CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES AUX DROITS ET OBLIGATIONS DES MAGISTRATS

Article 21 (art. 7-1 à 7-4 [nouveaux] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Application aux magistrats de règles relatives à la prévention des conflits d'intérêts, à la transparence et à la déclaration de situation patrimoniale

L'article 21 du projet de loi organique applique aux magistrats, de façon adaptée aux particularités de leurs statuts, les obligations relatives à la déontologie de la vie publique , telles qu'elles ont été conçues par les lois organique n° 2013-906 et ordinaire n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique. Ces obligations concernent, d'une part, la prévention des conflits d'intérêts et, d'autre part, la déclaration de situation patrimoniale et son contrôle. Quatre nouveaux articles 7-1 à 7-4 sont insérés à cette fin au sein de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Ces dispositions visent à renforcer les garanties d'indépendance et d'impartialité des magistrats , tout en plaçant ceux-ci dans le mouvement général de renforcement des obligations déontologiques à l'oeuvre depuis plusieurs années dans la sphère publique . À cet égard, votre rapporteur rappelle qu'un projet de loi organique avait été déposé, à l'initiative de notre collègue Michel Mercier, alors garde des sceaux, en vue notamment d'instaurer de nouvelles règles en matière de prévention des conflits d'intérêts des magistrats, en partie moins ambitieuses que celles proposées par le présent projet de loi organique 64 ( * ) .

1. Les garanties statutaires actuelles en matière déontologique

De nombreuses personnes entendues par votre rapporteur, dont les organisations syndicales de magistrats, ont considéré que les garanties qui figuraient dans le statut de la magistrature et dans le code de l'organisation judiciaire étaient suffisantes, en matière de déontologie comme de conflits d'intérêts, pour satisfaire aux exigences d'indépendance et d'impartialité.

À cet égard, votre rapporteur tient à saluer sur ce point la qualité de l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, particulièrement détaillée et documentée sur l'application des règles statutaires actuelles ainsi que sur les sanctions prononcées.

Ainsi, en vertu de l'article 64 de la Constitution, les magistrats du siège sont inamovibles. Ce principe est repris à l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958. Pour les magistrats du parquet, l'article 5 de l'ordonnance précise que leur parole est libre à l'audience.

En outre, selon l'article 6 de l'ordonnance, avant l'entrée en fonction, tout magistrat doit prêter serment devant la cour d'appel en ces termes : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. » Il ne peut être relevé de ce serment.

Les articles 8 à 9-2 imposent un régime particulièrement rigoureux d'incompatibilités professionnelles et politiques aux magistrats, bien plus rigoureux que le régime du droit commun de la fonction publique.

Ainsi, les fonctions de magistrat sont incompatibles avec toute autre fonction publique et toute autre activité professionnelle ou salariée. Outre la liberté des travaux scientifiques, littéraires et artistiques, des dérogations peuvent être accordées par les chefs de cour pour exercer des activités d'enseignement ou des « fonctions ou activités qui ne seraient pas de nature à porter atteinte à la dignité du magistrat et à son indépendance, à l'exception des activités d'arbitrage ».

Les fonctions de magistrat sont également incompatibles avec tout mandat politique national, ainsi qu'avec tout mandat politique local au sein du ressort de la juridiction, sans exception, y compris un simple mandat de conseiller municipal. Un magistrat ne peut être nommé dans une juridiction dans le ressort de laquelle il a exercé un mandat politique ou a été candidat à un tel mandat depuis moins de cinq ans. Il s'agit de soustraire les magistrats aux influences politiques locales. Le statut dispose même que « nul ne peut être nommé magistrat ni le demeurer dans une juridiction dans le ressort de laquelle se trouve tout ou partie du département dont son conjoint est député ou sénateur » 65 ( * ) .

L'exercice d'une profession réglementée relevant du ministère de la justice 66 ( * ) ou le travail au service d'une de ces professions sont interdits aux magistrats et aux anciens magistrats dans le ressort de leur juridiction depuis moins de cinq ans. À cet égard, sur la proposition de son rapporteur, avec l'adoption d'un amendement COM-34 , votre commission a saisi l'occasion de ce texte pour actualiser la liste des incompatibilités, pour tenir compte de la suppression de la profession d'avoué et du changement de dénomination de la profession de mandataire-liquidateur en mandataire judiciaire, ainsi que pour prendre en compte la profession de commissaire-priseur judiciaire.

De plus, les magistrats en disponibilité ne disposent pas librement de leur activité professionnelle. Lorsqu'un magistrat se trouvant dans cette position statutaire envisage d'exercer une activité privée, il doit en informer préalablement le garde des sceaux. Sous peine de sanctions disciplinaires, celui-ci « peut s'opposer à l'exercice de cette activité lorsqu'il estime qu'elle est contraire à l'honneur ou à la probité, ou que, par sa nature ou ses conditions d'exercice, cette activité compromettrait le fonctionnement normal de la justice ou porterait le discrédit sur les fonctions de magistrat ».

Enfin, l'article 10 de l'ordonnance dispose que « toute délibération politique est interdite au corps judiciaire » et que « toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions ». Les magistrats sont ainsi soumis à une obligation de neutralité et à un devoir de réserve exigeants, continuant de s'appliquer après la cessation des fonctions. L'article 79 de l'ordonnance dispose que « les magistrats honoraires sont tenus à la réserve qui s'impose à leur condition ».

Le respect de ces principes est garanti par le régime disciplinaire des magistrats. L'article 43 de l'ordonnance prévoit que « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire ».

Par ailleurs, les articles L. 111-6 à L. 111-11 du code de l'organisation judiciaire ajoutent au statut de la magistrature une série de règles permettant de prévenir les risques de conflits d'intérêts et d'atteintes à l'impartialité : liste des cas de récusation, obligation de déport et incompatibilités. Par exemple, l'article L. 111-7 prévoit l'obligation de déport, selon laquelle « le juge qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s'abstenir se fait remplacer par un autre juge », tandis que l'article L. 111-9 prévoit qu'un magistrat qui a connu d'une affaire en premier ressort ne peut faire partie de la formation de jugement en appel et que l'article L. 111-10 restreint les cas dans lesquels des conjoints ou parents peuvent appartenir à une même juridiction.

Ces principes sont effectivement de nature à garantir l'indépendance de la magistrature et l'impartialité de la justice. Cependant, ainsi que le propose le présent projet de loi organique, votre commission considère que la magistrature ne peut demeurer à l'écart du mouvement général de renforcement des exigences déontologiques et de transparence au sein de la sphère publique , qui concerne les parlementaires, les hauts-fonctionnaires et les responsables publics en général. Pour autant, les obligations nouvelles imposées aux magistrats doivent prendre en compte les spécificités du statut de la magistrature.

2. La prévention des conflits d'intérêts des magistrats

En premier lieu, en matière de conflit d'intérêts, le présent projet de loi organique énonce le principe selon lequel « les magistrats veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflits d'intérêts ». Il établit une définition de la notion de conflit d'intérêts pour servir de fondement à ce principe : « constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ».

Le présent texte reprend ainsi la formulation de l'article 1 er de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, s'agissant de l'attitude des magistrats en matière de conflits d'intérêts, selon lequel « les membres du Gouvernement, les personnes titulaires d'un mandat électif local ainsi que celles chargées d'une mission de service public exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts ».

De plus, le présent texte reprend aussi, à l'identique, la définition retenue par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée pour l'ensemble des responsables publics. À cet égard, votre rapporteur relève que l'exercice indépendant et impartial des fonctions est un concept qui s'applique mieux aux magistrats qu'aux autres responsables publics, ainsi que l'avait relevé notre collègue Jean-Pierre Sueur, rapporteur de cette loi en 2013.

Compte tenu de leur cohérence avec le droit actuel, ces dispositions n'appellent pas d'observation particulière de la part de votre rapporteur. Elles ne méconnaissent pas les spécificités du statut de la magistrature, mais les complètent utilement.

a) L'organisation d'un entretien déontologique

En second lieu, pour prévenir de façon plus effective les éventuels conflits d'intérêts des magistrats, le présent projet de loi organique prévoit la tenue d'un entretien déontologique à l'occasion de l'installation de tout magistrat dans ses fonctions , entretien qui serait l'occasion de rappeler les règles déontologiques applicables aux magistrats, notamment l'obligation de déport en cas de conflit d'intérêts. Prévu pour les fonctions juridictionnelles, cet entretien sera renouvelé à chaque changement de poste en juridiction. Il pourra aussi être renouvelé à tout moment. En revanche, les fonctions en administration centrale ou à l'inspection générale des services judiciaires ne seraient pas concernées, du fait de la situation de subordination hiérarchique au pouvoir exécutif que ces fonctions impliquent : dans cette hypothèse, les règles déontologiques de droit commun de la fonction publique devraient, s'il y a lieu, trouver à s'appliquer 67 ( * ) .

