V. LE LANCEMENT ET LA POURSUITE DE PLUSIEURS CHANTIERS QUI APPELLERONT UNE VIGILANCE PARTICULIÈRE POUR GARANTIR LA SOUTENABILITÉ DE LA MISSION « CULTURE » À MOYEN TERME

Plusieurs facteurs sont susceptibles de présenter à moyen terme des risques sur la soutenabilité de la mission « Culture » :

- le « dérapage » du coût effectif des dépenses fiscales par rapport aux prévisions ( cf. infra ). Ce risque est d'ailleurs valable pour l'ensemble des dépenses fiscales rattachées au ministère de la culture et de la communication, avec le renforcement des différents crédits d'impôts cinéma, rattachés à la mission « Médias, livre et industries culturelles », depuis trois ans ;

- la hausse des restes à payer de la mission en 2015, alors que leur montant diminuait depuis 2011 ;

- la reprise de nombreux chantiers de rénovation sur les différents programmes , dont certains de très grande ampleur ( cf. infra ).

En ce qui concerne les restes à payer, le tableau suivant indique leur évolution depuis 2013. On constate une hausse de leur montant de 6,4 % entre 2014 et 2015 . Celui-ci, à hauteur de 765 millions d'euros, représente 29,5 % des crédits de paiement de la mission « Culture » en 2015.

La hausse des restes à payer est principalement imputable au programme 175 « Patrimoines ». Ils concernent notamment des opérations d'investissement menées en DRAC dans le secteur des monuments historiques, les musées territoriaux, le patrimoine archivistique et archéologique ; le centre de conservation et d'étude du PRIAM 53 ( * ) (crédits centraux, 2 millions d'euros) et les schémas directeurs de Versailles (8,17 millions d'euros) et de Fontainebleau (2 millions d'euros).

Évolution des restes à payer des programmes
de la mission « Culture » entre 2013 et 2015*

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

Programme 175

588,13

577

626

Programme 131

111,82

79

74

Programme 224

70,45

63

65

Total

770,40

719

765

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets annuels de performances de la mission « Culture » annexés aux projets de loi de finances pour 2015 et 2016 et les réponses du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

*Montants arrondis

En ce qui concerne les investissements portés par la mission « Culture » , en 2016, les dépenses en autorisations d'engagement (194,7 millions d'euros) seront supérieures aux dépenses de crédits de paiement (155,2 millions d'euros), évolution contraire à la situation constatée l'an dernier (152,6 millions d'euros en AE et 161,9 millions d'euros en CP). En outre, les dépenses d'investissement en AE progressent fortement (+ 27,57 %) quand les crédits de paiement associés diminuent de 4,2 % . À l'inverse, l'année dernière, les dépenses d'investissement avaient chuté de 8,5 % en AE et augmenté de 6 % en CP.

Si la hausse des autorisations d'engagement en 2016 ne traduit pas le lancement de nouvelles opérations d'envergure, telles que la Philharmonie de Paris, elle est néanmoins destinée à financer de très nombreux chantiers de rénovation sur l'ensemble du périmètre de la mission « Culture » , d'ampleur variable 54 ( * ) , menées en maîtrise d'ouvrage par le ministère de la culture et de la communication ( via l'OPPIC dans la plupart des cas), ou ses établissements publics quand ils en ont la capacité. Les dépenses engagées à ce titre préempteront d'autant l'emploi futur des crédits de paiement de la mission et seront susceptibles de créer des aléas de gestion, en cas de retard dans le calendrier ou de dérive des coûts . Elles nécessiteront donc un pilotage très fin pour éviter une nouvelle dérive des grands chantiers culturels telle qu'elle a pu être dénoncée par la Cour des comptes par le passé 55 ( * ) .

Pour s'efforcer de mieux piloter l'ensemble de ces opérations, le ministère de la culture et de la communication a instauré en 2010 une commission spécifique.

La mise en place d'une commission dédiée à l'examen des principaux projets immobiliers du ministère de la culture et de la communication

S'agissant de ses projets les plus importants, le ministère de la culture et de la communication a mis en place en 2010 en son sein une commission spécifique, la commission ministérielle des projets immobiliers (CMPI), qui a pour mission d'apporter à la ministre et à son cabinet une analyse circonstanciée de la maîtrise d'ouvrage des grands projets et de la programmation immobilière du ministère avant la validation des principales étapes de ces projets. La CMPI permet, en outre, de solliciter les arbitrages utiles sur le contenu, le périmètre, le phasage, le coût et le financement des projets. Elle assure, sous la présidence du secrétaire général du ministère, le pilotage et le contrôle du respect des objectifs, des coûts et des délais pour les projets d'un coût total supérieur à 20 millions d'euros ou présentant un enjeu spécifique 56 ( * ) .

