B. LA MISE AUX NORMES « OCDE » DE LA CONVENTION ENTRE LA FRANCE ET LE BOTSWANA

La convention fiscale entre la France et le Botswana ayant été conclue en 1999, son modèle n'est plus conforme aux dernières prescriptions de l'OCDE , notamment en ce qui concerne les échanges de renseignements en matière fiscale. L'avenant dont le Parlement doit autoriser la ratification entend remédier à cette carence.

1. Une transposition littérale du modèle OCDE
a) L'article 1er de l'avenant modifie l'article 26 de la convention entre la France et le Botswana

L'article 1 er de l'avenant modifie ainsi l'article 26 de la convention fiscale entre la France et le Botswana, relatif à l'échange de renseignements . Sa nouvelle rédaction est identique à celle du dernier modèle de convention de l'OCDE (2017), que la France a déjà reproduit dans nombre de ses conventions. Les tableaux ci-après indiquent les modifications apportées par l'avenant, ainsi que leurs signification et conséquences 3 ( * ) .

Article 26 (version avant modification)

Article 26 (version modifiée par l'article 1 er de l'avenant)

1. Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements utiles pour appliquer les dispositions de la présente Convention, ou celles de la législation interne des États contractants relative aux impôts visés par la Convention notamment en vue de prévenir l'évasion et la fraude relatives à ces impôts , dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à la Convention. L'échange de renseignements n'est pas restreint par l'article 1.

1. Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants ou de leurs collectivités locales , dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à la convention.

La qualification « d'utiles » des renseignements pouvait conduire à restreindre le spectre des informations transmises d'une administration fiscale à une autre. La notion de « vraisemblablement pertinents » est plus large, tout en évitant, pour reprendre les termes de l'OCDE, d'autoriser « une pêche aux renseignements » . L'État qui reçoit une demande peut demander à l'État requérant de fournir des explications sur la pertinence des renseignements requis, sans pour autant pouvoir rejeter une demande dont la pertinence exacte ne pourrait être appréciée qu' a posteriori . Une probabilité raisonnable est suffisante.

La nouvelle rédaction des paragraphes 1 et 2 (cf. infra ) de l'article 26 élargit également l'échange de renseignements à l'ensemble des impositions recouvrées par la France ou le Botswana , et non plus à celles visées par la convention, comme c'était le cas auparavant 4 ( * ) . La lutte contre l'évasion et la fraude fiscales justifient pour les États parties d'étendre les échanges d'informations à l'ensemble des impôts.

Article 26 (version avant modification)

Article 26 (version modifiée par l'article 1 er de l'avenant)

1. (suite) Les renseignements reçus par un État contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet État et ne sont communiqués qu'aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l'établissement ou le recouvrement des impôts visés par la Convention , par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, ou par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Ces personnes ou autorités n'utilisent ces renseignements qu'à ces fins. Elles peuvent révéler ces renseignements au cours d'audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements.

2. Les renseignements reçus en vertu du paragraphe 1 par un État contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet État et ne sont communiqués qu'aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l'établissement ou le recouvrement des impôts mentionnés au paragraphe 1 , par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de ce qui précède . Ces personnes ou autorités n'utilisent ces renseignements qu'à ces fins. Elles peuvent révéler ces renseignements au cours d'audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements. Nonobstant ce qui précède, les renseignements reçus par un État contractant peuvent être utilisés à d'autres fins si la législation des deux États l'autorise et si l'autorité compétente de l'État qui fournit les renseignements autorise cette utilisation .

Dans la rédaction de l'article 26 issue de l'article 1 er de l'avenant, il est plus clairement indiqué que les autorités compétentes peuvent utiliser les informations reçues dans le cadre de l'échange de renseignements à des fins autres que fiscales . Cela concerne notamment les autorités judiciaires dans le cadre d'une procédure contentieuse, mais aussi des services publics chargés de réaliser des études économiques. Avant 2014, cette disposition était optionnelle ; elle fait aujourd'hui partie du modèle OCDE. Demeure facultative la communication de ces informations aux organismes de contrôle, c'est-à-dire aux autorités exerçant des fonctions de supervision des administrations fiscales.

L'élargissement du champ des informations pouvant donner lieu à communication étant important, les conditions entourant leur utilisation sont plus strictes . Un double critère doit être rempli : partager ces renseignements à d'autres fins doit être autorisé par la législation des deux États et l'État requis doit spécifiquement l'autoriser, ce qui implique que l'État requérant précise en amont les autres fins auxquelles il compte utiliser ces informations. Cela peut inclure des enjeux majeurs tels que la lutte contre le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme.

Article 26 (version avant modification)

Article 26 (version modifiée par l'article 1er de l'avenant)

2 . Les dispositions du paragraphe 1 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un État contractant l'obligation : a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation ou à celle de l'autre État contractant ; b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou de celle de l'autre État contractant ; c) de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public.

3 . Chacun des États contractants prend les mesures nécessaires afin de s'assurer de la disponibilité de l'information et de la capacité de son autorité compétente à y accéder et à la transmettre à son homologue . Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un État contractant l'obligation : a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celle de l'autre État contractant ; b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l'autre État contractant ; c) de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public

3. Les autorités compétentes se consultent en tant que de besoin pour déterminer les conditions, méthodes et techniques appropriées s'agissant des matières à raison desquelles l'échange de renseignements peut être mis en oeuvre, et également s'agissant de l'échange de renseignements concernant l'évasion fiscale.

4. Si des renseignements sont demandés par un État contractant conformément à cet article, l'autre État contractant utilise les pouvoirs dont il dispose pour obtenir les renseignements demandés même s'il n'en a pas besoin à ses propres fins fiscales. L'obligation qui figure dans la phrase précédente est soumise aux limitations prévues au paragraphe 3 sauf si ces limitations sont susceptibles d'empêcher un État contractant de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci ne présentent pas d'intérêt pour lui dans le cadre national .

