Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Didier RAMBAUD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 7

CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Didier RAMBAUD

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les crédits demandés pour 2020 pour la mission « Conseil et contrôle de l'État » s'élèvent à 705 millions d'euros en CP, soit une progression de 3,6 % (+ 24,2 millions d'euros) par rapport à 2019, supérieure à celle observée en loi de finances pour 2019 (+ 2,4 %). Hors contribution de l'État au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » , le niveau de crédits demandés pour 2020 dépasse de plus de 5 % le plafond de la programmation triennale .

2. Principal programme de la mission par le montant de ses crédits (420 millions d'euros), le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » concentre 80 % de l'augmentation des crédits de la mission, ainsi que la grande majorité de l'augmentation du plafond d'emplois. Si 59 nouveaux emplois seront affectés la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), toujours confrontée à une forte augmentation des recours déposés, les juridictions administratives bénéficieront également de 34 ETPT supplémentaires, afin de faire face à la hausse du contentieux constatée depuis deux ans.

3. La réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE-programme 126) est intégrée au nouveau projet de révision constitutionnelle présenté par le Président de la République en août 2019. Le budget du CESE pour 2020 progresse de 4,2 millions d'euros, en raison de la mission qui lui a été confiée d'organiser, en 2019 puis en 2020, une convention citoyenne thématique.

4. L'activité de l a Cour des comptes et des juridictions financières (programme 164) devrait se poursuivre à moyens quasi-constants en 2020. Le schéma d'emploi sur le triennal 2020-2022 est revu à la baiss e, prévoyant la création de 30 ETPT sur la période en lieu et place des 50 ETPT initialement prévus.

5. Avec 0,48 million d'euros, le programme 340 « Haut Conseil des finances publiques » , reste le programme le moins doté du budget général et sa pertinence demeure en question, aussi un rattachement de ses crédits au programme 164 devrait être envisagé.

Au 10 octobre 2019, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires concernant la présente mission, 66,6 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE
APERÇU GÉNÉRAL DES CRÉDITS DE LA MISSION

La mission « Conseil et contrôle de l'État » a pour particularité de rassembler les crédits de quatre programmes propres à des institutions 1 ( * ) :

- programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » ;

- programme 126 « Conseil économique, social et environnemental » ;

- programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » ;

- programme 340 « Haut Conseil des finances publiques ».

A. UNE PROGRESSION DES CRÉDITS BÉNÉFICIANT PRINCIPALEMENT AU PROGRAMME 165

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 prévoit une progression de 2,6 % en autorisations d'engagement (AE) et 3,6 % en crédits de paiement (CP) du budget alloué à la mission « Conseil et contrôle de l'État », soit une augmentation supérieure à celle observée en loi de finances pour 2019 (+ 1,3 % en AE et + 2,4 % en CP). La mission bénéficierait ainsi de 776,4 millions d'euros en AE et 705 millions d'euros en CP .

Évolution des crédits de la mission entre 2018 et 2020

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation de ces crédits bénéficie principalement, en valeur, au programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », qui disposera de 19,5 millions d'euros supplémentaires en CP (+ 4,6 % par rapport à 2019).

Évolution des crédits de paiement par programme
entre 2019 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Intitulé des programmes et titres de la dépense

Crédits de paiement

Attributions de produits attendues
en 2020 (2)

Total pour

2020
(1)
+ (2)

Exécution 2018

LFI 2019*

PLF 2020* (1)

Évolution PLF 2020/LFI 2019 (volume)

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

404,2

420,2

439,7

+ 4,6 %

0,2

439,9

dont titre 2 : dépenses de personnel

333,8

350,4

361,4

+ 3,1%

0,0

361,4

Autres dépenses

70,4

69,8

78,3

+ 12,2%

0,2

78,5

126 - Conseil économique, social et environnemental

42,5

40,2

44,4

+ 10,4%

2,0

46,4

dont titre 2 : dépenses de personnel

36,3

34,9

36,2

+ 3,7%

0,2

36,4

Autres dépenses

6,2

5,3

8,2

+ 54,7%

1,8

10,1

164 - Cour des comptes et autres juridictions financières

218,0

219,9

220,4

+ 0,2%

0,6

221,0

dont titre 2 : dépenses de personnel

190,7

195,1

195,6

+ 0,3%

0,0

195,6

Autres dépenses

27,3

24,8

24,8

+ 0,0%

0,6

25,4

340 - Haut Conseil des finances publiques

0,3

0,4

0,5

+ 25,0%

0,0

0,5

dont titre 2 : dépenses de personnel

0,3

0,4

0,4

+ 0,0%

0,0

0,5

Autres dépenses

0,0

0,1

0,1

+ 0,0%

0,0

0,1

Mission « Conseil et contrôle de l'État »

665,0

680,8

705,0

+ 3,6%

2,8

707,8

dont titre 2 : dépenses de personnel

561,1

580,8

593,6

+ 2,2%

0,2

593,8

Autres dépenses

103,9

100,0

111,4

+ 11,4%

2,6

114

* Hors fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La prépondérance des dépenses de personnel - 83,9 % en 2020 contre 85 % en moyenne au cours des dernières années - soumet les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » à une forte rigidité.

Néanmoins, les dépenses des autres titres (fonctionnement, investissement, intervention) connaissent en 2020 une forte progression en volume (+ 11,4 % contre + 0,5 % en 2019), tandis que l'augmentation des dépenses de personnel ralentit (+ 2,2 % contre + 2,8 % en 2019).

Ainsi, la hausse globale des crédits de la mission de 24,2 millions d'euros traduit-elle une augmentation comparable, en valeur, des dépenses de personnel (+ 12,8 millions d'euros) et des dépenses des autres titres (+ 11,4 millions d'euros). À l'inverse, en 2019, la forte progression des dépenses de personnel (+ 19,7 millions d'euros) était partiellement compensée par une diminution des autres dépenses (- 3,9 millions d'euros).

B. UNE PROGRESSION SUPÉRIEURE À CELLE PRÉVUE PAR LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE 2018-2022

La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a fixé une trajectoire relativement stable au plafond de crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État », ce dernier augmentant de 10 millions d'euros entre 2018 et 2020 .

Hors contribution de l'État au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » , l e niveau de crédits demandés pour 2020 est supérieur de plus de 20 millions d'euros au plafond prévu pour la programmation, soit un écart de 5,09 % contre 4,03 % dans le PLF 2019.

Évolution des crédits de paiement de 2018 à 2020*

(à périmètre constant, en milliards d'euros)

Programmation triennale

Écart entre le PLF 2020 et la programmation pour 2020

Évolution entre la LFI 2019 et le PLF 2020

Évolution de 2018 à 2020

2018

Exécution 2018

2019

LFI 2019

2020

PLF 2020

Crédits de la mission

0,52

0,528

0,53

0,536

0,53

0,557

5,09%

3,92%

5,49%

* Hors contribution de l'État au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances, d'après la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et les documents budgétaires

Répartition de la contribution au CAS « Pensions »

(en euros)

Programmes

PLF 2019

PLF 2020

Crédits ouverts en 2020
hors contribution

165

92 436 949

96 187 075

343 481 729

126

2 921 096

2 921 096

41 517 867

164

48 796 476

48 807 999

171 556 923

340

87 122

98 982

380 804

Mission

144 241 643

148 015 152

556 937 323

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020

SECONDE PARTIE
LE DÉTAIL DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

Observations principales sur le programme

- Principal programme de la mission par le montant de ses crédits, le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » bénéficie d'une augmentation de 19,5 millions d'euros en CP par rapport à la LFI pour 2019, pour atteindre au total 439,7 millions d'euros en 2020.

- Le programme absorbe 80 % de l'augmentation de crédits de la mission , ainsi que 93 des 102 emplois créés. Ainsi, 59 nouveaux emplois seront affectés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), tandis que les autres juridictions administratives seront autorisées à recruter 21 juristes assistants - à condition que ces emplois soient autofinancés en gestion - en sus des 13 nouveaux emplois dont elles bénéficieront.

- Les crédits de la CNDA progresseront de plus de 20 % pour atteindre 67,5 millions d'euros en CP , afin de faire face à l'accroissement considérable du contentieux de l'asile (+ 53 % entre 2018 et 2020 selon les dernières estimations). La CNDA demeure ainsi l a première juridiction administrative française en termes de requêtes traitées (58 671 à la fin 2018).

- Les autres juridictions administratives font également face, depuis deux ans, à une augmentation préoccupante des affaires entrantes , principalement en raison de la forte hausse du contentieux des étrangers (+ 21 % en 2019), si bien que les délais moyens de jugements tendent à se dégrader pour 2020.

Principal programme de la mission par le montant de ses crédits (62 % du budget total), le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » a pour objet de garantir le respect du droit par les administrations , à travers les fonctions contentieuses et consultatives de ses 51 juridictions non spécialisées 2 ( * ) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), juridiction administrative spécialisée, rattachée au programme 165 depuis 2009.

A. DES CRÉDITS EN HAUSSE DANS UN CADRE BUDGÉTAIRE PLUS CONTRAINT

En 2020, le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » absorbe plus de 80 % de la hausse des crédits alloués à la mission « Conseil et contrôle de l'État », c'est-à-dire 19,5 millions d'euros sur l'augmentation totale de 24,2 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits par action du programme 165

(en millions d'euros)

LFI 2019

PLF 2020

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (volume)

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (%)

FDC et ADP attendus en 2020

Action 01

Fonction juridictionnelle : Conseil d'État

AE

28,6

29,0

+ 0,4

+ 1,2 %

0,0

CP

28,6

29,0

+ 0,4

+ 1,2 %

0,0

Action 02

Fonction juridictionnelle : Cours administratives d'appel

AE

55,1

55,5

+ 0,3

+ 0,6 %

0,0

CP

55,1

55,5

+ 0,3

+ 0,6 %

0,0

Action 03

Fonction juridictionnelle : Tribunaux administratifs

AE

164,3

166,1

+ 1,8

+ 1,1 %

0,0

CP

164,3

166,1

+ 1,8

+ 1,1 %

0,0

Action 04

Fonction consultative

AE

16,1

16,2

+ 0,1

+ 0,6 %

0,0

CP

16,1

16,2

+ 0,1

+ 0,6 %

0,0

Action 05

Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités

AE

8,3

8,3

+ 0,0

+ 0,6 %

0,0

CP

8,3

8,3

+ 0,0

+ 0,6 %

0,0

Action 06

Soutien

AE

174,4

187,1

+ 12,7

+ 7,3 %

0,2

CP

111,0

119,7

+ 8,7

+ 7,8 %

0,2

Action 07

Cour nationale du droit d'asile

AE

36,8

44,9

+ 8,2

+ 22,2 %

0,0

CP

36,8

44,9

+ 8,2

+ 22,2 %

0,0

Total programme 165

AE

483,6

507,1

+ 23,5

+ 4,9 %

0,2

CP

420,2

439,7

+ 19,5

+ 4,6 %

0,2

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces crédits supplémentaires bénéficient principalement aux actions 06 « Soutien » et 07 « Cour nationale du droit d'asile » dont le budget augmente respectivement de 7,8 % (+ 8,7 millions d'euros) et 22,2 % (+ 8,2 millions d'euros) en CP.

