Rapport n° 538 (2012-2013) de M. Philippe KALTENBACH , fait au nom de la commission des lois, déposé le 24 avril 2013

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N° 538

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 avril 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi relatif à l' élection des sénateurs ,

Par M. Philippe KALTENBACH,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

377 et 539 (2012-2013)

• LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 24 avril 2013, sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, la commission a examiné, en première lecture, le rapport de M. Philippe Kaltenbach sur le projet de loi 377 (2012-2013) relatif à l' élection des sénateurs .

Le rapporteur a rappelé les deux mesures contenues au sein du projet de loi : élargir le collège électoral des sénateurs en permettant aux conseils municipaux des communes d'au moins 30 000 habitants de désigner un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants et non plus de 1000 habitants et appliquer le scrutin proportionnel aux départements comptant au moins trois sièges de sénateurs et non plus au moins quatre sièges.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des lois a adopté 1 amendement afin de réserver, lorsque le scrutin majoritaire s'applique, le dépôt de candidature au second tour aux seuls candidats du premier tour.

A l'issue de ses travaux, la commission des lois n'a pas adopté de texte.

En conséquence, et en application de l'alinéa premier de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi déposé sur le Bureau du Sénat.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Alors rapporteur de votre commission en 1999 du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs, notre ancien collègue Paul Girod, relevant que le mode de scrutin « est un procédé technique pour résoudre le problème qui se pose à toute société démocratique complexe : traduire les aspirations des différentes parties de la population - des différents citoyens qui constituent le " peuple "- pour en faire une expression organisée au niveau national », en concluait qu'« on ne peut donc dissocier le choix du mode de scrutin de la fonction attribuée à l'organe représentatif » 1 ( * ) .

Attachée au principe du bicamérisme, votre commission a toujours plaidé pour une représentation différenciée au sein des deux assemblées parlementaires , gage de leur complémentarité et de leur utilité respective 2 ( * ) .

En application de l'article 24 de la Constitution, le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », fonction qu'il exerçait de facto , en raison de son mode d'élection, sous les deux Républiques précédentes. Même si la répartition des sièges et la composition du collège électoral doivent respecter le principe d'égalité du suffrage énoncé par l'article 3 de la Constitution, cette exigence constitutionnelle doit se concilier avec la fonction de représentant des collectivités territoriales que la Constitution assigne à la Haute Assemblée. Cette contrainte fonde la différence du mode de scrutin avec l'élection des députés.

Conçu dès l'origine comme une représentation « différenciée » de la Nation par rapport à l'Assemblée nationale, le Sénat, assemblée permanente, se compose de membres élus, en vertu de la Constitution, au scrutin indirect et par renouvellement partiel. Ces caractéristiques d'ordre constitutionnel n'ont pas empêché notre assemblée d'évoluer, à son initiative dans la suite des travaux du groupe de travail pluraliste dirigé par notre ancien collègue Daniel Hoeffel, alors vice-président du Sénat, et qui ont abouti à la loi organique n° 2003-696 et la loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003. Cette réforme, dont l'entrée en vigueur progressive s'est poursuivie jusqu'au renouvellement sénatorial de septembre 2011, a notamment conduit à réduire la durée du mandat sénatorial de 9 à 6 ans et à introduire un renouvellement par moitié et non plus par tiers.

La réforme proposée par le Gouvernement ne remet pas en cause ces évolutions, ne prévoyant aucune modification sur les dispositions organiques relatives au Sénat . Reprenant certaines des préconisations du rapport la commission de rénovation et de déontologie de la vie politique (CRDVP), le projet de loi déposé sur le Bureau du Sénat le 20 février 2013 se borne à modifier le mode de scrutin des sénateurs qui relève de la loi ordinaire. Loin de bouleverser les règles de l'élection des sénateurs, il apporte deux modifications relatives respectivement à la composition du collège électoral des sénateurs élus dans le cadre des départements et à la détermination du mode de scrutin - majoritaire uninominal à deux tours ou à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne par liste à un tour - applicable pour cette élection.

La question de l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France fait actuellement l'objet d'une réforme au sein d'un projet de loi distinct en cours d'examen au sein du Parlement. Selon le texte adopté en première lecture par notre assemblée, le 19 mars 2013, le collège électoral de ces sénateurs ne serait plus formé des seuls membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger et des députés élus par les Français établis hors de France, mais, outre ces derniers, de conseillers consulaires et de délégués consulaires élus au suffrage universel direct, répondant ainsi à une préconisation formulée par la commission présidée par l'ancien Premier ministre Lionel Jospin.

I. L'ÉLECTION DES SÉNATEURS : UN MODE DE SCRUTIN RELATIVEMENT PÉRENNE DEPUIS LA IIIÈME RÉPUBLIQUE

Depuis l'instauration, sous la III ème République, d'un Sénat élu au suffrage universel, les règles électorales pour l'élection de ses membres sont demeurées inchangées, pour l'essentiel d'entre elles, à travers les Républiques successives jusqu'à nos jours.

A. L'ÉLECTION DES SÉNATEURS SOUS LA IIIÈME RÉPUBLIQUE

Sous la III ème République, le Sénat est un organe central au sein des pouvoirs publics . En témoigne le fait que les règles d'organisation et de composition sont fixées par la loi constitutionnelle du 24 février 1875 relative à l'organisation du Sénat 3 ( * ) qui est la première des lois constitutionnelles adoptées en 1875. Ces règles seront, pour partie d'entre elles, ramenées au niveau législatif par l'article 3 de la loi constitutionnelle du 14 août 1884.

Assemblée permanente, le Sénat exerce les mêmes prérogatives que l'autre chambre. A l'abri de toute dissolution, il peut alors renverser le Gouvernement ; son accord étant, en outre, indispensable au Président de la République pour dissoudre la chambre des députés.

Composé de 300 membres, le Sénat comporte, à l'origine, 225 sénateurs élus au scrutin indirect dans le cadre des départements et des colonies ainsi que 75 sénateurs à vie, élus d'abord par l'Assemblée nationale 4 ( * ) puis par le Sénat. A la suite de la loi du 9 décembre 1884, d'inspiration républicaine, il est mis fin à la désignation de sénateurs à vie 5 ( * ) , ceux en fonction conservant leur mandat jusqu'à leur décès. La Haute Assemblée est donc progressivement intégralement élue 6 ( * ) et non plus cooptée pour partie. Dès 1875, les sénateurs des départements et des colonies sont élus pour neuf ans et renouvelables par tiers, tous les trois ans.

1. Un mode de scrutin dual pour l'élection des sénateurs

Le mode de scrutin est déjà double puisque l'article 4 de la loi du 24 février 1875 prévoit que « les sénateurs des départements et des colonies sont élus à la majorité absolue, et, quand il y a lieu, au scrutin de liste, par un collège réuni au chef-lieu du département ou de la colonie », les sénateurs à vie étant également élus par un scrutin de liste.

Initialement, l'élection a lieu dans le cadre du département ou de la colonie. S'agissant de la répartition des sièges, chaque circonscription d'élection compte entre 1 et 5 sénateurs puis, à compter de la loi du 14 août 1884, entre 1 et 10 sénateurs.

2. Un collège électoral essentiellement composé de délégués des conseils municipaux

Dès la III ème République, les principales caractéristiques qui sous-tendent la composition du collège électoral sénatorial sont posées, en faisant alors, selon la formule de Gambetta, le « grand conseil des communes de France ».

Le collège électoral, formé au niveau de chaque département ou colonie, est composé des députés, des conseillers généraux, des conseillers d'arrondissement et des délégués des conseils municipaux. Pour ces derniers, un choix égalitaire est fait en 1875 pour leur désignation puisque chaque commune élit un délégué parmi les électeurs de la commune.

La loi du 14 août 1884 introduit une part de progressivité démographique en faisant varier le nombre de délégués par commune de 2 à 30 en fonction du nombre de conseillers municipaux. En revanche, ces délégués peuvent toujours être désignés parmi les électeurs de la commune et non obligatoirement au sein du conseil municipal.

Pour l'élection de ces délégués, la loi organique du 2 août 1875 prévoit qu'elle a lieu au scrutin majoritaire pour l'ensemble des communes.

B. L'ÉLECTION DES SÉNATEURS SOUS LA IVÈME RÉPUBLIQUE

Après le rejet par le référendum du 5 mai 1946 du premier projet de constitution, la Constitution du 27 octobre 1946, adoptée par le référendum du 13 octobre 1946, maintient le bicamérisme en France. La IV ème République conserve une seconde chambre - désormais dénommée Conseil de la République 7 ( * ) - qui reste marquée par certaines caractéristiques du Sénat de la III ème République quant à sa composition, même si son rôle est, jusqu'à la révision constitutionnelle du 7 décembre 1954, fortement minoré.

Tout en rappelant que « les deux chambres sont élues sur une base territoriale », l'article 6 de la Constitution du 27 octobre 1946 prévoit un renouvellement par moitié du Conseil de la République par un scrutin indirect. Elle prévoit que parmi les sénateurs, dont le nombre doit être compris entre 250 et 320, l'Assemblée nationale peut élire à la représentation proportionnelle jusqu'à un sixième des membres du Conseil.

1. Le maintien d'un double mode scrutin pour l'élection des sénateurs

Initialement fixé par la loi n° 46-2383 du 27 octobre 1946, le mode de scrutin des sénateurs est finalement fixé par la loi n° 48-1471 du 23 septembre 1948. L'élection des 253 membres du Conseil de la République s'opère selon un mode de scrutin qui diffère en fonction du nombre de sièges attribuées par département 8 ( * ) .

En métropole, le scrutin est majoritaire à deux tours pour les départements comptant moins de quatre sièges. Pour les autres départements, le scrutin à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus fort moyenne à un tour s'applique.

2. Une composition du collège électoral relativement stable

Le collège électoral pour l'élection des sénateurs ne varie guère par rapport à la III ème République puisqu'il se compose des députés, des conseillers généraux et des délégués des conseillers municipaux ou de leurs suppléants.

Certaines constances historiques du mode d'élection des sénateurs, non remises en cause lors de l'instauration de la V ème République, sont directement issues de l'histoire de la seconde chambre. Il en est ainsi, pour les sénateurs élus dans le cadre des départements, d'une forte représentation des communes par rapport aux autres catégories de collectivités territoriales mais également du nombre des délégués des conseils municipaux qui, tout en prenant en compte l'importance démographique des communes, n'est pas strictement proportionnel à la population des communes dans le cadre desquels ils sont élus par le conseil municipal, ce qui a pour effet que les communes à faible population et en milieu rural disposent d'une représentation qui est, en termes relatifs, plus forte que les communes peuplées en milieu urbain.

