EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 13 octobre 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Christine Lavarde sur la proposition de loi n° 325 (2020-2021) visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, déposée à l'Assemblée nationale le 14 décembre 2020 par Stéphane Baudu, Marguerite Deprez-Audebert et les membres du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés.

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant le rapport de Mme Christine Lavarde sur la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, qui nous a été transmise par l'Assemblée nationale.

Je vous rappelle que notre commission a délégué au fond l'examen de trois des huit articles de la proposition de loi à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, à savoir les articles 2, 4 et 7, que celle-ci a déjà examinés hier - nous n'aurons qu'à les intégrer dans le texte de la commission. Je salue à cet égard la présence de M. Pascal Martin et de Mme Nicole Bonnefoy, rapporteurs pour avis.

Cette proposition de loi s'inspire largement du travail accompli par la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, dont la rapporteure était Mme Nicole Bonnefoy, et qui avait donné lieu à l'adoption d'une première proposition de loi par le Sénat, l'an passé, sur le rapport de M. Jean-François Husson. Nous avons tous regretté que l'Assemblée nationale ne reprenne pas à son compte cette initiative et qu'elle adopte son propre texte.

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Je vous rappelle le contexte de cette nouvelle proposition de loi issue des travaux de l'Assemblée nationale : la mission d'information sénatoriale, la proposition de loi sénatoriale de janvier 2020, puis cette proposition de loi, déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 14 décembre 2020, près d'un an après les travaux du Sénat, et adoptée très vite, le 28 janvier 2021. Depuis, rien... jusqu'à ce que le texte, à la faveur de la navette parlementaire, nous revienne désormais.

Au préalable, je souhaite rappeler ce qu'est un régime assurantiel. Un assuré verse une prime pour se prémunir contre un risque, et l'assureur, en cas d'aléa, verse une indemnité pour couvrir les dommages. Dans tous les cas, jamais l'indemnité ne dépasse le coût du dommage ; elle n'a pas vocation à améliorer l'existant.

L'assurance contre les catastrophes naturelles est financée par une surprime de 12 % assise sur le montant de la prime d'assurance contre les dommages. Le montant est faible, car la mutualisation des risques est très importante. Le code des assurances précise la mise en oeuvre de cette garantie.

Une catastrophe naturelle correspond à une inondation, une coulée de boue, un mouvement de terrain, un séisme, un raz-de-marée, un cyclone, une avalanche, une sécheresse ou un effondrement de terrain dû à des cavités. Ce n'est ni une tempête ni un épisode de grêle : ces aléas ne sont pas pris en charge par ce régime d'indemnisation. Les indemnités couvrent le bâti ; cheptels, récoltes, bâtiments légers, marchandises transportées, avions, bateaux et péniches ne sont pas couverts.

Il existe un schéma de réassurance, fondé sur un partage des primes entre les assureurs et la Caisse centrale de réassurance (CCR) et sur une répartition de la prise en charge des indemnisations. La CCR dispose de la garantie de l'État, garantie sollicitée une seule fois, en 1999.

En parallèle, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », plus récent et créé en février 1995, poursuit un objectif de prévention des dégâts en cas de survenance d'un aléa, non d'indemnisation.

L'article 1 er de la proposition de loi vise à renforcer la transparence de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par l'État et de l'ensemble du dispositif.

Prenons un exemple concret. Un séisme survient, votre maison s'écroule. Vous faites une déclaration à la mairie et à l'assureur. La mairie agrège les demandes d'indemnisation et les fait remonter à la préfecture, qui sollicite des rapports d'expertise technique, réalisés par les services de l'État compétents, comme Météo France ou le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). La communication de ces rapports n'est aujourd'hui pas systématique. Demandes et rapports sont transmis à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l'intérieur, qui instruit les dossiers et transmet son avis à une commission interministérielle chargée de constater l'état de catastrophe naturelle. Cette commission s'assure que les critères relatifs à l'origine naturelle et à l'intensité anormale de l'aléa soient bien réunis pour reconnaître l'état de catastrophe naturelle, et elle transmet un avis simple aux ministres concernés, qui peut alors déclarer reconnaître l'état de catastrophe naturelle.

