II. UNE AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES COMPTES PUBLICS LIÉE À DES FACTEURS EXTÉRIEURS FAVORABLES

L'exercice 2015 a été marqué par un léger recul du déficit public, celui-ci s'étant élevé à 3,6 % du PIB, contre 4 % en 2014 . Cette baisse du déficit effectif de 0,4 point résulterait, selon le Gouvernement, exclusivement de l'amélioration du solde structurel, qui est passé de 2,3 % à 1,9 % du PIB entre 2014 et 2015. Toutefois, ces bons résultats doivent être relativisés dans la mesure où ils sont en grande partie liés à des facteurs favorables , dont une baisse significative de la charge de la dette liée à la diminution des taux d'intérêt, alors que la « maîtrise de la dépense publique » avancée dans le cadre du discours gouvernemental semble toute relative .

A. LE RESPECT D'UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICIT CONCILIANTE

Compte tenu de la situation actuelle des finances publiques, la réduction du déficit public de 0,4 point de PIB paraît somme toute limitée . D'ailleurs, le recul du déficit public français est inférieur à celui constaté en moyenne dans la zone euro, soit 0,5 point de PIB, alors que la France fait partie des quatre derniers pays dont le déficit excède 3 % du PIB, avec la Grèce, l'Espagne et le Portugal.

Graphique n° 6 : Le solde public dans la zone euro en 2014 et 2015

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat et de l'Insee)

En outre, comme le fait apparaître le graphique ci-après, la France affiche également l'un des soldes structurels les plus dégradés de la zone euro en 2015 . À titre indicatif, le solde structurel moyen dans la zone euro s'élevait à - 1 % du PIB au cours de l'exercice écoulé.

Pour autant, le Gouvernement parvient à respecter les objectifs arrêtés dans le cadre de la dernière loi de programmation des finances publiques, concernant les années 2014 à 2019. Seulement, il y a lieu de constater que le « calibrage » initial de cette loi de programmation rend le respect de la trajectoire de solde effectif relativement aisé . Il n'en va toutefois pas de même avec les objectifs d'ajustement structurels arrêtés par le Conseil de l'Union européenne ou encore ceux fixés par le Gouvernement dans les derniers programmes de stabilité.

Graphique n° 7 : Le solde structurel dans la zone euro en 2014 et 2015

(en % du PIB potentiel)

Note de lecture : les estimations du solde structurel figurant sur ce graphique sont celles publiées par la Commission européenne afin d'assurer la comparabilité des données. Ceci explique, notamment, que le solde structurel de la France s'écarte de l'estimation retenue par le Gouvernement, ce dernier retenant des hypothèses différentes de la Commission pour calculer le solde structurel.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)

1. Un déficit public de 3,6 % du PIB, en recul de 0,4 point

Selon les données transmises par le Gouvernement, le recul du déficit public, de 0,4 point de PIB en 2015, serait imputable à un effort structurel de 0,4 point également . Celui-ci serait lié à un effort en dépenses de 0,5 point de PIB , résultant de ce que les dépenses publiques aient évolué moins rapidement que la croissance potentielle. À l'inverse, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires ont minoré l'effort structurel à hauteur de 0,1 point de PIB , du fait notamment du déploiement du Pacte de responsabilité et de solidarité et du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui l'a emporté sur les mesures d'augmentation portant sur la TICPE, les cotisations retraites, ou encore la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

De même, la montée en charge du CICE a « pesé », pour 0,1 point de PIB sur l'amélioration du déficit public au titre de la contribution « clef en crédit d'impôt ». S'agissant des mesures ponctuelles et temporaires - ou one-offs -, celles-ci ont aussi contribué à dégrader le solde public de 0,1 point de PIB ; il s'agit notamment, selon l'exposé des motifs de l'article liminaire du présent projet de loi, des effets de l'enregistrement du budget rectificatif n° 6 pour 2014 de l'Union européenne , pour 0,3 milliard d'euros.

Enfin, le solde conjoncturel s'est amélioré de 0,1 point de PIB , la croissance effective ayant été supérieure à la croissance potentielle, estimée à 1,1 % en 2015, permettant une réduction de l'écart de production, soit l'écart entre le PIB réel et son niveau potentiel.