C. L'ÉLECTION DES SÉNATEURS SOUS LA VÈME RÉPUBLIQUE

La V ème République restaure pleinement la seconde chambre, qui recouvre, malgré le maintien d'un bicamérisme en partie inégalitaire du fait du « dernier mot » de l'Assemblée nationale et des modalités de la mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement, ses prérogatives constitutionnelles et législatives par rapport au Conseil de la République.

Prise sur le fondement de l'article 92 de la Constitution du 4 octobre 1958 9 ( * ) , l'ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 fixe les règles relatives à l'élection des sénateurs qui, pour l'essentiel, maintiennent celles en vigueur sous la IV ème République. Désormais, ces dispositions, qui ont connu des évolutions limitées, sont réunies au sein du livre deuxième du code électoral.

1. Un scrutin dual mais un critère d'application soumis récemment à des variations

La dualité du mode de scrutin est conservée puisque l'élection des sénateurs a lieu au scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans les départements comptant au moins 5 sièges de sénateurs. Dans les autres départements, dont le nombre était réduit, le scrutin avait lieu au scrutin à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne.

Le seuil d'au moins cinq sénateurs pour l'application du scrutin majoritaire uninominal à deux tours est abaissé par la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 à au moins 2 sièges puis remonté, par la loi n° 2004-404 du 10 mai 2004, à au moins trois sièges, ce qui est l'état du droit actuel.

L'application du mode de scrutin emporte certains effets sur les règles applicables en matière de déclaration et de présentation des candidatures, au rang desquelles figure celle relative à l'alternance sur les listes de candidats de chaque sexe, règle qui a un effet direct en matière de parité.

Les règles favorisant la parité selon le mode de scrutin

La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a introduit le principe, désormais inscrit à l'article 2 de la Constitution, au terme duquel « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Applicable à l'ensemble des élections politiques, cette règle constitutionnelle qui fixe un objectif au législateur a trouvé une traduction législative rapide avec l'article 3 de la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000.

Depuis cette date, la seule mesure de nature à favoriser la parité au sein du Sénat est relative à l'obligation de présentation des listes de candidats lorsque l'élection a lieu à la représentation proportionnelle. L'article L. 300 du code électoral prévoit ainsi que « sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un » et que « chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ».

En revanche, le caractère uninominal du scrutin majoritaire prévu dans les autres départements ne permet pas d'imposer une présentation « paritaire » des candidats. De surcroît, aucune règle n'impose la présentation d'un remplaçant de sexe différent de celui du titulaire 10 ( * ) , comme pour les élections cantonales en application de l'article L. 210-1 du code électoral. De même, les partis ou groupements politiques ne sont passibles d'aucune sanction financière lorsque l'écart, au niveau national, entre le nombre des candidats présentés de chaque sexe est supérieur à 2 %, comme il est prévu pour les élections législatives générales en vertu de l'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique 11 ( * ) .

La féminisation du Sénat a été progressive, la part de sénatrices représentant désormais 21,8 % de ses membres, c'est-à-dire un nombre de 76. Elles ont représenté successivement 5,6 % de l'effectif total en 1998, 10,6 % en 2001, 16,9 % en 2004 puis 23,3 % en 2008. Le renouvellement partiel de 2011 s'est traduit, à cet égard, par un léger recul de cette tendance.

Ce seuil demeure éloigné de la part démographique des femmes dans la société française et, depuis le renouvellement de l'Assemblée nationale en 2012, est désormais inférieur à la présence en termes relatifs de députées, qui s'élève actuellement à 27 %.

Du fait des règles de présentation des candidatures qu'il implique, le scrutin de liste à la représentation proportionnelle pour les élections sénatoriales favorise la parité au sein du Sénat. Comme le rappelle l'étude d'impact annexée au projet de loi, « dans les départements où s'applique le scrutin de liste proportionnel, les femmes ont ainsi remporté deux fois plus de sièges [en 2011] en part de sièges à pourvoir ».

2. Une composition du collège électoral marginalement modifiée

L'article 4 de l'ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 fixe la composition du collège électoral sénatorial en maintenant la présence des députés, des conseillers généraux et des délégués des conseils municipaux ou des suppléants de ces délégués.

Désormais prévue à l'article L. 284 du code électoral , la composition exacte du collège électoral sénatorial a été modifiée marginalement au fil de l'évolution de l'organisation décentralisée de la République puisque chaque collectivité territoriale doit être représentée au sein du collège électoral sénatorial.

a) La prise en compte de la création de nouvelles collectivités territoriales

Ainsi, concomitamment à l'instauration de l'élection des conseillers régionaux au suffrage universel direct, la loi n° 85-692 du 10 juillet 1985 intègre ultérieurement les conseillers régionaux élus dans le cadre du département au sein du collège électoral sénatorial.

De même, le collège électoral sénatorial a été adapté aux évolutions statutaires de certaines collectivités territoriales, que ce soit avec l'intégration des conseillers à l'Assemblée de Corse par la loi n° 99-36 du 19 janvier 1999 pour l'élection au sein des deux départements corses ou celle, par la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011, des conseillers à l'assemblée de Guyane et des conseillers à l'assemblée de Martinique au sein des collèges électoraux de ces deux départements.

S'agissant des adaptations prévues pour les collectivités situées outre-mer, les dispositions contenues originellement dans l'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959 figurent désormais à l'article L. 441 du code électoral. En lieu et place des conseillers généraux et des conseillers régionaux, y siègent :

- les membres des assemblées de province en Nouvelle-Calédonie ;

- les membres de l'assemblée de la Polynésie française en Polynésie française ;

- les membres de l'assemblée territoriale aux îles Wallis et Futuna ;

- les conseillers territoriaux à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le collège électoral sénatorial des collectivités d'outre-mer

Collectivité

Collège électoral

Texte de référence

Mayotte

- Le député ;

-Les conseillers généraux ;

- Les délégués des conseils municipaux ou leurs suppléants

Art. L. 475 du code électoral

Nouvelle-Calédonie

- Les députés ;

- Les membres des assemblées de province ;

- Les délégués des conseils municipaux ou leurs suppléants

Art. L. 441 du code électoral

Polynésie française

- Les députés ;

- Les membres de l'assemblée de la Polynésie française ;

- Les délégués des conseils municipaux ou leurs suppléants

Art. L. 441 du code électoral

Saint-Barthélemy

- Le député et les conseillers territoriaux

Art. L. 502 du code électoral

Saint-Martin

- Le député et les conseillers territoriaux

Art. L. 529 du code électoral

Saint-Pierre-et-Miquelon

- Le député ;

- Les conseillers territoriaux ;

- Les délégués des conseils municipaux ou leurs suppléants

Art. L. 557 du code électoral

Wallis-et-Futuna

- Les députés ;

- Les membres de l'assemblée territoriale

Art. L. 441 du code électoral

En matière de composition du collège électoral des sénateurs, la loi doit cependant respecter les limites constitutionnelles que le Conseil constitutionnel a rappelées avec force lors de sa décision du 6 juillet 2000 12 ( * ) .

L'encadrement constitutionnel de la composition du collège électoral des sénateurs

Saisi du projet de loi qui allait devenir la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000, le Conseil constitutionnel a fixé les limites constitutionnelles qui s'imposent au législateur dans la détermination de la composition du collège électoral des sénateurs, ce qui l'a conduit à a censurer une partie des dispositions examinées.

Dans son raisonnement, le juge constitutionnel a rappelé préalablement que le Sénat tient de l'article 24 de la Constitution la mission de représenter les collectivités territoriales. Il en alors tiré plusieurs conséquences quant à la composition du collège électoral sénatorial :

- « le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités » ;

- « ce corps électoral doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales » ;

- « toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées » ;

- « la représentation des communes doit refléter leur diversité ».

D'une part, l'ensemble des collectivités territoriales au sens des articles 72, 73 et 74 de la Constitution doivent comporter des représentants au sein du collège électoral sans que le Conseil constitutionnel n'indique précisément la part qui doit leur être réservée.

Son raisonnement invite à penser que toute collectivité territoriale, et même chaque commune, doit disposer de délégués. Il tempère cependant son analyse en imposant, à ce stade du raisonnement, le respect du principe d'égalité devant le suffrage résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 3 de la Constitution, ce qui a pour effet que « la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes doit tenir compte de la population qui y réside ».

La décision du Conseil constitutionnel démontre que le facteur démographique apparait avant tout comme un correctif introduit dans la répartition des délégués entre collectivités territoriales au sein du collège électoral sénatorial.

D'autre part, le collège électoral sénatorial doit être essentiellement composé de personnes titulaires d'un mandat électif local, ce qui implique que « la participation de [personnes désignées en dehors des assemblées délibérantes] au collège sénatorial conserve un caractère de correction démographique ». Là encore, la mission de représentation des collectivités territoriales par le Sénat est tempérée, à la marge, par le respect du principe d'égalité devant le suffrage.

Dans le cas de la réforme de 2000 qui avait été adoptée définitivement par l'Assemblée nationale en application de l'article 45 de la Constitution, le Conseil constitutionnel avait estimé que, eu égard à la réforme envisagée, « ces délégués supplémentaires constituer[aie]nt une part substantielle, voire, dans certains départements, majoritaire du collège des électeurs sénatoriaux », ce qui l'avait conduit à censurer les dispositions en cause. Il ressort de cette rédaction que le juge constitutionnel assure un double niveau de contrôle : il veille, d'une part, à ce qu'au niveau national, la part des délégués ne détenant pas un mandat électif local ne devienne pas substantielle et s'assure, d'autre part, que dans chaque collège électoral au niveau du département, ces délégués ne soient pas majoritaires.

b) La désignation des délégués et suppléants des conseils municipaux

Contrairement au début de la III ème République, le nombre de délégués des conseils municipaux par commune n'est pas égalitaire mais tient en partie compte de la population des communes. Ils sont ainsi désignés, de manière constante, depuis l'article 7 de l'ordonnance n° 58-1058 du 15 novembre 1958, en fonction de strates démographiques.

Les conseils municipaux élisent en leur sein des délégués pour siéger au sein du collège électoral en fonction du nombre de membres du conseil municipal et donc indirectement selon une strate démographique. L'article L. 284 du code électoral prévoit désormais la répartition suivante :

- un délégué pour les conseils municipaux de neuf et onze membres ;

- trois délégués pour les conseils municipaux de quinze membres ;

- cinq délégués pour les conseils municipaux de dix-neuf membres ;

- sept délégués pour les conseils municipaux de vingt-trois membres ;

- quinze délégués pour les conseils municipaux de vingt-sept et vingt-neuf membres.

Lorsque les communes comptent au moins 9 000 habitants, tous les conseillers municipaux sont alors délégués de droit.

Le nombre de délégués de conseils municipaux pour les communes de moins de 9 000 habitants s'opère par référence au nombre de conseillers municipaux et non directement en fonction de la population de la commune. La conciliation des dispositions de l'article L. 284 du code électoral et de l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales qui fixe la composition des conseils municipaux en fonction de la population de la commune, conduit à des « décrochages » importants en matière de linéarité du nombre de délégués des conseils municipaux.