1. Pour la deuxième année consécutive, un abondement de crédits non prévu par la programmation pluriannuelle

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, le programme 165 bénéficie d' une ouverture de crédits supplémentaires d'environ 19,5 millions d'euros pour les crédits de paiement (CP) et de 23,5 millions d'euros pour les autorisations d'engagement (AE).

Pour la deuxième année consécutive, cet abondement dépasse de manière conséquente les montants inscrits dans la programmation pour les années 2018-2022 , d'environ 13 millions d'euros en CP et 14,4 millions d'euros en AE à périmètre constant.

En 2019 comme en 2020, à périmètre constant, l'écart entre la LFI et la LPFP est principalement dû au renforcement accéléré des moyens de la CNDA , avec la création de 122 emplois en 2019 puis 59 en 2020.

Programmation pluriannuelle des crédits du programme 165

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LPFP

419,3

405,2

407,8

411,7

472,5

416,3

400,9

419,8

446

425,5

PLF (périmètre constant)

418,4

405,2

488,5

425,2

486,9

429,3

LFI (périmètre constant)

420,4

406,2

488,7

425,3

-

-

Écart

+1,1

+1

+80,9

+13,6

+14,4

+13

PLF (périmètre courant)

420,4

406,2

483,4

420,05

481,8

424,2

Écart

+1,1

+1

+75,60

+8,35

+9,3

+7,9

Source : réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire

Les crédits progressent dans l'ensemble des titres de dépenses. Celles de titre 2 augmentent de 3,13 % (2,8 % hors CAS Pensions).

2. Une participation à la maîtrise des dépenses rendue difficile par un contexte contraint
a) Le maintien de la mise en réserve des crédits pour la troisième année consécutive

Depuis la création de la mission « Conseil et contrôle de l'État » en 2005 , le programme 165, à l'instar du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » , était exonéré de mise en réserve en début de gestion 3 ( * ) .

Le Gouvernement a toutefois mis fin à cette dérogation en 2018 et a ainsi procédé à un gel des crédits en début d'exercice 2018 atteignant le seuil maximal du taux de mise en réserve fixé par circulaire 4 ( * ) - 0,5 % pour les dépenses de titre 2 et 3 % pour les autres titres.

L'application de cette mise en réserve a été reconduite en 2019 , le Conseil d'État subissant un gel en début de l'exercice 2019 de 5,7 millions d'euros en AE et 3,8 millions d'euros en CP. Néanmoins, selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, les crédits du titre 2 mis en réserve (1,75 millions d'euros en AE et en CP) feront l'objet d'un dégel avant la fin de l'exercice , pour permettre au programme de procéder à l'exécution de la totalité de son schéma d'emploi.

La mise en réserve devrait être reconduite en 2020, pour un taux semblable à celui de 2019.

b) Une hausse continue des frais de justice depuis 2017 malgré la poursuite des économies sur ce poste

En dépit des efforts entrepris par les juridictions administratives pour réduire leur frais de fonctionnement, notamment les frais de justice, à travers la dématérialisation croissante des procédures, la dotation pour les frais de justice devrait augmenter en 2020 pour atteindre 15,34 millions d'euros, soit un niveau inégalé jusqu'alors.

En pratique, cette évolution serait essentiellement imputable à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), dont la dotation pour frais de justice progresse de 2,2 millions d'euros en 2020 (+ 31,7 %). Elle résulterait de la hausse substantielle des entrées devant cette juridiction, nécessitant des dépenses croissantes pour l'interprétariat .

Évolution des frais de justice depuis 2013

(en millions d'euros)

* L'estimation des économies réalisées par les téléprocédures en 2019 et 2020 n'est pas encore disponible

Source : commission des finances, d'après les réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire

Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'après avoir permis des économies significatives (frais postaux notamment), le développement puis la généralisation des téléprocédures pour les avocats et les administrations semblent avoir atteint leurs limites, de telle sorte que peu de nouvelles marges de manoeuvre paraissent exister pour les années à venir .

En effet, l'utilisation de Télérecours pour les citoyens non représentés (12 % des recours devant les cours administratives d'appel et 38 % des recours devant les tribunaux administratifs) reste facultative et ne devrait donc pas concerner un aussi grand nombre d'affaires que celles portées par les avocats et les administrations.

Le développement des téléprocédures
devant les juridictions administratives

Après l'extension de l'application Télérecours et son utilisation obligatoire par les avocats et les administrations , le Conseil d'État a déployé en 2018 son équivalent pour les justiciables non représentés - « Télérecours citoyens » - afin de faciliter leurs échanges avec les juridictions administratives. Son usage n'est en revanche pas obligatoire.

Les modalités d'utilisation de « Télérecours citoyens » ont été précisées dans le décret n° 2018-251 du 6 avril 2018 . Après une phase de préfiguration, l'application a été généralisée à l'ensemble des juridictions administratives à compter du 30 novembre 2018.

Ces deux applications ont été améliorées au cours de l'année 2018-2019, avec le développement de fonctionnalités supplémentaires.

En parallèle, à la mi-mai 2019, la Cour nationale du droit d'asile a lancé une expérimentation pour la mise en place de « CNDém@t inversé » qui offre aux avocats inscrits la possibilité de déposer leurs recours, pièces et mémoires de manière dématérialisée ; en effet, la CNDA ne dispose pas de l'application Télérecours, mais devrait bénéficier de son « successeur », le portail contentieux. L'ouverture du service de saisine de la Cour de manière dématérialisée aux avocats se fera fin septembre.

Source : réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire

Dans ce contexte, le Conseil d'État estime que les économies sur les frais de justice générées par « Télérecours citoyens » atteindraient près de 0,35 million d'euros à l'horizon 2022, soit un montant relativement faible .

B. UNE AUGMENTATION CONSÉQUENTE DES MOYENS DÉDIÉS À LA COUR NATIONALE DU DROIT D'ASILE, DANS UN CONTEXTE DE HAUSSE DU CONTENTIEUX ASSOCIÉ

1. Une hausse continue du nombre de recours...

La Cour nationale du droit d'asile, juge en premier et dernier ressort des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), se trouve confrontée, ces dernières années, à une hausse continue des affaires entrantes, directement liée à celle du nombre d'étrangers demandeurs d'asile. L'augmentation du nombre d'affaires résulte également d'un taux de refus conséquent des demandes d'asile (73 % en 2018), allié à un taux de contestation particulièrement élevé des décisions rendues (de l'ordre de 86,6 %).

Si l'augmentation du nombre d'affaires entrantes s'inscrit dans une tendance durable depuis 2008 (+ 130 % entre 2009 et 2017), elle a connu une progression particulièrement rapide en 2017 (+ 34 %) et 2018 (+ 9,5 %) et devrait encore s'accélérer dans les années à venir. Ainsi, selon les dernières estimations de l'Ofpra, la Cour devra traiter près de 90 000 nouveaux recours en 2020, contre 58 671 en 2018, soit une hausse de 53 % sur deux ans.

Évolution du nombre de recours entre 2009 et 2020

(en milliers)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. ... se traduisant par une maitrise difficile des délais de jugement...

Dans ce contexte, après une réduction notable des délais moyens constatés de jugement jusqu'en 2017- près de 15 mois en 2010 contre 6 mois et 17 jours en 2017 -, ceux-ci sont repartis à la hausse en 2018 pour atteindre 8 mois et 4 jours en procédure normale et 4 mois et 11 jours pour les procédures accélérées, qui ont représenté 41 % du contentieux.

Pour rappel, les objectifs de délai moyen constatés fixés par le législateur depuis 2015 5 ( * ) sont de cinq semaines pour la procédure à juge unique (procédure accélérée) et cinq mois pour les procédures en formations collégiales (procédure normale).

Évolution du délai moyen constaté de jugement des affaires
à la Cour nationale du droit d'asile

(en jours)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette cible ne devrait pas être davantage atteinte en 2019 , en raison notamment des mouvements de protestation des avocats contre le déploiement des vidéo-audiences au printemps 2019, entraînant une dégradation des prévisions actualisées. Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, la Cour estime à 2 000 le nombre de décisions qui n'ont pu être prises en 2019 en raison de ce mouvement social. Par conséquent, au 31 août, les délais moyens constatés étaient de 9 mois et 17 jours pour les procédures normales, et de 4 mois et 31 jours pour les procédures accélérées .

Les objectifs pour 2020 demeurent toutefois identiques à ceux fixés par la loi du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile.

En revanche, le délai moyen prévisible de jugement (quotient du nombre de dossiers en stock par le nombre d'affaires jugées dans l'année) devrait connaître une baisse notable , en raison d'un important déstockage mené au cours des dernières années. En effet, le nombre d'affaires en instance devant la Cour devrait cette année connaître une légère diminution, après plusieurs années de hausse (36 868 dossiers non jugés au 31 décembre 2018, contre 34 699 dossiers non jugés au 30 juin 2019).

Cette amélioration découlerait des efforts budgétaires réalisés en faveur de la Cour en 2019 , les 122 recrutements effectués devant permettre le traitement d'environ 67 000 dossiers en 2019, contre environ 60 000 affaires entrantes.

