LISTE DES PROPOSITIONS

Renforcer les prérogatives des référents harcèlement et les moyens qui leur sont alloués

1°) Dresser le bilan de la mise en place des référents harcèlement et apporter les ajustements nécessaires (effectifs, missions, prérogatives, formation, moyens, etc.) pour garantir leur efficacité.

Améliorer la formation et la vigilance en ce domaine

2°) Imposer aux cadres intermédiaires et supérieurs, ainsi qu'aux personnels des ressources humaines, une obligation de formation sur la question de la violence et du harcèlement au travail.

3°) Étendre le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre aux cas de violence et de harcèlement au travail.

Prendre en compte les violences domestiques dans la sphère professionnelle

4°) Inclure un volet consacré à la violence et au harcèlement dans le travail d'élaboration du prochain « plan santé au travail » (PST 4).

5°) Faire de la violence et du harcèlement au travail un thème obligatoire des négociations annuelles sur la qualité de vie au travail.

6°) Créer de nouveaux droits pour les victimes, en s'inspirant des meilleures pratiques à l'étranger, pour leur permettre de se mettre en sécurité et de se reconstruire.

Garantir l'autonomie économique des victimes de violence

7°) Protéger les victimes de violences domestiques contre le licenciement.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 20 octobre 2021, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Nicole Duranton sur le projet de loi n° 802 (2020-2021) autorisant la ratification de la Convention n° 190 de l'Organisation internationale du Travail relative à l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail.

M. Christian Cambon, président . - Nous examinons à présent le projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 190 de l'Organisation internationale du travail relative à l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, sur le rapport de notre collègue Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton, rapporteur . - Sur l'initiative de la Confédération syndicale internationale, l'OIT a inscrit la lutte contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail à l'ordre du jour de sa conférence annuelle. En juin 2019, et après deux années de négociation, la convention n° 190, qui comprend vingt articles, a été adoptée à une très large majorité, ainsi que la recommandation n° 206 qui la complète pour préciser les modalités de sa mise en oeuvre. Je souligne à cet égard que seule la convention est soumise à l'examen du Parlement, la recommandation n'ayant aucune portée normative.

Le thème de la violence et du harcèlement au travail a été mis en lumière ces dernières années à la faveur de la campagne #MeToo et de plusieurs affaires judiciaires très médiatisées. Il est toutefois intéressant de relever qu'aucune étude statistique fiable n'existe sur les violences sexistes et sexuelles au travail, ce qui tend à démontrer que le phénomène est insuffisamment pris en compte, voire tabou en France. L'OIT va donc lancer un chantier visant à définir des agrégats statistiques sur le sujet, comparables d'un pays à l'autre.

La convention n° 190 est la première norme internationale sur la violence et le harcèlement qui s'exerce « à l'occasion, en lien avec ou du fait du travail » . Elle prévoit l'instauration de moyens de protection et de prévention, et souligne la nécessité de garantir des voies de recours et de réparation. Elle incite également les cent quatre-vingt-sept États membres de l'OIT à mettre en place des orientations, des formations et des actions de sensibilisation en ce domaine.

Le champ d'application de la convention est très large puisqu'elle entend protéger les salariés, les apprentis, les stagiaires, mais également les demandeurs d'emploi et les bénévoles. Elle appelle, par ailleurs, à une vigilance renforcée à l'égard des travailleurs les plus exposés à la violence du fait de leur appartenance à certains groupes vulnérables comme les personnes handicapées, les LGBT, les migrants et les personnes en situation de précarité. En outre, ses stipulations s'appliquent « à tous les secteurs, public ou privé, dans l'économie formelle ou informelle » .

La convention impose aux parties de proscrire toute violence ou harcèlement fondés sur le genre, et d'identifier les secteurs, professions et modalités de travail les plus exposés. Enfin, comme je l'indiquais précédemment, elle souligne l'importance des actions de formation et de sensibilisation à la violence et au harcèlement.

Ainsi, cet instrument, dont la portée est historique, propose une définition universellement admise en droit international de la violence et du harcèlement au travail, ainsi qu'une réponse globale pour lutter contre ce fléau. Ses dispositions visent en premier lieu les femmes, qui sont les principales victimes des actes de violence sexiste et sexuelle en milieu professionnel.

