II. LE PROGRAMME 200 « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT »

Le programme 200 est composé de trois actions :

- l'action 11 , de loin la plus lourde en termes budgétaires (72 % des crédits du programme), récapitule les remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt, soit, pour l'essentiel, les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les restitutions d'excédents de versement d'acomptes d'impôt sur les sociétés (IS) ;

- l'action 12 (16 % des crédits du programme) concerne les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques (crédits d'impôt) ;

- l'action 13 , la plus modeste (12 % des crédits du programme), qui retrace les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État, est très hétérogène : elle agrège dégrèvements et annulations prononcés après le calcul de l'impôt sur le revenu, droits dégrevés dans le cadre des contentieux dits « Précompte » et « OPCVM « , les rectifications suite à erreur d'imputation des opérations d'enregistrement...

A. UN MONTANT RECORD DE CRÉDITS DEMANDÉS AU TITRE DU PROGRAMME 200

1. Une révision à la hausse de l'estimation des crédits pour 2016

Les documents budgétaires transmis pour l'examen du projet de loi de finances pour 2017 prévoient une révision à la hausse très inquiétante des crédits pour l'exercice 2016 . Au total, le montant des crédits augmente de 4,3 milliards d'euros (+ 5 % environ).

En termes de montants, quatre sous-actions portent l'essentiel de ces révisions à la hausse :

- les sous-actions 11-01 et 11-02, retraçant les remboursements les restitutions liées à la mécanique de l'impôt pour l'impôt sur les sociétés et la TVA (+ 3,5 milliards d'euros environ) ;

- les sous-actions 12-02 et 12-03, retraçant les remboursements liés aux politiques publiques en matière d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu (+ 0,9 milliard d'euros environ).

La dépense 2016 au titre du « bouclier fiscal » devrait être de l'ordre de 10 millions d'euros, correspondant à des imputations sur l'impôt de solidarité sur la fortune 2016 de la créance 2012. L'exercice doit être le dernier à porter des crédits de ce dispositif décidé sous le quinquennat précédent.

Révision des estimations des crédits du programme 200 pour l'exercice 2016,

par action et sous-action

(en millions d'euros et en %)

2016 (LFI)

2016 (révisé)

Évolution 2016 LFI/révisé

Action 11 : mécanique de l'impôt

64 216

67 771

3 555

+ 5,54%

IS

14 944

16 581

1 637

+ 10,95%

TVA

49 108

51 000

1 892

+ 3,85%

Bouclier fiscal

-

10

10

-

Autres

164

180

16

+ 9,76%

Action 12 : politiques publiques

11 849

13 018

1 169

+ 9,87%

PPE

55

55

-

+ 0,00%

IR

2 123

2 636

513

+ 24,16%

IS

8 399

8 853

454

+ 5,41%

TIPP

755

834

79

+ 10,46%

TICGN

3

1

- 2

- 66,67%

CAP

514

639

125

+ 24,32%

Action 13 : gestion des produits de l'État

12 129

11 711

- 418

- 3,45%

IR

2 207

2 298

91

+ 4,12%

IS

1 324

1 357

33

+ 2,49%

Autres impôts directs

2 515

1 627

- 888

- 35,31%

TVA

2 082

2 200

118

+ 5,67%

Enregistrement, timbre, autres taxes indirectes

403

600

197

+ 48,88%

Autres

702

716

14

+ 1,99%

Admissions en non-valeur et créances liées aux impôts

2 259

2 400

141

+ 6,24%

Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

637

513

- 124

- 19,47%

Total général

88 194

92 500

4 306

+ 4,88%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Un montant record de crédits demandés pour 2017

Le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » devrait s'élever à près de 97 milliards d'euros en 2017 . Ce montant est en nette hausse par rapport au montant 2016 révise à 92,5 milliards d'euros. Il constitue un record absolu de crédits demandés au titre du programme 200 depuis 2001.

Évolution des crédits du programme 200 de 2012 à 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'action 11 qui retrace les remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt couvre près des trois quarts des crédits du programme 200, comme le montre le graphique ci-après.

Part relative des actions 11, 12 et 13 au sein du programme 200
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État »

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Poids des actions 11, 12 et 13 dans l'augmentation du programme 200
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse attendue en 2017 est portée par les actions 11 et 12 liées à la mécanique de l'impôt, avec des augmentations des crédits demandés pour 2017 de respectivement 8,6 % et plus de 33 %, quand l'action 13, concernant la gestion des produits de l'État, connaît une baisse de plus de 5,8 %.

Plus précisément , cette hausse résulte sensiblement de quatre sous-actions : les sous-actions 01 et 02 de l'action 11 et les sous-actions 03 et 04 de l'action 12, qui concernent la TVA, l'impôt sur les sociétés et la taxe sur les produits pétroliers (TIPP, devenue TICPE).