3. ... et justifiant une progression notable des moyens alloués à la CNDA

Toutes dépenses confondues, le budget alloué à la CNDA progresse de 11,9 millions d'euros (soit 21,4 %) entre 2019 et 2020 6 ( * ) , portant à 67,5 millions d'euros en CP les moyens budgétaires mobilisés par la CNDA.

Évolution des crédits alloués à la CNDA entre 2019 et 2020 (en CP)

(en % et en M€)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette évolution résulte en premier lieu d'une augmentation de 3,7 millions d'euros des crédits hors titre 2 - dont 2,2 millions d'euros pour les frais de justice (frais postaux, dépenses d'interprétariat et dépenses de consommables) et 1,5 million d'euros pour les autres crédits.

En effet, alors que les locaux de la Cour sont répartis dans quatre lieux différents et que ses besoins immobiliers ne cessent de s'étendre , un projet de relogement de la Cour, associé à celui du tribunal administratif de Montreuil est à l'étude depuis plusieurs mois. Après une forte augmentation des AE du programme en 2019, essentiellement destinée aux dépenses immobilières (+ 61,7 millions d'euros), la poursuite de l'opération de relogement devrait bénéficier de 1,16 million d'euros euros en AE et CP en 2020. En tout état de cause, l'achèvement des travaux de réhabilitation du site, ainsi que l'installation de la CNDA à Montreuil ne sont pas prévus avant 2024 au plus tôt.

Dans l'intervalle, les crédits de fonctionnement alloués à la CNDA devraient permettre la création de 4 salles d'audience supplémentaires.

En parallèle, afin d'améliorer les délais de traitement des demandes d'asile et de renforcer la capacité de jugement de la CNDA, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit également une augmentation de 8,16 millions d'euros des crédits de titre 2 destinés à la Cour, permettant la création de 59 emplois, dont 32 postes de rapporteurs .

Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, ces emplois supplémentaires devraient porter la capacité de jugement de la Cour à 83 400 affaires par an en 2020 - alors que la CNDA sera confrontée à 90 000 nouveaux recours selon les estimations de l'Ofpra -, puis 89 200 affaires par an en 2021, une fois les nouveaux rapporteurs formés.

À compter de 2020, les effectifs de la Cour seront donc suffisamment nombreux pour traiter chaque année les nouvelles affaires, si tant est que leur nombre se stabilise dans les années à venir , ce que rien ne permet de présager à ce jour.

En pratique, après la création de 4 chambres en 2018, puis 5 nouvelles chambres en 2019, les crédits supplémentaires prévus dans le budget 2020 rendraient possible l'ouverture d'une 23 ème chambre. Le plafond d'emplois de la CNDA s'élèvera ainsi à 719 ETPT , tandis que s on effectif dépasse depuis 2019 l'ensemble des effectifs des 8 cours administratives d'appel réunies.

Évolution des créations d'emplois
pour la Cour nationale du droit d'asile

(en ETPT)

Années

2014

2015

2016

2017

2018

2019

PLF 2020

Emplois créés

15

23

24

40

102

122

59

Dont postes de rapporteurs

8

15

10

24

56

70

32

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Conseil d'État au questionnaire budgétaire et les documents budgétaires

À l'instar des années précédentes, l'essentiel des augmentations de crédits du programme 165 portent donc sur l'amélioration de la CNDA , faisant courir le risque d'un effet d'éviction au détriment des autres juridictions administratives, quand bien même ces dernières font face à un accroissement notable du contentieux .

C. UN EFFORT BUDGÉTAIRE PLUS MODESTE EN FAVEUR DES AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES, DANS UN CONTEXTE DE FORTE CROISSANCE DU CONTENTIEUX

1. Une hausse modérée des ressources allouées aux autres juridictions administratives

En 2020, les autres juridictions bénéficieront de 13 emplois nouveaux - 2 pour le Conseil d'État, 3 pour la commission du contentieux du stationnement payant et 8 pour les tribunaux et cours administratives d'appel - contre 10 en 2019.

Le projet de loi pour 2020 introduit cependant une souplesse supplémentaire, puisque les tribunaux administratifs et les cours d'appels seront autorisés à recruter 21 juristes assistants - mais uniquement à la condition que ces emplois soient autofinancés en gestion sur les crédits du programme, grâce à un moindre recours aux vacataires.

En parallèle, deux millions d'euros supplémentaires sont dédiés au projet de construction de la 9 e Cour administrative d'appel , en Occitanie. Permettant de mieux équilibrer la répartition des cours administratives d'appel, cette Cour devrait être fonctionnelle dès la fin de l'année 2021.

Ces efforts budgétaires demeurent cependant relativement modestes au regard de la forte progression, passée et à venir, du contentieux administratif. En effet, après une augmentation de 8 % en 2018, le nombre d'entrées contentieuses a progressé de 2,5 % dans les cours administratives d'appel et de 11 % dans les tribunaux au cours du 1 er semestre 2019 .

2. Une augmentation considérable du contentieux, invitant à surveiller les délais de traitement des requêtes et du stock d'affaires
a) Une hausse principalement imputable au contentieux des étrangers

Ces dernières années, les juridictions administratives ont connu une augmentation considérable du contentieux , tant par le nombre de recours que celui des domaines concernés. Certains s'avèrent massifs du point de vue des entrées - comme les contentieux sociaux - d'autres complexes en raison de la diversité des procédures applicables - contentieux sur les mesures d'état d'urgence - ; le contentieux des étrangers cumule ces deux critères.

Ainsi, dans les juridictions administratives (tribunaux, cours d'appel et Conseil d'État), le nombre d'affaires enregistrées a progressé de 7,5 % en 2018 (+ 17 945 affaires) , soit une augmentation plus rapide que le nombre d'affaires traitées (+ 10 535 affaires). Le taux de couverture des entrées par les sorties est ainsi passé sous la barre des 100 %, conduisant à une augmentation des stocks dans les deux niveaux de juridiction (+ 3,2 % pour l'ensemble des juridictions administratives). Ce sont ainsi plus de 200 000 affaires qui sont restées pendantes à la fin de l'année 2018.

Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2014

Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Dans le détail, cette augmentation se concentre principalement sur le contentieux des étrangers, qui progresse de 18,2 % pour atteindre 98 475 nouvelles affaires en 2018, soit plus du tiers des entrées dans les juridictions administratives (38 %) . Le contentieux des étrangers représente ainsi 37 % des entrées dans les tribunaux administratifs (+ 37 % depuis 2013) et 49 % des entrées dans les cours administratives d'appel (+ 17 % depuis 2013).

De la même manière, ce contentieux constitue une proportion croissante des affaires traitées par la section du contentieux du Conseil d'État, en raison notamment de la forte augmentation du nombre de pourvois en cassation présentés contre des décisions de la Cour nationale du droit d'asile ; à eux seuls, ces pourvois représentent plus des deux tiers de l'ensemble du contentieux des étrangers dont ont à connaître les chambres de la section du contentieux.

In fine , en 2018, la part du contentieux des étrangers est de 87 % sur la progression totale des entrées , même si le contentieux de la fonction publique (+ 9,6 %), ainsi que celui de la police (+ 13,7 %) enregistrent également une hausse notable sur cette même année.

Évolution du contentieux par domaines entre 2017 et 2018

Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

En 2019, loin de ralentir, la progression des affaires enregistrées s'est amplifiée , avec une hausse de 21 % du contentieux des étrangers , de 12 % du contentieux de la fonction publique, et de 15 % du contentieux de la police.

Cette dynamique, qui n'avait pas été anticipée lors des travaux préparatoires à la loi de programmation pour les finances publiques, est d'autant plus difficile à gérer pour les juridictions administratives que le contentieux des étrangers s'inscrit dans des délais qui lui sont propres , conduisant à repousser le jugement d'autres contentieux.

Elle pourrait ainsi, à terme, peser sur les délais de jugement des juridictions administratives . Dans ce contexte, en sus des évolutions législatives et réglementaires intervenues en 2019 (voir encadré infra ), votre rapporteur spécial note que le Premier ministre a récemment confié au Conseil d'État le soin de réfléchir à une réforme du droit des étrangers, en simplifiant les procédures liées à ce contentieux spécifique.

Le groupe de travail mis en place pour préparer cette étude devrait terminer ses travaux en mars 2020, et rendre des conclusions qui pourraient donc se traduire par des réformes procédurales.

Votre rapporteur spécial sera particulièrement attentif aux suites données à ces travaux .

Évolutions procédurales récentes

Plusieurs évolutions législatives et règlementaires sont intervenues en 2019 et sont attendues dans les années à venir, concourant à alléger les procédures et à donner plus de moyens au juge administratif pour accélérer le traitement des requêtes.

Les extensions de procédures impliquant un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) devraient ainsi permettre de contenir l'impact des transferts de nouveaux contentieux, tels que celui de l'aide sociale 7 ( * ) ou celui des pensions militaires d'invalidité 8 ( * ) .

La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a par ailleurs prévu le lancement de réformes structurelles prenant spécifiquement en compte la situation de la juridiction administrative, confrontée à un nombre croissant de contentieux de l'urgence et de contentieux sous délai de jugement contraint, qui pèsent sur l'organisation des juridictions. Ainsi :

- l'article 34 de la loi prévoit le prolongement de l'expérimentation de la médiation préalable obligatoire pour certains litiges de la fonction publique et litiges sociaux au 31 décembre 2021 ;

- l'article 35 élargit les possibilités de recours aux magistrats honoraires, à qui des fonctions juridictionnelles de rapporteur en formation collégiale, de juge unique ou de juge des référés, ou des fonctions non juridictionnelles d'aide à la décision pourront être confiées ;

- l'article 36 crée le statut de juristes assistants qui renforceront, sur le modèle de ce qui a été fait dans les juridictions judiciaires, l'aide à la décision dont bénéficient les magistrats administratifs. À terme, les magistrats pourront donc davantage se consacrer aux dossiers nécessitant une plus grande expertise juridique et aux dossiers les plus anciens ;

- l'article 39, enfin, élargit la possibilité de statuer en formation collégiale composée de 3 juges des référés aux référés précontractuels et contractuels.