Le projet de loi organique prévoit, selon une rédaction perfectible car peu claire mais apparemment souple, que cet entretien se déroule, pour les magistrats du siège et du parquet des cours d'appel et des tribunaux de première instance, avec le premier président ou le procureur général de la cour ou avec le président ou le procureur du tribunal. Pour les présidents et les procureurs des tribunaux, l'entretien se déroule avec le premier président ou le procureur général de la cour. Pour ces derniers, du fait de leur qualité de magistrat de la Cour de cassation 68 ( * ) , pour les magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation ainsi que pour les magistrats de la Cour de cassation en service extraordinaire, l'entretien se déroule avec le premier président ou le procureur général de la Cour de cassation. Ainsi, l'entretien a vocation à être réalisé avec l'autorité supérieure, chef de juridiction ou chef de cour et, pour ces derniers, avec le chef de la cour supérieure. Seuls le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près cette cour, compte tenu de leur position au sommet de l'institution judiciaire, ne seraient pas soumis à un entretien déontologique.

Si le principe même de cet entretien déontologique ne soulève pas d'objection de fond, puisqu'il formalise une pratique habituelle des chefs de juridiction à l'accueil des nouveaux magistrats, selon la conférence nationale des présidents de tribunal de grande instance, sa mise en oeuvre concrète semble susciter des interrogations ou des réserves. En effet, dans la mesure où le champ des sujets susceptibles d'être abordés lors de cet entretien n'est pas défini, l'entretien pourrait aussi bien être très superficiel et donc peu utile ou, à l'inverse, très intrusif dans la vie privée. Dans ces conditions, il apparaît nécessaire à votre rapporteur de mieux encadrer le déroulement et les contours de cet entretien, mais aussi de prévoir les cas dans lesquels un changement dans la situation personnelle du magistrat pourrait requérir un nouvel entretien (mariage, pour tenir compte de la profession du conjoint...).

b) L'établissement d'une déclaration d'intérêts

Afin de donner plus de consistance, d'objectivité et de conséquences éventuelles à cet entretien déontologique, votre commission estime qu'il doit s'appuyer sur une déclaration d'intérêts , dont le contenu et les rubriques devraient être déterminées par la loi organique ou un texte réglementaire. Une telle déclaration d'intérêts n'aurait en aucun cas vocation à être publiée, mais serait simplement adressée à l'autorité supérieure, en vue de l'entretien déontologique, et conservée par ses soins. La confidentialité serait préservée.

À titre de comparaison, votre rapporteur relève que le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXI ème siècle 69 ( * ) prévoit un mécanisme de cette nature pour les juges consulaires : les membres d'un tribunal de commerce seraient tenus de transmettre au président du tribunal, dans le mois suivant leur installation, une déclaration d'intérêts, dont le modèle, le contenu et les conditions de conservation devraient être fixées par décret en Conseil d'État. Cette déclaration devrait mentionner « les liens de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de sa fonction, que le déclarant a ou qu'il a eu pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions ». Dans ce système déclaratif, toute modification substantielle des intérêts détenus ultérieure à la déclaration devrait donner lieu à une déclaration complémentaire, de façon à permettre, s'il y a lieu, la tenue d'un nouvel entretien déontologique.

En conséquence, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-31 pour prévoir la remise d'une déclaration d'intérêts dans les deux mois de l'installation de tout magistrat dans de nouvelles fonctions juridictionnelles. La remise de la déclaration donnerait lieu, par la suite, à l'entretien déontologique. Ce dispositif présente les avantages de la cohérence et de la clarté et limite les risques de subjectivité dans la conduite de l'entretien. Par ce même amendement, votre commission a également clarifié le fait que l'entretien doit se dérouler avec l'autorité supérieure et, pour les chefs de cour et les chefs de juridiction, avec le chef de la cour supérieure . Aux mêmes fins d'encadrement de l'entretien, cet amendement dispose que celui-ci donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. Ce compte rendu et la déclaration d'intérêts seraient conservés par le chef de juridiction.

S'agissant des sanctions en cas de manquement ou de défaillance dans les obligations de remise de la déclaration d'intérêts ou de conduite de l'entretien déontologique, ceux-ci constitueraient un manquement par un magistrat aux devoirs de son état et donc une faute disciplinaire qui pourrait lui faire encourir une sanction disciplinaire.

On aurait pu concevoir une intervention du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dans ce mécanisme de déclaration d'intérêts, comme cela a été suggéré lors des auditions de votre rapporteur : le Conseil aurait pu recevoir un double des déclarations et éventuellement mener un entretien déontologique s'il l'estime nécessaire. Il aurait également pu être chargé de l'entretien déontologique du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette Cour. Il aurait enfin pu être chargé de contrôler la bonne mise en oeuvre de ces obligations déontologiques au sein des cours et des juridictions. Cependant, tel qu'il est actuellement rédigé, l'article 66 de la Constitution ne semble pas pouvoir attribuer ces fonctions au CSM, car il dispose simplement, en matière de déontologie, que le Conseil se prononce, en formation plénière, « sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice ». Il ne lui est attribué qu'une mission générale d'avis.

En revanche, on pourrait imaginer que la déclaration d'intérêts et le compte rendu de l'entretien déontologique puissent être communiqués au CSM, à sa demande, à l'occasion d'une procédure disciplinaire engagée à l'encontre du magistrat concerné.

3. La déclaration de situation patrimoniale de certains magistrats

Afin d'appliquer à la magistrature les obligations de déclaration de situation patrimoniale étendues par le législateur à de nouvelles catégories de responsables publics par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée, le présent projet de loi organique soumet à ces obligations le premier président, le procureur général, les six présidents de chambre et les sept premiers avocats généraux de la Cour de cassation. Il y soumet aussi les premiers présidents et les procureurs généraux des cours d'appel. L'article 33 du présent projet de loi organique y soumet également les membres du Conseil supérieur de la magistrature.

En revanche, les présidents et procureurs des tribunaux de première instance n'y seraient pas soumis ni, a fortiori , l'ensemble des magistrats qui, dans des fonctions juridictionnelles, sont appelés à prendre des décisions en matière civile ou pénale concernant un justiciable.

Le texte précise que la déclaration de situation patrimoniale n'est ni versée au dossier de l'intéressé - ce qui serait difficile puisque le texte ne prévoit pas sa transmission à l'administration - ni communicable aux tiers.

Le mécanisme des déclarations de situation patrimoniale , instauré pour les élus et responsables publics par la loi organique n° 88-226 et la loi ordinaire n° 88-227 du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique, consiste à déposer auprès d'une autorité administrative indépendante - aujourd'hui la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) - une première déclaration au début des fonctions et une seconde déclaration à la cessation des fonctions, de façon à ce que l'autorité puisse contrôler la sincérité et l'exhaustivité des déclarations, mais aussi l'évolution du patrimoine pendant l'exercice des fonctions. Le contrôle des déclarations doit permettre de relever toute évolution inexpliquée dans le patrimoine des déclarants, pouvant traduire un enrichissement illicite rendu possible par l'exercice de fonctions dont les responsabilités et le pouvoir de décision peuvent susciter des tentatives de corruption, et donc révéler des pratiques de corruption des responsables publics. Pour l'exercice de son contrôle, la HATVP dispose aujourd'hui de prérogatives d'investigation et peut compter sur l'assistance de l'administration fiscale.

a) Le périmètre des magistrats assujettis à l'établissement d'une déclaration de situation patrimoniale

Si la magistrature française, à l'évidence, n'est en rien affectée par le phénomène de la corruption, selon votre rapporteur, il est manifeste que le risque éventuel, s'il existe, porte davantage sur les magistrats confrontés à des justiciables susceptibles de vouloir influencer le sens de leurs décisions. Ainsi, semblent bien plus susceptibles que des chefs de cours d'être confrontés à des tentatives de corruption un magistrat de la cour d'appel de Paris chargé de statuer sur des décisions de l'Autorité de la concurrence, laquelle prononce des amendes qui peuvent s'élever à plusieurs dizaines voire centaines de millions d'euros en cas de pratiques anticoncurrentielles, un juge de l'expropriation chargé de fixer le montant d'une indemnité d'expropriation ou n'importe quel juge de tribunal de grande instance ou de tribunal d'instance appelé à trancher un litige présentant un enjeu important pour les parties, même non financier, ou à participer au délibéré du tribunal correctionnel pour une infraction faisant encourir une peine d'amende ou de prison importante.

Aussi votre rapporteur se montre-t-il réservé sur le périmètre retenu par le projet de loi organique, qui imposerait une déclaration de situation patrimoniale à des hauts magistrats qui, pour l'essentiel, ne sont quasiment jamais confrontés à des tentatives d'influence ou de corruption dans leurs fonctions juridictionnelles, sauf éventuellement s'ils sont amenés à désigner un magistrat pour traiter telle ou telle affaire ou exercer telles fonctions, en supposant que ce magistrat lui-même serait soumis à des influences. De plus, aucun critère objectif ne semble justifier ce périmètre particulièrement étroit, qui exclut entièrement les juridictions de première instance du dispositif.

