CHAPITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES AUX AUTRES MODALITÉS DE RECRUTEMENT DES MAGISTRATS

Article 27 (chapitres V bis à V quinquies de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Modifications légistiques

Le présent réorganise les chapitres V bis à V quinquies de l'ordonnance statutaire, qui traitent respectivement des conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire, du détachement judiciaire, des magistrats exerçant à titre temporaire et des juges de proximité.

Il s'agit de placer ces différents chapitres sous un intitulé commun, celui des dispositions relatives à « l'intégration provisoire dans le corps judiciaire ».

En effet, le point commun entre les quatre catégories précitées est qu'elles s'appliquent à l'exercice provisoire, par des magistrats non professionnels de fonctions juridictionnelles.

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-50.

Votre commission a adopté l'article 27 ainsi modifié .

Article 28 (art. 41 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Ouverture aux militaires du détachement judiciaire

Le présent article vise à étendre aux militaires la possibilité de solliciter un détachement judiciaire.

À l'heure actuelle, cette faculté, qui permet à certains fonctionnaires d'être temporairement détachés dans le corps judiciaire pour y exercer le métier de magistrat, n'est ouverte, au titre de l'article 41 de l'ordonnance statutaire qu'aux membres des corps recrutés par la voie de l'école nationale d'administration ou assimilés 101 ( * ) et aux professeurs et maîtres de conférences des universités.

Rien ne justifie d'exclure les militaires de niveau équivalent du bénéfice de cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 28 sans modification .

Article 29 (art. 41-10, 41-12 et 41-13 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Instauration d'une possibilité de renouvellement de droit pour les magistrats exerçant à titre temporaire

Le présent article vise d'une part, à assouplir les conditions d'accès à la fonction de magistrat exerçant à titre temporaire et, d'autre part, à allonger la durée de leur mandat, en prévoyant qu'ils pourront être renouvelés, pour cinq ans dans leurs fonctions, après une première période de cinq ans.

Actuellement, leur mandat n'est que de sept ans, non renouvelable.

• Le dispositif proposé

Les conditions pour exercer cette fonction sont les mêmes que pour intégrer directement la magistrature au second grade de la hiérarchie : avoir une expérience professionnelle d'au moins sept ans, qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires, être greffier en chef, ou bien être depuis plus de sept ans fonctionnaire de catégorie A du ministère de la justice ou membre d'une profession judiciaire ou juridique réglementée. Les intéressés doivent être âgés de moins de soixante-cinq ans.

Les emplois auxquels peuvent prétendre les impétrants sont limités. Il s'agit uniquement de ceux d'assesseurs dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance ou de juge d'instance.

Force est de constater que le dispositif a peu de succès. On comptait en 2014, 26 magistrats à titre temporaire en fonction, dont 25 étaient d'anciens juges de proximité.

Le Gouvernement espère susciter plus de vocations de deux manières.

En premier lieu, il entend limiter à cinq ans la durée d'exercice professionnelle requise, s'agissant des professionnels du droit, pour être désignés magistrats à titre temporaire.

En second lieu, il propose, d'une part, de raccourcir de sept à cinq ans la durée du premier mandat, ce qui représentera, pour les personnes intéressées, une durée d'engagement moins longue ; d'autre part, de permettre à ceux qui le souhaiteraient d'être renouvelés dans leurs fonctions, pour un nouveau mandat de cinq ans.

Ce renouvellement serait de droit, à la demande de l'intéressé, sauf opposition du Conseil supérieur de la magistrature fondée sur l'inaptitude de l'intéressé à accomplir ses fonctions. Le magistrat exerçant à titre temporaire pourrait demander à rester dans la même juridiction.

Parallèlement à cette évolution statutaire, le Gouvernement envisage de revaloriser financièrement l'exercice de cette fonction, en relevant, par décret, la limite du nombre de vacations maximum que les magistrats à titre temporaires peuvent effectuer par an, afin de la placer au niveau de celle des juges de proximité (cette limite passerait de 120 vacations par an à 200). La rétribution par audience civile serait elle aussi alignée sur celle des juges de proximité (la rétribution passerait de 3 vacations par audiences civiles à 5).

• La position de votre commission

La modification proposée ne présente pas de difficulté, dans la mesure où il s'agit de prévoir des durées d'exercice de fonctions plus adaptées à la demande exprimée par les intéressés.

Toutefois, le principe selon lequel le renouvellement dans les fonctions est de droit, sauf opposition du Conseil supérieur de la magistrature a été contesté, lors des auditions, par les représentants de ce conseil.

Votre rapporteur a jugé cette réserve justifiée. En effet, ces magistrats étant nommés sur avis conforme du CSM, il n'y a pas de raison de prévoir une règle différente pour leur renouvellement, alors qu'à ce stade, il est tout autant nécessaire de procéder à un examen attentif de la situation de l'intéressé.

Votre commission a par conséquent adopté, à son initiative, un amendement COM-40 conditionnant le renouvellement du magistrat dans ses fonctions à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Votre commission a adopté l'article 29 ainsi modifié .

