Rapport général n° 138 (2020-2021) de MM. Vincent SEGOUIN et Patrice JOLY , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020

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N° 138

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 3

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL

Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent SEGOUIN et Patrice JOLY

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean Bizet, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La mission confirme l'évolution regrettable intervenue en 2017 avec la suppression du programme 149 spécifiquement consacré à la politique en faveur de la forêt. Les rapporteurs spéciaux persistent à s'interroger sur la conformité de la confusion des crédits pour la forêt avec ceux consacrés à l'économie agricole avec les termes de l'alinéa 6 de l'article 7 de la loi organique du 1 er août 2001 relatif aux programmes budgétaires, dans la mesure où les objets de ces politiques publiques ne sont pas les mêmes. Rappelant qu'ils avaient exprimé le souhait que les services concernés sollicitent l'avis des parlementaires des commissions des finances des deux chambres, pour avis, avant d'engager de telles démarches, ils ne peuvent que constater le maintien d'une confusion budgétaire aggravée l'an dernier par l'inclusion des crédits de la pêche et de l'aquaculture dans le programme 149. Ces restructurations budgétaires peuvent bien faciliter la gestion des crédits en exécution rendue difficile par des sous estimations récurrentes de besoins chroniques, elles affectent sérieusement la portée de l'autorisation budgétaire. Les demandes formulées par le Sénat sont régulièrement négligées, sur ce point comme sur bien d'autres.

2. Le présent projet de loi de finances propose de doter en 2021 la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR), portée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation de 2,959 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,973 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) , soit, respectivement, une baisse de 1,2 % pour les AE et une hausse de 1,1 % pour les CP. Au cours de l'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, ces crédits ont été augmentés de 6,15 millions d'euros après l'adoption de quatre amendements (dont deux identiques) destinés, l'un, à compenser la suppression de la recette affectée pour financer le développement de la plateforme numérique Expadon 2 de délivrance des certificats sanitaires à l'exportation (amendement du Gouvernement de 2 millions d'euros), l'autre, à effacer les effets des schémas d'emplois négatifs de quatre opérateurs, dont, en particulier l'Office national des forêts, (amendement présenté par Mme Anne-Laure Cattelot de 3,7 millions d'euros) et les deux derniers (initiative de nos collègues Dominique Potier et Hervé Pellois pour 450 000 euros) à soutenir les fermes DEPHY, instruments importants d'un plan Ecophyto 2 + en échec.

3. Ces évolutions globales sont tributaires de dynamiques très contrastées des interventions des trois programmes de la mission . Les programmes 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » et 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » voient, le premier, ses crédits augmenter de 29,8 millions d'euros, le second, de 12,5 millions d'euros, pour un total de 42,3 millions d'euros. Le programme 149, qui porte l'essentiel des subventions aux exploitations, subit une réduction des crédits de paiement de 10,9 millions d'euros. Pour les autorisations d'engagement, le repli des dotations programmées au sein du programme 149 atteint 87,2 millions d'euros (- 4, 8 %). Ces évolutions nominales se traduiront par un repli des interventions en faveur des agriculteurs encore plus marqué une fois prise en compte l'inflation prévue en 2021 (0,6 %) et une fois les corrections de périmètre mises en oeuvre pour ne compter que les crédits d'intervention « actifs » du programme 149, à l'exclusion des crédits « passifs » du programme.

4. Les crédits du plan de relance doivent être évoqués, même s'ils n'ont pas du tout la même nature que les crédits de la mission AAFAR et même s'ils sont mis sous la responsabilité, non du ministère de l'agriculture, mais de celui des comptes publics. Ils s'élèvent à 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement, mais seulement 390 millions d'euros en crédits de paiement. L'architecture des interventions proposées aurait mérité d'être mieux articulée avec celle de la mission AAFAR. En l'absence de cette opération de transparence, et d'une information minimale sur les conditions de mise en oeuvre du « plan de relance », présenté comme axé sur la transition agro-écologique et sur la souveraineté alimentaire, on observera que la programmation budgétaire en question est principalement consacrée à des soutiens au secteur du végétal (plan protéines végétales, haies, forêts) les productions animales étant essentiellement soutenues dans l'aval de la filière (plan abattoir), et, plus éventuellement, à travers l'annonce de concours publics à l'investissement (agro-équipements). L'impact des mesures du plan de relance, qui n'est pas appelé à se prolonger au-delà de 2022, souffre d'un déficit d'évaluation ex ante, tant au regard des bénéficiaires ultimes, les exploitants eux-mêmes étant loin d'être les cibles exclusives des interventions envisagées, qu'au regard des capacités d'une absorption durable des actions envisagées par l'appareil de production dans ses volets agricole et péri-agricole. À titre d'exemple, il est assez incertain que le plan de développement des protéines végétales débouche sur une augmentation de la production nationale consommée au regard d'un contexte marqué par des désavantages comparatifs internationaux inchangés et sans doute trop faiblement compensés par les soutiens programmés. Il aurait été judicieux de mieux garantir que les interventions programmées modifieront bien les conditions structurelles de la production agricole et forestière française, et de ne pas négliger la nécessité pressante d'accompagner les exploitations dans la crise à laquelle elles sont confrontées. En toute hypothèse, l'analyse des crédits de la mission AAFAR, qui obéit à des dynamiques propres, indépendantes de celles qu'entend enclencher le plan de relance ne saurait être modulée à raison d'un plan qui ne doit pas servir de justification à une réduction de « l'ambition » agricole française incarnée dans les dotations de la mission AAFAR et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural », ambition de maintenir une agriculture diversifiée et maillant le territoire et d'accompagner les entreprises agricoles dans les défis très lourds qu'elles doivent affronter.

5. La branche agricole de production primaire n'a pas pu compter sur un soutien clair lors de la première phase de la crise sanitaire en cours. Si des interventions ont été annoncées au profit de la viticulture, en plusieurs étapes successives, les exploitants agricoles ont été rangés au titre des secteurs appelés à ne bénéficier que sous des conditions strictes aux dispositifs de sauvegarde. Il manque sur ce point un compte rendu des effets des dispositions adoptées. En ce qui concerne les exonérations de contributions sociales, on doit, par exemple, regretter que le rapport devant faire le bilan de l'application de l'article 65 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 n'ait pas été rendu disponible, regret d'autant plus vif que les dispositions adoptées sont susceptibles de modifier sensiblement les conditions de l'exécution budgétaire en 2020 et en 2021, compte tenu des règles posées de non-cumul. En outre, alors que le ministre des comptes publics lors de la discussion au Sénat du projet de loi de finances rectificative pour 2020 a pu évoquer une enveloppe de 330 millions d'euros mobilisée pour tout le secteur de l'agriculture en 2020, il est assez étonnant que lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2021, le ministre ait pu indiquer que le rattachement budgétaire de cet engagement devait être compris dans la mission « Plan de relance » créée en 2021. L'information budgétaire sur des éléments aussi fondamentaux manque manifestement de rigueur, ce défaut ressortant accentué par la mention dans les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux d'une imputation des soutiens de crise sur le programme 149 de la mission. De façon générale, un diagnostic sur l'impact de la crise sur la mise en oeuvre des actions publiques financées par la mission fait défaut, dans leur dimension opérationnelle (des pans entiers de l'infrastructure de pilotage de l'agriculture ont été affectés par la situation, parmi lesquels des éléments aussi essentiels que ceux portant sur la maîtrise du risque sanitaire) tandis que la gestion des interventions a pu être affectée. Dans ces conditions, l'exécution budgétaire en 2020 appelle des informations complémentaires.

6. Dans ces conditions, la question de la sincérité de la programmation budgétaire, qui était revenue dès le projet de loi de finances initiale pour 2020, se pose avec une acuité renouvelée. S'agissant de l'exécution de 2020 et celle-ci se prolonge sur l'année 2021, marquée par une orientation baissière des dotations, malgré un ressaut de la provision pour « dépenses imprévisibles ». Au-delà de la dimension strictement juridique de cette question, il faut en regretter les effets sur l'autorisation parlementaire et sur les conditions de l'exécution budgétaire.

7. Les conditions de la programmation budgétaire de 2019 ne permettaient d'assurer les charges encourues au cours de l'exercice, avec de possibles effets de débord sur l'année 2020. La programmation du budget en 2020 a donné lieu à deux avis défavorables du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (pour les programmes 149 et 206 de la mission) au regard de sa soutenabilité. Les impasses de financement identifiées sont particulièrement élevées sur le programme 149. Même en ne tenant pas compte des risques majeurs que représentent le Brexit ou la peste porcine africaine , les impasses de financement ont été estimées à 100,8 millions d'euros sur le seul programme 149. Le projet de loi de finances rectificative en cours d'examen confirme en partie cette prévision en ouvrant 50 millions d'euros pour combler le déficit de financement du fonds national de gestion des risques en agriculture, cette ouverture n'étant pas destinée à financer les impacts des calamités agricoles de 2020 dont les indemnisations seraient reportées sur 2021.

8. La programmation budgétaire de la mission pour 2021 est en pratique difficile à apprécier compte tenu des incertitudes sanitaires, climatiques, économiques et budgétaires, ces dernières renvoyant aux risques d'apurement et à l'articulation entre les différents régimes d'allègements de cotisations sociales, mais aussi aux conditions de la transition entre deux cadres financiers européens. La dotation pour « dépenses imprévisibles » est fixée au niveau de l'exécution prévue pour 2020. Elle aura enregistré un excédent de dépenses par rapport à la programmation initiale (190 millions d'euros contre 174,8 millions d'euros) malgré des apurements européens un peu moins élevés qu'envisagé, mais qui restent trop lourds (78,1 millions d'euros en 2020). Pour 2021, les risques d'apurement excèdent le niveau de la dotation programmée. S'ils se concrétisaient, les besoins de financement non pourvus ne pourraient être financés autrement que par la ponction de lignes budgétaires ou de nouvelles demandes de crédits présentées au Parlement en cours d'année 2021. Les rapporteurs spéciaux relèvent que ces dernières années la trésorerie d'opérateurs de la mission, parfois déjà dégradée, a été sollicitée pour couvrir des charges non budgétées. Ils observent également que les besoins de paiement ont été considérablement allégés par le recours à des désengagements s'autorisations d'engagement pour des montants considérables (plus de 580 millions d'euros cumulés sur 2019 et 2020).

9. On perçoit par-là les limites de la dotation pour imprévus ouverte en 2018, pour 300 millions d'euros ramenés à 200 millions d'euros en 2019 et de nouveau réduite dans le projet de loi de finances pour 2020, de 25,2 millions d'euros, évolution que les rapporteurs spéciaux tendent à considérer comme peu compatible avec une exigence de sincérité budgétaire.

Lors de sa création, les rapporteurs spéciaux avaient exprimé une certaine perplexité face à cette nouvelle ligne budgétaire . Si, de prime abord, elle pouvait témoigner d'un progrès de sincérité budgétaire, elle pouvait également être analysée comme un outil susceptible d'affecter la nécessaire rigueur de programmation des interventions du programme 149. En outre, les conditions de sa programmation ne semblaient de prime abord pas cohérentes avec son objet, puisqu'elle devait être employée à assumer des dettes d'apurement ne faisant pas débat. Les rapporteurs spéciaux constatent que, durant ces premières années, la provision n'a été que marginalement destinée à financer les impacts des risques environnementaux et climatiques, servant principalement à payer les corrections financières infligées à la France et à couvrir des impasses de financement également prévisibles. Une sorte de détournement de l'objet de la dotation pouvait ainsi être déploré avec pour effet un épuisement des réserves du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) et un allongement des délais de traitement des demandes. Si la situation a évolué du fait de la réduction des pénalités financières appliquées à la France, la provision pour dépenses imprévisibles n'en a pas moins été sous dotée en 2020, obligeant à une gestion budgétaire tendue et ne favorisant pas la mise en oeuvre d'un calendrier d'indemnisation satisfaisant.

Les rapporteurs spéciaux recommandent à nouveau que les aléas de l'exploitation agricole soient envisagés dans une ligne distincte de celle dotée pour couvrir les dysfonctionnements de la gestion des aides et qu'ils soient financés à proportion de risques en accroissement tendanciel sensible. Il conviendrait également que le rythme et les moyens des travaux du conseil national de gestion des risques en agriculture soient mis à niveau afin d'accélérer les indemnisations.

10. Alors que l'agriculture est de plus en plus confrontée à des risques de toutes natures il importe d'améliorer les moyens de couverture des risques. Dans ce cadre, le ministère de l'agriculture indique qu'a été lancée à l'été 2019 une consultation élargie de l'ensemble des parties prenantes sur les voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture . Cette consultation est le préalable à l'organisation de réunions d'un groupe de travail dédié émanant du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO), qui devaient se tenir de septembre à décembre 2020. Les résultats de l'évaluation à mi-parcours du PNGRAT menée en 2019, assortie de recommandations, doivent contribuer à cette réflexion visant à proposer les évolutions au dispositif dans le cadre de la prochaine PAC. Il conviendra de suivre avec attention les prolongements de cette réflexion. Par ailleurs, la résolution sur l'assurance récolte adoptée par le Sénat , qui s'est inspirée des travaux d'évaluation mentionnés, mérite d'être suivie d'effets. Elle suppose un renforcement des moyens financiers de la couverture des risques afin d'inciter les exploitants à mieux s'assurer et d'accompagner une réduction du seuil de déclenchement de la mutualisation. En attendant, si force est de s'inquiéter de la perspective d'un déficit de ressources du FNGRA pour assumer les charges des événements climatiques et environnementaux en 2020, il convient aussi, malgré un certain frémissement, de relever l'inertie de la pénétration de l'assurance récolte.

11. L'instauration par la loi de finances pour 2019 d'une déduction visant à favoriser la constitution d'une épargne de précaution (DEP), qu'il faut saluer, n'aura qu'un maigre intérêt pour les nombreuses exploitations pour lesquelles l'épargne reste un objectif irréel. Il faut rappeler que plus de 50 % des agriculteurs disposent d'un excédent brut d'exploitation inférieur à 34 000 euros, le résultat courant avant impôts n'étant pour 50 % des exploitants que de 14 000 euros, soit un niveau où les incitations fiscales ne « mordent » pas. 5 % des foyers fiscaux agricoles acquittent 77 % de l'impôt sur le revenu agricole. Au demeurant, à ce stade, les effets de la DEP sont nettement moindres que ceux qui avaient été exposés par le Gouvernement, et, au total, la suppression des déductions accessibles antérieurement s'est traduite par une réduction globale de l'avantage fiscal. La diffusion de l'assurance auprès des exploitants s'impose d'autant plus que les refus d'indemnisation opposés à un pourcentage élevé de demandes présentées dans le cadre des calamités naturelles, qui peut atteindre certaines années plus d'un cinquième des demandes, repose souvent sur le défaut de respect des conditions d'assurance par les demandeurs.

12. Les crédits de paiement prévus au titre de la protection sociale agricole , qui couvre les compensations des exonérations de cotisations sociales accordées aux exploitants principalement au titre de l'emploi de salariés saisonniers, sont programmés en hausse de 10 millions d'euros après une baisse de l'ordre de 17,5 millions d'euros, l'an dernier.

Malgré les aménagements obtenus par les parlementaires, en particulier par les sénateurs, l'allègement du coût du travail des salariés saisonniers a été réduit avec un impact négatif pour les employeurs s'élevant, selon certaines estimations, à 28 millions d'euros. Compte tenu du taux de chômage important que connaît la France, des enjeux de compétitivité liés au coût du travail dans une Europe socialement très hétérogène, et des priorités d'une politique agricole dirigée vers la transition agro-écologique, qui est intense en emplois, il importe de mieux défendre l'employabilité en agriculture. Ceci suppose notamment de pérenniser un mécanisme d'allègements qui, en l'état, reste borné à 2022. Par ailleurs, il faut compter avec les surcoûts engendrés par la situation sanitaire qui ne semblent faire l'objet d'aucun accompagnement particulier, les crédits consacrés à la sécurité au travail restant inertes à un faible niveau (387 865 euros).

13. On rappelle que la mission ne finance qu'une faible partie des concours publics à l'agriculture (moins de 15%) qui, ces dernières années, se sont modifiés vers une structure reposant davantage sur les allègements fiscaux et sociaux, aux dépens des soutiens sur crédits, qu'ils soient européens ou nationaux. Cette évolution, qui n'a pas que des avantages, oblige en tout cas à une parfaite vigilance sur une composante des soutiens publics à l'agriculture (au total, plus de 21,7 milliards d'euros en 2021) qui tend à devenir une modalité privilégiée du renforcement des concours à cette branche d'activité.

14. À ce propos, les rapporteurs spéciaux s'étonnent que les dépenses fiscales recensées par le projet annuel de performances demeurent altérées par une très incomplète estimation et par l'inclusion d'un avantage fiscal qui ne profite pas principalement aux exploitants agricoles auxquels sont imputés la totalité des moins-values fiscales résultant du taux réduit de taxe sur le gazole non routier, dont, au demeurant, le régime a été modifié en cours d'année.

15. Les rapporteurs spéciaux relèvent plus globalement que les crédits ouverts en 2021 pour financer des dépenses de soutien aux exploitations agricoles , absolument nécessaires à la viabilité de nombre d'entre elles (sans les subventions agricoles au sein desquelles les aides au développement rural représentent un tiers de la subvention moyenne par exploitation, 30 % des entreprises du secteur auraient un excédent brut d'exploitation négatif), s'inscrivent en baisse.

16. L'appréciation du budget ne peut être indépendante des conditions générales de la programmation et de la gestion des aides agricoles. Les dépenses du programme 149 et une partie de celles du programme 206 faisant l'objet d'un cofinancement européen, encadré par les règlements financiers européens correspondants, on observe que le financement de mesures majeures liées aux objectifs du développement agricole rural (FEADER) du deuxième pilier de la PAC a été de plus en plus assuré ces dernières années par des ponctions sur le premier pilier de la politique agricole commune (PAC). Or, malgré ces transferts, certaines lignes consacrées au développement rural (assurance récolte, crédits pour le développement de l'agriculture biologique...) se révèlent sous-dotées ou sous-consommées, ouvrant la perspective de nouveaux transferts de charge au détriment des aides du premier pilier ou, plus probablement, à des restrictions d'accès aux aides préjudiciables pour les exploitants qui ont répondu à l'appel du Gouvernement en faveur de la transition agro-écologique et qui posent de manifestes problèmes d'égalité de traitement. Il faut enfin souhaiter qu'aucun dégagement d'office n'intervienne s'agissant des engagements non consommés.

17. Dans ce contexte morose, les interventions agricoles du programme 149 perdent une dimension offensive axée sur la modernisation des entreprises agricoles , nécessaire pour relever, par un niveau d'investissement plus fort que celui, très faible, observé ces dernières années, les défis de la concurrence internationale et européenne. À cet égard, la baisse des crédits de modernisation portés par la mission atteint 22 millions d'euros tandis qu'il s'agit d'une ligne budgétaire régulièrement sous consommée. Les entreprises agricoles bénéficiaires du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) demeurent fort peu nombreuses (4 % en 2020) tandis qu'une partie croissante, mais non documentée, des crédits est destinée à des fonds dont les conditions de gestion demeurent à ce jour à préciser. Dans ce contexte, les annonces du plan de relance (107 millions d'euros en crédits de paiement) seraient bienvenues si elles étaient assorties des précisions qui à ce jour font défaut.

18. L'augmentation des crédits destinés à financer les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et les aides aux exploitants impliqués par l'agriculture biologique (+ 25 millions d'euros) relevée l'an dernier, qui reflétait moins un accent mis sur les projets correspondants que les effets d'un retour à un calendrier plus normal des paiements et du déroulement d'une programmation financière confrontée, les années précédentes, à des difficultés importantes, fait long feu en 2021. Les crédits baissent (- 12,3 millions d'euros en crédits de paiement et jusqu'à 108 millions d'euros en autorisations d'engagement, divisées par presque deux). Les sous financements ont conduit le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à annoncer qu'il mettrait fin aux aides au maintien de l'agriculture biologique et à transférer sur les Agences de l'eau et in fine sur les agriculteurs et les bénéficiaires des interventions des agences la charge du financement d'une proportion croissante, et désormais majoritaire, des aides à l'agriculture biologique.

19. La baisse des dotations au titre de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) est peu compatible avec les objectifs d'accroissement de la part des exploitations aidées et avec les besoins d'accompagnement des nombreux exploitants (3 800) exclus du bénéfice de cette aide du fait de la réforme du zonage. La consommation de l'ICHN paraît en retard au vu du solde de trésorerie positif relevé par la CBCM.

20. Les moyens consacrés à l'installation diminuent de plus de 7 millions d'euros (crédits et dépense fiscale cumulés). Les conditions générales de l'attractivité de l'activité agricole entourent la consommation effective de ces crédits d'incertitudes. Les besoins de renouvellement de la population agricole sont considérables à brève échéance. Ils ne sont pas provisionnés.

21. Les crédits relevant de la mesure dite « grands prédateurs » sont noyés dans une ligne destinée à financer d'« autres actions environnementales et pastoralisme ». Cette ligne de crédits, en baisse de 2 millions d'euros, devrait être scindée afin de mieux rendre compte des moyens consacrés à lutter contre la prédation. La lisibilité budgétaire est encore affectée par le fait que les indemnisations sont à la charge du ministère de l'environnement, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation gérant les soutiens à la protection des troupeaux. Il est donc difficile de vérifier l'adéquation des provisions aux enjeux. Ces derniers sont marqués par une forte extension de la zone de présence du loup, qui engendre des besoins nouveaux. Ils devraient conduire à réduire le soutien aux autres bénéficiaires de la ligne de crédits.

22. La politique de confortation de l'hydraulique agricole bénéficie de faibles crédits. Les perspectives de modifications climatiques structurelles appellent une réaction susceptible d'en anticiper les effets, en gardant à l'esprit la conciliation nécessaire des usages.

23. L'annonce d'une reprise du calendrier normal des paiements des subventions agricoles après plusieurs exercices où des apports de trésorerie remboursables ont servi de médiocres palliatifs, pouvait être considérée comme une des rares bonnes nouvelles budgétaires de l'année 2019 . Elle paraît en bonne voie. Les rapporteurs spéciaux rappellent leur souhait que les services fiscaux restent attentifs à corriger leur appréciation de la situation des exploitants en tenant compte du fait que les cumuls de subventions perçues dans le cadre de ce rattrapage correspondent à des exercices fiscaux indépendants les uns des autres, afin de préserver l'équité de l'imposition. Par ailleurs, les besoins de mise à niveau de l'infrastructure de paiement, s'ils sont moindres que ceux constatés au cours de la période la plus récente (une grande partie au moins du registre parcellaire graphique serait désormais conforme) n'ont pas complètement disparus. Les modules informatiques des programmes structurant ISIS et OSIRIS de l'ASP demandent de nouveaux investissements et les contrôles (dont l'insuffisance a été l'un des motifs majeurs des corrections financières prononcées contre la France) réclament des effectifs. Dans ces conditions, si l'augmentation des dotations destinées à l'ASP, bien que coûteuse (+ 15,4 millions d'euros l'an dernier, près de 17 millions d'euros en 2021 compte tenu d'un apport du fonds de transformation de l'action publique, à apprécier dans le contexte d'un budget global déprimé), peut être approuvée au moins à titre transitoire, la réduction du plafond de l'emploi de l'agence et celle des effectifs des directions des territoires et de la mer chargés de gérer les paiements et les contrôles de ces paiements pour le compte de l'ASP suscite une inquiétude. Si la chaîne de paiements agricoles appelle des modernisations, tant que celles-ci ne sont pas intervenues, il convient de s'assurer qu'elle soit à même d'enfin fonctionner de façon satisfaisante. Reste que l'essentiel est bien d'apporter le choc de simplification de l'architecture des interventions agricoles, une architecture qui doit reposer sur une meilleure connaissance des réalités technico-économiques exploitants.

24. La mauvaise exécution des crédits pour la pêche et l'aquaculture est très préoccupante , en particulier dans un environnement sanitaire dégradé et alors que le Brexit se précise.

25. La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR » . Ses recettes proviennent du produit d'une taxe affectée dont le montant est évalué à 126 millions d'euros pour 2021 . La prévision de recettes, très incertaine, pourrait être dépassée en exécution. Le CAS n'est pas financé par les entreprises de l'amont ni de l'aval au motif qu'elles ne bénéficient pas de ses interventions. Cette affirmation n'est pas strictement exacte et elle ne tient pas compte des bénéfices secondaires que ces entreprises peuvent retirer des dépenses du CAS. Celui-ci, du fait d'exécutions inférieures aux dotations, a accumulé des réserves qui pourraient être mobilisées devant une baisse éventuelle du produit de la taxe mentionnée ci-dessus et des crédits reportables qui offrent des capacités d'intervention très supérieures aux crédits ouverts au titre de l'année 2021. Cette situation pourrait justifier une réduction des prélèvements effectués sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles ou un abondement des capacités d'engagement au-dessus des crédits demandés.

Elle permettrait d'éviter le risque que les ressources disponibles ne soient employées à des finalités sans rapport avec l'agriculture dans le cadre de régulation de crédits. L'évaluation des interventions de CAS conduit à s'interroger sur les résultats obtenus. Les contrôles mis en oeuvre mettent en évidence des lacunes récurrentes dans la gouvernance des crédits délégués aux organismes.

Les interventions du CAS, particulièrement stratégiques au regard des ambitions du développement rural et des préoccupations des Français, n'ont pas vocation à constituer une réserve de crédits d'abondement . En dépit des avancées constatées, la justification des dépenses reste encore insuffisante pour s'assurer que les crédits concourent efficacement à des objectifs stratégiques.

26. Les rapporteurs spéciaux regrettent la nouvelle stagnation des dotations de la mission prévues en faveur de la forêt (seule une extension des missions d'intérêt général de l'ONF permet d'augmenter les crédits, visuellement, de 2 millions d'euros) tout en relevant que le plan de relance comporte, sous cet angle, des moyens supplémentaires (82 millions d'euros en crédits de paiement et 200 millions d'euros en autorisations d'engagement) essentiellement destinés, à ce stade, à financer des technologies de cartographie fine des espaces forestiers (la technologie LIDAR) et des opérations de reboisement. Il faut espérer que cette priorisation apporte une réelle valeur ajoutée à la gestion forestière, qui, sous plusieurs angles manquent de moyens plus élémentaires (dessertes, protection contre les incendies, stockage) tandis que l'aval de la filière a subi un effondrement de ses capacités. Quant aux reboisements envisagés, un manque certain de précision, notamment sur les variétés envisagées, doit à ce stade être relevé

27. En exécution, il arrive trop fréquemment que les crédits de l'action « forêt » ne soient pas consommés, servant de variable d'ajustement au responsable de programme. Cette situation concourt à la dégradation de la situation financière de l'ONF, qui est très préoccupante. Le projet de budget pour 2021 applique une baisse drastique du plafond d'emplois de l'établissement (baisse effacée par l'amendement susmentionné adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement) après des années pendant lesquelles le COP de l'ONF lui avait garanti une stabilité des emplois, moyennant une réduction de la part des effectifs sous statut. L'ONF supporte un taux de contribution employeur calé sur le taux en vigueur dans le régime de retraite des fonctionnaires civils de l'État (74,8 %) qui constitue une lourde charge et ne bénéficie pas des mécanismes mis en oeuvre pour assurer sur ce point des taux de neutralité concurrentielle comme c'est le cas dans d'anciens monopoles de l'État (Orange, La Poste). Par ailleurs, l'ONF n'est pas en mesure de couvrir les coûts des fonctionnalités écologiques de son activité qui ne sont pas monétisés.

28. Rappelant que les crédits du programme 149 ne sont qu'une faible partie de l'effort global de soutien public qui bénéficie aux acteurs du secteur forestier, ils remarquent que les avantages fiscaux consentis pour la forêt , peu évalués, sont justifiés par les particularités des activités forestières mais pourraient accentuer leur orientation vers l'investissement, la mise en valeur et l'assurance forestière. Les moyens du CNPF dont les compétences s'exercent sur la grande majorité de la forêt française mériteraient d'être renforcés, en particulier dans la période de dégradation très préoccupante de l'état sanitaire de certains massifs.

29. Le nouveau contrat d'objectifs et de performance de l'Office national des forêts (ONF) est en voie de conclusion. Un retour sur le COP en vigueur jusqu'à la fin de l'année conduit à faire ressortir des objectifs de mobilisation de la ressource forestière globalement satisfaisants, compte tenu de la part plus grande que doit prendre la production de bois façonné. Il reste que les évolutions par rapport à l'ancien COP étaient sensibles avec de moindres ambitions des objectifs de l'opérateur en termes de mobilisation de la ressource bois (6,5 millions de mètres cube par an au lieu de 6,8 millions en forêt domaniale, 8,5 millions de mètres cube par an au lieu de 9,3 millions dans les forêts des collectivités). Les objectifs de la transition énergétique, pour avoir révisé à la baisse la contribution du secteur bois énergie, conduisent à élever l'effort de mobilisation de la ressource, mais aussi de reboisement, pour satisfaire les différents usages du bois, ce qui suppose des efforts de collecte. Les éventuels conflits d'usage pouvant se présenter doivent être arbitrés au profit des utilisations les plus valorisées de la ressource et un effort particulier accompagne la production de bois-matériaux. Les adaptations apportées au COP de l'ONF doivent être rendues compatibles avec l'équation financière des activités de l'ONF. Les rapporteurs spéciaux rappellent que le COP a été conclu sur la base d'une participation des communes forestières de France qui doit être respectée par l'État avec de sa part un effort de respect des engagements.

30 . Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » consacré au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est doté en hausse de près de 30 millions d'euros (le Gouvernement a ajouté 2 millions d'euros pour combler un déficit de taxe affectée au développement de la plateforme numérique Expadon 2) principalement du fait d'un alourdissement de près de 20 millions d'euros des dépenses de personnel en lien avec la perspective du renforcement des contrôles sur les échanges internationaux (dans le contexte du Brexit) et d'un alourdissement des charges d'indemnisation des exploitants frappés par des calamités sanitaires. Cette politique a fait l'objet d'un contrôle budgétaire dont les conclusions ont été présentées par les deux précédents rapporteurs spéciaux de la commission des finances en 2018 autour de 61 recommandations, dont certaines peuvent supposer de profonds réaménagements du cadre d'exercice de la maîtrise des risques sanitaires et une prise de conscience des déficits de moyens (parmi lesquels les vétérinaires).

La situation sanitaire connaît des tensions constantes avec des épisodes de crises exceptionnelles dans un contexte où l'attention a pu être polarisée sur de graves incidents impliquant le bien-être animal. Par ailleurs, les produits phytosanitaires font l'objet d'une attention renforcée, tandis que les scientifiques doivent encore s'attacher à mesurer des effets d'accumulation de certains produits, tout au long de la vie.

Les risques sanitaires liés à l'apparition de cas de peste porcine à nos frontières sont considérables comme ceux résultant de la tuberculose bovine.

Le rapport CAP 2022 prenant la suite des observations des parlementaires a souligné le défaut de nos capacités de maîtrise des risques, préconisant une mise à niveau des contributions des bénéficiaires des interventions publiques qui, devant faire l'objet d'un débat serein, ne trouve pas de traduction dans le projet de loi de finances. On ne peut considérer telle l'augmentation de la redevance de pollution diffuse, étrangement introduite dans ce débat.

Dans ces conditions, il est plus qu' étonnant que le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 récemment déposé par le Gouvernement consacre l'annulation de 19 millions d'euros de crédits de paiement sur un programme dont les moyens sont insuffisants pour couvrir l'ensemble des besoins de maîtrise des risques sanitaires, particulièrement aigus dans le contexte actuel.

Dans ce contexte, le projet de budget pour 2021 ne traduit pas la montée des risques et pas davantage les objectifs de réduction des intrants alors même que l'estimation des besoins liés au Brexit reste assez floue. Certains aspects de la maquette de performances suscitent la perplexité. Il en va ainsi notamment de l'indicateur relatif à l'engagement de sortie du glyphosate, dossier mal engagé après le désistement du principal lauréat de l'étude de phase 1 lancée par l'ANSES pour approfondir la connaissance de la toxicité de la substance.

En application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2020.

À cette date, 75 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à vos rapporteurs spéciaux.

INTRODUCTION

Le projet de loi de finances propose de doter la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) 1 ( * ) , portée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) de 2 959,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2 973 ,3 millions d'euros en crédits de paiement (CP) (hors fonds de concours).

Évolution 2020-2021 de la mission
« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

(en millions d'euros et en %)

Programmes

LFI + LFR 2020

Projet de loi de finances 2021

Évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture »

1 813,4

1 755,5

1 726,3

1 744,6

- 4,8 %

- 0,6 %

206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

568,9

568,4

599,4

598,2

+ 5,4 %

+ 5,2 %

215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

612,9

618

633,9

630,5

+3,4 %

+ 2 %

Total mission

2 995,2

2 941,9

2 959,6

2 973,3

- 1,2 %

+ 1,1 %

dont dépenses de personnel

861,1

861,1

884,5

884,5

+ 2,7 %

+ 2,7 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2021

Les crédits de paiement sont en hausse de 1,1 % par rapport à 2020 (soit + 31,4 millions d'euro).

Les AE connaissent, en revanche, une baisse, plus nette (- 35,6 millions d'euros soit - 1,2 % ) après l'augmentation de 178,5 millions d'euros de l'an dernier.

Le différentiel existant entre les AE et les CP tient à des facteurs particuliers liés notamment à l'exécution du budget agricole européen et à la pluriannualité qui caractérise plusieurs des interventions au bénéfice des exploitants agricoles.

Ces dernières caractéristiques auront logiquement des impacts importants pour les années à venir, qui doivent voir « se boucler » la programmation financière européenne en cours, dont les crédits de la mission représentent, pour une bonne part, la contrepartie nationale.

Dans ce contexte général, les dotations de chacun des trois programmes de la mission connaissent des évolutions fortement différenciées.

La baisse des dotations du programme 149 atteint 4,8 % pour les autorisations d'engagement et 0,6 % pour les crédits de paiement. Compte tenu d'une inflation anticipée de 0,6 %, les replis en volume sont plus significatifs encore.

Au sein du programme 149, les interventions spécifiquement destinées à soutenir le revenu des agriculteurs (hors crédits de protection sociale, pour la forêt et pour la pêche et hors moyens généraux de mise en oeuvre des politiques publiques) connaissent un repli plus net encore (- 124 millions d'euros pour les autorisations d'engagement, soit - 13,5 % et - 44,2 millions d'euros pour les crédits de paiement, soit 5,2 %). Les dotations « pêche et aquaculture » étant stagnantes, les seules actions disposant d'une programmation budgétaire en expansion sont celles dédiées à la forêt (+ 5,4 millions d'euros), dont la moitié pour renforcer les missions d'intérêt général de l'offcice national des forêts (ONF) et les moyens de mise en oeuvre des politiques publiques (+ 17,9 millions d'euros). Mais, cette augmentation subie correspond à des besoins d'indemnisation non couverts par la programmation en 2020, sans qu'on puisse réellement garantir que les moyens nouveaux suffiront à financer les besoins de 2021.

Le relatif dynamisme de la mission vient du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », avec une progression des dotations de 5,2 % en crédits de paiement (+ 29,8 millions d'euros). Cette évolution est principalement due à des événements subis , qui conduisent à augmenter les prévisions d'indemnisation des agriculteurs, un léger impact du Brexit étant également en cause.

Les crédits du programme support 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » apparaissent également dynamiques (+ 12,5 millions d'euros, soit + 2 %). Cette évolution intervient malgré une nouvelle baisse du plafond d'emplois du programme. Malgré celle-ci, les dépenses de personnel portées par le programme augmentent légèrement (+ 4,6 millions d'euros).

Les évolutions des crédits budgétaires de la mission AAFAR ne rendent pas compte de l'orientation des concours publics aux agriculteurs d'une année sur l'autre. Cette année moins que jamais au vu des dispositifs mis en oeuvre dans le cadre de la situation sanitaire, mais également pour 2021, dans la mesure où une mission « Plan de relance » programme 1,124 milliard d'euros d'autorisations d'engagement et 390 millions d'euros de crédits de paiement au titre de la transition agricole.

Les soutiens à l'agriculture passent majoritairement par d'autres canaux budgétaires (l'Europe, en premier lieu, mais aussi le budget du ministère chargé de l'environnement et de ses opérateurs) ou par des dépenses fiscales ou sociales dont l'apport en revenu pour les agriculteurs est très supérieur à celui des crédits budgétaires. Même si les chiffrages correspondant à ces interventions procèdent d'une évaluation nécessairement hypothétique, particulièrement cette année puisque certains allègements de cotisations sociales, liés à la situation sanitaire, ne sont pas encore systématiquement estimés, une fois pris en compte, ces apports suggèrent une augmentation des transferts en direction des agriculteurs en 2020 et en 2021 plus nette que celle des dotations budgétaires.

Quant aux crédits dégagés pour faire face à la situation de l'agriculture ils ont été jusqu'à présent relativement modestes mais devraient bénéficier des ouvertures au titre du plan de relance en 2021.

Les ouvertures demandées au titre de la mission « Plan de relance »

L'action n° 05 « Transition agricole » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » est dotée de 1,124 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 390 millions d'euros en crédits de paiement. Elle concentre 6,1 % des autorisations d'engagement du programme et 5,9 % de ses crédits de paiement.

À l'échelle des ouvertures de crédits de la mission « plan de relance », les engagements de l'action pèsent 3,1 %, les crédits de paiement 1,8 %, soit un peu plus que la part du plan de relance européen fléché vers l'agriculture.

Les crédits de paiement demandés représentent un peu plus du tiers des autorisations d'engagement, suggérant une montée en charge très progressive de la réalisation des projets. Le plan de relance à supposer qu'il soit pleinement exécuté en 2020 laisserait ainsi près de 734 millions d'euros de restes à payer sur les engagements 2021 au terme de l'exercice.

Le dispositif de performance du programme ne couvre pas spécifiquement les crédits prévus, qui n'y sont inclus qu'à travers l'objectif commun à toutes les actions programmées de consommer la totalité des autorisations d'engagement ouvertes.

On doit le regretter, mais cet état de fait traduit les difficultés à identifier des indicateurs synthétiques de réussite de la transition agro-écologique dans le domaine agricole.

Pas moins de dix-huit sous-actions sont envisagées de sorte que le volet agro-écologique du plan de relance est d'emblée affecté d'une réelle dispersion.

Dans ce contexte d'ensemble, les dépenses d'intervention se taillent la part du lion (385 millions d'euros, soit près de 99 % des dotations) aucune provision pour dépenses de personnel n'étant inscrite. Les transferts aux entreprises absorberaient 80 % des crédits d'intervention, les collectivités territoriales en concentrant 20 %.

Le plan est principalement axé sur les productions végétales, les mesures en faveur des filières animales paraissant de second ordre dans un contexte marqué toutefois par une forme d'illisibilité de certains types d'intervention du point de vue de leur répartition entre filières.

Les seules actions identifiées comme fléchées vers les filières animales ne sont globalement pas destinées aux éleveurs, qui ne seraient bénéficiaires que de 20 millions d'euros au titre des fonds mis en place pour élever les garanties sanitaires des exploitations. Mais la consommation de cette enveloppe est censée passer par un contrat avec les régions axé sur la recherche et la formation pour prévenir les maladies animales de sorte que l'impact en exploitation devrait être assez indirect. Par comparaison, 25 millions d'euros sont provisionnés pour améliorer les chaînes d'abattage avec là également un accent mis sur la formation.

Les filières végétales sont en première analyse mieux loties. Un peu plus de 107 millions d'euros sont prévus pour financer le développement des agro-équipements. Une prime à la conversion serait offerte aux exploitants qui s'engageraient dans des plans de réduction de la consommation de produits phytosanitaires ou de modifications des conditions culturales pour acheter des agro-équipements (71 millions d'euros). Une aide à l'investissement pour lutter contre les effets du changement climatique est prévue (32,5 millions d'euros). Un plan « protéines végétales » est doté de 38 millions d'euros en crédits de paiement (100 millions d'euros en autorisations d'engagement), un déficit de protéines végétales produites en France ayant été particulièrement subi pendant la crise. Mais, les conditions économiques d'un développement de l'offre nationale sont assez incertaines au vu des avantages comparatifs mobilisés par nos concurrents, en particulier au regard du recours aux biotechnologies.

Ces lignes budgétaires couvrent ainsi les divers risques écologiques identifiés par la littérature.

Leur portée incitatrice est impalpable au vu des inconnues affectant les conditionnalités d'accès aux aides et des situations très diverses que connaissent les cultivateurs d'un point de vue financier et économique.

80 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la forêt, soit un cinquième des crédits de paiement. Sur cette enveloppe 60 millions d'euros sont censés couvrir l'ensemble des thématiques traditionnelles et actuelles de la forêt française, entre parcellisation excessive et vulnérabilité sanitaire, les forêts bénéficiaires étant publiques ou privées. La technologie Lidar serait soutenue par une enveloppe de 22 millions d'euros dans le but d'améliorer la connaissance des situations sylvicoles.

Quant aux transferts aux collectivités territoriales, 80 millions d'euros sont prévus, avec quatre perspectives touchant les cantines scolaires, les projets alimentaires territoriaux, le développement de jardins partagés et l'alimentation sociale et solidaire, qui absorberait 30 millions d'euros. Les opérations mentionnées sont certes toutes respectables mais les conditions dans lesquelles les crédits dégagés sont susceptibles de mordre sur le réel sont probablement assez diverses.

Il faut enfin mentionner les dotations destinées à la structuration des filières (16,5 millions d'euros), dont la répartition n'est donnée qu'à titre indicatif. On peut s'étonner que soit mentionnée l'installation, non par défaut de besoins - ils sont grands- mais du fait de la réduction des crédits destinés à la dotation jeunes agriculteurs dans le budget de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Les 2,5 millions d'euros destinés à abonder le fonds avenir Bio ne sont certainement pas à écarter par principe dans la mesure où le développement de l'agriculture biologique se heurte à des limites de capacités de l'aval. Mais, les conditions de gestion du fonds peuvent conduire à une certaine perplexité. Celle-ci n'est pas moindre s'agissant des 5 millions d'euros alloués à un plan de communication.

Au total, l'information budgétaire ne permet pas de proposer une évaluation ex ante d'un ensemble de dispositifs qui tout en affichant une intention de « technologisation « de l'agriculture ne comporte que peu d'indications sur sa faisabilité immédiate évidemment dépendante de l'existence des technologies supposées et encore moins sur l'impact concret de dispositifs qui ne seront mobilisables que sous certaines conditions économiques.

L'article premier de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt énonce les objectifs de la politique agricole de la France.

Très légitimement, ils ne manquent pas d'ambition. Pourtant, confrontés à la réalité et appréciés au regard des réalisations, ils apparaissent aujourd'hui presque comme des idéalisations, auxquelles la politique agricole doit mieux restituer leurs chances de se concrétiser effectivement.

Une ambition minimale consiste à réunir les conditions d'une protection des exploitations contre les crises récurrentes auxquelles l'agriculture est exposée.

La programmation pour 2021 ne traduit pas cette exigence minimale. Quant aux ambitions plus positives, elles n'ont pas trouvé leurs résultats ces dernières années. Pour certaines d'entre elles, ceux-ci sont moins « loin du compte » que pour d'autres, mais des faiblesses structurelles et celles des moyens consacrés à ces ambitions ont abouti à une situation globalement dégradée de l'agriculture.

Face à cette situation, le programme 149 (les deux tiers des crédits de la mission mais moins de 10 % des concours publics à l'agriculture), qui, pour l'essentiel, correspond à la composante nationale de la politique agricole dans sa vocation de soutien et de développement des acteurs du secteur face à des défis particulièrement lourds auxquels ils sont confrontés, demeure inerte, prolongeant le creusement d'un retard à prendre les mesures vigoureuses qu'impose l'état de certains pans de notre base de production agricole et les objectifs de transition agro-écologique.

I. UNE CONJONCTURE PLUS QUE DIFFICILE QUI JUSTIFIERAIT UN SOUTIEN PUBLIC TRÈS DÉTERMINÉ

Après une année 2018 marquée par une forme d'embellie, l'exercice 2019 a été nettement plus difficile. Quant à l'année 2020 et à sa suivante, il est inutile de souligner combien elles sont incertaines. Les données disponibles sont contradictoires, même si elles suggèrent une moindre dégradation que pour les autres secteurs économiques.

À supposer qu'il en soit réellement ainsi, cette perspective, qui se plaque sur un exercice 2019 difficile, n'est guère rassurante au vu de la très grande vulnérabilité de pans entiers de notre base de production agricole, particulièrement concernée par les soutiens réunis dans la mission AAFAR.

Face à la situation que traverse l'agriculture, un constat s'impose : la branche agricole n'a pas été particulièrement soutenue dans le contexte de 2020. Encore faut-il souligner l'opacité de certaines des informations sur lesquelles le Gouvernement a jusqu'à présent communiqué, opacité qui empêchent de disposer d'une information minimale sur les conditions de l'exécution budgétaire en 2020 et sur ses prolongements pour 2021.

A. UNE CONJONCTURE PLUS QUE DIFFICILE ET DES FRAGILITÉS STRUCTURELLES

L'agriculture française vient de subir des années de crises qui ont touché les différentes filières. Certaines d'entre elles sont liées à des évolutions du contexte économique ou géopolitique, d'autres à des événements climatiques ou sanitaires plus ou moins spécifiques à la France.

Les crises se sont plaquées sur une « Ferme France » qui rencontre des difficultés à persister dans son modèle d'agriculture diversifiée et dont la plupart des acteurs subissent des revenus trop bas. L'année 2018 a manifesté une certaine embellie que l'année 2019 n'a pas confirmée.

La valeur ajoutée agricole a diminué de 4,3 % en termes réels, les évolutions étant fortement différenciées selon les spécialisations agricoles.

La situation sanitaire qui prévaut est présentée comme n'ayant pas eu d'impact global majeur pour la branche. Cependant, les données de la note de conjoncture de l'INSEE sur lesquelles s'appuient ce diagnostic sont provisoires et la persistance des facteurs conjoncturels de soutien sont incertains. Par ailleurs, des effets sectoriels massifs sont à souligner, en particulier pour la viticulture qui représente traditionnellement un point fort de l'économie agricole française, en particulier à l'exportation.

1. Des revenus très fragiles

De la production à la valeur ajoutée
Évolution 2019/2018

Source : comptes prévisionnels de l'agriculture pour 2019; INSEE

La production agricole (hors subventions) rétrograde en volume (- 1,2 %) de façon homothétique entre les productions animales et végétales.

La capacité des producteurs à valoriser les volumes se révèle toutefois très inégale, les prix des produits dépendants étroitement des marchés agricoles mondiaux.

Si ceux-ci connaissent des tensions sur les produits animaux, qui permettent aux producteurs de compenser les pertes subies sur les volumes, il n'en va pas de même pour les productions végétales. Les prix baissent et même très nettement pour les céréales, dont les volumes se révèlent toutefois très dynamiques.

Les évolutions sectorielles sont disparates : défavorables pour le vin, plutôt convenables pour les légumes.

Variation de la production agricole hors subventions entre 2018 et 2019

(en milliards d'euros)

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

Ces données peuvent être resituées dans un contexte récemment marqué par une année 2016 catastrophique, le redressement ultérieur important en 2018 ayant fait long feu en 2019 à l'ouverture de la crise sanitaire en cours.

Évolution de la production agricole hors subvention entre 2018 et 2019

(en %)

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

Au total, les productions animales ont moins rebondi que les produits végétaux.

Évolution de la production agricole hors subvention entre 2015 et 2018
par grand type de production

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

Dans ce cadre, certaines productions subissent des évolutions très inquiétantes.

Pour les végétaux, il en va ainsi pour les oléagineux et les betteraves.

Évolution de la production de plantes industrielles entre 2018 et 2019

* Part de chaque produit dans la valeur de la production de céréales de 2017.

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

En revanche, l'année 2019 a été plutôt favorable aux céréales, les volumes de production étant dynamiques, mais dans un contexte de prix plutôt déprimés.

L'année précédente, les effets de la sécheresse avaient été profonds avec un impact considérable sur les rendements. Les pertes brutes correspondantes se seraient chiffrées en milliards d'euros 2 ( * ) .

Comme l'année 2020 a été marquée au contraire par des épisodes sévères de sécheresse, il convient de garder à l'esprit ces ordres de grandeur pour apprécier les ressources, notamment budgétaires, disponibles en 2020 pour y faire face.

Quant à la viticulture après une bonne année 2018, elle a subi en 2019 une crise profonde.

Évolution de la production de vins entre 2018 et 2019

* Part de chaque produit dans la valeur de la production de vins de 2017.

** Vin calme et champagne produits par les récoltants manipulants (activité secondaire).

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

La réduction du volume des consommations intermédiaires (- 0,9 %) a été plus modérée que celle de la production. Par ailleurs, elle n'a pas effacé les hausses de prix si bien que les consommations intermédiaires ont pesé sur les résultats des exploitations.

La baisse du volume consommé est attribuable aux engrais et aux dépenses vétérinaires, cette dernière évolution n'étant pas particulièrement souhaitable au vu des risques sanitaires. En revanche, l'emploi des pesticides est resté stable. On est donc assez loin de trouver dans les données comptables la trace d'une transition agro-écologique, constat qui se retrouve dans les indicateurs de performance de la mission (voir infra ). Ces évolutions ne témoignent pas que la progression des surfaces en bio produise encore des effets significatifs.

Évolution de la valeur ajoutée brute de la branche agricole entre 2017 et 2018

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

Le redressement de la valeur ajoutée agricole en 2018 avait permis à cette dernière de dépasser son niveau de l'an 2000 pour la première fois depuis 20 ans. En 2019, un repli intervient.

On peut s'en réjouir mais il faut constater la stagnation structurelle de la valeur ajoutée brute de l'agriculture.

Évolution de la valeur ajoutée agricole depuis 2010

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

La valeur ajoutée au coût des facteurs 3 ( * ) se replie de 4,6 % un peu moins que la valeur ajoutée brute. Elle atteint 4,3 % rapportée au nombre des actifs de la branche, ces derniers ayant connu une contraction (- 1,5 %).

Le quasi-maintien des subventions d'exploitation a amorti légèrement le choc de création de valeur.

Contributions à l'évolution de la valeur ajoutée au prix des facteurs
entre 2018 et 2019

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

Les subventions d'exploitation ont reculé mais peu (- 10 millions d'euros) entre 2018 et 2019.

Évolution des subventions à l'exploitation attribuées à la branche agricole

Source : comptes prévisionnels de l'agriculture pour 2019 ; INSEE

La principale évolution concerne les indemnités au titre des calamités agricoles, qui reculent de près de 35 millions d'euros après avoir atteint un niveau très élevé en 2018. Cette baisse semble devoir être provisoire si l'on en juge par les charges que devrait supporter le budget agricole en 2020 et, sans doute, 2021, et devoir être imputée à des reports de charges de l'exercice 2019 sur l'année 2020 (voir infra ).

Les autres lignes de soutien restent à peu près stables.

Il faut ici observer que le décompte des subventions est réalisé sur la base des droits constatés, de sorte que des écarts importants peuvent exister entre les subventions ainsi comptabilisées et les versements réellement effectués, tels qu'ils sont comptabilisés en comptabilité budgétaire. En effet, les paiements effectifs des interventions agricoles ont connu ces dernières années une chronique particulièrement chaotique, que l'enregistrement en droits constatés conduit à effacer (voir infra ).

Au demeurant, la documentation budgétaire rend en partie compte de ce décalage à travers l'exposé des engagements restant à payer. Ils s'élevaient à plus d'un milliard d'euros à fin 2019.

Une fois comptabilisée l'obsolescence des immobilisations (environ 10,8 milliards en 2019), la valeur ajoutée nette de la branche agricole atteint 21,1 milliards d'euros.

Elle s'accompagne d'une dégradation des résultats de la branche agricole en 2019, qui reculent de 1,7 milliard d'euros.

Évolution du résultat de la branche agricole entre 2018 et 2019

(en %)

(en millions d'euros)

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

Cette évolution n'a pas induit jusqu'à présent de baisse de l'investissement. Toutefois, la courbe semble s'aplatir.

Évolution de la formation brute de capital fixe de la branche agricole
depuis 2010

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

Si la tendance à la chute du taux d'investissement des exploitations agricoles a connu une inversion à partir de 2018, la réaction de l'investissement à l'évolution des revenus qui se fait avec retard pourrait susiciter une nouvelle fois une baisse de la formation de capital fixe.

Évolution du taux d'investissement de la branche agricole depuis 2010

* FBCF : formation brute de capital fixe, VABCF : valeur ajoutée brute au coût des facteurs.

Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté en juin 2020

La langueur structurelle de l'investissement agricole nécessiterait une analyse approfondie que les rapporteurs spéciaux appellent de leurs voeux, comme pour la baisse du volume de production.

Le revenu des exploitants agricoles 4 ( * ) , malgré sa dispersion, tend à se polariser sur de très faibles valeurs. Il est dommage que la commission des comptes de l'agriculture ne publie apparemment plus ces données, que les rapporteurs spéciaux ont obtenu à travers leur questionnaire.

Dispersion des résultats nets des exploitations par spécialité agricole

(en euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le résultat médian (la moitié des actifs gagnent plus, l'autre moitié moins) par actif non salarié n'est pas négligeable puisqu'il atteint 31 300 euros (2 608 euros par mois). Mais, si le quart supérieur de la distribution obtient un résultat supérieur à 39 200 euros, le quart inférieur dégage moins de 7 450 euros en 2018.

On retrouve les effets de cette dispersion dans le fait que le résultat courant moyen avant impôt se situe nettement en-deçà du résultat médian (13 500 euros). Si plus de la moitié des exploitants gagnent plus que la moyenne, cette dernière est tirée vers le bas par la situation d'exploitations dégageant très peu de revenus.

Par rapport aux données pour 2017, la dispersion s'est accentuée en 2018, année de relatif dynamisme : les revenus du haut de la distribution ont augmenté, ceux du bas ont baissé.

Ceci paraît établir une corrélation entre les phases hautes du cycle et la dispersion des revenus au profit des exploitations les plus solides économiquement et aux dépens des autres.

Elle pourrait résulter des amortisseurs fiscaux et sociaux qui exercent sans doute des effets asymétriques entre exploitations.

On relève également que l'agriculture n'a rien d'uniforme au regard de la formation des revenus. Elle diffère très sensiblement selon la spécialité et la dispersion au sein de chacune de ces spécialités est elle-même très contrastée.

Le rapport interquantile est ainsi particulièrement fort dans les céréales, la viticulture ou le maraîchage. Encore faut-il supposer que sur la base d'une distribution plus fine, les écarts seraient bien plus considérables.

En bref, la base de production agricole du pays est constituée en réalité de structures très hétéroclites économiquement et financièrement.

Ceci conduit à évoquer l'impact majeur des subventions, en particulier pour la survie de nombreuses unités de production.

Hors subventions, la moitié des exploitations dégageaient un revenu avant impôt négatif. Le revenu moyen sans subvention est lourdement négatif pour certaines spécialisations (- 25 413 euros pour les bovins viande). Une fois incluses les subventions, 87 % des exploitations ont un RCAI positif, mais qui demeure faible pour une proportion considérable des agriculteurs.

Impact des subventions sur les revenus agricoles en 2018

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Dans ces conditions, si les soutiens publics apportent une contribution indispensable et importante à la pérennité d'une large fraction des entreprises agricoles (elles permettent de multiplier par un facteur 3 le revenu moyen avec des apports très diversifiés selon les spécialités agricoles), ils ne permettent pas nécessairement de redresser l'investissement de la branche agricole, qui dépend in fine d'une trop faible proportion des exploitations.

2. L'impact de la situation sanitaire : contrastes et incertitudes

Les impacts de la crise sanitaire en termes de production semblent avoir été très différents d'une filière à l'autre. Si la production semble avoir témoigné d'une certaine résilience, des secteurs ont été particulièrement touchés.

Il en est allé ainsi pour le secteur viticole qui a été particulièrement affecté ainsi que pour les fournisseurs de la restauration hors domicile, parmi lesquels les producteurs de pommes de terre. Par ailleurs, des évolutions négatives pouvant sembler marginales exposent des exploitations fragiles à de très forts risques de pérennité.

Dans ce contexte où le Gouvernement a tendu à évoquer les enjeux de la souveraineté alimentaire, il est intéressant de confronter les analyses conjoncturelles transmises aux rapporteurs spéciaux et cette thématique, à celles proposées à chaud par l'OCDE, qui avait pu en tirer des recommandations plus structurelles, à la portée sans doute assez inégale mais globalement contradictoires avec celles avancées par le Gouvernement.

Quoi qu'il en soit, face à ce choc, la réponse du Gouvernement n'a pas particulièrement ciblé les exploitations agricoles, ce qui peut être de nature à aggraver des situations particulières, notamment pour les entreprises les plus fragiles. Il faut ajouter une forme de confusion quant aux imputations des réponses de crise aux différents véhicules budgétaires apparus en cours d'année. Cette situation jette un trouble sur les conditions de l'exécution budgétaire du programme 149 en 2020 et au-delà.

a) Une souveraineté alimentaire en question

Impacts de la situation sanitaire par filière

Lait et produits laitiers

Pour les filières laitières (bovine, ovine et caprine), la crise est tombée au moment du pic de production annuel. À cette période de l'année, les outils logistiques sont déjà saturés par le traitement des volumes produits. La gestion des volumes excédentaires face à des outils saturés, et parfois en manque de main d'oeuvre du fait des arrêts de travail, a demandé une réorganisation importante mais les arrêts de collecte ont pu être évités. L'interprofession laitière (CNIEL) a mis en place au mois d'avril un dispositif de soutien aux producteurs réduisant leur collecte de 2 à 5%.

Au total , 22 000 exploitations ont bénéficié de ce soutien (soit près de 40 % des éleveurs laitiers), ce qui a permis d'alléger la collecte de 48 millions de litres au mois d'avril 2020. Les acheteurs ont également demandé à leurs producteurs de réduire leur collecte.

La collecte a ainsi été réduite notamment dans le Grand Ouest (- 0,7 % en avril 2020 par rapport à avril 2019).

Pour les trois filières laitières, la crise a eu un impact sur les débouchés avec la fermeture de la restauration hors domicile (RHD), des marchés de plein air, des rayons à la coupe dans les grandes et moyennes surfaces. Les conséquences pour les industries laitières et les producteurs sont extrêmement variables. Certains transformateurs ont disposé d'outils permettant de transformer le lait en denrées de longue conservation comme la poudre de lait ou les fromages de garde (le lait ne se stocke pas), quand d'autres n'ont pu que revendre (souvent à bas prix) leurs volumes de lait excédentaires. Pour certains cette crise a pu offrir des opportunités quand d'autres ont connu une diminution de leurs chiffres d'affaires, souvent les producteurs fermiers qui vendaient sur les marchés ou des petites entreprises de filières sous SIQO (Signes d'identification de la qualité et de l'origine).

Plus particulièrement pour le lait de vache, près de 5 % du volume du lait produit annuellement est destiné à la RHD, cette part est brutalement tombée proche de zéro. Les hausses de consommation des ménages ont généralement compensé ces volumes mais les fournisseurs ne sont pas les mêmes. Les ménages se sont concentrés sur les produits de grande consommation, laissant moins de place à certains segments comme les fromages sous signe de qualité. Par ailleurs, les exportations, qui représentent près de 40 % du volume de lait de vache produit, ont pu être affectées (depuis le mois de janvier vers la Chine) par des problèmes logistiques ou ont fait face à des surcoûts liés aux nécessaires réorganisations des flux.

Dans ce contexte, le prix moyen européen de la poudre de lait écrémé a perdu pendant la crise 700 €/t, passant de 2 600 €/t [cotation française 2 450 €/t] à 1 900 €/t [1 870 €/t en France] et le beurre 800 €/t passant de 3 600 €/t [cotation française 3 350 €/t] à 2 800 €/t [2 600 €/t en France].

Les cours sont toutefois remontés et se sont stabilisés fin juillet à 2090 €/t pour la poudre et 3360 €/t pour le beurre notamment sous l'effet de la mise en oeuvre des mesures d'aides au stockage privé et de la reprise des exportations. Le prix du lait standard (sans les primes à la qualité) conventionnel en France s'est replié à 320 €/1 000 l en mai 2020 passant à 7 € en dessous du prix de 2019 mais restant supérieur à celui de 2018. Le prix réel du lait conventionnel (incluant les primes à la qualité) atteint 339 €/1000 l en mai 2020 soit un repli de 10 € par rapport à mai 2019.

Viandes et productions animales spécialisées

D'une manière générale pour les filières viandes, la situation est aussi très contrastée.

Pour la viande bovine, la consommation a été soutenue durant la période du confinement, grâce à un bon report des achats des ménages en grande et moyenne surfaces. Cette consommation s'est toutefois portée principalement sur la viande hachée en hausse pendant le confinement de 35% pour la viande hachée fraîche et 55% pour la viande hachée surgelée. Depuis la fin du confinement, la consommation moyenne reste nettement supérieure à 2019 (+ 14% pour le frais et le surgelé). Cette évolution a conduit à un déséquilibre carcasse et une meilleure valorisation relative des vaches laitières par rapport aux vaches allaitantes.

La consommation en RHD a repris depuis la fin du confinement, ce qui conduit à une hausse généralisée des cours des vaches. Les abattages de jeunes bovins augmentent, réduisant le surstock sur pieds créé pendant le confinement, mais le surplus d'offre en jeunes bovins en Europe et la difficulté à l'export ont entraîné une baisse des prix pour ces animaux.

Pour la viande de veau , la fermeture des infrastructures de restauration hors domicile a eu un important impact : le report des volumes privés de ce débouché a été notablement moins important que pour d'autres filières. Cette forte diminution de la demande alors que l'offre atteignait son pic (en raison de la saisonnalité de la production) a conduit à une baisse importante des prix que la réouverture progressive de la RHD semble avoir stoppée. Le niveau des stocks demeure néanmoins élevé, et les cours à un niveau bas.

Pour la viande ovine , le confinement a correspondu au pic saisonnier de production et de consommation de viande d'agneau (période de Pâques). La fermeture de la majorité des opérateurs du secteur de la restauration hors domicile et d'un nombre important de marchés a notamment impacté négativement le segment « labels » sur lequel la production française est plus particulièrement représentée, mais a été partiellement compensée par un report des achats alimentaires des ménages en grande distribution. La filière agneau s'est adaptée à cette brusque évolution du marché : report vers des circuits alternatifs de distribution (ventes à la ferme, livraison, drive fermier...), campagne de promotion, réduction des importations, modification des découpes proposées. En revanche, les prix payés aux producteurs pendant le pic de Pâques ont été plus faibles qu'en 2019 (6,18 €/kg, contre 6,60 €/kg en 2019). Les cotations sont remontées après Pâques, de manière atypique, et se stabilisent à 6,50 €/kg, traduisant une demande restée dynamique notamment en lien avec le Ramadan, et s'expliquant aussi par le recul des importations en mars. Par ailleurs, les données de prix pondérés peuvent masquer des effets différents selon les segments.

Pour la viande caprine, la période de Pâques correspond également aux pics de production, de consommation et de prix annuels. La filière de l'engraissement de chevreaux est très spécifique et a subi d'importantes difficultés directement liées au confinement. Une cinquantaine d'éleveurs engraisseurs jouent un rôle clé dans la filière en assurant un débouché pour 400 à 500 000 chevreaux chaque année. Leur revenu est habituellement assuré grâce au sursaut de prix de la période de Pâques et les baisses constatées cette année (2,7 €/kg contre 3,4 €/kg une année normale) impacteront mécaniquement le revenu 2020.

Pour la viande de porc , les principaux cours européens ont subi des baisses à partir du mois d'avril, c'est-à-dire dans un second temps par rapport au début de la crise sanitaire et de la mise en place des mesures de confinement. En France, le prix au marché de Plérin, stable en début de crise, s'élevait à 1,52 €/kg. Il a ensuite baissé, pour atteindre 1,35 €/kg (contre 1,65 €/kg en moyenne 2019, année atypique au regard de la moyenne 2015-2018), en raison de perturbations de débouchés, même si le report de la restauration hors domicile (RHD) vers les grandes et moyennes surfaces (GMS) a été plutôt efficace, d'évolutions dans la structure de la consommation (les ménages optant plutôt pour les pièces bon marché et/ou faciles à cuisiner), et de la concurrence sur le marché chinois par les exportations des États-Unis, où les volumes étaient plus importants et les prix fortement à la baisse ...) et s'est stabilisé à ce niveau. En cumul, sur les six premiers mois de 2020 comparés à la même période de 2019, les abattages en France limitent leur reflux (- 0,6 % en volume, - 1,1 % en têtes) malgré les fermetures ponctuelles d'abattoirs liées à la Covid-19. La moyenne du prix de base au marché du porc de Plérin s'élève à 1,46 €/kg, en hausse de 10 % par rapport à 2019, ce qui représente un prix payé aux producteurs d'environ 1,63 €/kg une fois affectées les primes diverses, au-delà du coût de production établi par l'interprofession sur la base de 2 SMIC.