Pour autant, l'idée de soumettre plus de 8 000 magistrats judiciaires à une telle obligation semble, à ce jour, peu réaliste, tant pour les magistrats eux-mêmes que par cohérence avec le périmètre actuel des assujettis, tel qu'il résulte des lois n° 2013-909 et 2013-907 du 11 octobre 2013 précitées, soit près de 10 000 personnes, et pour permettre un contrôle effectif des déclarations par l'autorité compétente. En outre, la constitutionnalité d'une telle mesure ne serait pas assurée.

En effet, dans sa décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013 sur la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée, le Conseil constitutionnel a veillé à ce que les dispositions prises pour poursuivre l'objectif d'intérêt général de renforcement des garanties de probité et d'intégrité des personnes exerçant des responsabilités publiques, assuré notamment par l'obligation d'établir une déclaration de situation patrimoniale et le contrôle de cette déclaration, soient en lien direct avec l'objectif poursuivi et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des personnes soumises à cette obligation. Il a considéré que « le dépôt de déclarations d'intérêts et de déclarations de situation patrimoniale contenant des données à caractère personnel relevant de la vie privée ainsi que la publicité dont peuvent faire l'objet de telles déclarations portent atteinte au respect de la vie privée » et que « ces atteintes doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ». Il a ajouté que « l'instauration d'une obligation de dépôt, auprès d'une autorité administrative indépendante, (...) de déclarations de situation patrimoniale par les titulaires de certaines fonctions publiques ou de certains emplois publics a pour objectif de renforcer les garanties de probité et d'intégrité de ces personnes, de prévention des conflits d'intérêts et de lutte contre ceux-ci ; qu'elle est ainsi justifiée par un motif d'intérêt général ».

Votre rapporteur estime que le Conseil constitutionnel, qui sera saisi par le Premier ministre du présent texte organique, en application de l'article 46 de la Constitution, pourrait considérer que l'assujettissement de l'intégralité des magistrats judiciaires français à l'obligation d'établir une déclaration de situation patrimoniale constitue une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée. Dans ces conditions, pour améliorer la cohérence d'ensemble du mécanisme des déclarations de patrimoine dans la magistrature, votre commission a jugé plus pertinent de retenir le critère de l'exercice d'une autorité hiérarchique dans une juridiction, critère d'autant plus objectif qu'il s'articule avec le principe, retenu par votre commission, selon lequel l'ensemble des magistrats affectés en juridiction remettent à l'autorité supérieure une déclaration d'intérêts. Ainsi, les chefs de cour et de juridiction seraient soumis à l'obligation de déclarer leur patrimoine en tant qu'ils sont responsables du contrôle des conflits d'intérêts et de la déontologie des magistrats placés sous leur autorité . Ne seraient pas visés les magistrats affectés à l'administration centrale ou à l'inspection générale des services judiciaires, pour les mêmes raisons que celles évoquées supra .

Dès lors, votre commission considère que la cohérence des nouvelles obligations déontologiques des magistrats serait bien mieux assurée. Votre rapporteur s'interroge au demeurant sur l'appréciation que pourrait avoir le Conseil constitutionnel d'une obligation de déclaration de patrimoine qui ne reposerait pas, selon lui, sur des principes objectifs en rapport avec le but poursuivi, c'est-à-dire le renforcement des garanties de probité, d'intégrité, d'indépendance et d'impartialité de la magistrature : en quoi ne viser que les chefs de cour et les plus hauts magistrats de la Cour de cassation serait-il en adéquation avec le but poursuivi, alors que l'essentiel du contentieux, par construction, est traité par les magistrats en première instance, sur lesquels les chefs de cour n'exercent pas d'autorité hiérarchique ?

En outre, au regard de la décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013 précitée, prévoir une déclaration d'intérêts remise à l'autorité supérieure dans toutes les cours et juridictions, ainsi qu'une déclaration de situation patrimoniale pour les chefs de cour et les chefs de juridiction ne semble pas devoir constituer une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée , au regard de l'objectif d'intérêt général ainsi recherché.

Aussi votre commission a-t-elle, à l'initiative de son rapporteur, adopté un amendement COM-32 pour étendre le périmètre des magistrats assujettis à l'obligation d'établir des déclarations de situation patrimoniale au début et à la fin de leurs fonctions juridictionnelles à l'ensemble des chefs de cour et des chefs de juridiction. Par cohérence, votre commission a retenu le même principe pour les présidents des tribunaux de commerce, dans le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXI ème siècle, conformément à l'objectif d'harmonisation des règles déontologiques des juges consulaires avec celles des magistrats judiciaires professionnels. La conférence générale des juges consulaires, entendue par votre rapporteur, a d'ailleurs souscrit à cet objectif, y compris pour la déclaration de patrimoine.

D'un point de vue statistique, une telle extension de périmètre ne constituerait pas un bouleversement du nombre des magistrats assujettis à une déclaration de situation patrimoniale. Tel qu'il est rédigé, le projet de loi organique trouverait à s'appliquer à 89 magistrats 70 ( * ) . L'extension de périmètre adopté par votre commission porterait ce nombre à 425 magistrats 71 ( * ) .

b) L'autorité chargée de recevoir et de contrôler les déclarations de situation patrimoniale

Par ailleurs, s'agissant de l'autorité chargée de recevoir et contrôler les déclarations de situation patrimoniale, le présent projet de loi organique instaure une « commission de recueil des déclarations de patrimoine des magistrats de l'ordre judiciaire », mais ne renvoie pas à la HATVP.

La présidence de cette commission serait assurée par un magistrat honoraire de l'ordre judiciaire ou son suppléant ayant la même qualité, élus l'un et l'autre par l'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation 72 ( * ) . La commission comprendrait en outre un conseiller d'État ou son suppléant, élus par l'assemblée générale du Conseil d'État, un conseiller-maître à la Cour des comptes ou son suppléant, élus par la chambre du conseil de la Cour des comptes, ainsi que deux personnalités qualifiées ou leurs suppléants, nommés par le Président de la République. Les membres seraient nommés pour trois ans. Une telle composition vise à assurer l'indépendance de la commission vis-à-vis du corps judiciaire, dès lors qu'elle ne comporterait qu'un seul magistrat judiciaire 73 ( * ) .

Cette commission aurait pour seule mission d'apprécier la variation du patrimoine des déclarants entre les deux déclarations de début et de fin des fonctions. Elle donnerait acte au déclarant de ses déclarations lorsque la variation constatée n'appelle pas d'observation ou lorsqu'elle est justifiée. Dans le cas où elle ne disposerait pas d'explications satisfaisantes pour une variation, en cas d'évolution inexpliquée du patrimoine, elle transmettrait le dossier à l'administration fiscale. Votre rapporteur ne perçoit pas l'intérêt, du point de vue déontologique, d'une transmission à l'administration fiscale, alors que le droit commun en la matière prévoit une transmission au parquet aux fins d'éventuelles poursuites pénales.

Contrairement à la HATVP pour l'exercice de ses missions à l'égard de tous les responsables publics, cette commission ne disposerait pas d'un pouvoir d'injonction en cas d'absence de la transmission d'une déclaration par un magistrat, ne disposerait pas de prérogatives d'investigation ni de l'appui de l'administration fiscale et ne devrait pas transmettre le dossier au parquet en cas de variation inexpliquée du patrimoine. En outre, contrairement à ce que prévoit la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée, aucune sanction pénale n'est prévue en cas de manquement à ces obligations déclaratives ou en cas de déclaration mensongère.

Selon votre rapporteur, cette commission aurait moins de pouvoirs que la défunte commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP), créée en 1988 puis remplacée par la HATVP après 2013. La CTFVP pouvait au moins informer les autorités compétentes en cas d'absence de transmission d'une déclaration - alors que la présente commission n'a aucun moyen d'action en pareil cas - et devait transmettre le dossier au parquet en cas de variation inexpliquée de patrimoine, non à l'administration fiscale.

Outre les incohérences du système envisagé par le présent projet de loi organique, une telle disparité de traitement des magistrats par rapport à tous les autres responsables publics, y compris les parlementaires, ne saurait être justifiée par le principe constitutionnel d'indépendance de l'autorité judiciaire, lequel empêcherait de les soumettre à des obligations de même nature. Au demeurant, le principe de séparation des pouvoirs n'a pas fait obstacle à ce que les parlementaires soient soumis à de telles obligations déclaratives, sous peine de sanctions pénales 74 ( * ) .

Si l'absence de déclaration pour un parlementaire est sanctionnée par sa démission d'office par le Conseil constitutionnel, elle est sanctionnée pour les autres responsables publics, dont les membres du Gouvernement, par une peine de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende, assortie des éventuelles peines complémentaires d'interdiction des droits civiques et d'interdiction d'exercer une fonction publique. Les mêmes peines, y compris pour les parlementaires, sont prévues pour toute déclaration mensongère ou délibérément incomplète.