Les projets suivants ont fait l'objet d'au moins une présentation en CMPI (hors projets déjà livrés) :

- la rénovation de l'Opéra-comique ;

- les projets immobiliers des écoles d'architecture ;

- la rénovation du Théâtre national de Chaillot ;

- le schéma directeur du Centre Pompidou 57 ( * ) ;

- le schéma directeur de restauration du Grand-Palais ;

- la restructuration de l'accueil de la Cité des Sciences et de l'Industrie ;

- la restructuration de l'accueil sous la Pyramide du musée du Louvre 58 ( * ) :

- le schéma directeur du château de Fontainebleau 59 ( * ) ;

- la relocalisation de l'école nationale supérieure de photographie d'Arles.

En outre, la CMPI devrait examiner prochainement les projets suivants :

- la relocalisation de l'école nationale supérieure d'architecture de Marseille 60 ( * ) ;

- le schéma directeur du site de Paris-Malaquais portant sur l'école nationale supérieure d'architecture de Paris-Malaquais et l'École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA) 61 ( * ) - le schéma directeur de Versailles (point d'information sur les travaux en cours).

Source : réponse du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

Parmi ces nombreux chantiers , le schéma directeur de restauration et d'aménagement du Grand Palais est, à ce stade, le seul projet d'investissement du ministère de la culture et de la communication ayant fait l'objet d'une évaluation socio-économique et de sa contre-expertise, en application de l'article 17 de la loi n° 2012-1558 de programmation des finances publiques pour 2012-2017.

En effet, le coût estimé pour la restauration et l'aménagement du Grand Palais est de 437 millions d'euros (hors charges d'emprunt), dont 44 millions d'euros pour la muséographie du Palais de la découverte. La répartition du financement entre les co-financeurs reste à arbitrer par le Premier ministre.

Les conclusions du commissariat général à l'investissement et de la contre-expertise sur le projet immobilier du Grand Palais

Le commissariat général à l'investissement (CGI) a souligné le caractère remarquable du dossier de contre-expertise et rendu un avis favorable sur le projet, en l'assortissant de deux conditions :

- le plan de financement doit être bouclé dans ses différentes composantes, et l'engagement de l'État durable. En écartant la réalisation sous forme de partenariat public-privé (PPP), il sera sans doute nécessaire de proposer une garantie de l'État pour recourir à l'emprunt ;

- il importe que la Réunion des musées nationaux - Grand Palais (RMN-GP) garde la plus grande souplesse pour s'adapter au mieux et optimiser ses recettes . En ligne avec les recommandations de la contre-expertise, le CGI préconise à cet effet de développer la veille et l'étude des marchés potentiels pour optimiser en permanence le plan d'affaires et de veiller à la flexibilité dans l'usage des espaces (y compris ceux du Palais d'Antin).

Le schéma directeur se donne pour objectif de rendre au site du Grand Palais sa cohérence (Palais d'Antin où se trouve le palais de la découverte, nef, galeries nationales du Grand Palais) et de faire émerger un équipement de rang international unique associant, au sein du monument historique, une offre culturelle, événementielle et scientifique.

Source : réponses du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

En outre, le projet de réhabilitation de la Cité des Sciences et de l'Industrie (CSI) doit faire l'objet d'une évaluation socio-économique et d'une contre-expertise en 2016. En 2010, un audit « gros entretien et performances environnementales » sur l'ensemble des bâtiments du site de la Cité des sciences et de l'industrie, incluant la Géode, a en effet conclu à un impératif d'investissements de l'ordre de 300 millions d'euros dans les quinze prochaines années , afin d'assurer la pérennité du site.

Autre chantier de grande ampleur qui devrait peser au cours des prochaines années sur les crédits de la mission « Culture », le projet de réhabilitation et d'ouverture au public de l'Hôtel de la Marine , actuellement en phase de conception architecturale, est estimé à environ 100 millions d'euros , tandis que la répartition des co-financements entre l'État 62 ( * ) et l'établissement est en cours d'arbitrage.