Depuis 2016, la commission se réunit toutes les trois semaines et elle examine 5 500 dossiers par an ; elle en rejette près d'un tiers. Environ 60 % des dossiers étudiés portent sur le risque retrait-gonflement des argiles (RGA), dit « risque sécheresse ».

L'arrêté ministériel déclarant l'état de catastrophe naturelle détermine les zones, les périodes prises en compte, la nature des dommages couverts par la garantie catastrophe naturelle, dite « garantie Cat Nat ». L'arrêté doit être publié dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes des communes en préfecture.

Il existe une procédure accélérée, plus rapide, qui permet d'afficher la prise en compte politique du sinistre.

Nous comptons 82 000 indemnisés par an, dont 72 000 particuliers.

Il est possible de former des recours, prévus par le code des relations entre le public et l'administration : sur les 300 à 400 recours gracieux sollicités par an, 90 % concernent le risque RGA.

L'article 1 er de la proposition de loi modifie le code des assurances, en motivant la décision directement dans l'arrêté interministériel, et non plus dans la décision prise par le préfet de département et transmise à chaque commune. La notification de la décision à la commune précise les conditions de communication des rapports d'expertise. Dans l'arrêté, est mentionnée la possibilité, pour les communes et les sinistrés, de former un recours gracieux. Ces dispositions prennent en compte les critiques formulées par la mission d'information du Sénat, qui insistait sur l'opacité de la procédure et la faible motivation des décisions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Je souhaite vous proposer d'adopter deux amendements. Le premier d'entre eux prend acte au fait que les dispositions relatives au recours gracieux n'ouvrent pas de nouveaux droits aux sinistrés et aux communes. La loi n'est pas le bon véhicule pour récapituler les droits des sinistrés, qui existent déjà dans le code des relations entre le public et l'administration. Évitons les lois bavardes.

Le second amendement concerne la précision des voies et délais de recours par les arrêtés ministériels. Nous ne parlons que des recours gracieux, alors que les recours contentieux existent bien. Il s'agit donc d'une précision rédactionnelle importante.

L'article 2 a été délégué à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

L'article 3 revient sur la modulation de franchise applicable aux sinistrés des collectivités qui ne sont pas dotées d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN). Aujourd'hui, une franchise reste à la charge de l'assuré ; elle varie selon l'usage du bâtiment, qu'il soit professionnel ou non, et selon l'aléa climatique. Dans les communes sans PPRN, la franchise est modulée en fonction du nombre de constatations de l'état de catastrophe naturelle intervenues pour le même risque au cours des cinq dernières années. Chaque année, 5 600 sinistrés particuliers voient leur franchise modulée ; dans 42 % des cas, elle est doublée à la suite de la troisième reconnaissance, en cinq ans, de l'état de catastrophe naturelle à cause d'une sécheresse. La proposition de loi supprime cette modulation de franchise des habitants des communes sans PPRN. En revanche, elle maintient une telle franchise pour les biens assurés par les collectivités pour lesquelles un PPRN a été prescrit mais n'a pas été approuvé dans les délais réglementaires.

Par ailleurs, en séance, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a fait adopter un amendement précisant que les caractéristiques de la franchise sont définies par arrêté. En séance, le Gouvernement a précisé ses intentions en indiquant qu'un arrêté ministériel viendrait ainsi fixer un plafond de franchise pour les petites entreprises. Il devrait également prévoir que les assureurs puissent aligner, dans les contrats d'assurance, le niveau de la franchise catastrophe naturelle sur celui des autres garanties, par exemple la franchise pour l'assurance tempête. Enfin, en déplafonnant la franchise des grandes entreprises, ces dernières seraient incitées à adopter des mesures de prévention. Voilà qui répond aux préoccupations présentes dans certains amendements qui ont été déposés.