Tableau n° 8 : Facteurs d'évolution des déficits nominal et structurel en 2015

(en % du PIB)

Solde structurel

Solde nominal

Exécution 2014

- 2,3

- 4,0

Effort structurel (composante discrétionnaire)

0,4

0,4

dont mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

- 0,1

- 0,1

dont efforts en dépenses

0,5

0,5

Effets élasticités des recettes

0,0

0,0

Clef en crédit d'impôt

- 0,1

- 0,1

Variation du solde conjoncturel

-

0,1

Variations des mesures temporaires et ponctuelles

-

- 0,1

Exécution 2015

- 1,9

- 3,6

Source : exposé général des motifs du projet de loi de règlement

Au total, le déficit public a été, en 2015, inférieur de 0,6 point à la prévision retenue par la loi de programmation pour les années 2014 à 2019 et la loi de finances pour 2015 , comme le fait apparaître le tableau de l'article liminaire du présent projet de loi (cf. infra ).

Néanmoins, il convient de rappeler que lors de l'adoption des deux lois précitées, le solde effectif pour l'exercice 2014 était substantiellement surestimé , de 0,4 point de PIB. Aussi, en l'absence d'une telle surévaluation, compte tenu du recul du déficit public constaté à 2015, ce dernier n'aurait été moins élevé que de 0,1 point de PIB à la cible apparaissant dans la loi de programmation et dans le projet de loi - et non de 0,6 point -, venant relativiser la performance affichée par le Gouvernement.

2. Un respect relatif de la trajectoire de solde structurel

L'objectif de déficit structurel a, lui aussi, été respecté. Ainsi, celui-ci s'est élevé à 1,9 % de PIB, en recul de 0,4 point par rapport à 2014 , contre une cible de 2,1 % arrêtée par la loi de finances pour 2015 et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Tableau n° 9 : Tableau de synthèse de l'article liminaire du projet de loi de règlement

(en points de PIB)

(a)

(b)

(c)=(a)-(b)

Exécution 2015

Soldes prévus par le PLF 2015 et la LPFP 2014-2019

Écarts aux soldes prévus par la LPFP 2014-2019

Solde structurel (1)

- 1,9

- 2,1

+ 0,2

Solde conjoncturel (2)

- 1,6

- 2,0

+ 0,4

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

0,0

- 0,1

+ 0,1

Solde effectif (1)+(2)+(3)

- 3,6

- 4,1

+ 0,6

Source : article liminaire du projet de loi de règlement

L'ajustement structurel, de 0,4 point de PIB, a donc été conforme à la prévision de la loi de programmation . Le solde structurel s'est révélé, en 2014, inférieur de 0,1 point de PIB à la prévision, contribuant à ce que le déficit structurel affiche une trajectoire d'amélioration plus rapide que celle posée par la loi de programmation des finances publiques.

Graphique n° 10 : Comparaison entre la trajectoire de solde et d'ajustement structurels de la LPFP 2014-2019 et l'exécution

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Toutefois, il convient d'éviter toute confusion concernant l'usage du terme « structurel ». Une amélioration du solde structurel ne signifie pas que celle-ci résulte de réformes structurelles ou encore qu'elle a été permise par une décélération structurelle de la dépense publique . En effet, comme le rappellent les éléments méthodologiques figurant dans le dernier programme de stabilité, « l'effort en dépense se mesure relativement à la croissance potentielle : il y a effort en dépense si les dépenses structurelles en volume (déflatées par le prix du PIB) augmentent moins vite que la croissance potentielle » 19 ( * ) . Or, selon la direction générale du Trésor, « concernant les dépenses publiques, seules les dépenses d'indemnisation du chômage sont supposées dépendre de la conjoncture » 20 ( * ) . Ceci signifie qu'une baisse de la charge de la dette ou des investissements contribue tout autant à l'effort en dépenses que les fruits d'une rationalisation de la dépense publique ; à cet égard, il apparaît que la « maîtrise de la dépense publique » avancée par le Gouvernement au titre de l'exercice 2015 est davantage imputable à des reculs ponctuels de certaines charges qu'à des mesures susceptibles de ralentir durablement la dépense publique, comme s'attache à le mettre en évidence le présent rapport infra .

