CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES AUX MÉTROPOLES - (Division et intitulé supprimés)

Article 41 (Supprimé) - (art. L. 5217-1 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales) - Élargissement des critères de création des métropoles

L'article 41 modifie les critères d'accès au statut de la catégorie la plus intégrée des EPCI à fiscalité propre et permet, en conséquence, la création de quatre nouvelles métropoles.

Un rappel historique s'impose.

• La métropolisation progressive du territoire

1. Le statut des métropoles a été institué par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010.

Il était alors ouvert aux EPCI de plus de 500 000 habitants.

Une seule métropole a été créée sur le fondement de ces dispositions, celle de Nice-Côte d'Azur, en 2012.

2. La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a rénové le régime métropolitain afin « d'accompagner le phénomène de métropolisation des grandes agglomérations françaises » 227 ( * ) . Le projet de loi proposait, en conséquence, de créer par la loi des métropoles dans ces territoires.

Le critère initialement proposé par le Gouvernement pour la création de nouvelles métropoles - un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 500 000 habitants - qui, déjà, assouplissait celui fixé en 2010, a sensiblement évolué au cours de l'examen parlementaire du projet de loi.

Dans un premier temps, votre commission des lois et son rapporteur, notre collègue René Vandierendonck, avaient entendu réserver le statut métropolitain « aux agglomérations qui pourront pleinement le mettre en oeuvre. Le législateur ne saurait métropoliser l'ensemble du territoire national sauf à étouffer ces moteurs de la croissance par une insuffisante aire de rayonnement et donc à affaiblir l'impact du dispositif » 228 ( * ) .

En conséquence, la commission, en première lecture, avait relevé le double critère démographique, alors fixé à un ensemble de plus de 450 000 habitants au sein d'une aire urbaine de 750 000 habitants. Hors Lyon et Marseille dotés de par la même loi d'un statut spécifique, six agglomérations le respectaient : Bordeaux, Lille, Nantes, Nice, Strasbourg et Toulouse.

Le texte finalement adopté par le Sénat, en première lecture, assouplissait celui de la commission, à l'initiative de son rapporteur, en fixant le double critère respectivement à 400 000 habitants et 650 000 habitants.

Grenoble, Rennes et Rouen s'ajoutaient ainsi à la liste qui, cependant, n'était pas close, l'Assemblée nationale élargissant notablement les conditions de création d'une métropole, cette fois sur la décision des communes concernées, par l'introduction de deux critères alternatifs :

- d'une part, un ensemble de 400 000 habitants intégrant le chef-lieu de région.

Montpellier pouvait y prétendre ;

- d'autre part, un EPCI à fiscalité propre centre d'une zone d'emplois de plus de 400 000 habitants et qui exerçait déjà le bloc de compétences communales obligatoires des métropoles à la date d'entrée en vigueur de la loi « Maptam ». La création de la métropole était toutefois conditionnée à l'exercice, sur le territoire considéré, de fonctions de commandement stratégique de l'État, de fonctions métropolitaines effectives et à son rôle en matière d'équilibre du territoire national.

Finalement, ces trois critères ont été retenus mais le premier d'entre eux fondait automatiquement la transformation en métropole, les deux autres ne le permettant qu'à la demande des communes concernées.

En conséquence,

- au 1 er janvier 2015, dix métropoles ont été instituées de droit : Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nantes, Rennes, Rouen Strasbourg et Toulouse, qui s'ajoutaient à la métropole de Nice créée en 2012 ;

- au 1 er juillet 2016, la métropole de Nancy.

À ces douze métropoles, se joignent trois autres collectivités dotées d'un statut particulier :

- la métropole de Lyon, nouvelle collectivité territoriale, au 1 er janvier 2015 ;

- les métropoles du Grand Paris et d'Aix-Marseille-Provence, au 1 er janvier 2016 ;

soit au total, à ce jour, quinze métropoles, tous statuts confondus.

• L'élargissement proposé par le projet de loi

L'article 41 modifie les critères fixés en 2014 sur deux points :

- d'une part, en l'ouvrant aux EPCI à fiscalité propre de plus de 400 000 habitants sans plus exiger qu'ils abritent le chef-lieu de région.

