Rapport n° 549 (2019-2020) de M. René-Paul SAVARY et Mme Cathy APOURCEAU-POLY , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 24 juin 2020

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SOMMAIRE

Pages

L'ESSENTIEL 5

A. UNE PROPOSITION DE LOI DE 2016, REJETÉE PAR LE SÉNAT EN 2018 À LA SUITE D'UN VOTE BLOQUÉ 5

1. Un texte visant principalement à garantir un montant minimal de retraite pour les exploitants agricoles 5

2. Un texte rejeté par le Sénat en première lecture 5

a) Une ambition d'adoption définitive dès la première lecture 5

b) Un vote bloqué du Gouvernement rejeté par le Sénat 6

B. DES ENJEUX TOUJOURS D'ACTUALITÉ 6

C. UN DISPOSITIF REMANIÉ, PRÊT À UNE APPLICATION DÈS 2021 7

1. Une pension minimale garantie à 85 % du SMIC pour les exploitants agricoles 7

2. Outre-mer, des avancées pour les exploitants et les salariés agricoles 7

3. Une inconnue persistante sur le financement du dispositif 8

EXAMEN DES ARTICLES 9

• Article 1 er Mise en place d'une garantie « 85 % du SMIC » 9

• Article 1 er bis Remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur l'évolution du montant de la garantie minimale de retraite agricole 12

• Article 2 (supprimé) Création d'une nouvelle contribution affectée au régime complémentaire obligatoire 12

• Article 3 Élargissement de l'accès à la garantie « 75 % du SMIC » outre-mer 12

• Article 4 Extension des régimes de retraite complémentaire aux salariés agricoles ultra-marins 14

• Article 5 (supprimé) Compensation financière des organismes de sécurité sociale 14

EXAMEN EN COMMISSION 17

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 23

LA LOI EN CONSTRUCTION 25

L'ESSENTIEL

La proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, portée par les députés M. André Chassaigne et Mme Huguette Bello, a été adoptée à l'unanimité en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 18 juin dernier.

La commission des affaires sociales s'est prononcée pour son adoption définitive par le Sénat.

A. UNE PROPOSITION DE LOI DE 2016, REJETÉE PAR LE SÉNAT EN 2018 À LA SUITE D'UN VOTE BLOQUÉ

1. Un texte visant principalement à garantir un montant minimal de retraite pour les exploitants agricoles

Déposée en 2016, la proposition de loi initiale comprenait 5 articles :

- l'article 1 er visait à garantir au 1 er janvier 2017 une pension égale à 85 % du SMIC pour les exploitants agricoles ;

- l'article 2 prévoyait la création d'une contribution nouvelle affectée au régime complémentaire ;

- l'article 3 visait à élargir l'accès à la pension garantie dans les départements outre-mer ;

- l'article 4 visait à étendre la retraite complémentaire des salariés agricoles outre-mer ;

- l'article 5 prévoyait un gage assis sur les droits à tabac.

2. Un texte rejeté par le Sénat en première lecture
a) Une ambition d'adoption définitive dès la première lecture

La proposition de loi avait été inscrite en 2018 sur un espace réservé du groupe communiste républicain et citoyen et écologique ; M. Dominique Watrin ayant alors été désigné rapporteur.

Pour l'analyse des enjeux de la proposition de loi et du dispositif issu de la première lecture on se réfèrera utilement au rapport de notre ancien collègue Dominique Watrin en 2018 1 ( * ) qui demeure d'actualité, la situation des retraites agricoles n'ayant malheureusement pas évolué favorablement depuis.

Aucun amendement n'avait été alors adopté en commission et l'intention du Sénat était celle d'une adoption conforme du texte.

b) Un vote bloqué du Gouvernement rejeté par le Sénat

Lors de son examen en séance publique, le Gouvernement avait déposé plusieurs amendements tendant à modifier le texte. Il avait ensuite choisi, en application de l'article 44, alinéa 3 de la Constitution, de faire voter le Sénat sur l'ensemble du texte modifié à son article 1 er . Le Sénat avait rejeté ce « vote bloqué » et, partant, la proposition de loi dans son ensemble.

B. DES ENJEUX TOUJOURS D'ACTUALITÉ

Les problématiques de revalorisation des petites retraites des non-salariés agricoles, qui ont présidé à la rédaction et la discussion de cette proposition de loi, depuis 2016, demeurent toujours valables.