Source : commission des finances du Sénat, à partir du questionnaire budgétaire

b) Des délais moyens de jugement et une évolution du stock qui pourraient déraper

Les activités des juridictions administratives sont mesurées par l'évolution des indicateurs principaux de performance du programme 165, à savoir la maîtrise des délais de jugement et la réduction du stock d'affaires en instance.

Fixé à un an par le législateur 9 ( * ) , l'objectif de délai moyen de jugement est suivi par le principal indicateur de performance du programme. Si, au cours des dernières années, chaque niveau de juridiction est parvenu à réduire ses délais de traitement, de manière à respecter cet objectif, les prévisions actualisées pour 2019 et 2020 laissent envisager un retour à la hausse.

Dans un contexte marqué par de fortes attentes des justiciables à l'égard de l'efficacité du système judiciaire, votre rapporteur sera particulièrement vigilant quant à l'évolution de cet indicateur.

Délai moyen constaté de jugement des affaires

Niveaux de juridiction

2017
Réalisation

2018
Réalisation

2019
(Prévision PAP)

2019
(Prévision actualisée du PLF 2020)

2020
Prévision

2020
Cible

Conseil d'État

7 mois et 12 jours

7 mois et 27 jours

9 mois

8 mois et 16 jours

9 mois

9 mois

Cours administratives d'appel

11 mois et 3 jours

11 mois et 6 jours

11 mois

11 mois

11 mois

10 mois et 8 jours

Tribunaux administratifs

10 mois et 15 jours

10 mois et 3 jours

11 mois

11 mois

11 mois

10 mois

Source : commission des finances d'après l'indicateur 1.1 du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020

De même que la Cour nationale du droit d'asile, les juridictions administratives visent aussi à réduire leur stock d'affaires en instance, particulièrement celles de plus de deux ans .

Si, au Conseil d'État, ce stock a considérablement diminué depuis 2014, la part des affaires en instance depuis plus de deux ans a légèrement augmenté du côté des cours administratives d'appel en 2018 et en 2019, et devrait poursuivre sur cette lancée en 2020.

Proportion d'affaires en stock enregistrées depuis plus de deux ans

(en %)

Niveaux de juridiction

2017
Réalisation

2018
Réalisation

2019
(Prévision PAP)

2019
(Prévision actualisée du PLF 2020)

2020
Prévision

2020
Cible

Conseil d'État

2,3

2,6

2,5

2,3

2,3

< 3

Cours administratives d'appel

3,2

3,4

4

4

4

3

Tribunaux administratifs

7,8

6,9

7,5

7,5

7,5

7,5

Source : commission des finances d'après l'indicateur 1.1 du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020

Cette relative dégradation, liée à une forte progression des entrées, devrait empêcher le respect de la cible initialement fixée pour les cours administratives d'appel.

II. LE PROGRAMME 126 : « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL » (CESE)

Observations principales sur le programme

- Le budget du Conseil économique social et environnemental (CESE) progresse de 4,2 millions d'euros en 2020, en raison de la mission qui lui a été confiée d'organiser, en 2019 puis en 2020, une convention citoyenne thématique.

- Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique prévoit par ailleurs une réforme du CESE à son article 9, visant à remettre la fonction consultative au coeur de l'activité du Conseil.

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS RÉSULTANT DE L'ORGANISATION DE LA DEUXIÈME CONVENTION CITOYENNE

1. Un budget croissant et supérieur à la programmation triennale...

Après avoir connu une relative stagnation en 2019, les crédits du Conseil économique, social et environnemental (CESE) devraient bénéficier d'une augmentation de 10,4 % (+ 4,2 millions d'euros) , pour atteindre 44,4 millions d'euros en 2020 hors attributions de produits.

Ces 4,2 millions d'euros supplémentaires (900 000 euros de crédits de personnels et 3,3 millions d'euros de crédits de fonctionnement) sont en totalité destinés à l'organisation de la deuxième convention citoyenne thématique.

Évolution des crédits par action du programme 126

(en millions d'euros)

LFI 2019

PLF 2020

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (volume)

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (%)

FDC et ADP attendus en 2020

Action 01

Représentation des activités économiques et sociales

AE

27,1

30,3

+ 3,2

+ 11,7 %

0,0

CP

27,1

30,3

+ 3,2

+ 11,7 %

0,0

Action 02

Fonctionnement de l'institution

AE

11,7

12,4

+ 0,7

+ 5,9 %

2,0

CP

11,7

12,4

+ 0,7

+ 5,9 %

2,0

Action 03

Communication et international

AE

1,5

1,8

+ 0,3

+ 23,4 %

0,0

CP

1,5

1,8

+ 0,3

+ 23,4 %

0,0

Total programme 126

AE

40,2

44,4

+ 4,2

+ 10,4 %

2,0

CP

40,2

44,4

+ 4,2

+ 10,4 %

2,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La dotation proposée en 2020 serait ainsi supérieure de près de 4 millions d'euros à la programmation triennale. Au sein de la dotation, les crédits de titre 2 évoluent peu et ceux du titre 3 stagnent, tandis que la dotation du titre 5 reste nulle. Pour rappel, en 2018, l'abondement du titre 5 par l'État a été totalement supprimé, l'investissement étant intégralement supporté par les recettes de valorisation et de mécénat.

Programmation pour 2018-2020
du programme 126

(en euros)

Plafonds de c rédits de paiement

2018

2019

2020

Titre 2

34 747 508

34 933 319

35 119 434

Dont personnel (hors CAS « Pensions »)

11 619 897

11 734 672

11 879 136

Dont CAS « Pensions »

2 879 549

2 921 096

2 962 642

Titre 3

5 300 000

5 300 000

5 300 000

Titre 5

0

Total

40 047 508

40 233 319

40 419 434

Source : réponse du CESE au questionnaire budgétaire

2. ... afin de permettre au CESE de remplir une nouvelle mission, relative à l'organisation de conventions citoyennes

Le 25 avril 2019, en réponse à la crise des « gilets jaunes », le Président de la République a annoncé la création d'une Convention citoyenne pour le climat, dont les membres seraient chargés de formuler des mesures pour réduire d'au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre de la France d'ici à 2030.

L'organisation de cette convention a été confiée au CESE , qui a mis en place les instances suivantes pour assurer son bon fonctionnement :

- un comité d'organisation, chargé d'élaborer le programme de travail de la convention et de veiller à sa mise en oeuvre , qui associe le ministère de de la transition écologique et solidaire, des personnalités qualifiées dans le domaine de l'écologie et de la démocratie participative, et des citoyens membres de la convention. Le rapporteur général de ce comité est l'un des vice-présidents du CESE ;

- un comité des garants , chargé de veiller au respect des règles d'indépendance et de déontologie du processus ;

- un appui technique et juridique , pour assurer la transcription juridique des propositions formulées par les citoyens.

Le CESE a également organisé la logistique nécessaire au tirage au sort, en août 2019, des 150 citoyens participant à la convention , ainsi qu'à leur accompagnement lors des 7 sessions organisées entre octobre 2019 - la première session a eu lieu du 4 au 6 octobre - et janvier 2020, pour un coût total estimé à 4,2 millions d'euros, dont le CESE a réalisé l'avance de trésorerie avant la loi de finances rectificative.

Cette somme recouvre l'organisation des transports et des hébergements pour les participants lors des sessions, l'aménagement et la mise à disposition de salles et de matériels informatiques, la mise en place de plateformes de travail collaboratif, la captation vidéo et la reprographie, l'accompagnement médiatique, et enfin l'hébergement et le déplacement d'experts. Il convient également de mentionner que les participants à la convention perçoivent une indemnité journalière de session, ainsi qu'une indemnité de perte de revenu professionnel.

Le CESE a en outre recruté plusieurs contractuels afin de compléter les équipes du Conseil pour faire face à la charge de travail supplémentaire.

Les propositions qui émaneront de la convention au cours de l'année 2020 seront soumises au vote du Parlement ou à un référendum . Elles pourront également donner lieu directement à des mesures réglementaires.

En 2020, le Conseil sera chargé de l'organisation d'une deuxième convention citoyenne, dont le thème reste à définir . Il bénéficiera donc à nouveau d'une dotation spécifique de 4,2 millions d'euros.

B. UN RENFORCEMENT DE L'ACTIVITÉ CONSULTATIVE NOTAMMENT PRÉVU PAR LE PROJET DE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE

Le projet de réforme du CESE est à présent porté devant le Parlement, depuis le dépôt du projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique à l'Assemblée nationale en août 2019. Son article 9 tend à réviser l e titre XI de la Constitution , conformément aux orientations données par le Président de la République. 10 ( * )

1. Une réforme qui remet la fonction consultative au coeur de l'action du Conseil

Outre la réduction du nombre de conseillers à 155 (contre 233 actuellement), l'article 9 renforce le rôle consultatif du CESE en rendant sa saisine systématique sur tout projet de loi ayant un objet économique, social ou environnemental , et facultative sur les projets de loi financière ou de programmation, « ou tout autre projet de loi, d'ordonnance ou de décret » .

Cette consultation sera également possible sur les propositions de loi mais, dorénavant, à la seule initiative des assemblées et non plus à la demande du Gouvernement. Une loi organique déterminera les conditions - et en particulier les délais - dans lesquels il sera procédé à ces consultations. Celles-ci devront permettre de supprimer toutes celles, trop nombreuses, qui existent et qui, en l'absence de cohérence d'ensemble, alourdissent et rendent souvent peu lisibles les procédures d'élaboration des textes.

Trois fonctions seront par ailleurs confiées au CESE :

- il aura pour mission d'organiser les consultations publiques nécessaires pour éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, ainsi que sur les conséquences à long terme de leurs décisions. Dans ce cadre, le Conseil pourra, à son initiative ou à celle du Gouvernement, réunir des conventions de citoyens tirés au sort - comme la Convention citoyenne sur la transition écologique, initiée par le Président de la République à la suite du grand débat ;

- il assurera la participation du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national , ce qui lui permettra de développer une expertise interne dans ce domaine ;

- il sera chargé de recueillir et traiter les pétitions - notamment sous format électronique - en leur offrant un débouché parlementaire . Une loi organique déterminera le nombre de signataires nécessaires pour qu'elles soient analysées et discutées par le Conseil, qui pourra y donner les suites qu'il jugera utiles. Les assemblées parlementaires seront dans un second temps saisies de ces pétitions, et pourront organiser des débats en commission, en séance, voire déposer des propositions de loi pour donner réponse à ces initiatives citoyennes.