A titre d'illustration, la strate démographique de 5 000 à 9 999 habitants conduit à un effectif du conseil municipal de 29 membres selon l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales. L'article L. 284 du code électoral prévoit que les conseils municipaux de 29 membres désignent 15 délégués mais, dans le même temps, que pour les communes d'au moins 9 000 habitants, l'ensemble des conseillers municipaux sont délégués. Aussi, au sein d'une même catégorie de conseils municipaux, le nombre de délégués passe de 15 à 29, soit un quasi-doublement, à partir du franchissement du seuil des 9 000 habitants.

Désignation des délégués des conseils municipaux

Population de la commune

Effectif du conseil municipal

Nombre des délégués conseillers municipaux

Nombre des délégués supplémentaires

Nombre total des délégués

De moins de 100 habitants

9

1

0

1

De 100 à 499 habitants

11

1

0

1

De 500 à 1.499 habitants

15

3

0

3

De 1.500 à 2.499 habitants

19

5

0

5

De 2.500 à 3.499 habitants

23

7

0

7

De 3.500 à 4.999 habitants

27

15

0

15

De 5.000 à 8.999 habitants

29

15

0

15

De 9.000 à 9.999 habitants

29

29

0

29

De 10.000 à 19.999 habitants

33

33

0

33

De 20.000 à 29.999 habitants

35

35

0

35

De 30.000 à 30.999 habitants

39

39

0

39

De 31.000 à 39.999 habitants

39

39

Entre 1 et 9

entre 40 et 48

De 40.000 à 49.999 habitants

43

43

Entre 10 et 19

Entre 53 et 62

De 50.000 à 59.999 habitants

45

45

Entre 20 et 29

Entre 65 et 74

De 60.000 à 79.999 habitants

49

49

Entre 30 et 49

Entre 79 et 98

De 80.000 à 99.999 habitants

53

53

Entre 50 et 69

Entre 103 et 122

De 100.000 à 149.999 habitants

55

55

Entre 70 et 119

Entre 125 et 174

De 150.000 à 199.999 habitants

59

59

Entre 120 et 169

Entre 179 et 228

De 200.000 à 249.999 habitants

61

61

Entre 170 et 219

Entre 231 et 280

De 250.000 à 299.999 habitants

65

65

Entre 220 et 269

Entre 285 et 334

À partir de 300.000 habitants

69

69

À partir de 270

À partir de 339

Ces règles suivent partiellement une logique démographique puisque le nombre de délégués augmente en fonction du nombre de conseillers municipaux, qui est lui-même lié à la population de la commune. Cette évolution n'est cependant pas totalement linéaire et ne s'attache d'ailleurs pas à être l'exact reflet de la démographie des communes.

Dans les communes qui comptent au moins 30 000 habitants, un correctif démographique spécifique est institué par l'article L. 285 du code électoral : des délégués supplémentaires sont élus par le conseil municipal, nécessairement en dehors de ses membres puisque tous les conseillers municipaux sont membres de droit du collège électoral sénatorial dans ces communes. A partir de 30 000 habitants, un délégué supplémentaire est alors désigné à raison de 1 par tranche de 1 000 habitants.

L'élection des délégués et de leurs suppléants connaît également un double mode scrutin selon la population de la commune . En effet, pour les communes visées au chapitre II du titre IV du livre I er du code électoral (communes de moins de 3 500 habitants), l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours avec panachage et votre préférentiel, les candidatures pouvant même être isolées, en application de l'article L. 288 du code électoral.

Dans les autres communes, celles visées au chapitres III et IV du titre IV du livre I er du même code (communes de 3 500 habitants et plus, ainsi que communes de Paris, Lyon et Marseille), l'article L. 289 du même code prévoit un scrutin de liste à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne sans panachage, ni vote préférentiel, les liste pouvant cependant ne pas comporter autant de noms que celui de délégués et suppléants à désigner.

Actuellement, le seuil démographique qui marque le changement de scrutin pour la désignation des délégués et de leurs suppléants est fixé à 3 500 habitants. Cependant, en raison de l'abaissement du seuil démographique pour l'application du scrutin à la représentation proportionnelle aux élections municipales prévu par la loi relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral, actuellement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, ce seuil devrait prochainement être abaissé à 1 000 habitants.

II. UNE RÉFORME MESURÉE DES REGLES D'ÉLECTION DES SÉNATEURS

Soucieux de respecter les bornes fixées par la jurisprudence constitutionnelle, le Gouvernement n'a pas souhaité bouleverser les traits fondamentaux et caractéristiques du scrutin sénatorial. Au travers de ses quatre articles, le projet de loi soumis à l'examen de votre commission introduit deux mesures.

Par son article 1 er , il modifie la composition du collège électoral des sénateurs et, plus précisément, le nombre de délégués des conseils municipaux en augmentant le nombre et donc la part des délégués supplémentaires. Ainsi, l'article L. 285 du code électoral serait modifié pour permettre, à partir de 30 000 habitants, seuil qui resterait inchangé, la désignation par le conseil municipal d'un délégué supplémentaire par tranche de 800 et non plus de 1 000 habitants.

Cet élargissement du collège électoral sénatorial aurait pour effet d'augmenter, au niveau national, le nombre des délégués des conseils municipaux de 151 458 à 154 633, soit une augmentation de 3 175 délégués supplémentaires, ce qui ne bouleverse pas les grands équilibres dans la composition du collège électoral sénatorial.

Les articles 2 et 3 modifient la répartition entre le scrutin majoritaire uninominal à deux tours et le scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un tour. Depuis 2004, l'article L. 294 du code électoral prévoit que le scrutin majoritaire s'applique aux départements où au maximum trois sénateurs sont élus tandis que l'article L. 295 du même code dispose symétriquement que le scrutin à la représentation proportionnelle ne s'applique que pour les départements comptant au moins quatre sénateurs à élire. Le projet de loi propose d'abaisser ces seuils, respectivement, à deux et trois sénateurs.

Cette modification aurait pour conséquence d'appliquer le scrutin à la représentation proportionnelle dans 55 circonscriptions contre 30 actuellement, Parallèlement, le scrutin majoritaire serait applicable dans 52 circonscriptions contre 77 actuellement. De même, 255 sénateurs, soit 73,7 % de l'effectif de notre assemblée, serait élu au scrutin à la représentation proportionnelle et 93 au scrutin majoritaire. Actuellement, le nombre de sénateurs élus au mode scrutin majoritaire et à la représentation proportionnelle se répartit entre 168, d'une part, et 180, d'autre part, soit respectivement 48 % et 52 % de membres de la haute assemblée.

Enfin, l' article 4 assure l'extension outre-mer de ces dispositions aux collectivités régies par le principe de spécialité législative.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Le projet de loi soumis à l'examen de votre commission apporte un correctif marginal à la composition des collèges sénatoriaux en augmentant le nombre de délégués supplémentaires des conseils municipaux. Des débats ont pu avoir lieu sur la nécessité d'une refonte plus globale du collège électoral sénatorial.

Malgré les débats engagés sur ce thème, le texte ne prévoit pas d'améliorer la représentation des départements et des régions au sein des collèges électoraux en créant des délégués supplémentaires élus par leurs assemblées délibérantes respectives, à l'instar des conseils municipaux pour les communes d'au moins 30 000 habitants. Dans son rapport, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique (CRDVP), présidée par M. Lionel Jospin, avait estimé que les départements et régions étaient numériquement sous-représentés par rapport aux communes.

Votre rapporteur relève qu'une telle réforme nécessiterait, en tout état de cause, une réflexion plus approfondie, du fait de l'appréciation incertaine que le juge constitutionnel pourrait porter sur la création de délégués supplémentaires pour ces deux niveaux de collectivités. En effet, il ne ressort pas clairement de la décision du 6 juillet 2000 que le Conseil constitutionnel contrôlerait la part substantielle voire majoritaire de membres du collège électoral non détenteurs d'un mandat local sur l'ensemble du collège électoral ou bien par catégorie de collectivités territoriales. Dans ce second cas, le nombre de délégués supplémentaires serait limité et devrait rester inférieur à celui des élus des assemblées départementales et régionales.

Le texte ne retient pas l'idée d'un vote « pondéré » tel que proposé par la commission présidée par M. Lionel Jospin, consistant à affecter le vote des grands électeurs d'un coefficient variant selon la collectivité territoriale qu'ils représentent, ce qui permettrait de supprimer le système des délégués supplémentaires. Ce vote « pondéré » se distingue formellement du vote plural, qui a été, pour sa part, formellement censuré par le Conseil constitutionnel 13 ( * ) , en ce qu'il ne permet pas à l'électeur de déposer plusieurs bulletins mais seulement un bulletin dont le poids est aussi important dans le décompte des voix que le coefficient dont il est préalablement affecté. Inconnu dans notre système électoral, ce système nécessiterait de diviser en plusieurs sous-collèges le collège électoral sénatorial afin de distinguer les bulletins selon leur poids respectif, ce qui ne manquerait pas de soulever la question du secret du vote lorsque les grands électeurs, à l'instar du ou des conseillers régionaux élus dans le cadre de la section départementale, sont en nombre très réduit. Plus fondamentalement, de fortes interrogations, rappelées par l'étude d'impact annexée au projet de loi, demeurent sur le plan de la constitutionnalité de ce dispositif qui heurte fortement le principe « un homme - une voix » que commandent l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et l'article 3 de la Constitution.

La proposition apportée par l'article 1 er du projet de loi, pour des raisons démographiques, ne remet pas en cause les grands équilibres de la composition du corps électoral des sénateurs. Votre commission a relevé que le Gouvernement avait fait preuve, dans la rédaction du présent projet de loi, d'une prudence inspirée par le souci de respecter les exigences constitutionnelles en ce domaine et qu'elle n'a pas remise en cause dans son principe.

S'agissant de la modification du mode de scrutin pour 25 circonscriptions que les articles 2 et 3 proposent, elle est directement inspirée de la conclusion du rapport de la CRDVP. Cette dernière avait estimé que « le mode de scrutin actuel fait une place trop grande au scrutin majoritaire », qui est démultipliée par l'effet de la logique majoritaire présente au stade de l'élection des futurs grands électeurs, nuisant ainsi à la représentation de la diversité des courants politiques. De surcroît, votre rapporteur, tout comme notre collègue Mme Laurence Cohen au nom de la délégation des droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, souligne que l'extension de ce mode de scrutin à 25 nouvelles circonscriptions et donc à 75 sénateurs élus actuellement au scrutin majoritaire favoriserait, conformément à l'objectif fixé à l'article 1 er de la Constitution, l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux.

