AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Alors que s'achève un quinquennat marqué par la défiance et la déception de nos concitoyens, le Gouvernement semble avoir pris conscience de l'urgence d'engager une refondation de droit du travail, dont la rigidité n'est plus contestée et qui constitue, à ce titre, un frein à l'activité de nos entreprises et à la sécurisation des parcours professionnels des actifs.

Les plus grands experts du droit du travail ont été missionnés par le Gouvernement pour proposer les pistes d'une réforme en profondeur de l'architecture du droit du travail français. Dans le même temps, les partenaires sociaux ont été invités à réfléchir à la prochaine génération de droits sociaux attachés à la personne tout au long de sa vie professionnelle.

Le diagnostic est pourtant établi de longue date et très largement partagé : la loi tient en France une place exorbitante dans la définition du droit du travail et régente jusque dans les moindres détails les rapports sociaux dans l'entreprise. La négociation collective, si elle se développe, reste trop administrée et contrainte de respecter des prescriptions formelles. Sauf exception, le dialogue social, au niveau de la branche ou, plus encore, à celui de l'entreprise, reste marqué par la méfiance réciproque de ses acteurs. Au final, les incohérences du droit travail pénalisent les salariés et les employeurs et nuisent à la compétitivité de nos entreprises et à l'attractivité de notre territoire.

Les exemples étrangers, notamment allemand, démontrent sans ambiguïté les vertus d'un dialogue permanent et apaisé entre les représentants du personnel et l'employeur, capables d'élaborer des normes au plus près des besoins et des contraintes de l'entreprise et des salariés. En ce sens, l'article 2 du projet de loi, en faisant primer l'accord d'entreprise sur l'accord de branche en matière de durée du travail, poursuit le mouvement de décentralisation de la négociation collective, dont les prémices remontent au début des années 1980.

Le Sénat est invité à examiner un projet de loi instituant de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s bien éloigné des espoirs initiaux qui avaient pu être placés en lui. Afin d'apaiser les revendications de groupes de la population qui n'étaient pas directement concernés par le texte, trop de reculs ont été consentis depuis la publication de l'avant-projet de loi. En outre, son objectif principal - l'aménagement de la durée du travail - avait déjà été confié à la négociation d'entreprise par la loi du 20 août 2008. Pourtant, au vu de la virulence des griefs qu'il suscite, certains responsables politiques semblent aujourd'hui le découvrir.

Dès lors, ce projet de loi, dans la version transmise au Sénat, n'est pas la réforme structurelle tant attendue - et si nécessaire - du droit du travail français. Il pose quelques jalons qui pourraient, si leur mise en oeuvre n'est pas entravée par une réglementation tatillonne, renforcer l'autonomie des actifs dans les évolutions de leur vie professionnelle et améliorer l'accès à leurs droits sociaux, comme le compte personnel d'activité. D'autres mesures apporteront une sécurisation juridique pour les entreprises, notamment en matière de licenciement pour motif économique.

Précédé d'une concertation insuffisante aggravée par des efforts de pédagogie défaillants et dès lors violemment contesté dans la rue, ce projet de loi, pour lequel la procédure accélérée a été engagée, n'a pas pu recueillir de majorité à l'Assemblée nationale et a conduit le Gouvernement à recourir aux dispositions de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution peu après l'ouverture de la discussion des articles en séance publique. C'est donc au Sénat qu'aura lieu son véritable examen parlementaire.

Dans ce contexte, une responsabilité supplémentaire incombe à la Haute Assemblée, celle de bâtir une réforme qui renoue avec l'ambition initiale du texte et qui tienne compte des besoins les plus urgents de notre économie, des employeurs et des salariés. Simplifier le code du travail et sécuriser juridiquement ses règles, renforcer la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat des salariés, améliorer la prise en compte des TPE et des PME, relancer l'apprentissage et répondre aux difficultés rencontrées par la médecine du travail, tels sont les objectifs qu'ont poursuivis vos rapporteurs.

Au final, le texte que la commission des affaires sociales du Sénat a adopté constitue véritablement, comme le Premier ministre l'avait annoncé le 4 novembre 2015, le premier acte de l'élaboration du « code du travail du XXI e siècle ».

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