La suppression partielle de la modulation reprend l'article 4 de la proposition de loi de Mme Bonnefoy ; elle n'entraîne pas de surcoût significatif pour le régime.

L'examen de l'article 4, qui crée une commission nationale consultative des catastrophes naturelles, a été délégué à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Il s'agirait d'une nouvelle instance qui n'aurait pas vocation à traiter des dossiers particuliers, mais plutôt à réfléchir à la pertinence des critères retenus pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

L'article 5 traite du délai de publication de l'arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle et des différents délais de la procédure d'indemnisation. Sur ce dernier point, je vous propose d'adopter un amendement pour aller plus vite encore dans le versement de l'indemnisation : le délai passerait, pour le versement, d'un mois à dix jours.

Les dispositions relatives aux modalités d'indemnisation de l'assuré sont tout à fait intéressantes. Les indemnisations, dans la rédaction actuelle, doivent couvrir les travaux permettant de mettre un arrêt aux désordres existants dans la limite de la valeur de la chose assurée, si la solidité du bâti est constatée, et ce uniquement en cas de sécheresse. Ainsi, nous sortons du régime assurantiel classique. Mettre fin aux désordres en matière de risque RGA représente des coûts énormes. Installer des pieux dans les fondations d'une maison coûte extrêmement cher, et les dépenses excèdent souvent la valeur du bien assuré.

Quid des dépenses de prévention, en amont, pour diminuer le coût des risques ? L'État a un rôle à jouer. Le Gouvernement réfléchit à la question, car le risque RGA est bien le risque majeur pour le régime d'indemnisation, risque difficile à indemniser. Cette proposition de loi apporte des corrections, mais pas une réponse d'ensemble. Il semblerait qu'un nouveau vecteur législatif puisse venir peut-être traiter la question de ce risque sécheresse.

L'article 6 concerne la prise en charge des frais de relogement d'urgence des sinistrés. Le régime « Cat Nat » n'indemnise que les dommages matériels infligés aux biens. Les frais annexes peuvent être pris en charge par les assureurs en fonction des stipulations du contrat, ou par le Fonds d'aide au relogement d'urgence (FARU) des collectivités, sous certaines conditions. La proposition de loi inclut dans son périmètre les frais de relogement d'urgence si le bien sinistré est la résidence principale et qu'il est rendu inhabitable, ainsi que les frais d'architecte et de maîtrise d'ouvrage associés à la remise en état de l'habitation. Le surcoût, modéré, est estimé entre 6 à 10 millions d'euros.

L'article 7, délégué à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, propose un rapport sur les actions de prévention du risque RGA. Encore un rapport...

L'article 8 étend le délai de dépôt d'une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à 24 mois, contre 18 mois auparavant. Les dommages liés aux sécheresses ne sont pas visibles immédiatement. Ces dispositions reprennent l'article 4 de la proposition de loi de Mme Bonnefoy.

Cette proposition de loi de l'Assemblée nationale reprend ce que le Sénat avait voté il y a deux ans... autant de temps perdu. Le Gouvernement, lors de la lecture à l'Assemblée nationale de la proposition de loi sénatoriale, aurait simplement pu réécrire certaines dispositions par voie d'amendements.

Au-delà se pose la question de la manière dont notre société se prépare à ces aléas climatiques. Les coûts de ces risques pour notre société sont très importants. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 prévoit déjà une augmentation des crédits du fonds Barnier, notamment pour reloger des populations dans des zones plus sûres. Le risque RGA est présent dans presque tous nos départements. Le nouveau bâti doit prendre en compte ces aléas ; or les surcoûts de construction ne sont pas négligeables.

Enfin, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi, dans la rédaction qui vous a été distribuée.

