EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 62 quinquies - Remise de créance de victimes ou ayants droits débiteurs du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA)

Commentaire : le présent article prévoit une remise de créance au profit des victimes ou de leurs ayants droits ayant perçu, du fait de l'exécution de décisions juridictionnelles non définitives, des indemnités du FIVA pour un montant supérieur à celui effectivement dû à l'issue de la procédure contentieuse.

I. LE DROIT EXISTANT

Créé par l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 21 ( * ) , le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) est un établissement public à caractère administratif chargé d' assurer une indemnisation rapide et intégrale des dommages causés par l'amiante aux victimes, quel que soit leur régime de protection sociale . Le FIVA indemnise l'ensemble des personnes malades à la suite d'une exposition professionnelle à l'amiante ainsi que celles atteintes de maladies liées à l'amiante hors de toute activité professionnelle du fait d'une exposition environnementale. Si la maladie a une origine professionnelle mais qu'elle n'est pas déjà prise en charge en tant que telle par la sécurité sociale, le FIVA accomplit, à la place de la victime, les démarches nécessaires à cette prise en charge.

Le FIVA a donc pour tâches principales:

- l' instruction des demandes d'indemnisation reçues (19 110 demandes en 2014 dont 4 400 nouvelles demandes) et la proposition d'offres d'indemnisation;

- le traitement des éventuels contentieux engagés par les demandeurs en cas de contestation de l'indemnisation ;

- l'engagement de contentieux subrogatoires afin d'obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, en application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 précitée.

La question de la déductibilité des indemnités versées par la sécurité sociale , au titre de l'indemnisation des maladies professionnelles, avec la rente versée par le FIVA a donné lieu à un large contentieux et à des divergences de jurisprudence entre cours d'appel. Certaines cours d'appel, et en premier lieu celle de Douai, ont en effet, dans un premier temps, reconnu aux victimes le droit de cumuler la rente du FIVA avec les indemnités versées par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale. En 2009, à la suite d'un recours du FIVA contestant ce cumul, la Cour de cassation a cassé ces décisions et confirmé le principe de déduction des prestations de sécurité sociale de l'indemnité versée par le FIVA .

Statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Douai a réduit le montant des indemnités devant être allouées par le FIVA en application du principe de déductibilité. Elle a également modifié le barème d'indemnisation utilisé pour le calcul de la rente, retenant des taux progressifs en fonction du degré d'incapacité, en lieu et place de taux linéaires, diminuant ainsi davantage le montant des indemnités.

En application de cette décision, suivie par plusieurs autres cours d'appel, les victimes concernées - 664 au total début 2014 22 ( * ) - devaient ainsi rembourser au FIVA le montant des rentes AT-MP de la sécurité sociale dont elles ont bénéficié et qui n'avaient pas été déduites de l'indemnité versée initialement par le FIVA, ainsi que la différence résultant de l'application d'un barème progressif.

Saisie, au printemps 2012, par des associations de victimes de l'amiante et par une motion du groupe d'études sur l'amiante de l'Assemblée nationale , présidé par le député du groupe socialiste républicain et citoyen Christian Hutin, et cosignée par près de 300 députés et sénateurs, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, a indiqué, par une lettre en date du 28 juin 2012, avoir demandé au conseil d'administration du FIVA d'accorder la remise gracieuse des sommes dues par les victimes à la suite de ce revirement de jurisprudence.

Le Conseil d'administration du FIVA a, par la suite, entériné le principe de ces remises et étendu la mesure aux jugements à venir.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Introduit à l'initiative du Gouvernement lors de l'examen en première lecture du présent projet de loi de finances, l'article 62 quinquies prévoit la remise gracieuse des sommes dues par les victimes de l'amiante indemnisées par le FIVA, en application des décisions juridictionnelles rendues de manière irrévocable entre le 1 er mars 2009 et le 1 er mars 2014. Les victimes ou leurs ayants droits seront donc réputées avoir définitivement acquis les sommes dont ils étaient redevables à la suite du revirement de jurisprudence relatif à la déductibilité des prestations versées par la sécurité sociale et à l'application d'un barème progressif pour le calcul de la rente du FIVA.

Selon l'exposé sommaire de l'amendement ayant introduit cet article, l'inscription dans la loi de cette remise de créance est nécessaire « dans la mesure où le FIVA ne saurait, compte tenu de ses propres contraintes juridiques, renoncer de lui-même au recouvrement de ses créances ».

Le coût afférant à cet abandon de créance s'élève à 3,4 millions d'euros .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article vise à régler les suites d'un revirement de jurisprudence particulièrement préjudiciable pour les victimes de l'amiante concernées, confrontées à des demandes de remboursement élevées, pouvant représenter jusqu'à 28 000 euros. Les sommes dues résultant principalement de l'instabilité des règles jurisprudentielles d'indemnisation, il apparaît justifié d'accorder aux victimes cette remise de créance, par ailleurs validée par le conseil d'administration du FIVA depuis 2012.

Il est néanmoins surprenant que l'inscription dans la loi de cette remise gracieuse intervienne plus de trois ans après que la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, ait tranché en ce sens.

Décision de la commission : votre commission propose d'adopter le présent article sans modification.


* 21 Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 .

* 22 Rapport annuel de la Cour des comptes, « L'indemnisation des victimes de l'amiante : des priorités à mieux cibler » , février 2014.

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