Pour la volaille et le lapin, les mises en place, ainsi que les abattages ont baissé. Les principales filières, poulet et dinde, ont pu reporter leurs ventes en GMS sans toutefois atteindre l'équilibre matière. Les petites espèces dont la diversité est une particularité française, sont quant à elles particulièrement impactées : la filière canards à rôtir (les éclosions ont baissé de - 26,4 % en avril 2020 par rapport à avril 2019), la filière canards gras (baisse de - 42 %), la filière pintade (baisse de - 27,2 %), la filière cailles et la filière pigeon. Il s'agit des espèces pour lesquelles le débouché RHD peut représenter jusqu'à 90 % des ventes, et pour lesquelles il n'y a pour ainsi dire pas eu de report sur la demande des ménages, pour qui ces produits peuvent être considérés comme festifs. Les impacts du confinement sur ces productions n'ont pas été immédiatement visibles, du fait du cycle d'élevage particulièrement court : les mises en place dans ces élevages continuent à être espacées, entrainant encore aujourd'hui des baisses conséquentes de revenus dans les élevages. Pour la filière oeufs, la consommation à domicile a progressé fortement notamment pour les élevages plein air (+ 11 %), bio (+ 22 %), au sol (+ 160 %), tirant les prix vers le haut (9,20 €/100 oeufs M en semaine 20) pour baisser depuis la fin du confinement à 7,05 € fin juin.

L'impact de la crise sanitaire sur la filière apicole s'apprécie de manière très nuancée et ne semble pas - de manière générale - avoir représenté un obstacle majeur à la pratique de cette activité. Certaines difficultés ponctuelles ont néanmoins été relevées en termes d'approvisionnement (cartons, étiquettes...) et de ventes de produits apicoles en particulier en vente directe.

Vin et autres boissons

La filière vitivinicole a subi pendant la période de confinement une forte baisse de la demande avec l'arrêt de la consommation hors domicile, la fermeture d'une grande partie des lieux de vente et des événements publics et la fermeture des marchés export. Les organisations interprofessionnelles estiment à ce stade la perte de chiffre d'affaires pour la filière à 50 % sur cette période 5 ( * ) . Selon les vignerons indépendants, particulièrement dépendants de la vente directe et des salons pour la commercialisation, ces pertes s'élèveraient à - 51 % de chiffre d'affaires sur le mois de mars et - 72 % sur le mois d'avril.

La période de confinement a vu une très forte baisse des volumes échangés : - 75 % sur la période par rapport à la même période de 2019 (source : FAM, semaines 12 à 20). Toutefois, les échanges en volumes sont repartis à la hausse à partir de la mi-mai, à des niveaux supérieurs à ceux de la même période de la campagne précédente.

Sur les 4 premiers mois de l'année 2020, le recul des volumes (-16% vs avril 2019) et des valeurs (- 36 % vs avril 2019) des exportations françaises de vins sur ses 5 principaux marchés, déjà observé sur le mois de mars, s'accentue. Les mesures de confinement mises en place dans de nombreux pays en réponse à la crise sanitaire du coronavirus entraînent notamment la fermeture du circuit cafés, hôtels, restaurants (CHR), dans lequel les vins français sont bien représentés, ce qui pénalise fortement les exportations, notamment de vins effervescents. L'impact de la crise sanitaire sur les échanges de vins s'ajoute aux difficultés rencontrées par les exportations françaises en amont (taxes TRUMP aux États-Unis, constitution de stocks au Royaume-Uni début 2019). Toutefois, sur le mois d'avril 2020, certains pays comme le Canada, le Japon et la Suède sont dynamiques en volume. Enfin, la phase de confinement a été marquée par une contraction de la consommation surtout sur les vins IG, les vins SIG résistant mieux ; dans la grande distribution, la baisse des ventes a été constante pour les vins tranquilles (-4% à -13% selon les semaines) mais très forte pour les vins effervescents notamment le Champagne (- 61 % des ventes en valeur, pour le mois d'avril). Les ventes de vins tranquilles en grande distribution sur les quatre premiers mois de l'année sont en recul en volume et, pour la première fois, de manière plus marquée en valeur. Cette dévalorisation inédite est liée à des changements dans les comportements d'achat des consommateurs, pendant la période de confinement. En effet, les consommateurs ont fait davantage attention à leurs dépenses, se tournant vers des produits moins chers. Ainsi, entre le 06/01/20 et le 26/04/20 et plus particulièrement sur les mois de mars et d'avril, on observe une augmentation des ventes des vins IGP, des vins conditionnés en Bag-in-Box et des vins vendus sous Marques De Distributeurs. Suivant cette logique, les ventes de vins rosés ont augmenté sur cette période, favorisées par une météo ensoleillée.

La filière cidricole a alerté sur une baisse du chiffre d'affaires principalement pour les petites cidreries (< à 100 k€) du fait de la baisse des ventes en GMS, de la fermeture des CHR (Cafés, Restaurants, Hôtels), RHD (dont les crêperies), des marchés, de l'arrêt du tourisme et des exportations.

Le syndicat des brasseurs indépendants, sur la base d'une enquête auprès de ses adhérents, indique que 70 % des brasseries indépendantes estiment qu'elles vont perdre plus de 50 % de leur chiffre d'affaires annuel et 30 % des brasseries estiment qu'elles vont perdre plus de 80 % de leur chiffre d'affaires.

Les mesures annoncées sur la distillation et mises en oeuvre dans plusieurs États membres pourront avoir un effet positif sur l'équilibre des marchés (cf infra).

Fruits, légumes et produits horticoles

Pour la filière des fruits et légumes, les impacts sont distincts selon les produits. Depuis le début du confinement, les consommateurs se sont montrés très intéressés par les produits frais, notamment emballés et l'offre française a été mise en avant par la distribution.

La progression des achats des ménages a profité aux légumes frais (+20% en avril) et dans une moindre mesure aux fruits frais (+15%). De ce fait, les prix des principaux produits sont restés à des niveaux supérieurs à ceux des années précédentes pour les principaux produits malgré une entrée en crise conjoncturelle sur quelques jours pour la fraise et l'asperge, en début de période de confinement et la tomate cerise fin mai.

La filière horticole a été durement impactée par la crise Covid, compte tenu des décisions de fermeture administrative des lieux de vente (fleuristes, jardineries, marchés), même si les assouplissements intervenus en avril s'agissant des jardineries ont permis d'atténuer leur effet. Les entreprises de cette filière font en moyenne 70 % de leur chiffre d'affaires annuel sur les mois de mars, avril et juin. Les pertes en production horticole et pépinières sont estimées à 195 millions d'euros sur la période du confinement, dont 50 millions d'euros de destructions de produits. Des analyses hebdomadaires sont conduites par la FNPHP et une étude spécifique sur les impacts, commandée par Val'hor et en partie financée par FranceAgriMer, est en cours de réalisation par un prestataire. Le déconfinement a permis d'amorcer un retour à la normale et un rattrapage des ventes a pu être observé sur les premiers jours du mois de juin (+ 20 % des ventes par rapport à l'année dernière pour la fête des mères).

Pour la filière de la pomme de terre, il convient de distinguer la pomme de terre de consommation qui a plutôt bénéficié du confinement, de la pomme de terre de transformation, destinée notamment à la fabrication de frites, qui a été fortement impactée par la fermeture de la restauration hors domicile (RHD), la RHD représentant 50 % du marché de la pomme de terre transformée en France. En l'absence de débouchés, plusieurs usines de transformation ont stoppé leur activité. Aussi, fin juin, un volume important de pommes de terre de la récolte 2019 (entre 110 000 et 120 000 tonnes) restait en attente de transformation.

Pour la filière de la banane, depuis le début de la crise, la demande est restée soutenue sur le marché français, ce fruit étant perçu comme un produit « refuge ». Une nette augmentation de la consommation de banane origine Antilles françaises a notamment été constatée. En outre, la banane a été moins déstabilisée par la réorganisation des canaux de distribution du fait de son positionnement déjà fortement ancré dans la GMS (84 % des ventes de bananes se fait via la GMS contre 75 % en moyenne pour les fruits).

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'OCDE a publié une étude sur l'impact à court, moyen et long terme de la pandémie sur le secteur agro-alimentaire, le 29 avril 2020.

Considérant que l'offre alimentaire demeurait jusqu'alors disponible, l'OCDE n'en relevait pas moins la menace à court terme d'un double choc, d'offre et de demande. Elle invitait les gouvernements à adopter une série de mesures pour le surmonter. Par ailleurs, prolongeant son analyse à plus long terme, l'OCDE formulait des recommandations afin d'améliorer la solidité et l'efficacité du système agro-alimentaire. Certaines de ces recommandations font l'objet d'un bref commentaire dans l'encadré ci-dessous.

Synthèse de l'analyse de l'OCDE (avril 2020)

À court terme, le secteur est menacé par un double choc d'offre et de demande.

Si, globalement, la production primaire ne paraît pas devoir être réduite, les récoltes semblant s'annoncer sous un jour favorable (cependant, en France au moins l'épisode de sécheresse en cours conduit à relativiser cette appréciation) et le secteur n'ayant pas été touché par les mesures de restriction appliquées dans d'autres branches d'activité, l'OCDE relève que les agricultures nécessitant beaucoup de main d'oeuvre sont plus fragiles que les autres dans une période marquée par des limitations volontaires d'activité et par certains déficits de main d'oeuvre subis.

Sont particulièrement mentionnées les agricultures des pays pauvres, mais on peut élargir le point de vue à toutes les productions frappées par un manque de main d'oeuvre. Dans ce contexte la fermeture des frontières handicape sérieusement la production des secteurs à forte saisonnalité, y compris dans l'espace européen.

Le secteur est également confronté à des besoins de stockage élevés qui ne peuvent pas résoudre tous les problèmes d'écoulement ; les marchandises périssables risquent d'être tout simplement perdues.

L'indisponibilité de consommations intermédiaires (engrais, produits phyto pharmaceutiques, semences...) et, pour certains d'entre eux, la perspective d'une hausse des prix créent un risque additionnel. Les restrictions au commerce international accentuent ce risque.

La demande de son côté a déjà connu des modifications significatives. Si l'alimentation en tant que bien de première nécessité ne devrait pas être très élastique à la baisse des revenus (l'OCDE estime que les mesures de confinement font perdre 2 points de production par mois, la réduction des revenus devrait malgré tout exerce un effet à la baisse sur la consommation. Surtout, cette dernière se trouve modifiée avec une part plus élevée de produits de qualité inférieure, au détriment des produits élaborés. Dans ce processus, la suspension de la restauration hors domicile joue un rôle important.

Cette modification pose des problèmes à la chaîne de production dans la mesure où il faut adapter les produits à des consommations individuelles se substituant aux livraisons de gros. Par ailleurs, certaines entreprises spécialisées dans les produits de qualité, ou les produits frais risquent de disparaître, réduisant la base productive d'autant.

L'aval de la production primaire est également touché par ces difficultés et le système dans son ensemble est fragilisé par les difficultés existant pour assurer une infrastructure agricole pleinement sûre.

Selon l'OCDE, l'assouplissement des contrôles sanitaires, décidé ou subi, engendre de ce point de vue un risque considérable, notamment pour les produits faisant l'objet d'échanges internationaux. Ces derniers sont très fortement impactés. Le fret aérien est à l'arrêt ; quant au transport maritime, au moment où les mesures de confinement ont été mises en oeuvre, il semble qu'une proportion très forte des containers maritimes étaient situés en Chine, rendant indisponibles une partie importante des moyens de transport maritime (avec pour effet, dans un grand nombre de cas une envolée du prix des containers).

Pour l'aval de la filière, il existe aussi des problèmes d'accès à des consommations intermédiaires (par exemple le CO 2 utilisé notamment pour réfrigérer les produits)

Face à ces différents chocs, l'OCDE formule plusieurs recommandations de politique publique.

Ces recommandations relèvent de six domaines de préoccupation.

Le maintien d'un commerce international ouvert, transparent et prévisible

L'étude recommande de maintenir la liberté des échanges internationaux et d'améliorer l'information des intervenants. Il s'agit de recommandations assez classiques qui visent à l'atteinte d'un fonctionnement libre et transparent des marchés, afin de retrouver le chemin de l'adéquation entre l'offre et la demande, d'éviter les pratiques spéculatives et de prévenir les stratégies nationales pouvant conduire à des comportements d'offre et de demande déstabilisants.

La portée pratique de la recommandation reste à démontrer.

La minimisation des coûts de transaction évitables liés à la pandémie

Les normes non tarifaires sanitaires internationales ont d'ores et déjà été resserrées. L'OCDE souhaite qu'elles n'aboutissent pas à créer des exigences pouvant s'apparenter à des mesures protectionnistes. Elle recommande donc qu'elles soient fondées sur des données scientifiques, qu'elles ne soient pas discriminatoires, traitant plus sévèrement les produits étrangers que les produits intérieurs et que les meilleurs pratiques puissent être partagées dans un élan de coopération renouvelé.

Là également, la valeur axiologique des recommandations peut être discutée au vu des difficultés scientifiques à envisager avec complétude les dangers sanitaires, et la portée pratique de la recommandation reste à démontrer.

Le desserrement de la contrainte de rareté de la main d'oeuvre

Désigner les salariés du secteur comme d'importance critique ; assouplir les règles de migration (dans le respect des nécessités sanitaires) ; mobiliser les personnes mises au chômage et les étudiants ; assurer la sécurité sanitaire du salariat agricole exposé à une inévitable promiscuité.

Il est intéressant de relever à quel point, selon les analyses de l'OCDE, la main d'oeuvre agricole se trouve mondialisée mais aussi comment l'OCDE considère impossible de garantir le respect des gestes barrières tout au long de la chaîne de production agricole.

Parvenir à la garantie de la qualité sanitaire tout au long de la chaîne de production agricole

Mettre en oeuvre des pratiques de bio-sécurité et en assurer un compte rendu et prévenir toute contamination dans le cas plus spécifique de l'abattage des animaux, notamment sauvages.

Assurer la circulation des produits alimentaires y compris par des voies alternatives

L'OCDE demande l'assouplissement des barrières aux frontières, le recours à des points de distribution non conventionnels et (quand c'est compatible avec la sécurité sanitaire) la flexibilisation des normes, en particulier d'emballage et d'étiquetage.

On ne peut manquer de relever quelques contradictions avec un principe de précaution ferme, celui qui a accouché du confinement.

Porter l'effort sur les populations vulnérables

L'OCDE recommande l'extension de filets de sécurité alimentaire pour les populations les plus vulnérables des pays développés (pauvres soit environ 14 % de la population en France), qui devraient s'accroître.

Mais la situation devrait se détériorer plus encore dans les pays en développement avec de possibles effets sanitaires très graves, propres à la dénutrition.

Les recommandations associées sont assez classiques : protection sociale et coopération internationale.

Enfin, l'étude de l'OCDE s'achève sur une réflexion à plus long terme basée sur la perspective que la pandémie « offre une opportunité pour améliorer la résilience, la soutenabilité et la productivité du secteur agro-alimentaire ».

L'OCDE en appelle à une revue des vulnérabilités et, au contraire, des points de résilience du secteur agro-alimentaire.

Les recommandations de l'OCDE paraissent marquées par une série de conciliations entre des orientations stratégiques apparemment opposées : améliorer la productivité pour nourrir une population mondiale en expansion dans un contexte de réduction des intrants et de changements climatiques, promotion d'une agriculture de proximité mais également d'une agriculture du grand large, etc.

Comme d'habitude, l'accent est mis sur l'investissement (le progrès technologique, mais dont les conditions d'atteinte ne sont jamais réellement énoncées,), sur le libre échange (ce qui est conforme à la théorie du commerce international la plus traditionnelle mais également la plus mise à mal par les événements en cours, si l'on considère les impacts de la situation sanitaire sur les échanges internationaux et la préoccupation renaissante d'améliorer les souverainetés alimentaires nationales).

Il n'en demeure pas moins que l'analyse de l'OCDE peut également être lue comme l'affirmation d'un modèle agricole mixte et d'une approche des questions agricoles qui ne l'est pas moins, un trait saillant de la publication tenant dans la reconnaissance d'une nécessaire combinaison de liberté économique et de pilotage politique (de politique publique en somme), ce qui, s'agissant de l'OCDE, foncièrement libre-échangiste, représente tout de même une évolution sensible du discours.

b) Le sort incertain de l'agriculture dans les différents véhicules budgétaires adoptés en 2020 et prévus pour 2021

Face à la situation, les différents textes budgétaires adoptés en 2020 n'ont que peu pris en compte la situation de l'agriculture.

Les trois lois de finances rectificatives adoptées en 2020 n'ont opéré aucun ajustement spécifique sur les crédits de soutien au secteur agricole de production primaire portés par la mission AAFAR.

Néanmoins, certains des instruments mis en place pourraient bénéficier à l'agriculture, dans des conditions qui mériteraient d'être éclaircies.

Les différents dispositifs généraux mis en oeuvre ne sont pas encore évalués (ce qui contrevient d'ailleurs au disposition de la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020, qui, en particulier, disposait qu'un rapport serait remis pour rendre compte des conditions de mise en oeuvre de l'article 65 de la loi 6 ( * ) portant divers régimes d'exonérations des cotisations et contributions sociales), mais ils n'avaient guère vocation à « mordre » sur le champ agricole.

Dans ce contexte, on mentionnera cependant que la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport publié en septembre 2020 a pu mentionner un chiffre de 90 millions d'euros d'exonérations de cotisations sociales, dont 50 millions d'euros au titre de l'assurance vieillesse des exploitants agricoles, mais dans un contexte où les cotisations sociales brutes, assises sur des revenus antérieur à 2020 (et dynamiques) ont connu une croissance autonome assez forte.

Finalement, le seul article spécifiquement prévu pour les agriculteurs a été l'article 7 de la deuxième loi de finances rectificative qui a permis de mobiliser une partie des fonds de la déduction pour épargne de précaution en aménageant le calendrier des rapports de cette déduction.

Ce dispositif n'a pu exercer que des effets très limités au vu du nombre sans doute assez faible d'entreprises agricoles ayant des disponibilités à ce titre.

Aucun des amendements adoptés par le Sénat pour accompagner les exploitants, en particulier ceux subissant une aggravation exceptionnelle de leurs stocks, n'a été maintenu après l'examen de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 par l'Assemblée nationale.

Cependant, des mesures ont pu intervenir au niveau européen avec des compléments nationaux.

Les mesures sectorielles européennes et nationales de réponse à la crise sanitaire

Au niveau européen , des mesures de crise pour les secteurs les plus impactés et des flexibilités pour mettre en oeuvre les programmes sectoriels de l'Union européenne ont été adoptées.

Pour la filière laitière , dont le pic de production annuel a eu lieu pendant le confinement, la France a obtenu des aides au stockage privé ouvertes par la Commission européenne pour un montant estimé à 24 millions d'euros pour les produits laitiers (12 millions d'euros pour le beurre, 9 millions d'euros pour l'ensemble des fromages, sous signe de qualité ou non, et 3 millions d'euros pour la poudre de lait écrémé) . Ces mesures ont permis un soutien important en trésorerie pour le report de produits sans débouchés, tels que les fromages sous signe de qualité ou destinés à la restauration.

Pour les filières viandes affectées par une baisse de consommation de certains produits, des aides au stockage privé ont été déclenchées au niveau européen pour la viande bovine de plus de 8 mois et pour les viandes ovine et caprine.

Des dérogations exceptionnelles ont également été accordées pour la mise en oeuvre des programmes opérationnels dans le secteur des fruits et légumes.

Par dérogation aux règles du droit de la concurrence, la possibilité a été ouverte notamment aux organisations de producteurs et aux interprofessions de prendre des décisions concertées pour contribuer à la stabilisation des marchés du lait, du vin, de l'horticulture et des pommes de terre. Cette disposition a été mobilisée par l'interprofession laitière comme exposé plus haut.

D'autres mesures spécifiques de promotion décidées au niveau européen sont venues compléter l'ensemble de ces dispositions. La Commission a ainsi lancé deux nouveaux appels à propositions, pour un montant d'aide total de 10 millions d'euros, pour la promotion des produits agricoles issus de filières parmi les plus impactées par la crise : fruits et légumes, vins, horticulture, lait et produits laitiers, pommes de terre de transformation. Ils financeront des actions qui pourront être mises en oeuvre dès cette année.

Dans le même temps et afin d'apporter un appui complémentaire aux secteurs les plus impactés, le Gouvernement a mis en place des mesures nationales spécifiques.

Le secteur horticole a été très impacté avec un arrêt de son activité au printemps. Des pertes et destructions importantes des productions et stocks ont été enregistrées au début du confinement.

Un dispositif exceptionnel visant à l'indemnisation de la destruction de ces végétaux a été mis en place pour un montant total de 25 millions d'euros.

Dans le secteur des fruits et légumes, des mesures de retrait ont été mises en place en urgence pour faciliter la gestion et l'écoulement des productions en crise (asperge, fraise).

La filière viniviticole , pour laquelle les effets de la crise Covid se sont conjugués avec une situation très difficile à l'export depuis plusieurs mois, a bénéficié de mesures de soutien exceptionnelles et spécifiques qui sont venues renforcer ce secteur pour assurer la stabilité du marché et la poursuite de leur activité à hauteur de 245 millions d'euros avec la mise en place d'un dispositif de distillation de crise abondé par des crédits du programme national d'aides viticole et des crédits nationaux à hauteur de 250 millions d'euros, et l'ouverture d'une mesure d'aide au stockage privé complémentaire à la distillation de crise pour une enveloppe de 35 millions d'euros.

S'agissant de la filière cidricole , les deux organisations de producteurs reconnues peuvent bénéficier de mesures prévues dans le cadre de l'organisation commune des marchés des fruits et légumes au titre de la production de pommes à cidre. Elles peuvent notamment activer des mesures de prévention et de gestion de crise telles que les retraits, dès lors qu'elles prévoient de telles mesures dans leur programme opérationnel. Par ailleurs, à la demande de la filière, le Gouvernement prépare un dispositif national de soutien, à hauteur de 2,6 millions d'euros . Une campagne de communication portée par les interprofessions de la filière, av ec le soutien de l'État, est également envisagée pour relancer la consommation de cidre.

Les discussions se poursuivent avec la filière pommes de terre de transformation et la filière brassicole.

Les mesures européennes de stockage pour la filière viande sont complétées au plan national par une mesure ciblée pour la filière chevreaux.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'essentiel des interventions a concerné la filière viticole mais selon certaines estimations les crédits dégagés ne devraient permettre que d'amortir une très profonde crise, la proportion des sinistres couverts étant loin de constituer la totalité de ces derniers, malgré le complément d'aide annoncé tardivement au mois d'août.

Ces éléments peuvent être complétés par les réponses transmises au questionnaire des rapporteurs spéciaux et par les interventions du ministre des comptes publics devant le Sénat, tous éléments qui suscitent une réelle confusion.

En ce qui concerne le questionnaire des rapporteurs spéciaux, il leur a été indiqué que « près de 190 millions d'euros devront être mobilisés sur le programme 149 d'ici la fin de l'année 2020 dans le cadre de mesures de soutien en faveur des filières agricoles » .

Ces informations ont été nuancées par le ministre des comptes publics qui lors de la séance du 16 novembre consacrée à l'examen du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020 a pu indiquer à l'appui de sa demande de retrait d'un amendement portant sur la filière conchylicole que « le secteur de la conchyliculture bénéficie, comme le reste de l'économie, des instruments de droit commun et transversaux, que ce soit le chômage partiel, les reports d'échéances de paiement de cotisations et de contributions sociales, ainsi que le fonds de solidarité, dès lors que les critères, notamment les critères d'activité, sont remplis. Par ailleurs, en 2020, le Gouvernement a mobilisé des aides spécifiques à l'échelon national et à l'échelon européen, pour un montant de 330 millions d'euros pour tout le secteur de l'agriculture. Le secteur de la conchyliculture, s'il était éligible dans les règles communes au secteur agricole, pouvait en bénéficier » .

Questionné sur la mission d'imputation des soutiens mentionnés par le ministre lors de la séance du 24 novembre 2020 par l''un des rapporteurs spéciaux, le ministre des comptes publics a pu préciser que « les crédits évoqués sont portés par la mission « Relance » ».

On rappelle que cette dernière ne vaudra qu'à partir de 2021 de sorte qu'en l'état de la communication du Gouvernement le problème de l'imputation budgétaire d'une fraction des soutiens annoncés pour 2020 demeure entier.

L'on en est réduit à raisonner par hypothèse, la plus probable étant qu'une partie importante des soutiens annoncés se trouvera finalement financée par le programme 149 sur les crédits votés pour 2020, comme indiqué dans la réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

Comme ces crédits n'ont été majorés que de 50 millions d'euros en loi de finances rectificative pour couvrir des impasses de financement liées à l'indemnisation de la sécheresse de 2019, force est de s'interroger sur les lignes budgétaires qui devront subir des prélèvements pour accroître au financement des mesures d'urgence.

On relève que les responsable du programme 149 prévoit une hausse des restes à payer en fin d'exercice 2020 (+ 5,1 %) perspective qui pouvant être liée avec le problème mentionné ci-dessus ne laisse d'étonner au regard des besoins des exploitations agricoles.

3. Une évolution préoccupante de l'emploi agricole, une contribution positive des emplois salariés occasionnels à sauvegarder

L'un des objectifs de la politique agricole est de faire de l'agriculture un vivier d'emplois. À cet égard, les résultats ne sont pas satisfaisants.

Sur longue période, l'emploi agricole recule nettement.

Le rythme du recensement agricole ne permet pas de disposer de données observées mais des estimations sont réalisées à partir des données de la mutualité sociale agricole.

Emploi agricole en France métropolitaine

2010

2016

2017

estimations

Total actifs agricoles

ETP

751 000

702 000

695 000

Total main d'oeuvre permanente

Personnes

966 000

864 000

846 000

ETP

661 000

594 000

584 000

Chefs d'exploitations et coexploitants

Personnes

604 000

552 000

543 000

ETP

446 000

408 000

402 000

Conjoints et autre main d'oeuvre familiale

Personnes

190 000

125 000

116 000

ETP

75 000

47 000

43 000

Salariés permanents

Personnes

172 000

188 000

187 000

ETP

140 000

139 000

139 000

Salariés saisonniers, ETA, Cuma

ETP

91 000

108 000

111 000

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Selon les dernières évolutions publiées par la MSA, en 2018, 833 500 personnes (contre 849 000 personnes en 2017) travaillent à temps plein ou partiel sur l'ensemble des exploitations agricoles de France métropolitaine.

Ces « actifs permanents » représentent 574 500 unités de travail, un volume en baisse de 1,8 % par rapport à 2017.

Les travailleurs saisonniers et les entreprises de travaux agricoles apportent, pour leur part, un volume de travail occasionnel estimé à un peu plus de 98 000 unités de travail annuel (+ 10 % par rapport à 2010).

La perspective d'un renforcement du coût du travail saisonnier, qui, sans être le seul déterminant de ces emplois, en est certainement, de façon directe ou plus indirecte, l'un des moteurs, avait été l'un des signaux les plus inquiétants des projets de loi financiers de l'année 2019 pour l'agriculture.

Malgré les inflexions obtenues, ce signal, qui est également négatif au vu des besoins de la transition agro-écologique, n'a, hélas, pas été entièrement écarté.

La baisse de l'emploi agricole s'est produite dans un contexte de réduction du nombre des exploitations.

En 2016, selon la dernière enquête « Structure » du service statistique du ministère, le nombre d'exploitations agricoles en France métropolitaine est estimé à environ 436 000 exploitations. Parmi celles-ci, 300 000 seulement sont dites « moyennes et grandes » (leur « production brute standard » dépasse 25 000 euros).

Entre 2010 et 2016, le nombre d'exploitations agricoles a baissé de 11 % environ, soit un rythme annuel moyen (- 1,9 % par an) légèrement inférieur à celui de la décennie précédente (- 3% par an), mais qui traduit une forme d'attrition. Au total, en 30 ans, la France a perdu la moitié de ses exploitations agricoles.

Le nombre des petites et moyennes exploitations agricoles reculent de 4 % par an, celui des grandes exploitations agricoles progressant de 2 % l'an. Ces exploitations, qui mobilisent 42 % des effectifs de la branche représentent 87 % de la production agricole.

L'agriculture française connaît ainsi des rythmes de progression de la productivité du travail très disparates et un processus de concentration du potentiel de production qui n'est pas nécessairement compatible avec d'autres objectifs de la politique agricole et de développement rural du pays.

La démographie des exploitants marquée par un net vieillissement annonce le resserrement des problématiques de reprise, qui justifie la mise en oeuvre d'une politique de l'installation. Cependant, les perspectives économiques devraient être stabilisées si l'on souhaite que la base agricole nationale ne connaisse pas de profonde attrition.

Jusqu'à présent, la superficie agricole utilisée (SAU) est, quant à elle, restée globalement stable ces dernières années 7 ( * ) - la taille des exploitations ayant grandi autour de 28,6 millions d'hectares, ce qui constitue un signe évidemment positif. Cependant, si plus des deux tiers sont cultivées, le reste, qui est toujours en herbe pour les pâtures (alpages et prairies permanentes), paraît progresser.

Depuis les années 50, une recomposition de la destination des terres agricoles s'est produite. La surface consacrée aux grandes cultures a augmenté au détriment des cultures fourragères et des cultures permanentes (vignes, vergers), leur part dans la SAU passant de 34 % en 1950 à 45 % en 2019. Les cultures fourragères (prairies), destinées à l'alimentation des animaux, occupent près de la moitié des surfaces agricoles en 2019. Les surfaces de vignes ont fortement diminué au cours des années 80 avec notamment les mesures d'arrachage de vignes à vins de consommation courante.

Ces évolutions, qui pourraient répondre aux inflexions apportées au régime des aides agricoles (développement des MAEC et de l'agriculture biologique) peuvent certes présenter des atouts au regard des externalités de l'agriculture, qui devraient être mieux reconnues, mais sont susceptibles d'avoir des effets plus mitigés sur les capacités productives des surfaces agricoles.

B. LA MISSION AAFAR, UNE CONTRIBUTION SECONDE DANS LES SOUTIENS PUBLICS À L'AGRICULTURE

Pour appréhender l'ensemble des concours publics à l'agriculture, il convient de compléter la considération des crédits de la mission AAFAR par d'autres transferts publics.

Si le budget de la mission englobe des dotations correspondant à d'autres politiques que la politique agricole proprement dite, il n'épuise pas l'ensemble des concours publics à l'agriculture.

Au demeurant, sa contribution aux soutiens publics à l'agriculture suit une tendance à la baisse depuis de nombreuses années, évolution qui n'est pas sans susciter quelques interrogations quant aux équilibres ordonnant le financement de notre politique agricole.

1. Le budget de la mission ne représente que 13,4 % des concours publics à l'agriculture8 ( * ) attendus une fois encore plus dynamiques que les dépenses budgétaires en 2021

Les concours publics à l'agriculture dans le décompte qui en est proposé par la commission des comptes de l'agriculture posent des problèmes de méthode, certaines estimations devant être révisées pour tenir compte de données plus récentes, tandis que l'agrégation de transferts profite directement aux exploitations avec des coûts au bénéfice nettement plus indirects (les contributions employeurs au compte d'affectation spéciale « Pensions », par exemple). Il est néanmoins utile de se référer à la séquence historique des concours publics à l'agriculture, quitte à appliquer certains correctifs.

Les concours publics à l'agriculture entre 2018 et 2021

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En prenant en compte la totalité des crédits de la mission AAFAR 9 ( * ) , convention qui conduit à exagérer les soutiens directement accessibles aux exploitations agricoles, il faut ajouter aux 2,671 milliards d'euros de crédits de paiement demandés pour 2021, de l'ordre de 19,4 milliards d'euros d'autres concours publics 10 ( * ) .

a) Les concours publics à l'agriculture seraient légèrement supérieurs en 2021 au niveau de 2020

Au cours de la période 2017-2019, les concours publics à l'agriculture hors crédits de l'enseignement agricole auront totalisé 58,2 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle de 19,4 milliards d'euros.

En 2021, les concours publics à l'agriculture s'élèveraient à 22,1 milliards d'euros, en progression de 1,5 % par rapport à l'année en cours, soit de l'ordre de 322 millions d'euros.

b) Des dépenses fiscales mal évaluées mais très dynamiques

Avec 1,999 milliard d'euros en 2021 contre 1,832 milliard d'euros en 2020, les transferts procurés par les dépenses fiscales proprement agricoles récapitulées dans le projet annuel de performances progresseraient très fortement, de 9,1 %.

En 2021, ces dépenses fiscales excèderaient largement les dépenses réalisées sur les seuls crédits budgétaires de la mission à partir du programme 149.

(1) Des dépenses fiscales mal évaluées

Les estimations des dépenses fiscales réalisées par les comptables nationaux (voir le tableau supra qui rend compte des concours publics à l'agriculture) diffèrent considérablement de celles présentées dans les projets annuels de performances de la mission.

Dans le projet annuel de performances pour 2021, les dépenses fiscales sont évaluées à 1,832 milliard d'euros, soit 239 millions de plus que pour les comptables nationaux.

Les documents budgétaires donnent une vision faussée de l'effort fiscal consenti par la Nation au profit de l'agriculture en incluant des avantages fiscaux qui ne lui sont pas destinés. Il s'agit de l'inclusion au rang des dépenses fiscales rattachées à la mission du tarif réduit de la taxe intérieure de consommation du gazole non routier autre que celui utilisé pour des usages agricoles, dont le rattachement à la mission avait été jugé incongru par les rapporteurs spéciaux dans leur contribution à l'examen du projet de loi de règlement pour 2018.

Les raisons de son maintien dans le projet de loi de finances pour 2021 demeurent totalement obscures. Une révision paraît s'imposer. En l'état des données transmises aux rapporteurs spéciaux, la dépense fiscale correspondante rattachée à la mission est surestimée d'au moins 363 millions d'euros.

(2) Des dépenses fiscales où prédominent les réductions tarifaires sur les carburants

Or, parmi les dépenses fiscales, ce sont précisément les mesures relatives aux carburants qui occupent, de loin, la première place .

Les agriculteurs utilisent pour leurs engins et véhicules professionnels du gazole non routier (GNR) qui bénéficie d'un taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) : 18,82 euros/hl au lieu du taux normal pour le gazole de 59,40 euros/hl.

Ce taux réduit concerne les secteurs des travaux publics, les transports ferroviaires, les bateaux de navigation maritime et le secteur agricole et forestier.

La loi de finances pour 2020 prévoyait de supprimer le taux réduit applicable au GNR et de lui appliquer le taux normal du gazole, soit 59,40 euros/hl. Cette mise à niveau devait se faire de façon progressive sur trois ans : une première hausse au 1 er juillet 2020 (de 18,82 euros/hl à 37,68euros/hl) et une seconde au 1 er janvier 2021 (de 37,68 euros/hl à 50,27 euros/hl). En 2022, le taux sur le GNR devait définitivement être aligné sur celui du gazole normal, soit 59,40 euros/hl.

Cependant, afin de ne pas impacter le secteur agricole qui n'a pas la même possibilité que les autres secteurs de répercuter dans ses prix les augmentations de charges, il avait été décidé de lui appliquer jusqu'au 1 er janvier 2022 un tarif réduit à 3,86 euros/hl directement à l'acquisition du produit.

Durant la période transitoire, c'est-à-dire en 2020 et 2021, les agriculteurs, afin de ne pas subir cette augmentation progressive, devaient bénéficier d'un système d'avances avec régularisation l'année suivante.

Cette mesure devrait être favorable à la branche agricole.

Certes, durant la période transitoire, c'est à dire en 2020 et 2021, les agriculteurs étaient appelés à subir une augmentation progressive, mais moyennant une neutralisation via un système pouvant, il est vrai, solliciter leur trésorerie. L'impact en trésorerie avait été estimé à 300 millions d'euros.

Les avances devaient intervenir en juillet 2020 et en janvier 2021. Fondées sur les volumes de GNR consommés en 2018 et 2019 et déclarés en vue de l'obtention du remboursement partiel, elles devaient intégrer le différentiel de taxation consécutif aux hausses précitées.

Enfin, à terme, la possibilité d'accéder directement aux produits au tarif préférentiel prévu devait permettre de surmonter les lourdeurs de la gestion de l'avantage fiscal, qui selon l'évolution de la consommation entre les années de référence et l'année des avances pouvait par ailleurs supposer une contribution nette des exploitants.

Du fait de la situation sanitaire , le Parlement a adopté dans le cadre de l'examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 un amendement présenté par le Gouvernement visant à modifier la chronique de suppression du tarif réduit de TICPE du GNR. Cette disposition nouvelle prévoit une suppression du tarif réduit en une seule fois, au 1 er juillet 2021.

En conséquence, l'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositifs assurant la neutralité de la hausse de tarif pour certains secteurs (agriculture, transport ferroviaire, activités en montagne, industries extractives exposées à la concurrence internationale, manutention portuaire) est décalée à cette même date. Il en est de même du dispositif d'avances pour le secteur agricole, qui est supprimé.

Le 1 er juillet 2021, le GNR disparaîtra intégralement et des mesures sectorielles entreront en vigueur, en particulier pour le secteur agricole.

Le gazole coloré en rouge, sera livré avec un droit au tarif de 3,86 euros par hl et accessible aux personnes effectuant des travaux agricoles et forestiers.

(3) Des dépenses fiscales marquées par les effets inégalement anticipés de deux dépenses fiscales

En ce qui concerne les dépenses fiscales, deux observations complémentaires s'imposent.

(a) La déduction pour épargne de précaution (DEP)

La première d'entre elles tend à faire ressortir l'importance des moins-values de recettes fiscales résultant de l'adoption de la déduction pour épargne de précaution (DEP) adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2019.

Cependant, elle se révèle moins forte que prévu.

Appelé à se substituer aux mécanismes de déduction pour investissement et de déduction pour aléas (dont le montant estimé pour 2019 était respectivement de 136 millions d'euros et 11 millions d'euros), le nouveau dispositif devait augmenter les déductions fiscales accessibles aux exploitants par rapport à la situation ex ante de 35 millions d'euros en 2020 et de 43 millions d'euros en 2021.

Estimation de l'impact de la déduction pour épargne de précaution
sur les recettes publiques

(en millions d'euros)

Source : évaluation des articles du projet de loi de finances pour 2019

Or, sur la base du chiffrage des dépenses fiscales dans le projet annuel de performances pour 2021, la nouvelle déduction fiscale entraînerait un transfert vers les exploitations limité à 80 millions d'euros, soit en réalité un gain pour l'État.

Retour sur l'instauration de la déduction pour épargne de précaution

Le code général des impôts offrait aux exploitants agricoles un mécanisme leur permettant de pratiquer sur leur revenu imposable selon un régime réel d'imposition une déduction pour aléas (article 72 D bis ).

La déduction pour aléas (DPA) n'a pas rencontré son public.

Ainsi, en 2017, seulement environ 5 700 agriculteurs ont eu recours à la DPA pour un coût pour les finances publiques de 15 millions d'euros (12 millions d'euros en 2018).

D'un montant limité, elle était soumise à un luxe de conditions qui en rendaient la pratique complexe.

Le Gouvernement a proposé de substituer à la DPA une déduction pour épargne de précaution (DEP).

Le plafond annuel de cette déduction est significativement supérieur au plafond actuel (27 000 euros).

Les modalités de matérialisation de l'épargne correspondante ont été considérablement assouplies. L'exploitant peut constituer l'épargne sous forme monétaire ou physique, à travers des stocks à rotation lente.

Par ailleurs ses conditions d'utilisation sont libérées, la déduction pouvant être utilisée dans un délai portée à dix ans et pour couvrir les besoins de l'exploitation, quels qu'ils soient.

La création de la DEP s'est accompagnée de la suppression du régime en vigueur de déduction pour investissement (DPI) de l'article 72 D du code général des impôts.

Par rapport à la DPI, le régime de la DEP prévoit l'obligation de rapporter la déduction de sorte que la DEP perd, du moins en théorie, son caractère de subvention à l'investissement. Cette caractéristique, qui avait sans doute fait le succès partiel de la DPI, n'est pas tout à fait abandonnée en pratique puisque même si elle doit être rapportée aux résultats, la DEP peut être reconstituée de sorte que, une fois constituée, elle peut, en réalité, être pérennisée. Ainsi, les souplesses de l'utilisation de la DEP, et la faculté de passer une nouvelle DEP dans des conditions très simples peuvent permettre d'envisager une issue équivalente, voire même plus favorable, à celle de la DPI.

En 2017, 41 300 exploitants avaient utilisé la DPI pour un coût de 87 millions d'euros (comme en 2018).

Il faut toutefois admettre que le recours à la DPI avait été resserré au cours du temps. En outre, Le barème de calcul de la DEP permet en théorie de retirer un avantage fiscal significatif du dispositif.

Les taux de déduction du résultat sont nettement plus élevés qu'actuellement.

Combinés avec la progressivité du barème de l'imposition sur le revenu, ces taux de déduction apportent des avantages croissants avec le bénéfice.

Il faut cependant souligner que ce chiffrage était fondé sur des simulations plutôt que sur des données fiscales concrètes de sorte qu'il demandera vérification.

On rappelle que l'emploi de la déduction pour épargne de précaution a été assoupli par la première loi de finances rectificative pour 2020 et qu'un article de première partie du projet de loi de finances pour 2021 en élargit le champ.

Ces initiatives, pour utiles qu'elles soient, sont peu susceptibles d'apporter tous les soutiens nécessaires, tant par leur portée limitée que parce que les fonds disponibles au titre de l'épargne de précaution ne sont pas appelés à permettre une couverture efficace et ouverte à tous des risques de l'exploitation agricole.

À cet égard, il conviendrait d'analyser la répartition de cet avantage entre les exploitations puisqu'aussi bien seules les entités dégageant suffisamment de revenus sont susceptibles de le mobiliser.

En réponse à la question formulée sur ce point par les rapporteurs spéciaux il a été indiqué que « Compte tenu notamment du caractère récent de la mise en oeuvre des dispositions visées, les données concernées s'avèrent à ce jour indisponibles ».

Soit !

Il n'empêche que, malgré le barème adopté et son plafonnement, le dispositif devrait connaître une forte concentration sur un volant restreint de la population des exploitations agricoles.

Le graphique ci-dessous montre que, même au niveau de l'excédent brut d'exploitation (EBE), soit un ratio de résultat plus large que le résultat fiscal proprement dit, peu d'entreprises seront effectivement bénéficiaires du dispositif.

Distribution de l'excédent brut d'exploitation par Utans
en 2014-2015-2016

Source : commission des comptes de l'agriculture

Cette situation est encore mieux vérifiée au niveau du résultat courant avant impôts (RCAI) des exploitations, agrégat qui se rapproche davantage du résultat imposable, sur lequel la DEP peut s'imputer.

Distribution du résultat courant avant impôts par Utans
en 2014-2015-2016

Source : commission des comptes de l'agriculture

En conséquence, les exploitations agricoles sont dans une situation très variable au regard de l'imposition des revenus.

Données relatives à l'imposition des revenus agricoles pour 2019
(régimes micro et régimes réels, hors imposition des sociétés)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Sur 401 000 foyers fiscaux agricoles, 161 000 ne sont pas imposés, soit une proportion analogue à celle des autres contribuables de 40 %. Les 98 000 foyers fiscaux imposés au micro-BA supportent une imposition de 7 millions d'euros, soit une imposition moyenne très faible. Finalement l'impôt acquitté par les foyers fiscaux agricoles est concentré sur 23 000 d'entre eux (5,7 % du total), qui acquittent 77,7 % de l'impôt sur le revenu.

La mesure offrira ainsi des avantages concentrés sur les exploitations comparativement profitables. La situation rarement ou médiocrement bénéficiaire d'une proportion élevée d'exploitations agricoles exclura une grande majorité des exploitations du bénéfice de la nouvelle disposition. Tout dispositif incitatif de transfert des administrations publiques vers les entreprises reposant sur des allègements d'imposition sur les bénéfices suppose que les entreprises destinataires disposent de bénéfices, et, de plus, de bénéfices taxables.

Autant dire que pour la très grande majorité des exploitations, la DEP n'apportera pas les ressources nécessaires pour faire face aux aléas inhérents aux conditions techniques et économiques de l'activité agricole . Dans ces conditions, il conviendra de rester vigilants à ce qu'elles puissent bénéficier de soutiens sur crédits budgétaires, hélas régulièrement mal provisionnés.

(b) Le crédit d'impôt pour l'agriculture biologique

En ce qui concerne l'estimation des transferts associés au crédit d'impôt dans le domaine de l'agriculture biologique, sa très forte dynamique a été notable, la moins-value fiscale est passée de 34 millions d'euros en 2018 à 54 millions d'euros en 2019.

L'estimation pour 2020 tablait sur une stabilisation du coût du dispositif. Elle a été revue à la hausse (61 millions d'euros au lieu de 54 millions d'euros, soit un supplément de dépense fiscale de près de 13 % par rapport à la prévision et à la réalisation de 2019).

La prévision pour 2021 est stabilisée à ce niveau, prévision qui semble conservatrice au vu des anticipations portant sur le nombre d'entreprises éligibles. Au demeurant dans la réponse transmise aux rapporteurs spéciaux, l'estimation de l'impact du crédit d'impôt pour 2021 était de 68 millions d'euros, une prévision à 76 millions d'euros étant mentionnée pour 2022 en cas de prolongation du dispositif.

En bref, la dépense fiscale est très dynamique, ce qui, pour offrir un réel soutien aux exploitations agricoles bénéficiaires, n'est pas nécessairement satisfaisant au regard de l'ensemble des objectifs de la politique de développement de l'agriculture biologique.

Le crédit d'impôt est accordé depuis 2006 aux exploitants passés à l'agriculture biologique.

L'article 244 quater L du code général des impôts y rend éligibles les exploitants agricoles dont au moins 40 % des recettes proviennent d'activités relevant du mode de production biologique.

Le montant du crédit d'impôt s'élève à 3 500 euros depuis son augmentation, de 1 000 euros, par l'article 96 de la loi de finances pour 2018.

Le crédit d'impôt ne se cumule que sous conditions avec les aides versées au titre de la conversion ou du maintien en agriculture biologique 11 ( * ) . Le total des transferts acquis du fait de ces aides et du crédit d'impôt est plafonné à 4 000 euros si bien que, dès que les aides directes dépassent 500 euros, le crédit d'impôt est réduit pour que ce plafond soit respecté.

Ce mécanisme réserve le crédit d'impôt à des exploitations réservant une surface en bio de dimension relativement petite ou à celles, qui, passées en bio, ne sont pas (ou faiblement) attributaires de soutiens sur crédits

On rappelle que les soutiens directs sur crédits suivent un tarif qui tend à exclure du bénéfice du crédit d'impôt les exploitations agricoles disposant d'une surface en bio même peu développée.

Tarif des aides à la conversion

(en euros par hectare)

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Tarif des aides au maintien

(en euros par hectare)

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

En fonction des spécialisations agricoles, le seuil d'effacement du crédit d'impôt est atteint plus ou moins rapidement. Cependant, compte tenu de la taille moyenne des surfaces en bio par exploitation (de l'ordre de 48 hectares), il est aisé de comprendre que le crédit d'impôt ne bénéficie qu'à des exploitations dont l'activité de production biologique, pour pouvoir représenter une proportion non négligeable de leurs chiffres d'affaires, demeure marginale comparée avec la production biologique totale.

Toutefois, le nombre des bénéficiaires du crédit d'impôt est passé de 13 895 en 2017 à 17 011 selon les estimations les plus récentes (soit une augmentation de 22,4 % en trois ans).

Dans son explication du dynamisme du crédit d'impôt, le ministère de l'agriculture tend à écarter l'impact de l'annonce de la suppression de son cofinancement au titre des aides au maintien. Il est sans doute trop tôt pour confirmer cette analyse puisqu'aussi bien l'impact de la renonciation du ministère à assumer ses responsabilités financières ne sera vraiment sensible qu'à l'issue des conversions en cours.

En toute hypothèse, il apparaît vraisemblable que, parmi d'autres facteurs, la fin des bénéfices apportés par les aides au maintien aux agriculteurs déjà convertis au bio, qui sont de plus en plus nombreux, ait joué un rôle dans la hausse des enjeux liés au crédit d'impôt.

Mais, il peut en aller de même pour les entreprises qui ne perçoivent pas les aides au bio.

Il peut exister un arbitrage de ce point de vue.

Le crédit d'impôt par nature réduit la dette fiscale ou crée un droit à percevoir un chèque du Trésor public. Ces avantages ne sont pas imposés au contraire des indemnités versées sur crédits. Cette différence de régime fiscal peut conduire à des arbitrages.

2. Une modification structurelle qui n'est pas anodine

La divergence entre les dépenses budgétaires (européennes et nationales) et les transferts provenant de réductions des prélèvements obligatoires, qui se manifeste essentiellement par la très forte dynamique des réductions de cotisations sociales, tend à installer une structure d'interventions au profit de l'agriculture passant par le canal des prélèvements obligatoires.

Les propriétés économiques du modèle d'interventions qui, ainsi, émerge, diffèrent sensiblement de celles qu'on peut associer à un mode de soutien plus direct, à travers des dépenses budgétaires.

Entre 2013 et 2019, le poids des allègements de cotisations sociales dans les concours publics à l'agriculture n'a cessé d'augmenter au cours de la période au point que, comptant pour un peu plus de 11 % des concours publics à l'agriculture en 2013, ils en représentaient en 2019 près de 24 %.

Les évolutions attendues pour 2021 prolongent ces dynamiques. Sur les 322 millions d'euros d'augmentation des concours publics à l'agriculture, la moitié environ viendrait d'un effet de crédits, l'autre d'un effet de niches fiscales et sociales (ces dernières faisant l'objet de choix de convention parfois peu évidents). La prévision conduit toutefois à relever un certain dynamisme des concours attendus de l'Union européenne, notamment sur le second pilier de la PAC, dont la mission AAFAR porte les cofinancements nationaux. Les concours en provenance du FEADER augmenteraient de 128 millions d'euros par rapport à 2020.

Sur plus long terme, une profonde modification de la structure des concours publics s'est produite.

En premier lieu, les dépenses sur crédits européens apportent une contribution relative en net retrait, passant de près de la moitié du total à un peu plus de 40 %.

Les dépenses européennes, qui demeurent encore la première source de soutien direct à l'agriculture française, ont subi une restructuration au terme de laquelle la baisse des interventions du premier pilier n'a pas été complètement compensée par l'augmentation des dépenses du deuxième pilier du budget agricole européen.

Le glissement des dépenses européennes vers les interventions du deuxième pilier, ainsi d'ailleurs que certains réaménagements du régime applicable au premier pilier, se sont accompagnés d'une plus grande sélectivité des interventions du budget agricole européen au profit d'une politique de développement rural, celle soutenue par le deuxième pilier de la PAC et par le programme 149 de la mission.

Pour poursuivre l'objectif louable de soutenir des modes de production faisant face à des défis particuliers (zones difficiles, préoccupations environnementales...), cette évolution n'a pu être financée qu'au détriment du soutien à d'autres productions massivement concurrencées et de plus en plus soumises, comme celles bénéficiant prioritairement des interventions du programme 149, à des risques de toutes natures (climatiques, sanitaires, géopolitiques).

Par ailleurs, le financement des interventions du FEADER a contraint à réduire les ambitions redistributives portées par la programmation initiale du premier pilier.

En second lieu, il convient de tenir compte des impacts associés du point de vue de leurs propriétés économiques à l'évolution du modèle des interventions agricoles vers une atténuation de la place des dépenses budgétaires au profit de soutiens passant par le jeu des prélèvements obligatoires.

En dehors d'une certaine perte de visibilité que ce changement suscite et d'effets temporels pouvant impliquer des décalages entre les faits générateurs des avantages fiscaux et sociaux et leur traduction concrète pour les exploitants agricoles, force est de s'interroger sur trois dimensions :

- étant donné la nature de ces avantages, qui vont se renforçant à mesure que le revenu agricole augmente, une certaine procyclicité, ou à tout le moins des effets retard, semblent s'imposer alors même que l'un des besoins des agriculteurs est de bénéficier rapidement d'amortisseurs en cas de chute de leurs revenus ; cet aspect de la modification de la structure des soutiens publics à l'agriculture appelle une évaluation d'autant qu'elle irait dans le sens d'une amplification de la volatilité déjà très marquée des marchés agricoles et contredirait les intentions poursuivies dans le cadre de plusieurs dispositifs fiscaux destinés à permettre aux agriculteurs d'amortir les effets des crises sur leurs revenus ;

- quant aux charges de gestion qu'implique pour les bénéficiaires et les organismes de protection sociale agricole mais aussi les administrations fiscales, le recours de plus en plus important à des avantages fiscaux et sociaux, il conviendrait également de les pondérer même si, comme le passé récent a pu le montrer, la gestion des dépenses budgétaires n'est, de loin, pas exempte d'errements ;

- enfin, la répartition entre les exploitations des avantages procurés par les mécanismes d'allégements fiscaux et sociaux appelle des éclaircissements, qu'en l'état les services du ministère ne semblent pas en mesure de fournir et qui peuvent amener à s'interroger sur l'équité de traitement entre les acteurs de ce secteur.

3. Des soutiens publics indispensables mais dont l'incidence est affectée par une certaine inertie par rapport aux cycles et par les prélèvements qu'ils supportent

Les exploitations bénéficient de soutiens publics importants, les concours publics à l'agriculture représentant, en 2015, 82 % du résultat net de la branche agricole.

La subvention moyenne atteint 32 000 euros avec une dispersion toutefois marquée.

Dans ce total, les aides liées à la politique de développement rural à laquelle la mission contribue représentent à peu près un tiers des subventions d'exploitation en 2019.

Subventions d'exploitation à l'agriculture (2013-2019)

( en millions d'euros)

Source : commission des comptes de l'agriculture, 2020

Un récent référé du Premier président de la Cour des comptes a appelé l'attention sur certaines insuffisances concernant les aides agricoles européennes. Un besoin d'évaluation doit être mieux satisfait.

En l'état, l'on doit relever que la France se singularise par une polarisation des soutiens autour des exploitations de taille moyenne, des pays comme l'Allemagne s'étant détournés de ce choix.

Mais une autre caractéristique devrait faire l'objet d'une évaluation, à savoir les propriétés contracycliques des soutiens aux exploitants.

Les subventions d'exploitation font l'objet d'une programmation qui réserve peu de place à la flexibilité.

Les subventions d'exploitation représentent désormais la plus grande partie des subventions publiques à l'agriculture, depuis les réformes apportées à la politique agricole commune.

Source : commission des comptes de l'agriculture, 2020

Selon les comptes prévisionnels de l'agriculture, à 8,2 milliards d'euros en 2019, elles seraient quasiment stables par rapport à 2018, marquant un léger repli malgré une détérioration de la conjoncture agricole.

Le tableau supra permet d'observer la propriété fort peu stabilisatrice des transferts publics nets à l'agriculture. Ceux-ci avaient ajouté 25 % à la valeur ajoutée brute de la branche en 2016 alors qu'elle s'était effondrée. En 2017, la contribution des transferts publics nets était du même ordre dans un contexte de redressement de la valeur ajoutée brute.

Le compte d'exploitation de la branche agricole
entre 2016 et 2017

Source : INSEE, comptes prévisionnels de l'agriculture arrêtés en novembre 2017

On rappelle au surplus que les subventions accordées aux agriculteurs sont généralement imposables, ce qui réduit encore leur contribution à la stabilisation des revenus agricoles.

Le régime d'imposition des soutiens publics à l'agriculture

Dans le cadre du régime réel agricole ces produits figurent dans le bénéfice agricole imposé à l'impôt sur le revenu.

Les subventions publiques d'équipement versées par l'UE, l'État ou les collectivités peuvent bénéficier d'un régime spécial d'imposition échelonnée (ce dispositif n'est pas spécifique aux agriculteurs, il concerne également les entreprises industrielles).

Les jeunes agriculteurs lorsqu'ils perçoivent la dotation d'installation, bénéficient d'un abattement de 100 % sur le bénéfice imposable au titre de l'exercice de son inscription en comptabilité.

Dans le cadre du régime du micro-BA, sont prises en comptes les recettes encaissées (avec ensuite un abattement de 87 % représentatif de frais pour déterminer le bénéfice).

Les subventions, aides et primes destinées à compenser un manque à gagner ou présentant le caractère de supplément de prix sont des sommes encaissées dans le cadre de l'exploitation et sont à ce titre prises en compte pour la détermination du bénéfice imposable (à l'exception de l'ICHN).

Les subventions et primes d'équipement sont en revanche expressément exclues de l'assiette du micro-BA. Elles ne sont pas imposées par ailleurs.

Il en va de même pour la partie de la DJA lorsqu'elle est affectée à la création ou à l'acquisition d'immobilisations.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En 2018, 90 % des exploitations « moyennes et grandes » bénéficiaient d'au moins une subvention d'exploitation. Ces subventions représentaient 15,9 % des recettes courantes et 42 % de l'excédent brut d'exploitation.

La répartition des subventions dessine un panorama très variable selon plusieurs critères.

Répartition des subventions agricoles des deux piliers de la PAC
selon la spécialité agricole

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les subventions du premier pilier sont plus importantes que celles du second pilier (29 269 euros en moyenne contre 5 042 euros en 2018).

Par ailleurs, les subventions à l'élevage dépassent les subventions aux productions végétales et parmi ces spécialités, les « bovins mixtes » et les céréales sont plus primés que les « bovins lait » ou le maraîchage par exemple.

Ceci tient en partie au fait que les subventions sont essentiellement assises sur des références historiques et surfaciques.

Le montant des subventions croît fortement avec la superficie.

Répartition des subventions des deux piliers de la PAC
en fonction de la superficie agricole

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Entre le premier décile de surface et le dernier il existe un rapport de 1 à 40, qui se révèle toutefois moins important que le rapport entre les surfaces.

Les écarts sont plus forts s'agissant du premier pilier que du second, mais celui-ci est également caractérisé par l'influence des surfaces cultivées.

Sans surprise, la répartition des subventions est croissante avec le revenu courant avant impôt.

Répartition des subventions des deux piliers de la PAC
en fonction du revenu courant avant impôt

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'année 2018 illustre certains éléments peu satisfaisants puisque les exploitations les moins bien placées économiquement ont subi une forte réduction des soutiens apportés par les subventions du second pilier, avec une baisse de 10, 6 %.

De façon notable, les exploitations les plus performantes ont également subi une forte baisse de leurs subventions (- 14 %) mais concentrée sur le premier pilier (- 16,1 %).

II. UN BUDGET AU CoeUR DE CONTRAINTES CROISÉES

A. UNE PROGRAMMATION À MOYEN TERME PEU SOUTENABLE ET SUR LA BAISSE DE LAQUELLE LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021 SURENCHÉRIT

1. Une programmation budgétaire pluriannuelle sans élan et confrontée à des chocs

La forte baisse des autorisations d'engagement du programme 149 en 2021, particulièrement accusée pour les interventions à destination spécifiquement agricole, illustre le poids de choix pluriannuels contraignant les soutiens publics à l'agriculture.

La programmation du FEADER est certes en cause, mais elle n'est pas la seule responsable de cette trajectoire. La loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 avait dessiné une trajectoire baissière des crédits de la mission.

En toute hypothèse, au cours des années 2015-2020, les crédits disponibles sur le FEADER se sont révélés insuffisants, obligeant à transférer des crédits du premier pilier (FEAGA) vers le FEADER, l'agriculture finançant l'agriculture.

La chronique de ces transferts est restituée ci-dessous.

Une programmation du FEADER 2015-2020 prise en défaut

Campagne 2015 - Exercice financier 2016

En début de programmation, le gouvernement a décidé de transférer 3,3 % des montants du premier pilier vers le second pilier. L'enveloppe correspondante s'élevait à 252 millions d'euros pour l'exercice financier 2016.

Pour sa première année de mise en oeuvre, la part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif (aide majorée pour les 52 premiers hectares de chaque exploitation agricole) était de 5 %, soit une enveloppe de 366 millions d'euros.

Campagne 2016 - Exercice financier 2017

Le taux du transfert du premier pilier vers le second pilier a été maintenu à l'identique (3,3%), correspondant à une enveloppe de 250 millions d'euros.

Conformément à ce qui avait été annoncé en 2015, la part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif a été portée à 10 %, soit une enveloppe de 727 millions d'euros.

Campagne 2017 - Exercice financier 2018

Le taux du transfert du premier pilier vers le second pilier a été maintenu à l'identique (3,3%), correspondant à une enveloppe de 249 millions d'euros.

Compte tenu de difficultés rencontrées par de nombreuses exploitations céréalières ou de polyculture-élevage, le Ministre de l'Agriculture a décidé de maintenir à 10 % ( 724 millions d'euros) la part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif, au lieu de 15 % prévu pour atteindre l'objectif initial de 20% en 2018.

Campagne 2018 - Exercice financier 2019

En 2017, les besoins pour le second pilier ont été ré-évalués au regard de la dynamique de conversion à l'agriculture biologique et de la souscription de contrats d'assurance récolte ainsi que de la nouvelle délimitation des zones défavorisées et de l'extension du périmètre des bénéficiaires. Ces besoins ont conduit le gouvernement à décider un prélèvement complémentaire de 4,2 %. Aussi, à partir de la campagne 2018, le prélèvement sur les paiements directs s'établit à 7,5 %, soit une enveloppe de 562 millions d'euros pour l'exercice financier 2019.

La part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif a été maintenue à 10 % (690 millions d'euros).

Campagne 2019 - Exercice financier 2020

Le taux du transfert du premier pilier vers le second pilier a été maintenu identique à celui de 2018 (7,5%), correspondant à une enveloppe de 560 millions d'euros.

La part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif a été maintenue à 10 % (688 millions d'euros)

Campagne 2020 - Exercice financier 2021

L'année 2020 relève du cadre financier pluriannuel pour 2021?2027, encore en cours de négociation. Cependant, sur la base d'une actualisation des besoins de financement du second pilier pour 2014?2020, le Comité État-Régions du 30 octobre 2019 a acté le maintien du taux de transfert du premier vers le second pilier pour la campagne 2020, soit 7,5 %.

La part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif sera maintenue à 10 %.

Au total, pour les exercices financiers 2016 à 2020, le montant des transferts du premier pilier vers le FEADER a été de 1,873 milliards d'euros, soit près de 15 % de l'enveloppe initialement prévue.

Le financement de ces transferts a pesé sur le disponible du FEAGA et a obligé à réduire les objectifs initialement fixés de montée en charge du paiement redistributif.

Quant à la programmation pluriannuelle nationale, les crédits de paiement y dessinaient une baisse de 350 millions d'euros en 2020 par rapport au projet de budget pour 2018.

Selon un précédent ministre, la réduction des crédits programmés ne devait être que la traduction des modifications apportées aux allègements de cotisations sociales, en particulier, de la suppression du dispositif TO-DE.

Cette explication ne s'est révélée que moyennement opérante au vu de la résistance relative du dispositif (voir infra ).

Au-delà, l'inertie des dotations agricoles doit être resituée dans un contexte plus global marqué par une cible générale d'évolution des dépenses des administrations centrales avec une croissance en volume de 1 % par an sur la période de programmation, d'où le niveau de priorité accordée à l'agriculture se déduit aisément, mais aussi par les inscriptions nouvelles au titre du FEADER exposées supra .

Si l'on ajoute que des objectifs de transition vers une agriculture plus durable ont été fixés dans le cadre des états généraux de l'alimentation, on comprend mal comment ces objectifs pourraient être atteints sur les bases de l'actuelle programmation des crédits.

Enfin, et peut-être surtout, la programmation triennale était élaborée dans un contexte général de très fortes incertitudes mais aussi de défis majeurs.

Sur ce dernier point, il suffit de rappeler que le nombre des personnes souffrant de la faim dans le monde, qui avait reculé ces dernières années, a connu une augmentation en 2017, la perspective d'une hausse de la demande mondiale de nourriture en lien notamment avec celle de la population mondiale posant bien les termes d'un défi alimentaire auquel il est de la responsabilité de la France d'apporter sa contribution d'autant que de grands voisins y pourraient être particulièrement confrontés.

Quant au cadre européen, la nouvelle programmation financière ne s'ouvre pas sur des perspectives particulièrement favorables. Certes des améliorations sont en passe d'intervenir par rapport aux propositions initiales de la Commission, mais elles ne donnent pas d'élan nouveau à une politique agricole dont le caractère « commun » sera probablement mis à rude épreuve

La perspective d'une renationalisation rampante de la politique agricole européenne supposerait de mobiliser davantage de crédits nationaux, compte tenu des caractéristiques de la base agricole française et des objectifs affichés par notre politique agricole.