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Le système est aujourd'hui à bout de souffle. Il a été imaginé en 1982 ; or, quarante ans plus tard, nous faisons face à une crise climatique majeure. Les phénomènes naturels d'une intensité anormale se multiplient, et le risque RGA touche tout le territoire. La procédure de reconnaissance et d'indemnisation est considérée comme opaque, complexe et parfois injuste. Il était temps de répondre aux attentes pour faciliter les démarches, renforcer la transparence et mieux accompagner les communes et les sinistrés.

Cette nouvelle proposition de loi est un véritable plagiat des travaux du Sénat. La procédure accélérée nous a obligés à mener les auditions et à bâtir notre réponse en moins de deux semaines.

L'article 2 sur le délégué départemental permet au maire d'avoir un seul interlocuteur : voilà une bonne chose. Cependant, je suis très mitigé sur l'ensemble de la proposition de loi, car la difficulté majeure n'est pas abordée. Le risque RGA concerne 4 millions d'habitations sur le territoire national, pour un coût de travaux moyen de 70 000 euros. Cela représente le chiffre colossal de 285 milliards d'euros d'investissements à prévoir !

En deux semaines, nous n'avons pu que dresser un constat, et dessiner des pistes. Nous proposons la création d'un régime juridique spécifique et l'élaboration de nouveaux financements. Certaines personnes ont mis toutes leurs économies dans leur maison ; ils se retrouvent parfois dans des situations inextricables, auxquelles cette proposition de loi n'apporte pas de réponse. Leur apporter des réponses, voilà le sujet essentiel.

Mme Nicole Bonnefoy , rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Les aléas climatiques ne sont plus l'exception. Il s'agit d'inclure désormais les conséquences du réchauffement climatique dans les politiques de prévention et les régimes d'assurance, objet de la mission d'information sénatoriale. S'ajoute l'exigence de transparence des autorités administratives.

La mesure d'un aléa est réalisée sur le fondement de son intensité. Pour la sécheresse, voilà qui est difficile, car les conséquences, insidieuses, apparaissent dans le temps : Michel Vaspart, président de la mission d'information du Sénat sur ce sujet, disait que c'est un véritable cancer. Des bâtiments s'écroulent des années après un épisode de sécheresse, et plus de 70 % du territoire est concerné par ce risque RGA.

Les travaux du Sénat, très importants, avaient duré un an. Deux ans se sont écoulés, et les élus et les sinistrés attendent toujours cette réforme. Michel Vaspart et moi-même sommes allés voir tous les ministères, y compris le responsable de la commission interministérielle, qui nous disait qu'il n'y avait aucun problème - nous étions sortis de cette réunion assez agacés. Avec sa proposition de loi votée à l'unanimité, le Sénat a fait preuve de responsabilité et de perspicacité.

Dans ce texte de l'Assemblée nationale, quid du risque RGA ? Nous avions voulu répondre à ce problème en mettant en place un dispositif particulier, qui vous sera présenté, et dont j'espère qu'il sera accepté - le Gouvernement, lui, ne propose rien. Il s'agit bien d'organiser la résilience, et non de boucher trois fissures. Je tiens donc beaucoup aux deux amendements sur le crédit d'impôt et sur l'extension à cinq ans du délai de prescription.

Pour conclure, je rappelle qu'un euro de prévention, c'est sept euros économisés dans le cadre de l'indemnisation.

M. Jean-François Husson , rapporteur général. - Je regrette les mauvaises manières réservées à la proposition de loi du Sénat. Le propos conclusif du rapporteur Mme Lavarde est sûrement le plus éclairant : il faut dresser un véritable état des lieux sur la façon dont nous pourrions nous projeter dans l'avenir, notamment pour le risque RGA.

La loi a déjà prévu beaucoup de choses. Je constate que les règles existantes sont mal appliquées, et que l'urbanisation est parfois mal contrôlée - l'État et les collectivités sont responsables - et les difficultés retombent sur les particuliers et les assurances. Cet état des lieux est donc nécessaire. Nous devrions être plus stricts pour l'application des règles et la politique de prévention. Il s'agit de réduire la facture, et de ne pas faire payer nos défaillances par les particuliers.

