C. LA CONSÉQUENCE DE L'APPARTENANCE DES CHEMINS RURAUX AU DOMAINE PRIVÉ : LEUR PRESCRIPTIBILITÉ

Le code civil prévoit un dernier mode d'aliénation en sus de l'aliénation ou de l'échange : la prescription acquisitive ou usucapion.

La prescription acquisitive ou usucapion en matière immobilière

Le code civil, en son article 2227, consacre le principe issu de la jurisprudence selon lequel « le droit de propriété est imprescriptible », entérinant le fait que le droit de propriété ne peut être éteint par non-usage. Il lui apporte toutefois un tempérament : l'usucapion ou prescription acquisitive.

La prescription acquisitive est définie, à l'article 2258 du même code, comme « un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ». Ainsi, la prescription acquisitive permet-elle au possesseur de revendiquer la propriété d'un bien appartenant à une tierce personne.

L'usucapion ne peut cependant s'opérer que sous certaines conditions.

L'article 2261 du code civil énonce tout d'abord des conditions relatives à la possession dite « utile » (exercice d'un droit indépendamment de sa titularité, situation de fait créant des effets juridiques). Ainsi la possession doit-elle être « continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ». L'article 2263 précise en outre que l'usucapion ne peut résulter d'un acte de violence, « la possession utile ne commen[çant] que lorsque la violence a cessé ». L'article 2266, quant à lui, indique que « ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit. Ainsi, le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire. »

Le code civil conditionne ensuite la prescription acquisitive à certains délais. L'article 2272 énonce en effet que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans . »

Il convient de noter que l'usucapion, bien que résultant d'un état de fait, n'acquiert de valeur juridique qu'à condition d'avoir été constatée par le juge judiciaire, le possesseur devant revendiquer son droit soit, de son propre chef, en engageant une action judiciaire pour faire constater que la prescription lui est acquise, soit en opposant à l'action en revendication engagée contre lui par le propriétaire une fin de non-recevoir tirée de la prescription. La preuve peut être faite par tout moyen.

Dès lors que les règles de droit commun s'appliquent au domaine privé et que les chemins ruraux en font partie, ils sont susceptibles de faire l'objet de prescription acquisitive ou usucapion .

Certes, comme le relevait Me Jean-Marie Ohnet, président de l'Institut des études juridiques du Conseil supérieur du notariat, lors de son audition, l'usucapion d'un chemin rural est en théorie impossible dans la mesure où un chemin rural se définissant par son affectation au public, il ne devrait pouvoir faire l'objet d'une usucapion en raison des conditions de possession exigées par le code civil sauf à être en réalité désaffecté, donc à avoir perdu préalablement l'élément permettant de le définir comme chemin rural. Nonobstant, la jurisprudence fait état de plusieurs exemples de chemins ruraux prescrits par des personnes privées 24 ( * ) , ce qui explique la disparition d'un certain nombre de chemins ruraux.


* 24 Pour un exemple de prescription trentenaire d'un chemin rural : CCass, 3 e civ., 1 er avril 2009, n° 08-11.854 ; pour un exemple de prescription abrégée d'un chemin rural : CCass, 3 e civ., 5 février 2013, n° 11-28.299.

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