Cette perspective était d'emblée négligée par la loi de programmation.

2. Un projet de loi de finances qui, pour les soutiens directs aux agriculteurs, surenchérit sur les économies programmées

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit des dépenses inférieures à celles envisagées dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques au titre du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture ».

Cette dernière selon la dernière actualisation disponible, qui a procédé à des ajustements à la hausse, prévoit un montant maximal de crédits de 3,26 milliards d'euros en 2021 pour des crédits de paiement inscrits à 3,099 milliards d'euros (y compris les ouvertures du compte d'affectation spéciale développement agricole et rural).

Un déficit de 160 millions d'euros apparaît en crédits de paiement dont l'origine n'a pas été précisée aux rapporteurs spéciaux.

B. LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE DE LA MISSION S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE SOUVENT CHAOTIQUE DU FAIT DES DIFFICULTÉS DE GESTION DES CRÉDITS QUE LE PROJET DE BUDGET NE PREND PAS ASSEZ EN COMPTE

Le budget de la mission, particulièrement celui du programme 149, est fortement exposé à des « accidents » de gestion qui se répercutent sur la programmation budgétaire, fréquemment dépassée par des impasses de financement.

À l'aube d'une nouvelle programmation financière européenne, il n'est pas inutile de revenir sur ces graves problèmes.

En outre, ces difficultés sont susceptibles chaque année d'être aggravées par la survenance de perturbations climatiques et environnementales, dont la fréquence est désormais telle qu'il conviendra d'abandonner à leur sujet la référence à des « aléas ».

En dehors de l'éventualité forte de voir à nouveau ces risques peser sur l'année 2021, qui sera développée dans la suite du présent rapport, force est de regretter que certains des facteurs ayant conduit à des corrections financières d'une ampleur considérable ces dernières années, ne fassent pas l'objet d'une attention suffisante dans le projet de budget présenté par le Gouvernement.

Les rapporteurs spéciaux veulent ici souligner que la politique agricole de la France repose sur des instruments d'une complexité telle que, les administrations en charge de la mettre en oeuvre s'étant révélées dans l'incapacité de le faire sans risques pour les finances publiques, les bénéficiaires ultimes de cette politique sont exposés à des coûts d'accès aux différents soutiens qui leur sont promis absolument incompatibles avec la charge de travail que suppose ordinairement le coeur de leur activité professionnelle. Un choc de simplification est indispensable. En outre, les exploitants agricoles doivent être indemnisés des coûts auxquels ils sont exposés par un raffinement excessif des conditionnalités posées. Il est justifié de veiller à l'intégrité des finances publiques mais la première démarche en ce sens doit être de simplifier les soutiens.

Il faut ajouter qu'à côté d'une complexité entretenue par des approches « volontaristes » le constat d'un déficit considérable d'analyses technico-économiques aboutit à dessiner une architecture des soutiens publics déliée des réalités économiques fines qui les justifient. Des situations très sous-optimales s'ensuivent qu'il faut corriger.

1. Retour sur un passé chaotique qui, malgré des progrès, reste prégnant, le projet de budget suscitant une inquiétude quant à la capacité à bien gérer les interventions agricoles

L'appréciation du budget de la loi de finances initiale destiné à notre politique agricole et de l'alimentation a été perturbée ces dernières années par d'importants mouvements de crédits intervenant en cours de gestion.

Qu'ils concernent les crédits de l'année de base retracés dans la loi de finances en cours ou ceux de l'exercice couvert par le projet de loi de finances, ils ont pour effet de modifier les équilibres budgétaires à un point tel que les choix budgétaires, sans être totalement illisibles, s'en trouvent pris dans une sorte de relativisme qui brouille une bonne partie des repères usuels.

Destinés à couvrir des besoins apparus en cours d'année en lien avec des événements de toutes sortes ou avec les affres de la gestion des interventions agricoles, ces ajustements traduisent aussi trop souvent un défaut de crédibilité des lois de finances de l'année, que les rapporteurs de la commission des finances du Sénat ont régulièrement dénoncé comme manifestant un manque de sincérité des différents « budgets agricoles » présentés ces dernières années.

Pendant cette période, le panorama budgétaire de la mission a trop souvent recélé des dépenses non budgétées et des dotations non dépensées.

Cette situation a infligé aux gestionnaires des injonctions contradictoires, dépenser ce qu'ils n'avaient pas ; économiser ce qu'ils auraient dû dépenser.

Les corrections financières infligées à la France du fait d'irrégularités commises dans l'exécution du budget européen ont été au coeur de cette problématique.

Au total, entre 2010 et 2017 , la France a subi 2,1 milliards d'euros de refus d'apurement.

Corrections financières (notifications annuelles) sur le périmètre de l'ASP
(2010-2017)

Source : rapport IGF-CGAAER La gestion des aides de la politique agricole par l'agence de paiement de services et de paiement

Elle aura été l'un des pays européens les plus sanctionnés.

Corrections financières notifiées entre 2007 et 2016 par État membre

(en montant et en % des aides agricoles européennes)

Source : rapport IGF-CGAAER La gestion des aides de la politique agricole par l'agence de paiement de services et de paiement

La mauvaise administration des aides surfaciques ressort comme responsable de 38,8 % des refus d'apurement. Le deuxième motif par ordre d'importance réside dans les irrégularités de gestion des droits à paiement unique (DPU) et des droits à paiement de base (DPB) qui leur ont succédé dans la PAC en vigueur. Ce motif de corrections financières représente 27,6 % des corrections financières.

Montant des corrections financières prononcées depuis 2010
sur le périmètre de l'ASP par type de mesure et d'infraction

(en millions d'euros)

L'informatique de l'ASP a été largement en cause, les modules ne parvenant pas à épouser une casuistique complexe. Elle suppose de nouveaux développements qui ont un coût élevé.

Dans ce contexte, on relève qu'après une réduction des dotations programmées au titre de l'ASP dans le projet de budget pour 2019, qui pouvait apparaître très prématurée, les moyens concédés à l'agence ont retrouvé une pente ascendante. L'an dernier, 15,5 millions d'euros supplémentaires avaient été dégagés (pour atteindre une subvention de 106,9 millions d'euros ).

Pour 2021, la subvention pour charges de service public versée à l'ASP s'alourdirait encore à 107,8 millions d'euros .

A ces données, il faut ajouter une subvention d'investissement qui, de son côté, se réduirait, passant de 30,6 millions d'euros à 26,5 millions d'euros (- 4,1 millions d'euros).

Si, au terme de ces deux mouvements, la charge budgétaire supportée par la mission au titre de l'ASP semble se réduire, il faut encore tenir compte d'une ligne budgétisant pour 14 millions d'euros la convention entre l'IGN et l'agence afin d'actualiser les ortho-photographies du registre parcellaire graphique, sans lesquelles les risques d'apurement européens seraient démultipliés. Cet apport est en hausse de 6 millions d'euros par rapport à l'an dernier.

Au total, les transferts à partir de la mission vers l'ASP s'alourdissent donc bien de 2,1 millions d'euros. Encore faut-il tenir compte d'un complément par lequel l'ASP est désignée en 2021 comme bénéficiaire de 14,8 millions d'euros de soutiens nouveaux accordés par le fonds de transformation de l'action publique.

Au total donc, les dotations réservées à l'ASP en 2021 connaîtraient une nouvelle augmentation (+ 16,9 millions d'euros) et atteindraient plus de 163 millions d'euros.

L'augmentation de la subvention pour charges de service public qui représente plus 70 % des ressources de l'ASP et couvre les dépenses de personnel et de fonctionnement est à mettre au regard d'une réduction du plafond d'emplois de l'ASP.

En 2021, l'agence perdrait ainsi 97 ETPT, soit 4,5 % de ses emplois 12 ( * ) . Toutefois, la réduction du plafond des emplois sous plafond (ceux rémunérés par la subvention pour charges de service public) serait plus limitée (- 20 ETPT), l'essentiel des pertes d'emplois portant sur des effectifs hors plafond, constitués de contractuels hors statut.

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement tend à effacer ce schéma d'emplois, initiative qui, compte tenu des difficultés prévisibles de gestion des interventions en 2020 et 2021 ne paraît pas déraisonnable aux rapporteurs spéciaux.

Les concours du budget agricole à l'ASP sont versés selon un rythme qui peut impliquer des décalages entre les charges et les recettes de l'organisme.

C'est l'une des raisons pour lesquelles le solde budgétaire de l'ASP s'est révélé négatif en 2019 et le serait à nouveau en 2020.

Évolution récente de la situation budgétaire de l'ASP

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Mais il faut également compter avec la mise en réserve de précaution, qui, compte tenu des impasses financières constatées régulièrement sur d'autres lignes budgétaires se trouve mobilisée pour assurer le bouclage financier de l'exécution budgétaire.

Les charges de l'ASP, en particulier, les charges de personnel, tendent à excéder les produits, pourtant déjà élevés.

Pour 2020, pour des produits totaux de 258 millions d'euros, les charges s'établissent à 295 millions d'euros. Le déficit financier se creuse à 36,7 millions d'euros contre 28,1 millions d'euros en 2019.

Évolution récente de la situation financière de l'ASP

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La capacité d'autofinancement s'est ainsi significativement dégradée au point de devenir négative.

Le fonds de roulement a dû être sollicité, ce qui constitue un recours à des ressources extrabudgétaires, qui a ponctionné la trésorerie de l'établissement de près de 50 millions d'euros entre 2018 et 2020.

La sollicitation du fonds de roulement n'est pas nécessairement récusable, mais elle atteint une ampleur très importante et n'est pas soutenable.

C'est la raison pour laquelle l'ASP a été conduite à solliciter le fonds de transformation de l'action publique (voir supra ), ce qui, pour soulager les dotations de la mission AAFAR n'en représente pas moins une ponction sur les ressources de l'État.

La situation de l'ASP suscite des inquiétudes qui se cumulent.

D'un point de vue financier, les déséquilibres apparaissent structurels, puisque, si la subvention pour charges de service public est censée financer les dépenses de personnel et de fonctionnement de l'agence, dans les faits, elle couvre à peine les premières (147 millions d'euros), laissant les charges de fonctionnement (82 millions d'euros) en manque de financement. Il faut donc mobiliser d'autres ressources, qui sont nécessairement assez limitées, l'ASP n'ayant pas pour vocation de multiplier ses ressources propres.

Dans le même temps, les charges supportées par l'agence sont susceptibles d'augmenter assez drastiquement dans un contexte où aux 633 millions d'euros de crédits d'intervention de la mission AAFAR qu'elle gère, il lui faudra ajouter la gestion d'une partie des crédits du plan de relance mais aussi des superpositions et transitions qu'implique le passage d'une programmation financière européenne à une autre.

Tout cela sur fond de besoins de modernisation des instruments informatiques de l'ASP, dont les défaillances ont été à l'origine d'une partie importante des corrections financières infligées à la France par l'Union européenne, mais aussi d'une diminution significative des emplois portés par le programme 215 auxquels l'agence recourt dans le cadre de ses opérations de paiement.

À cet égard, les dispositions en discussion dans le cadre de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne tendent à créer une situation nouvelle du point de vue de la répartition des responsabilités de gestion des aides agricoles entre l'État et les régions. L'État récupérerait la gestion des aides surfaciques pour la nouvelle programmation financière européenne mais une situation de transition devrait être gérée entre l'achèvement de la programmation en vigueur et le début de l'exécution de la nouvelle programmation.

La très grande diversité des choix des régions et des conditionnalités en découlant a été avancée comme représentant un obstacle important à une gestion efficace des interventions agricoles.

Ce diagnostic ne semble pas entièrement contestable.

Pour les mesures « non surfaciques », la somme des programmes de développement régionaux (PDR) a conduit à la conception de 1 550 dispositifs, contre 250 sur la période précédente.

Quant aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et aux aides à l'agriculture biologique, ce sont 10 400 mesures différentes couvrant 1 800 territoires différents qui ont été conçues. Sur les seules MAEC, plus de 9 500 mesures sont ouvertes, pour seulement 5 400 utilisées.

Il n'empêche que le renforcement des conditionnalités du budget agricole européen et la période de transition qui se présente ne sont pas a priori favorables à une simplification des missions de l'ASP.

Dans ces conditions, les rapporteurs spéciaux, qui rappellent le coût final très élevé des corrections financières européennes, tendent à s'inquiéter des conditions de la budgétisation de l'ASP en 2021, ainsi que de celles de leurs partenaires des services déconcentrés de l'État.

Le programme 215, qui est lesté par des dépassements de coûts des projets informatiques (+ 213 % par rapport aux prévisions pour Expadon 2, plateforme numérique de traitement des certificats sanitaires à l'exportation), se voit appliquer une réduction très significative de son plafond d'emplois (- 186 ETPT dont - 126 au titre du schéma d'emplois pour 2021).

Le dispositif de performances de la mission intègre un objectif de renforcement de la qualité du service et de maîtrise des coûts de gestion des politiques publiques, décliné en deux indicateurs.

Le premier d'entre eux « coût de gestion des aides PAC » n'est plus estimé dans le projet annuel de performances pour 2021 au motif de difficultés rencontrées dans la comptabilité analytique du ministère. Cette situation perdure depuis 2017, ce qui n'est pas acceptable.

La dernière valeur saisie évoquait un taux de 2,93 % mais les travaux proposés par la Cour des comptes tout en relevant les difficultés créées par les déficits de la comptabilité analytique du ministère suggéraient un niveau relatif plus élevé. A vrai dire, si l'on ajoute aux coûts ordinaires les coûts résultant des corrections financières appliquées à la France, les coûts de gestion des aides PAC deviennent réellement prohibitifs.

Quant au nouvel indicateur introduit en 2020 sur le pourcentage des aides du 1 er pilier, de l'ICHN, des MAEC et des interventions en faveur de l'agriculture biologique payées dans le calendrier prévu (31 décembre de l'année N pour certaines, 31 décembre de l'année N+1 pour les demandes MAEC et agriculture biologique), il est de pure circonstance, répondant à une préoccupation d'afficher un retour à la normale après une série d'années noires. En 2018, seules 4,45 % des aides avaient été payées en bon temps.

Depuis, le taux des aides payées dans le calendrier fixé par le ministère avoisine 99 %.

S'il faut se réjouir d'être sorti d'une période très sombre, c'est bien le moins que les aides soient payées dans des délais, qui, au demeurant, ne sont pas particulièrement favorables aux exploitants, certaines indemnisations de charges particulières intervenant tardivement dans l'année.

Il faut ajouter qu'un paiement dans les délais n'offre pas la garantie que le paiement a été exécuté régulièrement, ce qui est un point de vigilance très fort dans l'analyse et le suivi des paiements agricoles.

Aussi bien, il est regrettable que le dispositif de performances ne comporte pas d'indicateurs relatifs à cette problématique.

Les rapporteurs spéciaux relèvent qu'un nouveau dispositif de gestion des interventions agricoles est proposé dans le cadre de la réforme du cadre financier européen.

Ils s'attacheront à évaluer s'il est susceptible de réduire le poids des difficultés structurelles de gestion de la chaîne des paiements agricoles et si, en particulier, les problèmes de conception de nos instruments au service du développement rural, sans doute trop nombreux, et les limites de capacités des choix d'organisation administrative pourront être surmontés.

2. L'impact de l'exécution budgétaire en 2020 sur le budget pour 2021 reste difficilement prévisible

Les projets de budget annuels ne sauraient être appréciés indépendamment des conditions de la programmation budgétaire de l'année en cours .

Les impasses financières constatées sur les crédits du programme 149 pour 2019 avaient conduit le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) à rendre un avis défavorable sur le caractère soutenable des dépenses du programme 149 en 2019, le CBCM indiquant toutefois que l'insoutenabilité était largement subie et résultait essentiellement de la sécheresse 2019 et des besoins du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

Cette appréciation se reproduit dans le cadre de la répartition des crédits de la loi de finances pour 2020.

Les circonstances sanitaires rendent encore plus improbable cette perspective.

L'analyse des impasses prévisionnelles de la budgétisation 2020 par le CBCM faisait ressortir :

-le FNGRA qui pourrait connaître des charges à hauteur de 227 millions d'euros du fait de la sécheresse 2019 et nécessiterait un complément de financement de la part de l'État de 150 millions d'euros ;

- le complément de financement des exonérations de cotisations sociales des travailleurs saisonniers qui, malgré une réduction de la dette du ministère de l'agriculture par passation d'une écriture dans le compte général de l'État, voyait subsister une dette résiduelle estimée, sous réserve, à 52,9 millions d'euros à fin 2019 ;

- les refus d'apurement pour 100,1 millions d'euros ;

- la peste porcine africaine, les conséquences économiques d'un cas de peste porcine sur le territoire français étant estimées entre 1 milliard d'euros et 1,5 milliard d'euros ;

- les conséquences du Brexit sur les armateurs si un dispositif d'arrêts temporaires devait être mis en oeuvre (100 millions d'euros).

Hors Brexit et peste porcine africaine, le CBCM évaluait ainsi les l'insuffisance de financement à 100,8 millions d'euros en 2020 sur le programme 149. Il convient sans doute d'y ajouter une partie substantielle des 330 millions d'euros de soutien supplémentaires annoncés pour 2020, mais sous bénéfice d'un inventaire que le Gouvernement aurait dû s'appliquer à présenter clairement.

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, de son côté, semble s'être calé sur des besoins nettement inférieurs à ceux évoqués, mais avec, malgré tout, la reconnaissance d'un déficit de budgétisation de la provision pour dépenses imprévisibles, avec des dépenses effectives de 190 millions d'euros.

Par ailleurs, le CBCM a rendu un avis défavorable sur le caractère soutenable des dépenses du programme 206 mais favorable sur les dépenses du programme 215.

En ce qui concerne le programme 206, il est identifié une impasse de 8,4 millions d'euros.

Depuis l'avis rendu par le CBCM de nouveaux risques se sont concrétisés, en particulier la sécheresse de 2020, qui élargissent encore les impasses de financement identifiées.

Les conditions effectives de financement des besoins ne sont pas entièrement connues à ce jour. Cependant, le quatrième projet de loi de finances rectificative déposé en novembre comporte pour ce qui concerne le FNGRA, l'ouverture de 50 millions d'euros en crédits de paiement. Ces derniers sont à comparer aux estimations du CBCM qui faisait état d'un besoin de financement de 150 millions d'euros. Il est possible que des lignes budgétaires aient été moins consommées que prévu par le CBCM, en particulier au titre des refus d'apurement, permettant de financer plus que prévu l'impasse observée.

Mais, à défaut d'informations plus complètes, l'on ne peut garantir que les crédits finalement ouverts pour 2020 permettront bien de couvrir l'ensemble des besoins.

En toute hypothèse, l'on sait déjà que les charges supportées par les agriculteurs du fait des événements climatiques de 2020 ne seront pas assumées avant 2021.

Au demeurant, un point de méthode doit ici être souligné dans la mesure où les avis du CBCM sont fondés sur une démarche qui tend à réduire systématiquement l'appréciation de la programmation budgétaire. Elle est conduite à partir d'un concept de risques budgétaires et non de compatibilité entre les objectifs de la politique agricole et les moyens dégagés.

En outre, les avis du CBCM sur les risques budgétaires sont tributaires d'un référentiel qui fait intervenir la notion de dépenses obligatoires, quasi-obligatoires et pilotables, selon une conception d'ailleurs trop restreinte, puisque les coûts des process mis en oeuvre par le ministère dans un contexte contraint par des réglementations européennes précises ne sont pas intégrés.

Seules les dépenses de guichet sont assimilées à des dépenses obligatoires, la notion de dépenses de guichet étant elle-même assez élastique, puisqu'aussi bien elle est appréciée à partir des engagements constatés et non des engagements budgétés, y compris quand des enveloppes d'engagement sont identifiables (comme c'est le cas dans la programmation européenne du FEADER qui est évidemment un proxy des charges à payer par la mission).

Ainsi, les avis budgétaires rendus par le CBCM n'envisagent a fortiori pas les écarts entre les dépenses qu'impliquerait la mise en oeuvre des ambitions gouvernementales et les crédits réellement programmés.

3. Le calendrier des paiements des aides aux agriculteurs, enfin le retour à la normale mais sur des bases fragiles

Les dysfonctionnements de la chaîne de paiements agricoles ont eu un prolongement dans les retards de paiement subis par les agriculteurs.

Ils ont occasionné la mise en place de dispositifs d'apports de trésorerie remboursables, qui, palliatifs partiels, ont compliqué la vie des exploitations, tout en ne couvrant qu'une partie des subventions normalement programmées.

Les rapporteurs spéciaux prennent acte des annonces de retour progressif à un calendrier normal des paiements selon lesquelles « en 2018, le versement de toutes les aides surfaciques du premier et du second pilier a été effectué selon un calendrier normal ».

Cependant, certaines difficultés ne peuvent être négligées. Même si leur actualité est, pour l'heure, pour certaines, atténuée.

Le calendrier des paiements du FEAGA

Comme le rappelle le jaune budgétaire consacré aux relations financières entre la France et l'Union européenne, la majorité des paiements effectués au titre d'une campagne PAC d'une année n sont habituellement versés aux agriculteurs entre le mois d'octobre et le mois de décembre de cette même année. Ces paiements sont avancés par l'État membre qui est ensuite remboursé par la Commission européenne au plus tard le deuxième mois suivant celui au cours duquel les dépenses ont été effectuées pour les aides du premier pilier, au cours du trimestre suivant s'agissant du FEADER (deuxième pilier).

En ce qui concerne le seul FEADER, les retards de paiement avaient connu une accumulation déplorable et la situation n'est pas entièrement normalisée.

Pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), le retard aurait été entièrement résorbé et le calendrier de versement des aides est revenu à une situation normale à partir de 2018. En ce qui concerne les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides en faveur de l'agriculture biologique (AB), le Gouvernement s'est engagé sur un calendrier de rattrapage des retards afin de revenir au calendrier normal de versement de toutes les aides pour la campagne 2018. Ce calendrier impliquait un fort retard par rapport au rythme normal des versements.

Le calendrier normal des versements auraient été atteint en 2019. Les rapporteurs spéciaux en donnent acte au Gouvernement, tout en relevant l'existence dans les comptes de l'ASP, de lignes importantes de trésorerie à l'ouverture de l'exécution 2020 qui concernaient en particulier l'ICHN et les MAEC.

Pour les campagnes précédentes, pour lesquelles des paiements très partiels avaient pu être réalisés, des avances de trésorerie remboursables ont été mises en place.

Pour accompagner les exploitants des avances de trésorerie remboursables ont été mises en place jusqu'en 2017. À leur propos, quelques observations peuvent être faites, l'une pour relever que les conditions monétaires qui ont prévalu au cours de la période récente ont eu l'heureux effet de réduire la charge financière pour le budget de l'État desdites avances, circonstance indépendante de l'action directe de l'État et dont le renouvellement ne serait pas assuré si, d'aventure, de nouvelles avances remboursables devaient être nécessaires, l'autre pour souligner que toutes les aides n'ont pas pu donner lieu à une même couverture par les avances remboursables. Pour certaines des aides (les mesures agroenvironnementales et climatiques - MAEC -, les aides bios...), l'absence de référence claire a gêné la mise en place d'avances remboursables. Enfin, outre les difficultés occasionnées aux exploitants par un mécanisme soumis au plafonnement de minimis et lourd à mobiliser, il faut rappeler que le taux d'avance n'a jamais été de 100 %, des marges plus ou moins importantes selon le type d'aide étant appliquées par l'administration.

L'impact de la réglementation européenne sur les dégagements d'office qui exerce une contrainte plus forte sur les dépenses du premier pilier que sur les autres dépenses qui correspondent pourtant aux priorités fortes de la politique agricole a conduit ces dernières années à accorder une priorité au retour à la normale des paiements du FEAGA, les aides du FEADER ne bénéficiant pas de la même attention.

Il conviendra de vérifier que la future PAC aura bien pris en compte ces effets de sélection qui ne sont pas admissibles. Au-delà, compte tenu d'une complexité très grande de la gestion des interventions agricoles, qu'il conviendra d'alléger, il serait souhaitable que les délais d'exécution des paiements puissent être allongés, surtout quand des difficultés particulières interviennent.

Une certaine inquiétude entoure les paiements rattrapés au titre des exercices précédents. Les conditions d'attribution de certaines aides ont pu n'être pas aussi contrôlées que nécessaire.

Le rythme très heurté des engagements et des paiements ne facilite pas les choses en concentrant la consommation des enveloppes sur des périodes courtes qui exposent à des erreurs.

Les rapporteurs spéciaux attirent également l'attention sur la nécessité de tenir pleinement compte de la responsabilité de l'État dans le rattrapage en cours. Il convient ainsi que la concentration des paiements correspondant à des créances de plusieurs campagnes sur un exercice donné ne se traduise pas par un ressaut de l'imposition des bénéficiaires, du fait d'un effet de barème, comme cela semble parfois se produire.

Les rapporteurs spéciaux doivent dire leur perplexité devant les circuits de financement des interventions agricoles.

Selon le jaune budgétaire sur les relations financières entre la France et l'Union européenne, les avances effectuées par les organismes payeurs au titre d'une campagne FEAGA donnent lieu à des avances de trésorerie de l'Agence France Trésor (AFT). C'est ainsi que 6,8 milliards d'euros ont été avancés à l'ASP en 2018. Or, cette dernière a dû rembourser l'AFT et pour ce faire a contracté un emprunt bancaire le 8 janvier 2019 pour 3,6 milliards d'euros en attente des versements de la Commission européenne, dont le calendrier a été indiqué plus haut. Les raisons pour lesquelles l'avance de l'AFT n'a pas été prolongée jusqu'à ce terme, évitant à l'ASP de payer des intérêts bancaires sans doute supérieurs aux intérêts subis par l'AFT, échappent un peu, la situation devenant tout à fait cocasse quand on considère que l'ASP a pu rembourser intégralement cet emprunt bancaire à l'aide des versements de la Commission européenne et d'une nouvelle avance ...du Trésor.

Enfin, pour 2021, comme pour 2020, la question centrale est évidemment celle des conditions dans lesquelles les soutiens supplémentaires annoncés en 2020 pour ces deux années seront mis en oeuvre, cette question se doublant de celle des conditions d'exécution des restes à engager et à payer sur les enveloppes du FEADER.

À cet égard, les rapporteurs spéciaux rappellent que l'Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi de finances en cours d'examen afin de réduire l'impact des schémas d'emplois de quatre opérateurs de la mission pour un coût supplémentaire de 3,7 millions d'euros. Le périmètre de cet amendement de crédits, qui inclut le plafond d'emplois de l'Office national des forêts (ONF) peut toujours être discuté. Il ne paraît pas déraisonnable aux rapporteurs spéciaux, qui observent que le plafond d'emplois du programme 215, en forte baisse, n'est pas concerné par cet amendement.

4. Retour sur les désengagements d'autorisations d'engagements

Ces dernières années (2018 et 2019) ont été marquées par des désengagements d'autorisations d'engagements antérieures massifs. Ils ont atteint 508 millions d'euros en 2018 et encore 80 millions d'euros en 2019. Le ministère indique que l'exercice en cours et le suivant ne devraient plus connaître d'opérations de cette envergure, mais que quelques engagements seront annulés.

En 2012, un audit CGAAER / IGF MMAI n°11042-02 sur « la fiabilité de la comptabilité et du suivi des engagements dont la gestion est confiée à l'ASP » a mis en évidence les écarts entre les enregistrements des engagements comptables, engagements juridiques et paiements aux bénéficiaires dans le système d'information géré par l'Agence de Services et de Paiement (ASP) et les données de la comptabilité budgétaire du ministère chargé de l'agriculture (MAA) dans laquelle sont retracées les autorisations d'engagement notifiées à l'opérateur ainsi que les paiements qui lui sont effectués.

Un écart de restes à payer de plus de 520 millions d'euros était ainsi identifié dans le bilan de l'État entre la comptabilité budgétaire du MAA et la comptabilisation des engagements de l'ASP. Après approfondissement, cet écart a été majoré.

L'essentiel des désengagements réalisés sur les crédits du programme 149 a concerné en 2018 les prêts, qu'il s'agisse de prêts à l'installation ou de prêts de crise. Il est notable que des dotations destinées à améliorer la compétitivité des exploitations agricoles ou celles prévues dans la cadre du fonds stratégique de la forêt et du bois ont également été concernées.

On peut établir un lien entre les annulations d'engagements et les outils mobilisés pour soutenir l'agriculture et la forêt, les formules passant par des prêts aux exploitants semblant particulièrement difficiles à piloter dans un contexte il est vrai marqué par des taux d'intérêt bas mais aussi par une dégradation des bilans des opérateurs.

On doit s'en inquiéter dans la mesure où le ministère de l'agriculture a été sommé d'inscrire ses interventions dans le cadre de cofinancement passant par l'octroi de prêts aux entreprises.

Pour 2019, ce sont les dotations ICHN qui ont à leur tour été touchées ainsi que les subventions au pastoralisme.

Il faut sans doute y voir l'impact de difficultés structurelles ayant pu conduire à la disparition d'exploitations.

Détail des autorisations d'engagement ayant fait l'objet d'un désengagement
en 2018 et 2019 sur le programme 149

(en euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En ce qui concerne le programme 206 (voir infra pour une analyse des crédits de ce programme), les désengagements ont été concentrés sur 2018 (pour plus de 9 millions d'euros), et 2019 (8,7 millions d'euros) dont une partie a été recyclée avec l'aval du contrôleur budgétaire et comptable du ministère). Pour le moment, 2020 est moins impacté.

La lutte contre les maladies animales a été particulièrement concernée, ce qui compte tenu des risques croissants ne témoigne pas pour la qualité de la gestion des engagements.

Une analyse fine des désengagements devrait intervenir.

Détail des autorisations d'engagement ayant fait l'objet d'un désengagement
en 2018, 2019 et 2020 sur le programme 206

(en euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En ce qui concerne le programme 2015, programme support du ministère, les désengagements ont été beaucoup plus modérés avec un peu plus de 2 millions d'euros en trois ans.

III. UN BUDGET QUI REPOSE POUR LE PROGRAMME 149 SUR DES NON CHOIX

Lors des débats tenus à l'Assemblée nationale le 30 octobre dernier, il a été avancé que « ce n'est pas le budget qui doit guider la politique, mais la politique qui doit guider le budget » .

Cette déclaration d'indépendance budgétaire, qui va au rebours des disciplines budgétaires européennes tant générale que particulière à la Politique agricole commune, ne trouve pas de prolongements dans le projet de budget de la mission pour 2021.

Ce dernier paraît marqué par une réalité : « le budget détermine le budget... et affecte les ambitions politiques » , sauf à considérer que la politique agricole française puisse faire beaucoup plus, la transition agro-écologique en plus de la compétitivité et de la ruralité, avec sensiblement moins de financements inscrits sur la mission AAFAR.

Les crédits de paiement du programme 149 - 1 744,6 millions d'euros - extériorisent une légère baisse par rapport à ceux ouverts en 2020 (- 10,9 millions d'euros, soit - 0,6 % ).

Les autorisations d'engagement connaissent un retrait nettement plus accusé (- 87,2 millions d'euros, soit une réduction de 4,1 % après la progression de 8,8 % inscrite l'an dernier).

Les variations de la programmation budgétaire résultent des particularités du cadre budgétaire dans lequel s'inscrivent les projets de budget successifs portant sur le programme 149.

Elles sont marquées par les interactions fortes entre la gestion du FEADER exercée par les régions, dans le contexte de la programmation budgétaire européenne, et celle des crédits nationaux, dont l'historique récent a pu monter qu'elle était particulièrement heurtée.

Quant aux crédits de paiement, dans un contexte baissier, qui se traduira par une baisse de la valeur réelle des interventions au bénéfice des exploitants agricoles et forestiers (- 1,2 %), leur structuration connaît quelques modestes évolutions en 2021.

Évolution du programme 149
(2020-2021)

(en millions d'euros, et en %)

Source : commission des finances du sénat d'après les données du projet annuel de performances pour 2021

Les facteurs d'évolution du budget

L'évolution des crédits repose sur une programmation budgétaire des différentes actions du programme dont les équilibres apparents sont les suivants.

Les réductions de crédits (44,7 millions d'euros) sont inscrites :

- au titre de l'action n° 24 « Gestion équilibrée des territoires » : - 16,2 millions d'euros ;

- au titre de l'action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations » : - 28,5 millions d'euros ;

Les augmentations de crédits (33,8 millions d'euros) sont réalisées :

- au titre de l'action n° 21 « Adaptation des filières » : + 0,5 millions d'euros ;

- au titre de l'action n° 25 « Protection sociale » : + 10 millions d'euros ;

- au titre de l'action n° 26 « Gestion durable de la forêt » : + 5,4 millions d'euros ;

- au titre de l'action n° 27 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques » : + 17,8 millions d'euros.

Ces évolutions sont le reflet inversé de celles programmées pour 2020, mais avec une ampleur un peu plus forte à la baisse.

Au total, la variation apparente des crédits se traduit par une baisse nette de 10,9 millions d'euros.

Les évolutions de crédits sont principalement tributaires de la réduction des dotations de l'action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations » et n° 24 « Gestion équilibrée des territoires » et d'une augmentation des crédits de l'action n° 25 « Protection sociale » et de l'action n° 27 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques ».

Les facteurs d'augmentation des crédits peuvent être considérés comme essentiellement passifs et répondant à des besoins très peu déterminés, qu'il s'agisse des crédits de protection sociale, qui ne font qu'enregistrer le nécessaire soutien accordé aux travailleurs saisonniers, ou de ceux de l'action n° 27, qui sont calibrés sur la base d' aléas particulièrement lourds compte tenu de la situation sanitaire, climatique et économique.

Quant aux crédits programmés en baisse, il s'agit principalement de crédits correspondant à des interventions volontaristes et, même si c'est dans des conditions plus que perfectibles, davantage « pilotables ».

Au total, la programmation budgétaire pour 2021, hors crédits de la mission « Relance », dont la portée pour les exploitations agricoles mêmes est très incertaine, doit être vue comme appliquant un arbitrage entre vocation d'accompagnement face à la concrétisation effective ou éventuelle de forts aléas et action volontariste au service de la solidification de la base productive agricole, la première entraînant un effacement de la seconde.

Sous cet angle, on fera particulièrement ressortir :

- la baisse des dotations du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricole (PCAE) : - 22,9 millions d'euros ;

- la réduction des crédits de paiement consacrés à la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) : - 5,4 millions d'euros ;

- une nouvelle réduction des moyens consacrés aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et au développement de l'agriculture biologique, en repli de 12,3 millions d'euros ;

- et la baisse des crédits consacrés aux indemnités compensatoires de handicaps naturels (- 7,2 millions d'euros en crédits de paiement).

Il faut souligner que ces analyses sont susceptibles d'évoluer assez considérablement du fait des conditions d'exécution en 2020 et en 2021.

Pour les premières, il apparaît d'ores et déjà que les lignes disponibles pour accompagner les exploitants touchés par les aléas climatiques sont insuffisantes comme l'avaient suggéré les rapporteurs spéciaux lors de leur examen du projet de loi de finances pour 2020. Au demeurant, le projet de loi de finances rectificative récemment déposé par le Gouvernement prévoit une ouverture complémentaire de 50 millions d'euros à ce titre.

Par ailleurs, l'on doit observer que, contrairement à d'autres missions budgétaires, la mission AAFAR a été peu appelée au soutien de la branche agricole dans le cadre de la situation sanitaire en 2020, des inconnues de grande ampleur subsistant pour l'exercice à venir.

A. DEUX POINTS DE FRAGILITÉ PERSISTANTS

Une part très importante des crédits de la mission a été consacrée ces dernières années à compenser les exonérations de cotisations sociales accordées aux exploitants agricoles pour eux-mêmes ou pour leurs salariés.

Cette ligne budgétaire a beaucoup diminué à mesure que certains de ses avantages ont été rogné mais surtout du fait d'une modification du système de compensation des allègements de contributions sociales, qui tend à se composer davantage de taxes affectées aux régimes sociaux.

Parmi ces restructurations, il faut dégager, pour le maintien de son actualité en 2021, l'épisode des exonérations de cotisations sociales au titre des travailleurs occasionnels.

Le projet de loi de finances pour 2021 prolonge un dispositif arraché de haute lutte par le Sénat, ce dont il faut se féliciter, tout en relevant la persistance d'un effet net négatif pour les comptes d'exploitation. Il faut également souligner les incertitudes sur la portée du dispositif particulier appliqué aux travailleurs occasionnels dans le contexte sanitaire et législatif actuel. Enfin, se pose la question de la compensation effective des exonérations de cotisations dans les comptes des régimes spéciaux des agriculteurs, d'autant qu'en 2022 une nouvelle charge devra être financée.

Quant aux conditions de budgétisation des « dépenses imprévisibles », force est de constater que les observations des rapporteurs spéciaux de la commission des finances sur l'insuffisance des dotations ouvertes en 2020 se vérifient, la programmation budgétaire pour 2021, pour être portée au niveau des dépenses anticipées pour l'année en cours au moment de l'élaboration du projet de loi de finances, restant à ce jour assez incertaine au regard de l'ampleur des besoins dans un contexte particulièrement tendu. Au-delà c'est la capacité des systèmes mis en oeuvre pour anticiper la concrétisation des crises de toutes nature auxquelles est confrontée l'activité agricole qui doit être résolue.

1. Une refonte des financements des régimes sociaux agricoles qui profite au programme mais pas aux exploitants

Les crédits de paiement prévus au titre de la protection sociale agricole, qui couvre les compensations des exonérations de cotisations sociales accordées aux exploitants, sont programmés à 127,4 millions d'euros, en hausse de 10 millions d'euros. Les cotisations sociales du régime des salariés agricoles prises en charge par l'État s'élèvent au total à 288 millions d'euros en 2020.

La baisse des crédits de protection sociale avait l'an dernier atteint plus de 17 millions d'euros si bien que la budgétisation pour 2021 ne comble pas le déficit ouvert en 2020. Il est difficile de se prononcer sur cette ligne budgétaire qui fait l'objet régulièrement de mesures de gestion soit par redéploiement de crédits au cours de l'exercice, soit par décalage sur l'année suivante ou encore par voie de creusement de la dette de l'État envers la mutualité sociale agricole. De surcroît, les conditions de l'emploi agricole en 2020 restent à préciser pour pouvoir estimer l'exécution réelle des crédits en cours d'année.

Mais, il est justifié de situer la budgétisation dans un historique récent particulièrement malheureux. A cet égard, si le projet de budget pour 2021 offre une certaine satisfaction, elle demeure mitigée.

En outre, certaines dimensions de la protection viagère des exploitants pour s'être améliorées n'apparaissent guère financées.

a) Une réforme des exonérations de cotisations sociales des travailleurs saisonniers heureusement plus limitée que celle souhaitée par le Gouvernement

Ces dernières années, les crédits inscrits au titre de la protection sociale des exploitants agricoles, globalement destinés à compenser les avantages sociaux accordés aux exploitants à leurs régimes de protection sociale, ont été considérablement réduits dans le contexte des modifications apportées au financement de la sécurité sociale, ce dernier recourant de plus en plus à des affectations de prélèvements obligatoires.

Ces évolutions n'ont pas été neutres pour les exploitants agricoles, des redistributions intervenants selon le niveau des revenus des exploitations mais également du fait des caractéristiques technico-économiques des exploitations.

Une première étape avait été franchie en 2018 . Encore dotée de 918,3 millions d'euros en 2017, l'action 25 « Protection sociale » s'était trouvée allégée de 437,9 millions d'euros en 2018, apportant à la mission une économie très substantielle (19,6 % des crédits ouverts en 2017), obtenue moyennant des réaménagements aux effets critiquables.

La réduction des crédits de protection sociale en 2018

La réduction des crédits de protection sociale pour 2018 résultait de la suppression de la mesure de réduction de 7 points de la cotisation d'assurance-maladie des exploitants, qui avait été préalablement portée à 3,04 % en 2016, pour un coût en 2017 budgété à 480 millions d'euros.

La réduction des dotations prévues en 2018 au titre de l'action était inférieure de 42,1 millions d'euros à l'économie potentiellement attribuable à la fin de cette mesure en raison d'un rehaussement des provisions prévues pour financer les compensations d'exonérations du régime des travailleurs occasionnels passées de 438 millions d'euros en 2017 à 480 millions d'euros.

Le coût en crédits des exonérations de cotisations sociales s'était ainsi replié fortement mais il mobilisait encore plus d'un cinquième des dotations du programme 149 en 2018, la part dans les concours publics à l'agriculture relevant d'allégements de cotisations sociales étant encore plus forte.

La modification de grande ampleur apportée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 à la structure de financement de la protection sociale a consisté à augmenter la contribution sociale généralisée (CSG) en supprimant les cotisations sociales d'assurance-maladie des salariés tandis que, pour les exploitants agricoles, les cotisations-famille et maladie ont bénéficié des réaménagements spécifiques parallèles à ceux appliqués aux travailleurs indépendants.

Les taux de cotisations d'allocations familiales ont été diminués, sous certaines conditions de revenu, de 5,25 points tandis que, pour les cotisations d'assurance-maladie, la réduction était limitée à 6 points pour les seules rémunérations inférieures à 2,5 SMIC, ce qui introduisait un seuil, l'ensemble devant entraîner des pertes globales de revenus pour les exploitants.

En premier lieu, la hausse de la CSG devait alourdir les prélèvements obligatoires imposés aux exploitants. Quant aux allègements de cotisations sociales, l'impact de la composante portant sur les cotisations d'allocations familiales devait en toute hypothèse être minoré par l'existence des allègements déjà prévus tandis que celui de la réduction de la cotisation d'assurance-maladie était moins favorable que la diminution de 7 points jusqu'alors en vigueur.

Une seconde étape avait été programmée à travers la suppression du TO-DE annoncée pour l'année 2019. Elle a été finalement suspendue mais le dispositif n'en a pas moins été amplement redéfini dans le cadre de la loi de financement pour la sécurité sociale pour l'année 2019.

La baisse des crédits attachés à la protection sociale dans le programme 149 atteignait, dans le projet de loi de finances pour 2019 présenté par le Gouvernement, 420,5 millions d'euros, soit près de 80 % de la contraction des crédits de la mission par rapport à la loi de finances initiale de 2018. Alors que la dotation du TO-DE était de 480 millions d'euros en 2018, elle était ramenée à 59,5 millions d'euros en 2019, ce dernier montant correspondant à la charge de compensation pour les mois de novembre et décembre de l'année 2018.

Cette réduction des crédits était l'écho dans le projet de loi de finances d'un réaménagement des prélèvements sociaux sur les salariés agricoles présenté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Dans le cadre du basculement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) vers un allègement des cotisations sociales, le Gouvernement avait proposé de supprimer le régime TO-DE 13 ( * ) particulier au secteur agricole.

Le régime TO-DE était l'un des principaux dispositifs d'aménagement spécifique au secteur de l'agriculture.

Historique du dispositif

L'exonération en faveur des travailleurs saisonniers est un dispositif qui date de 1985 et qui a été modifié à multiples reprises. Avant 2010, le dispositif était caractérisé par des taux réduits de cotisations différenciés par filière.

Les dernières réformes de ce dispositif sont :

- la réforme de 2010 qui a mis en place une mesure d'exonération dégressive, applicable à l'ensemble du secteur de la production agricole. Le dispositif en vigueur jusqu'à fin 2012 exonérait intégralement les cotisations des salaires bruts allant jusqu'à 2,5 SMIC, l'exonération était ensuite dégressive jusqu'à 3 SMIC. La rénovation du dispositif s'est accompagnée, par ailleurs, d'une mise en conformité des modalités de compensation financière par l'État du dispositif avec le droit commun des mesures d'exonérations ciblées, lequel prévoit une compensation intégrale par crédits budgétaires ministériels ;

- la réforme de 2013 qui a supprimé l'exonération de la cotisation accidents du travail et ciblé le dispositif sur les bas salaires e n modifiant le point de sortie du dispositif et la pente de dégressivité :

* les exonérations sont centrées sur les salaires n'excédant pas 1,5 SMIC ;

* l'exonération est entière pour les rémunérations allant jusqu'à 1,25 SMIC, puis dégressive au-delà ;

- enfin la loi de finances pour 2015 a exclu les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF) du champ d'application du dispositif d'exonération.

Le dispositif en vigueur avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (codifié aux articles L. 741-16 et L. 741-16--1 du code rural et de la pêche maritime) était le suivant.

Régime du TO-DE avant la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2019

Les exonérations portent sur les cotisations patronales et conventionnelles pour les employeurs relevant du régime de protection sociale agricole qui embauchent en CDD des travailleurs saisonniers (ou en CDI des demandeurs d'emploi sous certaines conditions). Ils bénéficient d'une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale (prestations familiales et assurances sociales agricoles) et de certaines cotisations patronales conventionnelles.

Point important, cette exonération était totale pour les rémunérations égales ou inférieures à 1,25 fois le montant mensuel du SMIC puis linéairement dégressive au-delà jusqu'à s'annuler pour les rémunérations égales ou supérieures à 1,5 SMIC. Avant la loi de finances pour 2013, la pente de dégressivité partait d'un niveau de salaire sensiblement supérieur, l'avantage pouvant comprendre les rémunérations égales à 3 SMIC.

Afin de conserver au dispositif sa vocation d'épouser les particularités de l'emploi agricole, fortement saisonnier, sans s'étendre aux salariés permanents, l'exonération était limitée à une période maximum d'emplois de 119 jours ouvrés, consécutifs ou non, par année civile pour un même salarié, qu'il soit employé par un groupement d'employeurs ou non.

Elle n'était pas cumulable avec l'allègement général de cotisations sociales sur les bas salaires, mais l'employeur avait la faculté de renoncer à cette exonération spécifique, pendant la période où elle pourrait s'appliquer, au profit de l'allègement général sur l'ensemble de la période de travail du salarié. En revanche, il était possible de cumuler les exonérations au titre du TO-DE avec le CICE.

L'adoption d'une exonération étendue des cotisations sociales dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a fourni l'occasion au Gouvernement de proposer la suppression du régime TO-DE.

Le passage au régime de droit commun a justifié une très grande inquiétude dans le monde agricole en raison de son impact potentiellement très négatif pour les exploitations employant une proportion élevée de travailleurs saisonniers. Elle devait se traduire, combinée avec la suppression du CICE, par un alourdissement du coût du travail saisonnier particulièrement dommageable pour certains secteurs de l'agriculture, dans un contexte où la compétitivité de l'agriculture française est menacée et où, comme on l'a indiqué, le seul moteur de l'emploi agricole réside dans les emplois saisonniers.

De fait, les allègements généraux, malgré leur renforcement, avait pour effet de réduire les transferts des administrations publiques vers les exploitants dès lors qu'ils n'étaient pas parfaitement homothétiques avec le régime spécial des exonérations TO-DE.

Les allègements généraux sont centrés sur le SMIC tandis que le régime TO-DE couvre jusqu'à 1,5 SMIC (avec une exonération totale jusqu'à 1,25 SMIC).

Ce décalage est d'autant plus accusé pour les travailleurs saisonniers que ces derniers, même lorsqu'ils sont employés au SMIC, bénéficient en réalité de rémunérations supérieures du fait de la fréquente conversion de leurs droits à congé en une indemnité de congés payés et de la pratique d'heures supplémentaires correspondant à la vocation même des travaux pour lesquels les contrats saisonniers sont conclus.

Les données suivantes permettent de saisir les enjeux, particulièrement sensibles pour certaines exploitations agricoles.

En année pleine, près de 73 000 établissements ont recours à plus de 900 000 contrats TO-DE pour un volume de plus de 140 millions d'heures et une masse salariale de 1,6 milliard d'euros. 90 % des contrats saisonniers concernent les filières « viticulture », « arboriculture » et « horticulture ».

Le Sénat avait pris l'initiative de rétablir l'intégrité du dispositif en effaçant les « points de fuite » résultant de l'initiative du Gouvernement appelés à entraîner un surcoût du travail saisonnier en agriculture. Néanmoins, l'Assemblée nationale a préféré suivre une position de repli négociée avec le Gouvernement, qui n'est pas satisfaisante.

Il s'est agi de réserver l'exonération totale jusqu'à 1,20 SMIC (au lieu de 1,25 SMIC) puis de suivre au-delà un barème dégressif linéaire d'exonération (fixé par le décret n° 2018-1357 du 28 décembre 2018), cette dernière devenant nulle à partir de 1,6 SMIC.

b) Une révision d'un projet néfaste mal financée par le Gouvernement...

Cette concession avait conduit le Gouvernement à ajuster les crédits de protection sociale pour 2019 pour les porter de 59,5 millions d'euros à 134,9 millions d'euros 14 ( * ) .

Les 75 millions de crédits abondant les dotations initialement prévues n'étaient toutefois pas suffisants pour couvrir le coût anticipé du dispositif, estimé à 105 millions d'euros.

Le Gouvernement avait ainsi révélé son intention de financer l'impasse de financement résultant de ces opérations complexes par des ponctions sur les dotations du programme 149, excluant toutefois de mettre à contribution la provision pour risques et aléas, contrairement à la pratique suivie en 2018.

La compensation sur les crédits de la mission a atteint 172,5 millions d'euros en 2019 contre une disponibilité dégagée par les crédits inscrits en loi de finances de 134,9 millions d'euros seulement.

Dans les faits, un report de charges incluant des dettes antérieures semble être intervenu entre 2019 et 2020 à hauteur de 76,7 millions d'euros.

c) ... qui soulève par ricochet la question de la sincérité budgétaire des crédits de protection sociale inscrits pour 2021

Pour 2020, sur la base d'une saisonnalité normale le coût du dispositif transitoire est estimé à 476 millions d'euros. Cependant, ce coût pourrait évoluer compte tenu de plusieurs facteurs non quantifiables par le ministère au moment des réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux (effets de la crise sanitaire sur l'emploi saisonnier, l'avancée des travaux de vendanges 2020 qui pourrait alourdir le coût en 2020 car les factures seraient compensées sur 2020 et non pas sur 2021). On rappelle que le dispostif ne se cumule pas avec les exonérations pouvant être attribuées par ailleurs, dont le montant devrait grossir du fait des dispositions d'accompagnement adoptées pour 2020.

C'est sous ces réserves importantes qu'il faut relever l'écart entre la budgétisation des crédits de protection sociale retenue en 2021 et les charges devant être compensées aux régimes sociaux par les crédits budgétaires.

Si l'on estime ces derniers en fonction des réalisations 2019, le déficit est de 45,5 millions d'euros. Compte tenu d'effets transitoires valables uniquement en 2019, il sera sans doute un peu inférieur, tout en restant significatif.

En bref, la programmation des crédits de protection sociale pour 2021 paraît minorer les crédits nécessaires à la couverture des exonérations de protection sociale, ouvrant à la perspective de nouveaux arbitrages en gestion voire d'un prolongement des constitutions de dette envers la mutualité sociale agricole (voir infra ).

d) Un régime d'exonérations qui demeure fragilisé

Au-delà, force est de regretter que l'aménagement du TO-DE, même purgé d'une partie de ses effets, demeure tout à fait préoccupant.

La réduction du seuil d'exonération complète et le bornage du dispositif aux seules années 2019 et 2020 ne sont pas acceptables s'agissant d'un dispositif sans lequel le handicap de compétitivité de l'agriculture française du fait du coût du travail auquel elle est exposée serait encore alourdi.

Même avec le dispositif adopté, une perte de transferts au profit des agriculteurs doit être déplorée. Elle a pu être estimée à 28 millions d'euros.

Impact du réaménagement du dispositif TO-DE

Dispositif TODE avant le 01/01/2019

Allègements généraux renforcés initialement prévu

Dispositif transitoire adopté

502 millions d'euros

357 millions d'euros

474 millions d'euros

Écart par rapport au dispositif TODE

145 millions d'euros

28 millions d'euros

Source : réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

À ce sujet, la réforme de la PAC en cours de négociation devrait ouvrir le dossier de l'harmonisation sociale de l'agriculture en Europe.

Les insuffisances de l'harmonisation sociale et fiscale en Europe conduisent à des écarts entre les coûts salariaux que l'intégration européenne tarde à combler, la convergence des économies étant trop hésitante. La très grande diversité des réglementations concernant les salaires minimaux et des pratiques de contrôle du travail hétérogènes jouent, à cet égard, un rôle majeur.

Il s'ensuit que les pays les plus avancés doivent ajuster leur coût du travail au risque de réduire la base de financement des régimes sociaux, compromettant l'équilibre structurel de ces régimes.

Il apparaît, en outre, contre-productif de pénaliser des emplois, qui plus est saisonniers, c'est-à-dire particulièrement utiles à une partie de la population généralement mal insérée dans le salariat, à l'heure même où la transition agro-écologique souhaitée suppose d'augmenter le contenu en emplois de la production agricole.

e) La dette de l'État envers la mutualité sociale agricole serait largement apurée mais...

Il convient encore d'ajouter aux problèmes de niveau de budgétisation exposés ci-dessus une difficulté particulière, qui lui est liée, venant des reports de charges croissants constatés après exécution des crédits.

Ainsi, la facturation du dispositif TO-DE, établie par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole en février 2018, s'était élevée à 512,2 millions d'euros au titre de l'année 2017 contre 470,4 millions d'euros en 2016.

Quant à la facturation 2018 du dispositif TO-DE, établie par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole en février 2019, elle s'est élevée à 460 millions d'euros.

Au fil du temps, une dette de l'État envers la mutualité sociale agricole s'était constituée, provenant de différents flux de compensation.

La reprise de la dette sociale par la CADES autorisée en cours d'année devant être citée ici à titre contextuel, des encaissements de produits très dynamiques en 2019 devraient permettre une fois prises en compte certaines surcompensations constatées en 2016 et 2017 de ramener cette dette à rien pour ce qui concerne le dispositif TO-DE.

Les perspectives très incertaines de l'exécution 2020 combinées avec une budgétisation pour 2021 qui paraît en-deçà du nécessaire, pourraient relancer cette dette.

La compensation étant répartie entre une affectation de taxe (une fraction de TVA) et des crédits budgétaires, il existe une fragilité du fait de la récession économique apparue en 2020.

On rappelle à ce propos que l'adoption d'un minimum de pension à 85 % du SMIC pour les exploitants agricoles, pour bienvenue qu'elle soit, n'est pas financée en l'état.

En bref, c'est l'ensemble de la protection sociale des agriculteurs qui se trouve fragilisée sans que les conditions de financement des pertes de recettes correspondant à des allègements généraux ou particuliers ne soient exposées.

2. Un provisionnement pour « dépenses imprévisibles » imprudemment amputé de plus de 40 % depuis sa création en 2018 mais légèrement rehaussé en 2021

L'activité agricole est soumise à des aléas de nature environnementale et économique, qui en font une activité à risques.

Les systèmes de protection contre ces risques sont chroniquement insuffisants, pour des raisons diverses, tenant les unes à l'accentuation des crises (il n'est pas nécessaire d'en souligner l'acuité particulière), mais également à des situations micro-économiques liées à la capacité des exploitants de procéder à des couvertures de risques ou à des diversions des ressources prévues pour consolider la base agricole française mais employées à acquitter les corrections financières tenant à une mauvaise exécution des interventions européennes.

De ce point de vue, la budgétisation de la provision pour « dépenses imprévisibles » est un point sensible des projets de budget de la mission AAFAR depuis que cette provision a été inscrite dans les projets de loi de finances initiaux. Imprudemment réduite en 2020, sa budgétisation est rehaussée de 15,2 millions d'euros (de 174,8 millions d'euros à 190 millions d'euros), pour être protée au niveau des consommations prévues en 2020. Cette hausse, malgré laquelle les risques d'apurements européens pendants pourraient absorber la totalité de la dotation en 2021, semble d'emblée insuffisante pour financer d'éventuels sinistres climatiques en 2021, même dans les conditions trop restrictives d'intervention de la solidarité nationale.

La multiplication des aléas climatiques oblige à repenser collectivement d'une part les dispositifs de soutien publics aux mesures de protection et d'indemnisation, d'autre part et plus largement les pratiques agricoles elles-mêmes, dans une logique de prévention et d'adaptation.

Dans ce cadre, le ministère de l'agriculture indique qu'a été lancée à l'été 2019 une consultation élargie de l'ensemble des parties prenantes sur les voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture . Cette consultation est le préalable à l'organisation de réunions d'un groupe de travail dédié émanant du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO), qui doivent se tenir de septembre à décembre 2020.

Les résultats de l'évaluation à mi-parcours du programme national de gestion des risques et d'assistance technique (PNGRAT) menée en 2019, assortie de recommandations, doivent contribuer à cette réflexion visant à proposer les évolutions au dispositif dans le cadre de la prochaine PAC.

Il en va bien sûr de même de la résolution adoptée à l'unanimité par le Sénat sur cette problématique.

Les principales conclusions de l'évaluation du PNGRAT

Sur l'assurance récolte multirisques climatiques

L'assurance multirisque climatique est bien identifiée par les exploitants, mais connaît un développement contrasté selon les filières. Dynamique en grandes cultures et en viticulture (les événements climatiques de ces dernières années ayant encouragé les souscriptions), le développement de l'assurance multirisque climatique demeure en revanche modeste en arboriculture en raison d'une offre peu adaptée, ainsi qu'en prairies pour lesquelles l'offre est encore récente et nécessite un effort de communication. En dépit de la récente hausse générale du taux de diffusion, les évaluateurs considèrent les perspectives de développement comme relativement modestes. Bien que perçue comme un outil complexe, l'assurance récolte est ancrée dans les stratégies de gestion des risques, notamment pour des exploitations de taille importante. Les exploitants, dans leurs choix, sont sensibles aux taux de subvention et de couverture. Pour autant, la non souscription ne semble pas être liée à d'éventuelles difficultés financières. Selon les évaluateurs, le fait d'être assuré constitue une source de sérénité face aux aléas climatiques, même si l'étude n'a pas permis de constater une amélioration des résultats économiques dans un contexte marqué par une variabilité importante des prix. Sur la période 2011-2016, l'assurance a ainsi permis de réduire la variabilité des revenus dans le secteur des céréales-oléo-protéagineux. L'évaluation conclue que les tarifs des assureurs correspondent aux risques. Les comparaisons réalisées confirment la pertinence globale des tarifs pratiqués pour la partie subventionnable, compte tenu des frais de gestion importants liés à ce type de contrat. Le marché, malgré sa concentration, est dynamique et la concurrence est significative et se traduit par l'arrivée de nouveaux entrants et d'offres innovantes. Pour autant, l'équilibre économique du marché de l'assurance multirisque climatique, mesurée par le ratio sinistres sur primes n'est pas encore atteint.

Sur le fonds de mutualisation en cas d'aléa sanitaire et d'incidents environnementaux (FMSE)

L'évaluation souligne que le FMSE contribue significativement à la gestion des risques sanitaires avec 90 programmes d'indemnisation déposés et qu'il a introduit des principes en rupture par rapport à l'existant (responsabilisation des professionnels qui administrent le FMSE et contribuent à hauteur de 35 % au financement des programmes, et adhésion obligatoire). Certains secteurs mobilisent plus activement le FMSE : les sections fruits et ruminants ont de très loin les montants de programmes d'indemnisation les plus élevés, en raison de l'importance des dangers sanitaires associés à ces filières. Le FMSE a un rôle important dans la prévention des risques sanitaires, car il s'agit d'un instrument conçu par les professionnels comme devant favoriser le déploiement des mesures de lutte précoce, ce qui a justifié la mise en place d'une aide d'État complémentaire et notifiée prenant en charge les pertes de production inférieures à 30%. La majorité des programmes intègre ainsi un objectif de lutte précoce. Si le FMSE contribue modérément à la santé financière générale des exploitations, l'évaluation estime que les impacts économiques sont significatifs pour les exploitations sinistrées. La pérennité financière du fonds est assurée à court terme. En revanche, les réserves financières ne permettraient pas de faire face à des risques sanitaires de grande ampleur, pour lesquelles l'État reste largement engagé.

Les principales recommandations de l'évaluation

Au-delà de certaines recommandations générales, telle le développement d'une approche plus large de la gestion des risques pour accompagner les changements vers des pratiques plus durables, les principales recommandations des évaluateurs pour chacun des deux outils sont présentées ci-dessous.

L'assurance récoltes multirisques climatiques

Travailler à l'harmonisation et à la simplification d'une offre de base lisible. Il n'existe pas d'offre commerciale de référence qui puisse être le support d'une communication homogène. Les évaluateurs recommandent la mise en place d'une « offre socle » avec des paramètres harmonisés et identifiés dans les contrats de tous les assureurs. Compte tenu de l'expérience des agriculteurs et de leur perception du risque, l'évaluateur propose la mise en place avec un seuil de déclenchement et une franchise alignées à 25 % (ce qui correspond à la majorité des garanties souscrites dans les contrats actuels).

Envisager une extension progressive et prudente de l'assurance. L'expérience acquise permet de valider la faisabilité de l'assurance et son intérêt pour les assurés, à condition de bénéficier d'un soutien public important : il n'y a que peu de perspectives d'économies d'échelle et de baisse des prix. Au regard des résultats techniques dégradés sur ce risque, l'engouement des assureurs est mesuré mais semble justifié par l'accès à une clientèle dynamique. Les tendances actuelles laissent toutefois difficilement envisager une extension rapide de l'assurance. Par ailleurs, une diminution du soutien public qui ne s'inscrirait pas dans une trajectoire annoncée à l'avance risque de susciter un désengagement rapide et / ou un repli sur la seule assurance Grêle. Il convient donc d'envisager un développement mesuré de l'assurance récolte et un accroissement lent des moyens à y allouer. Les perspectives de développement passent par le recrutement des non-assurés, au premier titre desquels les éleveurs, avec l'assurance prairie. En grandes cultures, pour espérer convaincre de nouveaux clients, il pourrait être utile de les interpeller avec de nouvelles modalités, soit de prescriptions, soit de garanties.

Développer la stratégie de communication à l'attention des souscripteurs intermittents et des non-assurés . Le sentiment de sérénité associé au fait de s'assurer est un argument qui n'emporte pas toujours la conviction des exploitants au regard du montant de la prime. Par ailleurs, il y a peu de prescripteurs activement engagés. L'effort de pédagogie est rendu difficile par la complexité des offres, les doutes sur la pertinence des tarifs et l'absence de démonstration évidente d'un impact économique positif de l'assurance.

Assurer le suivi des sinistres climatiques. L'évaluateur recommande la création d'une base compilant les données relatives aux sinistres et aux indemnisations, qui alimenterait un « Registre National des Sinistres ». Un tel registre permettrait de mieux identifier les zones ou cultures à fortes sinistralités et de se donner les moyens d'éclairer les débats sur les impacts du changement climatique et les coûts induits.

Remettre à plat les solutions pour sécuriser les arboriculteurs et accompagner le développement de l'assurance prairie. L'insatisfaction partagée sur l'assurance en arboriculture conduit à penser que l'assurance actuelle n'est pas une solution pour répondre aux spécificités des risques de cette filière et appelle un réexamen complet des besoins.La réussite du déploiement de l'offre prairie suppose un travail de communication et l'établissement de relations de confiance solides entre acteurs. Avec l'appui des pouvoirs publics, les assureurs et les représentants professionnels doivent construire une stratégie de déploiement efficace et communiquer d'une même voix sur la pertinence de l'indice, les contours de l'offre, les arguments à même de convaincre les éleveurs.

Le FMSE

Réfléchir à l'élargissement du rôle du FMSE à moyen terme : si le FMSE parvient à consolider ses réserves financières, ce qui implique une réflexion sur l'augmentation du niveau des cotisations, il pourrait prendre en charge des crises sanitaires de plus grande ampleur. En outre, le FMSE pourrait être impliqué dans le financement de la surveillance, notamment celle des dangers sanitaires de catégorie 2, pour lesquels une surveillance active doit être maintenue sur des zones délimitées.

Améliorer la cohérence, la communication et le suivi des données par le FMSE. Le FMSE gagnerait à améliorer la cohérence des actions au sein de ses programmes et entre programmes. Par ailleurs, il semble important que les actions de communication destinées aux différents acteurs soient poursuivies par le FMSE et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Il doit améliorer sa rigueur d'organisation et de suivi de ses données (format unique de listing des bénéficiaires à remplir au niveau départemental, mise à jour des données après validation des dépenses publiques, etc.)...

Réfléchir à l'intervention du FEADER en dessous du seuil de 30 % des pertes pour favoriser la lutte précoce. L'évaluation montre des résultats très positifs sur le rôle du FMSE dans la lutte précoce. Ce type d'intervention entre dans la logique du FEADER sur la gestion des risques et mériterait d'être intégré dans le projet de PAC 2020.

Source : Évaluation du PNGRAT, juin 2019

Il conviendra de suivre avec attention les prolongements de cette réflexion.

