EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 janvier 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Vincent Delahaye, rapporteur, et à l'élaboration du texte de la commission sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 15 avril 1999 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Botswana en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

M. Vincent Éblé , président . - Nous débutons nos travaux par l'examen du rapport de notre collègue Vincent Delahaye sur le projet de loi d'approbation de l'avenant à la convention fiscale entre la France et le Botswana.

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Le texte que nous examinons est aussi simple que ses conséquences sont significatives. L'avenant à la convention fiscale que la France a signée avec le Botswana en 1999 vise à rendre conforme aux derniers standards de l'Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE) notre dispositif d'échange de renseignements avec ce pays.

Les normes internationales en matière de transparence fiscale et d'assistance administrative ont profondément évolué ces dernières années. La lutte contre l'évasion et la fraude fiscales représentent des enjeux majeurs qui rythment les travaux de l'OCDE et du G20. Le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, auquel participent plus de 150 pays, définit les normes internationales dans ce domaine et évalue leur respect par les États parties. Trois critères sont utilisés lors de cet examen par les pairs : la disponibilité des informations, l'accès aux informations et le dispositif d'échange d'informations. L'OCDE propose un modèle de convention et encourage les États à modifier leurs accords bilatéraux afin de s'y conformer. L'avenant à la convention entre la France et le Botswana s'inscrit dans cette logique.

L'article 1 er du projet de loi modifie l'article 26 de la convention de 1999, relatif à l'échange de renseignements. Sa rédaction est identique à celle du dernier modèle de l'OCDE, publié en 2017. Elle permet tout d'abord d'étendre l'échange d'informations à tout renseignement jugé vraisemblablement pertinent, et non plus seulement utile, ainsi qu'à toutes les impositions recouvrées par la France ou le Botswana, même celles qui ne sont pas couvertes par la convention. Ainsi modifié, l'article 26 définit également plus clairement les conditions dans lesquelles les renseignements transmis peuvent être utilisés à des fins autres que fiscales, par exemple dans le cadre d'une procédure contentieuse. Enfin, il devient explicitement interdit à un État de se prévaloir du seul secret bancaire ou professionnel pour refuser de transmettre certaines informations.

L'article 2 de l'avenant précise les conditions de son entrée en vigueur. Chaque État doit notifier à son co-contractant l'achèvement de ses procédures internes. Si le Parlement botswanais a autorisé la ratification de l'avenant depuis près de deux ans déjà, les autorités du pays n'ont pas encore envoyé de notification à la France. Les dispositions de l'avenant s'appliquent toutefois depuis le 1 er janvier 2018 en France et depuis le 1 er juillet 2018 au Botswana. Cette portée rétroactive permet d'éviter que les opérations antérieures à la ratification de l'avenant n'échappent aux administrations fiscales des deux pays.

Nous ne disposons d'aucune information sur les conséquences financières de cette modification de la convention France-Botswana. D'abord, peu de contribuables sont concernés par son application : il y aurait une soixantaine de Français au Botswana et une vingtaine d'entreprises. Ensuite, les représentants de la direction de la législation fiscale m'ont confirmé qu'aucune demande de renseignements n'avait été adressée au Botswana ces dernières années.

Il est donc impossible de chiffrer les bénéfices éventuels en matière de recouvrement ou de prévention de la fraude fiscale, mais ils devraient être très limités. Il s'agit avant tout d'une mise à jour technique, avec pour principale conséquence de conduire au retrait du Botswana de la liste française des États et territoires non coopératifs (ETNC), par arrêté du 6 janvier 2020. Le Botswana était inscrit sur cette liste, qui compte désormais treize États, depuis 2012. La qualification d'ETNC entraine l'application de sanctions fiscales, par exemple des retenues à la source alourdies sur les flux financiers, des obligations déclaratives plus contraignantes ou encore l'exclusion de l'application du régime mère-fille.

Pour la direction de la législation fiscale, la modification de la convention entre la France et le Botswana et, partant, le retrait du Botswana de la liste des ETNC ne suscitent aucune difficulté. Le Botswana n'est pas considéré comme un paradis fiscal comme peuvent l'être le Panama ou les Bahamas. Il n'est inscrit sur aucune autre liste noire. Aucun dossier concernant le Botswana n'a été remonté au Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR). La raison de sa présence sur la liste française était juridique : au titre de l'article 238-0 A du code général des impôts (CGI), les États qui n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative y figurent.

Je tiens à souligner les progrès réalisés par le Botswana ces dernières années. Un premier projet d'avenant à la convention avait été proposé en 2010, avant que la France ne suspende les négociations du fait de la mauvaise notation du Botswana par le Forum mondial. Nombre d'éléments n'étaient alors pas en place et nécessitaient des améliorations structurelles. Il s'agissait, par exemple, du manque de disponibilité des informations sur les bénéficiaires réels des entités crées au Botswana, sur les actionnaires intermédiaires ou encore sur les registres comptables des entreprises et autres structures. Le secret bancaire était, en outre, utilisé comme prétexte pour refuser de fournir certaines informations et les dispositifs d'échange d'informations n'étaient pas en place.

