C. UNE RECONNAISSANCE EN TROMPE-L'oeIL DU RÔLE DES BRANCHES

L'article 24 de la loi « Travail » a eu le mérite de reconnaître pour la première fois les missions que remplissent les branches professionnelles.

Celles-ci définissent tout d'abord les garanties applicables aux salariés , notamment en matière de salaires minimas, de classifications, de garanties collectives complémentaires et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle. Outre ces thèmes reconnus depuis la loi du 4 mai 2004 37 ( * ) , la loi « Travail » a ajouté deux autres sujets, à savoir la prévention de la pénibilité et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Les branches assurent en outre une régulation de la concurrence entre les entreprises relevant de leur champ d'application. Cette seconde mission est essentielle car elle protège les petites entreprises contre les pressions exercées par les grands groupes et les donneurs d'ordre et limite ainsi, du moins en théorie, le risque de concurrence sociale déloyale.

Une troisième mission leur a été attribuée : la détermination des thèmes sur lesquels les conventions et accords d'entreprise ne peuvent pas être moins favorables que les conventions et accords conclus au niveau de la branche (à l'exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de la convention ou de l'accord d'entreprise). Cet ajout avait pour objectif non avoué de rassurer les parlementaires de la majorité hostiles à la suppression du principe de faveur prévue à l'article 8 de la loi « Travail », sans toutefois revenir sur son principe.

D'autres dispositions ont poursuivi ce même objectif politique. Ainsi, en application du VI de l'article 24 de la loi, les partenaires sociaux représentatifs dans les branches professionnelles doivent engager, dans un délai de deux ans à compter de sa promulgation, une négociation portant sur la définition de l'ordre public conventionnel applicable dans leur branche. Cette négociation vise notamment à déterminer, pour chaque branche, les thèmes sur lesquels les accords d'entreprise ne peuvent être moins favorables que les accords conclus au niveau de la branche.

En outre, si les missions d'intérêt général confiées aux commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation, désormais obligatoires dans toutes les branches , sont ambitieuses et louables, celles-ci n'auront pas les moyens financiers, humains et juridiques pour les exercer pleinement .

La loi prévoit en effet que ces commissions permanentes, qui se réuniront au moins trois fois par an , devront représenter la branche vis-à-vis des pouvoirs publics, veiller sur les conditions de travail et l'emploi, établir un rapport annuel d'activité qui comportera notamment un bilan des accords d'entreprise qui dérogent aux accords de branche en matière de durée du travail, transmettre à la juridiction compétente son interprétation d'une stipulation d'un accord ou d'une convention faisant l'objet d'un litige, ou encore exercer les missions d'un observatoire paritaire de branche 38 ( * ) .

Or ces commissions ne seront pas dotées de la personnalité juridique , ne disposeront pas d'un budget spécifique pour exercer leurs missions et auront sans doute de grandes difficultés pour obtenir communication des accords d'entreprise dérogatoires précités 39 ( * ) . En effet, le décret pris le 18 novembre dernier 40 ( * ) prévoit seulement l'obligation pour les partenaires sociaux qui concluent l'accord ou la convention instituant cette nouvelle commission de créer une adresse numérique ou postale , publiée sur le site du ministère du travail, afin de permettre la transmission de ces accords d'entreprise, sans prévoir de sanction si cette adresse n'est pas créée ou en cas de non transmission des accords 41 ( * ) .

Le Gouvernement a par ailleurs souhaité offrir aux petites entreprises la possibilité d'utiliser des accords « clefs en main » car négociés au niveau de la branche.

L'article 63 de la loi « Travail » dispose en effet qu'un accord de branche étendu peut comporter, le cas échéant sous forme d' accord type indiquant les différents choix laissés à l'employeur, des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés.

Mais la loi n'a pas prévu de négociation en bonne et due forme avec les délégués syndicaux s'ils existent dans l'entreprise pour adapter un accord type. L'employeur pourra donc appliquer cet accord type au moyen d'un document unilatéral indiquant les choix qu'il a retenus après avoir seulement informé, et non consulté, les délégués du personnel ainsi que les salariés, ce qui constitue aux yeux de votre rapporteur un nouvel affaiblissement des prérogatives syndicales .


* 37 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 précitée.

* 38 Art. L. 2232-9 du code du travail.

* 39 Le septième alinéa du II de l'article L. 2232-9 du code du travail renvoie à un décret le soin de définir les conditions dans lesquelles les conventions et accords d'entreprise portant sur la durée du travail sont transmis aux commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation.

* 40 Décret n° 2016-1556 du 18 novembre 2016 relatif à la procédure de transmission des conventions et accords d'entreprise aux commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation.

* 41 Il convient par ailleurs de rappeler que l'article 16 de la loi « Travail » a créé une base de données nationale, mentionnée à l'article L. 2231-5-1 du code du travail, pour rendre accessibles par voie numérique au public tous les accords et les conventions qui seront signés à compter du 1 er septembre 2017. Le décret nécessaire à l'application de cette disposition devrait être publié en janvier prochain.

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