L'instauration d'une déduction pour épargne de précaution par la loi de finances pour 2019 ne représente pas une avancée telle que la couverture des risques de l'activité agricole puisse en sortir radicalement améliorée.

Des soutiens publics devront être mobilisés pour favoriser la diffusion des modes de couverture assurantielle, ce que conclut sans ambiguïtés l'évaluation exposée ci-dessus, conclusion sans surprise pour les rapporteurs spéciaux de la commission des finances qui n'ont pas manqué de la formuler ces dernières années (voir infra ).

Le budget pour 2018 avait innové en inscrivant une « provision pour risques » de 300 millions d'euros rattachée à l'action n° 27 du programme 149.

Les rapporteurs spéciaux avaient pu considérer que cette dotation n'offrirait pas de réponse adaptée aux besoins de couverture des risques de production compte tenu de son déficit de spécialisation budgétaire.

Trois ans après, son bilan confirme leurs doutes. Le projet de budget pour 2021 ne les dissipe pas davantage.

La dotation avait été présentée comme devant couvrir des dépenses imprévisibles.

Or, d'emblée la destination qui lui a été réservée, significativement justifiée dans les projets annuels de performances par les « apurements communautaires », a consisté à en prévoir l'emploi pour couvrir des charges hétérogènes, dont certaines parfaitement prévisibles, comme celles occasionnées par les apurements communautaires.

Au demeurant, une fois ces derniers pris en compte, il n'est resté souvent que fort peu de moyens pour financer les aides que les crises agricoles, plus aléatoires mais néanmoins chroniques, peuvent nécessiter.

Dans ces conditions, la dotation tend à devenir une sorte de chapitre-réservoir peu conforme à la vocation d'un budget de définir avec un degré minimal de précision les charges publiques.

Les préoccupations nées de l'affadissement de l'objet de la dotation sortent renforcées par le niveau de l'enveloppe prévue à ce titre par le budget pour 2020, qui était marqué par l'inscription d' une dotation provisionnelle de 174,8 millions d'euros, en baisse de 25,2 millions d'euros par rapport à l'année dernière.

Les rapporteurs spéciaux avaient jugé que cette nouvelle réduction accentuerait la probabilité d'un déficit des moyens programmés pour couvrir les risques combinés des corrections financières pour défaut de gestion des aides européennes et résultant des conditions climatiques et environnementales de la production agricole.

La situation sanitaire identifiée en début d'année a évidemment renforcé la pertinence de cette appréciation.

L'augmentation de la dotation au budget 2021 (15,2 millions d'euros) semble relever davantage du symbole que d'un effort d'estimation des besoins.

a) Une dotation, qui ne doit pas altérer la rigueur de la programmation budgétaire et devrait être mieux fidèle à son objet
(1) Une dotation affadie d'emblée en son objet

Les rapporteurs spéciaux souhaitent souligner, en premier lieu, que la notion de dépenses imprévisibles, pour équivoque qu'elle soit, n'a pas vocation, à leurs yeux, à recouvrir les dépenses qui, quoique parfaitement prévisibles, n'auraient pas été prévues.

Ainsi, il leur semble impératif de conserver à cette dotation sa destination, qui exclut qu'elle vienne couvrir des sous-budgétisations « de facilité », pouvant toucher d'autres interventions du programme 149.

Une telle utilisation revient à altérer la programmation budgétaire annuelle et à dégrader encore la transparence de l'information budgétaire, particulièrement nécessaire à l'ensemble des parties prenantes.

Par ailleurs, elle détourne la dotation d'une vocation qu'elle doit conserver, celle de financer des interventions nécessaires en cas de réalisation de risques inhérents à la production agricole .

Il est de ce point de vue regrettable que la dotation soit présentée comme devant couvrir les suites d'une gestion défectueuse des aides européennes , sanctionnée dans le cadre de la procédure d'apurement.

Le ministère semble tendre à considérer que la consommation de la dotation serait en cas de concrétisation des risques de l'exploitation prioritairement affectée à leur couverture.

Mais, ce choix d'intention n'est pas traduit par la structuration des crédits affichée dans le projet annuel de performances.

Ce dernier motive la dotation par les besoins indiscriminés pouvant conduire à « des dépenses imprévisibles en particulier les aides de crise et les refus d'apurement communautaire qui seront susceptibles d'être notifiés par la Commission européenne en 2021 » .

Ces deux types de dépenses n'ont pas le même degré d'imprévisibilité et sont différentes par nature.

Dans ces conditions, la programmation initiale devrait s'attacher à distinguer plus précisément ces deux motifs de provisionnement.

Il est justifié de suivre isolément les prolongements envisagés au titre des corrections financières et les réserves disponibles en cas de concrétisation des aléas de production.

Les rapporteurs spéciaux réitèrent une fois de plus leur souhait que la dotation soit scindée afin de mieux appréhender les motifs sous-jacents à la programmation budgétaire.

(2) Une dotation qui a principalement servi à couvrir des impasses de financement prévisibles et plus marginalement à financer les impacts des crises climatiques et environnementales

Force est de constater que, pour l'heure, la consommation de la dotation aura été, depuis 2018, principalement affectée à des dépenses nécessitées par des refus d'apurement certains en leur principe.

Retour sur 2018

Dotée de 300 millions d'euros en 2018, la provision a été mobilisée pour payer les refus d'apurement (177,8 millions d'euros), le paiement d'un contentieux relatif à un dispositif d'aide financière aux agriculteurs corses en difficulté (9,1 millions d'euros), mais également pour financer les investissements informatiques de l'ASP (19 millions d'euros) compte-tenu d'un besoin élevé lié au rattrapage des retards de paiement de la PAC et, pour des reports de 2018 sur 2019 (19 millions d'euros) pour financer une partie du dispositif TO-DE, structurellement sous-budgété. Ainsi, seuls 75 millions d'euros ont été attribués à des dépenses d'accompagnement des agriculteurs après la sécheresse qu'ils avaient subie en cours d'année 15 ( * ) .

La gestion de la dotation consacrée pour 75 % à des dépenses prévisibles n'a permis de mobiliser que 25 % des crédits ouverts à la couverture de risques de production si bien que la charge de l'indemnisation des agriculteurs victimes de la sécheresse a été reportée sur la trésorerie du fonds national de garantie des risques agricoles (FNGRA), au demeurant insuffisante (voir infra ).

Dans ces conditions, la dotation ouverte en 2019 (200 millions d'euros) devrait, à nouveau, être principalement mobilisée pour couvrir les charges de refus d'apurement communautaire.

Retour sur 2019

Au total, le montant des corrections financières définitives qui ont été supportées par le budget national en 2019 a été de 125,1 millions d'euros. Ce chiffrage correspondait principalement aux décisions ad hoc 58, ad hoc 59 et ad hoc 60. Il tenait également compte d'un remboursement de la Commission suite à l'arrêt TUE du 12/03/2019.

Le reliquat disponible pour contribuer au financement des indemnités pour calamités sanitaires ou naturelles a, à nouveau, été de l'ordre de 75 millions d'euros.

Au total, sur les 500 millions d'euros ouverts au titre de la dotation pour dépenses imprévisibles, 350 millions d'euros auront été consacrés en 2018 et 2019 à financer des dépenses globalement prévisibles, ne répondant donc pas à l'objet de la dotation.

b) En 2020, une dotation de couverture des risques réduite de 125,2 millions d'euros en deux ans, au risque d'une insuffisance de financement des fonds d'indemnisation des risques de production

L'an dernier, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat avait fait ressortir que l'allure baissière imprimée à la dotation n'était pas justifiable par une quelconque réduction de l'empreinte des risques entourant l'activité agricole et se trouvait vulnérable à la concrétisation de risques de nouveaux refus d'apurement

(1) Une dotation dont le calibrage aurait pu être largement débordé si les refus d'apurement envisageables avaient reçu tous leurs prolongements

Le calibrage de la dotation provisionnelle inscrite au budget pour 2018, en particulier au regard des risques représentés par d'éventuels nouveaux refus d'apurement européens, avait pu susciter des interrogations. Selon le contrôle budgétaire et comptable ministériel, une impasse de financement des paiements dus en 2017 (212,2 millions d'euros sur un total de risque de 221,9 millions d'euros) pouvait être constatée. À cette somme s'ajoutait alors la perspective d'éventuels nouveaux refus d'apurement.

L'estimation des risques encourus pour 2018 et les années suivantes s'élevait ainsi à 1 081 millions d'euros suggérant un sous-calibrage de la dotation.

La somme mentionnée, qui couvrait des exercices déjà relativement anciens, restait toutefois tributaire d'évolutions susceptibles de marquer le déroulement d'une procédure dont on rappelle qu'elle prend un certain temps du fait de l'application du principe du contradictoire notamment, mais aussi de délais éventuels de procédure.

En toute hypothèse, le projet de budget pour 2021 ne provisionne pas la plupart de ces risques, dont l'estimation demande à être affinée.

Présentation schématique des procédures européennes d'apurement

L'article 317 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) stipule que la législation sur l'app l ication des corrections financières nettes est exposée dans le règlement financier (RF) et précisée dans les règlements sectoriels. L'article 80 du règlement financier contient les dispositions suivantes destinées à assurer la protection du budget de l'Union :

« La Commission procède à des corrections financières concernant les États membres afin d'exclure du financement de l'Union les dépenses engagées en violation du droit applicable. La Commission fonde ses corrections financières sur la détection des montants indûment dépensés, ainsi que sur les implications financières pour le budget. Quand ces montants ne peuvent pas être clairement déterminés, la Commission peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires, conformément à la réglementation sectorielle.

Lorsqu'elle décide du montant d'une correction financière, la Commission tient compte de la nature et de la gravité de la violation du droit applicable ainsi que des implications financières pour le budget, y compris en cas d'insuffisances dans les systèmes de gestion et de contrôle.

Les critères d'établissement des corrections financières et la procédure à appliquer peuvent être prévus dans la réglementation sectorielle ».

Finalement, le poids des refus d'apurement aura été bien moindre qu'envisagé en 2018. Les montants concernés correspondent aux décisions ad hoc 56 (15,2 millions d'euros) et ad hoc 57 (- 21,3 millions d'euros, soit une décision positive pour la France du fait de la réforme de la décision initiale de la Commission européenne, fondée sur un taux de correction jugé excessif par la justice européenne), ainsi qu'aux décisions d'apurement comptable (pour 184,4 millions d'euros, en particulier sur les retards de paiement de la campagne 2015). Un même constat devrait être fait pour 2019. Le montant des crédits nécessaires aux apurements (125,1 millions d'euros) a été inférieur aux estimations initiales du ministère de l'agriculture qui en estimait le coût à 168,6 millions d'euros.

Pour 2020, les corrections liées aux refus d'apurement devraient être de 78,1 millions d'euros. Ils absorberaient 44,8 % des crédits de la provision pour dépenses imprévues, laissant 96 millions d'euros disponibles pour amortir les chocs extrêmes de l'année. On pourrait tendre à se réjouir, au moins relativement, de la baisse des corrections financières. Cependant, il faut remarquer qu'elle présente peu de perspectives de durabilité au vu du rythme des enquêtes de la Commission européenne et des conditions dans lesquelles les interventions agricoles ont été gérées ces dernières années.

Les corrections financières pour 2020

La décision ad hoc 61 a finalisé cinq procédures par une correction d'un montant total de 6,84 millions d'euros. Ces procédures concernent :

- la gestion des créances par FranceAgriMer (exercices 2015 à 2017), avec une correction de 4,3 millions d'euros qui sanctionne des faiblesses dans le caractère dissuasif des sanctions appliquées en cas d'irrégularités de nature intentionnelle pour les régimes d'aide vitivinicoles et des défaillances dans l'application des intérêts relatifs aux créances ;

- les aides POSEI au transport de la canne (exercice 2016 à 2018), avec une correction de 1,3 million d'euros qui sanctionne une défaillance dans le contrôle administratif du transport effectif des livraisons de canne par le producteur ;

- les aides FEADER aux investissements, pour deux procédures (exercices budgétaires 2012 à 2017), avec une correction de 0,76 million d'euros qui sanctionne des défaillances dans le contrôle des coûts raisonnables, la réalisation des visites sur place et la vérification de la conformité des procédures de passation des marchés publics ;

- la promotion viticole (exercices 2015 à 2017) avec une correction de 0,36 million d'euros qui sanctionne des défaillances dans la sélection et le contrôle de l'admissibilité des projets ainsi que des défaillances dans la qualité des contrôles sur place et dans les procédures de sélection des contrôles.

La décision ad hoc 62 a finalisé deux procédures par une correction d'un montant de 40,8 millions d'euros. Ces procédures concernent :

- les aides surfaces du FEAGA (campagne 2015), avec une correction de 40,2 millions d'euros qui correspond à une divergence d'appréciation des surfaces admissibles de certaines zones pastorales peu productives ;

- la certification des comptes 2017 de l'ODARC, avec des corrections prononcées à hauteur de 0,61 million d'euros.

La décision ad hoc 63 qui regroupe les conclusions de cinq enquêtes d'apurement, aboutissant à une correction d'un montant total de corrections totale de 29,7 millions d'euros. Ces procédures concernent :

- la certification des comptes 2017 de FranceAgriMer, avec des corrections prononcées à hauteur de 24 millions d'euros, dont 15,.4 millions d'euros relatifs à un apurement comptable pour des retards de paiement (12,4 millions d'euros concernant la mesure d'investissements vitivinicoles)

- les mesures surfaciques du FEADER (ICHN, aides à l'agriculteur biologique et mesures agro-environnementales - campagnes 2015 à 2017), avec une correction de 4,4 millions d'euros qui sanctionne des défaillances dans la qualité des contrôles sur place ;

- la dotation Jeunes Agriculteurs et les aides à l'investissement du FEADER (exercices 2015 à 2018), avec une correction de 1,1 million d'euros qui sanctionne des lacunes dans le contrôle administratif et la réalisation des contrôles ex-post après paiement ;

La certification des comptes 2017 et 2018 de l'ODEADOM, avec une correction de 0,2 million d'euros.

L'apurement comptable et les frais financiers s'établissent à 0,77 million d'euros.

Si les corrections financières prononcées contre la France sont moins élevées qu'un temps envisagé, elles demeurent trop fortes et surtout particulièrement difficiles à tolérer pour certaines d'entre elles. Par ailleurs, on peut nuancer les résultats obtenus en observant que les enquêtes donnant actuellement lieu à des corrections financières portent sur l'exécution de campagnes durant lesquelles les engagements et paiements sur crédits européens ont été comparativement faibles, les exercices suivants où des engagements massifs sont intervenus restant à apurer.

La correction relative aux contrôles sur place de l'ICHN et des mesures en faveur de la transition agro-écologique et celle portant sur la certification des comptes de FranceAgriMer en font partie. Il ne s'agit plus ici seulement des problèmes liés à la délimitation des surfaces agricoles, qui avaient valu à la France d'énormes corrections financières, mais bien de difficultés comptables et opérationnelles qui peuvent être accompagnées d'autres difficultés majeures sur la justification même des interventions publiques.

En ce qui concerne l'exercice à venir, et les suivants, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a adressé la réponse ci-dessous aux rapporteurs spéciaux.

« Les corrections qui donnent lieu à un acte d'exécution (« décision ad hoc ») de la Commission entre septembre N-1 et août N s'imputent sur le budget national N.

Malgré cette règle simple, il s'avère difficile à ce stade de produire une estimation précise des montants des corrections financières susceptibles d'être imputées sur le budget national en 2021 et les années suivantes.

En effet, un certain nombre de procédures sont à des stades relativement avancés mais ne sont pas finalisées pour autant. Pour certaines, la Commission doit encore notifier ses conclusions à l'issue de la phase contradictoire. Décisions qui pourront, le cas échéant, donner lieu à la saisine de l'organe de conciliation. Pour d'autres, la Commission doit décider de l'acceptation ou du rejet du chiffrage proposé par les autorités françaises en alternative à la correction forfaitaire.

Toutefois, quelques enquêtes sont quasiment finalisées et devraient donner lieu prochainement à présentation des projets d'actes d'exécution en comité des fonds. Elles représentent une correction totale d'un montant de 58,8 millions d'euros qui impactera de manière quasi certaine le budget 2021 :

- aides à la production de légumineuses fourragères, campagne 2017 : l'enquête a conclu à l'inéligibilité à l'aide des surfaces en mélange de légumineuses et graminées, rendant les paiements correspondants indus. La conciliation devrait aboutir à l'automne 2020. Le montant de correction notifié dans la communication officielle avant conciliation s'élève à 45.9 millions d'euros.

- droits à paiement de base- DPB - (campagnes 2015 à 2017) : les griefs de la Commission européenne portent sur les modalités de calcul des DPB et sur le contrôles de la notion d'« agriculteur actif ». Le montant de correction notifié dans la communication officielle de la Commission s'élève à 12.3 millions d'euros ;

- contrôle des marchés publics dans le cadre du FEADER : l'insuffisance du contrôle de la conformité des procédures de marchés public tant lors des contrôles administratifs que des contrôles sur place a conduit la Commission a proposé une correction de 0,2 million d'euros sur base d'un chiffrage produit par les autorités françaises et les autorités de gestion du FEADER ;

- certification des comptes 2020 de l'ODEADOM et de l'ODARC : la correction proposée par la Commission pour ces deux procédures s'élève à un total de 0,3 million d'euros.

Pour les autres procédures en cours il n'est pas possible d'anticiper les délais de finalisation et déterminer à quel exercice budgétaire les corrections qui seront prononcées se rattacheront. Celles qui sont les plus avancées sont les suivantes (les montants éventuellement affichés restent indicatifs et ne préjugent pas du résultat des échanges contradictoires) :

- les aides aux surfaces (campagnes 2016 et 2017 dans l'Hexagone - hors Corse) : dans cette enquête, la Commission a relevé une divergence d'appréciation de l'éligibilité de certaines zones peu productives, l'insuffisance du contrôle des clauses de contournement et des défaillances dans la formalisation de l'analyse de risque visant à sélectionner les dossiers mis à contrôle sur place. Elle propose une correction de 78,4 millions d'euros . L'organe de conciliation a été saisi pour faire valoir les chiffrages produits par les autorités françaises et réduire le montant de correction. La certification des comptes 2017 de l'ASP a été rattachée à cette procédure. Pour cette dernière, la correction proposée s'élève à 4 millions d'euros;

- la certification des comptes des organismes payeurs (exercices financiers européens 2016, 2017 et 2018) : dans le cadre des exercices de certification des comptes, la CCCOP a constaté des taux d'erreur élevés pour l'exercice 2016 de l'ASP induisant, du fait du mécanisme d'extrapolation statistique des erreurs, un risque de correction potentiel de plus de 119 millions d'euros. Cette évolution est liée à l'introduction des vérifications supplémentaires que l'organisme de certification doit réaliser dans le cadre du déploiement du « single audit » et dont certaines posent de nombreuses questions méthodologiques.

C'est ainsi le cas des re-vérifications des contrôles sur place qui génèrent de nombreux constats d'écarts. Toutefois, les éléments apportés dans le cadre de la phase contradictoire devraient conduire à ramener ce montant aux alentours de 7,7 millions d'euros ; pour l'exercice financier 2018, les constats initiaux s'avèrent plus limité, avec un enjeu de 26,5 millions d'euros pour l'ASP et de 9,2 millions d'euros pour FranceAgriMer. Les échanges contradictoires sont en cours sur ces dossiers. »

Les rapporteurs spéciaux observent qu'un montant plancher de près de 60 millions d'euros devrait être imputé sur la dotation de 190 millions d'euros ouverte au titre des dépenses imprévues 16 ( * ) .

Des risques supplémentaires pendent sur l'exécution 2021 qui dépassent, par leur ampleur, la programmation budgétaire de la provision.

Dans ces conditions, le reliquat disponible sur la provision pour aléas serait tout au plus de 130 millions d'euros, un niveau nettement en-deçà des crédits nécessaires pour alimenter les ressources du fonds national de gestion des risques en agriculture en 2020 et sans doute en 2021.

Un telle programmation ouvre d'emblée à la perspective d'arbitrages budgétaires en gestion, pouvant affecter la capacité du budget pour 2021 à assumer ses charges en bon temps, ou de nouvelles ouvertures en lois de finances rectificative pour 2021, à l'image de l'ouverture demandée dans le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

(2) L'épuisement des réserves du fonds national de gestion des risques en agriculture

Le calibrage de la dotation pour « dépenses imprévisibles » s'inscrit dans un contexte de tensions sanitaires et climatiques susceptibles de porter de très lourds préjudices économiques aux exploitants, sans que ces derniers soient suffisamment assurés contre leurs conséquences.

La dotation pour « dépenses imprévisibles » est censée couvrir ces besoins.

L'an dernier les rapporteurs spéciaux en avaient souligné la trop grande modicité. L'exécution pour 2020 leur donne raison.

D'ores et déjà, une impasse de financement de plus de 53 millions d'euros (plus de 30 % de la programmation budgétaire) doit être constatée pour 2020.

Les conditions dans lesquelles elle sera couverte paraissent, en l'absence de tout crédit nouvellement inscrit dans le projet de loi de finances rectificative, devoir passer par la mobilisation de dotations inscrites pour financer d'autres actions, voire par la ponction de la trésorerie de certains opérateurs du ministère.

En métropole, la gestion des risques de production d'ampleur importante repose sur trois dispositifs :

- s'agissant des risques sanitaires et environnementaux , le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) , seul fonds agréé, a pour objet d'indemniser les pertes subies par les agriculteurs grâce à un co-financement professionnel à hauteur de 35 % et un co-financement public de 65 % ; jusqu'en 2014, ce soutien était financé à 25 % par le FNGRA et à 75 % par le FEAGA (1 er pilier de la PAC). Depuis 2015, l'origine de ce soutien peut être européen (Feader via le PNGRAT) ou national (FNGRA via un régime d'aide notifié). La contribution européenne ne peut être mobilisée que si la perte de production est supérieure à 30 % de la production annuelle. La contribution de l'État peut être mobilisée si ces pertes sont inférieures à ce seuil ;

- s'agissant des risques climatiques, deux dispositifs d'indemnisation exclusifs l'un de l'autre sont mobilisés : d'une part, les exploitants victimes d'un risque considéré comme non assurable, jugé d'importance exceptionnelle et dû à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel climatique, peuvent être indemnisés par le régime des calamités agricoles qui constitue un premier niveau de filet de sécurité ; d'autre part, les exploitants ayant souscrit un contrat multirisques climatiques auprès de compagnies d'assurance privées reçoivent de celles-ci des indemnisations contractuelles en cas de sinistre.

Ces trois dispositifs pouvaient bénéficier d'un financement par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Toutefois depuis la campagne 2015, l'aide à l'assurance récolte est financée à 100 % par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et ne mobilise plus le FNGRA.

Dans tous les cas, les enveloppes budgétées sont régulièrement insuffisantes, conduisant à des redéploiements de crédits, fréquemment contestables.

Le soutien aux fonds de mutualisation pour les risques sanitaires et environnementaux e st financé soit par le FNGRA, soit par le Feader, en fonction du niveau des pertes constatées (voir ci-dessus).

Le FNGRA reste donc mobilisé pour le financement des calamités agricoles et de certains programmes d'indemnisation du FMSE.

Les ressources du FNGRA sont le produit des contributions additionnelles aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d'assurance couvrant les dommages aux bâtiments et au cheptel affectés aux exploitations agricoles et les risques de responsabilité civile et de dommages relatifs aux véhicules affectés aux exploitations agricoles ainsi qu'une contribution additionnelle applicable aux exploitations conchylicoles et une subvention du budget de l'État.

La trésorerie du fonds a été asséchée par un prélèvement de 255 millions d'euros en 2015. Par ailleurs, le taux de la taxe additionnelle est passé de 11 % à 5,5 %, et la contribution additionnelle est plafonnée à 60 millions d'euros depuis le 1 er janvier 2016.

Les ressources ordinaires du FNGRA sont structurellement de l'ordre de 62 millions d'euros par an.

Dans ces conditions, en cas de crise majeure, telle la sécheresse ou des excès de pluies, l'abondement du fonds par des crédits d'État devient nécessaire.

Les crédits budgétés initialement étaient chroniquement insuffisants. Aussi, des abondements successifs par ouvertures en loi de finances rectificative sont intervenus pour des montants souvent très significatifs, venant compléter des provisions budgétaires initiales sous-calibrées :

- en 2010 pour 32,8 millions d'euros ;

- en 2011 pour 9,2 millions d'euros ;

- en 2012 à hauteur de 111,8 millions d'euros ;

- en 2016 pour 81 millions d'euros.

Depuis l'instauration de la « provision pour dépenses imprévisibles », cette dernière constitue un réservoir de crédits supposés permettre de financer les besoins apparues en cours d'année, sans recourir à des décrets d'avances ou à des lois de finances rectificatives.

Les besoins varient en fonction des crises, l'année 2018 ayant été marquée par d'importants sinistres, tant au regard des calamités agricoles que du point de vue des pertes sanitaires.

Évolution des ressources et des charges du FNGRA depuis 2014

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les dépenses du FNGRA ont atteint 182,4 millions d'euros en 2018 face à des recettes ordinaires de 60 millions d'euros, soit une impasse de financement de 122,4 millions d'euros.

La trésorerie du fonds (70,7 millions d'euros à l'ouverture de l'exercice), pourtant fortement sollicitée, s'est trouvée hors d'état de la financer, obligeant l'État à un versement de 75 millions d'euros.

Compte tenu des dépenses réalisées, au total, les ressources de trésorerie disponibles à la fin de l'exercice pour les interventions du FNGRA en 2019 s'élevaient à 22 millions d'euros.

On rappelle que les indemnités causées par la sécheresse de 2018 avaient été initialement évaluées à 400 millions d'euros, estimation finalement ramenée à 300 millions d'euros, pour des raisons qui mériteraient d'être détaillées (voir infra la question de la gestion des dossiers d'indemnisation).

Autrement dit, une charge non financée de l'ordre de 159 millions d'euros au titre de la sécheresse de 2018 restait pendante au terme de l'exercice 2018.

En ce qui concerne l'année 2019 , compte tenu des besoins subsistant après la sécheresse 2018, des tensions importantes sur ces ressources ont, à nouveau, nécessité des abondements en crédits État tout au long de l'année. Au total, 87,5 millions d'euros ont ainsi été délégués au FNGRA. Ce dernier a dépensé 150,7 millions d'euros au titre du dispositif calamités agricoles, apurant des dettes d'indemnisation antérieures.

À l'entrée de 2020, le FNGRA disposait d'un solde de 20,8 millions d'euros.

Selon les informations mentionnées par le rapport du CBCM, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation estimait le total des charges à payer à 227 millions d'euros correspondant aux décisions tardivement prises en décembre 2019 (112,5 millions d'euros) auxquelles devaient s'ajouter les décisions des différentes sessions du comité national de gestion des risques en agriculture entre janvier 2020 et octobre 2020 (114,5 millions d'euros).

Un besoin de financement complémentaire apparaît donc autour de 150 millions d'euros, une fois prises en compte les recettes courantes du FNGRA (60 millions d'euros) et sa trésorerie.

Ces tensions ont, une fois de plus, nécessité des abondements en crédits d'État tout au long de l'année. Au total, 113,5 millions d'euros ont ainsi été délégués à fin septembre 2020. Il reste un solde dont l'estimation (autour de 36 millions d'euros) est dépendante d'hypothèses nombreuses, parmi lesquelles le taux de rejet des dossiers de demande d'indemnisation, fixé conventionnellement à 10 %, mais qui, dans les faits, est souvent un peu supérieur (voir infra ).

En toute hypothèse, la dotation prévue dans le cadre de la provision pour aléas sur le programme 149 en loi de finances initiale pour 2020 ne permet pas de combler l'ensemble des besoins identifiés cette année, une fois défalquées les dépenses nécessaires au règlement des refus d'apurement européens.

L'impasse de financement serait couverte par les 50 millions d'euros demandés dans le cadre de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020.

Cette perspective avait été annoncée par les rapporteurs spéciaux de la commission des finances l'an dernier.

Encore faut-il observer que les effets des calamités agricoles de 2020 n'étant que peu pris en compte en l'état actuel des traitements des demandes, ils ne seront pas financés sur les crédits ouverts en 2020 mais sur ceux de 2021.

En l'état de la budgétisation de la provision pour aléas pour 2021 (190 millions d'euros), compte tenu des charges envisagées du fait des refus d'apurement et des charges d'indemnisation de calamités reportées sur 2021, le projet de loi de finances pour l'année à venir paraît à nouveau devoir réserver des difficultés de bouclage de l'équilibre financier du FNGRA d'autant qu'il faut compter avec la montée en charge des indemnisations accordées dans le cadre du FMSE, au titre des risques sanitaires et environnementaux, dont le poids pourrait s'alourdir (17,8 millions d'euros en 2018, 10 millions d'euros en 2020) du fait de certains graves sinistres non encore bouclés.

c) La faible pénétration de l'assurance-récolte et les délais de traitement des dossiers d'indemnisation, deux sujets de préoccupation
(1) La mise en oeuvre des indemnisations, un problème de délais et des taux de refus trop élevés

Les conditions de traitement des demandes d'indemnisation sont comme souvent complexes et posent des problèmes de trésorerie, qui peuvent mettre en danger certains exploitants.

Il est dès lors heureux que le ministère ait obtenu une augmentation des avances versées dans le cadre de la gestion du FEADER.

S'agissant des délais d'indemnisation, le délai moyen entre le jour de la déclaration du sinistre et le paiement n'est pas connu.

Les délais sont allongés pour les pertes de récolte du fait qu'il est jugé nécessaire d'attendre la fin de campagne pour pouvoir estimer les pertes réelles.

Une certaine amélioration semble intervenir. S'agissant de la sécheresse 2019, les premiers dossiers correspondant à 80 % des dommages ont été reconnus dès le mois de décembre, soit 2 mois après la fin de la campagne, mais bien après que les pertes aient été subies par les exploitants.

Le délai moyen entre l'ouverture du dossier correspondant à l'aléa climatique par la direction départementale du territoire (après validation en CNGRA) et sa mise en paiement, soit le délai correspondant à la phase de réception des demandes individuelles puis d'instruction des dossiers, est de 91 jours.

La mise en place de télé-procédures est vivement encouragée afin de réduire encore ce délai.

Il n'y a rien à objecter à ces démarches mais compte tenu des taux de couverture numérique et des difficultés rencontrées par les usagers et les services à traiter de telles demandes, l'on ne doit pas en attendre beaucoup de succès.

Il conviendrait donc d'instaurer des systèmes de gestion de crises susceptibles d'apporter une réponse très réactive et plus profonde aux besoins.

En ce qui concerne les taux de refus, ils paraissent se réduire.

Pour les sinistres intervenus en 2018, le taux de refus global avait été de 20,58 % sur l'ensemble des dossiers de demandes d`indemnisation au titre des calamités agricoles. Pour les sinistres intervenus en 2019, le taux de refus global a été de 13,94 %.

Ces évolutions mériteraient des explications, d'autant que les refus sont le plus souvent liés au non-respect des règles d'éligibilité individuelles (non-respect de l'obligation d'assurance). Il est possible que l'autre motif important de non couverture du risque par le FNGRA (c'est-à-dire la non atteinte des seuils de pertes minimum) ait malheureusement joué.

Ces motifs invitent à accorder une attention renouvelée à la diffusion de l'assurance-récolte.

(2) Une assurance récolte qui, même peu diffusée, épuise les dotations provisionnées pour en favoriser la pénétration

En ce qui concerne l'assurance récolte , force est de constater qu'elle souffre d'un taux de pénétration encore assez modeste, malgré une certaine progression ces dernières années.

Taux de diffusion de l'assurance récolte entre 2010 et 2019

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La couverture assurantielle des surfaces agricoles est désormais un peu supérieure à 30 %, soit un gain de près de 5 points par rapport à 2010 ; traditionnellement particulièrement basse dans le domaine des légumes, l'assurance y a nettement progressé depuis 2017, l'arboriculture restant très peu concernée.

Le nombre de contrats d'assurance multi-risques climatiques (MRC) commercialisés a diminué jusqu'en 2016 (68 378 contrats en 2015, 65 483 en 2016). Il est reparti à la hausse à partir de 2017 avec 69 399 contrats, 70 126 contrats en 2018 et 70 157 contrats en 2019 d'après les données transmises par les assureurs.

Depuis la campagne 2016, l'architecture du contrat subventionné est articulée selon deux niveaux de garantie avec des taux de soutien différenciés :

- un premier niveau de garantie, dit niveau socle, avec un taux de subvention de 65 %. Il constitue un socle minimum de protection permettant de relancer le cycle de production en cas de sinistre. Son coût est limité, ce qui doit faciliter l'accès à l'assurance récolte ;

- un second niveau avec des garanties complémentaires et un taux de subvention de 45 %.

Les agriculteurs peuvent en outre souscrire des extensions de garantie (réduire le taux de franchise ou bien encore le seuil de déclenchement) pour disposer d'une meilleure couverture mais elles ne bénéficient pas de subventions.

Pour les contrats de base, l'État soutient le développement de ce type d'assurance grâce à une subvention prenant partiellement en charge le coût de la prime ou cotisation d'assurance.

Les problèmes régulièrement constatés de financement du dispositif font obstacle à une anticipation claire des taux de subventionnement. Malgré des ajustements successifs, l'environnement de l'assurance récolte reste marqué par la persistance de cette difficulté.

Depuis 2015, ces aides sont versées dans le cadre du deuxième pilier de la PAC, au titre du Programme national de gestion des risques et d'assistance technique (PNGRAT), et sont entièrement financées par des fonds européens (FEADER). Le FNGRA n'est plus mobilisé.

L' enveloppe de 600,75 millions d'euros, issue d'un premier transfert du premier vers le deuxième pilier de la PAC allouée au financement de l'aide à l'assurance récolte et au soutien aux fonds de mutualisation en cas d'aléas sanitaires et environnementaux pour la période 2015-2020 mise en place dans le cadre de la nouvelle PAC n'était pas suffisante pour garantir les taux de subvention actuels jusqu'à la fin de la programmation.

Un complément de 74,5 millions d'euros, qui a porté l'enveloppe totale à 675,25 millions d'euros, a été alloué aux mesures de gestion des risques suite à un transfert complémentaire du premier vers le second pilier notifié à la Commission européenne à l'été 2017.

Ce transfert peut être apprécié en fonction des estimations portant sur l'impasse financière du dispositif. Cette dernière avait été estimée un temps à 85 millions d'euros et à près de 170 millions d'euros en cas de progression modérée du dispositif.

Le comblement n'a donc été que partiel. Il est expliqué qu'il serait complété dans le cadre d'un nouveau transfert du premier pilier vers le deuxième pilier de la PAC en 2019 (voir supra ).

Les rapporteurs spéciaux relèvent que les fonds du premier pilier de la PAC ont été ponctionnés pour assurer l'effectivité du soutien aux assurés. Cet arbitrage, qui est loin d'être un cas isolé (voir infra) traduit une forme d'inconséquence de la programmation financière des enveloppes de la PAC, qui oblige à réduire les aides directes du premier pilier pour financer les impasses de financement constatées sur plusieurs interventions relevant du second pilier de la PAC.

En l'état, le taux de subvention des polices d'assurance pour 2021 ne semble pas avoir été arrêté dans un contexte d'expansion même insuffisante de la diffusion de l'assurance et de contrainte budgétaire.

Les rapporteurs spéciaux prennent acte d'un retour à la normale des paiements des aides à l'assurance-récolte depuis 2018.

Ils relèvent que le Sénat a récemment adopté une résolution sur la diffusion de l'assurance récolte que le ministère indique prendre en considération.

Toutefois, sur plusieurs points, une forme de réticence se manifeste.

C'est ainsi que concernant les opportunités offertes par le règlement européen dit « règlement Omnibus » pour baisser le seuil de déclenchement du niveau des pertes de rendement de 30 % à 20 %, le choix a été fait pour l'actuelle programmation de ne pas les utiliser au motif que, si un tel abaissement permettrait de proposer un contrat subventionné plus protecteur, il serait également plus coûteux pour l'exploitant agricole et aurait un impact budgétaire très important, non soutenable par les crédits FEADER 2014-2020. Il impliquerait un prélèvement supplémentaire sur le premier pilier de la PAC.

En outre, la recommandation d'allonger la période de référence par rapport à laquelle les pertes sont évaluées (passer d'une moyenne quinquennale à une moyenne sur 10 ou 15 ans) avant de la supprimer à terme recueille un certain accord puisque le ministère indique que le Gouvernement porte auprès de l'Union européenne la possibilité d'allonger la période de référence pour le calcul des rendements assurés. Cependant, il n'en précise pas moins que l'opportunité d'un tel allongement devra néanmoins être étudiée, pour éviter de déconnecter la période de référence de la réalité, et de conduire ainsi à des cotisations plus élevées pour les agriculteurs soulignant qu'une période de référence restera indispensable pour évaluer le taux de pertes et donc le déclenchement d'un dispositif d'indemnisation.

Évoquant une consultation avec les parties prenantes, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation indique considérer qu'un consensus conduit à reconnaître que la gestion des aléas de faible ampleur fait partie intrinsèque de l'activité agricole, et que les outils de mutualisation des risques apparaissent par contre nécessaires dès que l'on atteint de 20 à 30 % de pertes de récolte minimum.

On admettra que la marge est assez large.

B. UN BUDGET SANS TONUS ET SANS PERSPECTIVES POUR LES AGRICULTEURS

1. Un budget qui ne tient pas assez compte de l'état de consommation du FEADER

La programmation budgétaire du programme 149 est étroitement liée aux conditions de programmation et d'exécution budgétaires du FEADER puisqu'aussi bien une grande partie des crédits nationaux sont inscrits en cofinancement des interventions du budget européen.

Le baisse des autorisations d'engagement dans le projet de budget pour 2021, qui est concentrée sur l'action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » du programme 149 paraît témoigner de l'impact des interactions existant entre le budget européen (sous gestion des régions) et le budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

En ce qui concerne l'exécution du budget européen, des règles imposent aux États membres une échéance au-delà de laquelle les crédits du cadre financier européen actuel ne pourront plus être ni engagés ni payés.

Rappel des règles européennes de mobilisation des crédits du FEADER

La date limite de paiement est fixée au 31 décembre 2023 dans le règlement (UE) n°1303/2013 du 17 décembre 2013. La date limite pour les engagements de crédits au bénéfice des agriculteurs est fixée par chaque État membre dans le respect de la date limite de paiement

S'agissant du dégagement d'office, la réglementation européenne prévoit que la part des crédits FEADER mise à disposition d'une autorité de gestion en année « n » et qui ne donne pas lieu à un paiement au profit des bénéficiaires finaux à la fin de « n+3 » est dégagée d'office, c'est-à-dire définitivement perdue. Les premières mises à disposition du FEADER au profit des autorités de gestion ayant eu lieu en 2015, le seuil de paiements correspondants doit être atteint fin 2018. Tous les PDR ont atteint le seuil de paiement exigé au 31 décembre 2018.

Une souplesse a été introduite en 2020 pour tenir compte de la situation de crise avec un report des échéances.

La maquette FEADER-France avait été dotée de 12 milliards d'euros dans la programmation 2015-2020.

Un accord a été trouvé en juin 2020 pour prolonger de deux ans la programmation actuelle (dans ses cadres réglementaires de référence) pour tenir compte des difficultés liées à la situation sanitaire mais aussi à la transition vers un nouveau cadre financier dont les enveloppes restent à définir précisément.

Pour la programmation financière 2021-2027, la PAC est dotée de 386,7 milliards d'euros, dont 8,2 milliards d'euros au titre du plan de relance, pour un total net de 378,5 milliards d'euros. Cette programmation a été présentée comme un succès puisqu'elle relève de 22 milliards d''euros les propositions initiales de la Commission européenne. Pourtant, elle consacre une baisse des crédits ordinaires de 2,1 milliards d'euros.

L'allocation réservée à la France s'établit (hors allocations non fléchées) à 66,2 milliards d'euros, dont 54,8 milliards d'euros au titre du premier pilier (FEAGA) et 11,4 milliards d'euros au titre du second pilier (FEADER), mais seulement 10,6 milliards d'euros hors plan de relance européen.

La France perd ainsi 1,4 milliard d'euros entre l'actuelle programmation et la programmation 2021-2027 (un peu plus de 500 millions d'euros en comprenant le plan de relance).

On s'accordera pour conclure que la politique agricole sort affaiblie de la négociation européenne, alors même que ses ambitions affichées n'ont jamais été aussi élevées.

Le nouveau cadre financier repose sur des fondements susceptibles de modifier la répartition des subventions entre les exploitants.

Un travail d'évaluation ex ante devrait être conduit pour clarifier les anticipations des opérateurs.

Il convient d'ajouter que, contrairement aux résolutions adoptées par le Sénat, qui ont régulièrement insisté sur la nécessité de conserver un caractère commun à la PAC, le compromis conclu devrait déboucher sur une hétérogénéité des politiques de mobilisation des fonds européens par les pays de l'Union.

Le tableau ci-dessous qui résume les possibilités de transferts entre les deux piliers de la PAC en témoigne.

Évolution du trilogue sur les choix de plans stratégiques ouverts aux Etats dans la prochaine PAC

Source : Union européenne

On pressent que les Etats pour lesquels le montant moyen d'aide à l'hectare est inférieur à celui de la moyenne des pays de l'Union européenne pourraient, en marge des objectifs de transition agro-écologique et d'une agriculture diversifiée maillant le territoire affichés, choisir de renforcer les aides surfaciques indépendantes de ce type de conditionnalité avec des impacts forts en termes de concurrence intra-européenne.

Finalement, le seul motif de satisfaction réside dans la sanctuarisation de l'indexation des enveloppes fixée à 2 % ne varietur , du moins dans l'hypothèse où l'inflation des prix des consommations intermédiaires agricoles devait être inférieure à cet index, qui, au demeurant, ne protège pas particulièrement les agriculteurs contre des épisodes de forte volatilité à la baisse des prix agricoles.

En ce qui concerne la situation actuelle, le niveau des engagements effectués à partir des enveloppes du FEADER au 1 er juin 2019 n'atteignait que 65 % des enveloppes disponibles dans le cadre financier en vigueur tandis que le niveau des paiements n'atteignait que 50 % du disponible. Les paiements réalisés sur engagements couvraient 78 % de ceux-ci (soit un reste à payer sur engagement de 1,7 milliard d'euros).

Données relatives à la consommation des dotations de la France
au titre du FEADER au 1 er juin 2019

Depuis, le taux des engagements a nettement progressé, passant à 81 % du disponible (16 points de plus qu'il y a un an).

Il en est allé de même pour les paiements qui ont absorbé 67 % des disponibilités et 82 % des engagements vivants.

Le reste à payer s'élève à 3,9 milliards d'euros, dont 1,7 milliard d'euros sur des dotations déjà engagées.

Les niveaux des engagements et des paiements sur la période juin 2019 - juin 2020 ont été homothétiques, de 2 milliards d'euros.

Données relatives à la consommation des dotations de la France au titre du FEADER au 1 er juin 2020

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En ce qui concerne les engagements , le rythme observable à mi-2020 n'implique donc pas d'inquiétudes systématiques sur la capacité de la France à mobiliser son enveloppe aux réserves près formulées infra sur la consommation de certaines lignes budgétaires dans les écritures de l'ASP.

Toutefois, certaines observations s'imposent.

En premier lieu, il n'est pas nécessairement rassurant qu'en seulement douze mois le tiers des engagements entrepris sur les quatre ans précédents aient pu être consommés. Il est vrai que des retards de consommation avaient dû être concédés du fait du mauvais état de nos outils de gestion des aides. Reste à vérifier que les engagements auront toute leur portée.

Par ailleurs, pour certaines lignes, la situation est inquiétante (LEADER, assistance technique, services de base, investissements).

Elle était paradoxale en 2019 sur la ligne consacrée aux aléas. Si la consommation de cette ligne a connu récemment une très forte progression de ses engagements, un reliquat encore très élevé demeure, ce qui n'est guère satisfaisant au vu des besoins.

Il faut, inversement, être attentif aux contraintes engendrées par des enveloppes insuffisantes pour certaines interventions. Les engagements au titre des MAEC et de l'agriculture biologique paraissent très tendus, malgré les aménagements contestables dont ils ont fait l'objet de la part du ministère de l'agriculture (voir infra ), aménagements susceptibles de réduire les soutiens accordés à partir du FEADER, soutiens par ailleurs sous financés.

Ils n'augurent pas de la bonne fin des ambitions biologiques postérieures aux États généraux de l'alimentation, à laquelle les rapporteurs spéciaux Alain Houpert et Yannick Botrel ont consacré des développements dans leur rapport sur les crédits pour le développement de l'agriculture biologique.

Quant aux paiements , leur situation est difficile à apprécier compte tenu des retards de paiement accumulés et dans un contexte où les engagements couvrent des périodes pluriannuelles. Pour certaines lignes dont le taux d'engagement est très faible, ils sont eux-mêmes très en retard. Pour d'autres lignes, l'écart entre le taux d'engagement relativement élevé, et le taux de consommation, encore assez modeste, supposera de dégager les moyens budgétaires permettant de financer la partie nationale des financements.

Dans ces conditions, la question demeure des perspectives budgétaires nées de la réalisation de la programmation actuelle qu'il faudra combiner avec la future programmation pluriannuelle du budget européen.

À cet égard, selon le jaune consacré aux relations financières entre la France et l'Union européenne, le budget FEADER pour 2021 pour l'ensemble de l'Union européenne est fixé à 14,8 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit 2,7 milliards d'euros de plus qu'en régime de croisière.

En comparaison, le projet de budget pour 2021 extériorise une baisse des autorisations d'engagement, dont la cohérence avec la programmation européenne n'apparaît pas évidente. Il en va de même compte tenu des besoins résiduels de paiement pour les crédits de paiement.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent qu'à l'avenir l'articulation entre la programmation budgétaire nationale et la programmation européenne fasse l'objet d'un exposé systématique.

2. Des dotations sans tonus

Les dotations proprement agricoles du programme 149 sont en recul : - 124 millions d'euros pour les autorisations d'engagement ; - 44,2 millions d'euros pour les crédits de paiement.

Le repli est particulièrement sensible pour les actions n° 023 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » (près de - 12 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 30 millions d'euros en crédits de paiement) et n° 24 « Gestion équilibrée des territoires » (plus de 110 millions d'euros de moins en autorisations d'engagement et de 17 millions d'euros de moins en crédits de paiement).

Ces évolutions font suite à des dotations qui avaient augmenté l'an dernier (sans, toutefois, que le rythme des crédits nationaux paraisse suivre celui de la consommation des fonds européen).

En ce qui concerne les autorisations d'engagement, l'épuisement des réserves disponibles au budget européen constitue une contrainte pour la programmation de l'action n° 24.

Pour ce qui est des crédits de paiement, l'analyse des dotations est plus nuancée. Les paiements à mettre en oeuvre demeurant élevés pour les MAEC et les aides à l'agriculture biologique, toute appréciation a priori dépend du rythme d'exécution des contrats, tandis que, pour l'ICHN, la quasi-totalité des engagements ayant été payés, ces derniers ayant eux-mêmes été presque totalement engagés, la question qui se pose est celle de la visibilité des crédits disponibles sur la nouvelle programmation européenne.

En ce qui concerne l'action n° 23, la programmation des crédits en forte baisse pour les actions de modernisation des exploitations et pour les aides à l'installation, pour être justifiée par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation par un rythme de consommation plus modeste qu'anticipé, traduit une difficulté à mettre en oeuvre des moyens correspondant à des priorités affichées de notre politique agricole.

a) L'indemnité de compensation des handicaps naturels, une dotation qui baisse confrontée à des exigences élevées

Les dotations prévues pour financer l'ICHN sont en repli de 7 millions d'euros (-2,5 %) par rapport aux ouvertures proposées en 2020 . Ces ouvertures étaient stables l'an dernier, après une augmentation des dotations en 2019, expliquée par la réforme du zonage.

On relèvera également que le montant unitaire de l'ICHN a été fortement revalorisé au cours de la programmation actuelle avec l'intégration progressive d'un complément de 70 euros/hectare sur 75 hectares et l'ouverture de l'ICHN à de nouveaux bénéficiaires du fait de l'assouplissement de certaines règles d'éligibilité, au bénéfice, par exemple, des éleveurs laitiers des zones défavorisées simples et de piémont, ces revalorisations et cet élargissement ayant fait passer l'enveloppe État de 232 millions d'euros en 2015 à 264 millions d'euros en 2017 et 2018. Néanmoins, l'ICHN n'est plus revalorisée depuis plusieurs exercices et l'année 2021 ne devrait pas échapper à la règle.

À compter de 2019, la réforme du zonage a engendré un accroissement de l'enveloppe budgétaire allouée à l'ICHN de 20,2 millions d'euros ainsi portée à 284,2 millions d'euros pour 2019, mais ramenée en 2020 à 279,2 millions d'euros après l'adoption d'un amendement de crédits négatif (- 5 millions d'euros) présenté par le Gouvernement.

En conséquence, une fois ajustées de l'amendement susmentionné, les dotations ICHN ne baissent plus que de 2,2 millions d'euros pour 2021.

L'ICHN au défi du nouveau zonage

L'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) dépend d'un classement par zonage. L'ICHN vise au maintien des exploitations agricoles durables dans les zones défavorisées (montagne, piémont et zones défavorisées simples). L'ICHN permet d'indemniser les agriculteurs pour tout ou partie des coûts supplémentaires et de la perte de revenu résultant des contraintes inhérentes à la présence dans ces zones pour la production agricole. Au total près de 102 000 bénéficiaires sont concernés. Ce soutien économique est essentiellement orienté vers les zones de montagne et de haute-montagne qui représentent environ 75 % du montant de cette aide.

En 2019, l'ICHN fera l'objet d'une réforme à travers la révision du zonage des zones défavorisées hors-montagne, exigée par le règlement de développement rural.

Le nouveau zonage se compose de deux parties :

- une première partie, les « zones soumises à contraintes naturelles », qui découle de l'application stricte de critères européens biophysiques et climatiques, sur laquelle il n'y a pas de marge de discussion ;

- une deuxième partie, les « zones soumises à contraintes spécifiques » (ZSCS) où la prise en compte de certaines spécificités nationales est permise. Ainsi, dans le respect du plafond de 10 % du territoire pouvant être classé sous cette catégorie, le caractère extensif de l'élevage dans certains territoires, ou encore certaines particularités d'intérêt pour l'environnement ou le paysage (présence de haies ou parcellaire morcelé, présence de surfaces peu productives ou de zones humides, zones soumises à déprise agricole, ou encore insularité) peuvent être prises en compte.

Il convient de souligner que la réforme du zonage a impliqué un nouveau transfert entre les deux piliers de la PAC.

Le co-financement européen portant sur l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) a appelé une enveloppe complémentaire actée dans le transfert décidé le 1 er août 2017 entre le premier pilier et le second pilier sur 2019 et 2020. La majeure partie du transfert a été affectée à la couverture des besoins de l'ICHN, soit 503 millions d'euros. La France demandera également à ce que ce transfert puisse être prolongé dans le cadre de la transition entre la programmation actuelle et la suivante, pour couvrir le besoin subsistant.

Ainsi, il était prévu que le renforcement de la ligne soit « repris » à la « Ferme France », à travers une réduction des paiements du premier pilier. Elle ne peut donc être portée au crédit d'une politique agricole plus volontariste.

Il convient également de suivre les conditions effectives de consommation des dotations.

Après délégation à l'ASP, il semble subsister des déficits de consommation significatifs, un solde de trésorerie de 32 millions d'euros à fin 2019 étant particulièrement identifié par le CBCM dans son avis sur la répartition des crédits pour 2020.

L'ICHN comme d'autres interventions suit des mesures de rationnement afin de piloter les dépenses effectives. Pour ce qui concerne l'ICHN, le volume global de l'aide est contrôlé à l'aide d'un coefficient stabilisateur. Ce dernier applique une modulation (en général aux alentours de 95%) permettant d'adapter le besoin à l'enveloppe dédiée au dispositif. La modulation est fixée par campagne, à l'échelle de l'hexagone. Mais des modulations régionales peuvent intervenir si bien que les taux d'aide diffèrent selon les régions.

Cela n'est pas sans poser de sérieux problèmes d'égalité de traitement d'autant que les crédits européens ICHN sont pratiquement consommés.

Pour les exploitants qui, suite à la réforme, étaient appelés à ne plus faire partie du zonage (3 800 exploitations), le règlement européen 1305/2013 donnait la possibilité de les soutenir avec une aide dégressive jusqu'à la fin de la programmation européenne en vigueur.

Le Gouvernement avait décidé d'activer ce levier à travers la mise en place de mesures d'accompagnement afin de préserver les agriculteurs de ces zones.

Il s'agissait d'accompagner les agriculteurs sortant du zonage sous la forme d'une aide dégressive en 2019 et 2020 correspondant, respectivement, à 80 % et 40 % du montant de l'ICHN de la programmation 2014-2020.

Les conditions de mise en oeuvre de cet accompagnement devrait être clairement exposées. Par ailleurs, la programmation européenne en vigueur arrivant à son terme, mais devant être prolongée de deux ans, on ne sait si cet accompagnement sera maintenu en 2021, la réduction des crédits paraissant de prime abord indiquer plutôt le contraire, tout comme la réponse adressée aux rapporteurs spéciaux qui fait état de mesures alternatives comme l'accès à des MAEC.

On rappelle par ailleurs que la part des exploitants bénéficiaires de l'ICHN est un des indicateurs de l'objectif de maintenir une agriculture diversifiée dans tous les territoires ruraux.

Cet indicateur a connu une augmentation en 2019 à la suite de la réforme du zonage qui a fait entrer de nouveaux bénéficiaires. Près d'un tiers des exploitations agricoles bénéficiant des aides de la PAC bénéficient de cette indemnité.

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2021

Un certain repli se dessinerait en 2021, dont les ressorts pourraient tenir à la situation sanitaire et à l'arrêt des mesures d'accompagnement évoquées plus haut. En toute hypothèse, les objectifs fixés au-delà de 2022 sont totalement conventionnels en l'absence de précisions sur la programmation fine de la nouvelle PAC, dont le cadre d'interventions doit être profondément renouvelé.

Il est évidemment indispensable de clarifier cette situation.

Malgré le choix effectué par la France de ne compenser que 40 % du différentiel de revenu par hectare entre les exploitations des zones défavorisées et celles situées en zone non défavorisées, l'ICHN représente une source majeure du compte d'exploitation de la plupart des nombreuses entreprises agricoles qui en bénéficient.

b) Une baisse des crédits de modernisation des exploitations de la mission AAFAR

L'an dernier les rapporteurs spéciaux avaient salué le renforcement des moyens consacrés à la modernisation des exploitations agricoles (+ 5,7 millions d'euros) tout en exprimant un certain scepticisme sur sa portée du fait de modalités pratiques de mise en oeuvre de ces crédits particulièrement complexes.

Le circuit des financements fait intervenir des acteurs multiples, obéissant pour une grande partie à une logique d'effet de levier, toujours délicate à mettre en oeuvre. En outre, les interventions budgétées dans le cadre de la mission AAFAR sont tributaires de la gestion de la ligne correspondante du FEADER par les régions, dans un contexte où le taux de cofinancement européen est plus faible que pour d'autres interventions.

Or, si les régions paraissent particulièrement attentives à exécuter les enveloppes disponibles en engagements, les paiements ne suivent que difficilement.

Ces dernières années, une partie importante des crédits a été mobilisée pour mettre à niveau les installations permettant d'assurer la sécurisation sanitaire dans la filière palmipède et des investissements en faveur de la qualité de l'air dans les élevages intensifs de volailles et de porcins. Les moyens pratiquement dégagés paraissent insuffisants par rapport aux besoins.

L'objectif de modernisation du capital technique agricole mérite d'être plus vigoureusement poursuivi. Une première étape consisterait dans une évaluation systématique du « plan de compétitivité et d'adaptation des filières agricoles » (PCAE).

Elle paraît d'autant plus s'imposer que l'investissement agricole n'a pas décollé depuis sa mise en oeuvre 17 ( * ) et que de nouveaux besoins pouvant être satisfaits par l'innovation apparaissent de plus en plus prégnants.

Ainsi en va-t-il en particulier dans le domaine de la consommation par l'agriculture des intrants et produits phytopharmaceutiques dont la rationalisation est un objectif majeur de la politique agricole.

En tout état de cause, les dotations ouvertes en 2021 sont en net repli (- 22 millions d'euros, soit une réduction de 25 %).

Sur cette ligne également, le CBCM avait pu relever un disponible en trésorerie important dans les comptes de l'ASP à fin 2019 (21,4 millions d'euros), disponible qui pourrait devoir être accru des crédits consommés mais non dépensés pas des intervenants sous-délégataires.

En l'état, le nombre des bénéficiaires du PCAE dans l'ensemble des demandeurs des aides PAC qui n'était que de 3,83% en 2018 (contre 3 % en 2017) aurait augmenté (4,7 % en 2019) mais a rétrogradé en 2020 (4 %) malgré l'augmentation des dotations. Malgré la crise, la cible recherchée pour 2021 est fixée à 5 %, objectif à l'atteinte duquel les crédits du plan de relance pourraient contribuer, ne serait-ce que marginalement, mais qui, compte tenu des dotations inscrites en 2021, suppose sans aucun doute la mobilisation des fonds de trésorerie disponibles par de nouveaux porteurs de projet.

Part des bénéficiaires du PCAE dans l'ensemble des bénéficiaires
des aides de la PAC

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2021

Il convient toutefois ici d'évoquer le plan de relance qui prévoit de dépenser 107 millions d'euros en 2021 au titre du renouvellement et du développement des agro-équipements. Les têtes ce chapitre de la dépense envisagée manquent de précision, de sorte qu'à ce stade le contenu du plan reste impalpable. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a évoqué des filets anti-grêle dans l'arboriculture ou l'amélioration des systèmes d'irrigation, dont acte.

Il reste que les conditions effectives de mobilisation des enveloppes par les exploitants auprès des intermédiaires, acteurs des processus du grand plan d'investissement, pourraient utilement être clarifiées.

c) Les crédits prévus pour la transition agro-écologique (MAEC et aides au bio), après une progression en trompe l'oeil, une réduction des crédits de paiement de 12,3 millions d'euros et des autorisations d'engagement presque divisées par deux

En ce qui concerne les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les soutiens à l'agriculture biologique, les dotations sont réduites de 9,6 % en crédits de paiement et de près de 50 % en autorisations d'engagement.

La priorité à la transition agro-écologique bute sur la contrainte financière en dépit des transferts réalisés entre les piliers de la PAC.

La nomenclature budgétaire manque de lisibilité, le départ entre les MAEC et les aides au bio n'étant pas accessible alors même que les dynamiques des deux mesures sont très différenciées du fait de la progression forte dans le passé des exploitations en conversion vers l'agriculture biologique.

L'on peut s'interroger sur la cohérence entre les droits constitués dans le cadre du développement de l'agriculture biologique et le calibrage des crédits pour 2021.

En ce qui concerne les autorisations d'engagement, les plafonds des crédits susceptibles d'être engagés dans le cadre du FEADER sont presque atteints (voir supra ), la plupart des régions ayant engagé plus de 90 % des enveloppes prévues.

Or, les surfaces supplémentaires en bio attendues chaque année sont comprises entre 250 000 et 300 000 hectares, soit une progression de l'ordre de 15 % par an. Cette perspective paraît a priori inconciliable avec les fonds dégagés en 2021.

Cependant, il faut tenir compte du fait que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a annoncé ne plus souhaiter financer les aides au maintien, cette décision combinée avec les possibilités largement mobilisées de modulation des soutiens surfaciques permettant au prix d'un affadissement des soutiens publics de l'État et des régions de financer, même a minima de nouveaux dossiers.

Sur ce point également, les modulations « modulées dans le temps et dans l'espace » ne sont pas sans poser un problème de principe au regard de l'égalité de traitement des agriculteurs passant au bio.

Étant donné les restes à payer sur les engagements passés et la croissance des volumes d'aides, la programmation budgétaire ne serait pas suffisante si un transfert de charges n'avait été réalisé vers les agences de l'eau.

Or, ce transfert est financé par une augmentation de la fiscalité pesant sur les agriculteurs 18 ( * ) et par une réduction des interventions classiques des agences.

En toute hypothèse, les Agences de l'eau sont devenues les premiers cofinanceurs nationaux des interventions en faveur de l'agriculture biologique.

Répartition du financement des engagements par les différentes parties versantes (aides à la conversion et aides au maintien successivement)

(en euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En toute hypothèse, si les prix des productions de l'agriculture biologique ne bénéficiaient pas du consentement à payer du consommateur, qui n'est jamais tout à fait acquis, les inquiétudes suscitées par la programmation des moyens budgétaires, encore renforcées par leur évolution en 2021, seraient démultipliées.

À cet égard, la stabilité des moyens de l'INAO, sur fond de réduction modérée de son plafond d'emplois, n'est guère encourageante au vu des besoins de supervision des interventions des organismes certificateurs de l'agriculture biologique.

Si l'Agence Bio verrait ses moyens de fonctionnement quelque peu augmentés tandis que ses moyens d'intervention seraient renforcés (si l'on se fie aux prévisions du plan de relance), il est nécessaire de rappeler que les conditions dans lesquelles l'agence est gouvernée appellent des clarifications 19 ( * ) .

Le fonds avenir bio, qui est censé recouvrir des besoins réels de structuration des chaînes nécessaires à la diffusion de l'agriculture biologique a accompagné depuis sa création en 2008 127 projets associant plus de 500 partenaires.

Les subventions du Fonds Avenir bio engagées pour les projets sur cette période ont été de 43 millions d'euros, le montant total cumulé engagé sur les 5 dernières années (2015 à 2019) ayant été de 20, 4 millions d'euros. Les filières majoritairement soutenues sont : les grandes cultures (42 % des montants engagés) qui ne sont pas celles qui sont le plus engagés en bio, les fruits et légumes et les ruminants.

Sur la base des dossiers soldés depuis l'existence du Fonds Avenir bio, la liste des 10 projets ayant perçu les montants de subvention les plus élevés est la suivante.

Les dix principaux bénéficiaires des interventions soldées de l'Agence Bio

(en euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

On relèvera, notamment, une certaine concentration des bénéficiaires des interventions du fonds, les dix premiers bénéficiaires totalisant plus de 18 % des moyens alors qu'ils ne représentent que 2 % des « partenaires » du fonds.

Sur un autre point, de façon paradoxale, la consommation des crédits de paiement des aides correspondant aux MAEC est de son côté en retard.

Un solde de trésorerie de près de 40 millions d'euros avait été constaté par le CBCM à fin 2019.

d) Moins de crédits pour l'installation et moins de dépense fiscale

Le renforcement des moyens prévus pour l'installation avait atteint 6,6 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2020.

Pour 2021, le projet de loi de finances les inscrit en baisse en crédits de paiement (- 5,5 millions d'euros).

La démographie agricole est telle que l'âge moyen des exploitants augmente tandis que les plus de 45 ans exploitent désormais plus de 60 % de la SAU, contre 45 % en 2000. C'est dire si la problématique du renouvellement de la population agricole se pose.

Or, l'aide à l'installation n'est pas à la hauteur. Elle est réservée à des catégories d'exploitation limitées.

En outre, la dotation aux jeunes agriculteurs fait partie des nombreuses lignes budgétaires qui connaissent des difficultés de consommation.

Des restes à payer qualifiés de « conséquents » dans le projet annuel de performances pour 2020, devraient être liquidés au cours de l'exercice pour solder les prêts bonifiés qui, en voie d'extinction, représentaient une des modalités de l'aide à l'installation.

Le CBCM avait identifié un solde de trésorerie de 23,7 millions d'euros à fin 2019.

La gestion des aides est particulièrement complexe.

La dotation d'installation est une aide en trésorerie structurée autour d'un montant de base variable selon la zone d'installation (entre 8 000 euros et 36 000 euros) et d'une composante modulée en fonction de certains engagements particuliers (notamment au regard du développement de l'agro-écologie).

La moyenne nationale des montants de DJA attribuées en 2019, toutes zones confondues, s'établit à 32 031 euros, soit une hausse de 60 % par rapport à l'année 2016 et de 2,31% par rapport à 2018.

Cependant, là encore, la situation est variable selon les régions avec en 2019, un montant moyen par région allant de 21 735 euros à 63 000 euros.

Elle n'est qu'une des composantes des aides publiques à l'installation.

Dépenses publiques en faveur des jeunes agriculteurs (JA)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux de la mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales de la commission des finances du Sénat

Une part importante des aides provient de l'abattement fiscal dont bénéficient les jeunes agriculteurs non mentionné dans le tableau ci-dessus 20 ( * ) .

Or, la loi de finances pour 2019 a entrepris de réduire l'abattement fiscal dont bénéficiaient les jeunes agriculteurs.