Selon les chiffres transmis par la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) 2 ( * ) , la pension mensuelle moyenne des non-salariés agricoles s'élève à 953 euros pour les hommes et 852 euros pour les femmes .

Lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale le 16 juin 2020, le président de la CCMSA, M. Pascal Cormery, s'est félicité de l'adoption prochaine du dispositif de garantie à 85 %, y voyant une reconnaissance « de la place de l'agriculture dans la Nation et de l'engagement de toute la profession au service de ses concitoyens » et une réponse à la dix-septième proposition du livre blanc de la mutualité sociale agricole (MSA) .

Pension moyenne des non salariés agricoles, par genre

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données de la MSA

En 2018, 229 737 personnes bénéficiaient de la garantie à 75 %.

C. UN DISPOSITIF REMANIÉ, PRÊT À UNE APPLICATION DÈS 2021

1. Une pension minimale garantie à 85 % du SMIC pour les exploitants agricoles

L'objectif de porter la pension perçue par les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole à 85 % du salaire interprofessionnel minimum de croissance (SMIC) au titre d'une carrière complète est ici concrétisé à l'article 1 er . Un mécanisme d'écrêtement pour les assurés polypensionnés a été prévu sur le modèle du minimum contributif (MICO) servi par l'assurance vieillesse dans le régime général.

Pensions et application des compléments différentiels
aux petites retraites des non-salariés agricoles

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

196 000 personnes devraient être concernées en 2021 et voir passer leur pension au-dessus de 1 000 euros mensuels.

L'entrée en vigueur du dispositif est prévue au 1 er janvier 2022 , le Gouvernement pouvant, pour les nouveaux retraités, avancer cette date par décret. De sérieuses lacunes de coordination ont cependant été signalées par la commission concernant les modalités d'application de l'ensemble de la loi en cas d'anticipation de cette date.

2. Outre-mer, des avancées pour les exploitants et les salariés agricoles

La présente rédaction de la proposition de loi permet deux avancées en matière de retraites agricoles outre-mer avec :

- l'adaptation des règles d'application de la garantie minimale pour les non salariés agricoles (article 3) ;

- le soutien à l'extension de la complémentaire retraite des salariés agricoles ( article 4).

3. Une inconnue persistante sur le financement du dispositif

Alors que le texte issu de la deuxième lecture ne comporte plus de taxe affectée ni de gage assis sur les droits à tabac, aucune ressource n'a été désignée pour financer ce dispositif non contributif dont le surcoût pour le régime des non-salariés agricoles pourrait s'élever à 261 millions d'euros en 2021 .

Cette question se pose alors que, avant la crise, un déficit de 91,1 milliards d'euros était attendu pour le régime complémentaire obligatoire (RCO) en 2020 .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Mise en place d'une garantie « 85 % du SMIC »

Cet article relève le montant minimal de retraite garanti des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, pour une carrière complète dans le régime des non-salariés agricoles à 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), avec un écrêtement dans le cas des assurés polypensionnés.

I - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

A. En commission, l'adoption du dispositif pour 2022 et la mise en place d'un écrêtement pour les polypensionnés

À l'initiative de MM. Damaisin, Turquois et Christophe, de Mme Bourguignon et du groupe La République en marche, la commission des affaires sociales a adopté un amendement 3 ( * ) portant une nouvelle rédaction de l'article 1 er .

Le 1° prévoit que le montant garanti est porté à 85 % du SMIC au 1 er janvier 2022 .

Le 2° encadre le dispositif de complément différentiel sur le modèle du minimum contributif :

- par la nécessité pour l'assuré d'avoir liquidé l'ensemble de ses pensions obligatoires ;

- par l'établissement d'un écrêtement au-delà d'un plafond fixé par décret .

B. En séance publique, une réécriture de l'article et la possibilité d'une entrée en vigueur anticipée

À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, au stade de la séance publique, un amendement 4 ( * ) visant à réécrire le dispositif de l'article 1 er . Si l'amendement initial n'apportait pas de changement de ligne par rapport à la version adoptée par la commission, un sous-amendement 5 ( * ) adopté à l'initiative de MM. Damaisin, Turquois et Christophe, de Mme Bourguignon et du groupe La République en marche a modifié les modalités d'entrée en vigueur afin de permettre une mise en oeuvre avant 2022 à une date définie par décret .

Le I modifie l'article L. 732-63 du code de la sécurité sociale .