Depuis, la notation du Botswana par le Forum mondial a fortement progressé. En 2016, il lui a octroyé la note « largement conforme », soit la deuxième meilleure note, ce qui a conduit la France à rouvrir les négociations sur le projet d'avenant.

J'admets toutefois que certaines interrogations demeurent quant à la capacité opérationnelle du Botswana à répondre aux demandes de renseignements à des fins fiscales, ainsi qu'à la tenue de ses engagements. En effet, depuis la signature de cet avenant, la notation du Botswana par le Forum mondial a été dégradée à « partiellement conforme ». Cependant, les termes de référence, qui servent d'indicateurs lors des évaluations, ont été renforcés, ce qui explique cette révision. La décision de dégrader la note du pays s'appuie notamment sur les difficultés rencontrées par le Botswana à répondre rapidement aux demandes d'informations qui lui sont adressées. Les autorités botswanaises disposent toutefois d'un délai pour remédier à ces carences et demander une nouvelle évaluation. Elles peuvent, pour se faire, recourir à l'assistance technique du Forum mondial.

Par ailleurs, la signature de l'avenant est en partie rendue possible par les engagements importants pris par le Botswana pour améliorer sa gouvernance fiscale. Ces efforts ont conduit l'Union européenne à inscrire le pays sur sa liste grise - et non pas noire -, qui regroupe les juridictions ayant indiqué qu'elles se conformeraient aux critères européens d'ici à la fin de l'année 2019.

Le Botswana s'est ainsi engagé à supprimer ses régimes fiscaux préférentiels, ce qu'il a fait, et à ratifier la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (MAC) ou, à défaut, à mettre en place un réseau d'accords couvrant les États membres de l'Union européenne. Les autorités botswanaises ont demandé, le 30 octobre 2019, à l'OCDE à devenir partie à la MAC. Le processus pourrait s'avérer long et exigeant.

Il existe un risque de discordance entre les listes française et européenne : si le Conseil de l'Union européenne venait à estimer que le Botswana avait failli à ses engagements, le pays s'exposerait à une inscription sur la liste noire. La France devrait alors le réinscrire sur sa propre liste des ETNC. En effet, depuis la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, la liste française intègre la liste européenne des juridictions non coopératives.

Le Gouvernement conserve, par ailleurs, la possibilité, au titre de l'article 238-0 A du CGI, de replacer le Botswana sur la liste des ETNC. En effet, avoir conclu avec la France une convention d'assistance administrative ne garantit aucune immunité. Au critère du dispositif juridique s'ajoute celui de son effectivité : si, malgré la convention, l'administration fiscale n'a pas pu obtenir les renseignements nécessaires à l'application de la législation fiscale française, la juridiction peut être replacée sur la liste des ETNC. Le Panama et Anguilla en constituent des exemples.

Enfin, si le présent avenant ne concerne pas l'échange automatique d'informations, le Botswana n'ayant pas encore fixé de date pour le mettre en oeuvre, cet objectif doit demeurer l'horizon de notre coopération. L'avenant constitue déjà un progrès important dans notre coopération fiscale avec le Botswana. Ainsi, sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, chers collègues, à adopter ce projet de loi.

M. Jean-Claude Requier . - Combien de personnes cette convention concerne-t-elle ? Le rapporteur a évoqué la présence, au Botswana, de soixante citoyens français et d'une vingtaine d'entreprises. Combien la France compte-elle de contribuables botswanais ? Par ailleurs, pourquoi ce texte n'a-t-il pas fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée ?

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - La convention concerne environ trente Botswanais installés en France.

M. Éric Bocquet . - Le texte que nous examinons ne constitue pas un rouage essentiel de la grande mécanique financière mondiale, mais j'ai quelques interrogations. Qu'en est-il de la capacité du Botswana à respecter ses engagements en matière de transparence ?

La cacophonie entourant la liste des ETNC fragilise le système. Les conventions bilatérales en matière fiscale me semblent dépassées. Un contrôle fondé sur les critères de l'OCDE, qui ne regroupe cependant que quarante États, voire organisé à l'échelle mondiale, paraitrait davantage efficace. Pourquoi retirer le Botswana de la liste française, avant même la ratification de l'avenant ? Il aurait sans doute fallu une « mise à l'épreuve ». Après la radiation du Botswana, de Brunei, du Guatemala, des îles Marshall, de Nauru et de Niue, qui ont ratifié la convention européenne, la liste des ETNC comprend treize États.

M. Michel Canevet . - Je remercie le rapporteur pour le travail réalisé. Il apparait que le Botswana a réalisé d'importants efforts pour améliorer sa situation au regard des exigences de la convention fiscale du 15 avril 1999. Une assistance technique lui sera-t-elle fournie pour renforcer la fiabilité de son administration fiscale et de son dispositif d'échange d'informations ?