M. Marc Laménie . - Merci aux rapporteurs pour ce travail collectif qui concerne nombre de communes. Bien que les inondations touchent souvent le sud de la France, elles se sont récemment produites en Allemagne et en Belgique, faisant beaucoup de victimes. En dépit de la complexité de la procédure de reconnaissance, celle-ci peut être mise en oeuvre rapidement par les représentants de l'État dans des délais relativement courts. Dans ce cas, pourquoi vouloir renforcer la transparence des décisions ? Les plans de prévention des risques inondation (PPRI) dont on parle beaucoup constituent une procédure lourde, avec des implications en termes d'urbanisme. Quant aux incendies de forêt, qui ont touché le Var et affectent fortement les habitations, sont-ils également pris en compte ?

M. Emmanuel Capus . - Je félicite Mme le rapporteur pour la qualité - habituelle - de son rapport sur un sujet extrêmement important qui, du fait du réchauffement climatique, affectera l'ensemble de nos départements. Je regrette que nos collègues députés n'aient pas saisi l'occasion de montrer leur respect pour le travail de qualité du Sénat, d'autant que les travaux de fond réalisés par la mission d'information, par Nicole Bonnefoy, se révélaient suffisants pour montrer notre estime réciproque. Sur un sujet qui concerne particulièrement les collectivités territoriales, le Sénat doit avoir la priorité. L'article 2 du présent texte crée un nouveau poste de délégué aux catastrophes naturelles. Cela ne risque-t-il pas de compliquer le dispositif et de ralentir les procédures ? Ce rôle ne revient-il pas au préfet ?

Mme Isabelle Briquet . - Je remercie les rapporteurs d'avoir précisé les enjeux particuliers de l'indemnisation des catastrophes naturelles, les contours de ce texte, et d'avoir rappelé combien ce sujet est connu de notre assemblée. C'était d'ailleurs l'objet de la proposition de loi de Nicole Bonnefoy que le Sénat avait votée à l'unanimité en janvier 2020. Le texte qui nous est soumis est inadmissible sur la méthode, comme l'a dit avec plus de nuance M. le rapporteur général. Par ailleurs, que de temps perdu alors que nous aurions pu valider un texte opérationnel !

Sur le fond, le texte contient une avancée pour les sinistrés. Pour autant, le dispositif du crédit d'impôt pour la prévention des aléas climatiques, qui figurait dans le texte de notre collègue, n'a pas été repris. C'est pourquoi nous vous proposons de le réintégrer par voie d'amendement. De même, les conditions de l'indemnisation prévues à l'article 5 nous paraissent trop restrictives et risquent de porter préjudice aux sinistrés. Enfin, l'extension du délai de prescription de deux à cinq ans pour obtenir une indemnisation est de bon sens pour les dommages résultant des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation.

En conclusion, nous voterons ce texte, car il représente tout de même une amélioration. Et il ne tient qu'à nous de l'enrichir.

M. Vincent Segouin . - Ayant fait partie de la mission d'information sur la gestion du risque climatique, je retiens surtout que c'est la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en cas de sécheresse et les enjeux liés aux sols argileux qui posaient le plus de problèmes. J'entends qu'il faut à tout prix améliorer la construction des bâtiments, ce qui passe par l'augmentation des diagnostics, déjà assez nombreux, au risque de susciter le désintérêt de nombreux ménages et d'entraîner la désertification de certains territoires. Je regrette le manque d'ambition de l'État pour les dépenses de prévention. Or un euro dépensé en faveur de la prévention, c'est 7 euros économisés au titre des sinistres ! Enfin, l'assurance couvre des risques accidentels. Cela signifie qu'un phénomène répétitif n'est plus du ressort de l'assureur. Par conséquent, les risques ne seront plus couverts dans certaines zones. C'est pourquoi j'ai déposé des amendements en ce sens.