Pour l'examen de ce projet de loi, j'ai souhaité auditionner l'ensemble des parties prenantes afin d'avoir une vision complète du sujet. J'ai ainsi sollicité l'OIT elle-même, les organisations syndicales et patronales, un collectif d'ONG et d'associations, les commissaires du Gouvernement et le cabinet de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. L'ensemble des personnes entendues a salué l'ambition et l'équilibre des dispositions de la convention, de même que le rôle moteur joué par le Gouvernement lors des phases de négociation pour faire de ce texte un instrument international ambitieux. Pour rappel, la France prendra, au 1 er janvier prochain, la présidence du Conseil de l'Union européenne ; notre pays devra alors jouer un rôle clé pour que, d'une part, les États membres ratifient puis appliquent les dispositions de la convention n° 190 dans des délais raisonnables et, d'autre part, que cette cause soit l'une des priorités fixées pour cette présidence. Pour ce faire, la France devra montrer l'exemple en appliquant les dispositions de cette convention de manière ambitieuse.

Il convient enfin de souligner que, deux ans après la ratification, la France devra adresser à l'OIT un rapport sur l'application de la convention sur son territoire. Cela implique d'ouvrir des négociations avec les partenaires sociaux afin d'améliorer les normes en vigueur et intégrer ainsi ces apports au bilan.

Notre gouvernement s'est exprimé à diverses reprises sur le sujet, notamment lors du Grenelle des violences conjugales, ce qui a permis l'adoption de nouvelles mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes. C'est une avancée dont nous pouvons nous réjouir.

Cependant, à l'instar des organisations syndicales et des ONG, je regrette que la ratification de cette convention se fasse à droit constant. En effet, pour obtenir une très large adhésion des États membres de l'OIT, les stipulations considérées comme les plus sensibles ou les plus ambitieuses ont été renvoyées à la recommandation n° 206, dépourvue de valeur normative.

Selon l'exécutif, la convention n'appelle pas l'adoption de nouvelles dispositions législatives. Toutefois, sa ratification aurait pu être l'occasion d'un réexamen du cadre juridique relatif à la lutte contre les violences et le harcèlement au travail.

À ce titre, mon rapport contient sept mesures visant à renforcer notre arsenal juridique et notre réponse face à ce phénomène : dresser le bilan de la mise en place des référents harcèlement et apporter les ajustements nécessaires pour garantir leur efficacité ; imposer aux cadres et aux personnels des ressources humaines une obligation de formation en ce domaine ; étendre le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre aux cas de violence et de harcèlement au travail ; inclure un volet consacré au sujet dans le travail d'élaboration du prochain « plan santé au travail » (PST 4) ; faire de cette question un thème obligatoire des négociations annuelles sur la qualité de vie au travail ; créer de nouveaux droits pour les victimes, en s'inspirant des meilleures pratiques à l'étranger, comme celles de l'Espagne par exemple ; enfin, protéger les victimes de violences domestiques contre le licenciement.

Bien entendu, ces propositions n'appellent pas de modification de la convention. Ce sont des voeux que j'émets pour continuer à améliorer la protection des femmes victimes de violences.

Pour conclure, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 23 juillet dernier. Huit pays ont d'ores et déjà ratifié la convention : l'Argentine, l'Équateur, la Grèce, Maurice, la Namibie, la Somalie, ainsi que deux pays où le texte est déjà entré en vigueur, à savoir Fidji et l'Uruguay.

La France est quant à elle suspendue à un débat sur la nécessité d'une autorisation européenne, la Commission européenne considérant que certaines parties de l'instrument relèvent de la compétence exclusive de l'Union. Je souligne toutefois que la Grèce a décidé de faire cavalier seul en ratifiant cette convention sans attendre le feu vert du Conseil de l'Union européenne.

L'examen de ce projet de loi en séance publique est prévu au Sénat le jeudi 28 octobre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

Je termine en rappelant que ce sujet nous concerne tous dans notre humanité, et doit nous rassembler au-delà des clivages politiques.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page