Le 1° du I complète le I de l'article L. 732-63 et prévoit une condition d'éligibilité au dispositif de complément différentiel : celui-ci n'est désormais ouvert qu'aux seules personnes ayant liquidé l'ensemble de leurs pensions des régimes obligatoires.

Le 2° du I apporte une nouvelle rédaction au II de l'article L. 732-63. Disparaissent ainsi de la nouvelle rédaction du II de l'article codifié au profit d'une rédaction de principe les dispositions issues de la loi de 2014 6 ( * ) créant cet article et prévoyant les modalités de calcul distinguant les pensions liquidées avant et après 2015.

Le 3° du I modifie le IV de l'article L. 732-63. Supprimant comme le 2° des dispositions relatives à l'application du dispositif lors de sa mise en place en 2015, il prévoit que le montant minimal est porté à 85 % du SMIC , précisant que le SMIC retenu pour le calcul est celui de l'année de prise d'effet de la pension .

Le 4° du I crée un V à l'article L. 732-63 et prévoit un écrêtement du complément différentiel lorsque l'ensemble des pensions obligatoires, de base et complémentaire, dépasse un montant fixé par décret.

Le II précise l'entrée en vigueur du dispositif .

Le A prévoit ainsi une entrée en vigueur au plus tard au 1 er janvier 2022 , cette date pouvant être avancée par décret.

Le B précise les conditions d'application pour les pensions déjà servies avant le 1 er janvier 2022, le SMIC en vigueur à cette date servant de référence au calcul de la garantie de 85 % et l'écrêtement prévu au V étant restreint, ne pouvant minorer la pension complémentaire.

II - La position de la commission

Vos rapporteurs saluent la reprise d'examen de cette proposition de loi et l'entrée en vigueur possible avant 2022 permise par la présente rédaction de ce dispositif nécessaire de revalorisation des retraites des exploitants agricoles à 85 % du SMIC, soit plus de 1 000 euros.

Selon les données transmises par la CCMSA 7 ( * ) , la garantie minimale à 75 % concernait en 2018 229 737 assurés du régime agricole pour un coût estimé à 123 millions d'euros . Si le dispositif tel qu'adopté en première lecture aurait pu concerner 292 347 personnes en 2021, les estimations faites avec l'application du mécanisme d'écrêtement ramènent le nombre de bénéficiaires à 196 000 personnes .

L'écrêtement prévu par cet article modifié apparaît cohérent à votre rapporteur avec l'esprit de ce dispositif non contributif. Il s'apparente ainsi au minimum contributif servi par le régime général d'assurance vieillesse qui prévoit également un écrêtement pour les assurés polypensionnés. Votre rapporteure regrette, elle, l'adoption de ce dispositif.

Une lacune de coordination doit cependant être signalée au B du II en cas d'entrée en vigueur avant le 1 er janvier 2022, le calcul ne pouvant intervenir pour les pensions déjà servies qu'en 2022, date du SMIC servant de référence à celui-ci. En l'état actuel du texte, seuls les nouveaux pensionnés sont susceptibles de bénéficier de la garantie 85 % avant 2022 en cas de décret avançant l'entrée en vigueur du I . Entendu par vos rapporteurs, M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites, a indiqué 8 ( * ) que l'intention du Gouvernement était, dans le cas d'une date anticipée prise par décret, d'appliquer l'ensemble du texte à cette date , y compris aux pensions liquidées. Cette lacune ne doit cependant empêcher pas l'adoption de cette proposition de loi.

Entendu par vos rapporteurs, le président de la CCMSA a indiqué qu' aucun obstacle d'ordre technique n'empêchait une entrée en vigueur du dispositif dès le 1 er janvier 2021 . Aussi, vos rapporteurs appellent le Gouvernement à fixer par décret l'entrée en vigueur du I de l'article 1 er à cette date.

En outre, vos rapporteurs souhaitent rappeler à l'occasion de l'adoption de ce dispositif la situation non prise en compte des conjoints collaborateurs . Ceux-ci, souvent des femmes, ont des niveaux de pensions très bas qui mériteraient également de faire l'objet de compléments.

