B. LE CICE CONTINUE DE PESER SIGNIFICATIVEMENT SUR LES CRÉDITS DE LA MISSION

1. Depuis 2013, les crédits de la mission retracent les remboursements et dégrèvements liés au CICE

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi pèse sur les crédits de la mission :

- au titre des « restitutions d'excédents d'acomptes » : les acomptes versés étant comparés à un impôt sur les sociétés net des imputations de CICE ;

- au titre des « remboursements liés à des politiques publiques », compte tenu des remboursements immédiats .

Le tableau ci-après précise les montants de créances par millésime depuis la mise en place du dispositif en 2013 jusqu'aux projections pour 2019. Le millésime 2019 devrait marquer le dépassement du seuil de 20 milliards d'euros de créance par an.

Prévision de créance de CICE et répartition, par année de déclaration

(en milliards d'euros)

Année de déclaration

Total par millésime

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Créance 2013

9,8

1,1

0,1

11,0

Créance 2014

15,7

1,1

0,0

16,8

Créance 2015

15,9

1,2

0,0

17,1

Créance 2016

16,7

1,2

0,0

17,9

Créance 2017

17,5

1,3

0,0

18,7

Créance 2018

18,1

1,3

0,0

19,4

Créance 2019

18,7

1,4

20,1

Note de lecture : La créance totale au titre de 2014 est évaluée à 16,8 milliards d'euros, dont 15,7 milliards d'euros ont été déclarés en 2015 auprès de l'administration fiscale.

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la direction générale des finances publiques

2. Le coût budgétaire du CICE avait dès l'origine vocation à augmenter sensiblement à partir de 2017

La rapporteure spéciale s'inquiétait déjà dans son récent rapport d'information sur le CICE 2 ( * ) , de la soutenabilité budgétaire de la mission au regard de la montée en charge du CICE. Cette remarque concernait notamment l'exercice 2017. En effet, les entreprises qui n'ont pu imputer ni se voir restituer la totalité de leur créance peuvent demander le remboursement du reliquat à l'issue du troisième exercice. Ainsi, l'exercice 2017 sera marqué par le remboursement des parts restantes de créances de l'exercice 2013.

À partir de 2017, les reliquats des exercices n - 4 seront à verser et viendront donc inévitablement alourdir l'enveloppe demandée au titre du programme 200 . Surtout, le taux de CICE lors l'exercice 2013, dont le reliquat est versé cette année, était de 4 %. Le taux ayant été relevé à 6 % à partir du millésime 2014, les reliquats qui seront versés à partir de 2018 seront encore plus importants : un nouveau pallier est à attendre lors de l'examen du budget 2018.

Le tableau ci-après montre les prévisions du Gouvernement concernant les consommations de CICE selon les millésimes , et ainsi la répartition du coût budgétaire de chaque millésime, par exercice. Le montant des restitutions est ainsi visible. Le reliquat du millésime 2013 à verser en 2017 est ainsi estimé à 2,6 milliards d'euros quand celui de 2014 à verser en 2018 est estimé à 4,6 milliards d'euros.

Évolution des créances de CICE (IS) par type de consommation

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

Créance au titre de 2013

6,2

1,8

0,3

2,6

0,1

dont imputation au solde

4,1

1,0

0,2

0,0

0,0

dont imputation aux acomptes

0,0

0,2

0,0

0,0

0,0

dont restitution

2,1

0,6

0,1

2,6

0,1

Créance au titre de 2014

0,0

9,8

2,0

0,3

4,6

dont imputation au solde

5,7

0,9

0,2

0,0

dont imputation aux acomptes

0,7

0,2

0,0

0,0

dont restitution

3,5

0,9

0,1

4,6

Créance au titre de 2015

0,0

0,0

9,5

2,0

0,3

dont imputation au solde

5,1

1,2

0,2

dont imputation aux acomptes

0,8

0,2

0,0

dont restitution

3,6

0,7

0,1

Créance au titre de 2016

0,0

0,0

0,0

10,0

2,1

dont imputation au solde

5,3

1,2

dont imputation aux acomptes

0,9

0,2

dont restitution

3,7

0,7

Créance au titre de 2017

0,0

0,0

0,0

0,0

12,4

dont imputation au solde

7,0

dont imputation aux acomptes

1,1

dont restitution

4,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la direction générale des finances publiques

La rapporteure spéciale tient ici à souligner une nouvelle fois que le décalage du coût budgétaire réduit l'efficacité potentielle du dispositif. La forme retenue d'un crédit d'impôt implique un décalage de versement, et conduit à un nécessaire recours au préfinancement - notamment assuré par Bpifrance -, parfois complexe pour les TPE-PME.