Évolution des crédits du programme 200 de 2012 à 2017,
par action et sous-action

(en millions d'euros et en %)

2012

2013

2014

2015

2016 (LFI)

2016 (révisé)

2017 (PLF)

Évolution 2017/2016 révisé

Action 11 : mécanique de l'impôt

61 800

57 868

62 395

66 617

64 216

67 771

69 757

+ 1 986

2,93%

IS

12 097

10 554

14 523

16 898

14 944

16 581

17 174

+ 593

3,58%

TVA

49 260

47 008

47 607

49 532

49 108

51 000

52 419

+ 1 419

2,78%

Bouclier fiscal

443

177

19

10

-

10

-

- 10

- 100 %

Autres

0

129

246

177

164

180

164

- 16

- 8,89%

Action 12 : politiques publiques

7 592

6 515

11 597

13 613

11 849

13 018

15 785

+ 2767

21,26%

PPE

2 222

1 882

1 951

1 962

55

55

-

- 55

- 100%

IR

1 794

1 459

2 108

2 372

2 123

2 636

2 628

- 8

- 0,30%

IS

2 244

1 894

6 267

8 058

8 399

8 853

11 519

+ 2 666

30,11%

TIPP

825

787

760

706

755

834

1120

+ 286

34,29%

TICGN

4

3

3

1

3

1

3

+ 2

200%

CAP

503

490

508

514

514

639

515

- 124

- 19,41%

Action 13 : gestion des produits de l'État

9 703

12 827

10 638

11 279

12 129

11 711

11 421

- 290

- 2,48%

IR

2 015

2 320

2 106

2 236

2 207

2 298

2 348

+ 50

2,18%

IS

1 071

1 145

1 187

1 245

1 324

1 357

1 317

- 40

- 2,95%

Autres impôts directs

654

2 967

1 527

1 413

2 515

1 627

1 627

-

0,00%

TVA

2 002

2 300

1 972

2 200

2 082

2 200

2 200

-

0,00%

Enregistrement, timbre, autres taxes indirectes

656

675

403

452

403

600

500

- 100

- 16,67%

Autres

938

578

702

729

702

716

716

-

0,00%

Admissions en non-valeur et créances liées aux impôts

2 146

1 970

2 296

2 513

2 259

2 400

2 200

- 200

- 8,33%

Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

221

872

445

491

637

513

513

-

0,00%

Total général

79 095

77 210

84 630

91 509

88 194

92 500

96 963

+ 4 463

4,82%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Selon le Gouvernement, les restitutions d'excédents de versement d'acomptes d'impôt sur les sociétés (sous-action 11-02) devraient augmenter en raison de l'évolution moins dynamique que prévue du bénéfice fiscal entre 2015 et 2016, d'une augmentation des remboursements de créances de reports en arrière du déficit en 2017, mais aussi d'une hausse tendancielle des imputations de créances de CICE . S'agissant des remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt relatifs à la TVA , le Gouvernement indique que les dépenses de la sous-action sont directement liées au dynamisme des achats de biens constituant des immobilisations. L'évolution des dépenses est ainsi estimée par le ministère des finances et des comptes publics au même niveau que celle des investissements . La méthode de prévision des remboursements de TVA liés la mécanique de l'impôt est précisée dans un encadré ci-après.

Concernant la sous-action relative aux remboursements d'impôts sur les sociétés dans le cadre de politiques publiques (sous-action) 12-03, le CICE est là aussi responsable de la très nette augmentation des crédits : les restitutions des fractions non utilisées des créances 2013 seraient de l'ordre de 3 milliards d'euros. L'augmentation des tarifs de la TICPE explique enfin l'augmentation sensible de la sous-action relative (sous-action 12-04).

Prévision des remboursements liés à la mécanique
de l'impôt relatifs à la TVA

La prévision des remboursements liés à la mécanique de l'impôt relatifs à la TVA est opérée en trois étapes successives.

Étape 1 : Détermination d'une enveloppe globale des remboursements de crédits de TVA (RCTVA)

L'enveloppe de crédits est ici considérée au sens large, regroupant les crédits de TVA demandés en remboursement comme ceux reportés en fin d'année, qu'il s'agisse de dépôts à temps ou de dépôts tardifs.

Dans ce contexte, l'exploitation de la chronique de cet agrégat sur série longue, corrigée d'éventuels effets comportementaux perturbateurs (dépôts effectués de manière tardive par rapport à leur date théorique), permet d'établir un modèle économétrique construit à partir des données des comptes trimestriels de l'Insee.

L'évolution des dépôts de demandes de remboursements de crédits de TVA résulte de l'application de ce modèle aux prévisions macro-économiques inscrites dans le projet de loi de finances.