Sur ce point, les débats au sein de votre commission ont permis de marquer certaines réserves inspirées soit par une hostilité au principe même de cette extension, soit par des doutes sur son efficacité réelle quant à l'objectif poursuivi de parité.

Enfin, votre commission s'est montrée favorable à l'initiative de son rapporteur d'interdire, pour les circonscriptions où le scrutin majoritaire s'applique, la présentation d'une candidature au second tour sans l'avoir déposée au premier tour 14 ( * ) . En effet l'article L. 305 du code électoral a maintenu la faculté, largement dérogatoire au droit commun des élections, permettant à un candidat, dans les circonscriptions où l'élection des sénateurs a lieu au scrutin majoritaire, de se présenter au second tour sans l'avoir été au premier.

Lors des auditions menées par votre rapporteur, le caractère désuet de cette disposition avait été unanimement souligné. En effet, le nombre de candidats au premier tour suffit généralement à pourvoir les sièges de la circonscription. En outre, comme l'ont observé plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, il paraît plus respectueux du collège électoral et plus transparent de présenter, dès le premier tour d'une élection, sa candidature.

En revanche, contrairement à l'article L. 162 du code électoral applicable à l'élection des députés, aucun seuil de suffrages exprimés ne serait exigé pour maintenir sa candidature au second tour. La liberté de candidature au second tour, sous la seule réserve d'avoir été présent au premier tour, serait ainsi maintenue pour favoriser le pluralisme lors des élections sénatoriales.

*

* *

A l'issue de ses travaux, votre commission n'a pas adopté le projet de loi.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi déposé sur le Bureau du Sénat.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 285 du code électoral) - Abaissement de 1 000 à 800 du nombre d'habitants ouvrant droit à l'élection d'un délégué supplémentaire dans les communes de plus de 30 000 habitants

L'article 1 er du projet de loi modifie l'article L. 285 du code électoral, en vue de réduire de 1 000 à 800 le nombre d'habitants qui ouvre droit, dans les communes de plus de 30 000 habitants, à la désignation d'un délégué supplémentaire. Dans son premier alinéa, l'article L. 285 dispose que tous les conseillers municipaux sont délégués de droit dans les communes de 9 000 habitants et plus, tandis qu'il complète les conseillers municipaux, à titre de correctif démographique, par des délégués supplémentaire dans les communes de plus de 30 000 habitants, à raison actuellement d'un délégué par tranche de 1 000 habitants en sus de 30 000.

Votre rapporteur souligne que cet article 1 er est à comparer avec la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 relative à l'élection des sénateurs, avant sa censure par la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000. Adoptée définitivement par l'Assemblée nationale en dernière lecture, contre l'avis du Sénat, cette loi prévoyait, à titre de correctif démographique, la désignation d'un délégué supplémentaire par tranche de 300 habitants dans toutes les communes, faisant ainsi reposer la composition du collège électoral sénatorial sur des bases en réalité exclusivement démographiques.

Le Conseil constitutionnel a censuré cette modification des règles de désignation des délégués des conseils municipaux. Dans la mesure où le Sénat assure, en application de l'article 24 de la Constitution, la représentation des collectivités territoriales de la République, il a estimé que son corps électoral devait être « essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales » et devait notamment refléter la « diversité » des communes. Le Conseil a ajouté que les délégués supplémentaires ne pouvaient participer au collège électoral qu'à titre de « correction démographique », sans pouvoir constituer « une part substantielle, voire, dans certains départements, majoritaire du collège des électeurs sénatoriaux ». Aussi le Conseil a-t-il censuré le mécanisme des tranches de 300 habitants, qui aboutissait à une part trop importante de délégués supplémentaires dans le collège 15 ( * ) et à un problème de représentation des différentes catégories de communes.

Extraits de la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-431 DC
du 6 juillet 2000 sur la loi relative à l'élection des sénateurs

[...]

« 2. Considérant que le 1° de l'article 2 de la loi déférée a pour objet de modifier l'article L. 284 du code électoral en substituant à ses six premiers alinéas les dispositions suivantes : "Les conseils municipaux désignent un nombre de délégués déterminé en fonction de la population des communes, à raison d'un délégué pour 300 habitants ou une fraction de ce nombre. Le Conseil de Paris élit un nombre de délégués égal à dix fois son effectif.

"Lorsque le nombre de délégués est inférieur ou égal à l'effectif du conseil municipal, les délégués sont élus au sein de ce conseil.

"Lorsque le nombre de délégués est supérieur à l'effectif du conseil municipal, les membres de ce conseil sont délégués de droit, les autres délégués étant élus dans les conditions fixées à l'article L. 289. ;

3. Considérant que les requérants soutiennent que cet article serait, à plusieurs titres, contraire à l'article 24 de la Constitution ; qu'ils exposent en premier lieu que la loi n'assurerait plus correctement la représentation des collectivités territoriales de la République ; que "l'abaissement à 300 habitants du seuil pour désigner les délégués des communes bouleverse complètement la représentation des collectivités territoriales : les petites communes sont écrasées tout comme les départements et les régions" ; que le seuil de 300 habitants leur apparaît arbitraire et n'est justifié, à leurs yeux, par aucun autre argument que celui de la démographie ; qu'ils allèguent en deuxième lieu que la loi ne respecterait pas la règle de l'élection des sénateurs au suffrage indirect, car "les élus du suffrage universel deviennent souvent minoritaires au sein du collège des grands électeurs sénatoriaux" ;

4. Considérant que l'article 3 de la Constitution dispose, dans son premier alinéa, que "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum" ; que le même article dispose, dans son troisième alinéa, que "Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret" ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution : "Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat" ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 24 de la Constitution que le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités ; que, par suite, ce corps électoral doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; que toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées ; qu'en outre, la représentation des communes doit refléter leur diversité ; qu'enfin, pour respecter le principe d'égalité devant le suffrage résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 3 de la Constitution , la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes doit tenir compte de la population qui y réside ;

6. Considérant, en conséquence, que, si le nombre des délégués d'un conseil municipal doit être fonction de la population de la commune et si, dans les communes les plus peuplées, des délégués supplémentaires, choisis en-dehors du conseil municipal, peuvent être élus par lui pour le représenter, c'est à la condition que la participation de ces derniers au collège sénatorial conserve un caractère de correction démographique ; que l'application des dispositions en vigueur de l'article L. 285 du code électoral ne remet pas en cause les principes sus-énoncés ;

7. Considérant, en revanche, qu'en application des dispositions du 1° de l'article 2 de la loi déférée, des délégués, choisis nécessairement en dehors du conseil municipal, seront désignés, à raison d'un délégué supplémentaire pour 300 habitants ou fraction de ce nombre, lorsque le nombre de délégués sera supérieur à l'effectif du conseil municipal ; que, dès lors, ces délégués supplémentaires constitueront une part substantielle, voire, dans certains départements, majoritaire du collège des électeurs sénatoriaux ; que leur participation à l'élection des sénateurs sera d'autant plus déterminante que l'article 10 de la loi examinée étend à de nombreux départements l'élection des sénateurs au scrutin proportionnel ;

8. Considérant que l'importance ainsi donnée par la loi déférée aux délégués supplémentaires des conseils municipaux au sein des collèges électoraux irait au-delà de la simple correction démographique ; que seraient ainsi méconnus les principes sus-énoncés ;

9. Considérant qu'il y a lieu en conséquence de déclarer contraires à la Constitution les dispositions des deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 2, et, par voie de conséquence, celles du I de l'article 23 ; [...] »

Au regard de la décision du 6 juillet 2000, le présent projet de loi fait preuve, selon votre rapporteur, d'une grande prudence, afin d' éviter tout risque de censure par le Conseil constitutionnel . Comme le détaille l'étude d'impact, le choix de la tranche de 800 habitants au lieu de 1 000 habitants, dans les seules communes de plus de 30 000 habitants comme actuellement, ne conduit pas à ce que les délégués supplémentaires constitue une « part substantielle » du collège électoral sénatorial au niveau national, ni une « part majoritaire » au niveau de chaque département. En effet, élaboré à l'aide de cinq simulations que le Gouvernement a bien voulu communiquer à votre rapporteur, le projet de loi ne conduit pas à dépasser le seuil de 30 % de délégués supplémentaires dans l'ensemble des délégués des conseils municipaux, ni le seuil de 50 % au niveau de chaque département, à l'exception du cas particulier de Paris, ces deux seuils étant cumulatifs. Les hypothèses conduisant au dépassement de ces deux seuils ou l'un seul de ces deux seuils ont été écartées.

Le passage d'une tranche de 1 000 à une tranche de 800 habitants conduit néanmoins à une meilleure représentation de la population des villes, des communes les plus peuplées et des zones urbaines dans le collège électoral sénatorial , sans aller au-delà de la « simple correction démographique ». Ainsi que l'indique l'étude d'impact, les communes de plus de 100 000 habitants, qui représentent 15,06 % de la population, passeraient de 7,34 % à 8,58 % du nombre des délégués des conseils municipaux au sein du collège, tandis que les communes de 30 000 à 100 000 habitants, qui représentent 16,40 % de la population, passeraient de 8,95 % à 9,42 % du nombre de ces délégués. Dans ces proportions, cette meilleure représentation des grandes villes ne se réalise pas au détriment des petites communes, qui doivent aussi être représentées, de façon à ce que le collège électoral reflète bien la « diversité » des communes.

Actuellement, selon l'étude d'impact, le collège électoral sénatorial comprend 151 458 délégués des conseils municipaux, dont 91,70 % sont des conseillers municipaux et devrait comprendre, avec l'abaissement du seuil de 1 000 à 800 habitants pour l'attribution de chaque délégué supplémentaire, 154 633 délégués, dont 89,82 % seraient des conseillers municipaux. La part des délégués supplémentaires, qui seraient environ 3 000 de plus, passerait de 8,3 % à 10,18 % du collège électoral. Le seuil de 30 % ne serait pas atteint. Les départements comportant la plus grande part de délégués supplémentaires, sans dépasser toutefois le seuil de 50 %, seraient les Bouches-du-Rhône, avec 37,8 %, les Hauts-de-Seine, avec 35,1 %, la Réunion, avec 34,9 % et la Seine-Saint-Denis, avec 30,2 %, le Gouvernement s'étant fixé le principe de ne pas dépasser le seuil de 40 %.

Aucune autre modification n'est apportée à la composition du collège électoral sénatorial par le projet de loi, ni quant à la participation des députés , qui ne sont des représentants de la Nation 16 ( * ) et non des représentants des collectivités territoriales, ni quant à l'éventuelle désignation de délégués supplémentaires par les conseils régionaux et généraux , afin d'accroître la représentation des régions et des départements par rapport aux communes.