M. Christian Bilhac . - Je reconnais que des erreurs d'urbanisation ont été commises, mais pas partout. Dans mon département, les dégâts subis à la suite de la sécheresse ont touché des maisons construites dans les années 1960 qui avaient été jusqu'à présent préservées. S'agissant des inondations, sans parler de faute des services d'urbanisme, on a constaté des détournements de la décision prise en faveur de la surélévation de l'habitation. Les rez-de-chaussée qui devaient juste servir à protéger des inondations sont devenus des pièces à vivre. Un travail doit être réalisé à ce sujet.

M. Jean-Michel Arnaud . - En vertu du code des assurances, l'affectation de l'indemnité à la réparation d'un immeuble bâti suppose un arrêté du maire, qui doit non seulement prescrire des mesures de remise en état compatibles avec l'environnement, mais peut également édicter les conditions de l'affectation de l'indemnité. Or, dans la pratique, l'arrêté n'est pas pris, et l'obligation d'affectation de l'indemnité est inopérante. Ne serait-il pas opportun que l'arrêté du maire ne soit plus une condition nécessaire à l'utilisation effective de l'indemnité à la réparation ? De surcroît, le maire ne pourrait-il pas prescrire certaines mesures de réparation sans remettre en cause le principe général d'indemnisation ?

M. Claude Raynal , président . - Lorsque l'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté, le délai dont dispose l'assuré pour déclarer le sinistre est très court, ce qui pose souci notamment en période estivale.

M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - Monsieur Capus, le délégué départemental ne complexifiera ni ne ralentira la procédure : le nombre de dossiers susceptibles d'être éligibles au dispositif « Cat Nat » augmente très sensiblement ; de plus, le préfet remplit déjà de nombreuses tâches. Cette spécialisation devrait simplifier et accélérer le dispositif, en permettant aux maires et aux sinistrés d'avoir un interlocuteur nommément désigné.

Mme Nicole Bonnefoy , rapporteure pour avis. - Le rapport sénatorial proposait la création d'une cellule départementale destinée à rassembler les acteurs concernés par ces aléas, dont les élus, afin qu'ils partagent leur expérience en la matière. L'Assemblée nationale a préféré un délégué départemental. Pourquoi pas, mais quels moyens vont lui être attribués ? Quand on voit ceux qui sont alloués aux services de l'État dans le département, je m'interroge quelque peu. À ce propos, l'amendement de Mme Estrosi-Sassone est intéressant en ce qu'il prévoit un délégué départemental référent au sein de la commission. Les deux ne sont pas incompatibles.

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Monsieur Laménie, comme je l'ai dit en propos liminaire, l'incendie ne fait pas partie des aléas couverts par le dispositif « Cat Nat ».

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - L'amendement COM-30 prévoit que l'arrêté interministériel de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle mentionne les voies et délais de l'ensemble des recours possibles, et non pas uniquement ceux qui sont applicables aux recours gracieux.

L'amendement COM-30 est adopté.

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - L'amendement COM-11 prévoit une communication sur l'état de catastrophe naturelle à « chaque commune et administré concerné ». Aujourd'hui, l'arrêté est publié par la commune sur son panneau d'affichage. Eu égard aux difficultés liées à l'envoi des cartes électorales, on peut se demander si les administrés seront mieux informés avec l'ajout de cette disposition : avis défavorable.

L'amendement COM-11 n'est pas adopté.

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - L'amendement COM-31 vise à supprimer des dispositions redondantes qui sont déjà prévues par le code des relations entre le public et l'administration.

L'amendement COM-31 est adopté.

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - J'émettrai un avis de sagesse sur l'amendement COM-6 rectifié. La motivation d'une décision administrative doit être accessible aux citoyens - cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant. On a parfois le sentiment qu'elle s'exprime dans un langage peu compréhensible pour nos concitoyens. Il est peut-être nécessaire de rappeler cette obligation.

L'amendement COM-6 rectifié est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2, délégué au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 2

L'amendement COM-8 rectifié n'est pas adopté.