3. Le relèvement du taux à 7 % conduira à partir de 2018 à une nouvelle augmentation des crédits de la mission

L'assiette de ce crédit d'impôt est constituée par la masse salariale, c'est-à-dire les rémunérations brutes soumises aux cotisations sociales , versées par les entreprises dans la limite de 2,5 fois le salaire minimum en vigueur (smic). Son taux, qui était initialement de 4 % est passé à 6 % à partir du 1 er janvier 2014 . Dans les départements ultramarins, le taux est fixé à 7,5 % pour les rémunérations versées en 2015 et à 9 % pour les rémunérations versées à compter du 1 er janvier 2016.

Le Gouvernement propose à l'article 44 du présent projet de loi de finances le relèvement du taux de CICE à 7 % à partir de l'année 2017 .

Le relèvement d'un point du taux applicable à compter des salaires versés au 1 er janvier 2017 aura pour conséquence d' augmenter de près de 17 % les créances de CICE des millésimes 2017 et suivants, ce qui représente 3 milliards d'euros environ. Ce relèvement de taux induira davantage de dépenses à partir de l'exercice budgétaire 2018. En effet, le millésime 2017 :

- est susceptible d'augmenter les restitutions d'excédents d'acomptes de toutes les entreprises éligibles à partir de 2018 ;

- augmente les remboursements de la sous-action 200-12-03 pour les entreprises qui bénéficient d'un remboursement immédiat dès 2018.

La rapporteure spéciale tient à alerter sur la soutenabilité budgétaire d'une politique dont le coût budgétaire s'étale sur trois années suivant la déclaration de la créance. Le relèvement du taux de CICE à 7 % en 2017 ne pèsera budgétairement qu'à partir de 2018, soit au cours de la prochaine législature : le coût de ce choix politique ne pèse donc pas sur l'actuel gouvernement mais uniquement sur son successeur.

4. L'approfondissement mal venu d'un dispositif aux résultats toujours incertains

Le relèvement de ce taux semble inopportun . En effet, comme le démontrait la rapporteure spéciale dans son rapport d'information précité, le CICE est un outil extrêmement coûteux mais aux résultats largement insuffisants.

France Stratégie 3 ( * ) estime qu'au 31 juillet 2016, ce sont près de 43,3 milliards d'euros de créance qui ont été déclarés par les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu au titre des salaires versés en 2013, 2014 et 2015. Sur ce montant, seulement 64 % auraient à ce jour été consommés par les entreprises, soit par imputation sur l'impôt dû, soit par restitution immédiate.

Les conclusions formulées par le comité, à partir des résultats des équipes de recherche missionnées, interpellent. En effet, si le comité conclut à une « amélioration sensible des marges des entreprises », c'est certainement ici le seul effet du CICE qui soit avéré. Le comité indique en effet que le dispositif aurait eu peu de conséquences sur les salaires par tête mais ce n'était pas son objet.

Surtout, c'est du côté de l'investissement, du commerce extérieur et de l'emploi que les préoccupations de la rapporteure spéciale se portent. Le comité indique ainsi tenir « pour robuste les résultats des équipes de recherche qui concluent à l' absence d'impact de court terme du CICE sur l'investissement, la recherche-développement et les exportations », quand l'impact sur les années à venir est incertain.

Du côté de l'emploi, le comité souligne également les incertitudes des effets estimés. Le comité considère cependant « probable » un effet direct de l'ordre de 50 000 à 100 000 emplois créés ou sauvegarder.

Dans son rapport 2016 sur les nouveaux indicateurs de richesse , le Gouvernement indique attendre du CICE des effets croissants , compte-tenu de sa montée en charge progressive. La rapporteure spéciale émet de vives réserves sur cette analyse et les conclusions tirées dans ce rapport sur le pacte de responsabilité et ses effets économiques et sociaux.

Au regard d'un montant qui devrait s'élever à l'issue de l'année 2016 à près de 61 milliards d'euros de créances déclarées sur les quatre premiers millésimes, les résultats sont décevants, si ce n'est alarmants. Il convient de s'interroger réellement sur l'outil adéquat au soutien de la compétitivité et de l'emploi en France, et de piloter réellement cet effort budgétaire consenti par les Français, qui atteindra plus de 20 milliards d'euros par an à l'horizon 2019.


* 2 Rapport d'information n° 789 (session 2015-2016), relatif au profil des bénéficiaires du CICE.

* 3 France Stratégie - Rapport 2016 du Comité de suivi du CICE.

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