Le surplus de recettes pour l'État était estimé alors, dans la version initiale du projet du Gouvernement, à 6 millions d'euros.

En réalité, le niveau de la dépense fiscale correspondante a davantage diminué que prévu. Il est passé de 54 millions d'euros en 2019 à 40 millions d'euros en 2020 et est estimé à 38 millions d'euros en 2021.

Les concours publics à l'installation pour 2021 se sont ainsi considérablement réduits (- 7 millions d'euros), en contradiction avec les objectifs affichés.

Pour une part, cette réduction traduit des difficultés sous-jacentes aggravées par la situation sanitaire en cours qui a sans doute réduit la consommation des dotations disponibles en 2020, difficultés qu'une action publique plus simple et plus déterminée doit surmonter.

e) L'alourdissement des charges budgétées au titre de la lutte contre la prédation

Les crédits relevant de la mesure dite « grands prédateurs » sont noyés dans une ligne destinée à financer d' « autres actions environnementales et pastoralisme ».

Cette ligne de crédits devrait être scindée afin de mieux rendre compte des moyens consacrés à lutter contre la prédation.

La lisibilité budgétaire est encore affectée par le fait que les indemnisations sont à la charge du ministère de l'environnement, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ne gérant que les soutiens à la protection des troupeaux.

La programmation pour 2021 prévoit une réduction des moyens (- 2 millions d'euros, soit une baisse de l'ordre de 10 %).

L'indemnisation des dommages aux troupeaux est entièrement financée par le ministère de la transition écologique. Le montant total alloué pour le loup, l'ours et le lynx s'est élevé à 3,90 millions d'euros en 2019, stable par rapport à 2018.

Le nombre d'animaux victimes de la prédation par le loup ayant fait l'objet d'une indemnisation s'est élevé à 12 451 en 2019, contre 12 058 en 2018 et 11 993 en 2017. 94 % d'entre eux sont des ovins, 4 % des caprins, 1 % des bovins, le reste des espèces concernées notamment équins et chiens représentent 1 % des victimes.

Concernant l'ours, le nombre de victimes indemnisées s'élève à 1 620 animaux et 36 ruches en 2019 contre 1 173 animaux et 20 ruches en 2018 et 517 animaux et 25 ruches en 2017.

Pour le lynx, le nombre de victimes indemnisées s'élève à 94 animaux en 2019, 93 en 2018 et 122 en 2017.

Le nombre des dossiers d'indemnisation instruits en 2019 s'est élevé à 362 dossiers d'indemnisation pour l'ours, 36 pour des ruches, 3 427 dossiers d'indemnisation pour le loup et 82 pour le lynx.

Les enjeux tendent à se renforcer en termes d'éleveurs touchés.

Un arrêté du 9 juillet 2019 pris pour l'application du décret n° 2019-722 du même jour relatif à l'indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l'ours et le lynx a fixé un montant d'indemnisation par catégorie d'animaux.

Pour les ovins, à titre d'exemple, ils s'étagent entre 58 euros (mâle ou femelle de 8 ans et plus, sans valorisation) et 720 euros (pour une femelle fromagère bio ayant de 7 mois à 7 ans).

L'adéquation entre ces indemnisations pour un risque non assurable et les préjudices réels mériterait une évaluation indépendante.

En tout état de cause, elle ne couvre pas les coûts considérables supportés par les éleveurs en termes psychologique et d'administration. Les délais d'indemnisation sont variables. Mais ils peuvent être très longs.

En 2019, la gestion des dossiers (reçus complets) a demandé 142 jours en moyenne avec une forte dispersion. En 2018, il fallait 4 à 5 semaines entre la réalisation du constat et le paiement dans les cas les plus simples (55 % des dossiers) ; il fallait 5 à 8 semaines pour les dossiers nécessitant des échanges entre l'ASP et la DDT (27 % des dossiers) ; ce délai montait à plusieurs mois pour les dossiers complexes nécessitant une expertise et des échanges entre l'agence de services et de paiement (ASP) et les DDT (18 % des dossiers).

Quant aux crédits inscrits au budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, l'aide à la protection des troupeaux contre la prédation, elle s'inscrit dans un cadre européen. Le FEADER intervient en co-financement de l'État. Pour 2019, le montant total alloué par l'État et l'Union Européenne a représenté 27,41 millions d'euros (dont 0,57 million d'euros pour l'ours et 26,84 millions d'euros pour le loup).

Les crédits, nationaux mobilisés relèvent à 80 % du ministère de l'agriculture et 20 % du ministère de l'environnement 21 ( * ) .

On comptait en 2019, 2 708 éleveurs bénéficiaires de l'aide à la protection des troupeaux dont 134 pour l'ours. Environ 80 % des crédits alloués concernent l'aide au gardiennage des troupeaux, 11 % l'acquisition et l'entretien de chiens de protection, 9% l'acquisition de clôtures électrifiées, et moins de 1% la réalisation d'analyses de vulnérabilité ou de l'accompagnement technique.

Le montant d'aide moyen versé aux éleveurs était chiffré à 7 500 euros en 2018 ; il serait désormais de 9 860 euros par an, en forte hausse.

Dans ces conditions, une part de plus en plus importante des crédits de soutien au pastoralisme qui incluent les aides accordées à l'animation des groupements d'intérêt économique et environnementaux et des réseaux dits « territoires MAEC » mais aussi des mesures en faveur de l'agriculture de montage, est vouée à être absorbée par la lutte contre la prédation.

Il est à noter que les aides correspondantes sont imposables au même titre que la majorité des aides agricoles mais que les charges liées aux dépenses de protection sont déductibles.

3. Les crédits pour la pêche et l'aquaculture, une hausse de la programmation mais sans consommation22 ( * )

Les crédits pour la pêche et l'aquaculture (50,6 millions d'euros contre 50,9 millions d'euros en ouvertures demandées dans le projet de loi de finances pour 2020) sont pratiquement stabilisés.

Ils financent le contrôle des pêches (14,5 millions d'euros, soit une baisse de 1,3 million d'euros par rapport à 2020) et des interventions socio-économiques (31,8 millions d'euros) dont une grande partie en cofinancement (23,6 millions d'euros) du budget européen, le fond européen pour les affaires maritimes et de la pêche (FEAMP).

La crise sanitaire a suscité l'adoption de dispositifs de soutien de 12,5 millions d'euros, dont 5 millions d'euros seront imputés sur l'exercice 2021 principalement pour compenser la réduction du chiffre d'affaires des entreprises. La sous consommation des dotations du FEAMP devrait faciliter le financement de ces mesures de soutien qui peuvent sembler assez modestes compte tenu d'un chiffre d'affaires évalué pour la seule pêche à 1,4 milliards d'euros (pour 2017) et d'une activité qui a perdu près de 30 % de son volume.

Le FEAMP a connu une difficile acclimatation en France.

Le règlement européen relatif au FEAMP 2014-2020 a été publié le 20 mai 2014 (soit 5 mois après le début de la programmation), le programme opérationnel français a été approuvé par la Commission le 3 décembre 2015 (soit près de deux ans après le début de la programmation), la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) n'a été officiellement désignée comme autorité de gestion que le 21 décembre 2016 (soit près de 3 ans après le début de la programmation) et le système d'information OSIRIS n'a été totalement déployé par l'ASP que dans le courant du second semestre 2017. Il a donc fallu trois années pour que l'ensemble du cadre de gestion du FEAMP soit mis en place.

Cet instrument financier a vocation à :

- aider les pêcheurs et aquaculteurs à adopter des pratiques durables ;

- aider les populations côtières à diversifier leurs activités économiques ;

- financer des projets destinés à créer des emplois et à améliorer la qualité de vie le long du littoral européen.

La gestion d'une partie des mesures du FEAMP est déléguée aux régions littorales. En 2021, la DPMA disposera d'une enveloppe de 20,07 millions d'euros portant sur les contreparties nationale (CPN) du FEAMP. Les crédits sont délégués à l'ASP en tant qu'organisme payeur des aides FEAMP.

Le taux d'engagement des crédits du FEAMP se ressent de ces débuts difficiles. A défaut d'une actualisation des données communiquées aux rapporteurs spéciaux, il convient de rappeler qu'au 26 août 2019, la situation était la suivante :

- 3 405 dossiers saisis dans OSIRIS , et 1 975 engagés pour un montant total de 304,9 millions d'euros (dont 240,65 millions d'euros de FEAMP, soit 40,9 % de la maquette) ;

- un total des paiements à 156,5 millions d'euros (dont 124,9 millions d'euros de part FEAMP, soit 21,2 % de la maquette) pour 1 482 dossiers .

Le graphique ci-dessous montre que le rythme des engagements a accéléré à partir de novembre 2017, et que celui des paiements est entré dans une phase de croissance régulière depuis avril 2018. Cependant, depuis janvier 2019, il s'est fortement ralenti.

Évolution montants totaux

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'analyse de ces données fait apparaître que si les paiements avaient augmenté de 23,7 millions d'euros pour le FEAMP depuis décembre 2018 (soit + 19 %) le montant des engagements avait connu une croissance plus rapide ouvrant à une perspective de paiements importante pour le reste de la période de programmation.

Toutefois, à fin 2019, le CBCM avait pu relever une sous consommation des crédits FEAMP de plus de 23 millions d'euros en crédits de paiement et de 24,6 millions d'euros des autorisations d'engagement déléguées à l'ASP.

Il était donc à craindre que le rythme de la consommation des dotations ait été insuffisant pour prévenir des dégagements d'office. Dans ces conditions, l'on doit se féliciter que la DPMA, en tant qu'autorité de gestion du programme opérationnel FEAMP, ait pu décider, avec l'accord de la Commission européenne, de permettre l'engagement des crédits FEAMP jusqu'au 31 décembre 2021.

À ces restes à payer il faut ajouter ceux qui avaient été constatés dans la comptabilité de FranceAgriMer (une sous consommation des crédits d'intervention de 4,8 millions d'euros).

La perspective du Brexit ne laisse d'inquiéter et pourtant ne semble pas avoir suscité à ce jour de réaction budgétaire.

IV. UNE POLITIQUE FORESTIÈRE CONFRONTÉE À DES DIFFICULTÉS CONSIDÉRABLES

La modification substantielle apportée en 2017 à la nomenclature budgétaire au terme de laquelle l'ancien programme 149 « Forêt » a vu ses crédits absorbés par un nouveau programme 149 fusionnant les crédits de la forêt et ceux de l'ancien programme 154 consacré aux interventions en faveur de l'agriculture, perdure cette année.

Cette innovation avait été justifiée par la préoccupation de « simplifier la gestion budgétaire » et de « renforcer la cohérence des dispositifs en faveur des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières ».

Sur ce point, les rapporteurs spéciaux ne peuvent que réitérer le souhait de leurs prédécesseurs que la politique de la forêt retrouve dans la mission AAFAR sa dignité budgétaire.

L'historique de la gestion budgétaire enseignant que les crédits prévus pour conduire la politique forestière ont souvent été mobilisés à d'autres finalités, les rapporteurs spéciaux avaient jugé que, la séparation des programmes obligeant malgré tout à respecter les disciplines de spécialisation des dotations, la décision de fusionner les crédits des programmes 154 et 149 instaurait une situation de plus grande précarité pour les crédits de la politique forestière. Ceux-ci ont perdu la protection ménagée par le principe de spécialité budgétaire.

La « personnalité » budgétaire de la politique forestière s'en trouve affadie, ce qu'il faut regretter a fortiori dans la mesure où la thématique forestière n'est pas nécessairement agricole dans ses grands enjeux nationaux actuels.

Au demeurant, le contexte général de la politique forestière est marqué par une extrême dispersion des financements publics à l'image des acteurs d'une politique publique à maintes têtes.

La lisibilité de la politique forestière, mais sans doute aussi sa cohérence de conception et d'exécution, s'en trouvent réduites comme l'est celle du projet annuel de performances dans son volet forestier.

En ce sens, par exemple, même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un opérateur de l'État, la présentation détaillée des équilibres du fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB), qui bénéficie de ressources affectées en plus des crédits budgétaires qui lui sont réservés, devrait être exposée avec clarté.

Les rapporteurs spéciaux recommandent l'élaboration d'un document de politique transversale permettant de remédier à ces insuffisances.

De fait, les crédits de la mission sont loin d'être les seuls moyens publics consacrés à la forêt.

Dans leur rapport sur la politique forestière, Alain Houpert et Yannick Botrel, de la commission des finances du Sénat, rappelaient que celle-ci impliquait des transferts estimés à 910 millions d'euros en moyenne annuelle au cours de la période 2006-2013 .

Cet effort d'estimation devrait être régulièrement renouvelé.

À ce stade, il n'est guère possible de dépasser des estimations approximatives des concours publics à la forêt.

Il en ressort que la mission, par ses crédits, compte ainsi pour à peine 28 % des concours publics à la forêt, contribution qui tend à décliner au fil du temps.

Concours publics à la forêt

La contribution directe du budget de l'État issue du programme 149 a été en moyenne sur la période 2006-2013, de 296 millions d'euros . En 2021 , elle ne s'élèverait plus qu'à 249,5 millions d'euros en autorisations d'engagement, dont 205 millions d'euros répartis entre les opérateurs de l'État (Office National des Forêts, Centre National de la Propriété Forestière et l'Institut Technologique FCBA). Si l'on ajoute les crédits destinés au fonds stratégique de la forêt et du bois, on totalise 227 millions d'euros soit 90 % des crédits programmés.

Les dépenses fiscales ont été estimées à 124 millions d'euros en moyenne sur la période 2006-2013 (seules quatre dépenses fiscales sur les sept identifiables comme bénéficiant à l'économie forestière sont évaluées dans le projet annuel de performances). Certaines dépenses fiscales profitant indifféremment à l'agriculture ou à la forêt ne font l'objet d'aucune estimation spécifique (il en va ainsi pour le tarif réduit pour le gazole non routier) tandis que la mesure patrimoniale n'est plus estimée. Les seules dépenses fiscales pour la forêt chiffrées sont estimées à 199 millions d'euros pour 2021 contre 187 millions d'euros pour 2020 (chiffrage modifié par rapport aux prévisions) ou encore 237 millions d'euros pour 2019. Ce dernier écart est lié à l'absence d'estimation de la mesure d'exonération partielle de l'IFI des actifs forestiers dans le projet annuel de performances pour l'année à venir. En 2019, elle avait pesé à elle seule 37 millions d'euros. La hausse par rapport à l'estimation 2020 tient à une prévision plus forte de l'impact de l'application d'un taux réduit de TVA aux achats de bois de chauffage et produits assimilés.

La taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti en forêt, dite « centimes forestiers » est estimée à 18,8 millions d'euros pour 2020. Elle est versée en partie au CNPF ( 9,5 millions d'euros à la Fédération Nationale des Communes Forestières (FNCOFOR) - 0,9 million d'euros et en partie au Fonds Stratégique de la Forêt et du Bois (FSFB -3,5 millions d'euros ). Le reste du montant de la taxe (4,9 millions d'euros) est affecté aux chambres d'agriculture. Le projet de loi de finances pour 2020 proposait une mesure qui pouvait se traduire par une réduction de 15 % du produit de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti et, ainsi, par une perte de ressource à due proportion pour la forêt. Les débats parlementaires ont permis de la supprimer.

D'autres crédits de l'État viennent soutenir plus ou moins directement le secteur forêt-bois, en incitant à l'utilisation de bois-énergie. Il s'agit entre autres des interventions :

- du ministère de la transition écologique (MTE) : La mission Écologie, développement et mobilité durables finance la filière, avec 312 millions d'euros annuels en moyenne, presque exclusivement au titre du bois énergie (à 98 %), par le biais du fonds chaleur et des charges de service public d'électricité. Le fonds chaleur, doté au total d'une enveloppe de 2,16 milliards d'euros pour la période 2009-2018, permet un soutien aux projets de génération de chaleur renouvelable. La part des projets consacrés au bois énergie s'établit à 25 % des financements accordés en 2018. La trajectoire du fonds chaleur incluse dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit une montée en puissance de celui-ci, pour atteindre 350 millions d'euros annuels à partir de 2020. S'agissant du Fonds chaleur et au-delà de l'aide apportée aux installations de production d'énergie, le MTE contribue depuis 2015 au financement d'actions permettant la mobilisation supplémentaire de bois à des fins énergétiques. Ainsi, l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME) a lancé en mars 2015 (pour 35 millions d'euros) et en février 2016 (pour 20 millions d'euros) des appels à manifestation d'intérêt nommés « DYNAMIC Bois » dont l'objectif était de faciliter l'approvisionnement des chaufferies en biomasse en incitant financièrement à la mobilisation de bois supplémentaire tout en améliorant la qualité des peuplements forestiers, tant sur un plan économique qu'environnemental. Le but est de faire émerger des projets collaboratifs à l'échelle des territoires regroupant plusieurs acteurs impliqués dans la mobilisation du bois. Dans ce cadre, 24 projets ont été sélectionnés lors de la première édition et 19 projets dans la seconde. La production d'électricité à partir de la biomasse bénéficie également d'un soutien important par le biais des charges de service public de l'électricité, qui financent les tarifs d'achat garantis dans le cadre des appels à projets de la commission de régulation de l'énergie (CRE) et sont imputées depuis 2016 sur le compte d'affectation spéciale « transition énergétique » désormais supprimé. En progression constante depuis 2015, ces charges atteignent 273 millions d'euros en 2019 et continueront à progresser jusqu'en 2021, avant de diminuer ensuite au rythme de l'achèvement des contrats des premiers appels d'offres. Les produits issus de la filière forêt-bois (bois-énergie sous formes diverses et résidus de papeteries) représentent en 2018 la quasi-totalité de ces charges (98 %).

- du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : L'action du ministère de la cohésion des territoires dans le domaine du bois construction mobilise ses financements dans le cadre des plans bois qu'il a successivement conduit, pour 0,5 million d'euros annuels en moyenne.

- du ministère de l'économie, des finances et de la relance : le programme 134 (développement des entreprises) finançait le FCBA à hauteur de 0,8 million d'euros par an mais ce financement ne serait pas reconduit à partir de 2021.

Des soutiens publics sont également mis en oeuvre par les conseils régionaux et les conseils départementaux :

Ces derniers, dont les financements totaux représentaient 30 millions d'euros par an selon l'estimation réalisée par la Cour en 2014, ne sont toutefois plus compétents en matière de développement économique depuis la loi NOTRe et ne peuvent désormais intervenir dans ce domaine que dans le cadre de conventions conclues avec les régions. Si certains départements forestiers historiquement impliqués dans le soutien à la filière (en région Auvergne Rhône Alpes notamment, les départements contribuent à 5 millions d'euros par an) pourraient souhaiter poursuivre leur soutien, cette source de financement devrait diminuer lors de la prochaine programmation pluriannuelle.

S'agissant des conseils régionaux, ils interviennent dans le financement de la filière en tant que gestionnaires et co-financeurs de fonds structurels européens, mais également par des actions développées et financées en propre. Selon le recensement effectué par la Cour des comptes dans son enquête de mai 2020, auquel 16 régions, représentant 92 % de la collecte de bois en métropole, ont répondu, les financements accordés par les régions s'élèvent en moyenne à 40 millions d'euros par an, dont 33 millions d'euros hors cofinancements FEADER, à la hausse depuis la fusion des régions.

Les actions financées se concentrent sur trois postes, qui représentent les deux-tiers des financements régionaux : l'animation, la formation et l'appui aux organismes de la filière (26 %) ; les scieries (25 %) ; le développement économique de l'aval (17%, contre 43 % lors du précédent recensement).

Les financements attribués à la filière forêt-bois dans le cadre des fonds structurels et d'investissement européens (FEADER, FEDER et FSE), programmés à l'heure actuelle de façon concertée entre État et régions, apportent un complément annuel total de 36,2 millions d'euros en moyenne. Les aides programmées au titre du FEADER représentent 148 millions d'euros sur la période 2014-2020, soit 21,2 millions d'euros annuels, en forte baisse (-24 %) par rapport à la précédente programmation pluriannuelle. Les principaux postes sont la desserte forestière (33%), la réparation des dommages (31 %) et le soutien aux industries de la filière (16 %). Les financements dans le cadre du FEDER et du FSE concernant la filière bois, s'élèvent à 15,1 millions d'euros en moyenne annuelle (17,8 millions d'euros sur la précédente programmation).

En outre, en 2019, le produit de la taxe fiscale affectée (13 millions d'euros pour les taxes Bois et Ameublement et 1,2 million d'euros pour la TFA « Papier ») au Comité professionnel de développement des industries françaises de l'ameublement et du bois (CODIFAB), à l'Institut Technologique FCBA, au Centre technique des industries de la mécanique (CETIM) et au Centre Technique du Papier (CTP), ainsi que des fonds d'origine interprofessionnelle (CVO à hauteur de 11,2 millions d'euros) mis en oeuvre par l'interprofession France Bois Forêt (FBF), contribuent également à apporter un soutien financier à la filière forêt-bois.

A. VUE D'ENSEMBLE

Les dotations prévues s'élèvent à 249,5 millions d'euros en autorisations d'engagement contre 241,1 millions d'euros en 2020 et à 251,8 millions d'euros en crédits de paiement contre 246,4 millions d'euros l'an dernier.

Elles augmentent ainsi par rapport aux ouvertures de la loi de finances pour 2020 tant en crédits de paiement, avec + 5,4 millions d'euros qu' en AE avec + 8,4 millions d'euros.

On doit encore mentionner ici les crédits prévus au titre de la forêt dans la mission « Relance ». Ils s'élèvent à 82 millions d'euros en crédits de paiement pour 2021 (200 millions d'euros en autorisations d'engagement). Sur cette enveloppe 60 millions d'euros sont censés couvrir l'ensemble des thématiques traditionnelles et actuelles de la forêt française, entre parcellisation excessive et vulnérabilité sanitaire, les forêts bénéficiaires étant publiques ou privées. La technologie Lidar, qui permet de cartographier finement les écosystèmes forestiers, serait soutenue par une enveloppe de 22 millions d'euros dans le but d'améliorer la connaissance des situations sylvicoles.

Cet effort n'est évidemment pas négligeable mais sa portée concrète reste à ce stade incertaine, les conditions de gestion des interventions paraissant d'emblée assez « héroïques ».

L'ensemble doit être resitué dans son contexte d'insuccès de la politique forestière et de dégradation très nette de la situation sanitaire de la forêt française.

La forêt, un état sanitaire très dégradé

Le diagnostic à la mi-2020 relève des mortalités importantes des épicéas et sapins, en particulier dans le Nord Est de la France, suite aux épisodes de sécheresses de 2018 et 2019 et aux pullulations de scolytes. Le stress hydrique affecte également le pin sylvestre (mortalité en augmentation brutale depuis 2019) et le hêtre (dépérissements de forte intensité en Franche-Comté et Grand-Est). La surveillance des chênes est renforcée, cette essence étant souvent impactée quelques années après le stress initial.

État de la situation par espèce

Epicéa : très impacté par les attaques de scolytes

Depuis 2015, la succession d'étés chauds et secs (et en particulier ceux de 2018 et 2019) a favorisé la mise en place et la montée en puissance d'une pullulation de scolytes dans les zones de plaine des régions Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté. Cette épidémie s'est rendue responsable de mortalités massives d'épicéas fin 2019, le volume de bois scolytés dans la zone de plaines de ces deux régions est estimé à 7 millions de m3 (soit environ le dixième du volume total dans la tranche altitudinale inférieure à 800 mètres). Les températures exceptionnellement douces au cours de l'hiver 2019-2020, exempt de gel, ont limité la mortalité des scolytes hivernant, et de nouveaux foyers sont apparus rapidement. L'hiver a également été marqué par des coups de vent engendrant des chablis, sites de reproduction favorables aux scolytes. Par la suite, en 2020, les conditions météorologiques sèches et chaudes du printemps, très sèches et très chaudes en été ont conduit à une colonisation massive des peuplements, qui perdurera en 2021, et certainement au-delà.

Sapin pectiné : pullulations entretenues des scolytes

Les conséquences sur sapin pectiné sont à peu près similaires que pour l'épicéa, avec des colonisations massives des peuplements par les scolytes sauf que :

- le sapin a été beaucoup moins implanté en plaine que l'épicéa ;

- les pullulations de scolytes du sapin s'arrêtent dès la venue d'un été clément. Compte-tenu des conditions météorologiques 2020 on peut anticiper de nouvelles pullulations pour 2021.

Le pin sylvestre fortement affecté

Le phénomène des mortalités de pins sylvestres s'est accentué au cours de ce printemps dans la France entière : c'est une conséquence des stress hydriques des années 2018 et 2019. Les dégâts se retrouvent de façon disséminée dans les peuplements et sont présents sur une large partie de l'aire du pin sylvestre en France, mais avec des zones de concentration des dégâts plus élevés dans le centre de la France.

Dépérissements de hêtres

La succession d'étés chauds et secs depuis 2015 et l'exceptionnel stress hydrique 2018 ont occasionné un phénomène de dépérissements de hêtre inédits par son ampleur et son intensité à partir du printemps 2019 en Franche-Comté et en Grand-Est. Au début de l'année 2020, les observations du département de la santé des forêts (DSF) montrent qu'il n'y a pas d'accentuation significative du phénomène et qu'aucun nouveau dépérissement n'a été enregistré.

État des chênes

Si d'autres essences ont déjà marqué l'impact de ces deux années (le pin sylvestre, le hêtre, l'épicéa), l'expérience passée a montré que le chêne était touché plus tard, quelques années après le stress initial en général. Il n'y a donc pas de signe d'affaiblissement général de la chênaie française jusqu'à présent, même si localement des massifs chroniquement en difficulté présentent des signes alarmants (Vierzon, Harth, Tronçais...). Par ailleurs, les chênaies sont victimes, sur des surfaces importantes, de deux défoliateurs particulièrement agressifs : le bombyx disparate et la chenille processionnaire du chêne. Les raisons de leur récent « boom démographique » ne sont pas élucidées mais pourraient être liées aux conditions climatiques de ces dernières années. On peut noter que le même tableau sanitaire était en place au début des années 90, quoique moins paroxystique qu'aujourd'hui, et avait conduit à un dépérissement important de la chênaie française.

Face à ces évolutions inquiétantes, le dispositif de surveillance et de remédiation semble doté de moyens trop modestes.

Un dispositif de surveillance et de lutte doté de moyens modestes

Le diagnostic sanitaire de la forêt française est réalisé par le Département de la santé des forêts (DSF) qui est un bureau de la direction générale de l'alimentation (DGAl), par l'intermédiaire de pôles interrégionaux basés dans les Services Régionaux de l'Alimentation (SRAl). Il anime, forme et coordonne un réseau de correspondants dans les organismes de gestion forestière métropolitains (essentiellement ONF, CRPF et agents de l'état en services déconcentrés).

Les dépenses de la surveillance s'établissent comme suit:

- 2019 : convention CNPF : 400 000 euros, convention ONF : 299 000 euros ;

- 2020 : convention CNPF : 404 000 euros, convention ONF : 354 000 euros, convention IGN: 68 724 euros ;

- 2021 : convention CNPF : 410 000 euros sous réserve d'arbitrages budgétaires, convention ONF: 360 000 euros sous réserve arbitrages budgétaires, convention IGN : 50 000 euros sous réserve arbitrages budgétaires.

Les conventions avec les organismes de gestion forestière permettent de prendre en compte le surcoût de la surveillance sylvosanitaire dans leur activité usuelle.

Concernant les mesures de lutte prises contre l'invasion des scolytes , lors du Conseil Supérieur de la Forêt et du Bois du 8 octobre 2019 a été mis en place un plan de soutien exceptionnel, doté de 16 millions d'euros , afin d'aider à l'exploitation et à la commercialisation des bois scolytés, puis à la reconstitution des peuplements d'épicéas touchés par la crise des scolytes dans les régions Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté et les départements de l'Ain, de Savoie et de Haute-Savoie de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Ce dispositif s'adresse aux propriétaires forestiers sinistrés, dont les parcelles sont situées dans le périmètre couvert par l'arrêté de lutte obligatoire pris par le préfet de région.

Le premier volet du dispositif, basé sur le règlement de minimis , vise à inciter les propriétaires forestiers à s'inscrire dans un plan de lutte contre l'invasion des scolytes et limiter l'impact de cette crise sur le marché du bois, dans un contexte de saturation des débouchés dans les régions concernées, en soutenant la commercialisation des bois scolytés vers des régions où les industriels connaissent à l'inverse des tensions d'approvisionnement. Ce dispositif présente, en outre, l'intérêt de contribuer au renforcement de la structuration de la filière bois entre les acteurs de l'amont (production de bois et exploitation forestière) et ceux de l'aval (unités de transformation du bois et de production énergétique à partir de biomasse).

Il apparaît également nécessaire que des mesures soient mises en place pour la reconstitution des peuplements touchés. S'agissant de l'aide à la reconstitution des peuplements, un régime d'aide spécifique est en cours d'élaboration et doit être notifié à la Commission européenne pour permettre aux propriétaires forestiers de bénéficier d'un taux d'intervention supérieur à celui actuellement proposé dans le cadre du dispositif « Amélioration des peuplements » (40 %).

On rappelle ici que l'assurance des forêts est insuffisamment développée en France.

Seuls trois types de contrats couvrant la responsabilité civile en cas de dégât au tiers, l'incendie et la tempête sont disponibles.

En outre, pour le propriétaire forestier, le coût de l'assurance apparaît souvent dissuasif eu égard aux conditions économiques de la filière forêt-bois.

Le revenu différé de la forêt ne permet pas toujours de couvrir le coût annuel de l'assurance.

Le volet « Assurance » du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI-Forêt) bénéficie aux propriétaires forestiers assurés contre le risque de tempête. Il assure la prise en charge, dégressive dans le temps, des cotisations d'assurance incluant le risque de tempête.

Un principe de la dégressivité de l'aide a été posé, le montant annuel par hectare des cotisations retenu pour le calcul de la réduction a été révisé dans la limite de 76% d'un plafond de 6 euros/ha.

Le montant des cotisations est plafonné à 6 250 euros pour une personne célibataire ou 12 500 euros pour un couple marié ou pacsé.

Mais, la surface actuellement couverte par une assurance tempête est très faible : elle est estimée à environ 700 000 hectares.

Le programme est dominé par les transferts en direction de l'Office national des forêts (ONF).

Ils seraient légèrement accrus à 181, 6 millions d'euros contre 178,8 millions d'euros.

Leur structure serait identique à celle de l'an dernier :

- un versement compensateur de 140,4 millions d'euros ;

- une dotation exceptionnelle d'équilibre de 12,4 millions d'euros ;

- un financement des missions d'intérêt général de l'ONF porté de 26 millions d'euros à 28, 8 millions d'euros ;

Les transferts vers l'ONF augmenteraient donc du fait de la croissance des dépenses de missions d'intérêt général de l'ONF (+ 2,8 millions d'euros après les 3, 7 millions), le versement compensateur et la dotation exceptionnelle d'équilibre restant inchangés.

Au cours des dernières années, les moyens consentis à la forêt avaient été très fortement marqués par la tempête Klaus de 2009. Dix ans après, le budget en porte encore la trace, mais pour un montant nettement plus faible désormais : 2,9 millions d'euros en crédits de paiement 23 ( * ) contre 8,3 millions d'euros prévus en 2020.

Si les crédits de paiement revenant aux entreprises voient leur part diminuer à nouveau, une partie des économies réalisées sur les suites de la tempête Klaus sont recyclées pour augmenter les dotations destinées au fonds stratégique de la forêt et du bois (+ 4 millions d'euros).

On peut également se féliciter que la baisse de 1 million d'euros de la subvention pour charges de service public du Centre national de la propriété forestière décidée brutalement l'an dernier soit effacée, portant cette subvention au niveau de 14,96 millions d'euros soit son niveau antérieur à 2020.

Cette remise à niveau n'implique toutefois pas un regain d'ambition, ce qui est regrettable s'agissant d'un organisme qui a la charge de 75 % de la forêt française et mobilise à cet effet 400 salariés (pour un plafond d'emplois de 338 ETPT réduit de 3 unités).

En revanche, l'inertie des crédits destinés à lutter contre les incendies de forêt hors actions de l'ONF est décevante.

B. L'OFFICE NATIONAL DES FORÊTS (ONF) DOIT FAIRE PLUS POUR UNE FILIÈRE FORÊT-BOIS FRANÇAISE CONFRONTÉE À DE NOMBREUX DÉFIS

La forêt est au coeur de préoccupations répondant à des objectifs divers, économiques, environnementaux, de sécurité publique, de loisirs...à caractère naturellement interministériel.

La politique forestière s'inscrit dans plusieurs perspectives stratégiques. Parmi celles-ci figure de plus en plus la contribution de la ressource forestière à la lutte contre les changements climatiques. Elle s'additionne à des objectifs plus économiques de meilleure valorisation des bois et forêts.

La filière est confrontée à des difficultés économiques majeures tandis que l'opérateur principal de la gestion forestière traverse une crise d'identité.

1. Une ressource au coeur de la lutte contre les changements climatiques, une révision majeure du cadre de notre politique de bio-énergie, un secteur confronté à des problèmes économiques qui s'aggravent

Le secteur forêt-bois constitue un secteur-clé pour la neutralité carbone à l'horizon 2050, car il permet :

- d'alimenter l'économie en énergie et produits biosourcés et renouvelables ;

- de contribuer fortement au puits de carbone du secteur des terres via la séquestration du carbone en forêt et dans les produits bois.

Schéma de présentation du programme national de la forêt et du bois

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

La loi sur la transition énergétique et la croissance verte (LTECV) a consacré deux outils structurants de pilotage : la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Ils ont été révisés, et les nouvelles versions ont été adoptées par décret le 21 avril 2020.

Dans la Stratégie Nationale Bas Carbone, l'augmentation de la récolte de bois en forêt est de 1,2 Mm supplémentaire chaque année jusqu'en 2035 (dans le rythme d'augmentation du Programme National de la Forêt et du Bois 2016-2026) puis une augmentation plus modérée à partir de 2035 (+ 0,8 Mm par an).

Cet objectif de mobilisation apparaît ambitieux.

Cette augmentation de la mobilisation n'est pas destinée prioritairement au bois énergie. Ainsi, les ressources en bois prélevées en forêt pour faire directement de l'énergie devraient être sensiblement les mêmes en 2050 qu'aujourd'hui.

En effet, dans la SNBC, il est recommandé de privilégier les usages du bois matériau à longue durée de vie (dans le bâtiment, par exemple). Toutefois, une augmentation du bois matériau apporte indirectement des ressources en biomasse énergie supplémentaires par les connexes de scieries et la valorisation du bois en fin de vie.

Dans la SNBC, la disponibilité de la biomasse est anticipée comme un facteur limitant et stratégique de la transition énergétique.

Ce sont tout un ensemble de biomasses qui sont mises à contribution pour équilibrer l'offre et la demande : bois en fin de vie, déchets verts urbains, arbres hors forêt (haies, alignement des routes), résidus de culture (paille, rafle...), cultures énergétiques dédiées (taillis à courte rotation, miscanthus...), cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), déchets des industries agro-alimentaires (mélasse, issus de silo...).

À court terme, on peut estimer que la ressource forestière supplémentaire est censée couvrir en 2023, entre 40 % et 60 % des besoins de biomasse supplémentaires liés à la programmation pluriannuelle de l'énergie.

La mobilisation de la ressource forestière est conditionnée à une dynamisation progressive de la gestion forestière notamment en forêt privée, et à celle de la filière bois dans son ensemble, pour favoriser au moins la première transformation du bois sur le territoire national et y conserver l'usage des produits connexes de scierie, pour la trituration et l'énergie. Par ailleurs, le renforcement de la demande en bois et donc le développement des marchés, notamment dans la construction, est déterminant pour dynamiser la gestion de la forêt en amont.

Avant la révision de la stratégie bas carbone, la mobilisation de la ressource forestière était appelée à progresser très nettement (de l'ordre d'un tiers) avec une polarisation sur le bois énergie.

La révision des cadres de la programmation énergétique bas carbone opère un tournant majeur en ce qui concerne la contribution du bois à ses objectifs.

Désormais, il est prévu que les ressources en bois prélevées en forêt pour faire directement de l'énergie soient sensiblement les mêmes en 2050 qu'aujourd'hui.

En revanche, le développement de la bioéconomie permettrait une valorisation énergétique plus importante de biomasse via les co-produits et la fin de vie des produits biosourcés.

La composante énergétique de la gestion forestière devrait reposer moins sur la mobilisation de la ressource brute et davantage sur des investissements permettant d'en augmenter la teneur énergétique .

Si, aujourd'hui, le bois énergie représente 21 % de la mobilisation du bois cette part est destinée à se réduire fortement compte tenu des objectifs de stabilisation de la mobilisation de la ressource à cette fin désormais retenus et de la croissance naturelle des forêts (+ 120 millions de mètres cubes par an).

L'on avait pu s'interroger sur la pertinence d'une exploitation forestière destinée à consommer la ressource à des fins énergétiques. D'autres usages sont sans doute plus satisfaisants d'un point de vue environnemental et économique.

Il reste que ces usages alternatifs réclament des conditions dont il faudrait assurer la réunion 24 ( * ) , ce que notre politique forestière peine à réussir, ce dont témoigne l'état économique de la branche.

Une ressource abondante mais morcelée, une branche d'activité
économiquement fragile

L'amont de la filière

Avec 17 millions d'hectares (Mha), la forêt française métropolitaine couvre 30 % du territoire et constitue la 4 ème plus grande superficie forestière de production dans l'Union européenne, après la Suède, la Finlande et l'Espagne. Cette surface continue à croître, même si cela semble se faire à un rythme désormais plus faible que dans les décennies précédentes.

La forêt française est détenue aux trois quarts par des propriétaires privés : 3,5 millions de Français se partagent ainsi plus de 12 Mha. Ceux qui possèdent moins d'un hectare de forêt sont les plus nombreux (2,2 millions de propriétaires) alors que les propriétaires des plus grandes surfaces (plus de 100 hectares) ne sont que 11 000. La forêt privée est donc très inégalement répartie et morcelée : 13 % des propriétaires concentrent 80 % de la surface.

Les forêts publiques, qui couvrent 4,3 Mha, sont réparties entre les forêts domaniales (propriétés de l'État représentant 9 % de la surface de la forêt française) et les forêts des collectivités (au nombre de 15 000, 17 % de la surface). Elles sont gérées par l'Office national des forêts (ONF) dans le cadre du régime forestier. La ressource forestière, avec 2,6 milliards de m de bois fort tige sur pied, est abondante et hétérogène : les 2/3 du volume de bois sur pied sont composés d'essences feuillues (chêne, hêtre, châtaigner...) et le reste d'essences résineuses (sapin, épicéa, pin sylvestre et pin maritime...). Ce stock continue à augmenter, car la forêt française est relativement jeune et elle produit plus de bois qu'il n'en est prélevé chaque année par les activités humaines (récolte de bois) ou naturelles (bois mort). Cependant, la situation sanitaire de la forêt se dégrade.

La dernière enquête annuelle de branche porte sur l'année 2018, la situation sanitaire ayant retardé l'enquête destinée à saisir la situation en 2019.

On en rappelle ici les résultats.

En 2018, la récolte de bois commercialisé s'élève à 38,7 millions de mètres cubes (donnée provisoire), chiffre en légère augmentation par rapport à 2017 (+ 1 %). Cette récolte se compose à 51 % de bois d'oeuvre (19,9 millions de mètres cubes, +2,6 %), à 27 % de bois d'industrie (10,4 Mm, -1,7 %) et à 22 % de bois-énergie (8,4 Mm, + 0,6 %). La récolte de bois énergie est en augmentation continue depuis 2008 (date à laquelle elle était plus de moitié inférieure à aujourd'hui, avec seulement 3 Mm récoltés), mais cette croissance s'est ralentie ces dernières années. Le taux de prélèvement moyen stagnait depuis plusieurs décennies à environ 50 % de la production biologique nette de la mortalité. Les derniers chiffres disponibles font état d'une légère augmentation à 56 % de la production biologique nette sur la période 2008-2016. Ce taux est de 55 % en forêt privée, 75 % en forêt domaniale publique et de 53% dans les autres forêts publiques.

Lors de la dernière campagne 2017-2018, sur les 68,3 millions de plants vendus en France, on recense 40,1 millions de plants de pin maritime (59 % des plants vendus). Une seconde espèce émerge, le douglas, 2ème espèce la plus utilisée, productive et répondant aux besoins de la filière bois, mais avec seulement 14 % du marché (+ 2% par rapport à la campagne précédente). Sa part pourrait substantiellement augmenter dans les 15 prochaines années si comme attendu la récolte de bois progresse d'ici 2030. La 3 ème espèce la plus vendue (3,2 millions de plants - campagne 2018-2018), pour environ 5 % du marché national est le chêne sessile, principalement utilisée par l'ONF dans une optique de transformation de peuplements composés principalement de hêtre ou de chêne pédonculé. Ces espèces gérées sur des cycles de 150 à 200 ans s'avèrent moins thermorésistantes que le chêne sessile.

En tenant compte des contraintes physiques et économiques d'exploitation forestière et des conditions de gestion durable des forêts, une ressource supplémentaire de bois semble disponible. Cependant, les conditions économiques d'une bonne valorisation des volumes mis sur le marché ne sont toujours pas assurées. En tout cas, cet objectif est nécessaire, notamment pour préparer les peuplements au changement climatique. Elle suppose une politique de dynamisation de la gestion forestière et de la récolte.

Filières de transformation

En 2018, consécutivement à deux années successives de légère augmentation, la production de sciages a stagné à 7,9 Mm3 s'inscrivant en légère diminution - 1,3 % par rapport à 2017. Les volumes sciés en 2018 sont de 6,5 Mm pour les résineux (- 1,6 %) et de 1,3 Mm pour les feuillus (+ 0,2 %). La production de sciages a globalement baissé de 25 % en France depuis quinze ans, la consommation ayant également baissé dans les mêmes proportions.

La consommation de produits techniques en bois est en augmentation sous l'effet des gains de parts de marché de la construction bois. Les produits importés sont prépondérants pour les produits techniques et industriels finis les plus valorisés, notamment les produits de construction collés en structure.

Quatre régions se détachent nettement en termes de prélèvement de bois et de production de sciages (86 % du total national) : Nouvelle-Aquitaine (2,0 Mm, soit plus du quart), Grand Est (1,8 Mm), Bourgogne-Franche-Comté (1,4 Mm) et Auvergne-Rhône-Alpes (1,3 Mm).

Les scieries françaises sont de taille plus modeste que leurs concurrentes européennes et souffrent d'un manque de compétitivité. S'agissant des scieries de résineux, il existe quelques grosses unités mais la production de sciages plus élaborés (produits techniques : essentiellement les sciages contrecollés et aboutés) doit être développée. C'est ainsi que le tiers de la demande en sciages (résineux) pour le bâtiment est aujourd'hui satisfait par des produits d'importation. Les scieries de feuillus doivent, quant à elles, inscrire leur développement dans le cadre d'un schéma industriel qui reste à construire en favorisant la mixité : des unités industrielles s'orientant vers la massification de sciages bruts et techniques (cf. supra) ainsi que vers la mise en oeuvre de leurs propres produits ; des unités moyennes spécialisées dans le sur-mesure et les produits de niche (débits sur liste) ; des petites unités de production répondant à un service de proximité dont la pérennité sera toutefois difficile à assurer.

Une analyse de la Banque de France de 2016 portant sur près de 1 200 entreprises fournie par la Fédération nationale du bois (FNB) avait permis de visualiser l'évolution récente de l'activité économique du secteur du sciage.

Ainsi, entre 2008 et 2015, le secteur a perdu 13 % de ses entreprises et 17 % de ses effectifs. Le chiffre d'affaires a diminué de 4,5 % et la valeur ajoutée de 11,6 %. Pour ces deux derniers paramètres, la diminution la plus importante a eu lieu entre 2008 et 2012, la situation du secteur semblant, depuis 2012, se stabiliser voire s'améliorer.

Commerce extérieur :

Alors qu'entre 2013 et 2017, le déficit des produits forestiers et du bois était resté globalement stable avec une augmentation de la valeur des importations compensée par l'augmentation de celle des exportations, le déficit s'est accru significativement en 2018 puis 2019, sous l'effet principal d'une accélération de l'augmentation des importations en 2018 puis d'une baisse des exportations en 2019. En 2019, le déficit du commerce extérieur de la filière bois s'établit à 7,3 milliards d'euros, en hausse de + 7,7 % par rapport à 2018, nouveau record absolu. Les importations atteignent 17 milliards d'euros (+ 1,1 %) et les exportations régressent à 9,5 milliards d'euros (- 3,4 %). Les échanges internationaux se réduisent donc légèrement (- 0,5 %).

Le déficit est dû en 2019 pour 6,3 % aux bois ronds et sciages, pour 53,2 % aux industries de transformation du bois (2ème transformation et meubles en bois), et pour 35,9 % aux industries de la pâte à papier et du papier (le reste étant des produits divers : liège, térébenthine...).

Le poste « Bois ronds et sciages » valait - 400 millions d'euros au début des années 2000, puis avait chuté de façon importante pour atteindre -900 millions d'euros en 2007, pour se situer in fine à -462 millions d'euros en 2019. Ce poste cache en fait une forte disparité entre un excédent sur les grumes depuis 2009 et un déficit sur les sciages (principalement à cause des sciages résineux).

Les variations du poste « Produits des industries du bois » expliquent pour beaucoup les tendances du déficit global de la filière : ce poste valait - 1,3 milliard d'euros au début des années 2000 et avait chuté très fortement jusqu'à - 3,5 milliards d'euros en 2010. Après une légère remontée à - 2,9 milliards d'euros en 2015, il se dégrade nettement et atteint un record historique à - 3,9 milliards d'euros en 2019.

Le poste « Industrie Pâte et Papier » a un important déficit structurel mais a moins varié que les industries de transformation du bois : entre -2,2 et -2,5 milliards d'euros au début des années 2000, -2,5 et -2,7 milliards d'euros en 2007-2011 et -2,8 milliards d'euros en 2019. Ce secteur a la particularité de présenter des exportations importantes en valeur (le déficit de 2,8 milliards d'euros en 2019 est la différence entre 8,8 milliards d'euros d'importations et 6,0 milliards d'euros d'exportations), alors que, dans les autres postes en déficit, les exportations sont généralement assez faibles en valeur absolue.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

2. L'Office national des forêts, un opérateur sous tension

L'ONF, principal opérateur public de la politique forestière, exerce un rôle majeur dans la gestion de la forêt, à travers des missions diversifiées.

Les missions de l'Office national des forêts

La gestion durable des forêts domaniales

L'État est le propriétaire de ces forêts et gère les ventes et les achats de terrains domaniaux. L'ONF, pour sa part, assure la programmation et la mise en oeuvre des récoltes et du renouvellement des peuplements (notamment eu égard à leur adaptation au changement climatique), l'organisation des ventes de bois, les travaux, la surveillance générale et la gestion de la chasse. La gestion des forêts domaniales recouvre également les missions d'intérêt général qui lui sont rattachées telles que l'information et l'accueil du public et les actions de protection de la nature non spécifiques.

La gestion durable des forêts des collectivités

L'ONF est chargé par la loi de l'application du « régime forestier » aux forêts des collectivités. À ce titre, il exerce la surveillance de ces forêts, la programmation et le suivi des récoltes et des travaux ainsi que la commercialisation du bois. L'ONF peut également assurer, sur convention, la mise en oeuvre de travaux patrimoniaux.

Les missions d'intérêt général confiées par l'État

Les missions d'intérêt général sont réalisées pour le compte de l'État dans le cadre de conventions et donnent lieu à un financement spécifique à coûts complets. Elles concernent les domaines de la biodiversité, de la prévention des risques naturels, notamment pour la restauration des terrains en montagne, la défense des forêts contre les incendies et la fixation des dunes domaniales.

Les activités contractuelles

L'ONF intervient également dans ses domaines de compétence pour différents clients, publics ou privés.

S'agissant du financement de l'ONF par l'État, il s'élève à 181,6 millions d'euros provenant du programme 149 , dotations en légère augmentation par rapport à 2020 (+ 2,8 millions d'euros).

Comme l'an dernier, sa contribution se décompose en un versement compensateur , stable à 140,4 millions d'euros , une subvention d'équilibre de 12,4 millions d'euros 25 ( * ) et un financement de ses missions d'intérêt général de 28,8 millions d'euros, stable par rapport à l'an dernier.

La situation de l'ONF avait inspiré de très fortes inquiétudes au point que la pérennité de l'établissement avait pu être mise en doute. Le redressement de ces dernières années est, par conséquent, bienvenu. Toutefois, la situation économique et financière de l'établissement avait été jugée fragile 26 ( * ) par les rapporteurs spéciaux.

Les données de l'année en cours confirme cette appréciation.

Le résultat de l'ONF s'est dégradé et son endettement a été considérablement accru.

Résultats et endettement de l'ONF entre 2015 et 2020

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Encore faut-il craindre que le résultat prévu au budget initial ne s'aggrave dans le contexte de la crise sanitaire D'ailleurs, le conseil d'administration où siègent les tutelles a autorisé en décembre 2019 le relèvement du plafond d'autorisation d'endettement de 400 à 450 millions d'euros.

On relève que, malgré ce contexte, l'État ne consomme que très partiellement la dotation d'équilibre inscrite aux budgets successifs de la mission.

On ne peut faire autrement qu'en déduire un choix pour l'endettement de l'ONF, qui suscite une certaine perplexité au vu des conditions financières qu'est susceptible de connaître l'ONF.

Les inquiétudes que peut susciter une telle situation ont été particulièrement soulignées dans le récent rapport des quatre inspections.

Selon ce rapport, sur longue période, une fois retraité des ajustements économiques qui, selon la mission des quatre inspections s'imposent 27 ( * ) , l'excédent brut d'exploitation de l'établissement apparaît structurellement fragile.

Évolution de l'excédent brut d'exploitation de l'ONF depuis 2009

Source : rapport des quatre inspections, juillet 2019

Les retraitements effectués par la mission sont discutables. Il s'agit en particulier d'exclure des recettes courantes la subvention pour charges de service public considérée comme une dotation en capital, choix de méthode qui ne s'impose pas de toute évidence, compte tenu des charges particulières imposées par l'État à un opérateur, dont il faut rappeler qu'il est un établissement public à caractère industriel et commercial.

Par ailleurs, les cotisations supportées par l'ONF du fait de l'affiliation des salariés de l'ONF au régime de retraites des fonctionnaires comptent beaucoup, la contribution employeur de l'ONF étant calibrée sur celle des employeurs publics. Il serait utile d'estimer l'impact de cette situation sur les résultats de l'ONF et de saisir les effets de l'adoption d'un régime universel en points sur la contribution attendue de l'établissement dans ce cadre.

En observant que l'excédent brut d'exploitation s'était redressé mais qu'il a, à nouveau décliné depuis 2019, on peut, en revanche observer qu'il ne dégage pas une capacité d'autofinancement suffisante pour réaliser les investissements lourds et à rentabilité très différée qui caractérisent la gestion forestière.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Depuis quelques années, la forte réduction de la part des charges de l'ONF couverte par ses ventes de bois se modère un peu.

Mais, ces dernières représentaient entre 70 % et 80 % de ses recettes dans les années 1980 contre moins d'un tiers désormais alors même que le cours du bois a été ces dernières années plutôt résistant.

Le chiffre d'affaires des ventes de bois reste étal depuis quelques années.

Évolution du chiffre d'affaires résultant des ventes de bois

(en millions d'euros)

Source : rapport des quatre inspections, juillet 2019

L'augmentation des récoltes, qui suscite des charges ne permet pas de dégager les produits correspondants.

Selon le rapport d'évaluation du COP, l'activité de l'ONF crée ainsi chaque année un besoin de financement structurel de 50 millions d'euros 28 ( * ) , estimation tributaire des redressements comptables effectués par la mission.

Il convient d'ajouter que l'absence de monétisation des services écologiques rendus par l'ONF ne permet pas à ce dernier de rentabiliser l'ensemble de ses missions.

Les coûts cumulés spécifiques liés à la protection des milieux, de la biodiversité, à l'accueil des publics, sont évalués par l'ONF pour les seules forêts domaniales à plus de 30 millions d'euros (20 millions d'euros pour la biodiversité et 10 millions d'euros pour l'accueil du public), non financés, qui dégradent le solde économique de gestion de la forêt domaniale.

À cet égard, une étude INRA-IGN de 2017 sur le rôle des forêts dans l'atténuation du changement climatique avait estimé que les forêts publiques représentant 25 % de la surface métropolitaine, constituaient un puits de carbone évalué à 22 MtCO2eq/an.

À titre d'illustration, avec un tarif actuel de la tonne de carbone sur le marché d'échanges de quotas d'émission de CO2 européen (EU ETS, Emission Trading System) à 25 euros/t, la seule fonction de puits de carbone jouée par les forêts publiques peut être évaluée, dans cette hypothèse, à 550 millions d'euros par an.

En toute hypothèse, dans les termes actuels des estimations, le tableau de financement de l'ONF traduit au cours de la période considérée l'existence d'un besoin de financement cumulé de 544 millions d'euros couvert par une subvention publique d'équilibre de 286 millions d'euros, des cessions d'actifs pour 31 millions d'euros et des emprunts pour 227 millions d'euros.

L'exercice en cours devrait se traduire par une nouvelle dégradation de la situation, en dépit de cessions immobilières importantes.

Ainsi qu'on l'a mentionné, la dette de l'établissement devrait tangenter 450 millions d'euros à la fin de 2020 .

L'endettement de l'ONF n'est pas jugé anormal par la mission qui le rapproche d'une valeur d'actif estimée à 9,6 milliards d'euros pour les seules forêts domaniales. En outre, le coût de la dette de l'ONF demeure limité.

Cependant, outre que la valeur d'actif des forêts domaniales peut être discutée, il importe d'observer que l'activité courante de l'ONF paraît en l'état de son modèle économique vouée à dégager des déficits, même s'ils sont inférieurs à ceux exposés par la mission des quatre inspections, creusant inexorablement son endettement.

C'est du moins le diagnostic de la mission qui l'appuie sur le constat d'une fluctuation d'un chiffre d'affaires sensible aux évolutions des prix du bois même si les recettes correspondantes pèsent aujourd'hui 40 % du total des recettes contre 50 % dans les années 80 et d'une progression des charges particulièrement due à la masse salariale.

La masse salariale, qui représente 55 % des charges de l'ONF a progressé malgré la diminution des effectifs.

Ces derniers ont diminué de 10 % en dix ans (de 9 987 ETPT à 9 038 ETPT en 2018. De son côté, la masse salariale a augmenté de 7 % pour s'élever à 106 % de la valeur ajoutée de l'ONF.

On rappelle que le COP 2016-2020 de l'ONF s'articule autour des six axes suivants :

- accroître la mobilisation du bois au bénéfice de la filière et de l'emploi ;

- relever le défi du changement climatique et de la préservation de la biodiversité ;

- mieux répondre aux attentes spécifiques de l'État et des citoyens ;

- adapter la gestion de l'ONF aux spécificités des départements d'outre-mer ;

- stabiliser les effectifs et accompagner les évolutions de l'établissement par une gestion dynamique des ressources humaines ;

- améliorer la durabilité du modèle ONF et consolider son équilibre financier.

Le précédent COP avait fixé à l'ONF des objectifs en termes de mobilisation de la ressource bois de 6,8 millions de mètres cube par an en forêt domaniale et de 9,3 millions dans les forêts des collectivités.

Le COP 2016-2020 a un peu réduit ces objectifs qui passent à 6,5 millions de mètres cube et 8,5 millions de mètres cube respectivement, soit, au total, 15 millions de mètres cube de bois , contre 13 millions de mètres cube actuellement .

Ces objectifs, qui supposent une augmentation des volumes mobilisés de 2 millions de mètres cube , doivent être appréciés au regard de la part trop modeste prise par l'ONF dans la récolte de bois (la récolte totale de bois commercialisée, tous opérateurs, s'est élevée à 37,9 millions de mètres cube en 2015).

Ils doivent également être resitués dans un contexte marqué par l'actualité d'une série de programmations à long terme concernant plus ou moins directement la ressource forestière.

On doit, en effet, considérer le « Programme national de la forêt et du bois » (PNFB), publié en février 2017, qui définit les orientations de la politique forestière pour les dix prochaines années (2016-2026).

Il fixe un objectif de mobilisation supplémentaire de 12 millions de mètres-cube en dix ans .

Il en ressort que la contribution attendue de l'ONF apparaît trop modeste.

La rétractation des ambitions de récolte de l'ONF n'est pas une solution.

Mais le maintien d'objectifs élevés suppose tant des investissements que des progrès de productivité et des clarifications financières.

Sans la mise en place de financements innovants, l'amélioration des connaissances sur les quantités de biomasse disponible, les plateformes de valorisation et stockage ou la contractualisation, il sera très difficile d'atteindre les objectifs fixés qui, de toute façon sont conditionnés en pratique à une dynamisation progressive de la gestion forestière pour favoriser au moins la première transformation du bois sur le territoire national et y conserver l'usage des produits connexes de scierie, pour la trituration et l'énergie.

Quant aux progrès de productivité, il faut rappeler que le COP en vigueur a été calé sur une stabilisation des effectifs de l'ONF mais prévoit une augmentation des effectifs hors plafond dans le cadre de l'essor donné à l'apprentissage.

Cette dernière orientation avait trouvé une traduction dans le projet de loi de finances pour 2020. Les emplois hors plafond y augmentaient de 246 ETPT, cette augmentation étant compensée par une réduction des emplois sous plafond de 51 ETPT.

Pour 2021, alors qu'un nouveau COP est en cours de négociation, le plafonnement des emplois de l'ONF est resserré. Les emplois sous plafonds sont réduits de 95 ETPT (- 1,1 %) et les emplois hors plafond sont en baisse de 176 ETPT (- 28,1%).

Une restructuration des effectifs est donc en cours, qui n'apparaît pas immédiatement cohérente avec les objectifs fixés à l'ONF, quand bien même ceux-ci seraient moins exigeants qu'un temps envisagé.

Il n'est pas sûr qu'elle soit réellement durable dans la mesure où les apprentis embauchés par l'ONF n'ont pas vocation à le demeurer et peuvent éprouver quelques difficultés à trouver d'autres débouchés qu'au sein de l'établissement.

Le rapporteur spécial Patrice Joly partage le scepticisme exprimé par son prédécesseur Yannick Botrel face à une gestion des ressources humaines qui compterait sur le remplacement des départs de fonctionnaires et de salariés en retraite par des emplois aidés et des apprentis.

Face à cette gestion au fil de l'eau, les préconisations du rapport des quatre inspections représentent un choix de rupture, la filialisation des activités commerciales de l'ONF étant proposée.

On doit rappeler que l'ONF est déjà un établissement public industriel et commercial qui, quoique chargé de la mise en oeuvre du régime forestier, doit pouvoir faire le départ entre ses missions de police et ses activités d'exploitation.

Cette double vocation doit sans doute être mieux assumée par l'ONF et ses personnels et elle peut conduire à réajuster certains équilibres des financements apportés à l'ONF.

Il n'est pas sûr que la scission de l'ONF soit ainsi l'issue optimale à une situation dont les contours financiers mériteraient d'être précisés.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que le nouveau COP avait été conclu dans le cadre d'une participation des communes forestières. L'alourdissement des charges de collecte imposé à l'ONF risque d'exercer un effet d'éviction sur les activités réalisées avec ces collectivités, en particulier dans le domaine de l'investissement forestier. L'État, à travers une attitude plus cohérente, doit être en mesure d'écarter cette perspective.

C. DES DÉPENSES FISCALES « FORÊT » SOUVENT MODIQUES ET MAL ÉVALUÉES

L'estimation des dépenses fiscales en faveur de la forêt et du bois est particulièrement complexe dans la mesure où certaines dépenses fiscales qui lui profitent poursuivent une vocation plus large que celle de favoriser les actifs forestiers.

L'information sur ce point reste très insatisfaisante.

Selon la lecture qu'on en fait, l'estimation des dépenses fiscales annexée au projet annuel de performances aboutit à une valeur comprise entre 202 millions d'euros (en incluant le taux préférentiel de 10 % appliqué aux livraisons de bois de chauffage) et 58 millions d'euros (soit l'estimation des dépenses fiscales dans le projet annuel de performances pour 2021).

De surcroît, ces éléments ne correspondent pas à ceux transmis aux rapporteurs spéciaux.

Les dépenses fiscales pour la forêt entre 2018 et 2020

Impôt concerné et bénéficiaires (2018)

Nature de la mesure

Coût 2018 (M€ ; réalisation)

Coût 2019 (M€ ; prévision)

Coût 2020 (M€ ; prévision)

Droits de mutation à titre gratuit (donations - succession)

nombre de bénéficiai- res non déterminé

Exonérations partielles de droits de mutation des bois et forêts, des sommes déposées sur un CIFA, des parts de groupements forestiers, des biens ruraux loués par bail à long terme, des parts de GFA et de la fraction des parts de groupements forestiers ruraux représentative de biens forestiers et agricoles

50

50

50

Impôt sur le revenu -

8 550 bénéficiaires

Crédit d'impôt pour travaux forestiers et rémunérations versées pour la réalisation de contrats de gestion de bois et forêts

6

4

4

Impôt sur le revenu -

8 901 bénéficiaires

Réduction d'impôt pour investisse- ment et cotisations d'assurances de bois et forêt

5

5

5

Impôt sur les sociétés -nombre de bénéficiai- res non déterminé

Amortissement exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes versées pour la souscription de parts de sociétés d'épargne forestière

?

?

?

Impôt sur le revenu - nombre de bénéficiai- res non déterminé

Exonération des intérêts de sommes inscrites sur un compte épargne d'assurance pour la forêt (CEAF)

?

?

?

Impôt sur le revenu - 5 945 bénéficiaires

Réduction d'impôt au titre des cotisations versées aux associations syndicales autorisées ayant pour objet la réalisation de travaux de prévention en vue de la défense des forêts contre les incendies (DFCI) sur des terrains inclus dans les bois classés

?

?

?

TVA -

nombre de bénéficiai- res non déterminé

Taux de 10% pour les travaux sylvicoles et l'exploitation forestière réalisés au profit d'exploitants agricoles

24

24

24

Impôt sur la fortune immobilière -

20 925 bénéficiaires

Exonération partielle des bois et forêts, des parts de groupement forestier, des biens ruraux loués par bail à long terme et des parts de GFA

33

39

Non chiffré

TFNB -

nombre de bénéficiai- res non déterminé

Exonération en faveur des terrains plantés en bois

1

1

1

Total (en M€)

119

123

123

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les dépenses fiscales pour la forêt concernent la plupart des impôts et taxes auxquels les propriétaires forestiers sont susceptibles d'être assujettis et mettent en oeuvre des mécanismes fiscaux variés puisqu'ils agissent sur l'assiette (exonérations), sur le taux (taux réduits) ou sur le montant de l'impôt (réductions et crédits d'impôt).

Ces mesures concernent des impôts d'État, sauf une qui concerne un impôt local : la taxe foncière sur les propriétés non bâties, avec compensation par l'État.

S'y ajoute une modalité de calcul de l'impôt sur le revenu applicable au revenu de la vente de bois issu de la forêt, appelée « forfait forestier ».

Les avantages fiscaux fléchés vers la forêt sont majoritairement à vocation patrimoniale. Cette situation n'est pas anormale s'agissant d'un actif dont la détention suppose d'accepter une rentabilité pour le moins aléatoire et différée, mais aussi un certain nombre de sujétions coûteuses.

En matière d'accompagnement fiscal de la détention, l'adoption d'un nouvel impôt sur la fortune immobilière n'a pas bouleversé la donne. Il faut s'en féliciter. Cependant, la dépense fiscale correspondante n'est plus estimée. Elle pourrait avoir une portée un peu réduite selon la réponse transmise aux rapporteurs spéciaux.

Pour autant, l'efficacité des incitations fiscales à l'investissement suscite une certaine perplexité 29 ( * ) alors que la rationalisation de la forêt française privée et de son exploitation demeure un enjeu économique et environnemental fort et qu'il s'agirait là du levier le plus adapté pour aboutir à une amélioration au niveau national.

Dans son rapport « Les soutiens à la filière forêt-bois », établi en novembre 2014 à la demande de la commission des finance du Sénat, la Cour des comptes avait émis une appréciation, considérant qu'il conviendrait de « davantage utiliser la fiscalité forestière comme un levier au service de la politique forestière et de procéder en conséquence à un rééquilibrage en faveur des mesures fiscales à visée incitative ».

La plupart des mesures sont, individuellement, d'une ampleur très limitée. Par ailleurs, elles sont peu évaluées, même si dans le cadre du rapport de l'Inspection générale des finances publié en 2011 portant sur les mesures dérogatoires fiscales et sociales, la plupart des dispositifs ayant pu faire l'objet d'une appréciation ont reçu une bonne note d'efficience.