Quoi qu'il en soit, le solde structurel observé en 2015 est plus dégradé que les cibles fixées par les programmes de stabilité transmis aux mois d'avril 2015 et 2016 aux institutions européennes , traduisant les engagements européens de la France, notamment au regard des cibles arrêtées par le Conseil de l'Union européenne dans sa recommandation du 10 mars 2015 tendant à reporter le délai de correction du déficit excessif de notre pays.

Graphique n° 11 : Comparaison entre la trajectoire de solde et d'ajustement structurels des programmes de stabilité 2015 et 2016 et l'exécution

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

L'écart de 0,3 point de PIB entre le solde structurel de l'année 2015 et l'objectif figurant dans le programme de stabilité d'avril 2016 s'explique par la révision de la croissance du PIB pour 2014 et 2015 par l'Insee (cf. supra ), qui a fait apparaître une progression de l'activité plus importante que ce que montraient les mesures précédentes . Dans ces conditions, la part conjoncturelle du déficit a été revue à la baisse, alors que sa composante structurelle était corrigée à la hausse.

Pour autant, il y a lieu de constater les abaissements successifs des objectifs d'effort structurel opérés par le Gouvernement . Or, la notion d'effort structurel permet de mieux approcher la composante discrétionnaire des finances publiques, donc les efforts budgétaires véritablement consentis par le Gouvernement, que l'ajustement structurel (cf. encadré ci-après).

Ainsi que l'a mis en évidence le Haut Conseil des finances publiques dans son avis relatif au présent projet de loi 21 ( * ) , l'effort structurel constaté en 2015 a été en deçà des cibles figurant dans la loi de programmation des finances publiques et dans les programmes de stabilité susmentionnés . L'écart constaté serait lié à des mesures plus importantes de réduction des prélèvements obligatoires et à un effort en dépense atténué du fait d'une inflation plus faible que prévu, à en croire le Haut Conseil.

Graphique n° 12 : Effort structurel en 2015 de la loi de programmation, des programmes de stabilité et du projet de loi de règlement pour 2015

(en points de PIB)

Source : Haut Conseil des finances publiques (mai 2016)

Ajustement structurel et effort structurel

L' ajustement structurel se définit comme la variation du solde structurel, qui correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. Dès lors, l'ajustement structurel renvoie à la variation du solde public dont ont été retranchés les effets de la conjoncture économique. Malgré cela, celui-ci ne constitue qu'une mesure imparfaite pour qualifier l'orientation discrétionnaire de la politique budgétaire . En effet, par construction, le solde structurel est conçu comme un résidu entre le solde effectif et sa part conjoncturelle, de sorte que tous les éléments qui ne figurent pas explicitement dans le solde conjoncturel sont considérés comme étant de nature structurelle ; en particulier, le solde structurel ne permet pas d'exclure les incidences de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires , pourtant sensible aux évolutions conjoncturelles et qui échappe au contrôle du Gouvernement.

Aussi, afin de mieux approcher la composante discrétionnaire des finances publiques - et donc l'action budgétaire du Gouvernement -, a été développée la notion d'effort structurel , qui a été proposée pour la première fois dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2004 22 ( * ) .

L'effort structurel peut se décomposer en deux facteurs : l' effort structurel en dépenses , qui correspond à l'écart entre la progression de la dépense publique et la croissance potentielle, et l' effort structurel en recettes , soit les mesures nouvelles portant sur les prélèvements obligatoires perçus par l'ensemble des administrations publiques 23 ( * ) . Ainsi, le calcul de l'effort structurel permet un traitement amélioré des recettes dans la mesure de la composante discrétionnaire du solde public, dès lors qu'il permet d'exclure les incidences de l'évolution des élasticités. Toutefois, il ne permet pas d'isoler les évolutions des dépenses publiques qui ne sont pas maîtrisées par le Gouvernement , à l'instar des charges de la dette, pouvant momentanément venir accroître l'effort structurel en dépenses.

En outre, l'entrée en vigueur du nouveau système européen des comptes nationaux, dit « SEC 2010 », a modifié le traitement des crédits d'impôts « restituables » 24 ( * ) , soit ceux correspondant à une créance et pouvant donner lieu à un versement de la part du Trésor public en cas de dépassement de l'impôt dû, qui sont désormais comptabilisés comme des dépenses publiques - alors qu'ils l'étaient auparavant en tant que moindres recettes. Par conséquent, afin de maintenir inchangée la notion d'effort structurel, l'effort en dépenses est calculé hors crédits d'impôts . Toutefois, parce que la montée en charge des crédits d'impôts « pèse » sur l'ajustement structurel, un terme supplémentaire a été ajouté dans la décomposition de ce dernier : il s'agit de la « clef en crédits d'impôts ».

