N° 673

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juin 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l' accord-cadre de partenariat et de coopération entre l' Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Mongolie , d'autre part,

Par Mme Gisèle JOURDA,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall, Bernard Vera .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

437 et 674 (2015-2016)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 437 (2015-2016) autorisant la ratification de l'accord-cadre de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses Etats membres d'une part, et la Mongolie, d'autre part.

Il s'agit d'un accord mixte, qui nécessite en conséquence la ratification des Etats membres.

Cet accord, signé à Oulan-Bator le 30 avril 2013, renouvelle le cadre juridique de la relation UE-Mongolie, que l'accord de coopération économique et commerciale signé en 1993 entre la Communauté économique et européenne et la Mongolie avait établi, en étendant le nombre de secteurs de coopération envisagés.

Il s'inscrit dans une politique de rapprochement de la Mongolie à l'égard de l'Europe, considéré comme le « troisième voisin » d'un pays historiquement lié à la Russie et à la Chine.

Il permettra à l'Union européenne de s'affirmer comme un partenaire de référence pour la Mongolie. Il viendra renforcer la relation de l'Union européenne avec l'Asie orientale, au moment où la Mongolie s'apprête à accueillir le prochain sommet du Dialogue Asie-Europe (ASEM), les 15-16 juillet prochains.

Cet accord ouvre également pour la France des perspectives de coopération intéressantes, notamment dans le secteur des infrastructures, de l'agroalimentaire et du tourisme, où des entreprises françaises sont déjà présentes.

Votre commission a donc adopté ce projet de loi.

I. LA MONGOLIE, UN PAYS QUI CHERCHE À CONSOLIDER SES RELATIONS AVEC L'EUROPE

A. LA MONGOLIE, UNE DÉMOCRATIE VIVANTE DOTÉE D'UN FORT POTENTIEL DE DÉVELOPPEMENT

1. Une démocratie vivante

La Mongolie est une jeune démocratie . En 2015, le pays a célébré le 25 anniversaire de ses premières élections libres . Jusqu'en 1990, le pays a vécu sous un régime de parti unique , dominé par le Parti révolutionnaire du peuple mongol (PRPM). La transition démocratique s'est déroulée de manière pacifique . Le PRPM est sorti vainqueur des élections législatives de 1992. Le pays a ensuite connu une série d'alternances politiques , avec la victoire de la Coalition démocratique (CD, libérale) en 1996, le retour au pouvoir du PRPM en 2000 et la victoire du Parti démocratique mongol (PDM) en 2012.

Le président actuel, M. Elbegdorj est un des principaux artisans de la transition politique de la fin des années 1980 . Ancien Premier ministre (2004-2006), il a été élu en 2013, réalisant la première alternance politique à cette fonction depuis la démocratisation en 1990. Le scrutin s'est déroulé en présence des observateurs de l'OSCE.

Les élections de juin 2012 ont vu la victoire du PDM, avec une courte majorité face au PPM (Parti du peuple mongol, nouveau nom du PRPM). Le scrutin s'est déroulé sans incident notable, alors que les élections de 2008 avaient été suivies de manifestations durant lesquelles 5 personnes avaient trouvé la mort. Le Premier ministre M. Saikhanbileg, désigné en novembre 2014, était jusqu'en août 2015 à la tête d'un gouvernement associant les deux principaux partis du pays (PDM et PPM) et le Parti « Coalition-justice » (une formation issue de l'alliance de deux petits partis à l'issue des élections de 2012).En août 2015, le PPM a quitté le gouvernement, M. Saikhanbileg restant Premier ministre.

Des élections législatives sont prévues en juin 2016 . Le gouvernement issu des urnes sera formé en septembre, après la tenue du Sommet du Dialogue Asie-Europe (ASEM) qui se tiendra à Oulan-Bator à l'été. L'issue du scrutin est pour l'heure incertaine, 40 à 50 % des électeurs étant encore indécis selon les sondages. Les deux partis de gouvernement, le PPM (héritier de l'ancien parti unique) et le PDM (libéral et social-démocrate) sont donnés avec 20% des suffrages chacun environ.

Le paysage politique comprend également d'autres partis: le PPRM (issu d'une scission du PPM conduite par l'ancien président Enkhbayar), le Parti vert, le Parti républicain, et le Parti nationaliste - l'ensemble de ces partis représenterait environ 8% aux prochaines élections. Un parti « outsider », le Parti national du travail, créé en 2015, est également en lice. Constitué de think tanks rassemblant notamment l'intelligentsia mongole vivant à l'étranger, son électorat est constitué de ceux qui rejettent dos à dos les deux grands partis, soit une partie de la classe moyenne d'Oulan Bator, qui connaît des difficultés économiques dans le contexte de crise actuel.

La vie politique mongole témoigne d'un attachement très fort aux droits de l'homme . Le pays fait figure de modèle dans la région en matière de respect de l'Etat de droit. La Mongolie a ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ainsi que le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international sur les droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort . Le pays a aboli la peine de mort et défend aux côtés de l'Union européenne et de la France son abolition universelle .

2. Une économie qui dispose d'importantes ressources naturelles

Avec 12 milliards en 2014 pour 3 millions d'habitants, soit environ 4 170 dollars par habitant, selon les chiffres de la Banque mondiale, l a Mongolie est un pays pauvre, avec une économie de taille modeste .

Elle possède néanmoins de nombreux atouts . C'est le 4 ème pays du monde le plus richement doté en ressources naturelles . Son économie repose en grande partie sur ses ressources minières considérables et sur l'élevage. Elle dispose d'autres secteurs à fort potentiel de développement, comme le tourisme et les télécommunications.