Article 30 (art. 41-19 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Instauration d'une possibilité de renouvellement de droit pour les juges de proximité

Le présent article, relatif aux juges de proximité, vise, comme le précédent pour les magistrats exerçant à titre temporaire, à raccourcir leur mandat à cinq ans, en autorisant son renouvellement, ce qui allongera la durée totale éventuelle d'exercice.

Son impact, toutefois, devrait être bien supérieur à celui de l'article 29, parce que les juges de proximité sont beaucoup plus nombreux que les magistrats exerçant à titre temporaire (au 1 er janvier 2015, ils étaient 500).

En outre, la période qui s'annonce devrait être cruciale, puisque la suppression de la juridiction de proximité 102 ( * ) , au 1 er janvier 2017, coïncidera avec l'arrivée à échéance du mandat des juges nommés avant que cette suppression soit décidée. D'ici à 2020, 328 juges de proximité devraient achever leur mandat.

Or, le ministère de la justice rencontre de très grandes difficultés pour recruter suffisamment de juges de proximité : seuls 500 postes sont pourvus sur 680.

La modification proposée permettra-t-elle de remédier à ces difficultés ?

Elle est soutenue par l'association nationale des juges de proximité, qui considère qu'elle répond aux demandes exprimées par ses membres.

Surtout, votre rapporteur constate qu'elle présente un intérêt réel, puisqu'elle associe une durée d'engagement plus courte (un mandat de cinq ans), avec une perspective de carrière plus longue (dix ans contre sept ans). La première modification est susceptible de créer de nouvelles vocations chez ceux qui hésitaient à s'engager trop longtemps. La seconde apporte une solution à ceux, en cours de mandat, qui souhaitent prolonger leur exercice 103 ( * ) .

L'opportunité de la mesure est donc acquise. Reste, comme à l'article précédent, la question des conditions du renouvellement. Celui-ci serait de droit, à la demande de l'intéressé, sauf opposition du Conseil supérieur de la magistrature. Pour les mêmes raisons qu'évoquées précédemment, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur ( COM-41 ) substituant à cette procédure celle de l'avis conforme du CSM. Ceci assurera une symétrie des garanties, à la nomination comme au renouvellement des intéressés.

Votre commission a adopté l'article 30 ainsi rédigé .

Article 31 (art. 41-25 à 41-31 [nouveaux] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Nomination de magistrats honoraires en qualité d'assesseurs dans les juridictions

Le présent article vise à autoriser, sous certaines conditions, les magistrats honoraires à exercer des fonctions d'assesseur ou de substitut au sein des juridictions judiciaires.

• Une disposition inspirée par la nécessité de pourvoir aux vacances de postes

Tout magistrat admis à la retraite peut être autorisé, en vertu de l'article 77 de l'ordonnance statutaire, à se prévaloir de l'honorariat de ses fonctions, s'il n'a pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire parmi les plus graves 104 ( * ) . Il demeure alors symboliquement attaché à la juridiction à laquelle il appartenait et continue à jouir « des honneurs et privilèges attachés à [son] état » 105 ( * ) . En particulier, il peut assister en costume d'audience aux cérémonies solennelles et prend rang à la suite des magistrats du même grade.

Initialement limité à ces prérogatives honorifiques, l'honorariat s'est peu à peu lesté de prérogatives juridictionnelles, qui permettent à ses titulaires de continuer à participer au fonctionnement de leur juridiction. Ainsi, les magistrats honoraires peuvent demander à être nommés en qualité de juge de proximité 106 ( * ) . Ils peuvent présider un tribunal des affaires de la sécurité sociale ou un tribunal du contentieux de l'incapacité 107 ( * ) . S'y ajoutent quelques prérogatives non juridictionnelles, comme, par exemple, la présidence du bureau d'aide juridictionnelle 108 ( * ) .

Les nombreuses vacances de postes dans la magistrature 109 ( * ) conduisent aujourd'hui le Gouvernement à envisager d'étendre les attributions juridictionnelles susceptibles d'être exercées par des magistrats honoraires.

Cette extension, qui les ferait participer directement à l'activité judiciaire, appelle toutefois un renforcement de leur statut, afin de garantir les conditions de leur indépendance et de leur impartialité.

• Le dispositif proposé

Le présent article crée sept nouveaux articles (article 41-25 à 41-31), intégrés dans une sous-section 3 du chapitre de l'ordonnance statutaire dédié à l'intégration provisoire dans le corps judiciaire.

Les fonctions juridictionnelles ou judiciaires ouvertes aux magistrats honoraires seraient, pour le siège, celles d'assesseur des formations collégiales des tribunaux de grande instance ou des cours appel, ainsi que, pour le parquet, celles de substitut près les TGI ou de substitut général près les cours d'appel (article 41-25).

Une fois intégrés à la juridiction, la répartition de leur service serait fixée dans l'ordonnance de roulement prise par le président de la juridiction. Toutefois, afin d'éviter tout déséquilibre dans la composition des formations collégiales, celles-ci ne pourraient compter qu'un seul assesseur magistrat honoraire (article 41-26).