Dans ces conditions, votre commission considère que les magistrats soumis à l'obligation d'établir une déclaration de situation patrimoniale devraient relever de la pleine compétence de la HATVP, avec les mêmes prérogatives et sous peine des mêmes sanctions pénales . La HATVP étant une autorité administrative indépendante, il semble à votre commission que les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire ne seraient pas remis en cause si les magistrats, de même que les parlementaires, relevaient de sa compétence.

Votre commission a adopté en conséquence un amendement COM-33 en ce sens, à l'initiative de son rapporteur, renvoyant aux règles de droit commun applicables aux élus et responsables publics en application des articles 4, 6, 7, 11 et 26 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée et supprimant la commission de recueil des déclarations de patrimoine des magistrats de l'ordre judiciaire . Elle a aussi maintenu la confidentialité de la déclaration , sous peine de sanctions comme dans le droit commun.

Ainsi, les chefs de cour et les chefs de juridiction devraient adresser à la HATVP une déclaration de situation patrimoniale dans les deux mois de l'installation dans leurs fonctions, en cas de modification substantielle de leur patrimoine et dans les deux mois de la cessation de leurs fonctions. En cas de nomination dans de nouvelles fonctions soumises à cette obligation, ils ne seraient pas tenus d'adresser une nouvelle déclaration s'ils en ont établi une depuis moins de six mois, par exemple après la fin des fonctions. En cas d'absence de déclaration ou de déclaration mensongère, les sanctions de droit commun seraient applicables : trois ans de prison et 45 000 euros d'amende, assortis d'une peine complémentaire d'interdiction des droits civiques et d'interdiction d'exercer une fonction publique. Le contenu de la déclaration serait celui prévu pour tous les élus et responsables publics par le droit commun, rappelé dans l'encadré ci-après. La HATVP pourrait adresser une injonction à l'intéressé en cas de déclaration manquante ou incomplète. Elle pourrait accéder aux déclarations fiscales et demander l'assistance de l'administration fiscale. Elle serait aussi chargée de contrôler la variation de la situation patrimoniale des magistrats déclarants et transmettrait au parquet le dossier en cas de variation inexpliquée.

Contenu de la déclaration de situation patrimoniale applicable à l'ensemble
des responsables publics (II de l'article 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013
relative à la transparence de la vie publique )

II. La déclaration de situation patrimoniale porte sur les éléments suivants :

1° Les immeubles bâtis et non bâtis ;

2° Les valeurs mobilières ;

3° Les assurances-vie ;

4° Les comptes bancaires courants ou d'épargne, les livrets et les autres produits d'épargne ;

5° Les biens mobiliers divers d'une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire ;

6° Les véhicules terrestres à moteur, bateaux et avions ;

7° Les fonds de commerce ou clientèles et les charges et offices ;

8° Les biens mobiliers, immobiliers et les comptes détenus à l'étranger ;

9° Les autres biens ;

10° Le passif.

Le cas échéant, la déclaration de situation patrimoniale précise, pour chaque élément mentionné aux 1° à 10° du présent II, s'il s'agit de biens propres, de biens de la communauté ou de biens indivis.

Les déclarations de situation patrimoniale déposées en application du quatrième alinéa du I comportent, en plus des éléments mentionnés aux mêmes 1° à 10°, une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration.

Contrairement à la déclaration d'intérêts , pour laquelle elle a pris en compte les particularités du statut de la magistrature, votre commission a souhaité renvoyer entièrement au droit commun en matière de déclaration de situation patrimoniale pour les magistrats concernés, sous le contrôle de la HATVP. Les magistrats bénéficieraient des mêmes garanties que celles du droit commun et les mêmes sanctions s'appliqueraient donc également en cas de divulgation de la déclaration.

Du fait du renvoi qui serait ainsi opéré par une loi organique vers des dispositions d'une loi ordinaire, votre rapporteur s'est interrogé sur les éventuels inconvénients pouvant en résulter en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la « cristallisation » 75 ( * ) . En effet, pour que le législateur ordinaire ne puisse pas, du fait de ce renvoi, modifier le contenu de la loi organique, le Conseil considère que le texte de la loi ordinaire rendu applicable par le législateur organique dans le champ de la loi organique est celui en vigueur à la date d'adoption de la loi organique, y compris en cas de modification ultérieure de la loi ordinaire. Cet inconvénient semble très limité, dans la mesure où il est peu probable que les règles de fond dans ces domaines soient modifiées pour l'ensemble des élus et responsables publics, dont les membres du Gouvernement, qui relèvent du législateur ordinaire, et pas pour les parlementaires, qui relèvent du législateur organique : les règles applicables aux magistrats devraient être actualisées dans le même texte que celles concernant les parlementaires.

Enfin, le projet de loi organique prévoit que le modèle et le contenu de la déclaration de situation patrimoniale, ainsi que ses modalités de dépôt, de mise à jour et de conservation seraient déterminés par décret en Conseil d'État. Le droit commun prévoit l'intervention d'un tel décret, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, pour préciser le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation de la déclaration, ce que votre commission a repris.

Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié .

Article 22 (art. 10-1 [nouveau] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Consécration et encadrement du droit syndical reconnu aux magistrats

Le présent article vise à inscrire expressément dans l'ordonnance statutaire le droit syndical reconnu aux magistrats et à en organiser le régime.

Il s'agit moins de la reconnaissance d'un nouveau droit que de la consécration de celui-ci.

En effet, le fait syndical est ancien dans la magistrature, le syndicat de la magistrature ayant été créée en 1968, l'union syndicale des magistrats (USM) en 1974. Le dernier syndicat, FO-magistrats appartient, quant à lui, à la confédération syndicale Force ouvrière.

Il était déjà implicitement reconnu par l'ordonnance statutaire qui, dans son article 12-2, interdit que le dossier personnel du magistrat fasse état de « ses opinions ou activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques » et qui prévoit aussi, à l'article 27-1 que les projets de nomination sont adressés « aux syndicats et organisations professionnelles représentatifs de magistrats ».

Surtout, ce fait syndical était validé par la jurisprudence, puisque le Conseil d'État a accepté, dans un arrêt Obrego du 1 er décembre 1972, que le syndicat de la magistrature se joigne au recours engagé par l'un de ses membres. Le ministère de la justice en a ultérieurement précisé le régime dans une circulaire du 4 novembre 1992, relative à l'exercice du droit syndical au ministère de la justice, dite circulaire « Vauzelle » 76 ( * ) .

Le présent article inscrirait opportunément 77 ( * ) les principes retenus dans cette circulaire, inspirés des dispositions applicables aux fonctionnaires publics, dans un nouvel article 10-1 de l'ordonnance statutaire.

Cet article rappellerait, dans son premier paragraphe, la liberté syndicale reconnus au magistrat. Puis, il en fixerait le régime dans un second paragraphe.

La représentativité des syndicats serait appréciée à partir de deux critères : la possession d'un siège au moins au sein de la commission d'avancement compétente, notamment pour le passage du deuxième au premier grade de la hiérarchie judiciaire ; l'acquisition d'un pourcentage minimum de voix, fixé par décret en Conseil d'État, lors de l'élection du collège de magistrats des cours et tribunaux et du ministère de la justice chargés d'élire les membres de la commission d'avancement précitée.

Les représentants des organisations syndicales jugées représentatives se verraient accorder, de droit, des autorisations d'absence pour siéger à la commission d'avancement, ainsi que des décharges d'activité ou des crédits d'heure, afin de leur permettre d'accomplir, comme c'est le cas aujourd'hui, leurs missions syndicales.

L'attribution de ce crédit de temps syndical se ferait sur une base collective, en fonction de la représentativité desdites organisations. Ces dernières redistribueraient librement ce crédit sous deux réserves : d'une part les nécessités de service, qui pourraient justifier de différer dans le temps la décharge réclamée ou de l'organiser différemment, d'autre part, l'incompatibilité de l'octroi d'une telle décharge d'activité avec la fonction exercée par son bénéficiaire. Dans ce dernier cas, le ministre de la justice pourrait opposer son veto, à la condition de motiver son refus et d'inviter l'organisation syndicale à désigner un autre de ses membres. Le Conseil supérieur de la magistrature devrait être informé de cette décision.

Le présent article ne modifie pas le droit applicable en matière de limitation du droit de grève des magistrats : l'article 10 de l'ordonnance statutaire leur interdit toujours toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions.

Votre commission a adopté l'amendement rédactionnel de votre rapporteur ( COM-49).

Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23 (art. 11 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Précisions sur la protection fonctionnelle offerte aux magistrats

Le présent article vise à préciser la portée de la protection fonctionnelle (aussi dénommée « protection statutaire ») assurée, par l'État, aux magistrats.

L'impartialité et l'indépendance du juge ne seraient pas préservées, si, exposé à la vindicte d'une partie qui a perdu son procès, il ne recevait pas de l'État la protection requise.