Votre rapporteur s'était interrogé sur le manque de linéarité dans la progression du nombre d'habitants par délégué dans les communes en-deçà de 30 000 habitants , tel qu'il apparaît dans l'étude d'impact, relevant par exemple que l'on comptait 422 habitants par délégué dans les communes de 2 500 à 3 499 habitants, avant de tomber à 277 dans les communes de 3 500 à 4 999 habitants, puis 440 dans les communes de 5 000 à 8 999 habitants, avant de tomber encore à 328 dans les communes de 9 000 à 9 999 habitants, pour retrouver enfin 421 dans les communes de 10 000 à 19 999 habitants. Ces « décrochages » résultent du mode d'attribution des délégués : il dépend du nombre de conseillers municipaux et non directement du nombre d'habitants dans les communes de moins de 9 000 habitants, tandis que tous les conseillers municipaux sont délégués dans les communes de 9 000 à 30 000 habitants. L'effectif des conseillers municipaux est fixé par strate démographique par l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales. Sauf à refondre entièrement le mode d'attribution des délégués, en fonction directe de la population et plus de l'effectif du conseil municipal, ce qui peut en changer quelque peu la nature au regard de la mission constitutionnelle du Sénat, il n'est guère envisageable de résorber ces « décrochages ».

Composition actuelle du collège électoral sénatorial

Membres du collège électoral

Nombre

Proportion

Députés

577

0,4 %

Conseillers régionaux

1 880

1,2 %

Conseillers généraux

4 052

2,6 %

Élus non municipaux ultramarins 17 ( * )

192

0,1 %

Délégués des conseils municipaux

151 458

95,8 %

dont conseillers municipaux

138 889

87,8 %

dont délégués supplémentaires

12 569

7,9 %

Total

158159

100 %

Source : Ministère de l'Intérieur

La Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique (CRDVP) 18 ( * ) , présidée par l'ancien Premier ministre Lionel Jospin 19 ( * ) et chargée de réfléchir notamment à l'évolution du mode de scrutin du Sénat, avait préconisé de faire évoluer ce mode de scrutin en vue d'assurer une « juste représentation des différentes collectivités territoriales », au profit des communes urbaines, estimant que le mode de scrutin actuel « favorise à l'excès la représentation de communes rurales faiblement peuplées », alors que la France se trouve « désormais très majoritairement urbaine ». La CRDVP avait même affirmé que ce mode de scrutin constituait une « méconnaissance du principe d'égalité devant le suffrage », affirmation qui mérite d'être nuancée au regard de la mission constitutionnelle de représentation des collectivités, telle qu'elle a été explicitée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 juillet 2000, qui a pris soin de préciser que, « pour respecter le principe d'égalité devant le suffrage résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 3 de la Constitution, la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes doit tenir compte de la population qui y réside ».

Ainsi, la CRDVP avait proposé que « les voix exprimées par les élus des communes les plus peuplées ainsi que par les conseillers régionaux et par les conseillers généraux soient affectées d'une pondération renforçant leur poids dans l'élection des sénateurs : chaque vote serait affecté d'un coefficient de 1 à 15 ». Cette proposition permettrait de supprimer le mécanisme actuel des délégués supplémentaires dans les communes, aboutissant ainsi à un corps électoral uniquement composé d'élus, assurant une meilleure prise en compte du critère démographique ainsi que des régions et des départements 20 ( * ) .

Selon l'étude d'impact, le vote « pondéré » proposé par la CRDVP aurait présenté « d'importants risques juridiques », au regard notamment du principe constitutionnel d'égalité devant le suffrage des électeurs sénatoriaux.

Article 2 (art. L. 294 du code électoral) - Application du scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour l'élection des sénateurs

L'article 2 modifie l'article L. 294 du code électoral qui détermine les départements au sein desquels l'élection du ou des sénateurs a lieu au scrutin majoritaire uninominal à deux tours . Actuellement, les départements où s'applique un tel mode de scrutin sont ceux comportant au maximum trois sièges de sénateurs, ce qui est le cas de 71 départements (auxquels il convient d'ajouter 6 collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie).

Ce seuil a été modifié à de multiples reprise depuis une douzaine d'années . Ainsi, de 1958 à 2000, le nombre de sièges jusqu'auquel le scrutin majoritaire s'appliquait était de quatre, ce qui intéressait la quasi-totalité des circonscriptions. Lors de l'examen de la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000, votre commission était d'ailleurs convenue d'abaisser ce seuil pour, selon les termes de notre ancien collègue Paul Girod, alors rapporteur de votre commission, « parvenir à un équilibre réel entre les deux modes de scrutin, de nature à mieux fonder leur pluralité ». La loi, adoptée définitivement par l'Assemblée nationale, avait cependant retenu le seuil de deux. La loi n° 2004-404 du 10 mai 2004 est revenue sur ce choix en le fixant à trois. Le présent projet de loi propose de rétablir le seuil fixé l'article 9 de la loi du 10 juillet 2000 et dont le Conseil constitutionnel avait admis implicitement la constitutionnalité.

Cet abaissement du seuil relatif à l'élection des sénateurs au scrutin majoritaire a pour effet mécanique d'étendre le scrutin à la représentation proportionnelle, ce qu'effectue logiquement l'article 3 du projet de loi.

Lors de leur audition par votre rapporteur des représentants du ministère de l'Intérieur, ces derniers ont rappelé la double motivation du Gouvernement, exposée dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, pour présenter cette mesure.

Il s'agit, en premier lieu, de favoriser la parité au sein de notre assemblée en étendant le scrutin à la représentation proportionnelle qui, du fait du scrutin de liste « bloquée » et de l'obligation de présenter une liste alternant un candidat de chaque sexe, est plus favorable à une représentation plus équilibrée de sexes au sein de notre assemblée. Le lien entre scrutin à la représentation proportionnelle et féminisation de la composition du Sénat s'est vérifié depuis l'instauration de l'obligation de présentation de listes « paritaires » en 2000.

L'extension du champ de la représentation proportionnelle, mode de scrutin plus favorable à la parité, apparaît d'autant plus cruciale que, pour la première fois, le renouvellement partiel de 2011 a marqué une réduction du nombre de sénatrices siégeant au sein de notre assemblée alors que la tendance avait été jusqu'à présent constamment à la hausse. Dans son étude d'impact, le Gouvernement avance que « lors du renouvellement de la série 1 en 2011, si une proportion de femmes de 34,8% avaient été élues dans les départements à 3 sénateurs, au même titre que dans les départements à 4 sénateurs et plus qui appliquent le scrutin de liste proportionnel, 3 femmes supplémentaires auraient obtenu un siège au Sénat sur un total de 170 sénateurs nouvellement élus ».

En second lieu, la réduction du champ d'application du scrutin majoritaire et l'extension parallèle de celui du scrutin à la représentation proportionnelle vise à favoriser la meilleure représentation des courants politiques au Sénat . En effet, l'application du scrutin majoritaire peut conduire à ce qu'une seule sensibilité politique remporte l'ensemble des sièges d'un département, là où le scrutin à la représentation proportionnelle assure généralement l'élection de deux voire trois sensibilités politiques différentes au sein d'une circonscription. Dans cette perspective, votre rapporteur estime que l'abaissement du seuil pour l'application du scrutin majoritaire pourrait se traduire par un renforcement du pluralisme sénatorial. Il convient néanmoins de relever que le caractère uninominal du scrutin majoritaire favorise, au sein des départements élisant jusqu'à trois sénateurs, un vote des grands électeurs fondé principalement sur le facteur personnel et la proximité avec le candidat. Ceci explique en partie que, sur 25 départements pourvus de trois sièges de sénateurs, 9 comptent, parmi les trois sénateurs, un sénateur qui appartient au bord politique inverse à celui de ses deux collègues.

Article 3 (art. L. 295 du code électoral) - Application du scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un tour pour l'élection des sénateurs

Constituant le symétrique de l'article 2 du projet de loi, l'article 3 modifie l'article L. 295 du code électoral qui détermine les départements au sein desquels l'élection des sénateurs a lieu à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne sans panachage, ni vote préférentiel.

Pour mémoire, en application de l'article 14 de l'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959 qui renvoie à l'article L. 295 du code électoral, les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus suivant ce mode de scrutin.

Dans la mesure où votre commission a adopté l'abandon du scrutin majoritaire pour les départements élisant trois sénateurs, elle a adopté par cohérence le présent article qui étend le scrutin à la représentation proportionnelle dans ces mêmes départements.

Article 4 (art. L. 439 du code électoral) - Extension aux collectivité situées outre-mer régies par le principe de spécialiste législative

L'article 4 étend en Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie l'application du présent projet de loi à ces collectivités régies par le principe de spécialité législative qui requiert, pour l'application des lois, une mention expresse à cette fin 21 ( * ) .

L'application des dispositions législatives ordinaires du livre II ème du code électoral assurée dans ces collectivités par un renvoi de l'article L. 439 du code électoral prendrait ainsi en compte les modifications apportées par le présent projet de loi.

Néanmoins, les modifications introduites par les articles 2 et 3 du projet de loi aux articles L. 294 et L. 295 sur l'application du mode de scrutin aux circonscriptions comptant trois sénateurs n'auraient pas d'effet direct dans ces collectivités qui ne comptent qu'un ou deux sénateurs. En outre, les modifications introduites par l'article 1 er et relatives aux délégués des conseils municipaux ne trouveraient pas d'application aux îles Wallis et Futuna qui ne comptent pas de communes.

*

* *

A l'issue de ses travaux, votre commission n'a pas adopté le projet de loi.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi déposé sur le Bureau du Sénat.

EXAMEN EN COMMISSION

Le mercredi 24 avril 2013

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Lors de notre dernière réunion, je vous avais fait part d'une lettre du Premier ministre engageant pour l'examen du projet de loi sur l'élection des sénateurs, la procédure accélérée. Par un autre courrier adressé au président du Sénat, il confirme la position exprimée par la ministre des relations avec le Parlement en conférence des présidents : le Gouvernement renonce à faire usage de cette procédure.

EXAMEN DU RAPPORT

M . Philippe Kaltenbach, rapporteur . - Notre commission est très attachée au bicamérisme qui se justifie notamment par une représentation différente de la Nation au sein des deux assemblées. L'égalité devant le suffrage énoncée à l'article 3 de la Constitution doit se concilier avec la fonction de représentation des collectivités territoriales confiée au Sénat par son article 24. La réforme qui nous est proposée ne remet pas en cause le mode d'élection des sénateurs - par moitié et au suffrage universel indirect - mais, s'inspirant des travaux de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, il apporte sur deux points des modifications relevant de la loi ordinaire. Il prévoit ainsi de réintroduire le scrutin proportionnel dans les départements élisant au moins trois sénateurs et de modifier la composition du collège des grands électeurs. Quant aux sénateurs représentant les Français établis hors de France, ils sont concernés par un autre texte, en cours de discussion au sein du Parlement.

