COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE M. JEAN-MICHEL BAYLET - MINISTRE DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DE LA RURALITÉ ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

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(MARDI 18 OCTOBRE 2016)

M. Philippe Bas , président . - Je remercie M. le ministre, qui nous fait la gentillesse de venir nous présenter aujourd'hui le projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales . - C'est avec bonheur que je reviens dans cette maison, que j'ai beaucoup fréquentée et aimée dans ma carrière.

Je viens en effet vous présenter les grands objectifs du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, délibéré en conseil des ministres le 3 août 2016 et qui, conformément à l'article 39 de la Constitution, est soumis en premier lieu à l'examen de la Haute Assemblée.

Je commencerai ma présentation par quelques rappels historiques.

Paris a longtemps suscité la crainte de l'État central par ses penchants insurrectionnels. Les soulèvements révolutionnaires, entre 1789 et 1800, en 1830 et en 1848 et, enfin, l'épisode de la Commune de 1870-1871 ont conduit à ce que soit forgé, pour Paris, un statut spécifique.

La ville-capitale, siège des institutions de la République, a de surcroît toujours fait l'objet d'un régime administratif particulier. Cependant, depuis les années 1970, il tend à se normaliser, en se rapprochant du droit commun. Sans doute a-t-on constaté alors que les Parisiens étaient devenus un peu plus raisonnables et un peu plus calmes, voire un peu plus sages, en tout cas moins contestataires.

Plusieurs textes ont constitué autant d'étapes pour aboutir à la situation statutaire actuelle de Paris.

La loi la plus emblématique fut celle du 31 décembre 1975, qui a prévu l'élection du maire de Paris au suffrage universel au second degré, mettant fin à l'administration préfectorale de la ville - et aboutissant à l'élection de Jacques Chirac comme premier maire de Paris. Auparavant, la loi du 10 juillet 1964 avait supprimé le département de la Seine et créé les trois départements de la petite couronne et le département de Paris, superposant ainsi le département et la commune de Paris. La loi du 31 décembre 1982, dite « loi Paris-Marseille-Lyon », a instauré pour ces trois villes l'organisation des élections municipales dans le cadre des arrondissements. Les lois du 29 décembre 1986 et du 27 février 2002 ont transféré au maire de Paris certaines compétences en matière de police jusqu'alors exercées par le préfet de police.

Il est temps d'aller encore plus loin dans la simplification et la rationalisation de l'action administrative, en fusionnant les deux collectivités - la commune et le département - qui recouvrent le même périmètre.

Il est également temps de poursuivre la voie de la décentralisation, en délégant de nouvelles compétences de proximité aux arrondissements parisiens.

Le projet de loi comporte deux titres distincts - le statut de Paris, d'une part, un ensemble de mesures relatives à l'aménagement, aux transports et à l'environnement métropolitains, d'autre part - soit, en tout, 41 articles.

La réforme du statut de Paris poursuit trois objectifs principaux.

Le premier, c'est la modernisation du statut, qui s'inscrit dans le prolongement de la réforme territoriale, puisqu'il s'agit de rendre plus lisible l'action publique pour les parisiens.

Malgré les réformes successives que j'ai rappelées, le statut actuel apparaît parfois inadapté, comme lorsqu'il réunit deux collectivités - une commune et un département - sur un seul territoire, les deux étant dirigées par une même assemblée délibérante et pilotée par une administration unique, anomalie relevée notamment par un récent rapport de la chambre régionale des comptes de 2015.

Le Gouvernement vous propose donc de fusionner ces deux entités, pour mettre un terme à cette fiction institutionnelle. La mise en place de guichets uniques pour les parisiens et les associations s'en trouvera accélérée ; la gestion municipale, financière notamment, sera facilitée par la suppression de deux budgets ; les procédures, notamment pour les marchés publics, seront raccourcies et plus opérationnelles ; la gouvernance sera plus efficace et plus lisible, tant pour les citoyens que pour les élus.

La nouvelle collectivité à statut particulier, dénommée « Ville de Paris », exercera les compétences actuelles de la commune et du département de Paris à compter du 1 er janvier 2019.

Le deuxième objectif du projet de loi est de renforcer la démocratie locale à Paris, ce qui passe par le transfert aux maires et aux conseils d'arrondissement de nouvelles compétences en matière de gestion des équipements de proximité.

Par ailleurs, un nouveau secteur électoral, réunissant les quatre premiers arrondissements, sera mis en place pour une meilleure représentativité des conseillers de Paris, cohérente avec les évolutions démographiques de la capitale. Ce point a d'ores et déjà suscité de nombreuses prises de position. La répartition, déjà modifiée en 1982 et en 2013, fait aujourd'hui apparaître des écarts importants. Il faut en moyenne 13 000 habitants pour élire un conseiller à Paris, mais 17 000 dans le 1 er arrondissement et 11 000 dans le 2 e arrondissement, ce qui pose des questions de constitutionnalité.

Avec le présent texte, le nouveau secteur comptera toujours huit conseillers de Paris, un nombre égal à la somme de l'effectif actuel des conseillers de Paris des quatre premiers arrondissements pour une population de 101 764 habitants, soit un siège pour 12 720 habitants.

Cette réforme n'a quasiment pas d'impact politique, si l'on se fonde sur les résultats des dernières élections municipales de 2014 : le secteur électoral serait toujours représenté par six conseillers de Paris de gauche et deux de droite ; il y aurait 17 maires d'arrondissement au lieu de 20, un de moins pour la droite et deux de moins pour la gauche.

Cette fusion des arrondissements permettrait de renforcer à la fois l'efficacité des services publics de proximité et la mutualisation dans un secteur élargi.

Le troisième objectif du présent texte porte sur l'approfondissement des transferts de compétences entre le préfet de police, qui exerce les pouvoirs de police conférés par l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII, et le maire de Paris.

L'État doit bien sûr conserver des prérogatives spécifiques, mais il est possible d'aller vers plus de décentralisation. Compte tenu de la menace terroriste, il apparaît également nécessaire de recentrer la préfecture de police sur les enjeux de sécurité.