Ainsi, la fonction consultative serait remise au coeur de l'action du Conseil, lui permettant de rendre des avis plus utiles aux pouvoirs publics.

2. Une réforme en phase avec les orientations déterminées par le Conseil

D'ici la mise en oeuvre de la réforme et l'adoption des textes afférents, le Conseil cherche à renforcer l'efficacité de son activité consultative , dans la lignée des orientations stratégiques adoptées en 2016.

Si le nombre d'avis rendus devrait rester stable pour 2020 et les années suivantes, le CESE cherche en revanche à donner davantage de suites aux préconisations issues de ses avis .

Une instruction générale du Bureau serait ainsi en cours d'élaboration , afin de permettre une rationalisation des procédures du Conseil et une formulation plus opérationnelle des recommandations émises, en vue d'en assurer une promotion et un suivi sur la durée plus efficaces.

Production intellectuelle du CESE

2017

Réalisation

2018

Réalisation

2019

Prévision PLF

2019

Prévision

actualisée

2020
Prévision

Nombre d'avis produits

27

31

25

29

30

Études et communications

1

1

5

4

5

Source : commission des finances d'après l'indicateur 1.1 du programme 126 projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2020

Cet objectif se traduit notamment par la production d'avis en lien avec d'autres institutions , telles que la Cour des comptes, le Défenseur des droits ou les Conseils économiques, sociaux et environnementaux des Régions (CESER) 11 ( * ) ou par l'instruction de pétitions recueillant un grand nombre de signatures sur internet.

En 2019, le Conseil a également expérimenté la participation citoyenne à la rédaction d'un avis sur le thème : « Fracture et transition : réconcilier la France ». En pratique, 27 citoyens tirés au sort ont été invités à venir travailler en collaboration avec les conseillers du CESE, réunis en une commission temporaire, pour proposer des éléments à intégrer dans l'avis. Cet avis a été présenté en assemblée plénière le 12 mars 2019 , en présence du Premier ministre, ainsi que de plusieurs ministres.

Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, le Conseil ambitionne également, pour renforcer sa vocation consultative, d'augmenter la part des saisines gouvernementales, parlementaires ou en provenance de citoyens (pétitions), par rapport à celle dévolue aux saisines d'initiative (anciennement « autosaisines »), afin mieux répondre aux attentes des pouvoirs publics en les éclairant sur la faisabilité et l'acceptabilité notamment sociales des mesures envisagées.

III. LE PROGRAMME 164 : « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES »

Observations principales sur le programme

- Pour 2020, les crédits demandés s'élèvent à 220,36 millions d'euros en CP , à la suite d'une modeste hausse de 0,2 % par rapport à 2019. Celle-ci s'explique par une augmentation des dépenses de personnel, destinée à financer le recrutement de 5 emplois supplémentaires .

- Le schéma d'emploi sur le triennal 2020-2022 est revu à la baiss e, prévoyant la création de 30 ETPT sur la période en lieu et place des 50 ETPT initialement prévus.

- Les juridictions financières poursuivent à moyens constants leurs activités de contrôle, dont les plus récentes : l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales , et le contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) et des établissements de santé privés.

- Le programme 164 devrait à nouveau bénéficier de l' exonération de la mise en réserve de ses crédits en début d'année, pour favoriser son « indépendance fonctionnelle » dans la gestion de ses crédits.

Le programme 164 retrace les crédits de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) , ces dernières regroupant 18 chambres régionales des comptes (CRC), dont 5 en outre-mer et 5 chambres territoriales des comptes (CTC), situées en outre-mer 12 ( * ) .

A. UN BUDGET INFÉRIEURE À LA TRAJECTOIRE DÉFINIE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE

1. Un budget quasiment constant par rapport à l'année dernière

Pour 2020, les crédits du programme 164 s'élèvent à 220,4 millions d'euros en CP et 224,4 millions d'euros en AE . Si le niveau de CP progresse très légèrement par rapport 2019 (+ 0,2 %), le plafond des AE diminue de 3,4 %.

Évolution des crédits par action du programme 164

(en millions d'euros)

LFI 2019

PLF 2020

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (volume)

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (%)

FDC et ADP attendus en 2020

Action 21

Examen des comptes publics

AE

41,7

41,2

- 0,5

- 1,3 %

0,6

CP

41,7

41,0

- 0,7

- 1,8 %

0,6

Action 22

Contrôle des finances publiques

AE

16,5

16,6

+ 0,1

+ 0,6 %

0,0

CP

16,5

16,6

+ 0,1

+ 0,6 %

0,0

Action 23

Contrôle des gestions publiques

AE

62,5

62,6

+ 0,1

+ 0,2 %

0,0

CP

62,5

62,6

+ 0,1

+ 0,2 %

0,0

Action 24

Évaluation des politiques publiques

AE

36,1

36,4

+ 0,3

+ 0,8 %

0,0

CP

36,1

36,4

+ 0,3

+ 0,8 %

0,0

Action 25

Information des citoyens

AE

7,5

7,5

- 0,0

- 0,6 %

0,0

CP

7,5

7,5

- 0,0

- 0,6 %

0,0

Action 26

Mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires publics

AE

4,9

4,9

- 0,0

- 0,0 %

0,0

CP

4,9

4,9

- 0,0

- 0,0 %

0,0

Action 27

Pilotage et soutien des juridictions financières

AE

63,0

55,2

- 7,8

- 12,3 %

0,1

CP

50,7

51,4

+ 0,7

+ 1,4 %

0,1

Total programme 164

AE

232,2

224,4

- 7,8

- 3,4 %

0,6

CP

219,9

220,4

+ 0,4

+ 0,2 %

0,6

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le niveau de crédits du programme 164 pour 2020 poursuit donc une trajectoire relativement stable quoiqu' inférieure à la programmation pluriannuelle .

Programmation pluriannuelle des crédits du programme 164

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Années (par défaut, programmation)

2018

LFI 2018

2019

LFI 2019

2020

PLF 2020

2021

2022

Dépenses de titre 2

192,07

192,37

195,07

195,08

197,35

195,52

198,63

199,27

dont hors CAS « Pensions »

143,41

144,1

145,5

146,28

146,38

146,71

147,35

147,82

dont CAS « Pensions »

48,66

48,27

49,57

48,8

50,97

48,81

51,29

51,45

Dépenses hors titre 2

25,3

25,3

25,3

24,84

25,3

24,84

25,3

25,3

Total

217,37

217,67

220,37

219,92

222,65

220,36

223,93

224,57

Source : commission des finances, d'après les réponses de la Cour des comptes au questionnaire budgétaire

En effet, si les crédits hors titre 2 sont conformes à la trajectoire définie en loi de programmation, l'évolution des crédits du titre 2 s'en écarte sensiblement, afin de tenir compte de la modification du schéma d'emplois pour les années 2020 à 2022 .

2. Une progression modeste des dépenses de personnel, dans un contexte marqué par une extension des missions confiées à la Cour
a) Un schéma d'emploi revu à la baisse, entrainant une progression des dépenses de personnel moindre que prévue...

En 2020, les dépenses de personnel connaissent une hausse plus modeste que prévue, progressant de 0,43 million d'euros (+ 0,2 %), contre une augmentation de 2,28 millions d'euros (+ 1,2 %) initialement annoncée en loi de programmation.

Cette évolution résulte de la remise en cause du schéma d'emploi fixé en 2017, permettant la création de 50 emplois supplémentaires pour atteindre le plafond « historique » du programme, fixé à 1 840 ETPT . La lettre plafond du 26 juillet 2019 revient en effet sur l'augmentation des effectifs, limitant la hausse des emplois à 30 ETPT sur la période 2019-2022.

Évolution du schéma d'emplois

(en ETPT)

2019

2020

2021

2022

Total

Lettre plafond de 2017

+ 15

+ 15

+ 10

+ 10

+ 50

Lettre plafond de 2019

+ 15

+ 5

+ 5

+ 5

+ 30

Écart 2017 / 2019

0

- 10

- 5

- 5

- 20

Source : commission des finances, d'après les réponses de la Cour des comptes au questionnaire budgétaire

Le schéma d'emploi pour 2020 prévoit ainsi 5 ETPT supplémentaires , en lieu et place des 15 ETPT initialement annoncés.

Par conséquent, le plafond d'emplois, qui doit désormais être actualisé chaque année afin de prendre en compte l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 13 ( * ) , est fixé à 1 802 ETPT pour 2020, contre 1 796 ETPT en 2019 .

Plafond d'autorisation d'emplois rémunérés par l'État

(en ETPT)

Réalisation 2018

2019

Situation au 31/07/2019

Situation prévisionnelle pour l'année 2019

PLF 2020

Catégorie A

1 286

1 277

1 313

1 314

1 307

Catégorie B

276

292

262

264

281

Catégorie C

210

227

204

200

214

Total

1 772

1 796 14 ( * )

1 779

1 778

1 802

Source : commission des finances, d'après les réponses de la Cour des comptes au questionnaire budgétaire

Votre rapporteur spécial relève qu'en tout état de cause, le plafond d'emploi historique du programme, fixé à 1 840 ETPT, n'a jamais été atteint, malgré une consommation quasi-intégrale des crédits alloués à la masse salariale.

Plusieurs facteurs expliqueraient cette sous-consommation récurrente du plafond d'emplois sur la période récente :

- l'insuffisance des crédits de masse salariale , dont le montant n'a jamais atteint le niveau nécessaire pour assurer le financement du plafond de 1 840 emplois ;

- la nécessité de conserver un volant de sécurité d'ETPT pour assurer l'éventuelle réintégration des magistrats à l'extérieur des juridictions financières ;

- le nombre réduit de magistrats recrutés à la sortie de l'ENA , si on le rapporte aux magistrats qui quittent les juridictions financières (retraites, mobilités, disponibilités, etc.)