Cela permettrait la transformation de la communauté urbaine de Saint-Étienne-Métropole et celle de la communauté d'agglomération de Toulon-Provence-Méditerranée ;

- d'autre part, en créant un nouveau critère de métropolisation - les EPCI à fiscalité propre centres d'une zone d'emplois de plus de 400 000 habitants et comprenant le chef-lieu de région.

Cela autoriserait le passage au statut de métropole de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire et de la communauté urbaine du Grand Dijon.

Il s'agit donc d'une alternative au critère existant fondé sur la zone d'emplois qui, en outre, commande à l'EPCI l'exercice sur son territoire de fonctions de commandement de l'État, de compétences métropolitaines et un rôle d'équilibre territorial stratégique.

L'implantation du chef-lieu de région en est la contrepartie.

Au total, le territoire national abriterait désormais dix-neuf métropoles, tous statuts confondus.

Par cohérence avec la création à venir de nouvelles métropoles, l'article 41 procède aux coordinations nécessaires dans le dispositif de conventionnement entre le département et la métropole pour le transfert ou la délégation, par le premier, de certaines de ses compétences à la seconde. À l'année 2017 retenue en 2014 pour le terme de la procédure, serait substitué le « 1 er janvier de la deuxième année qui suit la création de la métropole », ce qui permet d'en assurer la pérennité.

Les explications fournies par l'étude d'impact pour motiver l'élargissement du cadre métropolitain opéré par l'article 41, sont un peu indigentes.

Le premier critère est passé sous silence. Quant au second, ses deux composants, est-il exposé, contribuent « au rayonnement de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et (justifie) de lui donner la possibilité de se transformer en métropole »...

Devant la commission des lois, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, M. Jean-Michel Baylet, a indiqué que le projet de loi ouvrait les atouts du statut métropolitain « à de grandes agglomérations françaises susceptibles d'engendrer un développement économique sur leur territoire » 229 ( * ) .

Votre rapporteur a consulté les parties prenantes à ce dossier, les quatre présidents des intercommunalités susceptibles de se transformer en métropole et les présidents des conseils départementaux qui les abritent sur leur territoire. Chacun d'entre eux lui a clairement exposé les motifs fondant l'aspiration de ces quatre agglomérations à accéder au statut métropolitain.

S'inscrivant dans une démarche similaire, les présidents respectifs de la communauté urbaine du Grand Dijon et de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire, notre ancien collègue François Rebsamen, par ailleurs maire de Dijon, et M. Charles-Éric Lemaignen, ont considéré que, dans le contexte institutionnel présent, une région dépourvue de métropole apparaît amoindrie ou de « seconde zone » et dépourvue de capacité d'innovation. Pour eux, les métropoles sont, aujourd'hui, les leaders de la croissance, à charge pour elles d'entraîner, par leur action, l'ensemble du territoire régional. M. Olivier Carré, maire d'Orléans, a ajouté qu'un certain nombre de politiques publiques s'inscrivent dans une articulation entre la région et la métropole.

M. Charles-Éric Lemaignen a également noté que le centre du territoire européen de la France est singulièrement dépourvu de métropole. Pour sa part, M.  François Rebsamen a souligné que l'essentiel des compétences métropolitaines a été mis en oeuvre dans le cadre de la transformation, au 1 er janvier 2015, de la communauté d'agglomération du Grand Dijon en communauté urbaine.

M. Gaël Perdriau, président de la communauté urbaine de Saint-Étienne et maire de Saint-Étienne, s'est appuyé sur la volonté manifestée par l'État de contractualiser avec les métropoles pour décliner les politiques publiques. Il a constaté que l'agglomération de Saint-Étienne exerçait une fonction de centralité bien au-delà de son périmètre dans la région Auvergne-Rhône-Alpes par la présence de nombreux établissements d'enseignement supérieur, d'un centre hospitalier universitaire « tête-de-pont » pour une population de 800 000 habitants et par l'implantation du siège social de grandes entreprises.