La p rospection minière déployée à échelle industrielle dans le courant des années 2000 a permis une forte expansion économique du pays au tournant des années 2010. Le développement du secteur s'appuie sur des projets miniers d'envergure nationale, comme la mine de charbon « cokéfiable » 1 ( * ) de Tavan-Tolgoï, la mine d'or et de cuivre d'Oyu-Tolgoï ou les gisements d'uranium. L'importance du secteur minier dans l'économie devrait encore s'accroître à l'avenir. L'exploitation du gisement d'Oyu-Tolgoï, l'un des plus grands gisements de cuivre inexploités, pourrait à lui seul procurer le tiers des revenus de l'Etat à l'horizon 2020. La prédominance du secteur minier dans l'économie s'est accentuée ces dernières années : il représente désormais 20 % du PIB, contre 10 % il y a dix ans.

Le pays a connu une forte croissance entre 2002 et 2009, puis un recul du PIB en 2009 (-1,6 %) lié à la crise mondiale. La croissance s'est envolée dans les années 2010-2013, avec un taux de croissance record en 2011 de 17,5 % . La forte phase d'expansion économique qu'a connue le pays à partir de 2000 est due principalement à la mise en valeur des abondantes ressources en matières premières.

Le pays connaît des difficultés conjoncturelles depuis 2014 , dues à la baisse des cours des matières premières et au ralentissement de la croissance économique en Chine, qui est le premier partenaire commercial de la Mongolie. La décélération de l'économie s'est traduite par un ralentissement du rythme de croissance, passant de 11 % en 2013 à 7 % en 2014, avec des prévisions de l'ordre de 3-5 % d'ici 2017.

Les difficultés du pays ont entraîné un important déséquilibre des finances publiques . Le pays a mené une politique budgétaire expansive à partir de 2012, car il anticipait des revenus miniers supérieurs aux cours réels. Le gouvernement a contourné la loi de stabilité budgétaire (qui limite le déficit budgétaire à 2 % du PIB) en ayant recours à la Banque de Développement de Mongolie, créée en 2011 pour financer des dépenses relevant du budget de l'Etat. Cette politique a eu pour conséquences une hausse du besoin de financement externe et une diminution des réserves de change. En réponse, le gouvernement a eu recours à de nombreux leviers de financement pour attirer des devises. L'émission d'emprunts obligataires publics et garantis a entraîné une hausse de l'endettement, notamment externe. La politique monétaire a été resserrée depuis fin 2014, mais les mesures de financement ont eu un effet expansif sur le secteur bancaire, à présent très exposé sur le secteur de l'immobilier.

La richesse du sous-sol garantit la solvabilité de la Mongolie à long terme, mais la prépondérance du secteur minier dans l'économie est aussi un facteur de vulnérabilité . Elle entraîne une surexposition à la volatilité des cours internationaux et aux aléas de l'environnement régional. Par ailleurs, la faible diversification de la base économique est un facteur de vulnérabilité supplémentaire : 90% des exportations mongoles sont absorbées par la Chine, qui compte pour 30% des importations mongoles.

Compte tenu du faible niveau des réserves monétaires, les autorités mongoles ont dû faire appel à l'assistance du FMI en début d'année 2016 pour soutenir leur effort d'ajustement macroéconomique, sans aller jusqu'à formaliser une demande d'accord de confirmation du FMI, dit « stand-by arrangement » 2 ( * ) (un programme dont a bénéficié la Mongolie en 2009, consistant à solliciter des facilités de prêts en contrepartie d'engagements en matière de politique budgétaire et monétaire). Pour faire face aux tensions financières, deux perspectives se dessinent d'ici 2017 : soit un ajustement renforcé sous forme d'un programme dit de « stand-by », soit une augmentation du plafond de ligne de « swap 3 ( * ) » entre banques centrales mongole et chinoise. Les déséquilibres macroéconomiques poussent par ailleurs la Banque asiatique de développement (le plus important des bailleurs de fonds multilatéraux du pays en volume) à intervenir davantage pour soutenir le développement.

Les réserves naturelles considérables du pays devraient faciliter son redressement . Plusieurs projets miniers d'envergure connaissent des développements favorables. Ces projets représentent des investissements de l'ordre de 90 % du PIB mongol d'ici 2020. L'entrée en production de nouvelles mines stimulera les exportations et assurera la solvabilité du pays. En conséquence, un rebond de croissance est attendu à l'horizon 2018 , au moment de la mise en exploitation du mégaprojet minier Oyu-Tolgoï.

Au-delà de ses ressources minières, la Mongolie dispose d'atouts structurels, avec une population jeune (50 % de la population a moins de 30 ans) et un fort ancrage démocratique. Les difficultés actuelles montrent toutefois la nécessité de mener des réformes pour diversifier l'économie .


* 1 L'opération de « cokéfaction » du charbon consiste à en éliminer les matières volatiles afin d'éviter sa combustion en présence d'oxygène. Cette opération se réalise dans un four à très haute température (1100 °C) après que le charbon a été broyé et mélangé dans du fioul dans une proportion de 1 à 5% de la masse, et dure une vingtaine d'heures en moyenne. La production de « coke », sortant de fours de « cokéfaction » s'accompagne de celle de sous-produits tels que des gaz, du goudron de houille, etc.

* 2 Le stand-by arrangement a été mis en place en 1992 pour refinancer les Etats ne parvenant pas à contrôler le déficit de leur balance des paiements.

* 3 Le « swap » désigne ici un contrat définissant un échange de monnaie entre deux Banques centrales pendant une période donnée. C'est un procédé utilisé par les banques centrales pour se procurer des devises étrangères, en général des dollars.

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