Le projet de loi prévoit donc de confier au maire de Paris des compétences de proximité telles que la police du stationnement, la police des baignades, la réglementation des manifestations sur la voie publique à caractère festif, sportif ou culturel, et la police de la salubrité des habitations. L'État, à travers la préfecture de police, se recentrera sur sa mission de sécurité publique. Le préfet de police se verrait ainsi transférer la police des aérodromes de Roissy-Charles de Gaulle et du Bourget, mais pas celle de l'aérodrome d'Orly.

Sans entrer dans le détail, les dispositions relatives à l'aménagement métropolitain ont pour objet d'accélérer la réalisation des opérations d'aménagement et de permettre des mutualisations de moyens entre les opérateurs fonciers.

Les créations de filiales et les prises de participations par les établissements publics fonciers, les établissements publics d'aménagement et l'établissement public Grand Paris Aménagement seraient désormais facilitées ; elles seraient en effet soumises à l'approbation du préfet, et non plus à celle conjointe des ministres chargés de l'économie, du budget et de l'urbanisme.

Les moyens des établissements publics fonciers et des établissements publics d'aménagement seraient regroupés. Certains sont déjà engagés dans des démarches de rationalisation de leurs moyens, sans forcément entrer dans une procédure de fusion. La loi leur permettrait d'aller plus loin et de passer par une étape de mutualisation, ce que souhaite faire Grand Paris Aménagement avec les établissements publics d'aménagement Orly Rungis-Seine Amont (ORSA) et Plaine de France, par exemple.

Une nouvelle entité alliant une société publique locale d'aménagement - SPLA -, relevant des collectivités territoriales, et l'État serait créée : la SPLA d'intérêt national, ou SPLA-IN.

Enfin, un établissement public local pour l'aménagement et la gestion du quartier d'affaires de La Défense serait créé, par ordonnance, pour moderniser et hisser au niveau de la compétition économique métropolitaine un quartier qui date des années 1950.

S'agissant des métropoles, le projet de loi complète la réforme territoriale menée par le Gouvernement depuis 2012, notamment la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) du 27 janvier 2014, en assurant un maillage du territoire équilibré grâce aux grandes agglomérations, susceptibles de devenir des métropoles. Certaines anciennes capitales de région risquaient en effet de se sentir laissées pour compte, au regard de leurs potentialités de développement. Leurs élus se sont donc fortement mobilisés pour l'élargissement du statut de métropole. Je vous rappelle qu'aujourd'hui, il existe quinze métropoles.

Les métropoles se caractérisent par un degré d'intégration élevé et par la place donnée à la contractualisation avec les départements, les régions et l'État. Un tel statut accroît la cohérence territoriale de leur action et favorise la mutualisation des moyens, notamment en matière de logement ou de transports. La question de son élargissement en faveur des grands centres urbains dotés d'une zone d'emplois fortement peuplée se pose légitimement.

Le projet de loi prévoit donc de donner ces atouts à de grandes agglomérations françaises susceptibles d'engendrer un développement économique sur leur territoire. Il ne s'agit que d'une faculté, mais qui serait porteuse, pour certains territoires, de perspectives de développement.

Le projet de loi prévoit en conséquence de permettre à de nouveaux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de prétendre au statut de métropole au regard de leurs caractéristiques démographique, administrative et économique. Les zones d'emploi de ces futures métropoles devront être supérieures à 400 000 habitants, ce qui confère à ces établissements une légitimité indéniable. Il est donc proposé d'autoriser la transformation en métropoles des EPCI concernés dans deux cas :

- ceux réunissant la double condition - zone d'emploi de plus de 400 000 habitants, présence du chef-lieu de région - sans que puisse leur être opposée une condition portant sur les compétences exercées. La communauté urbaine de Dijon et la communauté d'agglomération d'Orléans seraient concernées ;

- ceux de plus de 400 000 habitants sans chef-lieu de région, comme la communauté urbaine de Saint-Étienne et la communauté d'agglomération de Toulon.

Le projet de loi poursuit donc plusieurs objectifs : simplification de l'action administrative locale, approfondissement de la décentralisation, meilleure gestion de proximité, tant opérationnelle que démocratique. Il s'inscrit dans la continuité des réformes territoriales menées par le Gouvernement depuis le début du quinquennat.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - J'aurai plusieurs observations à formuler, qui sont autant de questions.

Sur la forme, d'abord, je me pose la question de l'opportunité de présenter un texte de 41 articles, dont 40 portent sur le statut de Paris, et un seul, le dernier, sur l'aménagement métropolitain.

Sur le fond, ensuite. J'ai bien pris note de vos explications selon lesquelles les Parisiens commençaient à devenir plus « raisonnables ». Mais alors, pourquoi ne pas rejoindre définitivement le droit commun des communes de France, en transférant, par exemple, le pouvoir de police générale du préfet de police au maire de Paris ?

J'ai également bien pris note de vos explications sur la pertinence qui s'attache à la fusion des quatre premiers arrondissements de Paris. Ce nouveau « secteur », comme il en existe déjà à Marseille, aurait une taille plus pertinente pour l'action publique, dans la moyenne des autres arrondissements. Mais pourquoi se concentrer sur ces quatre arrondissements seulement, et ne pas avoir mené une réflexion plus globale sur l'ensemble des arrondissements parisiens ?

Sur l'aménagement métropolitain, enfin. La place qui est accordée à cette thématique dans ce projet de loi ne laisse pas d'interroger. Surtout, pourquoi ce texte se limite-t-il aux quatre métropoles que vous avez citées, quand d'autres agglomérations frappent à la porte du statut métropolitain ? Je pense notamment à Tours et à Clermont-Ferrand, qui se sont fortement exprimées, au besoin par une délibération de leur conseil communautaire, en faveur de ce statut.