Si les paragraphes 3 et 4 de l'article 26 tel que modifié par l'avenant visent à encourager la France et le Botswana à appréhender leurs obligations en matière d'échange de renseignements de la manière la plus extensive possible, c'est sans pour autant aller au-delà de leur propre législation ou de leurs pratiques . Cela signifie qu'il n'y a pas de réciprocité de moyens : même si le système d'obtention de renseignements de l'État requérant est plus étendu, ce dernier ne peut l'opposer à son co-contractant.

Le paragraphe 4 avait été ajouté en 2005 pour éviter qu'un État recevant une demande ne puisse refuser de transmettre les renseignements au prétexte que lui-même n'en aurait pas eu besoin pour appliquer sa propre législation. Il avait été introduit afin de tenir compte des pratiques des États membres, même si cela ne figurait pas explicitement dans le modèle de la convention OCDE.

Article 26 (version actuelle)

Article 26 (version modifiée par l'article 1er de l'avenant)

5 . En aucun cas les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un État contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un trust, une fondation, un mandataire ou une personne agissant en tant qu'agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d'une personne .

L'article 26 du modèle OCDE a enfin été complété en 2005 d'un paragraphe visant à empêcher un État de se prévaloir du secret bancaire ou professionnel (ex. pour les fiduciaires) pour refuser de transmettre certaines informations . Là-encore, il s'agit d'une traduction en droit d'une pratique courante de la plupart des pays membres de l'OCDE.

b) L'article 2 de l'avenant fixe les règles concernant son entrée en vigueur

L' article 2 du présent projet de loi précise simplement les conditions d'entrée en vigueur de l'avenant et des modifications apportées à l'article 26 de la convention fiscale entre la France et le Botswana. Il est ainsi précisé que chaque État doit notifier à son co-contractant l'achèvement de ses procédures internes de ratification . Au titre de cet article 2, l'avenant entre en vigueur le premier jour du mois suivant la date de réception de la dernière notification.

Les dispositions de l'avenant s'appliquent quant à elles depuis le 1 er janvier 2018 pour la France (soit le 1 er janvier de l'année civile qui suit immédiatement la date de signature) et depuis le 1 er juillet 2018 pour le Botswana (soit le 1 er juillet de l'année civile qui suit immédiatement la date de signature de l'avenant). Ce décalage est identique à celui qui avait accompagné l'entrée en vigueur des dispositions de la convention fiscale entre la France et le Botswana (article 29). Cette portée rétroactive permet d'éviter que les opérations antérieures à la ratification de l'avenant n'échappent à l'administration fiscale française.

2. Des conséquences économiques impossibles à chiffrer

Il est difficile , et la direction de la législation fiscale a pu le confirmer lors de son audition, de mesurer l'impact qu'aura cette modification sur l'échange de renseignements entre les administrations fiscales française et botswanaise , et ce pour deux raisons.

D'abord, seul un petit nombre de contribuables est directement concerné par l'application de cette convention . Une soixantaine de Français sont actuellement enregistrés au registre consulaire, ainsi qu'une vingtaine d'entreprises, tandis qu'une trentaine de Botswanais seraient résidents français 5 ( * ) . Si pour nos concitoyens à l'étranger, l'enregistrement n'est pas une obligation, il est probable que cette estimation soit assez proche de la réalité ; les résidents français en Afrique du sud et de l'est ayant davantage tendance à se signaler auprès de nos autorités diplomatiques que ceux résidant dans d'autres régions du monde.

Ensuite, lors de leur audition, les représentants de la direction de la législation fiscale ont indiqué qu' aucune demande n'avait été adressée au Botswana ces dernières années, rendant par là-même tout « retour d'expérience » impossible . En effet, d'après le jaune budgétaire « Rapport annuel du Gouvernement portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d'échange de renseignements », annexé au projet de loi de finances pour 2019, cinq demandes avaient été formulées par la France en 2016, aucune depuis 6 ( * ) . Il est par ailleurs regrettable que ce même rapport n'ait pas encore été publié pour le projet de loi de finances pour 2020, alors même que la loi de finances est désormais promulguée.

Néanmoins, d'un point de vue strictement juridique, la nouvelle rédaction de l'article 26 de la convention entre la France et le Botswana devrait permettre, selon l'étude d'impact, « une assistance administrative sans restriction entre la France et le Botswana , au bénéfice de leurs administrations fiscales respectives à des fins de gestion, de contrôle et de recouvrement de leurs impositions ». Il demeure pour autant impossible d'évaluer l'éventuel impact financier de cet avenant , qui peut être analysé une mise à jour avant tout technique , avec pour principaux objectifs d'actualiser la convention fiscale et de retirer le Botswana de la liste des États et territoires non coopératifs.


* 3 D'après les commentaires du Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l'OCDE (2017). Disponible ici : https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/modele-de-convention-fiscale-concernant-le-revenu-et-la-fortune-2017-version-complete_0faf9b6c-fr#page1 .

* 4 Selon l'article 2 de la convention fiscale bilatérale entre la France et le Botswana, les impôts couverts étaient, pour la France, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la taxe sur les salaires et, pour le Botswana, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les gains en capital.

* 5 Ces données ont été transmises à la direction de la législation fiscale par le service économique régional de Pretoria.

* 6 Rapport annuel du Gouvernement portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d'échange de renseignements, annexé au projet de loi de finances pour 2019. Disponible ici : - https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/jaunes-2019/Jaune2019_echanges_renseignement.pdf

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