IV. UN BUDGET DONT LA SINCÉRITÉ EST, CETTE ANNÉE ENCORE, SUJETTE À CAUTION

Au-delà des incertitudes pesant sur certaines sources de financement rappelées précédemment, les dépenses liées aux opérations extérieures, aux dysfonctionnements du logiciel Louvois et aux opérations intérieures ne sont pas budgétées à un niveau sincère.

A. UNE PROVISION AU TITRE DU « SURCOÛT OPEX » MAINTENUE À 450 MILLIONS D'EUROS POUR 2017

La provision inscrite en loi de finances au titre des OPEX n'a pas vocation à prendre en charge l'intégralité du coût supporté par le ministère de la défense mais uniquement les « surcoûts » liés à ces opérations.

Les dépenses relatives au « surcoût OPEX sont retracées, au sein du budget général, sur le budget opérationnel de programme (BOP) OPEX, ainsi que sur les BOP organiques pour ce qui concerne les dépenses dites « ex post », c'est-à-dire celles qui ne peuvent être constatées qu' a posteriori .

La loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, qui s'appuyait sur les contrats opérationnels inscrites dans le livre blanc sur la défense nationale de 2013 qui reposaient sur l'hypothèse d'un retour à deux voire trois théâtres d'opération dont un pour lequel la France serait contributeur majeur , en lien avec le désengagement des troupes françaises d'Afghanistan.

L'article 4 de la loi de programmation militaire 2014-2019 dispose ainsi que « la dotation annuelle au titre des opérations extérieures est fixée à 450 millions d'euros ».

Bien que reposant sur des hypothèses obsolètes avant mêmes l'entrée en vigueur de la loi de programmation militaire - l'opération Serval au Mali ayant été lancée en janvier 2013 - ce montant est celui inscrit chaque année en loi de finances .

Or celui-ci a été systématiquement dépassé depuis 2014 , première année de mise en oeuvre de la loi de programmation militaire, à hauteur de 668 millions d'euros en 2014 et de 666 millions d'euros en 2015.

Évolution de l'écart entre exécution et prévision du surcoût OPEX

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances du Sénat

De manière prévisible, en 2016, le surcoût lié aux OPEX sera très significativement supérieur à la provision inscrite en loi de finances. En commission élargie à l'Assemblée nationale 14 ( * ) , le ministre de la défense a indiqué que le surcoût non pris en charge par la dotation inscrite en loi de finances s'élèverait à 685 millions d'euros , pour un surcoût total s'élevant à 1,14 milliard d'euros .

En 2017, malgré la fin de l'opération Sangaris en République centrafricaine, le surcoût des OPEX devrait être très nettement supérieur à la provision inscrite dans le présent projet de loi de finances.

Surcoût prévisionnel des OPEX en 2016 au 30 juin 2016

(en millions d'euros)

Pays/zones

Forces/opérations

Surcoût

Côte d'Ivoire

LICORNE-CORYMBE-CALAO-ONUCI

14,4

Bande sahélo-saharienne

BARKHANE

534,3

Mali

EUTM

1,3

République centrafricaine

SANGARIS-EUFOR-RCA

93,1

Océan Indien

EUNAVFOR-ATALANTE-EPE

16,4

Liban

FINUL-DAMAN

53,9

Afghanistan

PAMIR-HERACLES MER-EPIDOTE

17,6

Kosovo

TRIDENT

1,7

Levant

CHAMMAL

256,2

Autres

18,8

Total

1 007,7

Source : réponse au questionnaire budgétaire

L'article 4 précité prévoit qu'« en gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel ». Concrètement, le ministère de la défense bénéficie d'ouvertures de crédits via un décret d'avance pris en fin d'année . Une telle situation est contraire au principe de sincérité posé par l'article 32 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001.

À la suite du contrôle qu'il a effectué au cours de l'année 2016 sur ce sujet, votre rapporteur spécial a formulé différentes recommandations visant, notamment, à améliorer la sincérité de la provision inscrite chaque année au titre du « surcoût OPEX ».

Il estimait en particulier nécessaire que soit inscrite une provision plus juste calculée à partir des dépenses constatées au cours des cinq dernières années .

En effet, au-delà de la question de droit budgétaire, l'insincérité du montant inscrit en loi de finances au titre de la provision OPEX fait peser un risque sur les capacités opérationnelles de nos armées.

Si les annulations de crédits intervenant en fin d'année, majoritairement supportées par le programme 146 « Équipement des forces », se sont jusqu'à présent traduites par des retards de paiement des fournisseurs du ministère de la défense, situation déjà contestable en soi, il est à craindre que des annulations plus importantes qu'envisagées pourraient donner lieu à des reports ou à des redimensionnements de programmes d'équipement, créant ainsi un effet de ciseau dangereux avec, d'un côté, des matériels subissant une usure accélérée et, de l'autre, de nouveaux équipements livrés avec délais ou dans des volumes insuffisants.


* 14 Audition du mercredi 2 novembre 2016.

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