Selon les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, depuis la remise de ce rapport, le ministère de l'agriculture a à nouveau sollicité en février 2013 les services de la DGFiP dans le cadre d'une lettre de mission interministérielle - préparatoire au volet forêt-bois de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt - afin de disposer de quelques éléments chiffrés mais sans que la suite donnée à cette saisine puisse être jugée conclusive.

Tout juste aura-t-elle permis de réunir les quelques données quantitatives suivantes faisant état de :

- 33 575 bénéficiaires de l'exonération partielle d'ISF pour un montant de 23 millions d'euros (estimé à partir du fichier d'ISF 2010), portés selon le PAP pour 2018 à 52 millions d'euros en 2017 ;

- 1 300 successibles déclarés en 2012 au titre des bois et forêt pour un montant de 2 millions d'euros, aucune donnée n'ayant pu être délivrée sur l'exonération partielle des bois et forêts et parts de groupements forestiers au titre des donations.

La dépense fiscale à l'impact financier le plus important réside dans les exonérations partielles de droit de mutation à titre gratuit, qui facilitent la transmission des patrimoines forestiers et préviennent un morcellement forestier encore plus fort qu'aujourd'hui.

La commission des finances du Sénat a dit son opposition à une remise en cause de cet avantage fiscal au cours de l'examen récent d'une proposition de loi allant dans ce sens.

On signale cependant que dans le cadre de son récent rapport d'enquête sur la filière bois, la Cour des comptes a, à nouveau, préconisé d'évaluer les avantages fiscaux de type patrimonial notamment au regard de la tenue des engagements pris d'exploiter durablement les parcelles correspondantes.

Une amélioration du régime fiscal applicable aux forêts pourrait provenir d'une meilleure incitation à un regroupement des parcelles et à des incitations à procéder à des travaux forestiers.

À cet égard le DEFI forestier présente certaines limites dont le dépassement mérite un examen.

Les données relatives au dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI) ne portaient que sur les déclarations des particuliers déposés au titre des revenus 2011.

DEFI Forêt (estimation 2011)

Nature de la dépense fiscale (Volet du DEFI)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires

Part de la dépense fiscale

Assurance

1 709

0,05 million d'euros

Acquisition

1 630

2,4 millions d'euros

Travaux

5 317

1,4 million d'euros

Contrat

426

0,006 million d'euros

Un travail de mise à jour publié en avril 2020 par le conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des espaces ruraux est désormais disponible qui montre que le dispositif est davantage mobilisé, essentiellement en ce qui concerne son volet assurantiel.

DEFI Forêt (estimation 2019)

Source : CGAAER, avril 2020

De manière générale s'agissant des mesures fiscales sur lesquelles s'appuie notre politique forestière, les rapporteurs spéciaux jugent pertinent de ne pas réduire la portée des dépenses fiscales dont bénéficie la filière.

Ils préconisent plutôt une simplification, et une meilleure lisibilité, des soutiens publics vers les mesures fiscales à visée incitative afin que l'investissement privé puisse mieux contribuer à l'atteinte de nos objectifs forestiers.

V. LA BUDGÉTISATION INCERTAINE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION

Le programme 206 est consacré au financement des actions mises en oeuvre pour assurer la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation.

Aucune évolution organisationnelle n'est intervenue ces dernières années, malgré les préconisations formulées par les précédents rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat dans leur rapport consacré à la politique de sécurité sanitaire des aliments 30 ( * ) .

Ils avaient appelé à des améliorations profondes du cadre d'actions en faveur d'une politique qui doit mieux répondre aux inquiétudes des Français, inquiétudes justifiées au regard des événements sanitaires du temps présent.

Plus récemment, le rapport d'information de nos collègues des commissions des affaires sociales et des affaires économiques sur l'affaire Lactalis avait été l'occasion de confirmer la nécessité de « mieux contrôler, mieux informer et mieux sanctionner 31 ( * ) » .

La politique de sécurité sanitaire des aliments est largement interministérielle, réalité que l'information budgétaire continue à occulter, situation qu'il conviendrait de corriger au plus vite par l'élaboration d'un document de politique transversale, puisqu'elle nuit à la lisibilité des financements publics consacrés par l'État à cette action de première importance et à ses résultats.

Il s'y ajoute une très grande confusion dans l'exposé des interventions financées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à raison de ladite politique. Cette dernière demeure « sans carte d'identité budgétaire » .

Certains crédits consacrés par le ministère à la sécurité sanitaire des aliments demeurent extérieurs au programme 206, qu'ils soient inscrits dans le programme 149 ou dans le programme réservoir de la mission AAFAR 215.

Certains financements proviennent de taxes affectées, dont certaines sont plus théoriques qu'effectives, ce dont témoigne un article du projet de loi de finances pour 2021, voté à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Quant au programme 206 lui-même, la conception d'une politique publique de sécurité sanitaire des aliments « du champ à l'assiette » , qui n'est pas sans justification conceptuelle, a pour effet qu'il porte des crédits destinés à des actions assez différentes dans leur objet, les unes visant à assurer l'intégrité sanitaire des actifs des exploitations agricoles, les autres plus directement destinées à prévenir la mise à disposition des consommateurs de produits non indemnes.

Dans ces conditions, les appréciations formées à partir des crédits des projets de loi de finances de l'année au titre du programme 206 ne sauraient valoir qu'au regard du cadre imparfait de la nomenclature budgétaire.

Par ailleurs, plus fondamentalement, au vu des impasses budgétaires à répétition apparues ces dernières années en cours de gestion, il va de soi que la mise en perspective du projet de budget avec une base aussi virtuelle que les lois de finances de l'année en cours est fort peu éclairante. Au-delà, il est à craindre que la forme de répétitivité constatée pour le passé ne vaille également pour l'avenir.

A. DES ENJEUX CONSIDÉRABLES

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est plus spécifiquement consacré aux missions de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) .

Comme cela arrive fréquemment dans le secteur d'activité agricole, de nombreux intervenants participent à la mise en oeuvre des actions censées conforter la sécurité sanitaire des aliments avec des soutiens publics provenant du programme 206 mais aussi de budgets des collectivités territoriales et des contributions volontaires des professionnels, les cofinancements en résultant offrant un défi au suivi financier et opérationnel des actions.

Les années qui viennent de s'écouler n'ont pas manqué de rappeler, par les calamités sanitaires qui les ont marquées, mais aussi par le malaise suscité par plusieurs controverses concernant tant les effets sur la santé humaine ou animale des perturbateurs endocriniens (avec le dossier des produits phytopharmaceutiques) que la situation du bien-être animal, l'importance d'une vigilance très forte dans un domaine où les objectifs affichés sont souvent suivis d'effets inversement proportionnels à leur très forte médiatisation.

Il s'agit d'abord de garantir la santé des consommateurs mais également d'assurer l'intégrité des matières premières et des actifs des exploitants dont la valeur dépend étroitement de la qualité sanitaire de leurs productions.

Les enjeux sont donc considérables d'autant que les interventions financées par le programme 206 poursuivent encore des objectifs environnementaux.

De ce point de vue, les évolutions en cours ou prévisibles sont inquiétantes .

Ainsi, les rapporteurs spéciaux ne peuvent manquer de mentionner la prégnance des cas de maladie animale et végétale observés ces dernières années.

Ces évolutions se sont traduites par la survenance de crises majeures parmi lesquelles on peut mentionner la multiplication des foyers de Xylella fastidiosa, une bactérie nuisible à de nombreux végétaux (en particulier, les oliviers), la fièvre catarrhale ovine (FCO), et les différentes formes du virus d'influenza aviaire qui ont entraîné la décimation des canards, en particulier dans les départements du Sud-Ouest.

Mais, d'autres dangers sont très présents qu'il s'agisse de la tuberculose bovine ou de la trichine. Si la France n'a pas perdu son statut de pays indemne au regard de la première, il n'en va pas de même pour la seconde 32 ( * ) . Quant à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), l'identification d'un cas d'ESB en 2016 a fait rétrograder la France au rang de pays à risque maîtrisé (et non plus indemne).

Enfin, l'existence à nos frontières de cas de peste porcine suppose des mesures très résolues de préservation contre un danger considérable.

C'est également le cas de la multiplication des situations d'influenza aviaire.

Quant aux impacts sanitaires sur les consommateurs , mais aussi sur les personnes pouvant avoir des contacts avec les végétaux et les animaux, ils demeurent insuffisamment connus comme en témoignent les controverses scientifiques portant sur les produits phytosanitaires mais aussi insuffisamment suivis, la veille épidémiologique souffrant parfois d'une forme de négligence au quotidien ou de la trop forte rareté des moyens d'analyses. Mais le nombre de certaines affections apparaît d'ores et déjà considérable comme l'illustre le tableau ci-dessous exposant des données transmises aux rapporteurs spéciaux lors de leurs travaux sur la sécurité sanitaire des aliments.

Type de pathologie

Nombre de cas par an

Hospitalisation

Décès

Bactériennes

900 000

12 680

179

Virales

504 887

4 201

23

Parasitaires

44 669

1 118

37

Source : audition des rapporteurs spéciaux

Dans ce contexte, la mise en oeuvre d'une étude globale sur la consommation alimentaire tout au long de la vie représente un indéniable progrès.

B. LES CRISES SANITAIRES ET ÉCONOMIQUES, UN IMPORTANT FACTEUR DE DÉSTABILISATION ÉCONOMIQUE ET D'INFLATION BUDGÉTAIRE

La qualité sanitaire des productions agricoles et alimentaires constitue une variable de premier plan d'un point de vue économique. La demande en dépend largement, qu'il s'agisse de la consommation intérieure ou de la demande des pays étrangers. La perte du statut « indemne » ferme bien souvent l'accès aux marchés d'exportation. La sensibilité des filières à la qualité sanitaire de leurs productions est particulièrement forte en cas de crise mais il ne faut pas négliger des évolutions à plus bas bruit pouvant accompagner l'existence de suspicions plus sourdes.

L'impact budgétaire des crises est également considérable comme l'exécution du programme 206 en 2016 et en 2017 avait pu l'illustrer. Alors que la loi de finances initiale pour 2016 avait ouvert 200,3 millions d'euros de crédits (hors titre 2), des ouvertures complémentaires de 64,45 millions d'euros ont été nécessaires en cours d'exercice pour faire face aux crises. Pour 2017, si la loi de finances initiale avait fixé le montant des crédits de paiement à 209,4 millions d'euros, les impasses budgétaires constatées jusqu'alors avaient conduit à porter les crédits du programme à 330,7 millions d'euros (en particulier, 77 millions d'euros ont dû être dégagés pour financer les suites des différents épisodes d'influenza aviaire). Encore fallait-il compter avec l'impact des mesures assumées par le programme 149 de la mission qui finance des actions complémentaires à celles strictement sanitaires de la direction générale de l'alimentation.

D'autres facteurs doivent être pris en compte parmi lesquels la capacité de la programmation budgétaire à se fonder sur des besoins sincères de déploiement d'effectifs.

Ainsi, en 2019, le plafond d'emplois initialement défini (4 695 ETPT, en légère hausse par rapport à la consommation de 2018 de 4 653 ETPT) a été dépassé en exécution (4 748 ETPT, soit + 95 ETPT par rapport à la consommation de 2018, cette évolution ayant été tributaire d'un recrutement de 100 ETPT pour renforcer les contrôles aux frontières dans la perspective du Brexit.

Ces déficits de programmation budgétaire sont susceptibles de perturber la bonne exécution des missions, notamment de celles assignées au programme 206. À titre d'exemple, la sous estimation alléguée des besoins liés au Brexit a conduit, en 2019, à réduire le nombre des emplois appelés à être mobilisés pour les missions traditionnelles (- 5 ETPT).

Mais il conviendrait d'ajouter les préoccupations propres à la situation économique et financière de structures très importantes pour la maîtrise des conditions sanitaires de l'alimentation. Il en va ainsi pour les abattoirs publics, dont une partie se trouve dans une situation financière très difficile (on peut se reporter à cet égard au rapport public pour 2020 de la Cour des comptes) mais également pour les laboratoires des collectivités territoriales et pour les vétérinaires sanitaires ou libéraux. Il s'agit d'unités vulnérables susceptibles de connaitre une recrudescence de leur sinistralité économique et fonctionnelle, dont le projet de budget pour 2021 ne permet pas d'anticiper les effets.

Il est vrai qu'il faut inclure à cette présentation la programmation du plan de relance qui implique des autorisations d'engagement de 130 millions d'euros pour la modernisation des abattoirs. Il faut toutefois relever que seuls 25 millions d'euros de crédits de paiement sont ouverts en 2021, sous des chapitres quelque peu allusifs. Il est notamment prévu d'améliorer la connaissance du secteur, ambition certes louable, mais qui ne devrait pas être à l'ordre du jour d'un plan de relance, les moyens nécessaires devant être réunis bien en amont.

C. UNE STRUCTURE BUDGÉTAIRE TOUJOURS DÉFECTUEUSE

La structuration budgétaire du programme 206 est particulièrement défectueuse au regard d'une exigence de lisibilité minimale de la loi de finances et des missions à laquelle elle apporte leurs moyens financiers de réalisation.

L'existence d'une action n° 06, dotée de 337,1 millions d'euros de crédits, soit plus de 56 % des dotations du programme conduit à rassembler dans un agrégat unique les charges de personnel correspondant aux différentes actions conduites, qui sont pourtant très diverses dans leurs finalités.

Il en ressort une déperdition totale de l'information budgétaire sur les coûts de mise en oeuvre de ces différentes interventions.

Par exemple, alors que les inspections en abattoirs forment une composante majeure de l'activité de la direction générale de l'alimentation, ses coûts ne sont identifiés qu'à partir des dépenses de fonctionnement auxquelles elles donnent lieu, 6,3 millions d'euros, soit une somme très éloignée de la réalité des coûts de cette mission. On peut également mentionner l'impossibilité de suivre les dotations prévues pour mettre en oeuvre les actions de surveillance des services de l'État dans le cadre des différentes actions concernant les animaux et les végétaux et de les comparer aux crédits appelés à financer les missions dévolues aux délégataires auxquels il est massivement recouru.

Cette situation doit évoluer, d'autant qu'elle s'additionne à l'absence d'un document de politique transversale, réclamé par les rapporteurs spéciaux, seul à même d'apprécier la résolution de l'État à mettre en oeuvre une politique de sécurité sanitaire dans le domaine de l'alimentation et des matières premières agricoles.

D. UNE FORTE AUGMENTATION DU BUDGET MAIS SANS LIGNE DIRECTRICE PARTAGEABLE

Au total, la dotation du programme attendue pour 2021, qui s'élève à 598,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) contre 568,3 millions d'euros l'an dernier, et à 599,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), contre 568,9 millions d'euros d'AE en 2020, extériorise une hausse des dotations assez franche par rapport à 2020 (+ 5,3 % pour les CP, + 5,4 % pour les AE).

Les évolutions budgétaires en 2020 et 2021 sont perturbées par le déroulement du projet de constitution de secrétariats généraux communs dans le cadre de la réforme de l'administration territoriale de l'Etat. En 2020, les transferts prévus à ce titre conduisait à attribuer la responsabilité budgétaire de 213 ETPT 33 ( * ) au nouveau programme 354 de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » (AGTE). Finalement, ce projet a été reporté pour intervenir au 1 er janvier 2021, un rétrotransfert de 213 ETPT, pour un montant de 13,03 millions d'euros étant intervenu en cours d'année. Cette mesure modifiera l'exécution des crédits par rapport à la prévision 2020, mais elle est sans effet sur la comparaison des crédits de 2020 à 2021. En revanche, un nouveau transfert de 8 ETPT est pris en compte (mais pour un montant limité de 0,49 million d'euros).

1. Une augmentation des crédits concentrée sur les crédits de titre 2 et sur les dépenses d'intervention, qu'il faut augmenter de la prise en considération des crédits de la mission « Relance »

L'augmentation des crédits demandés au titre du programme, de 30 millions d'euros est concentrée sur les dépenses de personnel (+ 18,8 millions d'euros), les autres dépenses (+ 11,1 millions d'euros) ne représentant qu'un plus d'un tiers de l'augmentation.

Pour ces dernières, le supplément de moyens est entièrement dû aux dépenses d'intervention, qui progressent de 20,9 millions d'euros quand les dépenses de fonctionnement reculeraient de 6,5 millions d'euros et les dépenses d'investissement de 5,3 millions d'euros.

Considérées relativement, la hausse des dépenses d'intervention atteint plus de 28 % tandis que la réduction des moyens de fonctionnement est de 3,8 %, les dépenses d'investissement rétrogradant de plus de 66 %.

Évolution des dotations du programme 206
entre 2020 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances de la mission pour 2021

Aux crédits inscrits sur la mission « AAFAR », il faut ajouter ceux prévus dans le cadre du « plan de relance ». Il n'est pas totalement évident d'identifier ce qui dans le programme « Écologie » de la mission budgétaire correspondante pourrait être normalement rattaché au programme 206 de la mission « AAFAR ». Cependant, on peut s'accorder sur l'estimation selon laquelle 250 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 48 millions d'euros de crédits de paiement retracés dans la mission « Plan de relance » seraient logiquement rattachés au programme 206 en l'absence de ce réceptacle budgétaire spécifique.

Il s'agit de :

- 100 millions d'euros en autorisations d'engagement mais seulement 20 millions d'euros en crédits de paiement pour des actions touchant la santé et le bien-être animal (action n° 02 du programme) ;

- 130 millions d'euros en autorisations d'engagement mais seulement 25 millions d'euros en crédits de paiement pour la modernisation des abattoirs, avec une série de motifs, dont certains sont quelque peu impalpables (le soutien aux investissements, une meilleure « structuration des dispositifs de formation des opérateurs et des responsables d'abattoir », le « renforcement du dialogue territorial », « l'amélioration de la connaissance du secteur »), crédits dont une partie pourrait aussi bien être imputés au programme 149 ;

- 20 millions d'euros en autorisations d'engagement mais seulement 3 millions d'euros en crédits de paiement pour le soutien à l'accueil des animaux abandonnés et en fin de vie.

Au total donc, en comptant un peu largement, les crédits de sécurité sanitaire des aliments seraient augmentés en autorisations d'engagement de 280,5 millions d'euros et en crédits de paiement de 77,9 millions d'euros par rapport aux niveaux atteints en 2020, soit un accroissement respectif de près de 50 % et 13,7 %.

2. Une progression des crédits de personnel principalement due à la perspective du Brexit : une réelle justification ?

De façon générale, la structure par nature des dépenses du programme fait ressortir la prédominance des dépenses de personnel (crédits de titre 2) suivies par les dépenses de fonctionnement et par les dépenses d'intervention.

Le projet de budget pour 2021 ne déroge pas à cette structure malgré la hausse prononcée des dépenses d'intervention.

Structure des crédits du programme par nature en 2021

(en millions d'euros et en %)

En niveau

En % du total des crédits
du programme

Dépenses de personnel

335,8

56,3%

Dépenses de fonctionnement

164,2

27,5%

Dépenses d'intervention

93,6

15,7%

Dépenses d'investissement

2,7

0,5%

Total

596,3

100%

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances de la mission pour 2020

En 2021, les crédits de titre 2 progressent de 18,8 millions d'euros malgré quelques transferts d'emplois vers d'autres missions.

L'augmentation des charges de personnel atteint ainsi 5,9 % après une progression de 6,8 % (à périmètre constant) l'an dernier. En deux ans, les crédits de personnel auront donc progressé de plus de 13 %.

Dans un contexte marqué par un gel du point d'indice de la fonction publique, les mesures catégorielles (1,96 million d'euros en 2021 mais 2,9 millions d'euros en année pleine), le glissement vieillesse technicité (GVT) pour 4,9 millions d'euros constituent les seuls ressorts de la variation de la masse salariale. La baisse des dépenses liées au contentieux des vétérinaires en mission (- 750 000 euros) ne compense pas ces effets qui sont amplifiés par de nouvelles créations d'emplois.

Les créations d'emplois destinés au contrôle aux frontières dans la perspective du Brexit pèsent sur la programmation budgétaire pour 2021 comme elles l'avaient fait en 2020.

L'an dernier, le plafond d'emplois du programme avait été relevé, passant de 4 695 ETPT à 4 792 ETPT (soit + 97 ETPT). Cette augmentation provenait de deux évolutions de sens contraire : la réduction des ETPT pris en charge par le programme du fait des transferts vers la mission AGTE, déjà mentionnés ; dans un autre sens, la création de 320 ETPT correspondant pour l'essentiel (296 ETPT) au schéma d'emplois mis en place pour, selon le ministère, assurer le renforcement des contrôles aux frontières suite au Brexit.

Ces emplois entraînaient une charge nouvelle de 11 millions d'euros à laquelle il convenait d'ajouter pour apprécier leur impact sur la masse salariale du programme le montant des contributions employeur au CAS « Pensions » qui leur correspondent.

Les créations d'emplois prévues en 2020 s'ajoutaient aux 40 ETPT créés en 2019 34 ( * ) , de sorte que le Brexit devrait se traduire, pour la seule direction générale de l'alimentation (DGAL), par un alourdissement des emplois de 640 ETPT, soit 7,2 % du plafond d'emplois autorisé en 2019.

En 2021, le plafond d'emplois est à nouveau augmenté. Il passe à 4 806 ETPT soit un supplément net de 14 ETPT, mais avec 22 ETPT nouveaux une fois décomptés les 8 ETPT transférés à la mission AGTE.

Ces créations d'emplois sont censés répondre aux besoins de la surcharge des contrôles aux frontières dans le cas d'une sortie du Royaume Uni de l'Union européenne sans accord.

Au total, le ministère chiffre les besoins de contrôle aux frontières suscités par la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne à 6,7 % de ses effectifs, ce qui paraît considérable et mérite, à ce titre, une certaine attention.

Au demeurant, les évaluations disponibles, qui sont soumises à des incertitudes politiques, paraissent également évolutives d'un point de vue technique. C'est ainsi que les variables prises en compte ont pu changer assez fortement d'une estimation à l'autre.

Il en va ainsi pour les flux d'importation qui avaient été estimés à 1 million de lots par an et ne sont plus comptés que pour 340 000. Dans ces conditions, les effectifs à déployer pour faire face aux contrôles à l'importation (231 ETP) et aux certifications à l'exportation (90 ETP) pour un total de 321 ETP ont pu être affinés et quelque peu réduits.

Toutefois, les données fournies aux rapporteurs spéciaux suggèrent que les emplois ouverts dans les lois de finances pour 2019 et 2020, et dont l'utilité a été à ce jour assez partielle compte tenu des délais pris par les négociations sur la sortie de l'Union européenne du Royaume-Uni, n'ont pas été pourvus en totalité.

Éléments sur l'appréciation des effets du Brexit sur les besoins perçus par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation

En réponse à une question des rapporteurs spéciaux sur l'impact du Brexit sur les besoins du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, les éléments de réponse suivants ont été transmis ; le dispositif de contrôle distingue les contrôles à l'importation des contrôles à l'exportation :

« Au regard des incertitudes sur l'issue des négociations de l'accord sur la relation future, le plan de préparation à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne prend en compte l'hypothèse d'une sortie sans accord, avec la mise en place de l'ensemble des contrôles sanitaires et phytosanitaires à l'importation et la mise en place de la certification à l'export.

Contrôles sanitaires et phytosanitaires à l'importation

Installations de contrôle

En matière d'installations de contrôle, les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne l'ensemble des dossiers des postes de contrôle frontaliers « Brexit » conformément aux spécifications requises par le nouveau règlement contrôles officiels entré en application le 14 décembre 2019 ; à savoir :

- 5 nouveaux postes frontaliers : Calais (Port, Tunnel + centre d'inspection de Boulogne/Mer), Dieppe, Caen-Ouistreham, Cherbourg et Roscoff ;

- et 3 postes frontaliers avec une activité renforcée : Dunkerque, Le Havre et St Malo.

Ressources humaines

Horaires d'ouverture des postes de contrôle frontaliers

Les sites de Calais Port, Tunnel et Dunkerque seront ouvert 24h/24, 7j/7, ce qui implique près de 8 ETP pour tenir un poste en raison des contraintes du cycle de travail mis en place spécifiquement pour ces sites (temps de récupération, anticipation des congés et arrêts).

Au regard des flux de produits de la mer, le site de Boulogne-sur-Mer sera ouvert de 5h à 13h 7j/7, une évolution de ces horaires sera envisagée au regard de la réalité des flux.

Les sites normands et bretons devront permettre de couvrir l'ensemble des escales, ce qui conduit pour certains sites à des amplitudes horaires très larges (arrivée du premier ferry très tôt et du dernier très tard).

Effectifs requis

L'estimation de l'effectif repose sur la connaissance des flux et sur les cycles de travail.

A l'heure actuelle, les flux portés à notre connaissance sont de l'ordre de 340 000 envois/an, dont 80% sur les Hauts-de-France.

Ces flux « BREXIT » sont plus de 3 fois supérieurs aux flux actuels toutes origines pays tiers.

Les effectifs dont dispose aujourd'hui le SIVEP pour le contrôle des marchandises importées des autres pays tiers est de 95 ETP répartis aujourd'hui sur 24 postes de contrôle frontalier.

Au regard de ces éléments l'effectif cible au 1 er janvier 2021 pour permettre la bonne mise en oeuvre des contrôles SPS à l'importation est porté à 231 ETP . Des effectifs complémentaires pourraient être nécessaires pour répondre aux demandes des professionnels d'élargir les plages horaires d'ouverture de certains postes frontaliers.

État des recrutements

181,5 équivalent temps plein (ETP) avaient été recrutés fin 2019 pour la réalisation des contrôles SPS « Brexit », dont 42,5 ETP vétérinaires. Depuis lors, il y eut un certain nombre de défection.

En juin 2020, un effectif de 169 agents étaient présents , répartis comme suit :

- 132 agents recrutés en Hauts-de-France ;

- 30 agents recrutés en Normandie ;

- 7 agents recrutés en Bretagne.

L'effectif de vétérinaires n'est plus que d'une trentaine de personnes, après certaines défections survenues en 2020.

Formation des inspecteurs

Les agents recrutés en 2019 ont suivi un cycle de formation en amont des premières échéances de sortie possible du Royaume-Uni de l'UE (entre le 29 mars 2019 et le 31 janvier 2020). Néanmoins, au regard des évolutions majeures de la réglementation en vigueur depuis le 14 décembre 2019, il est indispensable d'actualiser leurs connaissances avant la fin d'année.

Un plan de formation pour les agents déjà recrutés (en 2019) et ceux à recruter en 2020 avait été conçu en début d'année 2020. Il était notamment prévu une session de formation de 3 semaines, suivie d'une phase de ré-immersion de 2 semaines dans des postes de contrôle aux frontières opérationnels, pour une vingtaine d'agents recrutés en 2019. L'objectif était de disposer d'un vivier de futurs formateurs, qui diffuseraient leur savoir auprès des nouveaux recrutés de l'été 2020 ; ces formations auraient démarré en octobre 2020.

Compte tenu de la pandémie du Covid-19, la formation de formateurs n'a pu avoir lieu. Il a alors été décidé de confier aux agents recrutés en 2019 l`élaboration d'une mallette pédagogique, qui sera utilisée par voie de e-learning pour la formation des nouveaux recrutés de 2020. Les formations se feront à distance ou en présentiel (si cela est possible) à partir de septembre, conformément au calendrier initialement établi.

Certification à l'export

Dans l'hypothèse où le Royaume-Uni viendrait à imposer, au 1er janvier 2021, des exigences sanitaires et phytosanitaires à l'importation de marchandises agricoles et agroalimentaires venant de l'UE, des agents « certificateurs », dans les domaines animal et végétal, devront être recrutés. L'estimation faite est de 90 ETPT devant être recrutés sur l'ensemble du territoire français ; les agents recrutés seront placés dans les DD(CS)PP, pour la certification à l'export des animaux et produits animaux, et dans les SRAL/DRAAF, pour les végétaux.

Parmi ces 90 recrutés supplémentaires, il est estimé que 60 devront être titulaires du diplôme de vétérinaire.

Moyens alloués et perspectives de recrutement

La formalisation du besoin s'est affinée au regard de l'évolution des conditions de mise en place des contrôles SPS à l'importation depuis 2018. Les moyens alloués en loi de finance, pour faire face aux contrôles supplémentaires à mettre en oeuvre à l'importation, et pour la certification à l'exportation, sont les suivants :

- 40 ETPT au titre de la loi de finances 2019

- 320 ETPT au titre de la loi de finances 2020

Des recrutements complémentaires pourraient s'avérer nécessaires pour répondre aux demandes des opérateurs d'élargir les plages des horaires d'ouverture de certains postes frontaliers. Ces besoins ont été estimés à 85 ETPT en l'absence d'accord ou si l'accord ne permet pas de limiter les contrôles à l'importation.

Parmi ces ETPT, 90 devraient être nécessaires pour la certification à l'exportation. Le reste concernera les contrôles à l'importation.

Un gel des recrutements a été acté au premier semestre 2020 dans l'attente d'une meilleure visibilité sur l'issue des négociations de l'accord sur la relation future.

Au regard des incertitudes persistantes, ce gel a été levé en juillet. La reprise des recrutements est donc en cours, avec l'objectif d'atteindre la cible de 231 ETPT, minimum indispensable pour la mise en oeuvre des contrôles SPS à l'importation au 31 décembre 2020.

Des situations de sous-emploi sont apparues au fil du temps de sorte que pour les contrôles à l'importation le nombre des emplois déployés fait apparaître un déficit de l'ordre de 41 ETPT tandis que pour la certification à l'exportation un besoin de 90 ETPT est identifié.

Ces données sont, il faut le concéder, d'une lecture complexe. Les estimations concernant les besoins dépendent de variables encore inconnues. Il va de soi que les clauses d'un éventuel accord entre l'UE et le R-U devront être suivies avec attention afin de vérifier finement l'impact du Brexit sur les charges d'administration sanitaire du commerce international des denrées alimentaires pour la France.

Par ailleurs, les besoins ont été revus à la baisse par rapport aux estimations ayant pu fonder les créations d'emplois intervenues en 2019 et 2020.

Dans ces conditions, la justification apportée au relèvement du plafond d'emplois en 2021 par les besoins de contrôle des échanges entre la France et le Royaume-Uni n'apparaît pas clairement.

Que le ministère doive combler un déficit d'emplois effectif paraît davantage avéré.

À cet égard, l'on peut s'inquiéter des défections relevées dans la réponse adressée aux rapporteurs spéciaux, qui semblent toucher particulièrement les personnels vétérinaires.

Ces « défections » invitent à une élucidation de leurs motifs.

Les rapporteurs spéciaux trouvent dans les perspectives résultant en ce domaine du Brexit l'occasion d'une interrogation sur les conditions de l'intégration européenne des contrôles aux frontières.

Le commerce international entre l'UE et le reste du monde tend à se polariser sur certains points de passage. Cette situation conduit régulièrement à une certaine perplexité quant aux moyens déployés par certains pays à fort trafic maritime pour assurer les contrôles nécessaires. Si le commerce dont s`agit peut engendrer des revenus très importants pour les pays concernés (ou, du moins, pour certains opérateurs économiques), il s'accompagne de coûts d'administration d'autant plus élevés que le commerce est dense. Or, comme ce semble devoir être le cas pour les denrées en provenance du R-U et importées en France, les produits entrants, devant être contrôlés, peuvent ne pas être destinés aux pays de première destination, devant ensuite être distribués dans l'espace de l'UE, où ils circulent librement. En bref, un pays de l'UE de première entrée est censé exposer des coûts de contrôle pour des produits qui ne sont pas nécessairement valorisés sur son territoire.

Il semble utile aux rapporteurs spéciaux d'entamer une réflexion sur l'opportunité d'une plus forte intégration européenne des contrôles sanitaires aux frontières ayant pour vocation d'en mesurer l'harmonisation opérationnelle effective et d'en apprécier les équilibres financiers.

Par ailleurs, il y a lieu de considérer la situation actuelle d'armement des contrôles à l'importation en provenance de pays extérieurs à l'UE, situation dans laquelle se retrouverait le RU, une fois ce dernier sorti de l'UE.

À cet égard, le marché unique a déplacé les frontières sanitaires et phytosanitaires aux limites de l'Union européenne (UE) et instauré des points de contrôle obligatoires à l'entrée du territoire. Ainsi, les importations d'animaux, de végétaux et de leurs produits doivent être présentées dans des postes frontaliers disposant des installations nécessaires à l'inspection et des personnels compétents. Ils sont positionnés près des frontières, à des points de forte concentration du trafic (ports de commerce maritimes, aéroports internationaux et grands axes routiers), sachant que plus de 70 % des flux transitent - pour ce qui concerne les entrées sur le territoire européen via la France - par l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle et les ports du Havre et de Marseille-Fos.

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) est en charge du contrôle vétérinaire à l'importation des animaux vivants et des produits d'origine animale. Ce contrôle vise à vérifier les garanties sanitaires apportées par ces importations en matière de santé animale et de santé publique. Le MAA est également en charge des contrôles phytosanitaires à l'importation sur les végétaux, c'est-à-dire de contrôles afférents à la santé des végétaux. Leur objectif est de prévenir l'introduction d'organismes nuisibles pour les cultures végétales et la flore sauvage de l'UE.

Au sein du MAA, depuis le 1 er janvier 2010, les postes d'inspection frontaliers (PIF) en charge des contrôles vétérinaires des animaux vivants et des produits d'origine animale, les points d'entrée communautaires (PEC) en charge des contrôles phytosanitaires des végétaux et produits végétaux et les points d'entrée désignés (PED) en charge des contrôles sanitaires des aliments pour animaux d'origine non animale ont été regroupés au sein d'un service à compétence nationale, appelé le Service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), rattaché à la direction générale de l'alimentation (DGAL). Ce dispositif permet de rapprocher les compétences des différents postes, lorsque le regroupement géographique est possible, et d'améliorer le service public offert aux importateurs. Leur pilotage direct par le niveau national permet de mieux harmoniser les contrôles afin de s'assurer que les marchandises sont traitées de manière homogène quel que soit leur point d'entrée.

3. Un budget sous l'influence des crises sanitaires
a) Un budget sous le signe de l'aggravation des risques sanitaires

La composition structurelle du programme, évolue un peu par rapport à la loi de finances initiale de 2020. Le poids des dépenses de personnel s'accroît tandis que celui des mesures de protection des animaux, structurellement la deuxième action la mieux dotée du programme, reste inchangé dans un contexte d'augmentation des crédits.

Les « actions transversales » connaissent une légère augmentation de leur dotation mais insuffisante pour maintenir leur poids dans l'ensemble des moyens programmés.

Évolution structurelle du programme 206
(2020-2021)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances de la mission pour 2021

La surveillance des « matières premières » agricoles consacre ainsi à nouveau la prédominance de l'attention portée à la santé des animaux dans le cadre de l'action 02 (112,7 millions d'euros) par rapport à la prévention des risques portant sur les végétaux (action n° 01) (35,9 millions d'euros).

Ces deux actions enregistrent des évolutions différenciées de leurs moyens.

En ce qui concerne la surveillance des végétaux (action n° 01) , les crédits seraient inchangés. Une partie prépondérante des moyens est destinée à financer les actions des fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (les FREDON).

Les FREDON sont les organismes à vocation sanitaire (OVS) auxquels l'État délègue ses missions dans le domaine de la santé des végétaux. La législation européenne a été renforcée dans ce domaine en raison de la montée des risques pouvant affecter la santé des végétaux.

Le règlement 2016/2013/UE en particulier prévoit de nouvelles dispositions de contrôle de la circulation des végétaux qui doit de plus en plus se faire sous passeport phytosanitaire. Le resserrement des exigences suppose une charge de travail accrue pour les FREDON. L'État avait augmenté la dotation aux FREDON en 2020. Pour 2021, elle resterait inchangée à 20,96 millions d'euros. Cette inertie est en contradiction avec le projet annuel de performances dont l'exposé admet la nécessité d'une augmentation des moyens alloués aux FREDON, que la programmation budgétaire ne concrétise pas. On doit ici rappeler les enjeux de la surveillance de Xylella fastidiosa , en particulier pour la culture de l'olivier, dont le coût est estimé à 3 millions d'euros, soit plus de 14 % des moyens attribués aux FREDON. Les services de l'État partagent la compétence sur les végétaux avec les FREDON. En affichage, ils sont dotés de moins de moyens à cet effet mais la documentation budgétaire ne permet pas d'identifier les dépenses de personnel.

En tout cas, les dépenses de fonctionnement nécessaires aux contrôles exercés par les services de l'État sont prévues à 9,4 millions d'euros, dont moins de 500 000 euros pour s'assurer du respect des prescriptions du « paquet hygiène » qui comprend la recherche de résidus de produits phytopharmaceutiques, celui de la distribution et de l'utilisation des intrants (les pesticides notamment) et des organismes génétiquement modifiés dans les lots de semences importées.

Quant à la surveillance de la santé des forêts, alors même que les forêts françaises sont exposées à des périls très graves, elle recueille fort peu de moyens (pas même 1 million d'euros), l'articulation avec les missions de l'ONF devant être prise en compte même si elle n'apparaît pas pleinement évidente.

Quant aux crédits de l'action n° 02 , ils sont, de leur côté, en hausse de 7,9 millions d'euros avec des crédits de fonctionnement en nette réduction (- 4,7 millions d'euros) mais des dépenses d'intervention en fort alourdissement (+ 11,4 millions d'euros).

Les risques aggravés sur le front des maladies animales potentiellement dangereuses pour l'homme justifieraient une hausse des crédits destinés à en prévenir l'apparition et la diffusion. Or, ces derniers, correspondant pour l'essentiel à des dépenses de fonctionnement, sont en retrait (- 4,7 millions d'euros). Dans un total de crédits de 63,2 millions d'euros, la gestion des maladies animales absorbe 33,9 millions d'euros (dont 15,7 millions d'euros pour la seule surveillance des encéphalopathies spongiformes subaigües transmissibles). C'est un recul de 4 millions d'euros (plus de 10 % par rapport à 2020).

La préparation de plans d'urgence contre les épizooties et les moyens de soutien aux visites sanitaires sont dotés en quasi-stabilité. Ces actions sont indispensables pour prévenir la diffusion des foyers d'infection hautement pathogènes. Elles se traduisent par la constitution de banques d'antigènes nécessaires à la confection de vaccins mais aussi par des visites sanitaires dans les troupeaux, visites qui relèvent d'une problématique générale de capacités de surveillance vétérinaire sur l'ensemble du territoire. La décomposition des moyens consacrés à des visites sanitaires dans les différentes filières animales permet de relever la modicité des crédits par type de troupeaux (1,5 million d'euros pour la filière avicole par exemple, ce qui semble assez modique compte tenu des expériences passées). Il est vrai que les crédits ainsi prévus doivent être complétés de la considération des crédits d'intervention délégués aux groupements de défense sanitaire (7,3 millions d'euros), qui sont stabilisés par rapport à 2020.

Quant aux autres dépenses d'intervention, elles sont en assez sensible augmentation du fait de l'alourdissement quelque peu passif des charges liées aux indemnités versées aux éleveurs qui absorbent 8 millions d'euros des 11,4 millions d'euros d'accroissement de ces dotations. Les indemnités pour abattage obligatoire des animaux subissant la tuberculose bovine sont prévues en nette augmentation. Cette perspective répond au constat d'une extension des cas de contamination, le nombre de foyers détectés à mi-2020 (86) étant à peu près aussi important que celui des foyers détectés pour toute l'année 2019 (92).

Si les charges liées à la grande crise de l'influenza aviaire semblaient jusqu'à tout récemment appartenir au passé, les indemnités versées aux éleveurs sommés d'abattre les bêtes exposées à la tuberculose bovine pèsent davantage (16,7 contre 15,3 millions d'euros en 2020) tout en étant provisionnées de façon assez conservatrice. Les cofinancements européens (rattachés sous forme de fonds de concours, donc hors budgétisation formelle) sont en net repli. Ils atteignaient 7 millions d'euros en 2020 et ne sont prévus qu'à hauteur de 1,5 million d'euros en 2021.

Il est évident que la résurgence de l'influenza aviaire périme un peu plus la programmation budgétaire pour 2021. Il en va de même des sérieux problèmes rencontrés dans certains élevages en lien avec la contamination à la COVID.

Le plan Ecoantibio est doté de 2 millions d'euros, comme l'an dernier.

Une hausse des dotations de l'action n° 03 consacrée au coeur de la politique visant à assurer la sécurité sanitaire des aliments mis à la consommation (hors les crédits de personnel afférents à ce type d'interventions), avec 2 millions d'euros de crédits supplémentaires (+ 9,1 %) mérite d'être soulignée, mais aussi d'être relativisée. Elle provient d'une augmentation des dépenses d'intervention, les dépenses de fonctionnement marquant un repli assez sensible (- 9,1 %). La hausse des dépenses d'intervention provient notamment d'une augmentation prévisible des charges d'indemnisation des éleveurs (+ 0,4 million d'euros) et de crédits supplémentaires prévus au profit de l'IFREMER et de l'ANSES pour la mise en oeuvre d'opérations de recherche et d'études. En revanche, les moyens consacrés à assurer la suite des inspections en abattoirs restent presque inchangés. Les crédits destinés à assurer des analyses de laboratoire ne gagnent que 100 000 euros pour être portés du niveau très modeste de 3,4 millions d'euros à 3,5 millions d'euros.

De la même manière la lutte contre les zoonoses dans la chaîne alimentaire reçoit des moyens décevants au regard de l'ampleur des enjeux.

Un peu moins de 500 000 euros supplémentaires sont prévus au titre de l'action n° 04 « Actions transversales ». Un peu moins de la moitié du supplément de crédits va à l'ANSES dont la subvention pour charges de service public est portée de 64, 4 millions d'euros à 64, 6 millions d'euros (voir infra ). Les moyens de mise en oeuvre des inspections vétérinaires et phytosanitaires aux frontières sont rehaussés de 600 000 euros (+ 18 %). Cette provision laisse quelque peu perplexe au vu des besoins en personnels identifiés dans le cadre du Brexit, dont on attend une forte hausse des flux.

Il s'agit d'un élément majeur du système de sécurité sanitaire qui n'est clairement pas armé.

b) Des missions qui excèdent les capacités

Le projet annuel de performances pour 2021 ne mentionne aucun report de charge de l'année 2020.

Or, l'exécution du budget semble avoir été marquée par un décalage entre les capacités opérationnelles affectées par la situation sanitaire et des besoins en accentuation.

(1) L'impact de la situation sanitaire sur l'exécution des crédits apparemment modéré reste incertain

À la suite de la mise en place des mesures de confinement, la mise en oeuvre du plan de continuité s'est traduite par une priorité donnée aux missions essentielles identifiées par le responsable de programme : inspection sanitaire en abattoir, inspection à l'importation, certification à l'export et aux échanges au sein de l'Union européenne et surveillance des zones de production conchylicole, pour permettre de maintenir l'approvisionnement alimentaire et la continuité économique des entreprises agro-alimentaires.

Sur un plan budgétaire, à l'occasion du compte-rendu de gestion n° 1 du programme 206, présenté auprès du service du contrôleur budgétaire et comptable du ministère le 20 mai 2020, une comparaison à date de la consommation en crédits budgétaires du programme entre fin avril 2020 et la même période en 2019 avait été conduite pour tenter d'évaluer les impacts budgétaires liés à la pandémie de Covid-19.

Elle laissait apparaître une légère baisse de -5 % de la consommation en AE par rapport à l'année 2019.

Un nouveau point sur l'état de la consommation du programme 206 a été fait fin août, permettant de confirmer de légères baisses de la consommation en AE (- 1,9 %) et en CP (- 1,2 %).

Le déroulement des missions a été ainsi impacté défavorablement par la situation sanitaire selon une ampleur qu'on peut juger modérée ou, au contraire, très significative si l'on se réfère aux besoins d'accentuation de la vigilance sanitaire suscités par la situation.

L'on sait par exemple que des foyers d'infection ont pu être constatés dans des installations d'abattage mais aussi que la surveillance des cheptels et troupeaux au regard des contaminations a engendré des besoins nouveaux.

Les données de suivi de l'exécution budgétaire ne permettent pas de garantir que les surveillances ont été au niveau de la situation.

En effet, le contexte Covid-19 a des effets sur plusieurs activités du programme 206, aussi bien au niveau de l'administration centrale à travers notamment les projets, études et marchés publics portés par les services techniques centraux de la DGAL, que des services déconcentrés (directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, services régionaux de l'alimentation, directions départementales en charge de la protection des populations, directions et services en outre-mer).

Au niveau déconcentré, les points suivant sont à noter :

- action 1 (santé des végétaux) : baisse du nombre d'inspections et d'analyses ;

- action 2 (santé des animaux) : baisse du nombre d'inspections, de visites sanitaires et de plans de surveillance et de plans de contrôle (PS/PC) ; annulation de séminaires et de formations, notamment pour les vétérinaires sanitaires ;

- action 3 (sécurité sanitaire des aliments) : baisse du nombre de PS/PC en matière de surveillance de la contamination des denrées alimentaires ; a contrario , on note des dépenses supplémentaires pour l'acquisition de matériels EPI (équipements de protection individuelle) et l'ajustement de la programmation budgétaire au coût réel de ces équipements dont les prix ont significativement augmenté depuis le début de la crise sanitaire ;

- action 6 (actions sanitaires et sociales des services de la DGAL) : une augmentation de la dépense est à noter sur cette activité, en raison d'une hausse des coûts de la restauration et d'un nombre plus important de visites médicales pour les agents relevant du programme 206, dans le contexte Covid-19.

Les déficits d'actions opérationnelles apparaissaient « rattrapables » au début septembre.

Le retour à un confinement est de nature à éloigner cette perspective.

(2) Des risques sanitaires en hausse

Selon le ministère, à ce stade de l'année 2020, la situation sanitaire en France est globalement maîtrisée.

Toutefois, des points d'attention sont mentionnés dans l'encadré ci-dessous.

Les points de vigilance sanitaire particulièrement suivis

Maladies animales

Concernant la peste porcine africaine (PPA), les mesures prises en France et en particulier dans la région Grand-Est permettent au pays de conserver un statut « officiellement indemne » (alors qu'une suspicion de PPA a été confirmée début septembre en Allemagne de l'est).

Concernant l' Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) , alors qu'elle est actuellement présente en Allemagne et plus largement en Europe centrale et de l'Est, le risque d'introduction en France demeure et il convient de maintenir une surveillance renforcée sur le territoire, notamment en lien avec les mouvements des oiseaux sauvages (migrations, décantonnements).

Concernant la tuberculose bovine , cette maladie occasionne cette année aussi des dépenses importantes, le plan national de lutte et de prophylaxie devant être poursuivi afin de maintenir là-aussi un statut « officiellement indemne ». 35 ( * )

Concernant les infections aux salmonelles , le premier semestre 2020 démontre une forte progression de la dépense , en raison notamment d'un nombre plus important de foyers dans les élevages de volailles par rapport à 2019.

Organismes nuisibles aux végétaux

Sur le plan de la santé des végétaux, les menaces demeurent nombreuses.

La bactérie Xylella fastidiosa , dont la lutte est obligatoire sur le territoire européen, nécessite toujours une attention particulière. Le plan d'action national 2019-2020 prévoit un renforcement de la surveillance du territoire. En Provence-Alpes-Côte-d'Azur, la bactérie est essentiellement présente en milieu urbain, tandis qu'en Corse, les infections sont détectées aussi bien dans le milieu urbain que dans le milieu naturel et semi-naturel. Début septembre, une souche multiplex a été détectée chez un professionnel dans le département de l'Aude (Occitanie).

Concernant le capricorne asiatique, plusieurs foyers demeurent actifs sur le territoire national, notamment à Divonne-les-Bains (Ain), où un cas de contamination d'arbres a été détecté en février dernier. Mais l'essentiel de la dépense concerne un autre foyer, celui de Gien (Loiret), premier foyer historique en France, faisant l'objet de mesures de surveillance renforcée et d'interventions des brigades cynophiles.

Concernant le Tomato brown rugose fruit virus (ToBRFV), ou virus du fruit rugueux de tomate brune, un foyer a été confirmé le 17 février 2020 dans une exploitation du Finistère. Il s'agit du premier foyer déclaré en France. L'indemnisation de l'exploitant concerné, ainsi que l'indemnisation de trois autres exploitations pour mise en quarantaine de serres suspectées, a représenté cette année une enveloppe de 0,94 million d'euros. De même, un plan de surveillance officiel renforcé est conduit depuis le début de l'année, avec un objectif de plus de 350 inspections visuelles à réaliser en cultures sur poivrons, tomates et aubergines et plus de 500 prélèvements systématiques, même en l'absence de symptômes. Le plan de surveillance annuel déployé sur les végétaux et produits végétaux importés depuis les pays tiers intégrera également la recherche de ce virus. Des fiches d'information ont été largement diffusées aux opérateurs professionnels pour les sensibiliser au risque de contamination lors du travail des végétaux.

Enfin, des risques d'introduction sur le territoire national d'organismes nuisibles aux végétaux subsistent, comme par exemple le nématode du pin, un ver microscopique qui se développe aux dépens d'arbres hôtes, essentiellement des pins. En cas d'introduction de cet organisme, une première estimation de l'impact financier de la détection d'un arbre contaminé est, sur la base d'un foyer de 20 km de rayon (comme l'impose la réglementation européenne), de 23 à 33 millions d'euros pour la première année de gestion du foyer.

Les rapporteurs spéciaux ne doutent pas que parmi ces points d'attention figure tout particulièrement la détection rapide de zoonoses nouvelles.

Toutefois, ils ne peuvent qu'observer que celle-ci ne trouve pas de traduction évidente dans les informations budgétaires transmises à le représentation nationale.

Ce constat est évidemment inquiétant, d'autant qu'il se redouble de celui d'une difficulté à articuler à tous les niveaux une politique résolue de ce point de vue.

Interrogé sur ce point, le ministère de l'agriculture a adressé la réponse restituée dans l'encadré ci-dessous.

Les relations entre santé humaine, santé animale, environnement et biodiversité interrogent depuis de nombreuses années et le développement des maladies infectieuses émergentes constaté depuis plusieurs décennies, semble voué à se poursuivre. L'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) estime que 75 % des maladies émergentes proviennent des espèces animales. D'après l'OMS, la FAO et l'OIE, 5 maladies humaines nouvelles apparaissent chaque année, dont 3 sont d'origine animale, impliquant pour une large partie la faune sauvage. Cette extension des maladies infectieuses est accrue par différents facteurs comme l'augmentation des flux humains, animaux et de marchandises, ou le changement climatique. La proximité entre les espèces sauvages, les espèces domestiques et les humains fait peser au final un risque sur la santé des populations.

Les crises à répétition (Influenza aviaire hautement pathogène zoonotique en Asie, la brucellose chez les bouquetins du Massif du Bargy (74) à l'origine de 2 cas humains et de la contamination d'un troupeau de bovins en 2012, la COVID-19 en 2020...) mettent en exergue la nécessité de renforcer la connaissance, la surveillance et la gouvernance relative aux zoonoses impliquant la faune sauvage et l'enjeu du contrôle de ces zoonoses, dans un contexte globalisé, aux échelons national, européen et international.

Au niveau national, la création récente de l'Office français de la biodiversité (OFB) qui intègre les services de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) constitue une opportunité pour le ministère en charge de l'agriculture, compétent pour la santé des animaux (Direction générale de l'alimentation) de continuer cette politique de gestion de risques sanitaires dans la faune sauvage d'une part et pour développer de nouveaux partenariats, notamment dans la gestion des populations animales d'autre part.

Dans ce contexte, des actions s'imposent à tous les niveaux :

1/ À l'échelon national, le premier objectif est d'améliorer la connaissance nationale de la santé de la faune sauvage en France : la plate-forme d'épidémio-surveillance en santé animale (PTF-ESA), constituée notamment de la DGAL, de l'INRAE, de l'OFB, du CIRAD et de l'ANSES, élaborera une méthodologie de surveillance de la santé de la faune sauvage. Par ailleurs, pour une approche globale, cette plateforme travaille en collaboration avec la plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire (PTF-SCA), créée en 2018 afin de renforcer la cohérence des actions de surveillance tout au long de la chaîne alimentaire des maladies d'origine alimentaire, notamment les zoonoses alimentaires et avec la plate-forme d'épidémio-surveillance en santé végétale (PTF-ESV) également créée en 2018.

En second lieu, le dialogue entre les différents acteurs et la gouvernance des actions mises en oeuvre seront portés par un comité déjà existant, afin de ne pas créer de nouvelle comitologie. Le Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV) qui regroupe tous les acteurs et qui fonctionne en commissions spécialisées se verra confier cette compétence, alimenté par ceux de la PTF-ESA, d'autres réseaux pourront être associés (parcs nationaux, ONG). De plus, un groupe de concertation chargé de réfléchir aux questions d'interfaces entre les activités d'élevage et la faune sauvage sera créé au sein du CNA (Conseil National de l'Alimentation).

2/ À l'échelon de l'Union européenne , des textes encadrent certaines dimensions du problème

La Loi de Santé animale (règlement européen) qui revoit le cadre juridique de prévention, y compris pour les importations à partir de pays tiers, de surveillance et de lutte contre les maladies animales, et dont certains textes sont encore en cours de discussion, et la réglementation sur les médicaments vétérinaires, qui prévoit d'imposer les mêmes conditions de restriction de l'usage des antibiotiques pour les produits importés, mais dont le texte d'application n'a pas encore été pris, doivent être mentionnés.

Le MAA sera particulièrement attentif à la mise en oeuvre de la stratégie « de la ferme à la table » ( Farm to fork ) à la suite de la communication de la Commission européenne le 20 mai dernier dans le cadre du « Pacte vert », d'autant plus que de nombreuses propositions françaises, dont plusieurs priorités du Président de la République, en font partie.

Les objectifs chiffrés, qu'elle fixe, seront nécessairement perçus comme des contraintes supplémentaires pour les secteurs. Ils constituent néanmoins une opportunité et un levier fort pour réduire les distorsions de concurrence au sein de l'Union et doivent permettre d'améliorer la compétitivité relative de la France (qui a déjà fait des efforts conséquents en la matière, notamment sur la réduction de l'utilisation des antibiotiques) par rapport aux autres États membres.

Cependant, les propositions relatives à la politique commerciale sont clairement insuffisantes. Pour que l'agriculture européenne atteigne les objectifs fixés, il est indispensable que des conditions de concurrence équitable avec les pays tiers soient recherchées. La politique commerciale de l'Union doit être profondément et rapidement refondée afin d'être mise en cohérence avec les stratégies et pour en faire un vrai levier de promotion du développement durable dans les pays tiers.

3/ A l'échelon international

L'Alliance « One Health » OIE-OMS-FAO a été formalisée il y a 10 ans, à travers une déclaration cosignée en avril 2010 à Hanoi. Depuis, d'importantes actions ont été coordonnées et/ou conduites pour prévenir et lutter contre la rage, contre l'influenza aviaire ou encore contre l'antibiorésistance.

Le nouveau contexte créé par la crise de la COVID-19 doit conduire à dresser un bilan et donner une nouvelle dynamique internationale, en renforçant les liens entre les organisations internationales en charge des questions de santé et en élargissant leur champ de coopération aux enjeux de santé environnementale et de biodiversité.

Le concept « One-Health » doit gagner en importance et en pertinence en se déclinant concrètement. De nombreux projets de recherche européens ou internationaux sont en cours.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Si la France ne part pas de rien, la surveillance des zoonoses étant bien intégrée dans l'habitus des autorités sanitaires et des scientifiques qui côtoient le problème au quotidien, un fort besoin de structuration demeure. Il est manifestement identifié dans la réponse fournie aux rapporteurs spéciaux. Reste à le concrétiser et à lui fournir les moyens d'un exercice opérationnel effectif. Le projet de budget pour 2021 n'y pourvoit pas.

Quant aux échelons européen et international, de sérieuses difficultés sont signalées.

Les rapporteurs spéciaux s'interrogent particulièrement sur les systèmes de reconnaissance d'équivalence promus par la démarche européenne. S'ils constituent un progrès par rapport un existant marqué par des dérogations nationales accordées par les États européens, ils ne sauraient être satisfaisants qu'à la condition que les conditions d'inspection des organismes des pays tiers soient réunies et que ces inspections débouchent sur des suites.

Cela demande un plus fort investissement, exigence à laquelle il faut ajouter celle d'une plus grande transparence des informations réunies.

(3) La question des effectifs

Le suivi des effectifs chargés d'assurer les missions de sécurité sanitaire des aliments est rendu difficile par l'absence de rattachements des personnels aux différentes compétences opérationnelles mises en oeuvre par la direction générale de l'alimentation dans la documentation budgétaire ordinaire. Il faut ajouter que le programme 215 prend à sa charge les personnels d'administration centrale de la direction générale de l'alimentation quand d'autres programmes budgétaires sont le support de l'autorisation d'emplois consacrés à la sécurité sanitaire des aliments (ceux de la direction générale de la santé essentiellement destinés à la surveillance de la qualité de l'eau, ceux du ministère de l'économie avec les emplois de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes mais aussi de la direction générale des douanes et des droits indirects).

Cette superposition d'organismes appelle des réaménagements afin d'assurer une meilleure intégration des actions destinées à garantir la maîtrise du risque sanitaire, qui, en l'état, est handicapée par une série de frictions. On peut également en espérer une meilleure transparence des forces réellement déployées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation dans ce domaine.

Ce dernier tend à confondre l'ensemble des effectifs à sa disposition dans un même agrégat englobant l'ensemble des missions accomplies, qui diffèrent pourtant entre elles.

Si chacune est importante, il n'y a pas lieu de céder à ce qui peut être vu comme un amalgame. Il est différent d'assurer la surveillance de la situation sanitaire de telle ou telle espèce, végétale, forestière, animale et de vérifier les conditions dans lesquelles les opérateurs de la chaîne alimentaire appliquent leurs obligations sanitaires. Même si le concept de sécurité sanitaire « de la fourche à la fourchette » n'est pas récusable en soi, il faudrait cependant pouvoir disposer d'un panorama du déploiement des forces, ce qui est inaccessible à partir de la documentation budgétaire usuelle.

En ce qui concerne les éléments fournis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, la direction générale de l'alimentation informe des évolutions suivantes.

Évolution des ETPT du programme 206 entre 2015 et 2019

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Elle ajoute des informations concernant le programme 215.

Évolution des ETPT du programme 215 entre 2016 et 2020

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En ce qui concerne le programme 206, les ETPT ouverts auraient ainsi progressé de 228 unités, dont 209 au titre des agents de catégorie B et C à vocation technique. On relève que 40 ETPT sont attribuables à la prévision du Brexit, soit un renforcement effectif de 188 unités. Les données fournies suggèrent une augmentation des moyens.

En ce qui concerne le programme 215, la direction générale de l'alimentation aurait perdu 5 ETPT, cette baisse devant se prolonger en 2020 (- 4,5 ETPT de moins par rapport à 2019).

Ces données englobent l'ensemble des agents.

Une recherche des personnels directement chargés de la surveillance des aliments avant mise sur le marché donne des résultats différents selon la réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

Évolution des emplois du programme 206 par spécialisation opérationnelle
(2016-2020)

Données exprimées en ETPt

2016

2017

2018

2019

2020*

Missions transversales (y compris fonctions support)

985

887

892

888

906

Sécurité sanitaire de l'alimentation

1919

1999

2015

2014

1855

Santé et protection animales

524

618

621

631

601

Santé, qualité et protection des végétaux

231

211

217

220

202

Import

83

94

96

98

128

Export (* dont Export PV)

204

240*

243

236

227

Environnement

271

264

263

260

240

Expertise (* Référent nationaux et personne ressources)

112

52*

55

59

56

Autres missions dont moyens d'ajustement

224

253

254

249

261

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La comparaison des données ne peut être réalisée de façon strictement nominale, des évolutions de périmètre les rendant incomparables.

Elle suggère toutefois que, strictement, la sécurité sanitaire des aliments avant mise sur le marché ne mobilise qu'une proportion minoritaire des effectifs totaux de la DGAL et que ces effectifs n'ont pas connu d'évolutions significatives ces dernières années.

On rappelle que les effectifs mobilisés par la direction générale de l'alimentation pour accomplir ses missions avaient été considérablement diminués avec les réformes successivement mises en oeuvre pour réduire l'empreinte du secteur public.

Malgré les ETPT créés ces dernières années pour combler le déficit de personnels dédiés à la surveillance sanitaire des abattoirs de volailles (180 au total), le nombre des agents oeuvrant pour la sécurité sanitaire de l'alimentation reposait sur 2 014 ETPT en 2019, soit moins qu'en 2015 (ils étaient alors au nombre de 2 025).

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent manquer de relever que la Cour des comptes dans son rapport public pour 2020 partage un sentiment d'insatisfaction devant les difficultés à identifier certaines affectations opérationnelles. En ce qui concerne les abattoirs, la Cour des comptes a ainsi relevé la difficulté d'identification de la masse salariale dépensée pour assurer la sécurité sanitaire de certains abattoirs, cette difficulté concernant également les autocontrôles.

La politique de sécurité sanitaire n'a pas vocation à être jugée sur le nombre des emplois qu'elle mobilise, d'autant que des gains d'efficience sont atteignables dans le cadre d'une bonne mesure des risques, de réorganisation administratives et fonctionnelles et de diffusion de l'innovation technique.

Il reste que des personnels sont nécessaires pour couvrir les contrôles indispensables à la maîtrise du risque sanitaire.

Ce point n'est discuté par personne ainsi que le constat qu'un renforcement des moyens humains des contrôles sanitaires s'impose devant des déficits unanimement reconnus.

Au demeurant, l'éventualité du Brexit avait justifié au Sénat la présentation d'un amendement visant à élever les effectifs du contrôle sanitaire aux frontières et le Gouvernement de son côté a proposé une très forte augmentation des personnels destinés à cette mission.

Le projet de loi de finances n'offre à cet égard aucune perspective de progrès, les emplois supplémentaires étant supposés fléchés vers les contrôles à l'importation dans le contexte du Brexit (voir supra ).

Les rapporteurs spéciaux relèvent que, parmi les mesures pouvant permettre de démultiplier l'efficacité des contrôles et ainsi de réduire les besoins en emplois, figure notamment le statut des autocontrôles des entreprises.

S'agissant des autocontrôles réalisés par les entreprises, il n'est actuellement pas demandé aux laboratoires de transmettre toute analyse portant sur l'intégrité sanitaire des aliments.

Toutefois, à la suite de l'affaire dite « Lactalis », la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, une disposition a été introduite qui concerne les laboratoires réalisant des analyses d'autocontrôle.

Il s'agit de l'article 50, lequel dispose que « les laboratoires sont tenus de communiquer immédiatement tout résultat d'analyse sur demande motivée de l'autorité administrative et d'en informer le propriétaire ou le détenteur des denrées concerné ».

On imagine sans peine les difficultés que peut poser la mise en oeuvre d'un tel dispositif, qui mériterait d'être revu.

(4) La question du financement des contrôles sanitaires

Le rapport du comité action publique 2022 avait relevé l'insuffisance des financements des coûts de maîtrise des risques sanitaires par les premiers bénéficiaires de ces actions et préconisé l'instauration d'un système de financement permettant d'y remédier.

Une taxe destinée à couvrir l'ensemble des risques de cette nature avait été annoncée. Le Gouvernement n'en a à ce jour pas pris l'initiative.

Les rapporteurs spéciaux entendent donner quelques éléments permettant d'apprécier la situation.

Dans les domaines de la sécurité et de la qualité sanitaires de l'alimentation, plusieurs activités donnent lieu à l'acquittement de taxes, parfois appelées « redevances », conformément aux exigences de la réglementation européenne (règlement (CE) N°882/2004 et règlement (UE) n°2017/625 qui entre en application le 14 décembre 2019).

L'article 78 du règlement (UE) n°2017/625 impose en effet aux États membres de l'Union européenne (UE) une obligation de moyens pour réaliser les contrôles officiels ou autres activités officielles : « Les États membres veillent à ce que des ressources financières suffisantes soient disponibles pour permettre aux autorités compétentes de disposer du personnel et des autres ressources nécessaires à la réalisation des contrôles officiels et des autres activités officielles ». Pour répondre à cette obligation de moyens, les États membres sont incités à mettre en place des taxes ou redevances pour couvrir les frais générés par la réalisation des contrôles officiels et autres activités officielles.

Ces dispositions restent très générales et ne sont pas d'application obligatoire.

Néanmoins, le règlement (UE) n°2017/625 impose le prélèvement de taxe et redevances pour certaines activités listées ci-dessous.

Secteur des viandes de boucherie :

- l'abattage des animaux à l'abattoir et le traitement du gibier sauvage dans un atelier agréé,

- les opérations de découpe de viande avec os.

Ces deux activités nécessitent des contrôles officiels renforcés et une présence permanente des inspecteurs officiels en abattoir.