Le Sénat est élu au suffrage universel depuis la III ème République. Il a été dès l'origine le « grand conseil des communes de France » comme le nommait Gambetta, avec un délégué par commune, quelque soit la taille de celle-ci, avant que la loi de 1884 ne fasse varier - de 2 à 30 - le nombre de délégués en fonction du nombre de conseillers municipaux. La IV ème République a maintenu le principe du double mode de scrutin ainsi que la stabilité du collège électoral. Sous la V ème République, le seuil du scrutin proportionnel initialement fixé à 5 a été abaissé, en 2000, à 3 avant de remonter à 4 en 2004. Ce mode d'élection favorise la parité puisqu'il aboutit à l'élection de 38%  de femmes contre 17% pour le scrutin majoritaire.

Le texte ajoute ainsi 3 125 délégués supplémentaires pour les communes de plus de 30 000 habitants, augmentation très relative dans un collège total de plus de 151 000 délégués des conseils municipaux... Une telle réforme respecte la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000, selon laquelle les électeurs sénatoriaux doivent essentiellement être titulaires d'un mandat local. Tel est l'objet de l'article 1 er du projet de loi. L'article 2 prévoit l'abaissement à trois sièges du seuil d'application du scrutin proportionnel. Le nombre des sénateurs élus selon ce mode de scrutin passerait de 50 à 75%. Ce texte vise à mieux assurer l'égalité devant le suffrage en apportant des corrections somme toutes limitées.

Mme Laurence Cohen , rapporteure de la délégation au droit des femmes et à l'égalité des chances ente les hommes et les femmes . - Le Sénat est longtemps demeuré masculin : à la veille du renouvellement de 2001, on ne comptait encore que 20 sénatrices pour 321 sièges, à peine 6,5 %. Grâce aux obligations de parité prévues par la loi du 6 juin 2000, leur nombre a été multiplié par quatre puisqu'à la veille du renouvellement de 2011 on comptait 80 sénatrices, occupant 23,3 % des 343 sièges. Avec la même efficacité, cette loi a permis aux femmes de représenter 48% des membres des conseils régionaux, 48,5% des membres des conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants et 44,4% de notre représentation au Parlement européen. En 2001 et 2008, période au cours de laquelle le Sénat a été entièrement renouvelé, 61 sénatrices ont été élues au scrutin proportionnel contre seulement 10 au scrutin majoritaire.

Si les élections sénatoriales de 2011 ont confirmé le rôle déterminant du scrutin proportionnel dans la progression de la parité, le nombre de femmes au Sénat a enregistré un léger tassement, de 80 à 77. Un nouvel élan est donc nécessaire pour reprendre le chemin d'une parité effective. Le projet de loi peut-il y contribuer ?

Nous sommes favorables à l'abaissement à trois sièges du seuil du scrutin proportionnel : ceci devrait avoir un effet positif sur le nombre des sénatrices. Sa portée sera cependant très limitée si les têtes de listes continuent à être presque toujours des hommes et si des listes dissidentes sont formées pour contourner la parité. Dans les départements comportant trois sièges, ces deux facteurs pourraient même jouer un rôle déterminant. Comment renforcer les effets de cette timide réforme ? Fallait-il aller plus loin et recommander d'abaisser à deux sièges le seuil de la proportionnelle ? Avant de nous prononcer, nous demandons une étude sur l'impact de la mesure sur la parité et la diversité politique - car les responsables des partis politiques sont inquiets...

Avec la réforme, 93 sénateurs continueront d'être élus au scrutin majoritaire, y compris outre-mer. Nous ne devons pas nous résigner à ce que ceux-ci soient dispensés de toute obligation paritaire. Aussi notre recommandation n°4 suggère-t-elle que dans ce cas, le candidat et son remplaçant soient de sexes différents.

Notre recommandation n°5 porte sur le remplacement, à l'occasion d'une prochaine révision de la Constitution, du verbe « favorise » par « garantit » dans la fameuse formule relative à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux.

Quant à la recommandation n°1, elle a une portée symbolique. Il s'agit, dans l'intitulé de ce texte dont l'objectif est de favoriser l'accès des femmes au mandat sénatorial, de réparer le regrettable oubli des sénatrices après les mots « l'élection des sénateurs ».

A propos de l'augmentation le nombre de délégués supplémentaires représentant les communes de plus de 30 000 habitants, l'étude d'impact indique - naïvement ! - que « l'obligation de parité ne s'impose pas dans la désignation des délégués supplémentaires ». Il faut y remédier. Ce sera d'autant plus facile que nombre de délégués composant le collège sénatorial sont élus au scrutin de liste.

La composition paritaire de ce collège ne suffira évidemment pas à garantir l'élection d'un plus grand nombre de candidates, elle pourrait en revanche avoir un effet dissuasif sur le dépôt des listes dissidentes conçues pour contourner la parité. Le ministère de l'intérieur ne disposant pas, de façon étonnante, de données genrées sur la composition du collège sénatorial...

Mme Jacqueline Gourault . - Vous voulez dire sexuées ?

Mme Laurence Cohen . - Notre recommandation n°6 vise à ce que ces informations soient systématiquement collationnées à l'issue de chaque élection sénatoriale. Pour l'heure, faute de données précises, nous en sommes réduits aux conjectures.

Le nombre des délégués supplémentaires dans les communes de plus de 30 000 habitants devrait passer de 12 569 à 15 744. Il est anormal que leur élection ne prévoie aucune obligation de parité et la recommandation n°7 tend à y remédier.

Notre recommandation n°8 concerne les partis politiques, lesquels doivent veiller à une stricte parité dans la désignation des têtes de liste qui se réclament d'eux. Leur bonne volonté est très inégale. Rappelons-les à la responsabilité qui leur est confiée par l'article 4 de la Constitution.

Faut-il étendre aux élections sénatoriales les pénalités financières applicables aux élections législatives ? Refuser d'enregistrer des listes, comme aux élections régionales, si la parité des têtes de liste n'est pas respectée au plan national ? Il faudra en débattre à l'occasion de prochaines réformes et notamment celle, envisagée par la commission Jospin, de la modulation de l'aide financière aux partis politiques. Enfin, des avancées en matière de statut de l'élu devraient faciliter l'exercice de leur mandat par les femmes comme par les hommes.

Lorsque l'on travaille sur la parité, on travaille sur le partage des pouvoirs et comme le dit Réjane Sénac, politologue et chercheure au CNRS : « Questionner le pouvoir, c'est aussi questionner toutes les autres inégalités ».

M. Jean-Jacques Hyest . - On l'a vu lorsque le seuil du scrutin proportionnel a été abaissé à 3 en 2000, les résultats attendus ne se produisent pas forcément...

Certes, le scrutin proportionnel s'appliquait initialement à partir de 5 sièges -sauf en Ile-de-France - puis de 3, et à nouveau 4 quand nous étions aux affaires. Nous sommes pour notre part opposés à un seuil à 3 sièges.

Malgré les grandes ambitions de la commission Jospin, le Gouvernement a préféré jouer la prudence, en raison d'une décision très claire du Conseil constitutionnel sur la représentation démographique et celle des collectivités. Le présent texte aura un réel effet dans quelques départements comptant une grande métropole ; en Seine-et-Marne, il n'ajoutera que 8 délégués sur un total de 2 800.

Madame le rapporteur de la délégation, ne faudrait-il pas préférer le terme « sexué » à celui de « genré » ?

Mme Laurence Cohen, rapporteure . - Il faut savoir bousculer les choses.

M. Jean-Jacques Hyest . - Mais sans excès... Le scrutin proportionnel n'apporte pas toujours la parité. Lors du dernier renouvellement, seuls 39 sièges sur 112 sont ainsi revenus à des femmes. J'entends vos propos sur les têtes de listes mais tant que les élections s'inscriront dans un cadre départemental, il sera difficile de faire autrement.

Dans l'hypothèse d'un abaissement du seuil à deux sièges, il faudra 66% des voix pour remporter les deux. Dans cette configuration, on donne un siège à chacun des deux grands partis politiques. Pourquoi organiser encore des élections ?

Ramener le seuil à 3 s'accompagnera pendant une période transitoire d'une multiplication des listes dissidentes menées par des sénateurs sortants estimant ne pas avoir démérité. En fait, plus on abaisse le seuil, moins la parité est assurée. On a modifié le mode d'élection du conseil général, on s'apprête à modifier celui du Sénat, j'attends de voir l'introduction du scrutin proportionnel pour les élections législatives - et le nouveau découpage...

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas une modification du mode de scrutin qui fera l'adhésion à une politique.

Mme Jacqueline Gourault . - On l'a vu aux élections régionales.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je pense que la dernière phrase de M. Hyest peut mettre toute le monde d'accord...

M. Pierre-Yves Collombat . - On nous qualifie d'anomalie, on veut nous mettre en binôme avec le Conseil économique, social et environnemental, on tend maintenant à restreindre la part des ruraux... Car plus la parité est respectée, moins les territoires ruraux sont représentés. L'abaissement du seuil du scrutin proportionnel à 3 sièges me semble plutôt positif. Les évolutions démographiques sont toujours traduites avec retard dans le nombre de sièges attribués à chaque département. Dans l'ancien mode de scrutin, avec plus d'un million d'habitants, le Var ne disposait ainsi que de trois sénateurs. Quant aux effets politiques d'une telle modification, ils sont incalculables, en témoigne la dernière reforme qui devait défavoriser la gauche.

L'augmentation du nombre de délégués aurait pour effet d'amenuiser encore ce qui reste du poids politique des territoires ruraux. Alors que le Sénat est censé représenter les collectivités territoriales, les nouveaux délégués n'auront aucune idée du fonctionnement de celles-ci. Je concède toutefois qu'avec 3 000 délégués supplémentaires sur un total d'environ 155 000 cette modification ne changera pas grand-chose. Je ne suis pas encore décidé.

M. Alain Richard . - Quelques observations pour soutenir ce projet de loi. A ceux qui prétendent que l'abaissement du seuil favoriserait les listes des partis, je rappelle que dans la vraie vie, lorsque l'enjeu se concentre sur trois sièges, aucune liste ne peut se permettre de comporter des personnalités qui n'attireraient pas les suffrages des grands électeurs.

En revanche, l'allocation des sièges entre les départements n'est à l'évidence - le Conseil constitutionnel l'admet - pas conforme à leur poids démographique respectif. La Creuse et Paris sont surreprésentés ; malgré l'institution de députés des Français de l'étranger, nos compatriotes élisent toujours douze sénateurs, contre sept pour un département très peuplé.

Pour améliorer la représentativité démographique du collège électoral, il y a beaucoup de travail ! Une commune de moins de 3 500 habitants a 7 délégués, une commune de 3 501 habitants 15. Entre 3 500 et 9 000, elles en ont toutes le même nombre. Il est multiplié par deux dès que l'on franchit le plafond de 9 000 habitants. Comment faire, sinon réduire le nombre des électeurs ? Et avec quel effet politique ? Il y aura donc un consensus républicain pour ne toucher à rien.