Et, d'ailleurs, qu'entend-on exactement par le terme de « métropole » ? La loi « Maptam » opérait déjà quelques distinctions. Mais ce texte va plus loin, puisque chaque nouvelle région aurait désormais sa métropole. Ce serait le cas d'Orléans pour le Centre-Val de Loire et de Dijon pour la Bourgogne-Franche-Comté. D'autres territoires frapperont à la porte, les anciennes capitales de région, par exemple, et voudront aussi jouir de ce statut. Il faut l'anticiper.

C'est pourquoi il est important de bien définir ce que l'on entend par métropole, au-delà des compétences et des critères qui régissent leur création. Nous le voyons bien, le seuil retenu dans le projet de loi de 400 000 habitants ne sera pas un obstacle, car certains territoires auront tendance à repousser les frontières des zones d'emploi pour l'atteindre.

M. Michel Mercier . - Pour moi, voir le statut de la ville de Paris se rapprocher du statut de la métropole de Lyon ne peut être qu'une bonne chose, et je m'en réjouis ! C'est aussi le gage de plus de clarté dans la vie politique parisienne.

Vos explications concernant l'intérêt de la réunion des quatre premiers arrondissements de Paris sont claires, monsieur le ministre. J'aimerais seulement que l'on me dise quel sera le résultat exact de la fusion pour la droite et pour la gauche. Il y aura certes un maire d'arrondissement de moins pour la droite et deux de moins pour la gauche, mais qui sera maire de ce nouveau secteur ? Vous avez suffisamment de connaissances sur ces sujets électoraux pour mesurer l'importance de cette question...

J'aurai une autre observation sur l'article 41 du projet de loi : il faut y remplacer le mot « commune » par celui de « métropole ». Faisons-le une bonne fois pour toutes, au lieu de faire des lois tous les trois mois sur le sujet !

L'année dernière, nous avions alerté le Gouvernement sur la difficulté de transformer des communautés d'agglomération en communautés urbaines, la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) se faisant dans le cadre d'une enveloppe normée. Vous vous étiez engagé à corriger les disparités de répartition. Or nous aurons les mêmes difficultés avec les métropoles que vous prévoyez de créer dans ce texte. Vous engagez-vous aux mêmes corrections ? Quand on veut satisfaire toutes les demandes, on finit par déplumer les communes qui n'en formulent aucune ! Mais nous ne nous laisserons pas abattre.

J'aimerais que le Gouvernement nous explique comment la DGF pourra augmenter pour les uns sans baisser pour les autres en restant dans le cadre d'une enveloppe normée. Il fallait un « artiste » comme M. le ministre pour se charger d'une telle mission !

M. Jacques Mézard . - J'ai plusieurs observations.

D'abord, l'article 6 du projet de loi tire les conséquences de la fusion de la commune et du département de Paris. Jusqu'à présent, les apôtres parisiens du non-cumul des mandats cumulaient les indemnités de conseiller municipal et de conseiller départemental sans que cela semble leur poser de problème idéologique ! Certes, désormais, ils ne seront plus « que » conseillers de la ville de Paris. Mais, à la lecture de l'article, j'ai l'impression que le plafond indemnitaire retenu serait égal à la somme des deux indemnités cumulées. Ce serait un très mauvais message !

Ensuite, le projet de loi crée une nouvelle catégorie de sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) : les « SPLA d'intérêt national ». J'ai été rapporteur de la loi créant les SPLA. La mise en place du dispositif avait soulevé des difficultés juridiques, notamment à l'échelon européen, avec le in house . Je voudrais savoir ce qu'il en sera de ces nouvelles SPLA.

Par ailleurs - et je rejoins notre collègue Michel Mercier - un certain nombre de communautés d'agglomération, dont la mienne, ont été les victimes directes de la création de nouvelles communautés urbaines et de métropoles. Les conséquences financières ont été lourdes, et elles ne sont toujours pas réparées à ce jour. Nous sommes déjà en fin de vie ; à ce rythme, vous allez accélérer le processus !

Lors de la discussion législative sur le sujet, notre ancien collègue François Rebsamen est descendu de son bureau de président du groupe socialiste pour sauver l'avenir de Dijon. Il y a eu une suspension de séance. J'ai demandé, rejoint par d'autres, au Gouvernement de s'engager à ne pas toucher à l'enveloppe des communautés d'agglomération. L'engagement a été pris, il figure au Journal Officiel . Mais, comme les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent, je crains que la situation ne s'aggrave encore, ce qui serait insupportable.

J'aimerais également savoir comment on définit juridiquement le « centre » d'une « zone d'emploi de 400 000 habitants ». Certains se livrent déjà à de savants calculs pour intégrer un certain nombre d'emplois dont l'emplacement géographique paraît pour le moins suspect.

Plus l'on créera de métropoles, plus les zones que l'on qualifie pudiquement à Paris d'« interstitielles » en subiront les conséquences, faute de compensation. Je n'ai rien contre les métropoles sur le principe. Mais le Sénat, dans sa grande sagesse, avait adopté, en 2013, à l'unanimité le rapport Raffarin-Krattinger, dans lequel il est affirmé que le nombre idéal de métropoles est de huit. Or on n'a de cesse d'en créer de nouvelles. Les « zones interstitielles » ne seront pas sauvées seulement avec des maisons de santé et des maisons de services au public !

Mme Jacqueline Gourault . - À l'instar de notre collègue Jacques Mézard, je souhaite intervenir sur les métropoles.

Lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, le Sénat défendait, dans sa majorité, l'idée que les métropoles devaient être en nombre limité. De fait, on reconnaissait comme métropoles les territoires qui en présentaient déjà les caractéristiques urbaines, économiques ou de transports. On avait fini par retenir le chiffre de huit métropoles. On est ensuite passé à onze, puis à quinze. Et on nous propose de porter ce nombre à dix-neuf !

Il y a toujours de bons arguments. Lors du débat, les parlementaires alsaciens arguaient que Strasbourg étant une capitale européenne, il fallait en faire une métropole européenne. On trouve de nouvelles justifications aujourd'hui.

Je m'interroge sur l'avenir du reste du territoire. On le sent bien, hors des métropoles, il n'y aura point de salut ! M. le ministre a mis en avant l'argument selon lequel les métropoles pourront contractualiser directement avec les régions et les départements. Les autres devront courir derrière pour essayer de ramasser les miettes !