- un nombre élevé de sorties en 2018 : 208, soit près de 12 % de l'effectif en fonction dans les juridictions financières.

Si la révision à la baisse du plafond d'emplois devrait contribuer à résorber l'écart constaté entre ce plafond et les emplois réellement consommés, force est de constater qu'en 2019, la consommation d'emplois s'annonce inférieure de 18 ETPT au plafond prévu en loi de finances .

b) ... malgré une extension des missions confiées aux juridictions financières

Les dépenses de titre 2 représentent toujours la quasi-totalité des crédits du programme (89 % en 2020) , à la suite d'une hausse progressive de ces mêmes dépenses entre 2016 et 2020 (+ 5,4 % en AE et CP) conjuguée à une baisse globale des autres dépenses ces dernières années (- 7,5 % en AE et - 11,3 % en CP).

En effet, au cours des dernières années, plusieurs facteurs ont justifié une augmentation des dépenses de personnel de la Cour, à commencer par l'élargissement des compétences des juridictions financières et la technicité croissante de leurs missions, tandis que le développement du numérique a suscité des besoins nouveaux en termes de profils et de compétences.

En pratique, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a élargi les compétences de contrôle des juridictions financières à l'ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux , y compris de droit privé, alors que leur intervention était jusqu'alors limitée au seul secteur public ou associatif financé par le biais de subventions publiques. Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, ce nouveau champ de compétences, qui porterait sur près de 38 000 établissements supplémentaires à contrôler représentant 47 milliards d'euros d'argent public, supposerait une montée en compétences significative des équipes de contrôle sur un secteur et des pratiques encore peu connues de celles-ci.

En parallèle, depuis 2017, les juridictions financières sont impliquées dans l'expérimentation de la certification des comptes locaux , introduite par la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe). Cette expérimentation est menée en deux phases, la première, entre 2017 et 2020 portant sur un accompagnement des collectivités par les juridictions financières dans l'évaluation de la fiabilité de leurs comptes ; la seconde, entre 2021 et 2023, étant réservée à la réalisation de certifications préparatoires.

Le diagnostic d'entrée global réalisé en 2017 et début 2018 a ainsi nourri l'élaboration du bilan intermédiaire qui a été publié le 19 juin 2019 et a permis d'identifier plusieurs chantiers conséquents pour assurer le succès d'une fiabilisation des comptes locaux , à commencer par l'élaboration d'un recueil de normes comptables applicables au secteur public local ou la perspective du compte financier unique. L'année 2020 sera ainsi consacrée au développement d'examens ciblés par les équipes mixtes associant la Cour et les chambres régionales des comptes, sous l'égide de la formation commune dédiée et avec l'aide de l'équipe centrale.

Enfin, et en sus de leurs missions historiques (à savoir le contrôle de la régularité des comptes et du bon accomplissement par les comptables des obligations qui leurs incombent), les juridictions financières sont depuis peu impliquées dans le développement de contrôles communs entre la Cour et les chambres régionales , et demeurent régulièrement sollicitées par le Gouvernement et le Parlement pour des missions de conseil et d'appui. Le nombre d'auditions par le Parlement a ainsi doublé en 2018 et en 2019, notamment à la suite des nouvelles demandes formulées par l'Assemblée nationale, dans le cadre du « printemps de l'évaluation ».

3. Des redéploiements internes parmi les dépenses hors frais de personnel, permettant d'afficher une stabilité d'ensemble

En 2020, les dépenses hors titre 2 sont globalement stables en CP , même si elles diminuent légèrement en AE (- 8,29 millions d'euros) ; cette évolution à la baisse s'expliquerait par les renouvellements de baux immobiliers et de marchés pluriannuels intervenus en 2019 et qui ne se reproduisent pas en 2020.

En pratique, le budget 2020 se caractérise cependant par plusieurs redéploiements, permettant d'accroître l'effort budgétaire en faveur du développement informatique et de la formation du personnel. Ainsi, les dépenses immobilières qui représentent 41 % des crédits portés par le titre 3, enregistrent une diminution de 7,6 % en CP en 2020, tandis que les crédits destinés au développement des technologies numériques progressent de 11,2 % en CP par rapport à 2019 .

Par conséquent, plus de 80 % des dépenses d'investissement , soit 0,75 million d'euros, seront consacrés au renouvellement de matériels et à la poursuite de projets stratégiques informatiques.

En parallèle, les dépenses de fonctionnement courant, liées aux activités de contrôle (frais de déplacement, marchés d'expertise dans le cadre des missions de certification des comptes de l'État, du régime général de la sécurité sociale et des comptes locaux, travaux d'impression, frais postaux, actions de communication externe et archives) subissent une nouvelle baisse (- 2,7 % en CP), au profit du budget alloué aux ressources humaines qui progresse de 14,5 % en CP.

Votre rapporteur spécial note que cette stabilité d'ensemble rompt avec plusieurs années marquées par une attrition des crédits de fonctionnement et d'investissement ; en tout état de cause, le niveau atteint aujourd'hui semble constituer un plancher, la plupart des économies structurelles envisageables ayant d'ores et déjà été réalisées.

B. DES MESURES DE RÉGULATION BUDGÉTAIRE PEU COMPATIBLES AVEC LE RESPECT DE L'INDÉPENDANCE FONCTIONNELLE DE LA COUR

Afin de tenir compte de la nature particulière des institutions financées par le programme 164, le législateur a assorti les règles budgétaires issues de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de dérogations pour ce même programme et lui a ainsi réservé une « indépendance fonctionnelle » dans la gestion de ses crédits.

1. La consécration d'un principe d'indépendance fonctionnelle des institutions supérieures de contrôle

Compte tenu de leurs fonctions particulières de contrôle des finances publiques, les juridictions financières bénéficient d'une autonomie de gestion vouée à assurer leur bon fonctionnement. Les normes internationales reconnaissent ainsi aux Institutions supérieures de contrôle (ISC), dont la Cour des comptes fait partie, une indépendance fonctionnelle qui s'entend comme le fait de « disposer des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires et raisonnables » et implique que « les pouvoirs exécutifs ne doivent pas contrôler ni encadrer l'accès à ces ressources. Les ISC gèrent leur propre budget et peuvent l'affecter de la manière qu'elles jugent appropriée. Le Parlement est chargé de veiller à ce que les ISC disposent des ressources nécessaires pour remplir leur mandat. Les ISC ont le droit de faire appel directement au Parlement lorsque les ressources fournies sont insuffisantes pour leur permettre de remplir leur mandat ». 15 ( * )

Cette indépendance s'est notamment traduite par la sortie des juridictions financières de l'enveloppe budgétaire du ministère de l'économie et des finances en 2005 , pour prendre par ailleurs en compte la nouvelle mission de certification des comptes de l'État, avec le rattachement des crédits de la Cour dans la mission « Conseil et contrôle de l'État », placée auprès des services du Premier ministre 16 ( * ) .

2. Une remise en cause récente de la dérogation accordée aux juridictions financières

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF en 2006, la Cour des comptes bénéficie également d'une levée automatique en début d'année de la mise en réserve des crédits votés en loi de finances initiale . Cette dérogation fait suite à la lettre adressée par le Premier ministre de l'époque au Premier président de la Cour des comptes 17 ( * ) , indiquant que le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » bénéficierait de modalités budgétaires particulières et ne serait pas affecté par les mises en réserve de crédits. Par parallélisme, cette dérogation avait été accordée au programme 165 de la même mission.

Or, depuis 2018, les crédits des juridictions financières font systématiquement l'objet d'une mise en réserve de précaution , dont la levée est intervenue en mars pour l'exercice 2018 et fin février pour l'exercice 2019, à la suite d'une demande expresse formulée par la Cour des comptes , après plusieurs échanges avec la direction du budget et le cabinet du ministre chargé des comptes publics.

Si, in fine , le programme 164 bénéficie toujours de cette exonération, contrairement au programme 165, votre rapporteur spécial regrette la remise en cause de son automaticité , qu'il estime peu conforme aux engagements internationaux de la France en matière d'indépendance des institutions supérieures de contrôle .

IV. LE PROGRAMME 340 : « HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES »

Principales observations sur le programme

- Les crédits pour 2020 se situent à un niveau presque semblable à celui de 2019, à 0,48 million d'euros, ce qui fait du programme 340 le moins doté de tous les programmes du budget général.

- La pertinence de ce programme est toujours en question, aussi sa transformation en action rattachée au programme 164 peut être proposée . Cependant, une telle modification ne peut se réaliser qu'à travers l'adoption d'une disposition législative organique.

Créé par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est un organisme indépendant, dont le président est le Premier président de la Cour des comptes.

A. LE PROGRAMME LE MOINS DOTÉ DU BUDGET GÉNÉRAL DE L'ÉTAT

En 2020, les crédits s'élèvent à 0,479 million d'euros en AE et CP , soit une légère augmentation par rapport à 2019.

Cette augmentation se concentre intégralement sur les dépenses de personnel, qui progressent de 51 000 euros. L'augmentation de la masse salariale prévue en 2020 s'explique notamment par l'application du Glissement Vieillesse Technicité (GVT) positif ; en effet, dans le cadre de la réglementation applicable à leur statut respectif, les personnels rattachés au programme 340 peuvent prétendre aux avancements de grades et de corps.

Évolution des crédits par action du programme 340

(en millions d'euros)

LFI 2019

PLF 2020

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (volume)

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (%)

FDC et ADP attendus en 2020

Action 01

Haut Conseil des finances publiques

AE

0,428

0,479

+ 0,1

+ 12,0 %

0,0

CP

0,428

0,479

+ 0,1

+ 12,0 %

0,0

Total programme 340

AE

0,428

0,479

+ 0,1

+ 12,0 %

0,0

CP

0,428

0,479

+ 0,1

+ 12,0 %

0,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses de personnel représentent toujours la quasi-totalité des crédits du programme, et concernent la rémunération des trois agents du Haut Conseil (deux magistrats de la Cour des comptes et un rapporteur extérieur).

