire qui est aussi artisan me disait que, pour le versement de cette prime à ses huit salariés, le prestataire informatique lui demandait 2 000 euros pour adapter le logiciel de paie : quand l'État sous-traite son travail, le bon sens ne l'emporte pas toujours.

La délocalisation des services de la DGFiP vers des villes moyennes n'est pas un mouvement rapide, il fallait trouver des villes qui accueillent ces services, organiser les déménagements, cela demande du temps, mais le mouvement est pris, dans le bon sens. Je ne connais pas le nombre d'usagers à France Services.

Les Douanes ont bénéficié de nouveaux matériels, en particulier d'avions, de bateaux, de scanners pour les containers, qui sont beaucoup plus efficaces.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits des missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques » et « Crédits non répartis ».

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Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits des missions « Gestion des finances publiques » et « Transformation et fonction publiques ». Après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Crédits non répartis ».

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