L'article 11 de l'ordonnance statutaire impose dès lors à l'État de protéger les magistrats contre les menaces ou les attaques, de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions. À ce titre, l'État doit indemniser le préjudice direct subi par l'intéressé. Cette protection a été étendue, par la loi du 18 mars 2003 78 ( * ) , aux conjoints, enfants et ascendants directs des magistrats de l'ordre judiciaire, pour les menaces, voies de fait, violences, injures, diffamation ou outrage dont ils sont victimes à raison de l'exercice par le magistrat de ses fonctions.

Le Conseil d'État a précisé la portée de l'obligation de protection ainsi définie : il ne peut y être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des raisons d'intérêt général 79 ( * ) .

La protection statutaire peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques de toute nature, mais aussi d'assurer une réparation adéquate des torts subis. Celle-ci peut prendre diverses formes : assistance juridique dans le cadre d'un procès intenté, au civil comme au pénal, contre le magistrat, indemnisation des préjudices éventuellement subis par ce dernier ou sa famille, soutien psychologique.

Jusqu'à présent, seule une circulaire du 2 janvier 2008 80 ( * ) en précisait ainsi l'étendue, sous le contrôle du juge administratif.

L'article 23 vise à compléter l'article 11 de l'ordonnance statutaire afin de préciser que les conditions dans lesquelles une assistance juridique peut être offerte au magistrat au titre de la protection statutaire sont fixées par décret en Conseil d'État. Il est en effet préférable que cette question soit plutôt traitée par la voie réglementaire que par une simple circulaire.

L'intention du Gouvernement, toutefois, est double.

En premier lieu, il souhaite rappeler que la protection statutaire ne vaut que pour les instances civiles ou pénales et qu'elle ne joue pas dans le cadre de poursuites disciplinaires, ce qui est conforme à la jurisprudence administrative. Il apporterait cependant un tempérament à cette règle : la protection serait effective, en cas de saisine par un justiciable du Conseil supérieur de la magistrature, jusqu'à ce que la commission d'admission des requêtes ait statué. Cette exception vise à prémunir le magistrat contre le risque d'instrumentalisation de cette procédure, aux fins de déstabilisation.

Cette restriction à la seule instance devant la commission d'admission des requêtes a été critiquée par les représentants du Conseil supérieur de la magistrature, qui ont estimé que la protection statutaire devait jouer pour toute instance disciplinaire portée devant leur institution.

Votre rapporteur note, cependant, que les poursuites disciplinaires ne sont pas de même nature que les poursuites civiles ou pénales, engagées par des justiciables. En outre, il est toujours possible au magistrat indûment traduit devant le Conseil supérieur, de réclamer à l'État remboursement des frais qu'il a déboursés pour se défendre.

En second lieu, la modification proposée par le Gouvernement vise à lui permettre de fixer, par la voie réglementaire, la jurisprudence du Conseil d'État, qui accepte que l'administration limite la prise en charge des frais d'avocats, lorsque le magistrat a choisi lui-même son conseil et que ces frais apparaissent excessifs.

Votre rapporteur considère que les précisions ainsi apportées sont justifiées, comme les objectifs qui les motivent. Il n'a proposé à votre commission qu'un amendement rédactionnel ( COM-35 )

Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié .

Article 24 (Art. 11 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Dématérialisation du dossier administratif et retrait des pièces relatives à un non-lieu à sanction

L'article 24 vise, d'une part, à permettre le retrait, du dossier administratif du magistrat, des pièces relatives à un non-lieu à sanction prononcé à l'occasion d'une procédure disciplinaire et, d'autre part, à autoriser la gestion dématérialisée de ce dossier. À cet effet, il modifie l'article 12-2 de l'ordonnance statutaire qui encadre la gestion du dossier administratif du magistrat.

• Composition du dossier des magistrats et droit d'accès au dossier

En vertu de l'article 12-2, le dossier d'un magistrat doit comporter « toutes les pièces intéressant sa situation administrative, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité » et ne peut faire état « ni de ses opinions ou activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques, ni d'éléments relevant strictement de sa vie privée » 81 ( * ) , cette précision ayant vocation à rappeler les garanties qui s'attachent à la protection de la vie privée du magistrat et de sa liberté d'opinion telle qu'énoncée par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Cet article reconnaît enfin le libre accès du magistrat à son dossier dans des conditions définies par la loi. Présentant le caractère d'un document administratif au sens du II de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 82 ( * ) , le dossier administratif du magistrat lui est communicable sur ce fondement. Toutefois, ce droit d'accès fondé sur ce principe général s'efface si une procédure disciplinaire est engagée. Dans ce cas de figure, seules les dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 83 ( * ) , ou des lois statutaires applicables à l'intéressé, régissent l'accès de l'agent à son dossier jusqu'à ce que la procédure soit close, c'est-à-dire une fois la décision de sanction intervenue ou si l'administration y a renoncé. Dans le cas des magistrats, les articles 51 (magistrats du siège) et 63 (magistrats du parquet) de l'ordonnance statutaire disposent que dès la saisine du Conseil supérieur de la magistrature en vue de l'exercice de poursuites disciplinaires, le magistrat a droit à « la communication de son dossier et des pièces de l'enquête préliminaire, s'il y a été procédé ».

Comme le souligne l'étude d'impact du projet de loi organique, ce dossier constitue un élément de la protection des droits du magistrat, toutes les dispositions le régissant visant à « préserver sa neutralité, à assurer sa transparence et à garantir son accessibilité ».

À l'exception de l'article 18 du décret d'application de l'ordonnance statutaire 84 ( * ) - qui prévoit le versement au dossier du magistrat des documents concernant l'évaluation de son activité professionnelle -, aucune autre disposition réglementaire ne précise le contenu et la nature des documents pouvant figurer au dossier. Il appartient en conséquence à l'administration de définir, sous le contrôle du juge administratif, les catégories de documents administratifs « intéressant sa situation ». À cet égard, le Conseil d'État 85 ( * ) a par exemple estimé que des documents tirés d'une enquête administrative menée par l'inspection générale des services judiciaires contenant des appréciations sur le comportement d'un magistrat dans l'exercice de ses fonctions pouvaient être considérés comme des pièces intéressant la situation administrative du magistrat. La jurisprudence a également précisé les conditions dans lesquelles les magistrats peuvent demander, à titre gracieux, au ministre le retrait de pièces. Sur ce point, le Conseil d'État 86 ( * ) a précisé qu'un magistrat n'était pas recevable à « demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions par lesquelles l'autorité administrative accepte ou refuse de faire enregistrer, classer et numéroter et de compléter les pièces de son dossier administratif, qui ne font pas par elles-mêmes grief à l'intéressé ». La requête du magistrat est revanche recevable, lorsque ce dernier estime que les « dispositions de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ont été méconnues » afin de « déférer au juge administratif la décision par laquelle l'administration refuserait de procéder au retrait de son dossier des pièces qui, selon lui, ne peuvent légalement y figurer » 87 ( * ) .

Dans les faits, la jurisprudence administrative a conforté la pratique de la chancellerie en vertu de laquelle elle intègre au dossier des magistrats toutes les pièces relatives à sa manière de servir, et notamment les procédures disciplinaires ayant donné lieu à une décision du Conseil supérieur de la magistrature, même lorsqu'aucune sanction disciplinaire n'a été prononcée. Toutefois, en vertu du principe d'immutabilité du dossier administratif, de telles pièces ne peuvent, en principe, en être extraites que sur décision du juge administratif.

L'article 24 du projet de loi organique vise, afin de donner un fondement juridique à la pratique qui semble aujourd'hui suivie, à prévoir de manière explicite qu'un magistrat puisse demander le retrait de son dossier des pièces relatives à une procédure disciplinaire menée par le Conseil supérieur de la magistrature si celle-ci s'est achevée par une décision de non-lieu à sanction.

Tout en souscrivant à l'objectif de cette mesure, votre commission a adopté l' amendement COM-36 , présenté par son rapporteur, afin d'y apporter des améliorations rédactionnelles et de précision.

• La dématérialisation du dossier

En ce qui concerne la gestion des dossiers des magistrats, une démarche de dématérialisation , tendant à en numériser les pièces et à en permettre sa gestion sur une plateforme informatique, a été engagée en 2007 par le ministère de la justice et s'est achevée à la mi-2014 selon les précisions apportées par l'étude d'impact.

Une telle évolution devrait être de nature à renforcer la capacité des magistrats à consulter leur dossier et à permettre, dans un souci d'efficacité, à certaines instances (commission d'avancement, Conseil supérieur de la magistrature, inspection générale des services judiciaires), dans le cadre de leurs prérogatives, un accès facilité à ces dossiers. Cette modification devrait aussi permettre de faciliter la gestion matérielle de ces dossiers (constitution, mise à jour, archivage, conservation, économie de consommables et d'espace de stockage).

L'article 24 du projet de loi organique propose ainsi, à l'instar de ce que prévoit désormais l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 précitée 88 ( * ) , de permettre à un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, d'autoriser la gestion du dossier du magistrat sur support numérique.