Secteur de la pêche :

- la première mise sur le marché des produits de la pêche ou de l'aquaculture,

- la préparation ou la transformation des produits de la pêche ou de l'aquaculture (dans un établissement terrestre ou dans un navire-usine).

Secteur de la transformation :

- les centres de collecte et les établissements de transformation recevant du lait cru, et les établissements de fabrication ou de traitement d'ovoproduits pour le contrôle de certaines substances et de leurs résidus,

- les entreprises agréées qui préparent, manipulent, entreposent ou cèdent des substances et des produits destinés à l'alimentation des animaux.

Secteur des importations :

- l'importation sur le territoire de l'UE de produits animaux ou d'origine animale, d'animaux vivants et d'aliments pour animaux,

- l'importation sur le territoire de l'UE de végétaux, produits végétaux et autres produits susceptibles d'être vecteurs d'organismes nuisibles aux végétaux.

La France se conforme à ces obligations européennes en ayant mis en place l'ensemble de ces redevances et en imposant les taux minima prévus à l'annexe IV du règlement (UE) n°2017/625. Les sommes collectées sont versées au budget général de l'État pour couvrir les dépenses de l'État pour la réalisation des contrôles officiels.

D'autres taxes, qui ne répondent pas aussi clairement à une obligation européenne, ont été créées en France :

- taxe phytosanitaire pour la mise en circulation au sein de l'UE ou à l'exportation des végétaux,

- taxe pour la certification des mouvements d'animaux,

- taxe pour l'utilisation de la plate-forme Expadon 2.

Ces deux dernières taxes sont prélevées par FranceAgriMer et permettent de financer les dispositifs Certivéto (certification des animaux vivants pour les mouvements, par les vétérinaires) et Expadon 2 (maintenance de l'application).

Le projet de loi de finances pour 2021 transmis par l'Assemblée nationale comporte une disposition qui annule ce dernier dispositif (en allant au-delà puisque l'obligation de recourir à la téléprocédure est également annulée, extension très nette par rapport au champ des lois de finances).

En outre, l'ANSES perçoit, lors du dépôt de dossiers de demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments vétérinaires ou de produits phytosanitaires, des taxes dont le produit est affecté pour permettre l'évaluation de ces dossiers et la gestion des AMM. Elle perçoit enfin deux autres taxes fondées sur les chiffres d'affaires générés par les AMM des médicaments vétérinaires et des produits phytosanitaires commercialisés sur le territoire français pour financer respectivement les dispositifs de contrôle des établissements pharmaceutiques vétérinaires et de phytopharmacovigilance.

Sur ces bases, les produits des taxes correspondantes apparaissent très inférieurs aux coûts engagés.

En ce qui concerne les contrôles à l'importation, ils donnent lieu à la perception d'environ 4,2 millions d'euros de produits . Le montant de la redevance pour contrôle vétérinaire , pour l'année 2017 a été de 3,1 millions d'euros et de 3,0 millions d'euros pour l'année 2018. Pour l'année 2019, le montant collecté est de 3,07 millions d'euros . Pour les contrôles phytosanitaires (qui visent à s'assurer que les végétaux et produits végétaux ne sont pas vecteurs d'organismes nuisibles aux végétaux et qui ne concernent donc pas directement la sécurité sanitaire des aliments), il était de 0,9 million d'euros en 2017 ; de 1,0 million d'euros en 2018 et de 1,14 million d'euros en 2019.

Or, les frais de fonctionnement du service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), intégrant la masse salariale, pouvaient être estimés à 7,05 millions d'euros pour 2018. Le montant des redevances collectées représente ainsi 57% des frais de fonctionnement du SIVEP.

La perspective du Brexit avec les emplois à mettre en place va accentuer la question de la décorrélation entre les produits prélevés auprès des opérateurs et les coûts des contrôles qui sont une obligation européenne.

Quant aux redevances sanitaires hors importations, leur niveau avait atteint 52,5 millions d'euros en 2018 et était en baisse en 2019 (51,4 millions d'euros). Après avoir nettement augmenté en 2015, il peut cependant être considéré comme désormais à peu près stable.

Évolution du montant des redevances sanitaires (2013-2019)

Intitulé des taxes/redevances

Référence du Code général des impôts

Montants perçus (en €)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Redevances sanitaires et découpage

Art. 302 bis N à 302 bis W

48 235 372

49 678 165

49 899 809

51 350 281

51 875 008

50 613 982

51 398 114

50 413 883

Redevance sanitaire de première mise sur le marché des produits de la pêche et de l'aquaculture

Art. 302 bis WA

281 326

118 518

117 184

36 891

27 480

32 352

23 275

26 067

Redevance sanitaire de transformation

Art. 302 bis WB

115 879

120 706

98 331

87 558

94 770

87 411

84 511

105 183

Redevance sanitaire pour le contrôle de certaines substances et de leurs résidus

Art. 302 bis WC

780 610

657 413

617 713

791 147

738 365

925 669

961 498

901 752

Redevance pour l'agrément des établissements du secteur de l'alimentation animale

Art. 302 bis WD

?

10 079

21 677

15 468

46 284

6 938

5 496

4 216

TOTAL

49 413 187

50 584 881

50 754 714

52 281 345

52 781 907

51 666 352

52 472 894

51 451 101

Source : Ministère de l'Économie et des Finances, DGFiP (R90)

Le montant des dépenses complètes relatives à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires (hors production primaire et hors importation) de 240,6 millions d'euros pour l'année 2019. Ainsi, les participations des professionnels en dehors du secteur de la production primaire, à travers les taxes et redevances sanitaires, permettent de couvrir un peu moins de 20,4 % des dépenses occasionnées par les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) pour la sécurité sanitaire des aliments (hors production primaire et hors importation). La contribution des professionnels est cependant beaucoup plus importante pour l'abattage et la découpe des viandes qui contribuent, via les redevances sanitaires d'abattage et de découpe, pour 50,4 millions d'euros aux dépenses engagées par les services de contrôle des activités d'abattage et de découpe.

Il convient de noter que les dépenses complètes mentionnées ci-dessus intègrent l'ensemble des dépenses de personnel et des frais de fonctionnement des services du MAA en charge de la sécurité sanitaire des aliments, mais ne comprennent par les subventions accordées aux établissements publics pour l'évaluation des risques sanitaires, notamment à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Ainsi, en incluant la part de dépenses de l'Anses pour la sécurité sanitaire des aliments relevant du MAA, la participation des professionnels demeure très en deçà de 20%.

4. Des résultats en-deçà des objectifs, l'apport ambigu d'un nouvel indicateur relatif au glyphosate

La maquette de performances du programme change à nouveau en 2021 après les évolutions mises en oeuvre l'an dernier.

Elle continue de nourrir une certaine perplexité.

Dans ce contexte si certains résultats apparaissent en progrès, la significativité des évolutions est sujette à caution.

Retour sur la réforme de la maquette de performance réalisée en 2019 : une maquette de performance qui suscite certaines interrogations

La maquette de performance du programme 206, avait été profondément revue en 2019. Si les objectifs ont peu évolué, les indicateurs avaient été largement remaniés au point d'être presque tous nouveaux.

Certaines évolutions ont suscité la perplexité. Ainsi en est-il allée de la concentration de l'indicateur de suivi du plan Ecoantibio sur la seule colistine. Il s'agit d' un antibiotique de première intention en médecine vétérinaire qui est très largement utilisé pour le traitement des infections gastro-intestinales et qui fait l'objet d'une recommandation de l'Anses, transcrite dans le plan Ecoantibio 2 sous la forme d'un objectif de réduction de son usage de 50 % d'ici fin 2021 pour les filières bovine, porcine et avicole qui concentrent 95 % du poids vif animal traité à la colistine. Les précédents rapporteurs spéciaux avaient suggéré que d'autres traitements antibiotiques d'importance critique méritaient aussi attention, que, d'ailleurs, une attention que leur reconnaissait l'ancien indicateur. Il faut constater que le dispositif de suivi pour 2021 demeure exclusivement centré sur la colistine.

L'inclusion au dispositif de suivi de la performance d'indicateurs relatifs à l'ANSES témoignait d'un progrès de méthode. Cependant, l'un de ces indicateurs concernait l'activité d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, des matières fertilisantes et supports de culture et des médicaments vétérinaires, composante des missions de l'agence dont les précédents rapporteurs spéciaux ont pu considérer qu'elle posait quelques problèmes au regard de sa mission générale, dans la mesure où elle dépasse la délivrance d'avis et implique des responsabilités pouvant mettre l'organisme en porte -à -faux en cas d'évolution des perceptions des risques associés à ces produits. En outre, le contenu de l'indicateur se révélait assez peu informatif quant aux performances de l'établissement. Dans ces conditions, l'apport de l'indicateur pouvait être considéré comme ambivalent.

Il convenait de se féliciter plus pleinement de l'extension du suivi des non-conformités révélées par les contrôles sanitaires à l'ensemble du périmètre du programme 206. Les suites données aux constats de non-conformité sont une condition de l'efficacité de l'activité de contrôle. L'indicateur précédent était limité aux établissements agréés du domaine de la sécurité sanitaire des aliments, ce qui pouvait constituer un biais. Il reste que le numérateur de l'indicateur agrège des suites qui peuvent avoir extériorisé une rigueur plus ou moins grande. Dans ces conditions, l'indicateur inclut « un biais à la performance ».

Par ailleurs, compte tenu des crises constatées dans le secteur, la création d'un sous-indicateur spécifiquement consacré aux inspections de mesures de biosécurité dans les élevages avicoles et de palmipèdes était tout à fait justifiée. Les précédents rapporteurs spéciaux notaient toutefois que cet indicateur aurait gagné être décliné à d'autres domaines de l'activité d'élevage. Or, non seulement il n'en est rien mais encore le dispositif de performances pour 2021 est caractérisé par la disparition de l'indicateur introduit en 2019. La « justification » apportée à cette décision est discutable. Il est indiqué que « la politique de ciblage des inspections enjoint (sic) les services de la DGAL à prioriser leur action sur les élevages susceptibles d'être en non-conformité...Cette analyse de risque ne permet pas à l'indicateur de viser une cible à la baisse ». L'on comprend que l'objectif des professionnels du secteur (producteurs et services de maîtrise de la situation sanitaire) soit de réduire la prégnance des non conformités et non d'en relever davantage. Mais, rien n'aurait empêché de corriger l'indicateur pour lui conférer le même sens, sectoriellement, que celui de l'indicateur consistant à mesurer l'effectivité des contrôles réalisés.

Les précédents rapporteurs spéciaux, qui avaient pu exprimer leur perplexité quant aux objectifs visés par l'indicateur suivant le coût par inspection , avaient souligné l'arrêt de la publication de cette donnée. Il avait été motivé par le fait que les crises sanitaires, et les coûts associés, étaient susceptibles de rendre cet indicateur peu significatif. Il est évident que résumer la problématique des moyens de la politique de sécurité sanitaire des aliments à l'approche que supposait l'indicateur dont s'agit pouvait participer d'une démarche simpliste. Néanmoins, la donnée, quoique devant être entourée de nombre de précautions, avait le mérite de constituer un repère, même approximatif, portant sur les coûts d'une certaine forme d'intervention des services de contrôle. À ce titre, il est regrettable que sa disparition ne soit accompagnée d'aucun nouvel indicateur à dimension financière . Cette évolution est d'autant plus fâcheuse que la problématique du coût des actions publiques mises en oeuvre pour garantir la sécurité sanitaire du champ à l'assiette est au coeur des réflexions conduites pour renouveler l'approche de financement de cette nécessaire action publique.

Les évolutions apportées à la maquette de performance du programme en 2020 avaient été au nombre de trois :

- l'introduction d'un indicateur de suivi de l'objectif de sortie du glyphosate ;

- un élargissement de l'indicateur du plan Ecophyto ;

- enfin, une modification de l'indicateur relatif aux projets alimentaires territoriaux.

Ces trois indicateurs demeurent documentés dans le projet annuel de performances pour 2021.

En ce qui concerne le glyphosate, l'indicateur est censé illustrer les résultats de l'objectif « Favoriser le changement des pratiques afin de préserver la santé publique et l'environnement ».

Les rapporteurs spéciaux n'entendent pas se positionner dans un débat scientifique dont ils ne maîtrisent pas les termes et qui n'est pas clos. Ils appellent de leurs voeux qu'il soit enfin organisé sur une base ouverte. Pour l'heure, force est d'analyser la situation sous le seul angle d'un principe de précaution qui ne saurait satisfaire sur le long terme.

Ils relèvent que l'Anses a été saisie du sujet.

Les rapporteurs spéciaux ont, à nouveau interrogé, le ministère sur les positions arrêtées par l'ANSES relativement aux produits contenant du glyphosate dont elle autorise la mise sur le marché.

La réponse transmise figure ci-dessous.

Réponse du ministère de l'agriculture et de l'alimentation relative à l'implication de l'ANSES dans le plan de sortie du glyphosate

Le 28 mars 2018, les ministres en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture ont saisi l'Anses, à la suite des controverses sur le classement cancérogène du glyphosate. Le CIRC, agence internationale de recherche sur le cancer de l'OMS, a en effet inscrit en 2015 le glyphosate sur la liste des substances cancérigènes probables alors que l'EFSA (Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments) et l'ECHA (Agence européenne des produits chimiques) ont conclu respectivement en 2015 et en 2017 que le glyphosate était peu susceptible de présenter un risque cancérogène.

L'Anses a été chargée d'élaborer un cahier des charges pour la réalisation d'une ou plusieurs études de toxicologie afin d'améliorer les connaissances sur le potentiel caractère cancérogène de la substance.

Pour définir ce cahier des charges, l'Anses a réuni un groupe d'experts, constitué de toxicologues spécialistes en génotoxicité et cancérogénèse, qui s'est appuyé sur les évaluations et l'ensemble des données de la littérature disponibles.

Dans un avis publié le 22 juillet 2019, l'Anses a établi un cahier des charges pour la réalisation d'études complémentaires sur le potentiel cancérogène du glyphosate. Ces études ont pour objectif d'étudier les éventuels mécanismes d'action cancérogène du glyphosate et d'évaluer leur pertinence pour l'Homme . L'enjeu était de disposer de données complémentaires sur la toxicité du glyphosate tout en respectant trois impératifs : la rapidité (les données nouvelles ont vocation à être versées au dossier de réexamen du glyphosate au niveau européen), la capacité à produire des résultats pouvant être confrontés aux données produites par les industriels selon un cahier des charges réglementaire précis, et la mobilisation des laboratoires publics académiques.

Un appel à candidature a été mis en ligne sur le site de l'Anses le 2 août 2019.

L'examen des candidatures reçues a porté à la fois sur la pertinence des propositions en réponse au cahier des charges et sur l'originalité des solutions proposées. Le guide d'analyse des liens d'intérêt a été utilisé afin de vérifier l'absence de liens constitutifs de conflits d'intérêts au regard du travail demandé, notamment vis-à-vis des industriels commercialisant des produits phytopharmaceutiques. À titre exceptionnel, une déclaration d'intérêt a été demandée à chaque responsable scientifique des projets sélectionnés.

Au terme de l'analyse des candidatures, l'Agence a annoncé le 30 avril 2020 la sélection de deux projets portés par un consortium coordonné par l'Institut Pasteur de Lille, constitué de sept laboratoires, dont le programme couvrait l'ensemble du cahier des charges, avec des garanties en matière d'intégration des différents résultats et de comparabilité avec les données produites par les industriels (respect du cadre réglementaire).

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui proposait une étude originale.

Cette sélection est intervenue à l'issue d'un processus qui, malgré les efforts pour promouvoir largement l'appel à candidatures à l'international, a suscité uniquement quatre offres, dont deux consortiums - le profil de candidature recherché par l'Agence. Dans chacun des deux consortiums figuraient des équipes liées à des scientifiques ayant participé aux groupes d'expertise collective impliqués dans la construction de l'avis de l'Anses sur le cahier des charges.

Compte tenu de l'enjeu de disposer des études complémentaires pour le processus européen de réévaluation en cours, l'Anses a décidé de donner suite à l'appel à candidatures. Toutefois, les questions soulevées sur la sélection du consortium lauréat risquant de créer un climat de suspicion sur le résultat des études peu propice à la sérénité des débats scientifiques, la coordination du consortium lauréat, suivie par plusieurs laboratoires impliqués, a fait part du retrait de sa participation, en juillet 2020.

Cette situation conduit de facto au retrait du consortium, dont l'approche intégrée était un élément clef pour garantir la qualité du dispositif d'études.

Le projet mené par le CIRC sera en revanche maintenu et financé, et les résultats attendus pour le second semestre 2021.

Évaluation des produits à base de glyphosate

La substance active glyphosate ayant fait l'objet d'un renouvellement de son approbation fin 2017, l'Anses procède en conséquence, dans un contexte de répartition zonale des demandes, à la réévaluation des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits en France. Plusieurs demandes de nouvelles AMM sont également en cours d'instruction.

L'Anses évalue la conformité des produits aux exigences européennes, en matière d'efficacité et de risques liés à la santé humaine et à l'environnement.

Ainsi, après avoir retiré du marché en 2016 plus de 120 produits contenant un coformulant inacceptable, l'Anses a procédé en novembre 2019 au retrait du marché de 36 produits et au refus de quatre nouveaux produits pour lesquels les données fournies par les industriels ne permettaient pas de statuer sur leur éventuelle génotoxicité.

Par ailleurs, dans le cadre du plan national d'action pour la sortie du glyphosate, l'Anses a été saisie par les ministres en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture, afin d'effectuer une évaluation comparative des usages des produits à base de glyphosate qui resteraient autorisés à l'issue du processus de réexamen des autorisations de mises sur le marché (AMM).

Cette évaluation comparative, prévue par l'article 50 du règlement n°1107/2009 est exigée pour toute demande contenant une substance candidate à la substitution, ce qui n'est pas le cas de la substance glyphosate.

Toutefois, les dispositions prévues au point 2 de cet article 50 permettent de mettre en oeuvre cette procédure, dans des cas exceptionnels lorsqu'il existe au moins une méthode non chimique de prévention ou de lutte pour une même utilisation d'usage courant dans l'État membre concerné.

Après identification de ces alternatives et de leur disponibilité, l'évaluation comparative alors mise en oeuvre doit permettre de mettre en balance les bénéfices et les risques des différentes alternatives. Elle peut conduire à la substitution (non-autorisation ou limitation d'utilisation) du produit pour un usage donné si le produit ou la méthode de remplacement présente des risques sensiblement moins élevés pour la santé humaine et pour l'environnement, et si elle ne présente pas d'inconvénients économiques ou pratiques majeurs au sens de l'annexe IV du règlement (CE) 1107/2009 et du document guide OEPP PP 1/271 (2) de 2015.

En s'appuyant sur les éléments qui lui ont été fournis sur les alternatives disponibles et d'usage courant en France, notamment par l'INRAE, l'Anses a comparé, pour chaque usage, les produits à base de glyphosate avec les méthodes non chimiques de prévention ou de lutte disponibles. Pour chaque produit à base de glyphosate, les usages pour lesquels il existe une alternative répondant aux critères de substitution seront donc interdits.

L'INRAE a été ainsi saisi en ce qui concerne les usages agricoles afin d'identifier, d'une part, pour chaque usage, les alternatives non chimiques et si elles sont d'usage courant, et d'autre part, afin d'évaluer les impacts économiques et pratiques en cas de substitution par une de ces alternatives. L'ONF et les inspections générales des ministères en charge de l'agriculture et de l'écologie (CGAAER et CGEDD) sont également sollicités afin d'apporter un appui de même nature, respectivement sur les usages forestiers et non agricoles.

Le cadrage et le calendrier suivants ont été retenus pour l'application de l'article 50.2 du règlement (UE) n°1107/2009 aux autorisations des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate.

Les travaux se décomposent en plusieurs phases, qui sont effectuées en parallèle :

Phase 1 en cours de finalisation par l'Anses : évaluation de l'efficacité et des risques des produits en vue du renouvellement de leur autorisation de mise sur le marché ou de leur première autorisation.

Phase 2 terminée : identification d'alternatives non chimiques et des impacts pratiques et économiques en cas de substitution par l'INRAE et CGEDD/CGAAER sur les filières viticole, arboricole et en grandes cultures.

Phase 3 en cours : pour les produits ou les usages des produits pour lesquels il aura été conclu qu'ils respectent les exigences examinées à la phase 1, l'Anses procède alors à la phase d'évaluation sur la base des travaux de l'INRAE en mettant en oeuvre l'article 50.2 du règlement (UE) 1107/2009 et identifiera les usages pour lesquels les AMM peuvent être retirés.

Les décisions devraient être finalisées avant la fin 2020, intégrant les résultats de la conformité des produits aux nouvelles exigences européennes et les restrictions apportées par la mise en oeuvre de l'évaluation comparative.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les rapporteurs spéciaux relèvent les difficultés, au demeurant assez traditionnelles, rencontrées pour réunir les conditions d'une expertise indépendante.

Sans se prononcer sur l'opportunité de la défection du lauréat, ils remarquent que celle-ci est intervenue après sa sélection par l'ANSES, ce qui n'est évidemment pas satisfaisant. Dans ces conditions, malgré le maintien d'un projet, la connaissance approfondie de la toxicité du glyphosate devrait prendre un certain retard, du moins au regard du programme conduit par l'ANSES.

Sur les autres points significatifs du dossier, il est à noter que l'ANSES entend fonder son appréciation sur des facteurs différents en leur nature, d'ordre écologique, sanitaire et économique.

En ce sens, l'ANSES se réfère notamment aux travaux de l'INRAE.

Ce dernier a commencé par publier un rapport sur les « usages et les alternatives au glyphosate dans l'agriculture française ». Pour avoir constitué un progrès de connaissance, ce rapport ne pouvait être considéré comme satisfaisant la demande d'un débat ouvert sur la problématique ici envisagée.

C'est la raison pour laquelle, après des rapports sectoriels sur le vin et l'arboriculture, l'INRAE a proposé en cours d'année une nouvelle évaluation.

Factuellement, l'étude indique que l'utilisation du glyphosate est moins systématique qu'on ne tend à le penser.

Utilisation du glyphosate selon le précédent cultural

Source : INRAE, 2020

Par ailleurs, elle dépend de situations pédologiques mais aussi des surfaces cultivées.

Plus ces dernières sont importantes, plus le glyphosate est employé.

Utilisation du glyphosate par segment des surfaces cultivées

Source : INRAE, 2020

Quant aux alternatives au glyphosate, selon l'INRAE, il n'en existe que peu de caractère chimique, les alternatives étant essentiellement mécaniques et, à ce titre, nécessitant, davantage de labours, avec les facteurs de production qui sont alors nécessaires (travail et énergie).

Dans ces conditions, qui demanderaient une évaluation écologique, l'impact sur les coûts des exploitations culturales varierait selon la situation de départ, la variable clef étant le niveau de recours au labour.

Dans un scenario central, avec recours au labour fréquent (mais pas systématique), les surcoûts sont estimés entre 10 euros par hectare et 80 euros par hectare selon les modalités de travail du sol en vigueur. Le surcoût le plus fort ne concerne que peu de parcelles, mais dans tous les cas, le renoncement plus ou moins partiel au glyphosate suscite des surcoûts.

Éventail des surcoûts nets liés au renoncement au glyphosate

Source : INRAE, 2020

L'impact sur le revenu des exploitants est ainsi plus ou moins significatif.

Généralement faible (entre 1 % et 3 %), il deviendrait très significatif pour les exploitants qui actuellement ne labourent pas leurs surfaces (entre 13,7 % et 23,4 %).

Part des surcoûts dans l'excédent brut par hectare,
par techniques de culture et par régions

Source : INRAE, 2020

Les résultats de l'étude peuvent suggérer plusieurs scenarios de sortie du glyphosate.

Cependant, quelques éléments structurants semblent se détacher. Le premier d'entre eux est bien que le recours à d'autres intrants est absolument indispensable en cas de sortie du glyphosate, intrants parmi lesquels figurent la main d'oeuvre. Ce constat plaide pour le renforcement des mesures d'attractivité du travail agricole mais aussi d'employabilité des salariés agricoles. À cet égard, le suivi des coûts de la main d'oeuvre agricole mais aussi de la formation doit être très vigilant. En second lieu, se dessine une forme de dilemme entre des objectifs écologiques et sanitaires, dans la mesure où le recours à davantage d'énergie paraît l'une des implications de la sortie du glyphosate. De ce point de vue, il est évidemment très fâcheux que les travaux complémentaires lancés pour évaluer la toxicité du glyphosate soient si mal partis. Il faut y remédier.

Par ailleurs, la perspective de compensation des agriculteurs renonçant au glyphosate s'annonce clairement, perspective rendue complexe à gérer du fait de la diversité des situations régionales et culturales, mais aussi parce que les bénéficiaires de ces compensations pourraient être ceux dont la situation économique n'est a priori pas la moins bonne. Sur ce plan, un choix clair s'impose, une fois relevé que les surcoûts par hectare peuvent être mis en rapport avec les rendements actuels par hectare.

À ce stade, sur tous ces points, le Gouvernement n'a donné que peu d'indications sur les issues par lui choisies. La communication gouvernementale s'est concentrée sur les retraits d'autorisation de mise sur le marché dont le dispositif de performance du programme rend compte.

Cette communication peine à convaincre et ne s'accompagne d'aucun renforcement des transferts vers les exploitants se retirant du glyphosate dans le projet de budget pour 2021.

Le dispositif de performance pour 2021 reprend l'indicateur spécifique introduit dans la maquette de performance du programme 206 en 2020.

Il ne s'agit pas de suivre les consommations de glyphosate, comme dans le cadre de l'indicateur suivi pour rendre compte des résultats du plan Ecophyto. Les données contrôlées sont les autorisations de mise sur le marché , pour tous leurs usages , des produits contenant du glyphosate, ce qui est bien différent 36 ( * ) .

Le nombre des produits autorisés peut être sans relation simple avec les utilisations effectives. En outre, les doses par produit peuvent être plus ou moins importantes.

Dans ces conditions, l'indicateur ne garantit pas l'intégrité de l'information sur les usages effectifs du glyphosate, s'attachant plutôt à suivre une activité d'autorisation de mise sur le marché, qui plus est par usage, qui peut permettre d'exhiber des résultats plus flatteurs que réels.

Au demeurant, d'ores et déjà, alors que peu d'évolution sont encore intervenues dans le domaine de l'agriculture, l'indicateur affiche une forte « amélioration » avec la nette réduction des autorisations de mise sur le marché telles qu'elles sont mesurées à travers ce dernier. En réalité, elle provenait des retraits d'autorisation pour la dévitalisation de broussailles et de souches et pour l'ensemble des usages en forêt.

Quant aux objectifs pour 2020 et 2021 (qui sont identiques), si la cible suggère une division par deux des autorisations, sa significativité devra être finement évaluée. On doit cependant relever que la cible pour 2023 correspond à un arrêt complet de l'utilisation du glyphosate, objectif qu'il conviendrait de voir confirmé au plus haut niveau de l'État.

En tout cas, le projet de budget pour 2021 ne traduit pas d'effort spécifique d'accompagnement des exploitants se retirant de l'utilisation du glyphosate.

Sous cet angle, le premier rapport de l'INRA mentionnait particulièrement le recours aux mesures agroenvironnementales (MAEC).

Or, les crédits correspondants manquent au budget pour 2021 comme ils manquaient au budget 2020, la seule mesure cohérente avec les objectifs du Gouvernement consistant dans le prolongement du régime d'exonérations pour les travailleurs occasionnels, dans des conditions qu'on a exposées comme étant très perfectibles.

Quant à l'élargissement de l'indicateur du plan Ecophyto , il avait été justifié par le constat que le périmètre des produits suivis depuis le démarrage des plans correspondants n'était pas entièrement significatif. Compte tenu de l'ancienneté de ces plans, il est regrettable que cette donnée n'ait pas été perçue plus tôt. Quoi qu'il en soit, le ministère explique que, la croissance des utilisations de produits à usage mixte, mais largement utilisés en agriculture, qui n'étaient pas inclus dans le périmètre des produits dont les doses en unités de pesticide sont suivies, a suscité le besoin de les intégrer au champ de l'évaluation des résultats du plan.

Les rapporteurs spéciaux en avaient pris bonne note tout en relevant que l'intégration des nouveaux produits pouvait, en fonction de leur utilisation finale, conduire à affecter la signification de l'indicateur. L'élargissement de l'assiette de comparaison est susceptible pour un indicateur qui mesure des utilisations de favoriser la réduction de ces dernières si les produits intégrés sont sur une pente d'utilisation fortement décroissante, sans que la situation globale s'améliore réellement.

Quant aux résultats du plan Ecophyto , si l'on avait pu constater une baisse de 13,6 % entre les périodes 2009-2011 et 2013-2015 pour les zones non agricoles et les fermes pilotes du réseau DEPHY (exploitations agricoles engagées dans une démarche volontaire de réduction de l'usage de produits pharmaceutiques), on avait observé en revanche une augmentation du nombre des « doses unités de pesticides » (les NODU) en zone agricole de 4,3 % entre les valeurs moyennes 2012-2014 et 2013-2015.

L'objectif de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques fixé lors de la mise en place du plan Ecophyto en 2008 (baisse de 50 % dans un délai de dix ans) n'aura pas été atteint. Il faut redouter que les objectifs du plan Ecophyto 2 ne le soient pas davantage.

Les prévisions du projet annuel de performances pour 2018 avaient d'ores été déjà été révisées en forte hausse (83,4 millions de doses contre 77,4 millions de doses).

L'élargissement du périmètre des produits désormais considérés a un premier effet en augmentant de plus d'un cinquième le nombre de doses de pesticides considérées comme utilisées en agriculture.

En 2020, la cible a été resserrée en cours d'année avec 82 millions de doses contre un objectif initial de 88,5 millions. La révision (- 7,3 %) paraît entièrement imputable à la conjoncture qui du fait de la situation sanitaire mais aussi des sécheresses subies a réduit la perspective de consommation de ce type d'intrants.

Pour l'année 2021, la cible est à nouveau relâchée. Elle est fixée à 95 millions de doses, ce qui paraît correspondre à une perspective de reprise des volumes de production.

Les rapporteurs relèvent les difficultés rencontrées pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, alors même que cet objectif s'impose au vu des inquiétudes que suscite l'utilisation de ces produits sur la santé des consommateurs mais aussi des agriculteurs et qu'on indique que les surfaces cultivées en agriculture biologique gagnent en importance relative.

Sans doute faudrait-il s'inspirer des réussites plus probantes du plan EcoAntibio, même si celui-ci conforté sur la disponibilité de médicaments alternatifs, n'est suivi qu'à travers un indicateur « facilitant » la publication de résultats favorables d'utilisation des antibiotiques les plus critiques.

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent manquer de témoigner ici de leur profonde perplexité face à l'ouverture à des produits importés non soumis aux disciplines fondamentales qui visent à lutter contre l'antibiorésistance dans le cadre du CETA. Si l'élevage français se conduit de ce point de vue de façon responsable, consentant à éviter toute utilisation des antibiotiques comme facteur de croissance, il est incompréhensible que l'Europe ait accepté sur un sujet aussi grave des pratiques susceptibles, de surcroît, d'exercer des effets concurrentiels particulièrement déloyaux.

Si la ratification de cet instrument a été suspendue après trop d'hésitations, il convient de demeurer totalement mobilisé sur ce point.

Dans ces conditions, si l'on inclinerait à se satisfaire des progrès observés sur les suites données aux inspections ces dernières années, le taux des inspections révélant des non conformités ne donnant lieu à aucune suite demeure encore trop élevé . Il est de 15 %, résultat d'autant moins satisfaisant qu'une sélection des contrôles est censée les faire porter sur des établissements à très forts enjeux. Les suites réservées aux contrôles sont un élément majeur d'une politique qui ne doit pas se contenter de dérouler des plans de contrôle, consommateurs de moyens. Les audits européens sont régulièrement l'occasion d'identifier des manquements aux obligations de contrôle imposées à la France. En 2018, une augmentation de l'enveloppe consacrée à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, de 4,1 millions d'euros, avait dû être inscrite à la suite d'avertissements concernant la lutte contre les salmonelles en élevage et du besoin d'améliorer l'application de la réglementation européenne en matière de gestion des foyers de salmonelloses aviaires. Selon la Commission, la procédure suivie aurait dû être beaucoup plus rigoureuse que celle jusqu'alors mise en oeuvre, avec, en particulier, un abattage dès le premier résultat positif, devant, par ailleurs, toucher des étages de reproduction de plus en plus élevés.

De la même manière, au vu de son importance stratégique mais aussi des coûts qu'elle implique, la qualité des prélèvements et de leur analyse se révèle beaucoup trop médiocre , avec près de 20 % des prélèvements dont l'analyse n'est pas directement exploitable. Encore doit-on relever que le périmètre de l'indicateur se révèle fort réduit puisque la procédure Qualiplan, qui l'encadre ne concernait jusqu'en 2020 que trois types de prélèvements vétérinaires. Il est notable que des plans de surveillance des produits végétaux ont été ajoutés en 2020. Mais, la portée de l'indicateur devrait être mieux précisée.

Enfin, le taux de réalisation des exercices interministériels de préparation à la gestion de crises sanitaires présente un déficit considérable par rapport à un objectif souhaitable de 100 %. Il a été aggravé au cours de l'année 2020 en raison de la situation sanitaire, celle-ci ayant sans doute exercé des effets d'apprentissage non nuls, comme à chaque fois que les crises sanitaires à répétition que subit l'agriculture se produisent.

Sous ce rapport, il est équitable d'observer que les services du minstère de l'agriculture et de l'alimentation sont tributaires du déploiement effectif de moyens ne relevant pas de sa responsabilité, ainsi que les graves incidents survenus autour du site de Lubrizol ont pu l'illustrer.

5. La problématique du financement de l'ANSES

La progression de la subvention pour charges de service public destinée à l'ANSES, qui demeure très modeste (+ 200 000 euros à 64,66 millions d'euros), s'accompagne de l'absence de toute provision pour accompagner d'éventuelles restructurations du réseau des laboratoires publics, qui connaissent pour certains d'entre eux, des situations difficiles.

Cette évolution est cependant tributaire d'une année 2020 marquée par la situation sanitaire qui, outre ses effets sur les activités effectives de l'ANSES, devrait avoir un impact sur le budget de l'agence combinant baisse sur les dépenses de fonctionnement 2020 directement à relier à la fermeture des sites de l'agence, baisse conjoncturelle de dépenses de fluides, de frais de déplacements et d'autres dépenses et alourdissement de certaines dépenses de fonctionnement (prestations de ménage, achats de solutés hydroalcooliques et masques grand public...), Par ailleurs, certains projets de recherche ont dû être reportés, et des prolongations de bourses de thèses engendreront des dépenses supplémentaires.

En lien avec une approche dénommée « modèle économique - produits réglementés » qui tend à assurer le financement de cette activité de stricte police sanitaire par les demandeurs, orientation qui se traduit au surplus par des indicateurs de performance orientés vers la qualité du service dans le dispositif de performances de la mission, le financement de l'ANSES repose de plus en plus sur des recettes alternatives à la subvention pour charges de service public.

La promotion de ce modèle n'empêche pas l'ANSES de subir une dégradation de sa situation budgétaire.

Résultats « budgétaires » de l'ANSES

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Pour 2020, le solde budgétaire se dégraderait de plus de 4 millions d'euros, en particulier du fait d'une augmentation non financée des charges de personnel (+14,9 millions d'euros). Mais d'autres facteurs interviennent puisqu'aussi bien la proportion des charges de personnel dans le total des charges se replie significativement. Parmi ces facteurs ont figuré en 2019 la réduction de la subvention pour charges de service public (- 8 millions d'euros) du fait des besoins de bouclage des impasses financières du programme 206.

Il existe un décalage entre les résultats appréciés à partir des données budgétaires et les résultats financiers de l'agence.

Résultats financiers de l'ANSES

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les indicateurs de gestion sont pratiquement inversés, le résultat budgétaire déficitaire pour 2020 se muant en un résultat financier positif, mais au prix d'une baisse du fonds de roulement de l'ANSES (- 6,1 millions d'euros).

En bref, le financement de l'Agence reposerait en 2020 davantage sur des ressources extrabudgétaires.

Le maintien de la subvention à un niveau à peu près inchangé en 2021 face à des charges susceptibles de s'alourdir pourrait entraîner la répétition de cette structure de financement.

La fiscalité affectée tend de son côté a représenter une part plus importante des ressources de l'ANSES, les recettes propres demeurant à un niveau secondaire (2,5 % du total).

En 2020, la fiscalité affectée verrait ses produits revenir à un niveau proche de celui enregistré en 2018 (l'année 2019 a été marquée par la suppression de l'affectation de la taxe additionnelle à l'IFER) tandis que 2020 a vu la suppression de la taxe sur le vapotage.

Structure de financement de l'ANSES entre 2017 et 2020

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La fiscalité affectée devrait compter pour 32,4 millions d'euros dans les recettes de l'établissement en 2020.

Les taxes fiscales affectées sont les suivantes :

- la taxe relative à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, des matières fertilisantes et de leurs adjuvants et des supports de culture (taxes phytosanitaires) dont le produit a évolué comme suit :

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

- la taxe sur la vente des produits phytopharmaceutiques (taxe phytopharmacovigilance) :

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

- les taxes sur les produits vétérinaires (4 taxes):

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

- les redevances sur les produits biocides :

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les produits sont généralement attendus en hausse sensible. Cette prévision est en lien avec le Brexit, les demandes d'autorisation de mise sur le marché déposées au Royaume-Uni étant censées se répartir sur les Etats membres de l'Union européenne.

Plus globalement, le produit des taxes peut être mis en regard avec les coûts qu'elles sont censées couvrir.

Suivant les trois pôles d'activité de l'ANSES, la répartition des coûts et des recettes hors SCSP pour 2017 est la suivante.

Répartition des coûts de l'activité de l'ANSES en 2019

(en milliers d'euros)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le pôle recherche représente 54,3 % des coûts complets en 2019 (en baisse par rapport à 2017), le pôle produits réglementés 22,1 % et le pôle sciences pour l'expertise 23,7 %, ces deux centres de coût étant en légère augmentation relative.

Compte tenu de la répartition de la subvention pour charges de service public entre ces trois pôles, obtenue sur une base nécessairement conventionnelle, les restes à financer sont plus ou moins importants.

Les données fournies provoquent une certaine perplexité puisque les missions de service public les plus « dures » sont considérées comme ne recueillant qu'une part réduite de la subvention pour charges de service public, contraignant l'ANSES à les financer sur des ressources alternatives.

En ce qui concerne les seuls produits réglementés, les données suivantes pour 2019 comparent les coûts et les taxes perçues en 2019.

Répartition des coûts et des recettes en comptabilité analytique
de l'ANSES (2015-2019)

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En l'état, on ne peut pas considérer que les tarifs des taxes couvrent les coûts, en particulier ceux des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires.

Un relèvement de ces taxes pourrait donc être justifié.

L'ANSES nourrit l'ambition de voir son plan de charges augmenter à ce titre du fait de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ce pays traitait 40 % des autorisations de mise sur le marché des produits vétérinaires. Il n'est pas sûr que cette extension d'activité soit bénéficiaire pour l'agence au vu des résultats exposés ci-dessus.

En tous cas, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la concurrence existant en Europe dans le champ de la police sanitaire et, au-delà, sur la compatibilité d'un processus d'autorisation de mise sur le marché, générateur de recettes, avec la vocation d'expertise scientifique des agences de santé, placées du fait de la superposition de compétences, dans une situation pouvant se révéler délicate.

E. POUR UNE REFONDATION DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

La politique publique de sécurité sanitaire des aliments, à forte dimension interministérielle, a fait l'objet d'un travail de contrôle et d'évaluation des précédents rapporteurs spéciaux. 61 recommandations avaient été formulées dont un certain nombre susceptibles d'exercer des effets sur le programme 206.

Force est de constater que la traduction de ces recommandations dans le projet de budget pour 2021 n'apparaît pas avec toute la clarté souhaitable même pour les recommandations les plus faciles à mettre en oeuvre. De la même manière que pour la politique forestière, les rapporteurs spéciaux s'inquiètent d'une trop faible attention réservée aux préconisations formulées dans le cadre du contrôle parlementaire par l'administration et le Gouvernement.

Les rapporteurs spéciaux le regrettent et, prenant acte des intentions exprimées en ce sens, souhaitent que les travaux, dans le cadre des États généraux de l'alimentation, mais également du Sénat, pour redéfinir le cadre de notre politique de maîtrise des risques sanitaires permettent réellement de donner suite à leurs recommandations.

VI. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR » .

Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural intégrant des innovations et leur diffusion.

Le CAS s'articule autour de deux programmes correspondant à ces objectifs : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

A. UNE GESTION FINANCIÈRE CRITIQUABLE

1. L'exemption des entreprises de l'aval de l'effort de contribution au CAS devrait faire l'objet d'une évaluation concertée

Les recettes du CAS proviennent de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue par l'article 302 bis MB du code général des impôts (CGI), qui est auto-liquidée par les redevables.

L'assiette de la taxe est constituée d'une partie forfaitaire (90 euros) et d'une partie proportionnelle au chiffre d'affaires des exploitations agricoles (0,19 % jusqu'à 370 000 euros de chiffre d'affaires et 0,05 % au-delà) de l'année n-1.

Autrement dit, le produit de la taxe inscrit au compte en 2021 correspondra au chiffre d'affaires de l'année 2020.

Les opérateurs de l'amont et de l'aval de la filière agro-alimentaire ne sont pas soumis à cette taxe.

Cette exclusion est justifiée par le ministère au nom des principes des comptes d'affectation spéciale, qui supposent que les recettes soient ajustées à la nature des dépenses. Le ministère considère que les entreprises de l'amont et de l'aval n'étant pas bénéficiaires des dépenses du CAS, elles n'ont pas à en assumer le financement.

Cette affirmation n'est pas complètement exacte.

À travers les instituts techniques, des entreprises de l'aval bénéficient des crédits du CAS. Surtout, compte tenu des bénéfices indirects que les dépenses du CAS peuvent engendrer pour certaines de ces structures, cette position, qui traduit une interprétation excessivement littérale de la loi organique relative aux lois de finances, peut être jugée très contestable.

Cette question mériterait de faire l'objet d'une évaluation concertée avec les entreprises concernées, qui d'ores et déjà, sur certaines thématiques centrales (l'agriculture biologique notamment) apportent des financements à des projets pouvant relever des actions soutenues par le CAS.

2. Une mission dont les moyens, renforcés depuis 2015, rencontrent des difficultés d'évaluation en loi de finances initiale

Les recettes du CAS-DAR étaient jusqu'en 2014 constituées de 85 % du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts.

Ce taux est passé à 100 % en 2015, et c'est désormais l'intégralité du produit de la taxe qui est affectée au compte.

Les rapporteurs spéciaux ont régulièrement fait valoir les difficultés rencontrées pour évaluer ex ante les recettes du compte.

Ces dernières apparaissent de fait assez nettement fluctuantes du fait de la variabilité de la conjoncture agricole.

Après avoir été fortement surévaluées en 2015 et 2016 - la loi de finances initiale pour 2015 les avait estimées à 147,5 millions d'euros pour une exécution budgétaire constatant une moins-value de recettes de 10,4 millions d'euros ; la loi de finances pour 2016 avait reconduit l'estimation de 2015 (147,5 millions d'euros de recettes) pour une nouvelle moins-value de 17 millions d'euros- les recettes ont été plus proches des estimations initiales en 2017 et 2018.

En 2018, une modeste plus-value de recettes a été constatée : 136,5 millions d'euros contre une prévision de 136 millions d'euros. En 2019, la recette évaluée à 136 millions d'euros a été exécutée à 142,9 millions d'euros, ce qui n'avait pas empêché la programmation pour 2020 d'arrêter la recette à 136 millions d'euros.

Pour 2021, la prévision de recette est abaissée. Elle est fixée à 126 millions d'euros, cette estimation étant « justifiée » par la situation sanitaire actuelle et par les impacts de la sécheresse sur les récoltes de céréales.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que ces considérations sont moins mentionnées au sujet de la programmation des crédits de la mission. Ils soulignent que la prévision de recettes suppose une forte réduction du rendement de la taxe par rapport au produit encaissé en 2019. Le recul atteint 11,8 %.

À défaut de disposer d'éléments fins de suivi de la conjoncture agricole, il serait hasardeux de discuter cette prévision, qui, en tout état de cause, n'est pas un élément déterminant de la budgétisation des soutiens du CAS pour 2021.

Toutefois, selon la note de conjoncture de l'INSEE publiée en septembre 2020, le chiffre d'affaires de l'agriculture serait revenu au 3 ème trimestre de l'année à un niveau proche de celui du 4 ème trimestre 2019, le creux constaté entre mars et juin (une chute de 6 % du chiffre d'affaires) ayant été à peu près comblé.

Si l'on pourrait ainsi raisonnablement estimer que la prévision de recettes se trouve sous-estimée, il faut envisager l'éventualité d'effets asymétriques selon les exploitations, les petites exploitations pouvant avoir des difficultés significatives à acquitter la taxe.

3. Une réserve mobilisable pour de nouvelles dépenses

Quoi qu'il en soit, malgré les surévaluations qu'ont pu connaître les recettes dans le passé, l es soldes d'exécution positifs se sont succédé , la consommation effective des crédits étant généralement très en-deçà des ouvertures, mais aussi des recettes effectives.

Exécution et prévision des recettes et des dépenses du CAS-DAR

(en millions d'euros)

Année

Recettes

Dépenses (CP)

Écart

2006

146,00

99,70

46,30

2007

102,00

101,35

0,65

2008

106,84

98,47

8,37

2009

113,50

110,55

2,95

2010

105,06

108,50

- 3,44

2011

110,45

108,38

2,07

2012

116,75

114,35

2,40

2013

120,47

106,98

13,49

2014

117,10

132,40

- 15,30

2015

137,10

131,20

5,90

2016

130,80

129,20

1,60

2017

133,4

128, 9

4,5

2018

136,5

131,2

5,2

2019

142,9

130,5

12,4

Source : commission des finances du Sénat

Cet historique a contribué à l'accumulation de ressources susceptibles d'être mobilisées pour financer les dépenses du compte dont la forte augmentation, du moins en prévision, doit être relevée.

Le solde cumulé du compte atteignait 67,6 millions d'euros à fin 2018. L'exécution 2019 a renforcé les ressources mobilisables qui à la fin de l'exercice ont atteint 80 millions d'euros.

Dans le passé, la régulation budgétaire sur les crédits ouverts n'a pas manqué de s'exercer.

Ainsi, en 2015, 8,8 millions d'euros, soit plus de 10 % des dotations initiales, avaient été annulés sur le programme 775, le programme 776 ayant fait l'objet la même année de mesures de régulation très fortes : plus de 34 millions d'euros de crédits avaient alors été annulés en cours d'exercice.

Ces annulations contribuent à limiter le déficit budgétaire. Elles représentent une affectation des recettes prélevées sur les agriculteurs pour financer les interventions du CAS, qui ne coïncide pas avec l'objet du prélèvement.

Ces dernières années n'ont pas été marquées par de telles régulations.

Les reports successifs de crédits ont entraîné la constitution d'un potentiel de dépenses qui excède largement les dépenses annuelles.

Ainsi, les crédits de paiement ouverts en 2018 ont atteint 190 millions d'euros soit 45 % de plus que les crédits consommés au cours de l'année. L'année 2019 a encore accentué le disponible avec un montant de 195,8 millions d'euros.

Dépense et gestion des crédits de paiement du CASDAR en 2019

(en millions d'euros)

Programme 775

Programme 776

Total

LFI

65

71

136

Reports

14,3

45,5

59,8

Crédits disponibles

79,3

116,5

195,8

Crédits consommés

62,7

67,8

130,5

Crédits non consommés

16,6

48,7

65,3

Source : ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Au total, à l'entrée de 2020, les ressources disponibles étaient de 216 millions d'euros à comparer avec un potentiel de dépenses de 136 millions d'euros (les crédits de paiement inscrits en loi de finances pour 2020) auxquels avaient vocation à s'ajouter les crédits reportés de 2019 sur 2020, soit potentiellement 65,3 millions d'euros, pour un total de crédits pouvant être rendus disponibles de 201,3 millions d'euros, enchaînement confirmé à la lecture du projet annuel de performances pour 2021.

En bref, à supposer que tous les crédits potentiellement utilisables le soient en 2020, hypothèse d'autant plus conventionnelle que les conditions de l'exécution budgétaire ont été très défavorables en cours d'année, il existerait un solde des recettes sur les dépenses, positif à la sortie de 2020 à hauteur de près de 15 millions d'euros.

Compte tenu de la prévision de recettes pour 2021, cela porte les ressources mobilisables à 141 millions d'euros, soit 15 millions d'euros au-delà des crédits ouverts.

Les données techniques budgétaires invitent donc à juger que la crédits ouverts en 2021 sont d'emblée inférieurs au potentiel laissé par les ressources disponibles.

Cependant, il faut tenir compte de la capacité du compte à dépenser les dotations ouvertes. A cet égard, la consommation des crédits en 2019 (130,5 millions d'euros) aura été supérieure aux crédits ouverts en 2021 mais légèrement en-deçà du potentiel de dépenses accessible compte tenu des ressources mobilisables. La marge est toutefois étroite.

Il n'en reste pas moins qu'alors que la compétitivité de l'agriculture française et sa capacité à atteindre les objectifs de transition agro-écologique dépendent crucialement de l'enrichissement en savoir-faire des productions, le signal donné aux différents acteurs de la recherche et de l'innovation n'est pas bon.

Il faut ajouter que la situation de nombre d'instituts techniques a été dégradée par la réforme des conditions de financement des projets de recherche qui suppose de leur part un effort liminaire en trésorerie mais aussi parfois budgétaire que tous ne peuvent supporter également.

La réforme des conditions du subventionnement
des projets de recherche par l'État

Le décret 2018-514 relatif aux subventions de l'État pour les projets d'investissement, la recherche appliquée et le développement étant considérés comme des investissements immatériels, a modifié les modalités de gestion financière du CAS DAR.

Ce décret (qui ne concerne que les personnes physiques ou morales de droit privé ainsi que les personnes publiques, à l'exception des établissements publics de l'État) a induit des modification introduites en 2019 dans les conventions liant l'État aux porteurs de programmes annuels relevant du droit privé (instituts techniques agricoles et ONVAR) ou aux porteurs de projets lauréats des appels à projets financés par le CASDAR. La principale modification porte sur le taux d'avance versé à la signature de la convention qui est limité à 30 %.

Pour le reste, les conventions portant sur les programmes annuels (qui représentent environ les 2/3 des versements du CAS une année donnée) permettent au porteur d'appeler le versement d'un acompte d'un maximum de 50 % dès la consommation de 30 % de leurs dépenses prévisionnelles, la régularisation de l'avance intervenant alors au moment du solde, l'année suivante. Les instituts techniques et ONVAR perçoivent donc 80 % de leur subvention annuelle dans le courant de l'année, en deux fois au lieu d'une comme c'était le cas avant 2019. Le décalage de trésorerie porte au maximum sur trois mois.

Les conventions portant sur les projets d'une durée de 3,5 ans, lauréats d'un appel à projets en 2019 ou 2020 permettent en général au porteur d'appeler le versement d'un acompte de 30 % lorsqu'il a réalisé 60 % de ses dépenses prévisionnelles, la régularisation de l'avance intervenant alors au moment de l'appel de l'acompte. Pour les projets lauréats d'appels à projets d'années antérieures à 2019, les avances et acomptes sont en général de 80 %, la régularisation de l'avance se faisant au moment du solde. Les nouvelles modalités impliquent effectivement une avance de trésorerie plus importante de la part des porteurs et partenaires du projet. Le ministère indique qu' « elles portent toutefois sur des sommes nettement inférieures à celles des programmes annuels et la régularisation de l'avance au moment de l'acompte permet d'éviter d'avoir à demander des remboursements aux porteurs en cas de sous-réalisation importante par rapport aux dépenses prévisionnelles du projet » .

Il n'empêche que, compte tenu de la robustesse financière très différenciée des intervenants, la charge en risque induite par le décret peut apparaître très significative.

Dans ces conditions, en l'absence d'information sur les reports de crédits envisagés pour 2021, la dotation en crédits pour 2021 mériterait d'être relevée.

B. DES FINANCEMENTS DONT L'ÉVALUATION GLOBALE FAIT DÉFAUT

Les deux programmes financés par le CAS poursuivent des objectifs analogues, encadrés par le Programme national de développement agricole et rural (PNDAR) pour les années 2014 à 2020. Mais ils sont mis en oeuvre par des organismes différents, tant au niveau du responsable de programme qu'à celui des entités auxquelles reviennent les ressources qui transitent par le CAS.

Il s'agit, selon le projet annuel de performances, de conforter le développement de systèmes de production innovants et performants du point de vue écologique, économique et environnemental, en s'appuyant sur une agronomie recherchant une amélioration des résultats techniques et économiques des exploitations.

Les interventions du CAS sont ainsi théoriquement guidées par le projet d'une transition vers l'agro-écologie.

1. Les programmes 775 et 776, entre orientations complémentaires et spécialisation par organisme des concours publics

Les crédits des deux programmes financés par le CAS avaient été rééquilibrés depuis 2015, le programme 775 atteignant une quasi-parité avec le programme 776. Cependant, le projet de loi de finances pour 2021 consacre un nouveau creusement de l'écart entre le programme 775 et le programme 776, le second bénéficiant de près de 6 millions d'euros de crédits de plus.

Le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » finance des moyens qui sont principalement destinés 37 ( * ) aux chambres d'agriculture et à leur tête de réseau, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), ainsi qu'aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). La loi de finances pour 2011 a confié, en outre, à ce programme le financement des actions de génétique animale. Ces actions sont notamment placées sous la responsabilité des instituts techniques agricoles , qui doivent contribuer à l'amélioration et à la gestion des ressources génétiques des espèces relevant de leurs compétences, le cas échéant par délégation à des opérateurs.

Les dix premiers bénéficiaires des dépenses du programme 775 ont été les suivants en 2019.

Les dix premiers bénéficiaires des interventions du programme 775 en 2019

AE réalisé 2019

% / AE du P775

CRA Nouvelle Aquitaine

5 446 855

8,1 %

CRA Occitanie

4 898 137

7,3 %

CRA Auvergne Rhône Alpes

4 496 241

6,7 %

CRA Grand Est

3 254 471

4,8 %

CRA Bretagne

2 850 980

4,2 %

CRA Pays de la Loire

2 700 494

4 %

CRA Bourgogne Franche Comté

2 334 083

3,5 %

CRA Hauts de France

2 130 336

3,2 %

CRA Normandie

2 142 917

3,2 %

Coop de France

2 230 000

3,3 %

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Sans surprise, les principaux bénéficiaires sont les mêmes que les années précédentes. Neuf chambres régionales d'agriculture totalisaient près de 45 % des dépenses.

Un contrôle est exercé sur l'emploi des fonds délégués aux organismes partenaires.

Avant paiement des soldes, s'exerce le contrôle systématique de tous les programmes de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Ce contrôle sur pièces peut être plus approfondi pour certains dossiers. Par ailleurs, après paiement des soldes, des contrôles sont réalisés par le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER).

Les rapporteurs spéciaux relèvent que ces contrôles conduisent fréquemment à recommander une plus grande mutualisation des résultats obtenus et la mise en oeuvre de prolongements plus pratiques aux actions, par l'élaboration de schémas de développement régionaux.

Les crédits du programme 775 demandés pour 2021 sont en baisse de près de 5 millions d'euros à 60,06 millions d'euros contre 65 millions d'euros inscrits pour 2020 (- 7,6 %).

Quant au programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture » , il englobe le financement de travaux de recherche appliquée, et plus particulièrement des missions d' expérimentations de FranceAgriMer ainsi que des instituts techniques agricoles et, en particulier, de leurs projets de recherche à moyen et long terme coordonnés par l'association de coordination technique agricole (ACTA) .

Ses moyens sont également en baisse par rapport à la loi de finances pour 2020 avec une ouverture de 65,93 millions d'euros contre 71 millions d'euros (- 7,2 %).

La gestion des interventions se caractérise par une certaine diversité : à côté du financement des programmes de recherche des organismes soutenus, on relève le recours à la procédure de l' appel à projets La gestion encourage également les partenariats alliant la recherche et l'innovation au développement agricole, d'où son appui sur les unités mixtes technologiques (UMT) et les réseaux mixtes thématiques (RMT).

Néanmoins, les interventions apparaissent plus concentrées que pour le programme 775. Les dix premiers bénéficiaires absorbent près de 89 % des engagements, les trois premiers concentrant près de la moitié des interventions.

Les dix principaux bénéficiaires du programme 776 en 2019

AE réalisé 2019

% / AE du P775

IDELE
Institut de l'élevage

13 635 709

18,4 %

FranceAgriMer (1)

12 515 943

16,9 %

ARVALIS
Institut du végétal

10 824 309

14,6 %

ACTA Réseau des instituts techniques agricoles

6 488 761

8,8 %

CTIFL Centre technique inter professionnel des fuits et légumes

6 150 821

8,3 %

IFV
Institut français de la vigne

5 556 216

7,5 %

IFIP Institut français des industries du porc

4 922 822

6,6 %

ITAVI Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole

2 136 308

2,9 %

TERRES INOVIA

2 087 725

2,8 %

ASTREDHOR
Institut technique de l'horticulture

1 531 892

2,1 %

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les instituts techniques de filières et leur tête de réseau sont les premiers bénéficiaires des soutiens, FranceAgriMer, qui est un opérateur de l'État étant cependant au deuxième rang des organismes soutenus.

2. Une information trop succincte sur l'évaluation des programmes

Le CAS-DAR comporte un indicateur pour le programme 775 et trois indicateurs pour le programme 776. Le dispositif de performances est modifié par rapport à celui des années antérieures.

En ce qui concerne le programme 775, l'indicateur suivi demeure inchangé. Il réside dans la part des effectifs consacrés aux thématiques prioritaires du programme national de développement rural (PNDAR) dans les emplois des organismes bénéficiaires du programme.

Cet indicateur, qui restitue année après année que les effectifs ainsi « spécialisés » s'élèvent à environ 70 % des emplois des organismes concernés ne présente guère d'intérêt au vu de la priorisation très extensive des objectifs du PNDAR. Et de l'objet des organismes bénéficiaires.

On ne sait au juste combien de forces et de coûts suppose le suivi de l'indicateur (il s'agit d'inscrire chaque année depuis 2009 dans l'application Darwin les effectifs pouvant correspondre au profil exigé). Si quelques économies pouvaient découler de la suppression de cette procédure, nul ne s'en plaindrait, d'autant que la réalité des chiffres avancés laisse un peu perplexe.

Si réellement 70 % des personnels des organismes se consacraient à la transition agro-écologique, cette dernière serait sans doute accomplie de longue date.

À l'inverse, il serait souhaitable d'avoir quelque aperçu sur les progrès réalisés.

Quant au programme 776, son dispositif de performance évolue en 2021. Trois indicateurs succèdent aux deux indicateurs existant précédemment, cette modification poursuivant un objectif louable de suivi des capacités des intervenants à exercer une influence sur leur écosystème.

Les rapporteurs spéciaux expriment un regret devant la suppression de l'indicateur permettant de suivre la part des financements provenant du programme attribuée à des projets de recherche commun dans le cadre d'une unité mixte technologique ou d'un réseau mixte technologique conduits selon une procédure d'appel à projets.

C'est l'un des principes de bonne gestion des crédits que de favoriser le développement de ce type d'organisation de la recherche.

L'an dernier, les rapporteurs spéciaux avaient relevé qu'après une amélioration de l'indicateur, une évolution moins favorable devait être notée ces dernières années.

La cible 2019 (57 %) apparaissait en net retrait par rapport aux réalisations antérieures, en particulier, l'année 2017, où un taux de 72,6 % des appels à projets impliquant une unité mixte technologique (UMT) ou un réseau mixte thématique (RMT) avait pu être constaté. Il en allait de même pour 2020, ce qui paraissait traduire une regrettable difficulté à imprimer aux projets financés par le programme une dimension collective sans laquelle les synergies recherchées peuvent rester assez illusoires.

Il faut espérer que la suppression de l'indicateur ne soit pas le produit d'un échec sur ce point.

Les trois nouveaux indicateurs qui devraient permettre de suivre la capacité des instituts techniques à remporter des succès dans les appels d'offres du programme cadre de recherche et de développement du l'Union européenne, de mesurer l'activité de publication des instituts techniques et d'estimer l'activité de diffusion de l'innovation assurée par ces derniers sont assez classiques.

Comme toujours, ils peuvent inclure des biais quelque peu bureaucratiques, en stimulant la course aux financements européens ou des publications plus ou moins significatives (l'impression de posters est incluse dans le suivi de l'indicateur 1. 2 !). Par ailleurs, il est évident que les instituts techniques ne sont pas placés à égalité, chacun d'entre eux couvrant des populations formant des audiences naturellement disparates.

Il conviendra d'évaluer si ces biais n'exercent pas d'effets défavorables.

Une réflexion devra être reprise sur l'identification de mesures permettant de suivre plus finement la diffusion des pratiques agronomiques et économiques résultant d'un enrichissement des connaissances auquel les bénéficiaires des soutiens publics sont censés contribuer.

À ce souhait on peut associer celui consistant à s'assurer que les crédits « fléchés » vers les chambres, les instituts ou les ONVAR aillent aux projets de développement et non aux structures elles-mêmes.

Dans son rapport annuel pour 2008, la Cour des comptes avait ainsi relevé qu'en matière de développement agricole, « la répartition des aides a toujours été fondée, de fait, non sur la nature des projets, mais sur la reconduction des subventions dans une logique de financement pérenne des structures ».

Une telle « logique d'abonnement aux aides » est aux antipodes d'une démarche de performance.

La concentration des interventions sur les dix premiers bénéficiaires du programme 776 témoigne à sa manière d'une forme de gestion « organique ».

Les dix premiers bénéficiaires des interventions du programme 776 en 2017

(en euros)

Nom bénéficiaire

AE réalisé 2017

% / AE du P776

IDELE

Institut de l'élevage

12 681 094

18,7 %

FranceAgriMer (1)

11 579 213

17,0 %

ARVALIS

Institut du végétal

10 517 935

15,5 %

ACTA

réseau des instituts techniques agricoles

6 064 905

8,9 %

IFV

Institut français de la vigne

6 007 085

8,8 %

CTIFL

Centre technique inter professionnel des fruits et légumes

4 590 695

6,8 %

IFIP

Institut français des industries du porc

4 404 334

6,5 %

ITAB

Institut technique de l'agriculture biologique

1 744 788

2,6 %

ITAVI

Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole

1 714 295

2,5 %

Terres Innovia

Institut technique des oléo-protéagineux et du chanvre

1 574 712

2,3 %

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le ministère de l'agriculture indique procéder à des évaluations des actions financées par le truchement du compte mais cette évaluation paraît orientée plutôt vers un contrôle de conformité que vers une évaluation des impacts seule à même de fonder une appréciation de la valeur ajoutée des financements publics.

Il est vrai que les résultats des contrôles, dont une synthèse a été communiquée aux rapporteurs spéciaux, invitent à renforcer la gouvernance des utilisations des crédits versés aux organismes, mais aussi à améliorer les moyens mis en oeuvre pour que les actions financées s'inscrivent plus efficacement dans les objectifs poursuivis, en particulier, la valorisation des résultats obtenus.

Cette lacune doit être corrigée , objectif fixé par les rapporteurs spéciaux d'autant plus aisément atteignable que le ministère de l'agriculture publie un compte rendu d'activité du CASDAR riche en informations sur les programmes soutenus mais qu'il conviendrait de compléter par l'adoption d'une démarche évaluative.

Les rapporteurs spéciaux relèvent avec satisfaction l'orientation consistant à développer des « projets pilotes régionaux » faisant intervenir les partenaires de terrain et pouvant favoriser, de ce fait, un effet de levier susceptible de démultiplier les moyens consacrés à chaque projet. Cette évolution correspond par ailleurs à l'esprit même des interventions financées par le programme qui portent notamment sur la diffusion de bonnes pratiques à partir de pilotes.

Il restera à vérifier que l'émergence d'une matrice régionale débouchera effectivement sur un renforcement des ressources et qu'elle aboutira à la préservation des équilibres locaux d'intervention du CAS-DAR .

Enfin, l'on peut se féliciter que les résultats des actions de recherche et d'innovation soient plus systématiquement accessibles sur des plateformes numériques.

D'un point de vue plus strictement financier, on relèvera que les réfactions apportées après vérification des projets sont d'un niveau relativement modéré (1,8 million d'euros en 2019 de désengagement d'engagement antérieurs).

3. Le CAS-DAR et l'agriculture biologique, un mariage à mieux consommer

Le développement de l'agriculture biologique conduit logiquement les exploitants concernés à contribuer de plus en plus aux recettes du CAS.