Les crédits de fonctionnement (0,05 million d'euros) permettent notamment de financer des expertises externes, que l'institution peut être amenée à solliciter pour préparer ses travaux, comme le prévoit la loi organique du 17 décembre 2012. Ainsi, la sous-consommation de ces crédits de fonctionnement sur la dernière année est la conséquence de l'absence de recours aux expertises externes.

La faible dotation de ce programme - le montant le plus faible du budget général 18 ( * ) - interroge toujours sur la pertinence de son maintien. Certes, le Haut Conseil est une institution indépendante des juridictions financières, mais l'essentiel de ses moyens est issu de la Cour des comptes - locaux, fonctions support, et même son personnel. Dès lors, un rattachement des crédits du Haut Conseil au programme 164, sous la forme d'une action , serait envisageable sans qu'il ne porte atteinte à son autonomie.

B. L'UN DES RARES PROGRAMMES PRÉVUS PAR LA LOI ORGANIQUE

Hormis les dotations retracées dans les programmes 551 et 552 de la mission « crédits non répartis », prévues par la LOLF, le programme 340 est le seul dont l'existence est élevée au rang organique . En effet, l'ouverture ou la suppression de programmes intervient habituellement en loi de finances.

Dès lors, la création d'un programme spécifique au Haut Conseil, prévue par l'article 22 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 19 ( * ) , « déroge[ait] au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 7 de la loi organique du 1 er août 2001 » 20 ( * ) , d'après l e Conseil constitutionnel.

Il faudrait ainsi l'adoption d'une disposition organique pour modifier la structure des crédits du Haut Conseil.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à majorer les crédits de la mission de 17 921 euros en AE et CP . Ces crédits supplémentaires se répartissent entre le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » à hauteur de 5 474 euros, le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », à hauteur de 12 421 euros et le programme 340 « Haut Conseil des finances publiques » à hauteur de 26 euros.

Cette majoration correspond à la revalorisation du barème des frais de repas pour les agents publics en formation ou en mission .

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 75 bis (nouveau)
(Article L. 2333-87-5 du code général des collectivités territoriales)

Suppression de l'obligation de paiement préalable pour certains recours contentieux formés devant la Commission du contentieux du stationnement payant

. Commentaire : le présent article vise à supprimer l'exigence d'un paiement préalable avant saisine de la commission du contentieux du stationnement payant pour les personnes victimes du vol, d'une usurpation de la plaque d'immatriculation ou de la destruction de leur véhicule, les personnes ayant cédé leur véhicule et les personnes handicapées exonérées de la redevance de stationnement .

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 63 de la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite loi « MATPAM ») a conduit à la dépénalisation et à la décentralisation du stationnement payant . L'entrée en vigueur de la réforme, reportée dans le temps à deux reprises, est intervenue le 1 er janvier 2018.

Du point de vue de la contestation des amendes de stationnement (désormais « forfaits de post-stationnement » ou FPS), la dépénalisation du stationnement payant s'est traduite par une perte de compétence du juge judiciaire au profit du juge administratif .

Pour éviter un encombrement des tribunaux administratifs, une juridiction administrative spécialisée a été créée, la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) , dont la mission et la composition sont fixées par l'ordonnance n° 2015-45 du 23 janvier 2015 relative à la commission du contentieux du stationnement payant, codifiée dans le code général des collectivités territoriales.

Ainsi, au terme de l'article L. 2333-87-2, la CCSP statue sur les recours formés contre les décisions individuelles relatives aux forfaits de post-stationnement.

En pratique, pour contester un FPS, le redevable doit en premier lieu formuler un recours préalable obligatoire (RAPO) ; il dispose ensuite d'un mois, à compter du rejet de ce dernier, pour contester le rejet de ce dernier auprès de la CCSP.

Pour les FPS majorés (chaque amende forfaitaire impayée étant transformée en amende majorée), le redevable n'a pas à déposer de RAPO et peut saisir directement la CCSP d'un recours contre le titre exécutoire .

Au terme de l'article L. 2333-87-5 du code général des collectivités territoriales, et afin d'empêcher tout recours dilatoire, la recevabilité du recours contentieux devant la Commission du contentieux du stationnement payant est cependant subordonnée au paiement préalable du montant de l'avis de paiement du FPS ou du titre exécutoire si le FPS a été majoré.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article a été introduit à l'initiative de notre collègue député Daniel Labaronne, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État », avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement.

Il introduit, à l'article L. 2338-87-5 du code général des collectivités territoriales, plusieurs exceptions au principe de paiement préalable des forfaits de stationnement .

Seraient exonérées de cette obligation :

- les personnes susceptibles de prouver le vol ou la destruction de leur véhicule ou de démontrer qu'elles ont été victimes du délit d'usurpation de plaque.

- les personnes justifiant avoir cédé leur véhicule ;

- les titulaires de la carte « mobilité inclusion » portant la mention « stationnement pour personnes handicapées ».

Dans les deux premiers cas, les personnes mentionnées devront présenter, à l'appui de leur demande d'exonération, l'un des documents suivants , conformément aux dispositions de l'article 529-10 du code de procédure pénale :

- le récépissé du dépôt de plainte pour vol ou destruction du véhicule ou pour le délit d'usurpation de plaque, ou une copie de la déclaration de destruction de véhicule établie conformément aux dispositions du code de la route ;

- une lettre signée de l'auteur de la requête ou de la réclamation précisant l'identité, l'adresse, ainsi que la référence du permis de conduire de la personne qui était présumée conduire le véhicule lorsque la contravention a été constatée ;

- des copies de la déclaration de cession du véhicule et de son accusé d'enregistrement dans le système d'immatriculation des véhicules.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Dans un récent rapport de contrôle, intitulé « Le recouvrement des amendes de circulation et des forfaits de post-stationnement : un système grippé » 21 ( * ) , nos collègues sénateurs Thierry Carcenac et Claude Nougein, rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », se sont attachés à détailler les difficultés ponctuelles non anticipées liées à la dépénalisation du stationnement payant .

Ils relèvent ainsi que l'émission de FPS à l'encontre des personnes titulaires d'une « Carte mobilité inclusion » ou d'une « Carte européenne de stationnement » et bénéficiant donc de la gratuité du stationnement peut placer ces dernières dans une situation financière très difficile : « certaines personnes doivent ainsi plusieurs milliers d'euros au titre de FPS majorés impayés, sanctions qu'elles ne peuvent contester puisqu'il leur est impossible de régler, au préalable, une telle facture ».

Les auteurs du rapport notent également que contrairement au droit en vigueur pour les amendes forfaitaires, il n'est pas possible, dans le cas des forfaits de stationnement, de désigner le conducteur effectivement responsable . Cette disposition aurait été rappelée à plusieurs reprises par la CCSP dans sa jurisprudence.

Il en découle de nombreux cas dans lesquels des personnes ayant cédé leur véhicule sont néanmoins contraintes de payer le FPS avant de pouvoir le contester devant la CCSP.

Un sort similaire serait réservé aux personnes victimes du vol ou de la destruction de leur véhicule, ou encore d'une usurpation de leur plaque d'immatriculation . À cet égard, nos collègues sénateurs soulignent, à juste titre, que les redevables d'amendes forfaitaires bénéficient d'une situation plus favorable, l'article L. 529-10 du code de procédure pénale les dispensant de consigner le montant de ces amendes, sous réserve qu'elles produisent un récépissé de dépôt de plainte pour vol ou destruction du véhicule ou usurpation de la plaque d'immatriculation.

En conséquence, les auteurs du rapport préconisent de dispenser de paiement préalable les personnes à mobilité réduite, ainsi que celles disposant de documents pouvant attester qu'elles ont cédé leurs véhicules, ou que ce dernier a été volé ou détruit, ou encore qu'elles sont victimes d'une usurpation de leur plaque d'immatriculation .

Votre rapporteur spécial note que le présent article reprend telles quelles ces préconisations , ce qui démontre leur caractère éminemment consensuel .

Ces mesures de bon sens contribueront de toute évidence à simplifier les démarches administratives menées par un grand nombre de nos concitoyens, ce dont votre rapporteur spécial se félicite.

Il note cependant que le dispositif n'étend pas la dispense de paiement préalable aux personnes titulaires d'une carte européenne de stationnement ; toutefois, étant donné le caractère aisément falsifiable de ces dernières, et leur progressif remplacement, sur demande des titulaires, par les cartes mobilité inclusion, votre rapporteur spécial approuve ce choix.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 octobre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de M. Didier Rambaud, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Je salue la présence parmi nous de Patrice Kanner, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » - Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une hausse de 3,6 % des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État », qui sera ainsi dotée de 705 millions d'euros. Cette augmentation, non prévue par la programmation triennale, bénéficie à hauteur de 80 % au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », qui concentre près des deux tiers des crédits de la mission avec un budget de 440 millions d'euros.

L'augmentation de 19,5 millions d'euros de crédits pour ce programme s'accompagne d'une création de 93 emplois, dont 59 au profit de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Les moyens alloués à cette juridiction progresseront ainsi de plus de 20 %, pour atteindre le niveau inédit de 67,5 millions d'euros. L'augmentation substantielle des crédits de la CNDA, non anticipée par la loi de programmation des finances publiques, se traduit par un dépassement de plus de 5 % du plafond de la programmation triennale. Elle se révèle néanmoins indispensable, dans un contexte marqué par la hausse considérable du contentieux de l'asile depuis 2017. Les chiffres sont éloquents : le nombre d'affaires entrantes, de l'ordre de 40 000 en 2016, a progressé de 34 % en 2017, puis de 9,5 % en 2018, pour atteindre près de 60 000 affaires en 2019.

Selon les dernières estimations de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), cette progression devrait s'accélérer encore dans les années à venir, puisque le nombre de recours portés devant la CNDA devrait s'élever à 90 000 en 2020. Il était primordial d'accroître la capacité de jugement de la CNDA, afin de ne pas détériorer davantage les délais de jugement. Je me félicite donc du budget présenté pour 2020 : les 122 recrutements réalisés en 2019, ajoutés aux 59 nouveaux emplois prévus pour 2020, devraient porter la capacité de jugement de la CNDA à près de 90 000 affaires par an en 2021. Les effectifs de la Cour seront donc, à terme, suffisamment nombreux, si tant est que le nombre d'affaires se stabilise, ce que rien ne laisse présager.