Le budget 2016 de la mission « Culture » prévoit en tout état de cause des autorisations d'engagement ou des crédits de paiement au titre des chantiers suivants :

- un programme d'investissement significatif au profit des archives , destiné à leur permettre de faire face aux besoins de conservation et d'accessibilité des archives publiques. En région, par exemple, 2,1 millions d'euros seront engagés pour améliorer les conditions de conservation des archives nationales du monde du travail à Roubaix et de l'outre-mer à Aix-en-Provence ;

- le lancement de nouveaux chantiers d'envergure en région , en lien avec la nouvelle génération des contrats de plan État-région (CPER) 2015-2020 (lancement de la relocalisation de l'école d'architecture supérieure de Marseille au sein du futur bâtiment de l'Institut méditerranéen de la Ville et des Territoires (IMVT) notamment 63 ( * ) ) ;

- l'accélération des investissements liés aux schémas directeurs des opérateurs culturels , à travers notamment la poursuite du schéma directeur 64 ( * ) du château de Versailles (20 millions d'euros en AE et 14,5 millions d'euros en CP), la montée en puissance du schéma directeur du château de Fontainebleau (12 millions en AE et 11 millions en CP) ; le lancement du projet des réserves du Louvre à Lens-Liévin 65 ( * ) et de la phase initiale des travaux d'urgence du schéma directeur du Grand Palais (11,6 millions d'euros en AE et 5 millions d'euros en CP) ;

- la rénovation du Théâtre national de Chaillot (TNC) et de l'Opéra-Comique (11 millions d'euros en CP, dont 3,64 millions pour le TNC) 66 ( * ) ;

- le lancement des études consacrées au relogement du Centre national des arts plastiques (Cnap) sur un site unique, au projet Médicis Clichy-Montfermeil (1 million d'euros) et au réaménagement des Ateliers Berthier en vue de la création d'un pôle dédié à l'activité théâtrale (3 millions d'euros en AE et 1,5 million d'euros en CP).


* 53 Pôle régional interdisciplinaire archéologique de Moselle.

* 54 Il s'agit d'opérations de valorisation de son patrimoine, qui relèvent de la conservation des monuments historiques, de l'entretien et de l'aménagement de ses salles de spectacles ainsi que de celui de ses établissements d'enseignement supérieur.

* 55 Cour des comptes, « Les grands chantiers culturels », rapport public thématique, décembre 2007.

* 56 L'instruction des projets en CMPI s'articule désormais avec la procédure d'évaluation socio-économique des investissements publics du commissariat général à l'investissement (CGI).

* 57 À ce stade, son coût est estimé à 157 millions d'euros, mais le ministère indique qu'il s'agit d'un montant provisoire qui sera affiné au cours des études lancées en 2015.

* 58 Ce projet vise la réorganisation des espaces d'accueil du public et l'amélioration des conditions de travail des agents afin de faire face à l'augmentation de la fréquentation du musée, pour un coût estimé à 53,5 millions d'euros (livraison printemps 2016). Il sera suivi du nouveau projet d'accueil des groupes (troisième volet du projet Pyramide, livraison fin 2017). Le financement sera pour partie assuré par les revenus produits par le fonds de dotation du musée du Louvre abondé par les redevances issues du projet Louvre Abou Dhabi.

* 59 La phase 1 (2013-2016) concerne des travaux prioritaires de sécurité et de mise aux normes, pour un total de 39,8 millions d'euros.

* 60 Des études de pré-programmation sont en cours. Le budget total de l'opération est estimé à ce stade à 49 millions d'euros, sans que le plan de financement ne soit encore arrêté.

* 61 Le coût prévisionnel des travaux, de l'ordre de 50 millions d'euros, doit être affiné et budgété avant sa mise en oeuvre.

* 62 Ministère de la culture et de la communication et ministère des affaires étrangères et du développement international.

* 63 Au-delà de 2016, sont prévues la réhabilitation et l'extension de l'École nationale supérieure d'architecture (ENSA) Toulouse, pour un montant estimé à 28,1 millions d'euros, ainsi que la relocalisation de l'École nationale supérieure de photographie d'Arles, pour un coût estimé de l'ordre de 20 millions d'euros.

* 64 Les schémas directeurs visent à garantir une conservation durable des grands monuments nationaux tout en améliorant leur accessibilité au profit de l'ensemble des publics.

* 65 Le coût global de ce projet est estimé à 60 millions d'euros, dont 29,4 millions d'euros de subventions issues de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie et 30,6 millions d'euros d'autofinancement, aucune subvention de l'État en investissement n'étant prévue à ce stade.

* 66 Les travaux correspondant aux opérations de la troisième phase de rénovation de l'Opéra-comique (qui porte sur le renouvellement d'air et le désenfumage de la salle, ainsi que sur la mise en conformité de certains espaces de travail), initialement estimés à 20,4 millions d'euros, ont été réévalués au cours de l'année 2015, à 21,9 millions d'euros (+ 1,5 million).

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