L'adoption d'un dispositif majorant complément différentiel de pension à 85 % du SMIC ne doit enfin pas faire oublier que l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) fait encore l'objet d'un trop faible recours parmi les exploitants agricoles retraités qui y sont éligibles , et ce malgré les récents changements permettant de limiter les effets de la récupération sur l'actif successoral, qui constituait un frein majeur au recours à ce dispositif. Ce faible recours est un sujet majeur d'accès au droit de personnes dont le revenu pourrait être porté à un minimum de 900 euros, en complétant de trop faibles pensions.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er bis
Remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement
sur l'évolution du montant de la garantie minimale de retraite agricole

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport annuel au Parlement sur le montant de la garantie minimale de retraite dans le régime des non-salariés agricoles.

L'Assemblée nationale n'a adopté aucune modification à cet article , ni au stade de la commission ni lors de la séance publique.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (supprimé)
Création d'une nouvelle contribution
affectée au régime complémentaire obligatoire

Cet article relève le montant minimal de retraite garanti des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, pour une carrière complète dans le régime des non-salariés agricoles à 85 % du SMIC, avec un écrêtement dans le cas des assurés poly pensionnés.

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale n'a pas adopté l'article 2 de la proposition de loi, supprimant la création prévue de la nouvelle contribution.

Votre commission a confirmé la suppression de cet article.

Article 3
Élargissement de l'accès à la garantie « 75 % du SMIC » outre-mer

Cet article adapte le dispositif de retraite garantie pour les exploitants agricoles des cinq collectivités ultramarines régies par l'article 73 de la Constitution, levant les conditions de durée d'assurance.

I - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

À l'initiative du Gouvernement 9 ( * ) et de notre collègue député M. Chassaigne 10 ( * ) , l'Assemblée nationale a adopté en séance publique une nouvelle rédaction de l'article 3 visant notamment à codifier l'adaptation du dispositif de garantie minimale à 85 % outre-mer.

Le I codifie dans deux nouveaux alinéas de l'article L. 781-40 du code de la sécurité sociale l'application dans les cinq départements d'outre-mer de la garantie minimale prévue à l'article L 732-63.

Il lève les conditions d'éligibilité relatives aux périodes minimales d'assurance accomplies en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole à titre exclusif ou principal et garantit également l'application du dispositif aux exploitants remplissant les conditions d'une retraite au taux plein.

Il adapte enfin le calcul du complément différentiel en prévoyant, dans des conditions définies par décret, une majoration de la durée d'assurance prise en compte pour le calcul de celui-ci, afin de tenir compte des particularités de ces territoires.

Le II prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2022 .

Sur le modèle de l'article 1 er , le III précise les modalités d'application de cet article aux pensions servies avant la date d'entrée en vigueur.

II - La position de la commission

Comme l'avait expliqué notre ancien collègue rapporteur M. Dominique Watrin, l'application de la garantie minimale à 75 % souffrait dans les départements d'outre-mer d'une difficile satisfaction des critères de durée d'assurance.

Là où le dispositif retenu en première lecture visait à pallier les difficultés d'application de la garantie minimale dans les départements d'outre-mer en proposant un dispositif dérogatoire assurant une garantie à 75 %, la version issue de la deuxième lecture codifie des dérogations d'application avec pour référence le nouveau niveau de garantie minimale, à savoir 85 % du SMIC. La réalisation de l'objectif retenu lors de la réforme des retraites de 2014 est donc confortée.

Une lacune de coordination doit cependant être signalée au II avec l'article 1 er . En effet, l'entrée en vigueur possible avant le 1 er janvier 2022 à l'article 1 er n'a pas été répercutée ici. Les dérogations permettant une pleine extension outre-mer de la garantie à 85 % ne pourront intervenir, en l'état actuel du texte, avant le 1 er janvier 2022 , et ce même en cas d'entrée en vigueur anticipée du I de l'article 1 er . Au III , une coordination similaire à celle du B du II de l'article 1 er aurait également dû être prévue. Ces lacunes ne doivent cependant pas empêcher l'adoption de cette proposition de loi.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4
Extension des régimes de retraite complémentaire
aux salariés agricoles ultra-marins

Cet article étend à l'ensemble des salariés agricoles des outre-mer les régimes d'assurance vieillesse complémentaire Agirc-Arrco.

L'Assemblée nationale n'a adopté aucune modification à cet article , ni au stade de la commission ni lors de la séance publique.

Vos rapporteurs confirment la position qui était celle du Sénat lors de la première lecture et soutiennent ce dispositif visant à l'extension de la complémentaire retraite obligatoire pour les salariés agricoles ultramarins.

Votre commission a adopté cet article sans modification .