L'augmentation des crédits alloués à la CNDA laisse cependant craindre, cette année encore, un effet d'éviction au détriment des autres juridictions administratives. Le projet de loi de finances leur accorde treize nouveaux emplois et leur permet de recruter vingt-et-un juristes assistants, mais uniquement à la condition que ces emplois soient autofinancés en gestion sur les crédits du programme grâce à un moindre recours aux vacataires. Cet effort parait relativement modeste au regard de l'augmentation considérable du contentieux, principalement imputable au contentieux des étrangers, qui représentait plus de 98 000 nouvelles affaires en 2018, soit plus du tiers des entrées dans les juridictions administratives et près de 50 % dans les cours administratives d'appel. Il y a fort à craindre que cette dynamique finisse par peser sur les délais de jugement ; dans ce contexte, le Premier ministre a confié au Conseil d'État le soin de réfléchir à une réforme du droit des étrangers pour simplifier les procédures liées à ce contentieux. Je prendrai connaissance avec intérêt des conclusions que le groupe de travail rendra en mars 2020.

Les crédits des autres programmes demeurent quasiment stables. Après avoir connu une relative stagnation en 2019, le budget du Conseil économique, social et environnemental (CESE) bénéficiera d'une augmentation de 4,2 millions d'euros pour permettre l'organisation d'une deuxième convention citoyenne thématique. En effet, pour rappel, en réponse à la crise des gilets jaunes, le Président de la République a confié au CESE l'organisation d'une convention citoyenne pour le climat, dont les membres sont chargés de formuler des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France d'ici 2030. Le CESE a organisé dès le mois d'août 2019 le tirage au sort des 150 citoyens participant à la convention, si bien que la première des sept sessions de la convention a eu lieu en octobre. Les travaux sur le climat se terminant en janvier 2020, une seconde convention citoyenne, portant sur un autre thème, devrait être organisée l'année prochaine.

Les crédits alloués à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières - 220 millions d'euros - n'évoluent pas, alors que la programmation pluriannuelle prévoyait une augmentation de près de 2 millions d'euros. Cette stabilité est la conséquence d'un schéma d'emploi revu à la baisse sur le triennal 2020-2022 : seuls trente emplois seront créés sur la période, en lieu et place des cinquante initialement prévus, bien que les missions confiées aux juridictions financières ne cessent de s'étendre.

Je vous invite, en conclusion, à adopter les crédits de cette mission.

M. Patrick Kanner , rapporteur pour avis de la commission des lois sur crédits des programmes 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » et 340 « Haut Conseil des finances publiques » de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». - Pour la troisième année consécutive, j'accompagne mon rapport pour avis sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État », amputés de ceux alloués au CESE, par des visites de terrain : à Lille en 2017, à Dijon en 2018 et à Marseille cette année, où je me suis rendu auprès de la chambre régionale des comptes, du tribunal administratif et de la cour administrative d'appel. La chambre régionale des comptes m'a fait part de ses inquiétudes concernant l'extension de ses compétences, notamment la certification des comptes des collectivités territoriales et des établissements sociaux et médico-sociaux à but non lucratif. Le législateur crée trop souvent de nouvelles compétences, parfois légitimes, sans en mesurer les impacts réels.

Dominique Kimmerlin, présidente de la CNDA, s'inquiète de la croissance du contentieux des étrangers, qui représente désormais 50 % de l'activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. La CNDA va créer une vingt-troisième chambre, et les postes correspondants, pour suivre cette évolution. Pour autant, il convient de réfléchir au droit d'asile. La CNDA n'a plus suffisamment de place dans ses locaux de Montreuil, mais ne devrait déménager dans d'anciens bâtiments de l'Association de formation professionnelle des adultes (Afpa) qu'en 2024. La situation est proche de la saturation. Elle est également préoccupante au sein des greffes. Globalement, la souffrance du personnel concerne l'ensemble des juridictions administratives.

S'ils demeurent insuffisants, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission pour 2020.

M. Emmanuel Capus . - Je salue la qualité de la présentation du rapporteur spécial. Les crédits de la CNDA augmentent ; elle a bénéficié de 122 créations d'emplois en 2019, complétées à hauteur de 59 ETP en 2020. Comment sécuriser, à l'avenir, cette évolution exponentielle, concomitante à celle du contentieux des étrangers ?

Je ne suis pas opposé, bien au contraire, à l'organisation d'une convention citoyenne sur le climat, mais je m'interroge sur les 4,2 millions d'euros alloués à une nouvelle convention en 2020. Est-ce réellement une dépense exceptionnelle ? L'organisation de ces événements ne devrait-elle pas être réalisée par le CESE à budget constant ?

M. Jérôme Bascher . - Je partage l'analyse de notre rapporteur spécial s'agissant d'une fusion de la Cour des comptes et du Haut Conseil des finances publiques. Quelle somme est-elle dédiée, au sein de cette dernière instance, aux rapporteurs de la Cour des comptes et, partant, pourrait être économisée ?

M. Thierry Carcenac . - La CNDA bénéficie d'un plafond d'emplois de 719 ETP, mais sa situation immobilière rend impossible l'accueil d'un tel effectif. Quelle solution envisage-t-elle en attendant son déménagement en 2024 ? Le projet sur l'Île de la Cité est-il toujours d'actualité ? J'approuve les crédits de la mission, malgré leur caractère limité.

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial. - Je partage l'analyse de Patrick Kanner. La CNDA travaille dans des conditions épouvantables, avec des agents répartis sur quatre sites. Son regroupement avec le tribunal administratif de Montreuil et son déménagement dans de nouveaux locaux, qui nécessitent des travaux, n'interviendront pas avant 2024. D'ici là, elle louera des bureaux supplémentaires.

Emmanuel Capus, je souhaite également la stabilisation du contentieux du droit des étrangers, dont la croissance a des conséquences budgétaires importantes sur la CNDA depuis 2017. Le Conseil d'État travaille sur le droit des étrangers : nous serons attentifs à ses conclusions. Les procédures, complexes, sont susceptibles de multiples recours : il conviendrait de les simplifier.

Le CESE a effectivement bénéficié par deux fois - en 2019 et en 2020 - d'une enveloppe de 4,2 millions d'euros pour l'organisation de conventions citoyennes. La dépense pourrait devenir récurrente. Il nous a été indiqué que le recrutement de 150 citoyens volontaires, dont il faut également payer les frais de déplacement et de séjour, a nécessité près de 300 000 appels téléphoniques. Tel est le prix de la démocratie citoyenne...

Jérôme Bascher, le Haut Conseil des finances publiques emploie deux magistrats de la Cour des comptes et un rapporteur extérieur. Je vous rappelle toutefois que sa fusion avec la Cour des comptes ne peut être réalisée que par une loi organique.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission et d'adopter l'article 75 bis .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cour des comptes

- M. Didier MIGAUD, Premier président ;

- M. Xavier LEFORT, secrétaire général ;

- Mme Marie-Laure BERBACH, secrétaire générale adjointe ;

- Mme Marie-Andrée BLANC, questeur ;

- M. Jean GROSSET, questeur ;

- M. Luc MACHARD, secrétaire général ;

- M. Pierre DUMAZ, trésorier ;

- Mme Catherine LOPEZ, conseillère chargée des relations avec le Parlement.

Conseil d'État

- M. Xavier GIRARDOT, secrétaire général ;

- M. Jean-Noël BRUSCHINI, directeur de la prospective et des finances.

Cour nationale du droit d'asile (CNDA)

- Mme Suzie JAOUËN, secrétaire générale adjointe.


* 1 Cette particularité déroge ainsi légèrement à l'article 7 de la LOLF disposant qu'« une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ».

* 2 Il s'agit du Conseil d'État, des 8 cours administratives d'appel et des 42 tribunaux administratifs.

* 3 Lettre du Premier ministre adressée au vice-président du Conseil d'État du 25 mai 2005.

* 4 Circulaire du 29 novembre 2017 relative à la mise en oeuvre des mesures visant à assurer le respect en gestion du plafond de dépenses global de la loi de finances initiale 2018.

* 5 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile.

* 6 Action 07 « Cour nationale du droit d'asile », ainsi qu'une partie de l'action 06 « Soutien ».

* 7 Ordonnance n° 2018-358 du 16 mai 2018 relative au traitement juridictionnel du contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale. Un décret d'application reste à paraître.

* 8 Article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense

* 9 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ).

* 10 Discours du Président de la République devant le Parlement réuni en congrès, 3 juillet 2017.

* 11 Les CESER n'ont aucun lien officiel prévu par un quelconque texte avec le CESE. Ce dernier a toutefois mené une mission CESE/CESER de 2016-2017 pour favoriser les échanges entre chaque institution.

* 12 Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre et Miquelon.

* 13 L'article 11 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit qu' « à compter de l'exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en loi de finances initiale, spécialisé par ministère, (...) ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus ».

* 14 En loi de finances rectificatives pour 2019, le plafond d'emploi a été diminué de - 44 ETPT pour le programme 164

* 15 Déclaration de Mexico sur l'indépendance des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques, principe n° 8 de l'INTOSAI. Ces principes ont été repris par l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution A/66/209 du 21 décembre 2011.

* 16 Comme le rappelait notre ancien collègue Roland du Luard, « les moyens du certificateur ne peuvent dépendre du bon vouloir du certifié » , « bien que l'étroite dépendance de la Cour vis-à-vis du ministère chargé des finances ne lui avait jamais porté préjudice », dans son rapport d'information sur « La mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire », 13 juillet 2005.

* 17 Courrier du 25 mai 2005

* 18 À l'exception des programmes 336, 338, 532 et 542 sur lesquels aucun crédit n'est ouvert en 2019.

* 19 Une disposition introduite à l'initiative du Sénat et ayant fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire.

* 20 Décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012.

* 21 « Le recouvrement des amendes de circulation et des forfaits de post-stationnement : un système grippé ? », Rapport d'information n° 651 (2018-2019) de MM. Thierry CARCENAC et Claude NOUGEIN, fait au nom de la commission des finances, 10 juillet 2019.

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