B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Lors de l'examen de la proposition de loi par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, une modification importante dans sa rédaction a été apportée par l'adoption d'un amendement cosigné par le rapporteur, notre ancien collègue député Thierry Braillard, et le député Denys Robiliard, sans que cela n'ait d'effet sur le fond du texte. Initialement, celui-ci mentionnait explicitement la « prise d'acte », insérant cette formule dans le code du travail alors qu'il s'agit d'une expression qui n'est pas juridique mais plutôt un raccourci de langage qui a pris racine, chez les juristes, pour désigner cette modalité de rupture du contrat de travail issue de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Dès lors, plutôt que de faire entrer ce concept dans le code du travail, ce qui aurait impliqué d'en apporter une définition précise et de mettre en place son encadrement législatif, le choix a été fait de reprendre la définition donnée par la Cour elle-même en faisant référence à une demande de qualification d'une rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié « en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur ».

L'insertion dans le code du travail de cette disposition nouvelle a également connu une évolution, puisqu'elle figure désormais à l'article L. 1451-1 nouveau, qui se situe au chapitre I du titre V du même livre I du code, qui porte sur les dispositions générales relatives à la procédure devant le conseil de prud'hommes.

Le titre de la proposition de loi a été modifié en conséquence, celle-ci n'étant pas relative « aux effets de la prise d'acte de rupture du contrat de travail », qu'il appartient toujours au juge de déterminer, mais bien « à la procédure applicable devant le conseil de prud'hommes dans le cadre d'une prise d'acte ».

Aucun amendement supplémentaire n'a été adopté lors de l'examen de la proposition de loi en séance plénière.

C. LA POSITION DES PARTENAIRES SOCIAUX

Sur cette proposition de loi touchant directement un domaine, la justice prud'homale, dont le paritarisme constitue l'un des fondements, votre rapporteur a souhaité interroger les partenaires sociaux afin de recueillir leurs observations. Toutes les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, Medef, CGPME, UPA) ont été contactées. Seule FO n'a pas répondu.

A la lecture des éléments transmis à votre rapporteur 29 ( * ) , deux points de vue contraires apparaissent : une opposition au texte de la part des organisations patronales et un soutien à son adoption par les organisations représentatives des salariés.

La CGPME, le Medef et l'UPA regrettent la suppression de la phase de conciliation durant laquelle, selon eux, un accord pourrait être trouvé par les parties ou la nature de la rupture pourrait être déterminée d'un commun accord entre elles. De manière plus générale, ces structures ne se satisfont pas de la prise d'acte telle qu'elle ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation et craignent que cette proposition de loi n'aboutisse à en faire la promotion auprès de salariés qui méconnaitraient les risques encourus, au détriment de procédures comme la résiliation judiciaire durant laquelle le contrat de travail est maintenu. Enfin, elles estiment que la fixation dans la loi d'un délai de jugement court restera dans de nombreux cas purement théorique et ne permettra pas de résoudre les problèmes liés aux délais de jugement trop élevés d'un grand nombre de conseils de prud'hommes, qui sont la conséquence de leur engorgement et de l'insuffisance des moyens dont ils disposent.

La CFDT, la CGT, la CFTC et la CFE-CGC ont fait part à votre rapporteur de leur appréciation favorable de la proposition de loi, jugeant nécessaire, au vu des incertitudes que la prise d'acte fait peser sur la situation personnelle du salarié qui en prend l'initiative, qu'elle soit traitée dans les meilleurs délais. En effet, dans l'impossibilité de bénéficier de l'assurance chômage et ne percevant plus son salaire, la personne qui rompt son contrat de travail en raison de faits commis par son employeur peut se trouver dans une situation de grande précarité . Comme leurs homologues patronales, ces organisations espèrent toutefois que ce texte n'incitera pas les salariés à se tourner vers la prise d'acte, avec les nombreux risques qu'elle comporte, sans un examen juridique préalable sérieux de leur situation, alors que la résiliation judiciaire offre davantage de garanties. Enfin, elles partagent le constat de l'insuffisance des moyens des conseils de prud'hommes , qui déjà aujourd'hui ne peuvent souvent pas respecter le délai de jugement d'un mois imposé par la loi en cas de demande de requalification d'un CDD en CDI. Elles craignent donc que cette proposition de loi ne soit qu'une déclaration d'intention et estiment qu'elle devrait s'accompagner d'un renforcement des juridictions prud'homales voire, pour la CFDT, d'un encadrement législatif global de la prise d'acte.


* 29 Qui figurent en annexe du présent rapport.

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