Le décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique a déterminé les modalités d'application de cette disposition de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983. Ce texte dispose en particulier que le dossier individuel peut être créé et géré, en tout ou partie, sur support électronique, soit à partir de documents établis sur support papier et numérisés, soit à partir de documents produits directement sous forme électronique. En cas de coexistence des supports électronique et papier, toute pièce versée au dossier ne peut être conservée que sur l'un des deux supports, selon le mode de gestion choisi par l'administration. Le texte dresse également une liste exhaustive des opérations qui peuvent être conduites sur le dossier (modification, suppression, archivage, etc. ). Le décret impose à l'autorité chargée de la gestion du dossier de prendre toute précaution pour préserver la confidentialité des données personnelles ainsi que l'intégrité, l'accessibilité et la lisibilité du dossier sur support électronique. Il définit les conditions dans lesquelles les agents chargés de la gestion des dossiers ont accès à ces supports informatiques. Il prévoit enfin les modalités de conservation, d'archivage et d'accès des fonctionnaires à son contenu.

Il appartiendra en conséquence à ce décret de déterminer les modalités pratiques de la mise en oeuvre d'une telle dématérialisation (composition, mode de consultation, durée de conservation des documents, etc. ).

Considérant que cette disposition est porteuse de réelles améliorations, tant pour la modernisation des usages des services de gestion administrative des magistrats que pour l'accès des magistrats à leur dossier personnel, votre commission a approuvé l'évolution ainsi proposée.

Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 25 (Art. 44 et 47 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Reconnaissance d'un droit de communication dans la procédure d'avertissement et introduction de délais de prescription dans les procédures pré-disciplinaires et disciplinaires

L'article 25 vise à ouvrir de nouveaux droits aux magistrats faisant l'objet d'une procédure d'avertissement et instaure des délais de prescription pour les actes pouvant donner lieu à l'ouverture de procédures pré-disciplinaires et disciplinaires.

• Le statut de la procédure d'avertissement

Engagée à l'encontre d'un magistrat par son supérieur hiérarchique en vertu de l'article 44 de l'ordonnance statutaire 89 ( * ) , la procédure d'avertissement s'exerce hors du cadre, défini aux sections II et III du chapitre VII de l'ordonnance, relatif aux poursuites disciplinaires exercées devant le Conseil supérieur de la magistrature. La délivrance d'un avertissement ne présente donc pas le caractère d'une sanction disciplinaire, dont les caractéristiques sont définies à l'article 45 de l'ordonnance, même si l'avertissement fait l'objet d'une inscription au dossier du magistrat, effacé automatiquement au bout de trois ans si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n'est intervenu pendant cette période.

Si le texte de l'ordonnance de 1958 ne précise pas les modalités de cette procédure, l'avertissement constitue, au terme de la jurisprudence du Conseil d'État, un litige concernant la discipline, au sens du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, que le Conseil d'État est compétent pour connaître en premier et dernier ressorts 90 ( * ) . Décision faisant grief au magistrat qui le reçoit, elle est par conséquent susceptible d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Dans ce cadre, le juge administratif est amené à vérifier que le magistrat compétent pour prononcer un avertissement n'effectue pas, dans son appréciation des faits le conduisant à prendre une telle décision, une application inexacte de l'article 44 91 ( * ) .

Selon la jurisprudence administrative, le déclenchement d'une procédure d'avertissement confère plusieurs droits au magistrat concerné :

- le droit de consulter son dossier personnel et les pièces justificatives de la procédure ;

- le droit de disposer d'un délai raisonnable pour prendre connaissance des informations ;

- le droit d'obtenir une motivation de la décision d'avertissement ;

- le droit de former un recours contre la décision rendue, dans un délai de deux mois francs à partir de la notification, en application des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative.

• Renforcer les garanties procédurales dont bénéficient les magistrats en cas de procédure d'avertissement

Comme le souligne l'étude d'impact du projet de loi organique, les droits dont bénéficient les magistrats dans le cadre de cette procédure sont pleinement reconnus par la jurisprudence du Conseil d'État. Pour autant, il est apparu utile aux yeux de la chancellerie d'ériger au niveau organique l'exigence d'un entretien préalable au prononcé de l'avertissement et le droit du magistrat d'avoir communication de son dossier et des pièces qui fondent l'engagement de la procédure.

Votre rapporteur souscrit à une telle démarche et souhaite, pour sa part, profiter de cette opportunité pour inscrire également le droit des magistrats à se faire assister d'une personne de leur choix au cours de l'entretien préalable. À cet effet, votre commission a adopté son amendement COM-37 qui apporte également des précisions rédactionnelles.

• L'imprescriptibilité de l'action disciplinaire

En vertu des textes applicables aux magistrats et aux fonctionnaires assujettis au statut général de la fonction publique, il n'existe aucun délai de prescription enfermant l'exercice de poursuites disciplinaires, contrairement à ce qui est prévu par le code du travail pour les salariés de droit privé 92 ( * ) .

En application de ce principe, le Conseil d'État a considéré que « le moyen tiré de ce que les poursuites disciplinaires engagées seraient tardives ne peut être accueilli, aucun texte n'enfermant dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire à l'encontre d'un magistrat du siège » 93 ( * ) . Dans une récente décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise par le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel a par ailleurs considéré qu'« aucune loi de la République antérieure à la Constitution de 1946 n'a fixé le principe selon lequel les poursuites disciplinaires sont nécessairement soumises à une règle de prescription » 94 ( * ) et qu'il n'existe pas à ce titre « un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de prescription des poursuites disciplinaires ».

Il en résulte que les titulaires de l'action disciplinaire - Conseil supérieur de la magistrature pour les magistrats du siège, garde des sceaux pour les magistrats du parquet - peuvent entreprendre une action en discipline à tout moment (convocation, enquête, audience, décision), quelle que soit la date à laquelle les faits pouvant justifier une telle procédure ont été commis et quelle que soit le mode de saisine retenu 95 ( * ) .

Pourtant, cette pratique a été récemment amodiée par la cour administrative d'appel de Marseille qui a estimé que, « sauf à méconnaître un principe général du droit répressif », il appartenait à l'autorité compétente de respecter un « délai raisonnable » entre la date où elle a connaissance de faits susceptibles de fonder des poursuites disciplinaires et la décision d'engagement de poursuites 96 ( * ) .

À l'instar de ce que prévoit, en son article 12, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, récemment transmis au Sénat à la suite de son adoption par les députés, l'article 25 du projet de loi organique propose de fixer deux délais de prescription distincts. Ainsi, la procédure d'avertissement, qui trouve à s'appliquer aux manquements les moins graves, ne pourrait plus être engagée passé un délai de deux ans à compter de la date où l'autorité compétente pour l'exercer a eu connaissance des faits susceptibles de justifier une telle mesure. Pour les poursuites disciplinaires, les titulaires de l'action disciplinaire se verraient appliquer un délai de prescription de trois ans.

L'introduction de tels délais poursuit un double objectif de renforcement des garanties accordées aux magistrats et de sécurisation juridique. Elle est également de nature à responsabiliser les titulaires de l'action disciplinaire quant aux délais qui leur sont accordés pour décider d'engager, ou non, des poursuites. Comme le souligne l'étude d'impact, la formulation retenue par l'article 25 laisse ouverte la possibilité de conduire une action disciplinaire aux justiciables qui saisissent le Conseil supérieur de la magistrature puisque ceux-ci ne se verraient pas opposer le délai de trois ans.

Votre commission a adopté l'article 25 ainsi modifié .

Article 25 bis (nouveau) (Art. 43, 48 et 59 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Exercice du pouvoir disciplinaire à l'égard des magistrats exerçant des fonctions à l'inspection générale des services judiciaires

L'article 25 bis résulte de l'adoption par votre commission de l' amendement COM-38 rectifié , présenté par votre rapporteur. Par coordination avec la réforme du statut de l'inspection générale des services judiciaires proposée par le projet de loi organique, il modifie les articles 43, 48 et 59 de l'ordonnance de 1958, lesquels définissent les règles relatives aux procédures disciplinaires exercées à l'encontre des magistrats. Ces modifications ont pour objet de placer les magistrats exerçant des fonctions à l'inspection des services judiciaires 97 ( * ) , au regard de ces règles disciplinaires, dans la même situation que les magistrats du parquet ou du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice.

Votre commission a adopté l'article 25 bis ainsi rédigé .

Article 26 (Art. 50-4 et 50-5 [nouveaux], 63 et 63-1 à 63-3 [nouveaux] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Délais des procédures disciplinaires conduites par le Conseil supérieur de la magistrature

L'article 28 vise à introduire des limitations de durée aux procédures disciplinaires conduites devant le Conseil supérieur de la magistrature. À cet effet, il modifie les articles 50 et 58-1 de l'ordonnance statutaire et insère en son sein deux nouveaux articles 50-4 et 63-1.

• L'exercice des poursuites disciplinaires à l'encontre des magistrats

L'article 65 de la Constitution détermine les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature exerce ses prérogatives en matière de poursuites disciplinaires. Pour les magistrats du siège, il appartient à la formation siège du CSM de statuer comme « conseil de discipline ». S'agissant des magistrats du parquet, la formation parquet du CSM donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent, la décision appartenant au ministre de la justice qui n'est pas lié par l'avis du CSM.