Enfin, il faut relever que l'ajustement structurel opéré en 2015 a été inférieur à l'objectif fixé par le Conseil de l'Union européenne dans sa recommandation précitée de mars 2015 . Si la cible de déficit effectif est respectée sans peine, notamment parce que le déficit inhérent à l'exercice 2014 était surestimé lors de l'adoption de la recommandation (cf. supra ), il en va différemment de l'ajustement structurel réalisé, de 0,1 point de PIB en deçà de l'objectif.

Tableau n° 13 : La recommandation du Conseil de l'Union européenne
du 10 mars 2015

(en % du PIB)

2015

2016

2017

Objectifs de solde public effectif

4,0

3,4

2,8

Objectifs d'amélioration du solde structurel

0,5

0,8

0,9

Source : commission des finances du Sénat (d'après la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 visant à ce qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France)

En conclusion, ainsi que l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques dans son avis du mois de mai, le « déficit structurel en 2015 (1,9 point de PIB) est inférieur de 0,2 point de PIB à l'objectif retenu dans la loi de programmation (2,1 points de PIB) » ; aussi, aucune mesure de correction n'est requise en application de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 25 ( * ) . Malgré tout, la période récente a été marquée par un ralentissement des efforts structurels consentis, alors même que ces derniers reposent essentiellement sur le recul de la charge de la dette et de l'investissement local, notamment. En conséquence, des efforts plus importants devront être réalisés à l'avenir pour atteindre l'équilibre structurel à moyen terme.

3. Les évolutions de déficit selon les catégories d'administrations

En 2015, à l'exception des organismes divers d'administration centrale (ODAC), l'ensemble des sous-secteurs des administrations ont vu leur déficit reculer en montant . Ainsi, la baisse de 7,3 milliards d'euros du déficit public en 2015, qui a atteint 77,5 milliards d'euros, a été permise par une amélioration de 3,9 milliards d'euros du solde de l'État, de 5,3 milliards d'euros de celui des administrations publiques locales (APUL) et de 2,1 milliards d'euros de celui des administrations de sécurité sociale (ASSO) ; les ODAC, quant à eux, ont vu leur déficit se dégrader de 4 milliards d'euros.

Tableau n° 14 : Capacité ou besoin de financement des administrations publiques

(en milliards d'euros, sauf mention contraire)

2012

2013

2014

2015

en Md€

en % du PIB

État

- 81,6

- 69,6

- 75,3

- 71,3

- 3,3

ODAC

- 2,6

1,4

2,9

- 1,1

- 0,1

APUL

- 3,5

- 8,3

- 4,6

0,7

0,0

ASSO

- 12,7

- 8,8

- 7,9

- 5,8

- 0,3

Ensemble des APU

- 100,4

- 85,4

- 84,8

- 77,5

- 3,6

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

a) Un déficit des administrations publiques centrales stable

Si le déficit de l'État s'est réduit de 3,9 milliards d'euros en 2015, celui des ODAC s'est aggravé de 4 milliards d'euros ; aussi le besoin de financement des administrations publiques centrales (APUC) prises dans leur globalité reste-t-il stable entre 2014 et 2015, à 72,4 milliards d'euros, soit près de 3,3 % du PIB. Selon l'Insee, les évolutions précitées « résultent notamment du contrecoup des dotations en capital, versés aux Odac en 2014, dans le cadre du second programme d'investissements d'avenir » 26 ( * ) .

Les dépenses des APUC ont marqué un ralentissement en 2015 , progressant de 1,1 %, contre + 1,7 % en 2014. Cette évolution a résulté de la forte augmentation des consommations intermédiaires (+ 5,0 %), sous l'effet des dépenses militaires, du léger accroissement des dépenses de personnel (+ 0,4 %), de même que de la hausse substantielle des subventions sur rémunérations (+ 7,5 milliards d'euros), en lien avec la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) (+ 6,7 milliards d'euros). Par ailleurs, les dépenses d'investissement ont rebondi (+ 6,0 %), du fait de la livraison de biens acquis dans le cadre de contrats de partenariat public-privé pour 1,4 milliard d'euros - en particulier du site « Balard » du ministère de la Défense.