Article 3

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - La rédaction de l'amendement COM-12 soulève une interrogation. S'agit-il d'une franchise par assuré ou par nature de biens ? En cas de catastrophe naturelle, deux contrats d'assurance peuvent être mobilisés, qui n'ont pas été forcément conclus chez le même assureur : le contrat multirisque habitation et le contrat automobile en cas de garantie complémentaire pour les dommages aux biens. En l'espèce, une seule franchise s'appliquerait-elle ? La franchise participe de l'équilibre du dispositif d'indemnisation. Si l'on joue sur ce paramètre, il faudra ensuite modifier la prime versée par les assurés. Pour toutes ces raisons, je sollicite le retrait de cet amendement, et à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

L'amendement COM-12 n'est pas adopté.

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Comme je l'ai dit, le Gouvernement a pris des engagements pour moduler, à tout le moins limiter le niveau des franchises pour les petites entreprises. L'amendement COM-1 tel qu'il est rédigé pourrait avoir des effets de bord négatifs selon le montant du dommage : retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté sans modification.

Après l'article 3

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-16 , qui est conforme à la version adoptée en 2020, et tient compte des observations qui avaient été formulées à l'époque par notre commission.

L'amendement COM-16 est adopté et devient article additionnel.

Article 4

L'article 4, délégué au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - L'amendement COM-32 a pour objet d'accélérer le versement de l'indemnité aux sinistrés.

L'amendement COM-32 est adopté.

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-17 , qui impose à l'assuré d'utiliser les indemnités versées par l'assurance pour réparer les dégâts. Aujourd'hui, la libre disposition de l'indemnité est un principe central de l'assurance, mais il est déjà encadré pour les catastrophes naturelles. Je m'interroge sur cette contrainte dans le cas où le sinistré ne souhaiterait pas reconstruire au même endroit, par exemple en cas de séisme. Cet amendement pourrait l'y contraindre.

M. Vincent Segouin . - Non !

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - C'est ainsi que je l'ai compris. Cet amendement tend à revenir sur la liberté des assurés. Or dans certains cas comme le risque inondation, il peut être plus pertinent de se reloger dans une zone qui n'est pas soumise au même risque. Aujourd'hui, un maire peut imposer la réparation des dégâts si l'immeuble est dangereux et impropre à l'habitation. Dans la mesure où cette possibilité de contraindre l'assuré existe déjà, j'émets un avis défavorable. Cher collègue, je vous suggère de retravailler votre amendement d'ici à la séance publique.

Avis également défavorable à l'amendement COM-18 , qui porte spécifiquement sur le retrait-gonflement des argiles. Ce sujet est très imparfaitement traité par cette proposition de loi, mais le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale est un équilibre qui concilie les attentes des sinistrés et la soutenabilité du régime. En outre, cette position n'a pas été particulièrement dénoncée lors des auditions que j'ai menées.

M. Vincent Segouin . - Dans les clauses d'un contrat d'assurance, vous n'êtes pas tenu de reconstruire au même endroit en cas de sinistre total. Mais pour obtenir le rachat de la valeur à neuf, il faut justifier des factures. Certaines personnes n'utilisent pas les fonds du premier sinistre pour réparer le bien, et ils attendent le deuxième sinistre pour se déclarer. D'où mon amendement COM-17 . Mon amendement COM-18 a trait au statut de l'assureur, qui doit payer les dégâts liés aux catastrophes naturelles, mais non les opérations de prévention, d'amélioration ou d'embellissement du bien.

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Nous avons eu ces débats à l'époque, lors de l'examen de la proposition de loi du Sénat, pour laquelle Jean-François Husson était rapporteur. Je maintiens mes deux avis défavorables. L'assuré a tout intérêt à réaliser les travaux, sous peine d'être privé du versement complémentaire.

L'amendement COM-17 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-18 .

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - L'amendement COM-15 représente l'extrême inverse. L'indemnisation et la prise en compte du risque sécheresse devront être réexaminées collectivement. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Isabelle Briquet . - Je le maintiens.