Article 5 (supprimé)
Compensation financière des organismes de sécurité sociale

Cet article visait à gager les charges que représentent les mesures proposées pour les organismes de sécurité sociale par une majoration sur les droits à tabac.

I - Une suppression de cet article par l'Assemblée nationale

À l'initiative du Gouvernement 11 ( * ) , l'Assemblée nationale a adopté un amendement de suppression de cet article lors de son examen au stade de la séance publique et ainsi levé le gage de la proposition de loi.

II - La position de la commission

Dans l'exposé des motifs de son amendement, le Gouvernement a indiqué que « le débat sur le financement de la mesure aura lieu en PLFSS ». Il eût été de bonne méthode de préciser dans le cadre des débats parlementaires , en amont de la discussion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, les orientations du Gouvernement quant au financement de cette mesure. Celui-ci s'est borné à indiquer que le dispositif serait financé par la solidarité nationale.

Selon les premières estimations de la CCMSA 12 ( * ) , le surcoût du dispositif tel qu'adopté en deuxième lecture devrait s'élever à 261 millions d'euros par an. Il convient de noter que l'écrêtement adopté en deuxième lecture a fait baisser le surcoût du dispositif initialement estimé à 407 millions d'euros.

Alors que la situation financière du régime complémentaire obligatoire des non salariés agricoles - à l'équilibre rétabli en 2015 - appelle à la vigilance et que la crise économique pourrait avoir des répercussions sur les recettes de celui-ci, la question des ressources permettant le financement pérenne de ce dispositif non contributif doit être posée.

Avant la crise sanitaire, le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2019 notait en effet : « En 2020, avant mesure nouvelle, le solde redeviendrait déficitaire (97 M€) en grande partie en raison de la suppression décidée dès la LFI 2019 de la taxe sur les huiles qui générait jusque-là une recette de 140 M€ ». La prévision actualisée en LFSS pour 2020 estimait le déficit 2020 à 91,1 millions d'euros, ce montant n'ayant pas à ce jour été actualisé dans le contexte de la crise économique.

Votre commission a confirmé la suppression de cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 24 juin 2020, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.

M. Alain Milon , président . - Nous devons maintenant examiner la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer. L'examen de ce texte en première lecture au Sénat avait été brutalement stoppé par le recours du Gouvernement au vote bloqué. L'Assemblée nationale l'ayant finalement adopté, ce texte a été inscrit à notre ordre du jour du lundi 29 juin prochain. Je vous propose de désigner deux co-rapporteurs : notre rapporteur de la branche assurance vieillesse, M. René-Paul Savary, ainsi que notre collègue Mme Cathy Apourceau-Poly, qui souhaite poursuivre la démarche entamée par notre ancien collègue, M. Dominique Watrin.

La commission désigne Mme Cathy Apourceau-Poly et M. René-Paul Savary co-rapporteurs de la proposition de loi n° 539 (2019-2020), adoptée avec modification par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.

M. Alain Milon , président . - Nous allons maintenant entendre nos collègues présenter leur rapport.

Mme Cathy Apourceau-Poly , co-rapporteure . - Dans notre système social, la retraite est le reflet de la carrière. Les faibles revenus issus de la carrière des agriculteurs, chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, produisent, sans surprise, de maigres pensions de retraite.

Nos collègues députés André Chassaigne et Huguette Bello entendaient répondre en partie à cette injustice en déposant leur proposition de loi en décembre 2016. Notre ancien collègue Dominique Watrin avait rapporté ce texte au Sénat en première lecture en février 2018 et je tiens ici à saluer son travail au sein de notre commission et son engagement sur ce sujet. Malheureusement, le Gouvernement a utilisé le vote bloqué, prétendument dans l'attente de mesures prochaines. Que de temps perdu pour arriver enfin à cette juste et nécessaire revalorisation des pensions de retraite agricoles ! Nous devrions aboutir maintenant à une adoption définitive garantissant à nos agriculteurs une pension garantie à 85 % du SMIC, contre 75 % aujourd'hui.

Ce texte n'est pas parfait, nous en sommes conscients. Il n'est notamment pas complet, car les conjoints collaborateurs ou aidants familiaux ne sont pas concernés. Ceux-ci, - ou plutôt, celles-ci, car ce sont souvent des femmes - doivent être mieux pris en compte dans les dispositifs futurs.