Ma région, le Centre-Val de Loire, a toujours reposé sur deux jambes : la « métropole » d'Orléans et celle de Tours.

M. Jean-Pierre Sueur . - Et Blois !

Mme Jacqueline Gourault . - En effet, Blois est au centre de ce qui sera malheureusement la zone interstitielle !

Je pense que la création des métropoles va introduire, en tout cas dans ma région, un déséquilibre. Vous savez par exemple que l'académie s'appelle « Orléans-Tours ». On va créer un déséquilibre avec la métropole d'Orléans qui, en plus, se situe quasiment dans l'aire urbaine de Paris.

Les Tourangeaux se sont évidemment précipités - M. le rapporteur l'a rappelé - pour réclamer, eux aussi, leur métropole.

Je m'interroge d'autant plus que nous réfléchissions depuis un certain temps avec Orléans, Blois et Tours pour créer un pôle métropolitain.

Je sais bien que ce n'est pas très « chic » pour une région de dire qu'elle n'a pas besoin de métropole. Mais, outre que nous ne serions pas les seuls à ne pas en avoir, je ne vois pas l'intérêt de cette formule pour notre territoire, sauf à déséquilibrer totalement notre région, voire à envisager sa disparition à terme.

M. René Vandierendonck . - J'aimerais savoir, compte tenu de la généralisation des établissements publics fonciers et de l'apparition, sur l'initiative de M. Thierry Repentin, de la société foncière solidaire, ce que pourront représenter les produits, par exemple, de la taxe spéciale d'équipement (TSE), que ces établissements perçoivent.

J'en viens à l'article 41. Lors de l'examen du projet de loi « Maptam », le Sénat a essayé, par un faisceau d'indices synthétiques, mais visant à l'objectivité, de limiter au maximum le nombre des métropoles, afin de leur donner de la consistance au plan de la géographie, de l'aménagement du territoire et du rayonnement. Il y a une logique de complémentarité avec les pôles métropolitains et les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR), qui ont succédé aux pays. M. Rebsamen avait obtenu à l'arraché, en séance publique, le passage en communautés urbaines d'un certain nombre de communautés d'agglomération en abaissant le seuil de constitution.

Notre commission des lois a mis en place une mission pluraliste de contrôle et de suivi des conditions de mise en oeuvre des dernières lois de réforme territoriale. Dans ce cadre, nous sillonnons les territoires. Nous avons ainsi vu l'intérêt de travailler sur le binôme Besançon-Dijon ou, comme l'a souligné Mme Gourault, sur le rayonnement que pourrait acquérir l'ensemble Orléans-Tours.

On a du mal à imaginer que les choix retenus aient obéi à une quelconque logique d'aménagement du territoire. Honnêtement, on a plus le sentiment d'un échange de bons procédés...

Je pense qu'on a raté l'essentiel.

Autre sujet, le Gouvernement s'était engagé à remettre un rapport sur le bilan du fléchage des conseillers communautaires dans les métropoles.

La loi prévoyait également qu'une réflexion sur le mode de désignation des conseillers métropolitains devrait intervenir avant 2017. Or, M. le ministre, j'ai entendu votre secrétaire d'État déclarer habilement que, si le Gouvernement n'avait pas renoncé à l'élection au suffrage universel direct des conseillers des métropoles dans le cadre d'un scrutin distinct de l'élection municipale, cette évolution pouvait attendre un peu...

De nouvelles métropoles arrivent. Les géographes que nous avons consultés au cours du processus législatif des dernières réformes territoriales font déjà des plans en deux parties. Une fois l'article 41 voté, ce sera : première partie, le « vide de la métropole » ; deuxième partie « la métropole du vide » ! On est en train de vider la notion de métropole de toute réalité objective !

À mon avis, ce n'est pas totalement désintéressé. Certains membres du Gouvernement n'excluent sans doute pas la possibilité de liquider à terme les départements, au profit de « communautés territoriales », expression qui commence à circuler. Il resterait alors sur la plaque minéralogique la mention de la métropole, de la communauté d'agglomération, de la communauté urbaine ou de la région...

Ce n'est pas notre conception. Nous défendons la loi « Maptam », qui n'appartient à aucun parti politique puisqu'elle a été adoptée à une majorité transpartisane. Elle exprime la pensée du Sénat sur notre conception de la décentralisation.

Les services de Dijon et d'Orléans sont loin d'avoir intégré l'ensemble des compétences d'une communauté urbaine pour jouer un rôle métropolitain en matière économique. Qu'on y songe : la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire n'aura le statut de communauté urbaine qu'à compter du 1 er janvier 2017.

Tout cela n'est pas très sérieux et dévalorise le travail du Sénat sur le sujet. Je ne voterai jamais un tel article.

M. Alain Marc . - Voilà quelques mois, j'avais été rapporteur d'une proposition de loi sur le renforcement du pouvoir de police du maire de Paris. Or le projet de loi fait référence au « renforcement des prérogatives du maire de Paris »... en matière de circulation. C'est une plaisanterie !

L'article 21 ne prévoit qu'un renforcement à la marge du pouvoir de police du maire de Paris. Les auteurs de la proposition de loi envisageaient la possibilité, avec la dépénalisation du stationnement, d'utiliser les « pervenches », actuellement sous l'autorité du préfet de police, pour mieux accueillir les personnes qui viennent dans Paris. Même le groupe écologiste avait voté avec nous !

Honnêtement, évoquer dans ce projet de loi le renforcement des « prérogatives », mais pas du pouvoir de police du maire de Paris, c'est une occasion ratée ! On pouvait faire beaucoup mieux.

M. Christian Favier . - Nous n'avons pas d'objection s'agissant de ce qui aurait dû être l'objet principal du projet de loi : la fusion entre la commune et le département de Paris, puisqu'il s'agit de la même assemblée oeuvrant sur le même territoire.