L'amendement COM-15 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

L'amendement COM-33 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 6

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Il semblerait que moins d'une dizaine de cas par an arrivent devant le bureau central de tarification (BCT). Cela se produit si l'assureur refuse de garantir pour le risque de catastrophes naturelles alors qu'il est obligatoirement inclus dans l'assurance multirisque. Le BCT étudiera le refus de l'assureur et pourra lui imposer l'inclusion de cette garantie. N'ayant pas connaissance de difficultés liées à la mise en oeuvre du dispositif actuel, je demande le retrait de l'amendement COM-19 , et à défaut, j'émets un avis défavorable.

M. Vincent Segouin . - J'accepte de retirer mon amendement.

L'amendement COM-19 est retiré.

Article 7

L'article 7, délégué au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

L'article 8 est adopté sans modification.

Après l'article 8

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - L'amendement COM-4 n'est peut-être pas adapté à tous les sinistres. Un assuré a toujours intérêt à transmettre ses factures le plus vite possible pour percevoir une indemnisation complète. Dans le même temps, un sinistre n'est clos qu'en cas d'accord des deux parties. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

Article 9 (supprimé)

Mme Christine Lavarde , rapporteur . - Avis de sagesse sur l'amendement COM-14 , dans le droit-fil des travaux antérieurs du Sénat. En 2020, Jean-François Husson, alors rapporteur, avait mis en avant que le crédit d'impôt n'était pas forcément le dispositif le plus pertinent. Son coût serait certes soutenable pour les finances publiques en raison de son plafonnement, mais je m'interroge sur les travaux qu'il permettrait d'engager. C'est un petit plus, mais le sinistré devra mettre en place des mesures coûteuses pour la prévention.

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 9 est ainsi rédigé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le périmètre de la proposition de loi est adopté.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Article 1er

Auteur

Sort de l'amendement

Mme LAVARDE, rapporteur

30

Adopté

M. TABAROT

11

Rejeté

Mme LAVARDE, rapporteur

31

Adopté

Mme ESTROSI SASSONE

6 rect.

Adopté

Article 2

Auteur

Sort de l'amendement

M. Pascal MARTIN, rapporteur pour avis

21

Adopté

M. Pascal MARTIN, rapporteur pour avis

22

Adopté

M. Pascal MARTIN, rapporteur pour avis

23

Adopté

Mme ESTROSI SASSONE

7 rect.

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Auteur

Sort de l'amendement

Mme ESTROSI SASSONE

8 rect.

Rejeté

Article 3

Auteur

Sort de l'amendement

M. TABAROT

12

Rejeté

Mme VENTALON

1

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 3

Auteur

Sort de l'amendement

Mme BONNEFOY

16

Adopté

Article 4

Auteur

Sort de l'amendement

M. Pascal MARTIN, rapporteur pour avis

24

Adopté

M. Pascal MARTIN, rapporteur pour avis

25

Adopté

M. Pascal MARTIN, rapporteur pour avis

26

Adopté

Mme ESTROSI SASSONE

9 rect.

Adopté

Article 5

Auteur

Sort de l'amendement

Mme LAVARDE, rapporteur

32

Adopté

M. SEGOUIN

17

Rejeté

M. SEGOUIN

18

Rejeté

Mme BRIQUET

15

Rejeté

Article 6

Auteur

Sort de l'amendement

Mme LAVARDE, rapporteur

33

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 6

Auteur

Sort de l'amendement

M. SEGOUIN

19

Retiré

Article 7

Auteur

Sort de l'amendement

M. Pascal MARTIN, rapporteur pour avis

27

Adopté

M. Pascal MARTIN, rapporteur pour avis

28

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 8

Auteur

Sort de l'amendement

Mme VENTALON

4

Rejeté

Article 9 (Supprimé)

Auteur

Sort de l'amendement

Mme BONNEFOY

14

Adopté

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