II. UNE LÉGÈRE AMÉLIORATION DU DÉFICIT EFFECTIF QUI MASQUE UN RELÂCHEMENT DE L'EFFORT DE REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS

A. EN APPLICATION DE SES ENGAGEMENTS EUROPÉENS, LA FRANCE DOIT RESPECTER UNE TRAJECTOIRE D'AJUSTEMENT COMPORTANT TROIS OBJECTIFS

1. La France relève du volet correctif du pacte de stabilité, compte tenu des reports successifs du retour du déficit sous les 3 %

Au titre du pacte de stabilité et de croissance, la France devrait en principe respecter quatre règles en matière budgétaire :

- une règle de déficit nominal , en vertu de laquelle le besoin de financement des administrations publiques ne doit pas dépasser 3 % du PIB ;

- une règle de dette , qui impose de maintenir le ratio d'endettement en deçà du seuil de 60 % du PIB ;

- une règle de déficit structurel , en vertu de laquelle le déficit corrigé de l'effet de la conjoncture et des mesures ponctuelles et temporaires ne doit pas dépasser 0,5 point de PIB ;

- une règle de dépenses , qui limite la hausse des dépenses primaires nettes des mesures nouvelles en recettes 9 ( * ) à un taux de référence correspondant à la croissance potentielle de moyen terme 10 ( * ) .

Compte tenu de l'état de ses comptes publics, la France relève du volet correctif du pacte de stabilité depuis avril 2009.

En effet, le retour du déficit nominal en deçà du seuil de 3 % du PIB, condition indispensable à la sortie du volet correctif 11 ( * ) , a été reporté à plusieurs reprises 12 ( * ) , comme l'illustre l'évolution des programmations pluriannuelles depuis le début du quinquennat.

Trajectoire du déficit public dans les programmations pluriannuelles

(en points de PIB)

Source: commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Dans l'objectif de mettre fin à la situation de déficit excessif, une trajectoire d'ajustement comportant trois objectifs a été fixée par le Conseil de l'Union européenne

De ce fait, la France est tenue de respecter une trajectoire d'ajustement fixée par le Conseil de l'Union européenne dans l'objectif de mettre fin à la situation de déficit excessif.

La définition de cette trajectoire est encadrée par les textes européens.

L'ajustement structurel requis chaque année doit en principe être au moins égal à 0,5 point de PIB et fixé à un niveau cohérent avec l'objectif de déficit nominal 13 ( * ) .

Le rythme de croissance des dépenses primaires nettes ne doit pas excéder un taux fixé à un niveau permettant de garantir un progrès suffisant vers la cible de solde structurel 14 ( * ) .

L'objectif est ainsi que la règle de dépenses contribue à assurer le respect de la règle de déficit structurel .

De ce fait, lorsque la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne examinent si la trajectoire budgétaire d'un État membre connaît une déviation significative par rapport à l'ajustement requis, l'évaluation comprend les deux critères suivants 15 ( * ) :

- au regard de la règle de déficit structurel, l'écart représente « au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée, ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives » ;

- au regard de la règle de dépenses, l'écart « a une incidence totale sur le solde des administrations publiques d'au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée, ou si son incidence cumulée représente au moins ce pourcentage au cours de deux exercices consécutifs ».

Enfin, les États membres dont le niveau d'endettement est supérieur à 60 % du PIB bénéficient temporairement d'une dérogation à la règle de dette , qui ne leur sera pleinement applicable qu'à l'issue d'une période de trois ans suivant la correction du déficit excessif 16 ( * ) .

Sur ces fondements, le Conseil a recommandé à la France en mars 2015 de mettre fin à la situation de déficit excessif « au plus tard » en 2017 et d'atteindre un déficit public de 3,4 % du PIB en 2016 , ce qui correspond à une amélioration du solde structurel de 0,8 % du PIB 17 ( * ) et à l'exigence d'un taux de croissance en volume des dépenses publiques primaires nettes ne dépassant pas 0,2 % en 2016 (soit 1,2 % en valeur) 18 ( * ) .


* 9 L'agrégat des dépenses publiques retenu correspond aux dépenses publiques totales diminuées de la charge d'intérêts, des dépenses exceptionnelles, des dépenses liées aux programmes de l'Union européenne intégralement couvertes par des fonds européens ainsi que de la composante cyclique des dépenses d'indemnisation du chômage. Les dépenses d'investissement sont lissées sur quatre ans. La prise en compte les mesures discrétionnaires en matière de recettes permet ensuite d'obtenir l'agrégat des dépenses publiques nettes. De ce fait, une hausse des dépenses publiques supérieure au taux de référence est admise si elle est financée par des mesures nouvelles en recettes, rapprochant ainsi la règle de dépenses européenne de la notion française d'effort structurel. Pour une description détaillée de la méthodologie retenue, voir : Commission européenne, « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact », édition 2017, mars 2017, p. 52.

* 10 Le taux de croissance retenu correspond à la moyenne des taux de croissance des cinq dernières années et des estimations disponibles pour l'année en cours et les quatre années suivantes.

* 11 Plus précisément, une décision sur l'existence d'un déficit excessif ne peut être abrogée « que si, selon les prévisions de la Commission européenne, le déficit ne dépassera pas la valeur de référence de 3 % du PIB prévue par le traité au cours de la période de prévision », conformément aux « Spécifications relatives à la mise en oeuvre du pacte de stabilité et de croissance et lignes directrices concernant le contenu et la présentation des programmes de stabilité et de convergence », adoptées le 5 juillet 2016 par le comité économique et financier.

* 12 Le 27 avril 2009, le Conseil avait adopté une recommandation demandant à la France de corriger son déficit excessif en 2012 au plus tard. Un délai supplémentaire lui a toutefois été accordé à trois reprises par les recommandations du 27 avril 2009, du 21 juin 2013 et du 10 mars 2015.

* 13 Plus précisément, la nouvelle rédaction de l'article 3 du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs dispose que « le Conseil invite l'État membre à respecter des objectifs budgétaires annuels permettant (...) d'améliorer chaque année d'au moins 0,5 % du PIB, à titre de référence, son solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires, de manière à assurer la correction du déficit excessif dans le délai prescrit par la recommandation ».

* 14 Par définition, ce taux est inférieur à la croissance potentielle de moyen terme. Pour une description détaillée de la méthodologie retenue, voir : Commission européenne, « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact », édition 2017, mars 2017, p. 50.

* 15 Nouvelle rédaction de l'article 6 du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

* 16 Plus précisément, la nouvelle rédaction de l'article 2 du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs dispose que « pour un État membre soumis à une procédure concernant les déficits excessifs à la date du 8 novembre 2011 et pendant une période de trois ans à compter de la correction du déficit excessif, l'exigence relative au critère de la dette est considérée comme remplie si l'État membre concerné réalise des progrès suffisants vers la conformité, tels qu'évalués dans l'avis formulé par le Conseil sur son programme de stabilité ou de convergence ».

* 17 Recommandation du Conseil visant à ce qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France, 10 mars 2015, 6704/15.

* 18 Commission européenne, « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact », édition 2017, mars 2017, p. 127.

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