Cependant, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ne dispose pas d'estimations relatives à la part des recettes du CAS assise sur le chiffre d'affaires de la production biologique.

Il faut à ce propos regretter que l'Agence bio qui informe sur les succès de l'agriculture biologique et la progression du chiffre d'affaires final correspondante (11,9 milliards d'euros au total en 2019 contre 9,7 milliards d'euros en 2018) ne donne pas d'indication quant au chiffre d'affaires résultant du passage au bio pour les exploitants agricoles.

Sans céder à une étroite logique du juste retour, il serait intéressant de mesurer la contribution assise sur ce chiffre d'affaires pour apprécier l'effort comparatif consacré dans le cadre du CAS-DAR à l'agriculture biologique.

Interrogé sur ce dernier point, le ministère a fait valoir que, pour ce qui concerne les dépenses du compte, l'agriculture biologique aurait bénéficié d'engagements à hauteur de 10,5 millions d'euros, soit 7,6 % des engagements de l'ensemble des deux programmes en 2019.

C'est moins que ce qui avait été indiqué l'an dernier alors que le chiffre d'affaires de l'agriculture biologique est supposé avoir nettement progressé.

Sur le programme 775 , l'agriculture biologique et ses filières aurait été soutenues principalement via les programmes régionaux de développement agricole et rural (PRDAR) coordonnés par les chambres régionales d'agriculture et par les programmes annuels des organismes nationaux à vocation agricole et rural (ONVAR).

L'appel à projets « Animation des groupements d'intérêts économique et environnemental (GIEE) » appuie des collectifs d'agriculteurs en transition écologique dont certains sont en agriculture biologique ou se convertissent à l'agriculture biologique.

L'appel à projet « Animation régionale des partenariats pour l'innovation et le développement agricole (ARPIDA) » renforce la multi-performance des exploitations agricoles dans le cadre de projets multipartenaires associant certains organismes promouvant l'agriculture biologique (GAB, GRAB).

En 2019 , cela a représenté un montant de 4,575 millions d'euros (soit 6,8% du total des engagements du programme 775) , répartis de la façon suivante :

- un total de 2,5 millions d'euros pour les programmes régionaux de développement agricole et rural (PRDAR) mis en oeuvre par les chambres d'agriculture ;

- un total de 1,2 million d'euros pour les programmes annuels des ONVAR, dont 700 000 euros pour le programme annuel de la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) ;

- un total de 500 000 euros pour l'appel à projets « Animation des GIEE » ;

- un total de 375 000 euros dans le cadre des appels à projets « ARPIDA » et « REFLEX ».

Sur le programme 776, l'agriculture biologique a été soutenue via les programmes annuels des instituts techniques agricoles (ITA) et une action thématique transversale dédiée coordonnée par l'ACTA et via des projets lauréats d'appels à projets.

En 2019, cela a représenté un montant d'engagements de 5,96 millions d'euros (soit 8,2% du total des engagements du programme 776), répartis de la façon suivante :

- un total de 3 685 925 euros d'autorisations d'engagement pour les programmes annuels et l'action thématique transversale commune aux différents ITA, dont 1 024 952 euros pour le programme annuel de l'institut technique de l'agriculture biologique (ITAB) et 696 115 euros pour l'action thématique transversale consacrée à l'agriculture biologique.

- un total de 2 278 252 euros d'autorisations d'engagement pour soutenir des projets consacrés à l'agriculture biologique, lauréats de différents appels à projets dont :

- l'appel à projets de développement agricole et rural « d'innovation et de partenariat ». Cet appel à projets vise à mobiliser les acteurs du développement agricole et rural sur des actions de recherche appliquée et d'innovation permettant d'apporter des résultats ou des outils rapidement transférables vers le développement et la production agricole. En 2019, 3 projets portant sur l'agriculture biologique ont été lauréats pour un montant total de subvention de 1 467 790 euros (un projet porté par l'ACTA, un projet porté par l'IDELE, un projet porté par la FNAB). En 2020, 3 projets ont été désignés lauréats pour un montant total de subvention de 1 370 965 euros (un porté par l'institut de l'élevage (IDELE), un par l'ARVALIS et un par la CRA PACA) ;

- l'appel à projets "L'enseignement agricole au service des transitions agro-écologiques" TAE+ vise à mobiliser les établissements d'enseignement agricole, avec pour objectif la mise en place et la diffusion d'innovations contribuant à améliorer significativement et collectivement le développement d'une agriculture agro-écologique et multi-performante du point de vue économique, environnemental, sanitaire et social, en lien direct avec les autres acteurs du développement agricole et rural. Il contribue à la mise en oeuvre du plan « Enseigner à produire autrement pour les transitions et l'agro-écologie » (EPA2). En 2019, 2 projets portant sur l'agriculture biologique ont été sélectionnés pour un montant total de subvention de 80 000 euros. En 2020, 1 projet a été désigné lauréat pour un montant de subvention de 59 992 euros;

- l'appel à projets « expérimentation, méthode et outils ». Cet appel à projets confié à FranceAgrimer vise à renforcer l'efficacité économique des filières en contribuant à la mise en place d'une politique de développement durable en appui au projet agro-écologique pour la France. En 2019, 5 projets ont été désignés lauréats pour un montant de 541 181 euros (quatre projets portés par des stations expérimentales et un par une fédération régionale des agriculteurs biologiques). En 2020, 5 projets ont été désignés lauréats pour un montant de subvention total de 1 018 241 euros (deux projets portés par IFV, un par Terres Inovia et deux par des stations expérimentales) ;

- l'appel à projets « semences et sélection végétales » vise à concevoir des variétés et des espèces, et les systèmes de création et d'évaluation afférents, pour les transitions agricoles et alimentaires. Les projets doivent contribuer à la transition des systèmes agricoles vers l'agro-écologie ou vers l'agriculture biologique. En 2019, 1 projet portant sur l'aide à la sélection de variétés de blé dur résistantes aux maladies pour l'agriculture conventionnelle et l'agriculture biologique a été sélectionné pour un montant total de subvention de 189 281 euros.

Les estimations fournies peinent parfois à convaincre dans la mesure où certains financements cités comme ressortissant des aides à l'agriculture biologique ne le sont que parce que cette dernière n'est pas entièrement étrangère aux bénéficiaires.

En outre, les soutiens unitaires ressortent relativement modestes une fois prise en compte la grande diversité des thématiques abordées, le soutien spécifique à l'ITAB qui assure des projets transversaux étant très modeste.

Au demeurant, l'ITAB a connu ces dernières années des difficultés qui l'ont conduit à être placé en redressement judiciaire. Les engagements pris par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation dans le cadre du plan de sortie de cette procédure méritent d'être suivis avec la plus grande attention.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Au cours de l'examen des crédits de la mission par l'Assemblée nationale, celle-ci a adopté quatre amendements de crédits (dont deux identiques) :

- à l'initiative du Gouvernement un amendement majorant de 2 millions d'euros les crédits du programme 206 afin de financer le dévelopement de la plateforme de traitement des certificats sanitaire à l'exportation Expadon 2 afin de combler le déficit de financement créé par la suppression de la taxe prélevée sur les demandes de certficat en première partie du projet de loi de finances ;

- à l'initiative de Mme Anne-Laure Cattelot, un amendement tendant à majorer de 3,7 millions d'euros les crédits du programme 149 afin d'effacer les impacts des schémas d'emplois appliqués à quatre opérateurs de la mission, dont, en particulier, l'ONF le Gouvernement et la commission des finances ayant demandé le retrait de cet amendement ;

- à l'initiative de M. Dominique Potier et de M. Hervé Pellois, deux amendements identiques visant à augmenter les moyens du programme 206 par abondement de 450 000 euros du programme Ecophyto 2 destiné à financer les fermes Dephy, amendement soutenu par la commission et ayant reçu un avis de sagesse du Gouvernement .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 17 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Vincent Segouin et Patrice Joly, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant le rapport de nos collègues Vincent Segouin et Patrice Joly sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (Aafar) ainsi que sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CAS-DAR).

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - Permettez-moi de citer en introduction les propos du ministre de l'agriculture et de l'alimentation : le budget ne guide pas la politique, mais c'est la politique qui guide le budget. Comme nous n'avons pas pu auditionner le ministre avant de présenter notre rapport, nous n'avons pas de vision claire de la politique qui sera conduite. Pourtant, nous aurions besoin d'orientations sur le sujet, le budget de la mission pour 2021 n'étant guère rassurant.

Je rapporterai sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture », mon collègue Patrice Joly interviendra plus particulièrement sur les crédits relatifs à la forêt et à la pêche, ainsi que sur le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » et le CAS « Développement agricole et rural ».

Au titre de la politique agricole commune (PAC), 9,5 milliards d'euros sont versés par l'Europe. La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », qui regroupe les programmes 149 et 206 précités ainsi que le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », a un budget quasiment stable, à hauteur de quelque 3 milliards d'euros, tandis que le CAS-DAR se voit doter de 126 millions d'euros, à destination notamment des chambres d'agriculture. Le plan de relance, qui prévoit des crédits à hauteur de 1,124 milliard au titre des autorisations d'engagement (AE) et de 390 millions au titre des crédits de paiement (CP), met l'accent sur la production végétale, le bien-être animal ainsi que le développement des protéines végétales, un sujet qui nous tient à coeur mais qui demande certainement d'autres initiatives que ce qui est proposé !

La Ferme France connaît une baisse de ses volumes de production. Cette situation tient notamment à la transition écologique. Hors subventions - la moyenne des subventions est de 29 185 euros par exploitation -, la moitié des exploitations agricoles dégage un revenu courant avant impôt négatif. Le nombre d'exploitations est en baisse, de même que les emplois tant pour les chefs d'exploitation, les salariés que les conjoints.

Les concours publics à l'agriculture toutes aides confondues s'élèveraient à 22,1 milliards d'euros en 2021 : 9,5 milliards au titre de la PAC ; 5,3 milliards versés par l'État ; 5,3 milliards au titre des allégements de charges sociales et fiscales et 1,8 milliard d'exonérations fiscales dont la principale partie sur le gazole non routier (GNR).

Le programme 149 enregistre une baisse de 87  millions d'euros en autorisations d'engagement mais en réalité de près de 130 millions d'euros des crédits d'intervention qui sont au coeur de notre politique agricole et rurale. Or la conjoncture actuelle est plus que difficile, et les besoins alimentaires sont de plus en plus élevés au niveau mondial. Les difficultés liées à la crise de la covid dégradent profondément certaines filières, comme l'horticulture, la production de pommes de terre, etc.

On veut de l'agriculture de qualité, de proximité en recréant un lien social, mais cela demande des salariés et les coûts salariaux sont un obstacle majeur à la réussite de cet objectif. On souhaite développer le bio à hauteur de 15 % de la surface agricole utilisée (SAU), mais la France ne s'en donne pas les moyens. Des engagements avaient été pris par l'État quant au soutien d'installations de méthaniseurs, de l'industrie agroalimentaire, de la filière bois, des entreprises éligibles à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), de la filière sucre. Ils attendent leur concrétisation.

Nous avons relevé des queues de budget opaques, notamment concernant les dépenses imprévisibles : la budgétisation de la provision pour « dépenses imprévisibles » passe de 300 millions d'euros en 2018 à 190 millions d'euros en 2021, alors que les aléas augmentent, que les dégâts liés à la sécheresse 2019 n'ont pas encore été pris en charge, sans compter ceux de 2020.

Au total, ce budget manque de lisibilité et de cohérence avec les annonces de l'exécutif.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - Cette mission est complexe au regard notamment de l'absence de transparence et de transversalité sur l'ensemble des thématiques.

Les crédits dédiés à la pêche sont à peu près constants. Ils s'ajoutent aux crédits européens du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp), dont l'objet est de développer la pratique durable et la diversification des activités de pêche. Les risques liés au Brexit n'ont pas été pris en compte pour accompagner les pêcheurs, qui sont susceptibles d'en subir les préjudices, du moins ne sont-ils pas pris en compte dans le budget de la mission.

La forêt constitue un véritable enjeu en termes de surface, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, notamment de captation du carbone. Les filières aval sont très fragiles et peinent à trouver leur équilibre économique d'année en année.

Les enjeux sont également importants sur le plan sanitaire : la sécheresse fragilise l'ensemble des essences, qu'il s'agisse de parasites ou de dégradation liée au phénomène hydrique.

Le budget global dédié à la forêt n'est pas consolidé, avec une enveloppe globale qui pourrait être de l'ordre de 900 millions d'euros, dont 251,8 millions de crédits de paiement prévus dans le programme 149 de la mission. Cela équivaut à une augmentation de 5,5 millions d'euros, dont 2 millions à destination de l'Office national des forêts (ONF). La dotation dédiée à l'ONF vise à apporter une réponse à une situation difficile depuis plusieurs années. Le contrat d'objectifs et de performance (COP), qui arrive à son terme, est en cours de négociation.

Une partie des difficultés rencontrées par l'ONF concerne les charges liées aux retraites : il supporte les contributions employeurs appliquées pour les fonctionnaires civils de l'État. Pour équilibrer ses comptes, il s'endette à hauteur de 450 millions d'euros. Certes, cette somme peut apparaître modérée au regard de l'actif dont il dispose, mais son activité ne lui permet pas d'y faire face.

La productivité de cet organisme pose régulièrement question. Pour maintenir le niveau d'effectifs prévu dans le COP, l'ONF a recouru à des contractuels. Pour 2021, il devrait subir la perte de 95 équivalents temps plein (ETP).

Ajoutons les 82 millions d'euros de crédits de paiement prévus par le plan de relance, mais on n'en connaît pas les déclinaisons, sauf à très grands traits.

Nous avons peu d'évaluations sur la mise en oeuvre des avantages fiscaux, alors que les enjeux sont importants pour le développement des activités.

Sur le plan de la maîtrise des risques sanitaires, le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » connaît une hausse de ses crédits à hauteur de 30 millions d'euros, ce qui représente, pour un budget de 600 millions, une augmentation de 5 %. Ces crédits sont notamment consacrés au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de ses agents de terrain et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). La hausse attendue est principalement due à un alourdissement des charges d'indemnisation des exploitants frappés par des calamités sanitaires ainsi que des dépenses de personnels supplémentaires dans la perspective du Brexit. Ce programme n'enregistre donc pas de moyens opérationnels supplémentaires alors que de nouveaux sujets font l'objet d'attention, tels que le bien-être animal ou encore la question des produits phyto-sanitaires, avec la réduction de la consommation d'intrants.

Concernant l'engagement de sortie du glyphosate en 2023, nous ne disposons d'aucune évaluation nous permettant de nous assurer que les objectifs pourront être atteints. Les volumes d'utilisation de cette substance commercialisée chaque année ne sont pas mentionnés. L'Anses est chargée de l'accompagnement de cette sortie. L'appel à projets qu'elle a lancé pour apprécier la connaissance de la toxicité de cette substance est en cours, mais l'organisme retenu s'est rétracté. Se pose aussi, dans le même temps, la question de l'accompagnement des exploitations : il semblerait que la disparition de cette substance soit de nature à réduire les rendements et donc à fragiliser leur économie.

S'agissant du financement de plateformes numériques gérant les certificats sanitaires d'exportation, la suppression d'une taxe en première partie du projet de loi de finances a entraîné une ouverture de crédits à hauteur de 2 millions d'euros.

Enfin, les crédits du CAS-DAR seront réduits de 10 millions d'euros. Ce compte est financé par une taxe spécifique sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dont le rendement serait de 136 millions d'euros en 2020. Au regard de l'évolution du chiffre d'affaires, l'apport de cette taxe devrait diminuer de 10 millions d'euros, entraînant une réduction équivalente des crédits ouverts.

Le CAS-DAR est excédentaire depuis des années ; le montant cumulé de l'excédent s'élève à 80 millions d'euros. Aussi, un abondement des crédits ne met pas en péril la structure de financement d'un compte qui alimente la recherche et favorise la diffusion des innovations notamment en matière d'agriculture biologique ou d'alternatives à certains types de production. Néanmoins, cette diminution de 10 millions d'euros des crédits est un sujet de crispation pour certaines organisations professionnelles et acteurs de la recherche qui, au regard des objectifs fixés, ont l'impression que le budget n'est pas à la hauteur des enjeux.

D'une manière plus générale, sur l'ensemble de cette mission, on observe une gestion un peu au fil de l'eau. On constate que les crédits dédiés à l'installation des agriculteurs ne sont pas consommés.

Or, la politique, c'est non pas seulement constater, mais se donner les moyens, notamment humains, pour atteindre les objectifs.

Pour conclure, à partir de l'ensemble des éléments dont nous disposons, je propose donc de rejeter ce budget.

M. Claude Raynal , président . - Nous accueillons Laurent Duplomb, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Ce budget m'a véritablement questionné. D'habitude, je n'hésite pas à exprimer un avis négatif, mais, cette fois, je suis partagé.

Je relève plusieurs éléments positifs par rapport aux années précédentes. Le premier, c'est la pérennisation pour deux ans - le Sénat l'a pérennisé au-delà des deux ans - du dispositif TO-DE, que nous avons sauvé, il y a deux ans, au Sénat.

Je me félicite également des efforts déployés par l'agence de services et de paiement afin de retrouver une capacité à aider les agriculteurs en temps et en heure ; aujourd'hui, cette agence n'accuse pas de retard. S'agissant des apurements, ils sont nettement inférieurs à ce que nous avons connu dans les budgets précédents.

Autre élément positif : l'exonération sur le gazole non routier (GNR) qui, de surcroît, entraînera une simplification administrative.

Par ailleurs, je retiens le maintien - pour une fois ! - des budgets des chambres d'agriculture.

Enfin, le cinquième et dernier élément positif - reste à savoir s'il survivra aux annonces - concerne le plan de relance agricole, avec un budget de l'ordre de 1,2 milliard d'euros, soit 1 milliard d'euros pour l'agriculture et 200 millions d'euros pour la forêt. Dans le budget dédié à l'agriculture, 465 millions d'euros sont prévus pour soutenir trois efforts que j'avais appelés de mes voeux : l'aide à l'investissement concernant l'agroéquipement, qui permettra à mon sens de répondre à la diminution des produits phytosanitaires ; le bien-être animal, plus particulièrement dans les abattoirs ; et, enfin, les risques climatiques, car nous ne pouvons pas continuer de constater l'augmentation de ces risques sans jamais y apporter de réponses.

Dans ce budget ressortent également des éléments négatifs qui sont loin d'être anodins. Les points nous ayant fait basculer du côté du rejet des crédits de la mission sont de trois ordres - je salue à cet égard le travail réalisé par les rapporteurs spéciaux.

Le premier, c'est la diminution - ou la spoliation - de 10 millions d'euros du CAS-DAR dans le budget de l'État, alors que jamais, dans notre pays, les injonctions sociétales n'ont été aussi fortes pour favoriser la recherche et trouver des solutions palliatives, soit à la diminution des produits phytosanitaires, soit à leur interdiction. Pour rappel, le CAS-DAR a trois grandes vertus : il s'agit d'un financement purement agricole, payé dans sa totalité par les agriculteurs ; son principe est mutualiste, c'est-à-dire que les filières les plus riches cotisent pour que les filières les plus pauvres puissent en bénéficier ; enfin, il est financé à 80 % par les subventions européennes, d'où un effet de levier non négligeable.

Le deuxième élément a trait au manque de réalisme du ministre de l'agriculture - ou du moins, de son prédécesseur - et, surtout, la différence entre les promesses et les actes. Didier Guillaume avait beaucoup promis, il a peu fait. Sur les aides liées à la pandémie, j'ai des exemples précis en tête, sans parti pris politique, qui s'appuient sur des faits objectifs.

Je pense, notamment, à la situation de l'horticulture. Le ministre avait promis 25 millions d'euros ; pas un centime n'a été versé à ce jour. De son côté, notre premier concurrent - les Pays-Bas - avait promis 600 millions d'euros pour l'horticulture, et 150 millions d'euros ont été versés à leurs entreprises. Naturellement, je vous laisse supposer les résultats à la fin de l'année et l'écart de compétitivité qui risque de se créer pour les années futures.

Autre exemple : la pomme de terre. En France, 450 millions de tonnes de pommes de terre ont été jetés ou méthanisés lors du premier confinement. L'aide promise s'établissait à 50 euros la tonne, soit 20 millions d'euros ; elle s'est traduite ensuite par une promesse du ministre s'élevant à 10 millions d'euros qui, dans la réalité, sont devenus 4 millions d'euros.

On ne peut pas accepter de voter un budget quand on sait que les promesses ne sont pas tenues.

Dernier élément décisif dans ma réflexion, le nouveau ministre a annoncé dernièrement, dans la loi sur les néonicotinoïdes ou à l'occasion de certaines interventions, qu'il était prêt à financer à hauteur de 7 millions d'euros la transition concernant le glyphosate. Pour la même somme, il s'engageait également à financer la transition et la recherche concernant les betteraves. Pour rappel, nous avons voté une loi dérogatoire pour la réintroduction des néonicotinoïdes jusqu'en 2023. Ces 14 millions d'euros, nous avons beau les chercher dans le budget, nous ne les trouvons pas. Là encore, les actes ne suivent pas les promesses.

Je me rallierai donc à la position des deux rapporteurs de la commission des finances pour rejeter les budgets de la mission et du CAS-DAR.

M. Claude Raynal , président . - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du rapporteur général, Jean-François Husson, qui prépare la réunion de la commission mixte paritaire sur le quatrième projet de loi de finances rectificative et nous rejoindra plus tard.

M. Antoine Lefèvre . - La Cour des comptes vient de publier un référé concernant l'artificialisation des sols. Dans cette affaire, le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) est quelque peu détourné, ce qui empêche les pouvoirs publics d'avoir une bonne connaissance des structures souhaitables pour nos exploitations ; c'est toute la problématique de l'accaparement, évoquée par nos deux rapporteurs. Ont-ils, à la suite de la publication de ce référé, connaissance d'une réforme des Safer ?

La situation de l'ONF est effectivement critique depuis maintenant plusieurs années. Sans doute faut-il davantage encourager la gestion durable de nos forêts. Dans la mesure où 75 % de la surface forestière de notre pays sont détenus par la forêt privée, il est important de rappeler le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI). Avez-vous des précisions sur la reconduction de ce dispositif ?

M. Jérôme Bascher . - Les remarques de Patrice Joly concernant l'ONF ne laissent pas de m'étonner. Cet organisme, qui gère les forêts publiques par le droit, est structurellement déficitaire, alors que, pour la forêt privée, la Société Forestière, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), est bénéficiaire. Au regard de la loi qui impose au domaine public d'être géré par l'ONF, le modèle me semble poser question. Quelles sont les missions de l'ONF ? De même, quelles sont les missions du ministère ? On dit que le ministère de l'agriculture compte plus de fonctionnaires qu'il n'y a d'agriculteurs ; ce n'est pas vrai, évidemment, mais une réforme du ministère et des agences n'est-elle pas envisageable ?

Enfin, avec la covid-19, on a constaté l'impréparation du ministère chargé de la santé. Aujourd'hui, nous sommes à nouveau, dans le domaine de l'élevage, en crise sanitaire. Le ministère est-il, cette fois, mieux armé ?

M. Marc Laménie . - Je félicite les rapporteurs spéciaux pour leur rapport, qui est dense. Au niveau du fonctionnement de l'administration, il existait autrefois les directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) ; désormais, il y a les directions départementales des territoires (DDT). Vous avez évoqué également la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE). Pouvez-vous m'éclairer sur la répartition des moyens humains entre l'administration centrale et nos départements ?

Dans le rapport, sont cités un certain nombre d'agences ou d'opérateurs de l'État. Avons-nous une idée de ce que cela représente sur le terrain ?

Le nombre des agriculteurs diminue malheureusement, alors qu'ils ont pourtant un rôle important.

S'agissant de la filière bois - que l'on dit peu mise en valeur - quelles sont les perspectives d'évolution ?

Enfin, concernant l'enseignement agricole, les lycées agricoles ont un rôle important à jouer. Des jeunes sont réellement intéressés et passionnés : les moyens consacrés sont-ils à la hauteur ?

M. Stéphane Sautarel . - Sur le volet agricole, on observe la baisse des dotations au titre de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Pourrais-je avoir des précisions, car il s'agit d'un levier essentiel de financement sur nos territoires ruraux de montagne ?

Les moyens consacrés à l'installation diminuent en même temps que le nombre d'agriculteurs. Je voudrais savoir si des mesures spécifiques sont prévues pour les installations hors cadre familial, qui représentent aujourd'hui une alternative à l'installation et ne bénéficient pas d'un soutien à la hauteur des enjeux.

J'aurais également une question liée à la question sanitaire et au risque de zoonoses. Les moyens et la reconnaissance de notre réseau de laboratoires publics sont-ils à la hauteur ?

Enfin, concernant l'ONF, on peut bien sûr s'inquiéter de ses moyens, de sa performance. Peut-être faute de moyens, dans les négociations pour accompagner les communes dans la valorisation des bois notamment, les conditions d'intervention posent aujourd'hui une vraie difficulté. Avez-vous des informations sur ce volet particulier ?

M. Sébastien Meurant . - Avez-vous pu échanger sur les traités internationaux ? Dans le rapport est mentionné le souhait de maintenir un commerce international « ouvert, transparent et prévisible » ; j'aimerais en savoir davantage.

Pour la première fois cette année, l'agriculture française est déficitaire par rapport à l'agriculture européenne. Le souhait de maintenir la migration à des périodes de récoltes est également précisé dans le rapport. Existe-t-il des dispositifs qui permettent de trouver de la main-d'oeuvre sur le territoire national - je pense aux personnes en recherche d'emploi ou qui bénéficient du revenu de solidarité active (RSA).

M. Claude Raynal , président . - Vous avez peu parlé de la PAC. Cela signifie-t-il que les problèmes sont résolus ?

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - L'année dernière, la Commission européenne avait prévu que le budget de la PAC baisse considérablement. En l'état des négociations européennes, on dit que le budget serait stabilisé. Cela donne le sentiment que les inquiétudes ont disparu, alors que beaucoup de sujets restent en discussion et que les moyens réservés à la PAC seront en fait réduits hors plan de relance européen.

Entre le premier et le deuxième pilier géré par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), quels nouveaux transferts faudra-t-il constater ?

Concernant le rôle détourné des Safer, on crée aujourd'hui des sociétés pour racheter des terres, et les Safer n'ont plus leur mot à dire. Le ministre doit préciser la manière dont il compte gérer le foncier à l'avenir. Cela pose de vrais problèmes, notamment pour ce qui concerne les agrandissements de surface.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - La question de la gestion du foncier est un enjeu majeur, en termes de production, de captation de carbone. Des nouveaux sujets sont en train d'émerger. Une loi avait été annoncée par le Gouvernement ; pour l'instant, nous n'avons pas d'échéance.

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - S'agissant de l'impréparation du ministère en cas de crise sanitaire, c'est un véritable sujet. Avec la crise porcine qui se profile, on n'anticipe pas assez sur la protection des exploitations, sur celle des filières. Il en va de même pour l'influenza aviaire. Pour les calamités agricoles, un fonds existe, qui est un peu la variable d'ajustement et qu'il faudrait réformer : doit-on faire de l'assurance ? De l'épargne de précaution ? Abonde-t-on ce fonds chaque année ? Sur ces questions, j'attends des réponses. La crise de la covid-19, nous pouvons la vivre dans le domaine de l'agriculture.

Pour répondre à Marc Laménie, l'Agence de services et de paiement (ASP) a fait beaucoup d'efforts en consommant beaucoup d'argent. Après avoir connu des affres dans la gestion des subventions, l'agence serait désormais plus à jour mais le poids des apurements reste élevé (79 millions d'euros pour 2020) et il existe des inquiétudes pour l'avenir compte tenu des conditions d'engagement de l'année 2020.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - Sur les moyens déconcentrés du ministère de l'agriculture, une baisse des effectifs est prévue pour 2021.

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - Oui, la baisse sera de 126 équivalents temps plein (ETPT).

Les installations hors cadre familial sont, en effet, comme l'a évoqué Stéphane Sautarel, un fort enjeu. Beaucoup de personnes sont prêtes à venir vers le monde de l'agriculture. Il faut les accompagner.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - La diminution de l'ICHN et celle de la dotation Jeunes agriculteurs (DJA) n'ont pas d'incidence sur le budget.

Concernant l'ICHN, la nouvelle modification de son périmètre avait entraîné une levée de boucliers. Le ministre avait alors décidé un accompagnement pendant quelques années supplémentaires, avant la disparition du dispositif. C'est chose faite aujourd'hui, avec la suppression des 2 millions d'euros restants. Il est en de même pour la DJA, avec la fin des prêts bonifiés.

Concernant le rôle des Safer, la réalité est simple : aujourd'hui, on leur a supprimé tous les moyens. Pour éviter de disparaître, elles sont devenues, dans la plupart des départements, des formes d'agences immobilières qui achètent des terrains et les revendent pour faire une plus-value. Donnons-leur les moyens d'acquérir des terrains, de les stocker et de les redonner aux agriculteurs qui le désirent.

Est-ce que le ministère est plus armé ? En 2010, l'excédent commercial de la France s'élevait à 12 milliards d'euros. Nous étions autosuffisants sur toutes les productions : viande bovine, volaille... On exportait notre richesse, le vin, les céréales, tous les produits de très haute qualité et les produits laitiers. En septembre 2020 - alors que nous ne cessons d'entendre tous ces discours d'enfants gâtés réclamant une alimentation toujours plus durable, plus locale... -, nous sommes à 3,98 milliards d'euros d'excédent, avec une estimation à un peu moins de 5 milliards d'euros à la fin de l'année. En dix ans, notre excédent a fondu. Ce que j'avais prédit en 2019, à savoir la fin de l'excédent commercial français, pourrait être constaté en 2023.

Est-ce que l'on accepte que la France ne soit plus autosuffisante demain pour se nourrir ? Au regard de notre dette, est-ce le moment de se dire que notre alimentation passera par l'achat à des pays extérieurs ?

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - D'autant que le ministre souhaite s'engager sur le fait que nous soyons autonomes d'un point de vue alimentaire.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - Quelle est la part, dans cette dégradation de la balance commerciale, des enjeux géopolitiques ? Je pense notamment à la taxation du vin par les États-Unis... Tous nos produits haut de gamme, qui sont de nature à créer des chiffres d'affaires importants, sont impactés par ces problématiques géopolitiques.

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - Pour ce qui concerne les traités internationaux, l'important est de connaître les objectifs et la vision pour notre agriculture de demain.

Enfin, concernant la main d'oeuvre, je crois que la migration est nécessaire. Je ne suis pas sûr que les Français veuillent faire les travaux qui sont proposés...

M. Claude Raynal , président . - Pendant la pandémie, le besoin de main-d'oeuvre étrangère a posé des difficultés importantes, au point d'ailleurs qu'un ministre a lancé un appel pour aller aux champs...

Sur la question des Safer, les villes - notamment par le biais des établissements publics fonciers (EPF) et, quelquefois, des EPF locaux - se sont saisies des questions que les Safer ne traitaient plus. Des préemptions de terrains ont été effectuées, avec accord de la Safer, mais portage financier par les établissements publics, ce qui est quand même assez curieux.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - Sur la question des crédits à l'installation non consommés, peut-être faudrait-il revoir les modalités d'attribution de ces aides. On doit adapter les accompagnements aux diversités de projets personnels et professionnels.

Concernant les DEFI, les allégements fiscaux ont fait l'objet d'un amendement à l'Assemblée nationale ; nous aurons donc à nous prononcer sur le sujet.

La structure de l'ONF, notamment en matière de personnel, n'est pas la même que celle de la filiale de la CDC. De plus, l'ONF a des missions de service public que n'a pas la Société Forestière. Cela dit, la question de la productivité de l'ONF se pose toujours. L'organisation est en grande difficulté, à la fois économique et sociale, alors que la gestion de la forêt est un enjeu majeur.

Pour répondre à Marc Laménie, l'enseignement agricole ne relève pas de notre mission.

Concernant le sujet des laboratoires, ils ont eu des difficultés, dans le cadre d'appels d'offres, à obtenir des marchés. Au regard des risques qui nous attendent, on déplore parfois des longs délais, du fait d'un maillage territorial aléatoire. Aujourd'hui, la restructuration des laboratoires départementaux est en train de s'achever ; cela donne des fermetures, des rachats par des groupes et aussi des groupements d'intérêt public (GIP) constitués par les départements pour mutualiser des moyens et, surtout, disposer d'une large gamme de prestations et de services.

M. Claude Raynal , président . - Nous devons passer au vote.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission, pas plus que ceux du compte d'affectation spéciale.

ANNEXES

ANNEXE 1. Mesures de crise prises au regard des prélèvements
sociaux dus par les entreprises agricoles

Afin de tenir compte de l'impact de l'épidémie de coronavirus sur l'activité économique, le Gouvernement a, depuis le mois de mars 2020, eu recours à des mesures de soutien exceptionnel visant à accompagner les entreprises présentant de sérieuses difficultés de trésorerie. Celles-ci se sont notamment traduites, sur le plan social, par la possibilité pour les entreprises de procéder à un report massif de leurs cotisations et contributions.

Dans la continuité de ces mesures d'urgence adoptées en plein coeur de la crise, la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 consacre de nouveaux dispositifs d'aide aux entreprises accessibles aux employeurs et travailleurs indépendants les plus affectés par la pandémie.

1. Des facultés de report des cotisations sociales largement ouvertes dans le cadre du plan gouvernemental de soutien aux entreprises

Conformément aux annonces du Président de la République le 12 mars 2020, les cotisants du régime agricole rencontrant des difficultés financières ont pu bénéficier de mars à juin de mesures exceptionnelles de report de leurs cotisations et contributions sociales. Les reports ainsi effectués ne donneront lieu à aucune majoration ni pénalité de retard d'aucune sorte.

Quatre instructions ministérielles des 3 avril 38 ( * ) , 4 mai 39 ( * ) , 5 juin 40 ( * ) et 2 juillet 2020 41 ( * ) ont précisé le champ d'application de ce dispositif et les conditions dans lesquelles celui-ci pouvait être opéré.

a) Le champ d'application du dispositif de report

Les employeurs et les non-salariés agricoles ont pu bénéficier d'un report du recouvrement de leurs cotisations et contributions sociales pour les échéances des mois de mars, avril, mai et juin.

Les prélèvements sociaux concernés par cette mesure de report sont les suivants :

Ø Pour les employeurs : les cotisations et contributions salariales et patronales dues au titre de la sécurité sociale, de la retraite complémentaire ou de l'assurance chômage ; les contributions patronales dues au titre du FNAL, du versement transport et de la contribution solidarité autonomie (CSA).

Ø Pour les non-salariés : l'ensemble des cotisations et contributions légales obligatoires ainsi que les cotisations conventionnelles pour lesquelles la mutualité sociale agricole (MSA) dispose d'une délégation en matière de recouvrement.

b) Les modalités de mise en oeuvre du report pour les professionnels agricoles

• Un report de cotisations devant être initié par les employeurs

Les instructions ministérielles des 3 avril et 4 mai ont posé le principe selon lequel, pour les employeurs de personnel salarié, aucun formalisme particulier n'était requis afin de bénéficier d'un report de cotisations, à l'exception des entreprises de plus de 5 000 salariés pour lesquelles une procédure spécifique a été mise en place 42 ( * ) .

Le Gouvernement souhaitant que celui-ci soit utilisé uniquement par les entreprises n'étant pas en mesure d'acquitter leurs cotisations sociales, le report n'a pas été opéré de manière automatique mais a dû être initié par le redevable.

Toutefois, les modalités précises de mise en oeuvre de ce dispositif n'ayant pu être définies dès le mois de mars au régime agricole, l'ensemble des paiements a été bloqué par la MSA au titre de cette échéance.

À compter du mois d'avril, les employeurs payant leurs cotisations sociales par prélèvement SEPA et souhaitant reporter tout ou partie de celles-ci ont pu choisir de déclarer un montant réduit ou égal à 0 au sein de leur déclaration sociale nominative. Ceux procédant habituellement au paiement de leurs cotisations par virement ont quant à eux été informés par leur caisse de MSA de la possibilité de procéder au report de celles-ci. Ces modalités ont été prolongées dans des conditions identiques au titre du mois de mai.

Le déconfinement progressif à partir du 11 mai et la reprise de l'activité économique à laquelle celui-ci a donné lieu ont conduit à adapter les règles de report définies pour les échéances de mars à mai.

Ainsi, au mois de juin, les employeurs agricoles souhaitant bénéficier d'un report de cotisations ont dû renseigner un formulaire ad hoc mis à disposition par leur caisse de MSA et justifier leur demande au regard de leurs difficultés en matière de trésorerie.

Les entreprises de plus de 1 000 salariés ont en principe été contactées par leur caisse de MSA qui, en cas de recours par l'entreprise au dispositif de report, a pu demander à celle-ci le paiement d'une partie des cotisations dues et tout particulièrement des cotisations salariales, voire refuser le bénéfice du report en l'absence de difficulté avérée.

Quelle que soit la taille de l'entreprise, les demandes de report ont en principe été acceptées sauf en présence d'un retour contraire de la MSA dans un délai de deux jours ouvrés.

• Un report d'office des cotisations des exploitants agricoles

Ø Pour les exploitants s'acquittant de leurs cotisations de manière fractionnée

Lorsque les exploitants agricoles n'optent pas pour le prélèvement mensuel de leurs cotisations, celles-ci font l'objet de plusieurs appels, dont la date et le montant sont définis par chaque caisse de MSA, le solde étant régularisé lors de l'appel annuel, calculé une fois les revenus perçus au cours de l'année précédente.

Dans le cadre du dispositif de report de cotisations, le paiement du premier appel fractionné, lorsque celui-ci n'a pas d'ores et déjà été acquitté en raison de sa date, a été reporté au 1 er juillet.

Le second appel fractionné a quant à lui été repositionné au second semestre selon un calendrier à redéfinir par chaque caisse, conformément à la réglementation.

Ø Pour les exploitants s'acquittant de leurs cotisations par prélèvements mensuels

Pour les exploitants agricoles s'acquittant de leurs cotisations par voie de prélèvement mensuel, un report d'office a été opéré pour les échéances des mois de mars à juin.

En application des modalités habituelles de report, les cotisations restant dues sont reportées par défaut sur les dernières échéances de l'année.

Ø Des échéanciers de paiement ouverts à l'ensemble des exploitants

Pour les exploitants payant leurs cotisations par voie d'appel comme pour ceux recourant au prélèvement mensuel, des échéanciers leurs seront proposés par leur caisse de MSA pour accompagner les soldes importants restant dus.

2. Des mesures exceptionnelles destinées aux professionnels relevant des secteurs les plus affectés par la crise sanitaire (secteurs 1, 1 bis et 2)

La loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 prévoit différentes mesures de soutien à destination des employeurs et des travailleurs indépendants affectés par la pandémie, dont la mise en oeuvre dépend notamment du secteur d'activité auquel l'entreprise appartient. Ces mesures sans précédent permettront particulièrement de répondre aux difficultés rencontrées par l'agriculture, secteur économique au coeur des préoccupations du Gouvernement.

a) Mesures en faveur des employeurs agricoles

• Mise en place d'une exonération totale des cotisations patronales

L'article 65 de la loi de finances rectificative institue une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale (maladie-maternité, invalidité, vieillesse, allocations familiales), du FNAL, de la CSA et de la contribution chômage acquittées ou reportées, restant dues après application de tout autre dispositif d'exonération et cumulable avec ceux-ci.

L'application de cette mesure dépend de la taille de l'entreprise et de son secteur d'activité (les activités relevant des secteurs 1 et 1bis sont définies respectivement aux annexes 1 et 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité) :

Ø Pour les employeurs de moins de deux cent cinquante salariés , une exonération totale de cotisations est prévue au titre des périodes d'activité comprise entre le 1 er février et le 31 mai 2020 lorsqu'ils exercent leur activité principale :

- Soit dans les secteurs prioritaires du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l'évènementiel ( dits « secteurs 1 » ). Sont ainsi notamment concernés les activités d'agrotourisme, de restauration à la ferme ou de centre équestre.

- Soit dans les secteurs dont l'activité dépend de celle des secteurs prioritaires sous réserve d'une très forte baisse de leur chiffre d'affaires ( dits « secteurs 1bis » ).

- À cet égard, un décret d'application de la loi de finances rectificative n° 2020-1103 du 1 er septembre 2020 précise que cette baisse doit être d'au moins 80 % pour la période comprise entre le 15 mars et le 15 mai 2020 par rapport à la même période de l'année précédente ou par rapport au chiffre d'affaires (CA) mensuel moyen de l'année 2019 ramené sur 2 mois. Afin de tenir compte de la saisonnalité importante de certaines activités, notamment agricoles, le décret prévoit également que la condition liée à la perte du chiffre d'affaires sera remplie lorsque la baisse constatée pour la période comprise entre le 15 mars et le 15 mai 2020 par rapport à la même période de l'année précédente (ou par rapport au CA mensuel de 2019 ramené sur 2 mois) représentera au moins 30 % du chiffre d'affaires de l'année 2019.

Ø Pour les employeurs de moins de dix salariés , une exonération totale de cotisations est prévue au titre des périodes d'activité comprise entre le 1 er février et le 30 avril 2020 lorsqu'ils exercent leur activité principale dans des secteurs d'activité non mentionnés supra ( dits « secteurs 2 » ) et dont l'activité implique l'accueil du public et a fait l'objet d'une fermeture administrative.

• Aide au paiement des cotisations dues en 2020 pour les employeurs éligibles à l'exonération totale

Les employeurs bénéficiant d'une exonération totale de leurs cotisations et contributions sociales sur le fondement de l'article 65 de la loi de finances rectificative ont également droit à une aide au paiement égale à 20 % du montant des revenus sur lesquels les cotisations et contributions exonérées ont été calculées.

Celle-ci sera imputable sur l'ensemble des sommes dues à la MSA au titre de l'année 2020 après application de l'exonération totale précédemment mentionnée ou de toute autre mesure d'exonération ou de réduction de cotisations sociales applicable pour cette même année.

b) Mesures en faveur des non-salariés agricoles

Les non-salariés agricoles, au même titre que les travailleurs indépendants relevant du régime général, pourront bénéficier d'une réduction forfaitaire en fonction de leur secteur d'activité.

Ceux-ci pourront également choisir d'opter, le cas échéant, pour le calcul des cotisations et contributions dues en 2020 sur la base d'une assiette forfaitaire. Le bénéfice de ces mesures sera subordonné à une demande préalable formulée par l'exploitant au moyen d'un formulaire adressé à sa caisse de MSA au plus tard le 15 septembre 2020.

• Instauration d'une réduction forfaitaire des cotisations et contributions de sécurité sociale commune aux travailleurs indépendants

Les non-salariés agricoles visés à l'article L. 722-4 du code rural et de la pêche maritime (exploitants de la production agricole, entreprises de travaux forestiers...) relevant des secteurs 1, 1 bis et 2 pourront bénéficier d'une réduction forfaitaire de leurs cotisations et contributions sociales dues au titre de l'année 2020 d'un montant distinct selon leur secteur d'activité :

Ø Les non-salariés agricoles relevant des secteurs 1 et ceux relevant des secteurs 1bis (s'ils remplissent la condition mentionnée à l'article 2 du décret 2020-1103 du 1er septembre 2020 relative à la baisse de leur chiffre d'affaires) bénéficieront d'une réduction forfaitaire de 2 400 euros.

Ø Les non-salariés agricoles relevant des secteurs 2 bénéficieront quant à eux d'une réduction forfaitaire de 1 800 euros.

Cette réduction s'appliquera dans la limite des montants dus aux organismes de recouvrement, conformément à l'article 65 de la loi de finances rectificative.

• Possibilité réservée aux non-salariés agricoles d'opter pour l'assiette forfaitaire « nouvel installé » en 2020

La situation particulière des exploitants agricoles est prise en compte par l'article 65 de la loi de finances rectificative qui autorise à titre exceptionnel ces derniers à demander à ce que le calcul des cotisations dues en 2020 repose sur les revenus perçus en 2020, en lieu et place d'un calcul basé sur les revenus des années précédentes, sous réserve de justifier d'une perte de chiffres d'affaires entre le 15 mars et le 15 mai d'au moins 50 %.

Cette mesure doit permettre aux exploitants d'anticiper les effets de la baisse du revenu de l'année 2020 sur leurs prélèvements sociaux et se traduira par un ajustement à la baisse des cotisations sociales, au plus près de la réalité des revenus perçus en 2020.

Elle permettra ainsi aux exploitants de surmonter les difficultés de trésorerie liées à la perte de chiffre d'affaires de manière immédiate en 2020.

• Modalités de mise en oeuvre de la réduction forfaitaire et de l'option pour une assiette « nouvel installé »

Les mesures de réduction forfaitaire et d'option pour une assiette « nouvel installé » doivent en principe s'appliquer une fois les montants de cotisations définitifs connus 2020, soit au plus tard lors de l'émission définitive de cotisations réalisée en fin d'année 2020 43 ( * ) (appel définitif de cotisations émis généralement courant novembre).

Cependant, afin de permettre aux exploitants de surmonter les difficultés de trésorerie liées à la crise sanitaire et de faire face à la reprise des prélèvements par la CCMSA depuis le mois de juillet 44 ( * ) , le MAA a adressé le 13 août dernier une lettre à la CCMSA afin que les exploitants éligibles à la réduction forfaitaire ou à l'assiette « nouvel installé » puissent bénéficier de facilité de trésorerie dans l'attente de ces mesures.

Ainsi, lorsqu'ils auront opté pour l'un de ces dispositifs au plus tard le 15 septembre 2020, les exploitants estimant que le montant de leurs cotisations dues au titre de l'année 2020 est inférieur au montant de leur prochain appel provisionnel ou de leurs prochaines mensualités, pourront n'acquitter que la différence entre ces deux montants. En cas d'estimation erronée de ce montant différentiel, les caisses de MSA n'appliqueront pas de majorations et pénalités de retard.

Les exploitants ayant déjà réglé leur second appel provisionnel ou fait l'objet de prélèvements mensuels ont quant à eux la possibilité de demander le remboursement des sommes versées auprès de leur caisse de MSA.

c) Mesures communes aux employeurs et travailleurs indépendants

• La conclusion de plans d'apurement par les cotisants dans des conditions privilégiées

Les employeurs comme les travailleurs indépendants peuvent bénéficier de plans d'apurement de longue durée (étalement des dettes reportées jusqu'à 36 mois maximum et sans application de pénalité ou majoration de retard) pour les cotisations qui resteraient dues au 30 juin 2020 pour les premiers ou au 31 octobre 2020 pour les seconds.

Pour les entreprises de moins de 250 salariés comme pour les travailleurs indépendants, les plans seront directement proposés par la MSA, sans démarche de l'employeur. Quant aux autres entreprises, celles-ci pourront aussi demander à bénéficier d'un plan d'apurement. Dans tous les cas, les plans d'apurement devront être conclus au plus tard le 30 novembre 2020.

La conclusion de plans d'apurement pourra se cumuler, le cas échéant, avec l'exonération des cotisations et contributions patronales et l'aide au paiement pour les employeurs et avec la réduction forfaitaire ou l'assiette « nouvel installé » pour les travailleurs indépendants.

• La remise partielle de dettes pour les entreprises non éligibles aux mesures d'exonération ou de réduction de cotisations (« filet de sécurité »)

Les entreprises de moins de 250 salariés ne bénéficiant pas de l'exonération totale de cotisations (ni par conséquent de l'aide au paiement) et les travailleurs indépendants agricoles n'étant pas éligibles à la réduction forfaitaire pourront bénéficier d'une remise partielle de leurs cotisations sociales.

Cette mesure, désignée sous le nom de « filet de sécurité », s'adressera uniquement :

- aux entreprises hors secteur (ni 1, ni 1 bis, ni 2) ;

- et aux entreprises du secteur 1 bis ne justifiant pas d'une baisse suffisante de leur chiffre d'affaires entre le 15 mars et le 15 mai 2020, appréciée dans les conditions précédemment décrites.

Pour bénéficier du filet de sécurité, ces entreprises devront justifier d'une baisse minimale de leur chiffre d'affaires de 50 % sur la période du 1 er février au 31 mai 2020 par rapport à la même période de l'année précédente.

Pour les employeurs, le montant de cette remise ne pourra pas excéder 50 % du montant des cotisations dues au titre des périodes d'activité courant du 1 er février au 31 mai 2020.

Pour les travailleurs indépendants, le montant maximum de remise s'élèvera à 50 % du maximum du montant de réduction attribué au secteur 2, soit 900 euros.

Un décret viendra prochainement préciser les règles permettant de déterminer le taux précis de remise auquel les employeurs et travailleurs indépendants agricoles pourront prétendre.

Enfin, dans la mesure où la majeure partie des entreprises agricoles éligibles à ces dispositifs relève du secteur 1bis, aucune estimation des montants concernés par ces exonérations ne peut être réalisée à ce stade puisqu'il est impossible de savoir combien d'entre elles rempliront la condition relative à la perte de chiffre d'affaires demandée aux entreprises relevant de ce secteur pour bénéficier des exonérations en question.

ANNEXE N° 2. Situation sanitaire de la France au regard de certaines maladies animales

Les statuts vis-à-vis des maladies animales peuvent relever de différents régimes de reconnaissance internationale, en fonction des activités normatives de l'organisation mondiale de la santé animale (OIE) ou de l'Union européenne (l'UE) vis-à-vis de chaque maladie. Pour les maladies qui ne font pas l'objet d'un statut établi selon un protocole de qualification spécifique, c'est l'absence ou la présence de cas notifiés par chaque pays à l'occasion des rapports sanitaires semestriels à l'OIE, publiés sur le site internet de l'OIE, qui constituent la référence sanitaire internationale. Pour certaines maladies, cette auto-déclaration est généralement encadrée par les dispositions des codes sanitaires pour les animaux terrestres et aquatiques, ensembles des normes internationales de l'OIE qui précisent les conditions de recouvrement de statut indemne après la survenue d'un cas (temps minimum, type de surveillance ou de mesures à effectuer).

Le règlement (UE) 2016/429 du parlement européen et du conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (« législation sur la santé animale» (LSA)) définit à partir du 21 avril 2021 de nouvelles règles en catégorisant les maladies de manière différente. Cela aura un impact dont le périmètre n'est pas encore précisément connu ; un dialogue est en cours avec les professionnels.

Le tableau ci-après détaille les statuts des maladies soumises à qualification ou faisant l'objet d'un changement récent de statut.

La LSA identifie pour chaque maladie les mesures à appliquer, suivant les cinq catégories suivantes :

• Catégorie A : Maladie normalement absente de l'UE - Éradication immédiate ;

• Catégorie B : Maladie devant être contrôlée par tous les EM - Éradication obligatoire ;

• Catégorie C : Maladie soumise à contrôle volontaire des EM - Éradication volontaire ;

• Catégorie D : Maladie pour laquelle des restrictions aux mouvements entre EM s'appliquent ;

• Catégorie E : Maladie soumise à surveillance.

Ces cinq catégories fonctionnent par combinaison de mesures car plusieurs mesures peuvent s'appliquer pour une même maladie et une espèce animale soit des maladies listées en ADE, BDE, CDE, DE ou E .

Maladie
(production le cas échéant)

Situation sanitaire
(territoire le cas échéant)

Contexte du statut

Tuberculose bovine

Qualification officiellement indemne, maladie présente chez les bovins (et la faune sauvage), moins de 0,1 % de nouveau foyer chaque année

Maladie de catégorie B, reconnaissance du statut antérieur

Brucellose bovine

Qualification officiellement indemne, maladie absente chez les bovins

Maladie de catégorie B, reconnaissance du statut antérieur

Leucose bovine enzootique

Qualification officiellement indemne, maladie présente sporadiquement chez les bovins, sauf à la Réunion où elle est endémique

Maladie de catégorie C.

Le programme d'éradication actuellement en place et le statut indemne qui en résulte pour la France métropolitaine seront reconnus.

Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)

Statut à risque maîtrisé

Reconnaissance OIE, en mai 2016 à la suite de la perte du statut « risque négligeable » (acquis en mai 2015) en raison de la détection d'un cas d'ESB classique en mars 2016. Le statut ne pourra être rétabli qu'à partir de 2021 sauf évolution des normes internationales.

Fièvre catarrhale ovine ( tous les ruminants )

Statut infecté par les sérotypes 4 & 8 pour la France continentale, maladie présente

Statut infecté par les sérotype 1, 2, 4, 8, 16 pour la Corse, démonstration de l'absence de circulation en cours pour les sérotypes 2, 8 et 16. Présence du sérotype 4 depuis fin 2016.

Nombreux sérotypes circulant en DOM.

Perte du statut indemne pour la France continentale en septembre 2015 à la suite de la résurgence du sérotype 8 puis en janvier 2018 pour le sérotype 4.

La maladie sera de catégorie C pour laquelle les États membres de l'UE peuvent mettre en oeuvre un programme d'éradication pour une reconnaissance de statut. Par contre, le statut sera évalué pour les 27 sérotypes de la maladie et non sérotype par sérotype. Les professionnels ne souhaitent pas initier de programme d'éradication.

Cela pourra avoir des conséquences pour les mouvements d'animaux avec les autres États membres reconnus indemnes.

Rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR)

Absence de statut favorable, maladie présente et renforcement de la lutte à partir de fin 2016

La maladie sera de catégorie C, la France, à la demande des professionnels à dès à présent déposé une demande de reconnaissance du programme d'éradication et du statut indemne en prévision de l'entrée en application de la lois de santé animale.

Brucellose bovine des petits ruminants ( tous les ruminants )

Départements métropolitains officiellement indemnes (sauf Pyrénées Atlantiques en raison d'un programme de vaccination qui a été arrêté en 2016), maladie absente

Maladie de catégorie B, reconnaissance du statut antérieur sauf pour le département 64.

ce dernier pourra être reconnu dans un à deux ans lorsque les derniers animaux vaccinés seront réformés.

Fièvre aphteuse ( ruminants, porcins )

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Pleuropneumonie contagieuse bovine

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Rage (tous les mammifères)

Absence de rage des carnivores (forme autochtone), il y a eu un cas importé dans le département de la Charente Maritime en février 2020.

présence de rage des chiroptères

Auto-déclaration de statut indemne.

Récupération du statut indemne pour la France métropolitaine en août 2020 à la suite de l'importation illégale d'un chien contaminé.

Peste porcine classique

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Peste équine

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Peste des petits ruminants

Pays indemne

Reconnaissance d'un statut sanitaire défini par l'OIE

Maladie d'Aujezsky (porcins, occasionnellement autres mammifères)

Malgré des foyers dans des élevages en plein air, la France continentale est indemne dans le secteur de l'élevage de suidés, la maladie est présente dans la faune sauvage.

Maladie de catégorie C, reconnaissance du statut antérieur pour les départements de la France continentale et de La Réunion. Les départements corses ne sont pas indemnes.

Trichine (Porcins et équidés)

France non reconnue indemne malgré l'absence de cas en France continentale, néanmoins le processus de reconnaissance des mesures de contrôle en élevage est en cours pour alléger les contrôles

Varroa (abeilles)

France et Réunion non indemne, une demande de reconnaissance indemne est portée par l'île de Ouessant

Maladie de catégorie C, il n'y a pas de programme d'éradication par les professionnels à ce jour.

Influenza aviaire hautement et faiblement pathogène

Aucun foyer d'IAHP n'a été déclaré depuis juin 2017.

Un foyer d'IAFP a été déclaré dans un élevage de canard col-vert dans le département du Loir-et-Cher

Auto-déclaration de statut indemne pour l'ensemble du territoire national.

Maladie de Newcastle
(oiseaux)

France indemne, présence d'un virus pathogène dans la faune sauvage et chez les pigeons

Auto-déclaration indemne auprès de l'OIE depuis 2010

Septicémie hémorragique virale et nécrose hématopoïétique infectieuse ( poissons )

France non indemne, programme d'éradication sur 6 ans mis en oeuvre par compartiment.

L'UE prévoit une qualification pour le statut de ces deux maladies virales des poissons

Anémie infectieuse des salmonidés

France indemne, maladie absente

Maladie de catégorie C, reconnaissance du statut antérieur.

Fièvre de West Nile
(oiseaux sauvages et équidés)

France non indemne, plusieurs cas sont détectés en période estivale chez les équidés

La France a perdu son statut indemne en septembre 2015 et ne pourra s'auto-déclarer indemne auprès de l'OIE que deux ans après le dernier cas.


* 1 Des évolutions ont influé sur la mission au cours des cinq dernières années, processus qui se prolonge pour 2018. En premier lieu, on peut rappeler que la mission s'appelait jusqu'au projet de loi de finances 2013 « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Les crédits de la pêche qui avaient alors été transférés à la mission « Écologie, développement et aménagement durables », sont réintégrés cette année dans le périmètre de la mission sans que l'intitulé de la mission ne s'en trouve modifié. En second lieu, l'an dernier, les crédits de la forêt avaient été fondus avec ceux de la performance économique et environnementale des entreprises dans le programme 149. Pour mémoire, en 2016, le projet de loi de finances initiale proposait d'ouvrir 277,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 291,3 millions d'euros de crédits de paiement au titre du programme 149 alors consacré à la seule politique forestière.

* 2 Une baisse des volumes produits de 10 % sur les quatre productions végétales les plus sensibles à la sécheresse occasionne un manque à gagner de l'ordre de 2 milliards d'euros.

* 3 La valeur ajoutée au coût des facteurs intègre les subventions aux exploitations et s'obtient en retranchant les prélèvements obligatoires.

* 4 L'indicateur de revenu agricole retenu est le « résultat courant avant impôts (RCAI) par actif non salarié », construit à partir de la comptabilité. Il s'agit du résultat issu de l'activité de production de l'année après déduction de toutes les charges de l'entreprise. Cet indicateur mesure donc plus spécifiquement le résultat final de l'activité agricole. Ce résultat d'entreprise ne concerne que les actifs non-salariés des moyennes et grandes exploitations (68% des exploitations seulement). Si ces dernières sont économiquement significatives (elles représentant 93% de la SAU et 97% de la production brute standard, il ne faut pas négliger qu'un nombre considérable d'exploitations agricoles non appréhendées par l'indicateur doivent disposer de revenus encore plus faibles que ceux qu'il révèle.

* 5 Estimation du CNIV.

* 6 Voir l'annexe n° 1

* 7 Après avoir nettement diminué depuis les années 50 où la superficie agricole représentait 63 % du territoire (34,4 millions d'hectare). La superficie agricole est nettement plus vaste dans la partie nord-ouest du pays que dans les zones sud-est et de l'ïle-de-France.

* 8 Hors financement de l'enseignement agricole.

* 9 Hors forêt et pêche et aquaculture.

* 10 Hors éducation agricole.

* 11 Cette condition est entendue strictement puisque les versements effectués au titre du paiement vert du premier pilier de la PAC ne sont pas décomptés pour apprécier le plafond. Il n'empêche que le crédit d'impôt est soumis au règlement de minimis qui peut en atténuer l'attractivité pour certains agriculteurs.

* 12 Il s'agit de la totalité du plafond d'emplois de l'agence qui englobe des effectifs non spécifiquement agricoles.

* 13 Pour travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi.

* 14 Amendement n° II-1164 ; 2 novembre 2018.

* 15 Le ministère de l'agriculture avait indiqué souhaiter mobiliser une partie de la provision pour financer les actions de modernisation prévues dans le cadre du Grand plan d'investissement. Finalement, il a dû renoncer à cette intention.

* 16 Dépenses donc parfaitement prévues.

* 17 Les crédits destinés à la modernisation des exploitations peuvent être mis en regard de la consommation de capital fixe de la branche agricole qui s'élève à 10 milliards d'euros par an.

* 18 Une augmentation qui doit être appréciée en fonction du bouclage du financement des aides à l'agriculture biologique à partir d'une partie des crédits du premier pilier de la PAC dans le cadre du transfert de crédits déjà mentionné.

* 19 On peut se reporter à ce sujet au contrat d'objectifs et de performance de l'agence.

* 20 La taxe JA pour jeune agriculteur concerne le dispositif de dégrèvement de taxe foncière.

* 21 La part du MTES s'élevait à 2,7 millions d'euros pour 2018, ce qui correspond aux dépenses liées aux investissements en chiens de protection et clôtures, ainsi qu'au financement des analyses de vulnérabilité.

* 22 Le projet de loi de finances rectificative récemment déposé par le Gouvernement motive les 46,3 millions d'euros d'annulation proposés sur le programme 149 par la sous consommation des crédits de l'action.

* 23 Les crédits inscrits pour surmonter les dégâts dus à la tempête Klaus s'élevaient encore à plus de 40 millions d'euros en 2016 ; 10,6 millions d'euros étaient encore dotés en 2019.

* 24 Par ailleurs, le programme d'investissements dans les capacités de transformation énergétique des bois devra faire l'objet d'un suivi attentif ainsi que les approvisionnements en matière première qui devront éviter de creuser notre déficit commercial.

* 25 La subvention d'équilibre est fréquemment virtuelle, n'étant pas dépensée, malgré les besoins (voir infra).

* 26 Deux récents rapports « Une nouvelle stratégie pour l'Office national des forêts et les forêts françaises » de notre collègue Anne-Catherine Loisier (12 juin 2019) et un rapport de quatre corps d'inspection et d'évaluation (IGA, IGF, CGEDD et CGAAER) d'évaluation du contrat d'objectifs et de performance 2016-2020 de l'ONF (juillet 2019) sont venus conforter un impératif de renouvellement du cadre des missions de l'ONF.

* 27 Il s'agit en particulier d'exclure des recettes courantes la subvention pour charges de service public considérée comme une dotation en capital, choix de méthode qui peut être discuté.

* 28 Cette estimation a de quoi surprendre au vu des résultats nets de l'ONF, qui, cumulés sur les dix exercices de 2008 à 2018, ont dégagé un déficit limité de 5,7 millions d'euros. Il s'explique par les retraitements effectués par la mission qui a été conduite à considérer que la production immobilisée devait être exclue des produits ainsi que la subvention d'équilibre versée par l'État.

* 29 Comme l'avaient indiqué les précédents rapporteurs spéciaux dans leur rapport, « Faire de la filière forêt-bois un atout pour la France », n° 382 (2014-2015).

* 30 Rapport d'information n° 442 du 23 février 2017 d'Alain Houpert et Yannick Botrel, « Pour une politique de sécurité sanitaire des aliments zéro défaut », fait au nom de la commission des finances du Sénat.

* 31 Rapport d'information n° 403 du 5 avril 2018 de Sophie Primas et Alain Milon, « Après l'affaire Lactalis : mieux contrôler, informer et sanctionner », fait au nom de la commission des affaires économiques et des affaires sociales du Sénat.

* 32 Voir l'annexe n° 2 qui recense la situation de la France au regard des différentes maladies animales suivies par les instances internationales.

* 33 Au total, les transferts nets sortants atteignent 203 ETPT compte tenu de 10 ETPT entrants au titre des apprentis.

* 34 Les rapporteurs spéciaux avaient pu indiquer que les créations d'emplois pour 2019 semblaient inférieures aux emplois nécessaires de sorte qu'il convenait de s'attendre à ce que le volume des emplois exerce un effet à la hausse sur les charges de personnel du programme à brève échéance.

* 35 Le seuil pour garder ce statut correspond à un nombre de cas inférieur à 0,1 % du cheptel national, durant six années consécutives.

* 36 Il peut apparaître incongru de choisir deux indicateurs pour suivre une même problématique.

* 37 Sur la base du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) fixé par l'agence pour le développement agricole et rural (ADAR). Conformément à l'article R. 822-1 du code rural et de la pêche maritime, les actions relevant du PNDAR peuvent faire l'objet d'une subvention financée par le CAS-DAR.

* 38 Cf. Instruction DSS/SD/5-C n°D20-007268 du 3 avril 2020

* 39 Cf. Instruction DSS/SD/5-C n°D20-007711 du 4 mai 2020

* 40 Cf. Instruction DSS/SD/5-C n°D20- du 5 juin 2020

* 41 Cf. Instruction DSS/SD/5-C n°D20-012094 du 5 juin 2020

* 42 Cf. Instruction DSS/SD/5-C n°D20-007711 du 4 mai 2020, qui conditionne le report à un échange préalable avec l'organisme de recouvrement et à l'engagement de l'entreprise de ne pas verser de dividendes aux actionnaires en France ou à l'étranger (hors entités ayant l'obligation légale de distribuer une fraction au cours de l'année) et de ne pas procéder à des rachats d'actions au cours de l'année 2020.

* 43 Les cotisations prennent en compte les revenus professionnels perçus par les exploitants au cours de l'année N-1 (2019), lesquels sont transmis au plus tard le 31 octobre de l'année N (2020).

* 44 Les exploitants agricoles ont bénéficié de mi-mars à fin juin d'un report de leurs cotisations et contributions sociales.

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