Mais le Gouvernement confirme-t-il ses engagements ? En effet, je suis totalement opposé à la fusion, préconisée par certains, entre la métropole de Paris et les départements de la petite couronne. Certes, cela ne figure pas dans le texte. Mais je souhaite que le Gouvernement nous confirme ses intentions. Au demeurant, la métropole de Paris fait aujourd'hui l'objet d'un débat assez vif. Son avenir n'est pas assuré, certains prônant sa disparition ou sa fusion avec la région. La situation est donc loin d'être stabilisée.

Or, aujourd'hui, nos concitoyens ont besoin de stabilité. Les services rendus par les départements, y compris en petite couronne, ne doivent pas être perturbés par les évolutions institutionnelles.

Le projet de loi comporte également un volet relatif à la mutualisation des outils d'aménagement. L'établissement public Grand Paris Aménagement a été créé pour remplacer l'ancienne Agence foncière et technique de la région parisienne. Il est prévu - nous n'avons pas d'objection à cet égard - de renforcer cette mutualisation, notamment par la fusion de certaines structures, comme l'établissement public Plaine de France, et par une fédération de plusieurs établissements, dont Orly Rungis-Seine Amont (ORSA).

Je tiens à la distinction entre, d'une part, fusion et, d'autre part, fédération. L'établissement public ORSA, que je préside, a une gouvernance propre, appuyée sur les maires des communes du territoire concerné. Nous tenons à ce que soit parfaitement respectée l'autonomie de son conseil d'administration, même en cas de mutualisation des moyens avec Grand Paris Aménagement. Nous aurons donc certainement des amendements à déposer en séance en ce sens.

Le point qui fera le plus débat - à mon avis, c'est un cavalier législatif ! - concerne la création de métropoles supplémentaires. Nous n'y sommes pas favorables. En effet, une métropole doit correspondre à quelque chose ; elle doit avoir un sens. Il doit s'agir d'un territoire bien défini, notamment en termes d'attractivité internationale. Nous voyons bien que le concept de métropole est complètement dévoyé aujourd'hui, avec une multiplication de métropoles n'ayant de « métropole » que le nom. Cela crée beaucoup de confusion.

Alors que tout le monde parlait de simplifier le millefeuille territorial, on accentue la complexité de l'action publique locale pour nos concitoyens. Les métropoles viennent s'ajouter aux communautés urbaines, aux communautés d'agglomération, aux départements ou aux communes nouvelles.

Il va être de plus en plus difficile pour nos concitoyens de comprendre comment tout cela fonctionne. Nous ne sommes pas favorables à ces nouvelles métropoles, qui risquent d'ailleurs d'en appeler d'autres.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je voudrais que nous examinions ce texte avec sérénité.

J'ai souvent été en accord profond avec Jacqueline Gourault et René Vandierendonck. Mais, aujourd'hui, je voudrais apporter quelques nuances.

Premièrement, sur la question financière, que Jacques Mézard a évoquée à juste titre, on ne pourra pas tenir, me semble-t-il, avec les disparités actuelles en matière de DGF, qui sont très anciennes. Souvenez-vous du bénéfice très grand qu'avaient les communautés urbaines. On se demande bien pourquoi certaines ont été créées sous ce statut ! Je pense à la très bonne et estimable communauté urbaine d'Alençon. Ces communautés urbaines ont touché un « pactole » en termes de DGF pendant des décennies. D'ailleurs, les métropoles et les communautés urbaines sont strictement dans le même cas en termes de DGF par habitant. Mais je pense que l'écart entre communautés urbaines et communautés d'agglomération méritera sans doute d'être revu. Le système ne pourra pas continuer comme cela.

Deuxièmement, je pense qu'il ne faut pas avoir une vision trop figée des métropoles. Si tel était le cas, des villes concernées par des décisions antérieures - je pense à une ville très à l'ouest de notre pays, pour laquelle nous avons tous beaucoup d'affection - pourraient être concernées par ce débat.

Ce que le Gouvernement propose ne me paraît pas scandaleux. Je ne crois pas qu'il y ait là de quoi monter au créneau. Cela ne me choque pas qu'il y ait une métropole dans chaque région - il n'y a que treize régions - et que l'on prenne subséquemment en compte un certain nombre de critères démographiques.

Chère Jacqueline Gourault, lorsque vous avez dit qu'Orléans était dans l'aire urbaine de Paris, cela m'a fait tressaillir. Sans faire de localisme - - nous sommes des sénateurs de la Nation -, j'ai quelques raisons d'être attaché à cette ville.

Tout le combat qui a été mené par beaucoup, dont votre serviteur, a consisté à dire qu'Orléans pouvait soit être une grande banlieue de Paris, soit exister en tant que capitale régionale dans le Val de Loire, avec son identité propre. Je ne veux pas faire partie de l'aire urbaine de Paris, pour laquelle j'ai par ailleurs beaucoup de respect.

Je pense que nous pouvons sortir d'un tel débat avec sagesse. J'ai écouté M. le rapporteur avec beaucoup d'attention. Je n'aime pas la logique du couperet, consistant à dire soit que c'est très bien, soit que c'est complètement injustifié. Notre rapporteur a évoqué deux villes, et deux villes seulement. Je pense que cela mérite réflexion.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - J'entends bien les propos de M. Sueur. Pourtant, je ne suis pas convaincu que nos conclusions soient identiques, même si nous partageons le même postulat de départ. Si nous ne posons pas de critères ou ne définissons pas ce que nous entendons par « métropole », nous risquons de pécher par excès de gourmandise, c'est-à-dire que les métropoles vont se multiplier à l'infini, tout le monde leur trouvant une raison d'être ou d'exister.

Je suis très attaché, comme René Vandierendonck et, avant lui, Jacques Mézard, à la nécessité de penser en termes d'aménagement du territoire. Ainsi, il n'est pas dans notre intérêt d'aboutir à des « régions unijambistes », pour reprendre l'image de Jacqueline Gourault.