À l'inverse, les transferts courants internes ont chuté de 4 milliards d'euros, à la suite de la baisse de 3,5 milliards d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux collectivités territoriales. De même, les dépenses de coopération internationale ont diminué de 0,2 milliard d'euros, compte tenu de l'absence de restitution à la Grèce en 2015 des revenus perçus sur des titres de dette grecs 27 ( * ) . Enfin, les transferts en capital versés ont reculé de 1,1 milliard d'euros, en raison de la hausse des dépenses de refus d'apurements communautaires, pour 0,8 milliard d'euros, de la baisse des remises de dettes, pour 1,1 milliard d'euros, et du contrecoup du versement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France à la société Écomouv, de 0,8 milliard d'euros en 2014, dans le cadre de la rupture du partenariat public-privé relatif à la taxe poids lourds.

S'agissant des recettes des APUC, celles-ci se sont révélées très dynamiques, progressant de 2,7 % en 2015 , après + 0,6 % en 2014. Selon l'Insee les « impôts sur la production et les importations [ont] augment[é] de 5,0 % (+ 8,8 milliards d'euros) en raison de la croissance des emplois taxables de TVA et d'une moindre affectation de TVA aux organismes de sécurité sociale (pour un total de 4,5 milliards d'euros) » 28 ( * ) . Les autres impôts sur les produits ont également progressé en raison de l'accroissement des recettes de contribution au service public de l'électricité (CSPE), de 1,3 milliard d'euros, et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), d'un montant de 1,8 milliard d'euros au profit des APUC. Les impositions sur le revenu affectées à l'État ont, quant à elles, reculé de 1,1 milliard d'euros. En particulier, « l'impôt sur le revenu des personnes physiques [a été] affecté par la réforme du bas de barème, la diminution des recettes du prélèvement à la source non libératoire et de l'imposition des plus-values » 29 ( * ) ; ainsi, selon les données publiées par l'Insee le 16 juin dernier, les recettes d'impôt sur le revenu des personnes physiques ont marqué un ralentissement, progressant de 0,2 milliard d'euros en 2015, contre 1,4 milliard d'euros en 2014. Les autres impôts courants se sont repliés « de 0,3 milliard d'euros, du fait de la suppression progressive de la taxe sur le risque systémique des banques au profit d'une taxe destinée au financement du fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des prêts et contrats financiers structurés à risque » 30 ( * ) . Pour ce qui est des impôts en capital, leur rendement a crû de 2 milliards d'euros « sous l'effet de l'action du service de traitement des déclarations rectificatives et de la réforme du régime des paiements fractionné des droits de succession » 31 ( * ) .

L'évolution des dépenses et des recettes de l'État fait l'objet d'une analyse plus approfondie dans la partie dédiée du présent rapport.

b) Une nette amélioration du solde des collectivités territoriales liée à la nouvelle baisse de l'investissement local

Le solde des administrations publiques locales (APUL) affiche une nette amélioration en 2015, de 5,3 milliards d'euros - ces dernières ayant alors présenté un excédent de 0,7 milliard d'euros. Toutefois, cette évolution est essentiellement imputable à une baisse de 4,6 milliards d'euros, soit de 10 % - après - 8,4 % en 2014 -, de l'investissement local. Eu égard à son ampleur, ce recul de l'investissement des collectivités ne saurait être expliqué par les seules élections municipales intervenues en 2014 ; en effet, une étude de l'Insee, basée sur l'examen de six cycles municipaux, avait montré que l'année suivant les élections, la contribution du cycle électoral à la formation brute de capital fixe (FBCF) des APUL était de - 2,8 points en moyenne 32 ( * ) . Aussi, de l'aveu même du secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, lors de son audition par la commission des finances, la baisse de l'investissement a été « indéniablement plus marquée que dans les cycles électoraux habituels » 33 ( * ) . Selon le ministre, les causes de cette baisse « ne résident pas uniquement dans la baisse des dotations » ; « les incertitudes liées à la réforme territoriale, au calendrier, au périmètre des nouvelles intercommunalités ont pu conduire à reporter certains projets ». Ainsi, l'existence d'un lien entre le recul de la FBCF des collectivités territoriales observé en 2015 et la réduction des dotations de l'État n'est plus écartée par le Gouvernement , d'autant que celle-ci est reconnue, en creux, par l'Insee dans sa publication relative aux comptes des administrations publiques en 2015 34 ( * ) . La diminution des dotations semble avoir une incidence sur les investissements locaux par deux biais. En effet, l'incertitude quant à l'évolution des ressources des collectivités à court et moyen termes paraît tout autant susciter un certain « attentisme » dans la mise en oeuvre des projets locaux que la baisse de ces ressources elle-même - ce que tend à monter la forte progression des dépôts des collectivités sur le compte du Trésor, de 5,1 milliards d'euros entre 2014 et 2015.