Notre collègue Hubert Falco, président de la communauté d'agglomération de Toulon Provence Méditerranée et maire de la ville-centre, a lui relevé que Toulon était le premier port militaire de la Méditerranée et le troisième port de commerce français.

• Un délitement de la notion de métropole et des conséquences non appréciées sur l'équilibre des territoires

Si l'aspiration de ces quatre agglomérations à se transformer en métropoles apparaît légitime, votre commission redoute cependant les conséquences des assouplissements proposés par l'article 41 en termes d'aménagement du territoire. Cette question est d'autant plus cruciale que la liste ouverte par le projet de loi devrait s'allonger puisque lors de son audition, M. Jean-Michel Baylet, ne s'est pas déclaré hostile aux candidatures de Clermont-Ferrand et Tours qui ont manifesté leur appétence pour le statut métropolitain. Il est à craindre que, par un effet de domino, les postulants se multiplient.

Ce débat soulève deux questions.

Il s'agit en premier lieu de déterminer la fonction assignée à la métropole. Au cours de l'examen de la loi Maptam du 27 janvier 2014, le Sénat et son rapporteur, notre collègue René Vandierendonck, s'étaient attachés à limiter le nombre des métropoles pour leur conserver le sens communément admis. Afin de leur permettre d'être un moteur du développement économique, les critères en autorisant la création avaient été déterminés en tenant compte de la géographie, de l'aménagement du territoire et du rayonnement attendu de ces grands espaces urbanisés.

En élargissant ce statut aux agglomérations qui, certes, sont dynamiques et attractives mais ne répondent pas par leur étendue à la dimension métropolitaine, on affaiblit la notion-même de métropole, on limite l'influence de celle-ci et son rayonnement sur son territoire par la proximité de « concurrentes ». On ne permettra donc pas au statut métropolitain de produire son plein effet.

Reste une question majeure, celle de l'équilibre des territoires et de l'avenir des zones « intersticielles ». Que deviendront les départements dont une partie des compétences sera aspirée par les métropoles comme le prévoit leur statut ? Au-delà, sont en jeu la solidarité et la dynamique territoriales.

Votre rapporteur a bien entendu les promoteurs des quatre prétendantes qui se sont attachés à écarter le risque d'un délaissement des territoires ruraux en conséquence de la métropolisation de leur agglomération. Le maire d'Orléans, M. Olivier Carré, a ainsi souligné que la question de la ruralité a été évoquée dès l'origine du projet métropolitain : aux inquiétudes des élus ruraux a répondu l'engagement du président de l'intercommunalité et du maire de la ville-centre à ce que la métropole renonce à demander le transfert de compétences déstabilisantes pour le département ; il s'agirait plutôt d'attributions relevant du domaine social et non des routes ou du tourisme. M. Frédéric Néraud, vice-président du conseil départemental du Loiret, lui, a fait écho en considérant que la transformation en métropole de la communauté d'agglomération Orléans Val de Loire renforcera son attractivité et profitera à tout le département.

Votre commission s'inquiète néanmoins de la pérennité de ces engagements. Un tel partage raisonné des compétences résistera-t-il au changement d'exécutif ? Dans le cas contraire, qu'adviendra-t-il des départements concernés dépouillés d'une partie de leurs compétences, sans grandes ressources, administrant un territoire réduit à l'espace non-métropolitain ?

Ces questions ont été longuement débattues au sein de la commission des lois. À une large majorité de ses membres, celle-ci a considéré que la multiplication des métropoles, qui s'inscrit actuellement dans une démarche de labellisation, ne saurait s'abstraire d'une réflexion approfondie sur ses diverses conséquences.

Aussi, en l'état du dossier, par un amendement COM-104 déposé par son rapporteur en conclusion de ses débats, votre commission a-t-elle supprimé l'article 41 .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié .


* 227 Cf. étude d'impact annexée au projet de loi n° 495 (2012-2013).

* 228 Cf. rapport n° 580 (2012-2013).

* 229 Audition par la commission des lois du 18 octobre 2016.

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