Enfin, Monsieur le ministre, pour l'heure, la loi NOTRe a consacré le département, et le Sénat n'y est pas pour rien. Nous avons bien compris, au travers des auditions, qu'aujourd'hui il y avait des accords contractuels entre les départements et les candidats à la métropole pour parvenir à un partage raisonné des compétences mais, le jour où le président de la métropole décidera d'exercer pleinement l'ensemble de ses compétences, qu'adviendra-t-il des départements concernés ? Si l'on peut admettre que, à côté de la métropole lyonnaise, le département du nouveau Rhône fasse encore sens avec plus de 400 000 habitants, je doute que d'autres départements concernés aient encore une seule raison d'être sans compétence, sans ressource, et avec un territoire qui sera finalement tellement réduit - réduit à sa plus simple expression - qu'il mourra de sa belle mort.

M. Jacques Mézard . - Eh oui !

M. Jean-Michel Baylet, ministre . - Monsieur le rapporteur, vous m'interrogez sur les raisons qui peuvent pousser à vouloir accéder au statut de métropole. La réponse est dans la question : il s'agit d'opportunités politiques pour les élus, qui se fondent sur des réalités démographiques, économiques et historiques.

Vous me demandez également pourquoi le droit commun en matière de police ne s'applique pas intégralement au maire de Paris. C'est tout simplement parce que Paris est une ville « extraordinaire » ! Même si j'ai bien précisé que son statut tendait à se rapprocher du droit commun, il y a quand même à Paris des nécessités absolues, notamment en matière de sécurité, qui font que l'État, par l'intermédiaire du préfet de Paris ou du préfet de police, doit garder un certain nombre de responsabilités qui justifient le maintien de prérogatives particulières pour le représentant de l'État. En même temps, comme partout, la ville doit pouvoir définir sa politique de circulation et de stationnement. Cependant, il est normal que l'État conserve le pouvoir de prendre des décisions qui conditionnent la sécurité publique, y compris celle des institutions de notre République.

Je le répète, Paris n'est pas une ville comme les autres, puisqu'elle abrite le Parlement, le Gouvernement, et qu'il s'y passe des manifestations très importantes, qui nécessitent des dispositions allant au-delà des capacités d'une ville, fût-elle une capitale comme Paris, à prendre des décisions et à assumer un certain nombre de responsabilités. Tout le monde le comprend.

Vous souhaitez savoir pourquoi la fusion ne concerne pas l'ensemble des arrondissements parisiens. En d'autres termes, qui peut le moins peut le plus ! La volonté du Gouvernement n'est pas de porter une réorganisation globale du découpage parisien, mais, comme je vous l'ai démontré en m'appuyant sur des chiffres, de mettre fin à certains déséquilibres criants. En tout cas, je vous l'assure, il n'y aura pas de conséquences électorales immédiates. M. Mercier s'en est inquiété pour le futur, mais je ne peux présumer de ce que les électeurs décideront. Ce projet ne bouleverse pas les équilibres actuels, tout en permettant de corriger les principaux déséquilibres résultant de l'évolution démographique de ces quatre arrondissements qui sont de loin les moins peuplés. Vous savez très bien que le Conseil constitutionnel retient des ratios pour la délimitation de circonscriptions électorales ; or nous étions, à Paris mais aussi ailleurs, à la limite de ces ratios.

Par ailleurs, vous me demandez pourquoi nous n'avons retenu que quatre métropoles dans le projet de loi, alors que d'autres EPCI sont candidats. S'agissant des quatre entités concernées par le texte, il y avait, c'est vrai, une volonté affirmée des élus de rejoindre ce club très fermé des métropoles. Depuis, effectivement, Tours s'est mis sur les rangs. Si ce texte est voté, je ne suis pas défavorable à ce que cette dernière bénéficie de ce statut, car ses élus ont vraiment bien travaillé. Je les ai reçus plusieurs fois et je puis vous dire qu'ils sont vraiment prêts. Clermont-Ferrand semble se mettre aussi sur les rangs, ce qui ferait deux métropoles de plus, mais je n'ai pas vraiment de demandes directes supplémentaires. Je précise de surcroît que je n'ai pas encore rencontré les élus qui portent le projet de Clermont-Ferrand, donc on peut considérer que seuls les responsables du projet autour de Tours ont été vraiment actifs pour rejoindre les quatre candidats retenus dans le projet de loi.

Enfin, vous évoquez la loi NOTRe en rappelant que le Sénat avait protégé les départements. Je me permets de vous rappeler que j'ai également pris un certain nombre d'initiatives au moment où la volonté de supprimer les départements s'est manifestée. Disons que nous y sommes parvenus tous ensemble. Incontestablement, à mes yeux, le département reste la collectivité de proximité et d'aménagement du territoire de proximité. Dans les départements où il y a des métropoles, il faudra trouver le bon équilibre entre les deux. Le département, nous le savons, est quand même plus dédié à l'aménagement du territoire rural, mais ce n'est pas une raison pour vouloir le supprimer. Personnellement, je suis très heureux d'avoir pu compter sur plusieurs d'entre vous pour mener ce combat avec succès.

M. Mercier s'est inquiété de l'impact de la création des métropoles et des communautés urbaines sur la DGF des communautés d'agglomération. À ce sujet, j'ai reçu MM. Mercier et Mézard, et, comme je m'y étais engagé, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une revalorisation de la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération pour compenser les effets du changement de catégorie d'EPCI à fiscalité propre. Il faut savoir qu'il y a eu récemment un vrai bouleversement institutionnel, certaines communautés de communes devenant communautés d'agglomération, certaines communautés d'agglomération des communautés urbaines et certaines communautés urbaines des métropoles. Certaines communautés d'agglomération sont même passées au statut de métropole directement. Il en est résulté des conséquences malheureuses dans un certain nombre de cas.

En tout cas, le budget pour 2017 prévoit 70 millions d'euros de plus au titre de la DGF des communautés d'agglomération, et je vous confirme qu'il n'y a aucun impact en termes de DGF quand une communauté urbaine devient métropole : le montant reste de 60 euros par habitant, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de bonus particulier.