Les intéressés seraient nommés par décret du Président de la République, sur proposition du garde des sceaux, après avis conforme de la formation siège du Conseil supérieur de la magistrature ou avis simple de la formation parquet, selon la fonction en cause (article 41-27).

Comme les juges de proximité ou les magistrats à titre temporaires, ils seraient exclus de la procédure de transparence de l'article 27-1. Leur proposition de nomination ne sera donc pas diffusée.

Le cas échéant, ils recevraient, à leur demande ou obligatoirement s'ils n'ont jamais exercé la fonction dans laquelle ils sont nommés, une formation en vue de leur prise de fonction.

Les magistrats honoraires seraient soumis au statut de la magistrature, sous plusieurs réserves (article 41-28) : ils ne pourraient être désignés membres du Conseil supérieur de la magistrature ou de la commission d'avancement ni participer à la désignation des membres de ces instance. Ils ne pourraient recevoir d'avancement de grade ni être mutés contre leur consentement. Ils ne seraient pas astreints à l'obligation de résidence, ni à la limite d'âge de soixante-sept ans, mais en revanche, ils seraient tenus par celle de soixante-douze ans (article 41-31). Il ne pourrait être mis fin à leur fonction, avant l'échéance normale de leur mandat, que par une révocation ou à leur demande.

Un décret en Conseil d'État fixerait les conditions dans lesquelles leur indemnisation et leur protection sociale seraient assurées. Conformément à l'usage retenu, ils devraient percevoir des vacations, pour un nombre annuel maximum de 200 vacations.

Seconde exception d'importance au statut de la magistrature, que connaissent déjà les juges de proximité ou les magistrats à titre temporaires, les magistrats honoraires seraient autorisés à exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que celle-ci ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance (article 41-29). Ils ne pourraient toutefois exercer une profession juridique ou judiciaire réglementée dans le ressort de leur juridiction, ni effectuer un acte de leur profession dans ce même ressort. De la même manière, ils ne pourraient exercer une activité d'agent public, sauf celle de professeur et de maître de conférences des universités. Ils ne devraient à aucun moment exciper de leur qualité de magistrat honoraire dans l'exercice de leur activité professionnelle secondaire.

Les chefs de cour devraient être informés de cette activité, afin d'exercer leur contrôle en cas d'activité jugée incompatible avec leurs fonctions.

Les magistrats honoraires étant, par définition, des magistrats à la retraite, ils ne pourraient faire l'objet que de trois types de sanctions : l'avertissement par les chefs de cour, le blâme avec inscription au dossier et la fin des fonctions (article 41-30).

• La position de votre commission

L'appréciation portée sur la réforme proposée dépendra du nombre de vocations suscitées et de l'usage qu'en fera le ministère de la justice. S'il s'agit d'apporter un complément utile aux juridictions, permettant de combler certaines vacances de postes et d'assurer un fonctionnement plus efficient de la juridiction, alors elle est avantageuse. En revanche, s'il s'agit de basculer massivement en vacations de magistrats honoraires des emplois de magistrats en activité, alors la réforme serait dévoyée.

Afin de conjurer tout risque de dérive, votre commission a adopté l'amendement de son rapporteur ( COM-42) tendant à limiter à un quinzième de l'effectif en magistrat de la cour d'appel le nombre de magistrats honoraires nommés assesseurs ou substitut dans les juridictions de son ressort. Ce ratio est celui aujourd'hui appliqué pour déterminer le nombre de magistrats placés auprès des chefs de cour d'appel 110 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 31 ainsi modifié 111 ( * ) .


* 101 Il s'agit, notamment des autres fonctionnaires de l'État et des fonctionnaires parlementaires, territoriaux ou hospitaliers appartenant à des corps et des cadres d'emploi de même niveau de recrutement, ce qui correspond à la catégorie A supérieur.

* 102 Cette suppression a été décidée par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles . Il ne s'agit que de la suppression de la juridiction. Les juges de proximité demeurent en fonction, mais ils sont redéployés au sein du tribunal de grande instance, pour servir d'assesseur dans ses formations collégiales.

* 103 L'article 35 du projet de loi organique prévoit d'autoriser, à titre transitoire, ceux dont le mandat est en cours à solliciter un renouvellement de trois ans afin d'accomplir un mandat total de dix ans.

* 104 Retrait de certaines fonctions, interdiction d'être nommé à certaines fonctions, abaissement d'échelon, exclusion temporaire, rétrogradation, mise à la retraite d'office ou révocation.

* 105 Article 78 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958.

* 106 Article 41-7 de l'ordonnance précitée.

* 107 Respectivement articles L. 142-4 et L. 143-2 du code de la sécurité sociale.

* 108 Article 16 de la loi n° 91-647 du 11 juillet 1991 relative à l'aide juridique .

* 109 Cf ., supra , l'exposé général, I.

* 110 Article 3-1 de l'ordonnance statutaire.

* 111 Votre commission a aussi adopté un amendement rédactionnel COM-51 à cet article.

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