Une question intéressante a été soulevée par la commission Jospin : près de 97% des grands électeurs sont aujourd'hui des représentants des communes. Or le Conseil constitutionnel a rappelé que le Sénat est le représentant de toutes les collectivités territoriales. Il faudrait que le département et la région soient, au regard de leur rôle dans la vie territoriale, mieux représentés.

Contrairement à M. Hyest, il me semble que la décision du Conseil constitutionnel de 2000 n'est pas tout à fait claire. Il s'est borné à censurer une augmentation du nombre de délégués non élus mais n'a pas indiqué si la part substantielle d'élus locaux qu'elle exige au sein du collège électoral s'apprécie au niveau du collège ou des représentants de chaque catégorie de collectivités territoriales. Une chose est certaine à mes yeux : il n'accepterait pas que cinq représentants sur six ne soient pas des élus.

M. Jean-Jacques Hyest . - Je parlais des communes !

M. Alain Richard . - Si l'on recherche une meilleure représentativité du collège, on est obligé de comparer la représentation non seulement des différentes communes mais aussi des différentes collectivités ! Il est dommage que le projet de loi n'aborde pas ce point.

M. Christian Favier . - Ces propositions ne changent que marginalement le mode de scrutin actuel. Pour notre part, nous sommes favorables au scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs ou plus, afin de promouvoir l'objectif de parité et d'assurer une meilleure représentation de l'opposition.

Pourquoi se limiter à un délégué par tranche de 800 habitants ? Nous sommes favorables à un collège électoral plus élargi. Je sais que le Conseil constitutionnel s'est montré défavorable à l'idée d'un délégué supplémentaire pour chaque tranche de 300 habitants, mais entre 300 et 800, il y a une marge. Les modifications proposées créent 3 175 délégués supplémentaires. Peut-on en connaître la répartition par département ?

M. Jean-Jacques Hyest . - Bonne question !

M. Christian Favier . - Les petites communes auront un délégué pour 300 à 400 habitants, les grandes villes un pour 3 000 à 4 000. On peut difficilement prétendre que la représentation du monde rural est affaiblie. Nous sommes favorables aux recommandations de la délégation aux droits des femmes sur la parité.

M. Michel Mercier . - Je remercie le rapporteur pour la présentation la plus anodine qu'il nous a faite de ce texte ! Pourtant, une loi électorale n'est jamais innocente, et celle-ci pas plus que les autres.

Son article 1 er prévoit l'élection d'un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants, et non plus 1 000, dans les communes de plus de 30 000 habitants. Il est impensable de voter cette disposition sans connaître les conséquences précises de la mesure. L'étude d'impact prévoit environ 3 000 délégués en plus, mais combien dans chaque département ?

Les délégués supplémentaires du Rhône passeraient de 600 à plus de 800, et représenteraient un quart du collège. Constitutionnellement, c'est contestable : en 2000, le Conseil constitutionnel a rappelé que le corps électoral devait être essentiellement composé de membres d'assemblées délibérantes des collectivités. Or désormais, les 800 délégués non élus locaux seraient en mesure d'élire deux sénateurs. Dans ces conditions, il faut arrêter de dire que les sénateurs représentent les collectivités territoriales ! Ils représenteront les cousins, les maîtresses, les copains des élus municipaux ...

M. Alain Richard . - Répartis entre les différentes familles politiques...

M. Gaëtan Gorce . - Nous avons entamé ce débat avec sérénité. Une loi électorale est en principe destinée à conforter la majorité en place, à en croire M. Hyest. Les majorités passées auraient toujours procédé ainsi. Ce texte ne serait donc qu'un échange de bons procédés. Mais je rappelle que nous agissons sous le contrôle de nos concitoyens : nous devons à ce titre répondre à leurs préoccupations.

L'élection sénatoriale présente d'abord un problème de lisibilité : elle échappe aux citoyens, qui ne se sentent guère concernés. Or le Sénat a presque les mêmes pouvoirs que l'Assemblée nationale, et représente les collectivités territoriales. Deuxième problème : le Conseil constitutionnel estime que le corps électoral doit être composé le plus possible d'élus locaux. Enfin, sa représentativité, qu'elle soit appréciée sous l'angle de la parité, des territoires ou sous l'angle politique, est souvent remise en cause. Concilier ces trois objectifs n'est pas chose aisée, mais c'est la démarche qui doit nous guider.

Les amendements que j'ai déposés défendent trois idées simples. D'abord, élire les électeurs sénatoriaux à l'occasion des élections municipales. Ils éliraient immédiatement ensuite les sénateurs pour un mandat de six ans. Les choses seraient ainsi rendues plus simples et plus claires et nos concitoyens seraient davantage associés à la désignation.

Deuxième idée : améliorer la représentativité du collège. Un délégué par tranche de 500 habitants me semblait plus indiqué pour représenter plus largement la population. Le Conseil constitutionnel a certes estimé qu'une telle mesure bouleverserait l'équilibre du collège. Mon amendement l'évoque donc pour la forme. La proposition d'Alain Richard, consistant à abaisser le nombre de délégués, est cohérente mais irait à l'encontre du souhait démocratique d'élargir la composition du collège.

Enfin, pour garantir la parité et une plus grande représentativité politique, les délégués des communes de plus de 1 000 habitants seraient élus au scrutin proportionnel intégral. Le cadre départemental n'est pas forcément le plus indiqué pour élire les sénateurs.

Une telle réforme serait plus compréhensible pour l'opinion, plus proche des préoccupations démocratiques, plus conforme à l'esprit que nous souhaiterions donner à nos institutions, dans une période de crise où nos concitoyens scrutent légitimement nos décisions.

M. Philippe Bas . - Je vois des intentions politiques derrière tout texte modifiant un mode de scrutin. Ce ne sont pas les modalités de celui-ci qui m'inquiètent, mais les questions de principe qu'il soulève. Avec le scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs ou plus, 75% des voix plus une seront nécessaire pour remporter les trois sièges. Je n'aime pas les systèmes qui ont pour effet de disperser la représentation des différentes familles politiques.

La parité n'est pas un objectif constitutionnel. Depuis les révisions constitutionnelles de 1999 et de 2008, la Constitution dispose que la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Le mot parité n'y figure pas, car ce serait une limitation apportée au principe de liberté du suffrage. Aujourd'hui, on tend à instaurer une égalité mathématique des Françaises et des Français dans les mandats publics. Faire progresser la mixité est un bon objectif. Faire progresser la parité partout, l'imposer scrutin par scrutin est en revanche contraire aux intentions du pouvoir constituant et témoigne d'un esprit un peu systématique.

Mme Esther Benbassa . - Bien sûr, cela ne presse pas, prenons tout notre temps...

M. Philippe Bas . - Les modifications apportées au collège électoral ne sont pas bien méchantes, mais j'ai été sensible aux arguments de Michel Mercier : l'étude d'impact ne donne que la moyenne nationale. Or la moyenne ne fait pas tout ! Au-delà d'un certain niveau, le nombre de grands électeurs non élus pose un problème constitutionnel. Le Conseil constitutionnel admet certes que l'on tienne compte du nombre d'habitants, mais jusqu'en 2000, tous les grands électeurs étaient des élus. Ce texte prolonge une tendance dangereuse qui gomme les spécificités du Sénat, sapant ainsi sa raison d'être. De plus, le jour où la composition du Sénat sera alignée sur celle de l'Assemblée nationale, nos territoires ruraux, déjà en souffrance, ne seront plus représentés, eux qui comptent pour 78% de nos territoires et 22% de la population.

Mme Virginie Klès . - Je partage l'avis de MM. Hyest et Richard : les conséquences des modifications des lois électorales sont largement imprévisibles.

Le système actuel compte une aberration, sans doute fruit de l'histoire : la catégorie des communes de 9 000 à 10 000 habitants qui n'existe que pour la désignation des grands électeurs. Je proposerai des amendements pour corriger ce point. L'exposé des motifs montre d'ailleurs cette aberration, en évoquant les communes de plus de 9 000 habitants, tandis que l'étude d'impact mentionne celles de moins de 10 000 habitants.

M. Jean-René Lecerf . - Cette réforme est une réformette. La proposition de loi déposée par Jean-Pierre Bel il y a quelques années réorganisait de façon bien plus pertinente le collège électoral, en proposant une meilleure représentation des départements et des régions. Mais si l'on reporte les élections départementales et régionales à 2015 et que l'on fige le collège électoral, il est difficile de se préoccuper de cet aspect avant 2014. Nous serons amenés à légiférer à nouveau très bientôt sur la modification du collège sénatorial.

Je n'aime pas l'expression de « liste dissidente » : elle laisse entendre qu'il y aurait de bonnes listes, estampillées par les partis politiques, et de mauvaises listes. J'ai moi-même mené une liste dissidente lors des dernières élections : elle respectait la parité, tandis que la liste officielle de mon parti, non...

Un mot sur le principe d'égalité : d'une part, j'ai du mal à expliquer aux habitants du Nord pourquoi ils ont moins de sénateurs que les Parisiens, bien moins nombreux. D'autre part, on voit des communes de 19 001 habitants, fusionnées sur le fondement de la loi Marcellin de 1971, avoir comme grands électeurs la totalité de leur conseil municipal, et donner 20 électeurs supplémentaires à la nouvelle commune. Il faudrait rectifier cela.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - Les bonnes listes sont celles élues par les électeurs...

Mme Cécile Cukierman . - Ce ne sont pas les modes de scrutin qui font et défont les majorités : ce sont les politiques menées. Les élections municipales n'ayant pas eu lieu, il est difficile, au vu du poids des délégués des conseils municipaux au sein du collège électoral, de faire la moindre projection d'après les modifications qu'apporte le texte. Ce texte ne défend aucune majorité sénatoriale, il renforce la démocratie et la parité, comme l'a dit Mme Cohen.

Les femmes ne sont pas une composante de la société : elles sont la société. La proposition de la délégation de modifier la rédaction de la Constitution sur la question de la parité est fondamentale : ce n'est pas un changement de mot, mais un changement d'optique, qui devrait nous éviter de rouvrir le débat lors des prochaines échéances électorales. La présence des femmes dans les assemblées doit également être encouragée par le statut de l'élu et l'organisation de nos travaux. En la matière, il reste beaucoup à faire.

Mme Esther Benbassa . - J'approuve les propos de Mme Cohen, et pas seulement parce que nous sommes du même département. La parité est un mot presque suranné, et il est curieux qu'il fasse encore l'objet de débats. Les femmes existent : élisons-les ! Il faut faire preuve de davantage de pédagogie, monter des ateliers, encourager les femmes à se présenter, car beaucoup d'entre elles sont, en politique, encore trop craintives. De plus, beaucoup n'ont pas les moyens d'assurer une campagne : la prise en charge de leurs comptes de campagne est une idée opportune.