Monsieur Mézard, vous m'interrogez sur la nouvelle catégorie des SPLA-IN et les conditions relatives à l'exception in house . Cette nouvelle catégorie répond aux mêmes impératifs que celle des SPLA classiques. Le seul changement réside dans le fait que les SPLA-IN sont spécialisées dans l'aménagement et dédiées à des opérations d'envergure nationale.

Quant aux indemnités des élus parisiens, sachez que le projet de loi maintient strictement le plafond actuel. Il n'y a ni gain ni perte. La solution me paraît juste : les élus cumulaient un mandat municipal et un mandat départemental, donc ils faisaient le travail pour les deux niveaux de collectivité ; je ne crois pas qu'ils auront désormais plus ou moins de travail, donc il est normal que les indemnités demeurent identiques. Cependant, comme les élus percevaient parallèlement une indemnité au titre de leur mandat municipal et une indemnité au titre de leur mandat départemental, nous ferons des économies, puisqu'ils ne recevront plus qu'un seul bulletin d'indemnités au lieu de deux. C'est un gage de rationalisation.

Par ailleurs, concernant vos interrogations sur les zones d'emploi, étant délimitées par l'INSEE, elles reposent sur des critères fiables et clairs, tout comme l'évaluation de la population. Cette notion est déjà utilisée dans notre corpus législatif depuis la loi « Maptam » du 27 janvier 2014 : un EPCI centre d'une zone d'emploi de plus de 400 000 habitants peut se transformer en métropole s'il en exerçait déjà les compétences en 2014. C'est le cas de Nancy et de Brest qui sont devenus métropoles.

Madame Gourault, je crois avoir un peu répondu à vos interrogations tout à l'heure. C'est vrai qu'Orléans était dans la liste, contrairement à Tours. Les Tourangeaux en ont ressenti de l'amertume, considérant qu'on leur préférait Orléans pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec la réalité. Certains m'ont parlé de véritable double peine... Les élus tourangeaux ont présenté un dossier tout à fait remarquable, ils manifestent beaucoup de détermination, avançant ensemble, majorité et opposition main dans la main, pour porter ce projet. Monsieur Sueur, le projet de Blois n'a pas été voté pour le moment, et je ne pense pas qu'il soit besoin d'en rajouter...

Mme Jacqueline Gourault . - Nous avons le sens des réalités !

M. Jean-Michel Baylet, ministre . - Surtout, vous connaissez mieux ce territoire-là que moi.

Sur le sujet, je suis d'accord avec celles et ceux qui ne souhaitent pas aller trop loin, mais je pense que l'adjonction de deux métropoles de plus n'affaiblirait pas le territoire.

M. Jacques Mézard . - Jusqu'à la suivante !

M. Jean-Michel Baylet, ministre . - En revanche, le pôle métropolitain est une voie ouverte depuis la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, complétée par celle du 27 janvier 2014. Rien n'interdit qu'une métropole fasse partie d'un pôle métropolitain, avec d'autres EPCI à fiscalité propre. Il s'agit, comme vous le savez, d'un libre choix des élus, qui sont totalement maîtres d'une telle initiative.

Monsieur Vandierendonck, je vous ai bien entendu et j'ai compris votre hostilité absolue à la métropolisation. Nous aurons, si j'ai bien compris, l'occasion d'en débattre de nouveau en séance publique très prochainement. Vous m'avez questionné sur l'articulation de l'ensemble avec la société foncière solidaire (SFS). La maîtrise foncière est un préalable pour toute collectivité en matière d'aménagement du territoire. Plusieurs outils existent, tels que les établissements publics fonciers (EPF) d'État et locaux, et il y a une réelle complémentarité entre ces outils. Les EPF d'État et locaux interviennent sur le foncier privé pour des opérateurs de logement et d'activités. La SFS, dotée d'un budget d'un milliard d'euros, dont une moitié proviendrait de la Caisse des dépôts et consignations et l'autre moitié de l'État, interviendrait en priorité sur le foncier public de l'État et des collectivités qui le souhaitent pour faire uniquement du logement.

M. René Vandierendonck . - C'est clair !

M. Jean-Michel Baylet, ministre . - Ma collègue ministre du logement, Emmanuelle Cosse, sera d'ailleurs à mes côtés au banc lors de la discussion en séance publique.

Soyez rassuré, il n'y aura pas de prélèvements nouveaux de TSE. Quant à l'opérationnel, la SFS pourra monter des filiales avec un certain nombre d'autres établissements publics.

J'ai bien entendu que la mission de contrôle de votre commission sur la mise en oeuvre des dernières lois de réforme territoriale continuait ses travaux. Néanmoins, vous avez rappelé que le rapport sur le fléchage des conseillers métropolitains n'avait pas été commis. À tout bout de champ, des rapports, d'origine soit parlementaire, soit gouvernementale, sont proposés ; or, dans 80 % des cas, ils ne sont jamais déposés. Je ne pense pas qu'il soit de bonne législation d'ajouter encore des rapports. Il y en a certes qui sont indispensables, et ils doivent être rédigés, mais nous devons refuser tous ceux qui ne répondent pas à ce critère.

Cela me permet de faire la transition avec votre question sur la manière de choisir les conseillers métropolitains. La loi prévoit qu'ils sont élus au suffrage universel et que nous devons décider du mode de scrutin avant le 1 er janvier 2017, pour une application en 2020. Là encore, deux rapports ont été demandés : l'un d'origine gouvernementale, l'autre d'origine parlementaire. Ni l'un ni l'autre n'ont été déposés ! Je ne peux donc m'appuyer sur rien, si ce n'est sur ma bonne volonté et sur ma détermination absolue à travailler main dans la main avec les élus et à tenir compte de leur avis.