L'inégalité de pension entre les femmes et les hommes du monde agricole ne doit pas sortir renforcée de mesures de justice comme celles que nous nous apprêtons à voter. Il ne faut donc pas prêter à ce texte des vertus qu'il n'a malheureusement pas. S'il permet d'aider les agriculteurs retraités, il ne s'attaque pas à la racine du problème : les faibles revenus tirés de l'ensemble de la carrière. C'est bien cette injustice-là que nous devons nous efforcer de corriger à l'avenir en faisant en sorte que le travail agricole soit enfin rétribué correctement.

Je tiens enfin à souligner les avancées importantes que contient ce texte au bénéfice des départements d'outre-mer. Nous le savons, le mécanisme de complément différentiel de la garantie actuelle à 75 % ne trouve pas à s'appliquer dans ces territoires où les réalités des exploitations agricoles ne satisfont pas aux règles de calcul du dispositif. Nous nous félicitons des adaptations et des dérogations retenues qui permettront l'application de la garantie à 85 %. C'est une question d'égalité. Je tiens également à souligner la volonté de ce texte d'arriver à un déploiement effectif de la complémentaire retraite pour les salariés agricoles, et ce, sur tous les départements, y compris en outre-mer.

M. René-Paul Savary , co-rapporteur . - Je partage l'enthousiasme de ma collègue rapporteure sur l'adoption future de ce texte. C'est un progrès, certes partiel, mais considérable pour ceux qui en seront les bénéficiaires et qui ne sont aujourd'hui pas récompensés à la hauteur de leur travail.

Une pension de 85 % du SMIC sera ainsi garantie aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole répondant aux critères de durée d'assurance, c'est-à-dire plus de 1 000 euros. Il s'agit ici d'un relèvement substantiel du dispositif mis en place lors de la réforme des retraites de 2014, qui prévoyait une garantie atteignant progressivement 75 % du SMIC.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit, en outre, un mécanisme d'écrêtement, qui a pu être critiqué. Je considère qu'il est légitime : cette prestation différentielle, de solidarité, s'assimile au minimum contributif du régime général, qui fait également l'objet d'un écrêtement pour les polypensionnés. Ne sont donc concernés que les chefs d'exploitation dont la carrière est complète et qui ne perçoivent pas d'autres retraites.

Le groupe La République en Marche et le Gouvernement avait retenu le 1 er janvier 2022 comme date d'entrée en vigueur du texte, ce qui a fait l'objet de débats -rappelons que l'intention initiale était 2018. Un amendement a été adopté pour permettre une adoption par décret d'une partie de l'article 1 er avant 2022. Nous ne sommes pas dupes du dispositif retenu, qui ne doit toutefois pas être un trompe-l'oeil. Si beaucoup espèrent une entrée en vigueur avancée à 2021, je tiens à être clair sur les lacunes de coordination que nous avons relevées : quand bien même le Gouvernement en déciderait par décret, cette entrée en vigueur anticipée ne concernerait que les nouveaux retraités de l'Hexagone. Le secrétaire d'État chargé des retraites nous a indiqué toutefois que, si la date devait être avancée, il souhaitait que cela concerne bien l'ensemble des dispositions.

Enfin, et je parle ici également en tant que rapporteur de la branche vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), j'appelle votre attention sur le fait que les ressources prévues par le texte initial ne figurent pas dans le texte que nous examinons. Le Gouvernement indique qu'il faudra attendre un prochain PLFSS pour en savoir plus. Ce financement serait issu de la solidarité nationale. Était-il nécessaire de différer cette question et de dissocier une fois de plus le débat sur un dispositif du débat sur son financement, alors même que l'équilibre financier du régime complémentaire obligatoire demeure fragile ? La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoyait déjà, en effet, un déficit de 91 millions d'euros.

Vous l'avez compris, nous vous proposons d'adopter une position enthousiaste, mais lucide, sur ce texte. Sous les réserves que nous avons pu formuler, nous vous en proposons donc une adoption définitive qui permettra - en 2022 - une revalorisation méritée des retraites des chefs d'entreprise agricoles. Je vous propose donc un vote conforme : mieux vaut tenir que courir !