• Composition des formations disciplinaires du CSM

La formation disciplinaire compétente à l'égard des magistrats du siège, présidée par le premier président de la Cour de cassation, comprend en outre cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n'appartiennent ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif. Elle est complétée par le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.

La formation disciplinaire compétente à l'égard des magistrats du parquet, présidée par le procureur général près la Cour de cassation, comprend en outre cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d'État, l'avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés ci-dessus. Elle est complétée par le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège.

L'article 48 de l'ordonnance statutaire reprend ces principes et précise que le pouvoir disciplinaire à l'égard des magistrats du cadre de l'administration centrale est également exercé par le ministre de la justice.

En vertu des articles 50-1 et 50-2, qui traitent de la situation des magistrats du siège, le Conseil supérieur de la magistrature est saisi par le ministre de la justice ou par les premiers présidents de cour d'appel de la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires. En cas de saisine d'un premier président, copie des pièces est adressée au garde des sceaux qui peut alors diligenter une enquête administrative par l'inspection générale des services judiciaires. Les deux premiers alinéas de l'article 63 appliquent les mêmes principes aux magistrats du parquet qui peuvent faire l'objet d'une procédure à l'initiative du ministre ou des procureurs généraux près les cours d'appel.

Innovation résultant de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l'article 65 de la Constitution dispose désormais que le « Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique ». Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 22 juillet 2010 98 ( * ) , tout justiciable qui estime qu'à l'occasion d'une procédure judiciaire le concernant, le comportement adopté par un magistrat 99 ( * ) dans l'exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le CSM. Cette saisine ne constitue cependant pas une cause de récusation du magistrat.

Il appartient alors à une commission d'admission des requêtes, composée de membres de la formation compétente concernée 100 ( * ) , d'examiner la plainte et de statuer sur son caractère manifestement infondé ou irrecevable ou de la déclarer recevable. Lorsque la plainte est recevable, la commission d'admission conduit des investigations complémentaires. Si elle estime que les faits sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, elle renvoie alors l'affaire devant le conseil de discipline pour les magistrats du siège ou à la formation disciplinaire compétente pour les magistrats du parquet. Les statistiques présentées ci-dessous démontrent que cette nouvelle procédure s'est traduite par un nombre substantiel de plaintes adressées au Conseil mais qu'une part très faible est déclarée recevable.

Saisine du CSM par les justiciables

2011

2012

2013

2014

Nombre de dossiers enregistrés

421

290

325

242

Nombre de décisions rendues

336

288

302

346

Manifestement irrecevables

267

218

250

245

Manifestement infondées

68

57

47

91

Recevables

1

13

5

10

Source : Conseil supérieur de la magistrature, rapport annuel 2014, p. 114

Dans le prolongement de cette volonté de rendre accessible le fonctionnement de la magistrature aux citoyens, tout en améliorant les relations qu'il entretient avec les magistrats, le CSM a mis en place depuis 2005, un recueil de sa jurisprudence disciplinaire depuis 1959 diffusé à tous les magistrats et accessible sur son site internet.

• Le déroulement de la procédure disciplinaire devant le CSM

Les articles 51 à 58 (magistrats du siège) et 63 à 66 (magistrats du parquet) de l'ordonnance statutaire fixent le déroulement de la procédure disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature.

Dès la saisine du CSM, le magistrat mis en cause a droit à la communication de son dossier et des pièces de l'enquête préliminaire. Tout au long de la procédure, il a accès à l'ensemble des pièces relatives aux poursuites disciplinaires et peut se faire assister par l'un de ses pairs ou par un avocat. Pour la conduite des poursuites, le président du conseil de discipline ou de la formation parquet désigne un rapporteur parmi ses membres pour procéder, s'il y a lieu, à une enquête disciplinaire, au cours de laquelle il entend le magistrat et accomplit tous actes d'investigation utiles.

Quand l'enquête n'a pas été jugée nécessaire ou lorsqu'elle est complète, le magistrat est cité à comparaître devant la formation compétente afin de fournir ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés. L'audience de la formation compétente est, sauf circonstances particulières, publique. Les décisions sont motivées et, pour celles du conseil de discipline, rendues publiques.

• L'interdiction temporaire d'exercice (ITE)

L'article 50 de l'ordonnance fixe les conditions dans lesquelles les magistrats du siège peuvent faire l'objet d'une interdiction temporaire d'exercice avant l'engagement de poursuites disciplinaires . Dans le cas où le ministre de la justice est saisi d'une plainte ou informé de faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires, il peut, s'il y a urgence et après consultation des chefs hiérarchiques, proposer au Conseil supérieur de la magistrature d'interdire au magistrat du siège faisant l'objet d'une enquête administrative ou pénale l'exercice de ses fonctions jusqu'à la décision définitive sur les poursuites disciplinaires, pour autant que celles-ci soient engagées. Les premiers présidents de cours d'appel peuvent saisir le CSM aux mêmes fins. Dans tous les cas, le Conseil dispose d'un délai de quinze jours pour se prononcer . S'il prend une décision d'interdiction temporaire d'exercice, qui est obligatoirement non publique et ne comporte pas de privation du droit au traitement, cette décision cesse toutefois de plein droit de produire ses effets à l'expiration d'un délai de deux mois suivant sa notification à l'intéressé si le CSM n'a pas été saisi formellement d'une procédure disciplinaire dans les formes prévues par l'ordonnance statutaire.

Une procédure similaire est prévue pour les magistrats du parquet à l'article 58-1. Dans ce cas, il appartient au ministre de la justice, après avis de la formation compétente du CSM, de prononcer l'interdiction temporaire d'exercice pour une durée de deux mois maximum. Les procureurs généraux disposent également dans ce cadre de la faculté de saisir la formation du CSM aux fins d'avis sur le prononcé par le ministre de cette mesure.

L'article 51 de l'ordonnance de 1958 prévoit enfin la possibilité pour le CSM, après engagement d'une procédure disciplinaire , de prononcer à l'encontre d'un magistrat du siège une interdiction d'exercice de fonctions jusqu'à la décision définitive. Cette décision, qui peut être prise avant la communication au magistrat incriminé de son dossier, ne comporte pas privation du droit au traitement et ne peut être rendue publique. Une telle procédure ne trouve cependant pas son équivalent pour les magistrats du parquet.

• L'absence de délais applicables au déroulement de la procédure disciplinaire

Exception faite des délais applicables à la procédure d'interdiction temporaire d'exercice, introduits par la loi organique du 22 juillet 2010 précitée, il n'existe, en l'état du droit en vigueur, aucune disposition encadrant les délais dans lesquels les autorités exerçant le pouvoir disciplinaire doivent se prononcer après engagement des poursuites disciplinaires dans les trois cas mentionnés ci-dessus (magistrat du siège, magistrat du parquet, saisine par un justiciable). Dans le cas visé par les articles 53 et 64 de l'ordonnance (saisine du CSM par un justiciable de la situation d'un magistrat du siège ou du parquet), il est simplement précisé que l'audience « ne peut se tenir avant l'expiration d'un délai de trois mois après que le garde des sceaux, ministre de la justice, a été avisé ».

L'attention de votre rapporteur a été attirée, au cours de ses auditions, sur la longueur des délais liés au déroulement des procédures disciplinaires, lesquelles interviennent parfois après qu'une enquête administrative a été conduite par l'inspection générale des services judiciaires. Une telle situation est source, pour le magistrat mis en cause, d'insécurité juridique. L'étude d'impact indique à cet égard que « l'analyse de la durée des procédures disciplinaires traitées par le Conseil supérieur de la magistrature fait apparaître des délais très variables entre le début de la procédure et la décision au fond, y compris lorsque le magistrat a fait l'objet d'une interdiction temporaire d'exercice ». Ainsi, entre 2009 et 2014, le délai de traitement moyen s'établissait à 20 mois et « sur 16 procédures ayant donné lieu à ITE depuis 2009, aucune décision au fond n'a été rendue dans un délai inférieur à 8 mois et 3 décisions au fond ont été rendues plus de deux ans après le prononcé de l'ITE. Sur 49 procédures engagées depuis 2009 (comprenant les 16 mesures d'ITE précitées), 33 décisions au fond ont été rendues dans un délai supérieur à 1 an, dont 6 dans un délai supérieur à 2 ans ».

• Encadrer les procédures dans des délais raisonnables

L'article 26 prévoit par conséquent des délais indicatifs en matière disciplinaire et des délais impératifs pour les magistrats faisant l'objet d'une mesure d'interdiction d'exercer. Ce dispositif vise à permettre une plus grande efficacité de la justice en matière disciplinaire en incitant les autorités compétentes à rendre leurs décisions dans des délais raisonnables. Il renforcerait ainsi le principe de bonne administration de la justice et l'exigence de prévisibilité des décisions disciplinaires pour les magistrats. En outre, il mettrait un terme à des situations actuelles difficiles liées à la gestion des ressources humaines des magistrats frappés d'une interdiction d'exercer pouvant se prolonger sur de très longues durées.