Mme Nathalie Goulet . - Quel est le volume des transactions réalisées entre la France et le Botswana, pays au taux de pauvreté élevé et aux carences démocratiques reconnues ? Alors que nous discutons de cet avenant, la presse se fait l'écho de l'acquisition récente, par LVMH, d'un diamant de 1 700 carats extrait des mines du pays ?

Je regrette, pour ma part, l'arbitraire qui préside à l'établissement de la liste des ETNC. Le Parlement ne dispose d'aucun pouvoir en la matière, car le sujet ressort du domaine réglementaire, mais il faudrait davantage de concertation. Il aurait ainsi mieux valu nous écouter s'agissant du Panama...

Enfin, de quels moyens dispose la France pour contrôler l'exécution de la convention ?

M. Thierry Carcenac . - Je félicite, à mon tour, le rapporteur. Je m'avoue, cependant, sceptique sur la méthode : l'avenant a été signé le 27 juillet 2017, mais il n'a toujours pas été soumis au Parlement, tandis que la liste des ETNC a été modifiée par un arrêté du 6 janvier 2020. Je me suis rendu au Botswana et je m'interroge sur la réalité de l'activité économique de la France avec ce pays, dont elle est à la fois fournisseur et client. Il me semble que le système fiscal botswanais comprend une taxe sur la valeur ajoutée et un impôt sur les sociétés, pouvez-vous le confirmer ?

Après la radiation de Panama de la liste des ETNC, la situation s'était quelque peu compliquée... Il convient de rester vigilant. Le groupe socialiste et républicain réserve son vote pour la séance publique.

M. Marc Laménie . - Je remercie notre rapporteur pour sa présentation pédagogique. Le projet de loi a été enregistré à la Présidence du Sénat le 20 mars 2019. Pourquoi un tel délai pour l'examiner en commission, puis en séance publique ?

M. Antoine Lefèvre . - Il y a trois ans, alors membre du groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique australe, j'ai participé à une mission en Angola et au Botswana. Nous y avions rencontré des parlementaires et participé à un forum économique. Il existe un enjeu, au Botswana, pour les entreprises françaises, notamment dans le secteur des télécoms. J'ai pu constater, à cette occasion, la volonté d'amélioration de la situation fiscale du Botswana. Les groupes d'amitié nourrissent aussi le débat parlementaire...

M. Vincent Delahaye , rapporteur . - Le présent texte ne fait pas l'objet d'un examen selon la procédure simplifiée, les conventions fiscales étant traditionnellement discutées dans l'hémicycle.

Depuis la signature de la convention du 15 avril 1999 liant la France et le Botswana, aucune affaire n'a fait l'objet d'un traitement par l'administration fiscale. Il ne s'agit nullement d'un paradis fiscal ! Du reste, le Botswana compte très peu de Français et d'entreprises françaises. Le pays fait des efforts louables pour tenir ses engagements. Le Gouvernement souhaite, en outre, renforcer les liens avec le Botswana et accroître l'influence de la France dans la région. Il y a eu une première tentative d'avenant en 2010, en vain. Désormais, les conditions d'une ratification semblent réunies. Je ne vois aucune raison valable pour maintenir le Botswana sur la liste des ETNC, d'autant que, en cas de difficulté avérée, il sera toujours possible de l'y réintroduire.

La France n'a pas prévu de fournir au Botswana une assistance technique pour l'application de la convention. Le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales pourrait s'acquitter d'une telle tâche, mais je ne suis pas certain que le Botswana lui en fasse la demande.

Le Botswana est le 185 e client de la France. Le volume annuel des échanges s'élève, pour la France à 7,9 millions d'euros à l'export et à 5,5 millions d'euros pour les importations, soit un excédent commercial de 2,4 millions d'euros par an.

Comme plusieurs d'entre vous l'ont fait remarquer, le Parlement n'est pas associé à l'établissement de la liste des ETNC, ce qui pose question.

Je ne crois pas qu'il existe de raison de se méfier du Botswana en matière fiscale, il n'y a eu aucune affaire ces dernières années.

Enfin, Marc Laménie, le Gouvernement a, vous le savez, le choix de la date d'inscription des conventions fiscales à l'ordre du jour du Sénat...

M. Vincent Éblé , président . - Pour répondre plus précisément à notre collègue Jean-Claude Requier, j'indique que, si les conventions fiscales peuvent faire, en principe, l'objet d'un examen en procédure simplifiée, en application de l'article 47 decies du Règlement du Sénat, les groupes politiques, et singulièrement le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), demandent fréquemment leur discussion en séance publique et notre collègue Éric Bocquet a confirmé son souhait de s'exprimer en séance à ce sujet. Le présent projet de loi sera ainsi examiné par le Sénat le jeudi 30 janvier prochain.

Le projet de loi est adopté sans modification.

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