Au total, les dépenses des administrations publiques locales ont reculé de 1,3 % en 2015 . Outre les dépenses d'investissement, les consommations intermédiaires et la charge d'intérêts ont également baissé, de respectivement 1 % et 3 %, en lien notamment avec la stagnation de l'inflation et la diminution des taux d'intérêt. Les dépenses de personnels ont, quant à elles, ralenti (+ 2,1 % après + 3,7 % en 2014), tout comme les prestations sociales (+ 3 % après + 4,5 %).

Bien que le projet de loi de règlement ne comporte aucune indication sur ce point, il convient de rappeler que le programme de stabilité d'avril 2016 indiquait qu'en 2015, l'Objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel) - qui a été institué par la dernière loi de programmation des finances publiques -, « fixé à 0,5 % pour l'ensemble des dépenses, et 2,0 % pour le fonctionnement, serait respecté pour la deuxième année consécutive » 35 ( * ) .

S'agissant des recettes, celles-ci ont progressé de 0,8 % en 2015 . L'exercice passé a, en effet, été marqué par une diminution du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 3,5 milliards d'euros, après une baisse de 1,4 milliard d'euros en 2014. Toutefois, les prélèvements obligatoires revenant aux collectivités ont augmenté de 5,4 milliards d'euros. Selon l'Insee, « les hausses de taux votées par les collectivités sur les impôts directs locaux y [ont] particip[é] pour près d'un milliard et [se sont] ajout[ées] aux effets de la revalorisation et de l'élargissement des bases ». Lors de l'audition précitée, le secrétaire d'État chargé du budget a indiqué que l'augmentation des recettes de la taxe d'habitation, de la taxe foncière, ou encore de la contribution foncière des entreprises (CFE) s'expliquait pour moitié par la variation « naturelle » des bases, pour un quart par la revalorisation des bases et pour un quart par les hausses de taux intervenues l'année passée. Enfin, « le dynamisme des transactions immobilières en fin d'année, ainsi que la hausse de taux appliquée dans certains départements, a conduit à un accroissement de 1,5 milliard d'euros des recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) » 36 ( * ) .

Dans ce contexte, la capacité d'autofinancement (CAF) , soit la différence entre les produits et les charges de fonctionnement, des collectivités prises dans leur ensemble semble s'être améliorée . Selon les dires de Christian Eckert, celle-ci aurait progressé de 2,1 %. Toutefois, cette évolution ne doit pas conduire à occulter une réalité contrastée ; si la CAF des communes et des intercommunalités a augmenté, celles des régions et des départements ont reculé, de respectivement 2,7 % et 1,8 %.

c) Un nouveau recul du déficit des comptes sociaux

Le déficit des administrations de sécurité sociale (ASSO) s'est établi à 5,8 milliards d'euros en 2015 , après avoir atteint 7,9 milliards d'euros lors de l'exercice précédent, ce qui correspond à une amélioration de 2,1 milliards d'euros.

En effet, les dépenses des ASSO ont fortement décéléré l'année passée, augmentant de 0,7 % , après 2,3 % en 2014. Ceci est lié, tout d'abord, au transfert à l'État du financement d'une partie des allocations logement pour compenser les pertes de recettes liées au Pacte de responsabilité et de solidarité. Ensuite, dans un contexte d'inflation nulle, les prestations sociales ont continué de ralentir (+ 1,9 % en 2015, après + 2,2 %).

