E. LA RÉAFFIRMATION DES MISSIONS DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL

Votre commission regrette que la position adoptée par le Gouvernement revienne à entériner le déclin des effectifs de médecins du travail sans chercher à répondre à la question centrale de la revalorisation de cette spécialité médicale.

Pour votre commission, plusieurs éléments sont en effet susceptibles d'expliquer la faible attractivité de cette profession.

Elle s'explique tout d'abord par les spécificités de la formation des médecins du travail :

- il existe une certaine méconnaissance, de la part des étudiants, du rôle et des missions du médecin du travail ;

- la formation au cours de l'internat est critiquée pour sa longueur et son caractère inadapté en raison notamment de stages réalisés ailleurs que dans des services de santé au travail ;

- l'accès à la médecine du travail par la voie de la reconversion est particulièrement difficile. Elle suppose une expérience de cinq ans dans la spécialité d'origine puis une formation de quatre années comme collaborateur médecin, soit un parcours de neuf années au total pour des personnes qui exercent déjà comme médecin spécialiste. En pratique, peu de médecins s'engagent dans cette voie. Inversement, un médecin du travail qui souhaite se reconvertir dans la médecine générale ou toute autre spécialité est obligé de suivre les quatre années de formation dans la nouvelle spécialité choisie.

La difficulté de recruter des médecins du travail renvoie également aux caractéristiques de leurs conditions de travail :

- le médecin du travail joue un rôle exclusivement préventif car sauf urgence, il a l'interdiction de prodiguer de soins et ne prescrit pas ;

- son statut est particulier. S'il bénéficie d'un statut protecteur lui garantissant l'exercice de ses missions dans des conditions d'indépendance, il a été rappelé par voie de circulaire 36 ( * ) que l'indépendance technique du médecin du travail ne fait pas obstacle à sa subordination juridique vis-à-vis de son employeur. L'article R. 4623-4 du code du travail dispose que le médecin du travail est lié par un contrat de travail conclu avec l'employeur ou avec le président du service inter-entreprises de santé au travail. Il doit ainsi respecter les modalités d'organisation fixées par son employeur et inscrire ses interventions dans le cadre des orientations définies notamment par le projet pluriannuel de service ;

- il peine à se concentrer sur le coeur de ses activités. Il consacre en effet un temps important aux examens médicaux, à la mise à jour des dossiers médicaux et à remplir des documents à caractère plus administratif, au détriment des actions en milieu de travail (visites d'entreprises, évaluation des risques professionnels, propositions d'aménagement de poste). De fait, l'obligation de passer un tiers de son temps sur les lieux de travail, posée par un décret de 1979 (« tiers temps réglementaire »), n'est pas respectée.

Si elles ne s'accompagnent pas d'une évolution des modalités d'organisation et de formation de la profession, les mesures proposées par le Gouvernement ne permettront donc pas de renforcer l'attractivité de la médecine du travail.

C'est pourquoi votre commission a adopté huit amendements des rapporteurs à l' article 44 afin de parvenir à un meilleur équilibre entre les garanties des droits des salariés et la simplification de la vie des entreprises. Il en résulte les principales modifications suivantes :

- le maintien de la visite d'aptitude à l'embauche comme principe général, la visite d'information et de prévention ne devant être possible qu'à titre dérogatoire ;

- la suppression de la référence aux tiers dans la définition des missions des services de santé au travail et du médecin du travail afin de recentrer leurs actions sur la santé et la sécurité du travailleur ;

- la suppression de l'obligation pour l'employeur de consulter les délégués du personnel avant de formuler une proposition de reclassement en cas d'inaptitude d'origine non professionnelle ;

- le retour à la limitation aux entreprises d'au moins cinquante salariés de l'obligation pour le médecin du travail de formuler des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté en cas d'inaptitude d'origine non professionnelle ;

- la réforme de la procédure de contestation de l'avis d'aptitude ou d'inaptitude avec un recours porté devant des commissions régionales de médecins du travail ;

- la suppression des dispositions introduites à l'Assemblée nationale visant à modifier la gouvernance des services inter-entreprises de santé au travail .


* 36 Circulaire DGT n° 13, 9 novembre 2012.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page