M. Philippe Mouiller . - J'ai abordé ce sujet lors de la réunion d'une assemblée départementale d'exploitants agricoles en retraite et il m'est apparu que ceux-ci n'ont pas compris que, par ce texte, on ne gérait pas le stock, mais seulement les nouveaux entrants. En matière de communication, nous avons connu la mascarade de l'année dernière et aujourd'hui, on annonce un nouveau texte, dont on ne sait rien du financement et dont les premiers visés se rendront compte qu'il ne les concerne pas. Le paquet sera joli, mais je crains le retour de bâton quand les intéressés découvriront qu'il ne s'agit là que de communication !

M. Dominique Théophile . - Notre satisfaction est mesurée : comme on dit chez nous, sa ki en bek, pa en fal ! Ce texte va enfin mettre un terme aux ruptures d'égalité, mais nous serons attentifs, car nous venons de très loin. Il répond à une demande pressante au vu de nos spécificités, notamment dans le domaine agricole. Je suis donc satisfait, mais plus ces mesures s'appliqueront tôt, mieux ce sera.

Mme Catherine Deroche . - Je partage les propos de nos co-rapporteurs, même si le texte est partiel, même si l'on aurait pu être plus précoce. J'ai été irritée de voir deux députés du groupe LREM diffuser dans mon département des communiqués dans la presse locale affirmant que le Gouvernement se préoccupait des retraités agricoles. Ce n'est, certes, pas le premier texte issu d'une proposition de loi du Sénat que l'on aura refusée pour ensuite la récupérer et communiquer. C'est lassant !

Mme Monique Lubin . - Un tiens - même un petit tiens - vaut mieux que deux tu l'auras ! Nous suivons les co-rapporteurs, mais je partage ce que viennent de dire Catherine Deroche et Philippe Mouiller. J'insiste, en outre, sur la situation faite aux femmes, qui passent une fois de plus à la trappe. Je suis fille de petits agriculteurs ; ma mère a travaillé bien plus que mon père, c'était alors le sort des femmes - ça l'est encore largement - dans les familles d'agriculteurs : elles devaient tout faire en même temps, élever les enfants, s'occuper de la ferme, etc. Elles sont pourtant toujours les parents pauvres et, une fois de plus, elles sont exclues de ce dispositif. Nous allons voter ce texte, mais je trouve que cela fait beaucoup.

Mme Victoire Jasmin . - Il est important que nous puissions poursuivre ce travail qui a été retardé après avoir été bloqué en recourant à l'article 44, alinéa 3, de la Constitution.

Aujourd'hui, il faut avancer, même si ce n'est que pour 2022. Sur nos territoires d'outre-mer, l'agriculture est un secteur important, d'autant que l'on nous engage à développer les circuits courts et que nous souffrons d'un chômage important. Nous devons donc avancer pour que les jeunes puissent prendre le relais de leurs parents ; il faut donc rendre attractif le secteur, les jeunes doivent ainsi pouvoir constater que leurs parents ont une retraite digne.

Mme Laurence Cohen . - Les interventions montrent que nous sommes tous lucides et que nous nous exprimerons sur les points évoqués. La force du Sénat est de ne pas s'opposer à un petit plus ; il faut suivre le chemin, souligner les manques et examiner la situation - terrible - de ceux qui ne vont pas en bénéficier et qui sont aujourd'hui en retraite. Monique Lubin l'a dit, nous avons travaillé, avec la délégation au droit des femmes, sur les agricultrices, dont la situation est plus dramatique encore. Nous devons poursuivre ce travail et, en outre, porter ensemble les problématiques propres aux territoires d'outre-mer.

M. Martin Lévrier . - Je rejoins M. Savary dans son enthousiasme modéré. De fait, ce texte va beaucoup moins loin que notre projet de réforme des retraites, qui a été arrêté en raison de l'épidémie de Covid-19. La polémique politique ne m'intéresse pas, mais je vous rappelle que si le Gouvernement a déclenché un vote bloqué il y a deux ans, c'était avec l'accord de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes agriculteurs, qui préféraient alors le projet de réforme des retraites. Le véritable problème, c'est que ce dernier texte n'est pas passé.

Mme Cathy Apourceau-Poly , co-rapporteure . - M. Chassaigne l'a dit, il s'agit d'une oeuvre collective qui ne nous satisfait pas entièrement. Mme Lubin a raison, le fait que les conjoints ne soient pas pris en charge est un souci. En outre, il persiste une fausse note, une divergence, au sujet de l'écrêtement : je ne suis pas d'accord avec cette mesure. Mon groupe considère que les agriculteurs qui ont travaillé dans d'autres domaines sont ceux qui ne s'en sortaient pas, qui n'avaient pas une épouse qui apportait un salaire complémentaire, et qui avaient besoin, tout en travaillant sur leur exploitation, de dégager plus de revenus. Ce sont 100 000 agriculteurs qui seront ainsi victimes de cette mesure.