Étape 2 : Détermination de l'enveloppe utile des RCTVA

Lors du dépôt d'une déclaration faisant apparaître un crédit de TVA, les entreprises arbitrent entre le report de ce crédit sur la déclaration de TVA suivante ou la demande de remboursement de cette créance.

Les conséquences budgétaires ne sont pas les mêmes, la demande de remboursement se traduisant par une dépense budgétaire à l'inverse du report de crédit.

Dans ce contexte, la transposition budgétaire de la masse de crédits dégagés est modulée par la propension au report, par les contribuables, de ces crédits.

Pour les prévisions, les propensions retenues correspondent à celles observées par le passé.

Étape 3 : Prise en compte des rythmes de traitement par les services fiscaux

Les dépenses budgétaires dépendent des rythmes de traitement des dossiers par l'administration fiscale.

Les hypothèses régissant le traitement des demandes de remboursement de crédit de TVA sont regroupées dans des matrices de rythmes d'ordonnancement (délai entre la date de dépôt de la demande de remboursement et celle de son ordonnancement) d'une part, et des matrices de paiement (délai entre la date l'ordonnancement et celle du paiement), d'autre part.

Les rythmes sont prévus sur la base de ceux constatés au cours des années passées.

Source : réponse du ministère des finances et des comptes publics au questionnaire de la rapporteure spéciale

3. Des montants croissants pour un nombre de demandes de remboursements et dégrèvements relativement stable

Les montants de remboursements et dégrèvements ont été stables depuis 2012 pour la taxe sur la valeur ajoutée, mais ont progressé sur l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. Le nombre de demandes de remboursement ou de restitution n'ont cependant, selon les données du ministère des finances et des comptes publics, pas connu de croissance particulière , et a parfois même baissé. Le tableau ci-après récapitule, par impôt, les nombres d'assujettis, de demandes de remboursement ou de restitution et les montants correspondants.

Évolution par impôt depuis 2012 des demandes de remboursement
ou de restitution et montants liés

TVA

2012

2013

2014

2015

Au 30/06/16

Nombre d'assujettis

5 276 425

5 433 069

5 585 849

5 681 933

nd

Nombre de demandes de remboursement ou de restitutions (en milliers)

1 592

1 559

1 533

1 546

948

Montants liés
(en millions d'euros)

49 260

47 008

47 607

49 532

26 689

IR

2012

2013

2014

2015

Au 30/06/16

Nombre d'assujettis

36 389 256

36 720 036

37 119 219

37 429 459

36 834 547

Nombre de demandes de remboursement ou de restitutions

(en milliers)

1 345

1 231

1 141

1 045

280

Montants liés
(en millions d'euros)

2 015

2 320

2 106

2 236

615

IS

2012

2013

2014

2015

Au 30/06/16

Nombre d'assujettis IS

1 833 558

1 905 543

1 983 013

2 040 657

nd

Nombre de demandes de remboursement ou de restitutions (en milliers)

280

310

320

330

250

Montants liés
(en millions d'euros)

11 860

10 554

14 523

16 898

13 973

Le nombre de demandes correspond aux remboursements (TVA-IS) ou réclamations contentieuses (IR) ordonnancés sur l'année concernée.

Les montants liés correspondent aux dépenses comptabilisées dans la sous-action 200-11-02 pour la TVA, la sous-action 200-13-01 pour l'IR et la sous-action 200-11-01 pour l'IS.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Concernant la TVA, le ministère des finances et des comptes publics indique que la baisse des demandes notée entre 2012 et 2013 est essentiellement due à la création du dispositif de paiement consolidé de la TVA au bénéfice des entreprises gérées par la direction des grandes entreprises.

La baisse tendancielle enregistrée sur les demandes liées à l'impôt sur le revenu est, quant à elle, le fait d'une diminution du nombre de foyers susceptibles de bénéficier de la prime pour l'emploi mais aussi de la diminution des réclamations relatives aux réductions et aux crédits d'impôts.

Contrairement à la TVA et à l'impôt sur le revenu, il faut noter concernant l'impôt sur les sociétés une augmentation continue des demandes de remboursement ou de restitution sur les cinq dernières années : 50 000 demandes supplémentaires entre 2012 et 2015, soit une augmentation de 18 % . On voit dans le même temps une augmentation des dépenses entre 2013 et 2014, liée à la création du crédit d'impôt pour compétitivité et l'emploi. La nouvelle hausse entre 2014 et 2015 est ensuite la conséquence directe du passage du taux de 4 % à 6 % entre 2013 et 2014. Il est ici cependant uniquement question des remboursements d'excédents d'acomptes. Il faut comparer ce tableau avec les chiffres également communiqués par le ministère des finances et des comptes publics concernant le CICE. En effet, les demandes de remboursements de CICE s'élèvent au nombre de 400 000 entre 2013 et 2014, auxquelles viennent s'ajouter 200 000 demandes supplémentaires entre 2014 et 2015.

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