Les prestations familiales ont diminué , « sous l'effet principalement de la mise en oeuvre des mesures de politique familiale, dont la modulation des allocations familiales en fonction des revenus à partir du 1 er juillet 2015 » 37 ( * ) , alors que les prestations vieillesse ont également marqué le pas , « notamment sous l'effet du gel des pensions de base au 1 er octobre 2014 ». La progression des dépenses d'assurance maladie a, quant à elle, été « contenue (+ 2,0 %), avec une exécution conforme à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ». Dans son avis du 13 avril 2016, le Comité d'alerte sur l'Ondam a indiqué que les dépenses d'assurance maladie étaient « estimées à 181,8 Md€, soit un montant très proche (- 55 M€) de l'objectif 2015, revu par la loi de financement pour 2016 pour prendre en compte la réduction de 425 M€ décidée lors du programme de stabilité d'avril 2015 » ; à ce titre, il apparaît que le respect de l'Ondam a, en grande partie, résulté de la sous-exécution des versements de l'assurance maladie aux établissements de santé, à hauteur de 160 millions d'euros, en lien avec l'annulation, en fin d'exercice, de 200 millions d'euros de crédits.

À l'inverse, en 2015, les dépenses d'indemnisation chômage sont demeurées dynamiques , selon les premières estimations de l'Unédic 38 ( * ) , progressant de 2,1 % dans un contexte de hausse du nombre de chômeurs. La hausse attendue des recettes n'étant que de 1,7 %, le déficit de l'Unédic aurait continué à se dégrader pour atteindre 4,3 milliards d'euros.

Pour ce qui est des recettes des ASSO, celles-ci ont significativement ralenti, progressant de 1,1 % en 2015 après + 2,5 % , en raison de la mise en oeuvre du premier volet du Pacte de responsabilité et de solidarité, qui comprenait, d'une part, le renforcement des allègements généraux et la réduction du taux de cotisation famille pour les salaires inférieurs à 1,6 Smic et pour les travailleurs indépendants et, d'autre part, l'instauration d'un abattement sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). En outre, la hausse des cotisations a été pénalisée par une croissance modérée de la masse salariale, de 1,7 % en 2015.


* 19 Gouvernement, Programme de stabilité. Avril 2016 , 13 avril 2016, p. 116.

* 20 T. Guyon et S. Sorbe, « Solde structurel et effort structurel : vers une décomposition par sous-secteur des administrations publiques », Documents de travail de la DGTPE, n° 2009/13, décembre 2018, p. 8.

* 21 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-02 du 20 mai 2016 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2015.

* 22 Par ailleurs, il convient de rappeler que la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 reposait sur un engagement exprimé en termes d'effort structurel et non plus de solde effectif.

* 23 S. Duchêne et D. Lévy, « Solde "structurel" et "effort structurel" : un essai d'évaluation de la composante "discrétionnaire" de la politique budgétaire », Diagnostic Prévisions et Analyses économiques , n° 18, 2003.

* 24 Dans le cadre du système européen de comptabilité (SEC 2010), les crédits d'impôts « restituables » correspondent aux crédits d'impôts tels qu'ils sont conçus dans le droit français ; il s'agit des dispositifs qui « peuvent être "à payer", dans le sens où tout montant du crédit qui dépasse la créance fiscale est payé à son bénéficiaire ». À l'inverse, les crédits d'impôts qui ne sont pas exigibles, comme les abattements ou les déductions, sont décrits comme « non récupérables ».

* 25 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 26 Insee, « Les comptes des administrations publiques en 2015. L'investissement se replie à nouveau et le déficit public se réduit », Insee Première , n° 1598, mai 2016, p. 2.

* 27 Cf. rapport annuel de performances du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » annexé au projet de loi de règlement pour 2015.

* 28 Insee, op. cit. , mai 2016, p. 2.

* 29 Id.

* 30 Id.

* 31 Id.

* 32 D. Besson, « L'investissement des administrations publiques locales. Influence de la décentralisation et du cycle des élections municipales », Insee Première , n° 867, 2002.

* 33 Audition de Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015 et l'exécution des finances locales en 2015, le 15 juin 2016 par la commission des finances du Sénat.

* 34 Insee, op. cit. , mai 2016.

* 35 Gouvernement, op. cit. , 13 avril 2016, p. 37.

* 36 Insee, op. cit. , mai 2016, p. 3.

* 37 Ibid. , p. 4.

* 38 Unédic, Situation financière de l'assurance chômage. Prévision pour les années 2016 et 2017 , février 2016.

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