Je me souviens d'autres débats sur d'autres lois, à l'occasion desquels on a pu reprocher au ministre de ne pas être suffisamment à l'écoute des parlementaires et des élus en général. C'est pourquoi je suis allé m'exprimer au congrès de France urbaine, qui regroupe l'ensemble des métropoles. Avec l'accord de M. le Premier ministre, j'ai déclaré que je souhaitais un débat sur ce sujet avec les métropoles et leurs présidents, précisant que je tiendrais le plus grand compte de l'orientation générale qui se dégagerait. Doit-on, comme la loi le prévoit, décider avant le 1 er janvier 2017 du mode d'élection au suffrage universel ? Si oui, doit-on différer l'application de la réforme dans le temps ? Si non, doit-on abroger cette disposition ? Les trois solutions qui se présentent à nous sont les suivantes : soit on fait ; soit on ne fait pas ; soit on reporte.

Pas plus tard qu'hier soir, je me suis entretenu du sujet avec M. Jean-Luc Moudenc, président de France urbaine. J'ai demandé que l'ensemble des présidents de métropole viennent me rencontrer pour que nous en parlions les yeux dans les yeux. Je le répète, je tiendrai le plus grand compte de la position majoritaire qui, d'après Jean-Luc Moudenc, a l'air de se dégager. Monsieur Vandierendonck , je vous rassure, il ne s'agit pas de liquider les départements. En tout cas, ce n'est pas moi qui porterai une telle réforme...

M. René Vandierendonck . - Avez-vous consulté l'Association des maires de France (AMF) ? Vous semblez opposer le monde urbain et le monde rural.

M. Jean-Michel Baylet, ministre . - Non, je n'ai consulté que France urbaine, association regroupant l'ensemble des métropoles. Je peux aussi consulter l'AMF, mais l'avantage de France urbaine, c'est que tous les présidents de métropole, lesquels sont justement à l'origine de ces demandes, en sont membres. S'ils me demandent d'autres modalités, je m'adapterai sans état d'âme. Mais je vois à peu près ce que l'AMF me répondra, à savoir qu'il faut tenir le plus grand compte de l'avis des principaux intéressés, ce qui est légitime. Pour autant, si vous le souhaitez, nous consulterons aussi l'AMF. Cela tombe très bien, d'ailleurs, puisque je vais installer, après cette audition, l'Observatoire que nous avions promis au Comité des finances locales. Ce sera l'occasion de m'entretenir de ce sujet avec M. André Laignel.

Monsieur Marc, vous m'interrogez sur les pouvoirs de police. Le maire de Paris aura bel et bien de nouveaux pouvoirs, avec notamment la compétence sur la salubrité des bâtiments. Surtout, les agents chargés du contrôle du stationnement lui seront transférés, et il exercera donc la compétence de droit commun en matière de circulation et de stationnement. Le préfet n'aura plus dans ce domaine qu'une compétence d'exception. Néanmoins, j'ai détaillé les raisons pour lesquelles il était préférable que le préfet conserve tout de même un certain nombre de responsabilités.

Monsieur Favier, je vous confirme qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de fusionner les départements de la petite couronne et la métropole du Grand Paris, non plus que de supprimer ces départements. Je sais qu'il y a une tentative de fusion en cours, mais elle est à l'initiative non pas de l'État, mais des élus locaux. Nous verrons ce qu'il en ressortira. En tout cas, le Gouvernement y est très attentif. Quant à la mutualisation de Grand Paris Aménagement et de l'EPA ORSA, il ne s'agit absolument pas d'une fusion déguisée. Nous souhaitons maintenir l'EPA ORSA en lui permettant de mieux fonctionner. C'est donc bien une mutualisation.

Monsieur Sueur, vous abordez aussi la question de la DGF, rappelant qu'elle est inéquitable, illisible, entre autres reproches. Vous avez ô combien raison, et nous en sommes tous convaincus. Je voudrais simplement vous rappeler que, dès ma nomination, j'ai rencontré l'ensemble des associations d'élus, dont l'AMF. Le constat est unanime, mais, dès que l'on entre dans le débat pour savoir comment réformer la DGF, il n'y a plus aucun accord, chacun voyant midi à sa porte. Les ruraux veulent qu'elle profite aux ruraux, les banlieues aux banlieues, les métropoles aux métropoles, les villes moyennes aux villes moyennes.

J'ai demandé à toutes les associations d'élus de me rencontrer ensemble pour voir si nous pouvions trouver une solution consensuelle, ou à tout le moins rapprocher les points de vue. Lors de cette rencontre, j'ai pu constater que tout le monde, y compris les maires ruraux qui, jusque-là, étaient les seuls partisans de la réforme, telle qu'elle avait été préparée par le Gouvernement, souhaitait temporiser. Le président de l'AMF, M. François Baroin, m'a lu un communiqué demandant à l'unanimité des participants un report de la réforme et formulant le souhait que celle-ci se fasse dans le cadre d'un projet de loi de finances « collectivités » débattu en même temps que le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Le moins que l'on puisse dire est que cette demande a été entendue, puisque le Président de la République, lors du dernier congrès des maires de mai 2016, a annoncé non seulement le report de la réforme, mais également qu'il y aurait, à partir de 2018, outre le PLFSS et le PLF, un « projet de loi de finances des collectivités » (PLFC). C'est dans ce cadre, qui offrira plus de transparence et de lisibilité aux collectivités pour gérer leurs finances, que sera enfin portée cette utile et indispensable réforme de la DGF. Cette année, je me contenterai donc de toucher à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU-CS) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.

Bien naturellement, je n'omets pas de dire que j'ai aussi rencontré, ici au Sénat, le groupe de travail commun Assemblée nationale-Sénat, dans les jours qui ont suivi mon arrivée au ministère. À cette occasion, j'ai pu constater les mêmes différences, pour ne pas dire les mêmes divergences. Cette réforme est utile mais, à titre personnel, je pense que ce genre d'entreprise, très compliquée tant techniquement que politiquement, trouverait davantage sa place en début de quinquennat plutôt qu'à la fin, quand les choses ont tendance à se compliquer quelque peu pour le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Sueur . - Vous avez le sens de la litote ! (Sourires.)

M. Philippe Bas , président . - Nous ne vous le faisons pas dire, Monsieur le ministre. Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre de manière aussi précise à l'ensemble de nos interrogations. Nous nous retrouverons en séance publique le lundi 7 novembre.

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