Au total, ce texte n'est pas parfait, mais il constitue une avancée, pour les agriculteurs ultramarins et pour les chefs d'exploitation agricole, dont la pension est très inférieure à ce qu'elle devrait être.

M. René-Paul Savary , co-rapporteur . - Il faut en effet dissocier le flux et le stock. Les chefs d'exploitation à carrière complète qui sont aujourd'hui retraités seront revalorisés par rapport au SMIC pour 2022. Dans l'état actuel du texte, la revalorisation interviendra donc au plus tôt au 1 er janvier 2022. Les agriculteurs qui prendront leur retraite à ce moment-là - le flux - bénéficieront du texte dès 2021. Nous avons relevé ces anomalies et nous en avons fait part au ministre, qui nous a répondu qu'il prendrait une circulaire pour donner instruction à la Mutuelle sociale agricole (MSA) et à la retraite complémentaire obligatoire (RCO) de traiter le stock avant 2022, si le décret était pris. Cette manière de faire traduit bien l'impertinence de ce gouvernement par rapport aux parlementaires : une circulaire est ainsi considérée comme supérieure à un texte de loi.

Celui-ci est très intéressant, mais il nous est, en outre, recommandé de ne pas l'amender, et, si nous avions la mauvaise idée de le faire quand même, aucune commission mixte paritaire n'a été programmée dans la session extraordinaire de juillet ! Je vous conseille donc de ne pas prendre d'engagement envers les retraités actuels, car nous ne savons pas quand le décret sera pris. On nous explique que la MSA peinerait à instruire les dossiers des polypensionnés, car ceux-ci seraient trop compliqués.

Imaginez-vous qu'un organisme tenu par les organisations représentatives ne répondrait pas à la pression des agriculteurs ? Son président nous l'a confirmé, ainsi que les représentants syndicaux : la MSA est parfaitement capable de calculer l'écrêtement, que l'on cesse de nous faire croire le contraire !

Pour les agriculteurs dans les outre-mer, c'est également une avancée, mais pour 2022. Leur situation est particulière : ils n'atteignent pas une durée suffisante, ils travaillent sur de petites surfaces, ils exercent d'autres activités. Ils bénéficieront d'une bonification de durée pour aller jusqu'à 85 %. Là encore, ne le claironnez pas trop vite : ce sera difficile avant 2022. Le ministre affirme vouloir faire des efforts, nous verrons.

Nous avons une divergence sur le minimum contributif qui existait dans le régime agricole et qui portait sur le différentiel base plus complémentaire et dont il me semble normal qu'il soit fondé sur les mêmes bases que le minimum contributif du régime général.

Enfin, contrairement à ce que dit M. Martin Lévrier, le projet de loi sur les retraites concernait seulement le flux et pas le stock. L'avancée de ce texte est donc significative, puisque les retraités actuels seront pris en compte, certes pas assez vite et pas tous. Je vous invite donc à le soutenir.

EXAMEN DES ARTICLES

M. Alain Milon , président . - Nous en venons à l'examen des articles.

Articles 1 er et 1 er bis

Les articles 1 er et 1 er bis sont successivement adoptés sans modification.

Article 2 (supprimé)

L'article 2 demeure supprimé.

Articles 3 et 4

Les articles 3 et 4 sont successivement adoptés sans modification.

Article 5 (supprimé)

L'article 5 demeure supprimé.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)

Pascal Cormery , président

Christine Dupuy , directrice de la réglementation

Contribution écrite de la FNSEA

LA LOI EN CONSTRUCTION

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Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-368.html


* 1 Rapport n° 315 (2017-2018) de M. Dominique WATRIN, fait au nom de la commission des affaires sociales.

* 2 Audition de la CCMSA.

* 3 Amendement n° AS11.

* 4 Amendement n° 17.

* 5 Amendement n° 38.

* 6 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 7 Réponses de la CCMSA au questionnaire de vos rapporteurs.

* 8 Audition du 23 juin.

* 9 Amendement n° 19.

* 10 Amendements n os 41 et 51.

* 11 Amendement n° 18.

* 12 Réponse de la CCMSA au questionnaire de vos rapporteurs.

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