S'agissant des délais en matière d'action disciplinaire, le paragraphe II (siège) et le paragraphe IV (parquet) de l'article 26 prévoient que le Conseil supérieur de la magistrature est tenu de statuer (décision pour les magistrats du siège et avis rendu au ministre pour le parquet) dans un délai de douze mois à compter du jour où il a été saisi. Un tel délai ne serait cependant qu'indicatif car le CSM aurait la possibilité de le proroger par décision motivée pour une durée de six mois renouvelable.

Pour les cas les plus graves donnant lieu à une interdiction temporaire d'exercice, le paragraphe I (siège) et le paragraphe III (parquet) disposent que le Conseil supérieur est tenu de statuer dans un délai de huit mois, qui peut être prorogé une seule fois par décision motivée pour une durée de quatre mois. À l'expiration de ces délais, l'intéressé serait rétabli dans ses fonctions au cas où aucune décision n'aurait été prise. Le Conseil aurait cependant la faculté de prolonger l'interdiction d'exercice, et ce jusqu'à la décision disciplinaire définitive, si le magistrat fait l'objet de poursuites pénales.

Votre commission considère que ces modifications sont bienvenues. À l'initiative de son rapporteur, elle a adopté l' amendement COM-39 portant rédaction globale de cet article. Cet amendement propose de restructurer les modifications apportées par l'article 26 en insérant dans l'ordonnance de 1958 deux articles 50-4 et 50-5 (nouveaux) consacrés aux délais fixés pour les procédures disciplinaires s'attachant aux magistrats du siège ainsi que deux articles 63-1 et 63-2 pour les procédures disciplinaires ayant trait aux magistrats du parquet. Par ailleurs, dans un souci de bonne organisation de ces dispositions, deux alinéas de l'article 63 seraient déplacés, sans modification, au sein d'un article 63-3. En outre, l'amendement a pour objet de prévoir que le Conseil supérieur de la magistrature doit se prononcer, en cas de poursuites disciplinaires à l'encontre d'un magistrat du siège faisant l'objet d'une interdiction temporaire d'exercice, dans les délais prévus par le texte que la décision d'interdiction d'exercice intervienne à la demande du ministre ou d'un premier président de cour d'appel ou à l'initiative du Conseil lui-même après engagement des poursuites, cette seconde procédure d'interdiction d'exercice ayant été omise dans la rédaction proposée par le Gouvernement.

Dans le cadre de ses auditions, l'attention de votre rapporteur a été appelée sur l'intérêt qu'il y aurait, pour faciliter le bon déroulement des poursuites disciplinaires et réduire leurs délais, permettre au Conseil supérieur de la magistrature de faire appel au concours des membres de l'inspection générale des services judiciaires. Votre rapporteur n'a cependant pas donné suite à cette proposition, à ce stade de ses réflexions, compte tenu de l'ambiguïté statutaire dans laquelle se trouveraient les inspecteurs des services judicaires mis à la disposition du Conseil supérieur, qui demeureraient soumis à l'autorité hiérarchique ministérielle tout en étant provisoirement rattachés à une autorité constitutionnelle. Il considère qu'une telle option, si elle devait aboutir, devrait faire l'objet de réflexions complémentaires au cours de la navette parlementaire.

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.


* 64 Projet de loi organique n° 518 (2011-2012) relatif au statut de la magistrature , déposé au Sénat le 4 mai 2012. Il est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl11-518.html .

Ce projet de loi ne prévoyait aucune déclaration de situation patrimoniale, seulement l'établissement d'une déclaration d'intérêts lors de l'installation dans les fonctions, par les magistrats de la Cour de cassation, les premiers présidents et les procureurs généraux des cours d'appel ainsi que le président et le procureur du tribunal de grande instance de Paris, déclaration adressée, selon le cas, au premier président ou au procureur général de la Cour de cassation. Il précisait que la déclaration d'intérêts n'était communicable qu'à l'intéressé. En outre, il posait le principe selon lequel « les magistrats veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflits d'intérêts » , sans poser de définition de la notion de conflit d'intérêts applicable aux magistrats.

* 65 Telle qu'elle est rédigée, cette disposition ne concerne donc pas les concubins et partenaires de pacte civil de solidarité.

* 66 Sont énumérées les professions d'avocat, avoué, notaire, huissier de justice, greffier de tribunal de commerce, administrateur judiciaire et mandataire-liquidateur.

* 67 L'article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit que toute personne exerçant un emploi ou des fonctions à la discrétion du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres est soumise à l'obligation de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d'intérêts. Sont ainsi concernés, entre autres, les directeurs des administrations centrales. En outre, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires est en cours d'examen.

* 68 Articles 37 et 38-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature . De même, les présidents et procureurs du tribunal de grande instance ont la qualité de magistrat de la cour d'appel, en vertu de l'article 38-2 de la même ordonnance, à l'exception de ceux du tribunal de grande instance de Paris, qui ont la qualité de magistrat de la Cour de cassation.

* 69 Article 47 du projet de loi.

* 70 Ce nombre se répartit en 15 magistrats de la Cour de cassation et 74 chefs de cour, premiers présidents et procureurs généraux des 30 cours d'appel de métropole, des 6 cours d'appel d'outre-mer et du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

* 71 Ce nombre inclut également 336 chefs de juridiction, présidents et procureurs de la République des 164 tribunaux de grande instance de métropole et des départements d'outre-mer et des 4 tribunaux de première instance de certaines collectivités d'outre-mer.

* 72 À titre de comparaison, le président de la HATVP est nommé par décret du Président de la République, après avis public des commissions permanentes compétentes des deux assemblées parlementaires, qui peuvent s'opposer à cette nomination à une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimées, dans le cadre prévu par l'article 13 de la Constitution.

* 73 À titre de comparaison, outre son président, la HATVP comprend deux conseillers d'État, en activité ou honoraires, élus par l'assemblée générale du Conseil d'État, deux conseillers à la Cour de cassation, en activité ou honoraires, élus par l'ensemble des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes, en activité ou honoraires, élus par la chambre du conseil de la Cour des comptes, et deux personnalités qualifiées nommées respectivement par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

* 74 Article L.O. 135-1 du code électoral.

* 75 Voir notamment les décisions n° 90-273 DC du 4 mai 1990 et n° 2003-482 DC du 30 juillet 2003. Selon cette seconde décision, « les dispositions de loi ordinaire auxquelles renvoie la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel sont rendues applicables dans leur rédaction en vigueur à la date de l'adoption définitive de cette loi organique ».

* 76 Circulaire JUS-G-92600-72-C du 4 novembre 1992.

* 77 Il est à cet égard notable que l'étude d'impact fasse mention, pour justifier le dispositif proposé, du dépôt récent d'une proposition de loi organique tendant, quant à elle, restreindre la liberté syndicale des magistrats (proposition de loi n° 1922 (AN - XIV ème législature) de M. Éric Ciotti, relative à l'impartialité des magistrats ).

* 78 Art. 112 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure .

* 79 CE, 28 décembre 2009, RFDA 2010.236.

* 80 Circulaire n° SJ.08.001.A3 du 2 janvier 2008 relative à la protection statutaire des magistrats .

* 81 Ces dispositions sont quasiment identiques à celles qui sont applicables aux fonctionnaires relevant du statut général de la fonction publique, définies à l'article 18 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

* 82 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

* 83 Loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905.

* 84 Décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 précité.

* 85 CE, 21 octobre 2009, requête n° 312628.

* 86 CE, 25 juin 2003, requête n° 251833.

* 87 Ibid.

* 88 Dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

* 89 Cet article reconnaît comme autorités compétentes pour délivrer un avertissement l'inspecteur général des services judiciaires, les chefs de cour ainsi que les directeurs ou chefs de service de l'administration centrale qui ont des magistrats placés sous leur autorité.

* 90 CE, 13 juillet 2012, requête n° 342633.

* 91 CE, 27 mars 2015, requête n° 382144.

* 92 Délai de prescription de deux mois pour les actes susceptibles de procédures disciplinaires, fixé à l'article L. 1332-4 du code du travail, ce principe ayant été posé la loi n° 82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise dite « loi Auroux ».

* 93 CE, 26 juillet 2007, requête n° 293059.

* 94 Décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, cons. 5.

* 95 Peuvent saisir le CSM en matière disciplinaire : le garde des sceaux, les premiers présidents de cour d'appel, les procureurs généraux près les cours d'appel, ou tout justiciable.

* 96 CAA Marseille, 13 décembre 2011, requête n° 09MA03062 et 29 janvier 2013, requête n° 11MA02224.

* 97 Inspecteur général, inspecteur général adjoint et inspecteur.

* 98 Loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 de la Constitution.

* 99 Article 50-3 de l'ordonnance statutaire pour les magistrats du siège et article 63 pour les magistrats du parquet.

* 100 Dans les conditions définies par l'article 18 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

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