Les personnes issues de la diversité ne sont pas non plus suffisamment représentées dans nos assemblées. Il ne s'agit pas d'instaurer des quotas, mais d'assurer une juste représentation à des personnes qui sont françaises depuis deux ou trois générations.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - J'entends souvent ici que le Sénat représente les collectivités territoriales, j'entends aussi de vibrants plaidoyers sur le rôle irremplaçable du département et celui, éminent, de la région.

M. Jean-Jacques Hyest . - Et demain, des métropoles !

M. Jean-Pierre Sueur, président . - Je regrette donc que l'on n'ait pas saisi cette occasion pour rééquilibrer la composition du corps électoral en faveur de ces derniers : délégués des départements et des régions ne comptent en effet que pour 4% du collège. Cela me semble anormal. La commission Jospin avait fait la proposition d'instaurer un vote plural...

M. Pierre-Yves Collombat . - Voilà une idée extraordinaire, presque géniale !

M. Jean-Pierre Sueur, président . - ... mais cela n'est pas dans nos traditions.

M. Jacques Mézard . - L'exposé des motifs ne fournit qu'une seule raison de modifier le mode de scrutin : la parité. Je rejoins ici les arguments constitutionnels de Philippe Bas. Si l'on veut poursuivre cet objectif à tout propos, autant changer la Constitution. La parité n'est toutefois qu'un prétexte, car on sait bien ce qui motive une assemblée politique. Cela étant, je m'attendais à bien pire.

M. Jean-Jacques Hyest . - Moi aussi.

M. Jacques Mézard . - Je suis opposé à la fabrication de délégués hors-sol par les départements et les régions. La recommandation n° 3 de la délégation aux droits des femmes évoque la nécessité d'une « étude d'impact circonstanciée sur les conséquences qu'aurait l'extension du scrutin proportionnel aux départements comportant deux sièges » : si vous voulez que le Sénat soit la copie de l'Assemblée nationale, mieux vaut supprimer le bicamérisme ! M. Jospin n'a-t-il pas dit que le Sénat était une « anomalie » ? Certaines propositions de la commission qu'il a présidée ne confortent guère notre assemblée, en effet.

M. Gaëtan Gorce . - Les radicaux y ont-ils toujours été favorables ?

M. Jacques Mézard . - Monsieur Gorce, si l'on s'engage sur l'histoire du parti socialiste, vous n'allez pas être déçu du voyage ! Permettez-moi de souligner toutefois que certaines de vos récentes observations sur votre parti sont frappées au coin du bon sens. Quant à M. Copé, je l'ai entendu proposer que l'on fusionne le Sénat avec le Conseil économique, social et environnemental. Notre assemblée pose des problèmes à d'éminents représentants de partis, toutes tendances confondues.

J'en reviens à la recommandation n° 3 : le jour où la proportionnelle sera instaurée pour deux sénateurs, ce ne sera plus la peine de convoquer les grands électeurs puisque les sièges iront l'un au candidat UMP, l'autre au candidat du PS. Ces deux partis n'auront qu'à se mettre d'accord sur lequel enverra une femme siéger. Le débat n'est certes pas fini, mais ce texte ne propose qu'un colmatage.

Le véritable enjeu, c'est la représentation de tous nos territoires. Beaucoup ici ignorent le sentiment d'abandon qui existe dans nos territoires ruraux. Considérer que les délégués régionaux, qui ne connaissent pas nos départements et que les habitants ne connaissent pas non plus, vont choisir nos sénateurs, c'est une drôle de conception de la démocratie.

D'aucuns défendent une représentation communautariste. Tant que mon parti aura ici des représentants, nous nous y opposerons farouchement, au nom des valeurs républicaines. Nous verrons comment ce texte évolue en séance publique, mais en l'état, nous ne pouvons y être favorables, et nous craignons que les amendements déposés ne le rendent plus détestable encore.

Mme Jacqueline Gourault . - Philippe Bas craint que le scrutin proportionnel à trois ne « disperse » les familles politiques. Le terme m'amuse. Je n'ai pas d'avis définitif sur la proportionnelle à trois ou à quatre, mais je suis généralement favorable aux scrutins qui donnent une certaine liberté politique, et qui ne font pas dépendre l'élection d'un sénateur des seuls UMP et PS. Le pluralisme nous tient tous à coeur. Notre ancien collègue, Alain Vasselle, y serait particulièrement attentif s'il faisait encore partie de notre assemblée.

Notre groupe a décidé de déposer un amendement qui va dans le même sens que la recommandation n° 4 de la délégation aux droits des femmes : faire en sorte que le remplaçant d'un candidat à une élection au scrutin majoritaire uninominal à deux tours soit de sexe différent. C'est déjà le cas pour les élections cantonales. Dans mon département, j'avais d'ailleurs eu l'idée de prendre une suppléante, ce que je n'ai finalement pas fait : cela aurait été trop choquant pour les hommes - notez qu'en sens inverse, ces derniers ne se posent jamais la question.

Il faut éviter de tomber dans un système électoral qui ressemblerait par trop à celui de l'Assemblée nationale, car le bicamérisme ne trouverait plus aucune justification. Représenter davantage les conseils généraux et les conseils régionaux, pourquoi pas ? Mais cela impose de limiter le cumul des mandats pour ne pas favoriser des exécutifs locaux qui auraient un électorat déjà acquis. Sinon, autant prévoir que les présidents de conseils généraux et régionaux sont tous sénateurs. On y repensera donc en 2017 si le non-cumul des mandats est instauré.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - J'ai bien compris que M. Hyest était favorable au scrutin proportionnel à quatre plutôt qu'à trois, et qu'il considérait que le Gouvernement la mettait en place pour favoriser son camp. J'en déduis que le camp de M. Hyest se considère favorisé avec le scrutin proportionnel à quatre. En matière de mode de scrutin, on ne sait jamais ce qui va arriver. Il y a à gauche une tradition favorable au scrutin proportionnel à trois, instauré sous le gouvernement de Lionel Jospin. Nous la remettons en place car nous sommes attachés à la parité et à la représentation de l'opposition au sein du département. J'inverserai l'affirmation de M. Bas : n'est-il pas choquant que 49% des électeurs ne soient pas représentés ? Lorsque le scrutin proportionnel a été instauré dans la Marne, trois sénateurs de la même famille politique ont été élus ; cela reste une exception. Le scrutin proportionnel introduit en principe davantage de diversité et c'est une bonne chose.

M. Collombat défend le monde rural. L'étude d'impact montre que malgré la réforme, il continuera à être largement représenté en termes de grands électeurs. Pour les petites communes, un grand électeur représentera 200 habitants, tandis que dans les grandes villes ce ratio sera abaissé de 1 pour 900 à 1 pour 750.

M. Pierre-Yves Collombat . - Les sénateurs représentent des collectivités territoriales, pas des grands électeurs !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - J'entends bien. Mais il faut équilibrer les deux logiques. Sinon, revenons-en à 1875 avec un délégué par commune ! L'UMP y serait sûrement favorable...

M. Michel Mercier . - C'est ainsi que Jules Ferry s'est fait élire !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - M. Richard s'interroge sur le nombre de sénateurs par département. Il y a en effet des incohérences, par exemple entre Paris et le Nord, ou entre le Cantal et l'Ariège. Mais il faut une loi organique pour modifier cela, qui pourra être déposée ultérieurement.

Il existe en outre des effets de seuil. Il est vrai que la tranche de 9 000 à 10 000 habitants constitue une incohérence. Le seuil de 9 000 existe depuis 1958, et celui de 10 000 semble antérieur à 1977, quoique nous n'en ayons pas encore trouvé l'origine.

La commission Jospin avait proposé un vote pondéré par la démographie des départements et des régions. Le gouvernement ne l'a pas suivi afin d'éviter tout risque de censure par le Conseil constitutionnel. La crainte de M. Richard n'est toutefois pas fondée. Le Conseil constitutionnel considère qu'il faut une part substantielle de grands électeurs élus au niveau national, voire majoritaire dans chaque département, ce qui est le cas aujourd'hui. Il considère le collège électoral comme un tout.

M. Alain Richard . - Nous n'en savons rien !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - On peut l'entendre comme cela.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - C'est l'interprétation que fait notre rapporteur de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - Le Conseil constitutionnel pourrait certes préciser ultérieurement si les grands électeurs élus doivent être majoritaires au niveau de chaque département. Notez qu'en 2000, le Conseil constitutionnel a validé le mode de scrutin en vigueur, or 30% des grands électeurs des Hauts-de-Seine et 33% de ceux des Bouches-du-Rhône n'étaient pas élus.

M. Alain Richard . - Et 90% à Paris !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - C'est l'exception. Monsieur Mercier, ne soyez donc pas inquiet que 25% des grands électeurs d'un même département ne soient pas élus. Je connais moins bien le Rhône que vous, mais à votre place, je serais davantage soucieux des conséquences de la mise en place de la métropole sur le collège électoral des sénateurs.

M. Michel Mercier . - On s'arrangera, ne vous inquiétez pas !

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - M. Gorce propose une modification très lourde. Peut-être faudrait-il inclure ses idées de réforme de nos institutions dans une réflexion plus large sur l'instauration d'une VI ème République.

M. Gaëtan Gorce . - Cette interprétation est celle du rapporteur...

M. Philippe Kaltenbach . - La loi relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires telle que votée par l'Assemblée nationale appelle des coordinations en matière de communes déléguées ou associées. Le gouvernement serait inspiré de les proposer dans le cadre de l'examen de ce projet de loi.

Sur la parité, tout a été dit, bien qu'il faille sans doute aller plus loin encore pour la défendre.

La modification du nombre de grands électeurs dans les communes de 5 000 à 10 000 habitants, ou dans celles de plus de 30 000 habitants, peut encore faire l'objet de débats. Sur ces questions éminemment politiques, les avis divergent. Ce texte mérite en tout cas d'être soutenu et voté par notre assemblée.

Mme Laurence Cohen, rapporteure de la délégation aux droits des femmes . - Cette discussion témoigne des résistances qui demeurent. Une révision de la Constitution s'impose pour non plus favoriser la parité, mais pour la garantir. Il nous faut inscrire au plus haut niveau ce principe d'égalité. M. Bas nous encourageait à la patience : voilà des siècles que les femmes en font preuve ! Il est temps de passer à la vitesse supérieure. S'il ne faut pas instrumentaliser la parité, nous ne devons pas non plus nous cacher derrière de faux prétextes : partager les pouvoirs entre les femmes et les hommes, voilà la démocratie.

Je suis d'accord avec Mme Gourault sur les remplaçants. Entre 2008 et 2011, cinq de nos collègues élus au scrutin majoritaire ont cédé leur siège à leurs remplaçants .... quatre hommes et une femme. Dans un contexte comparable, la règle que nous proposons ferait entrer au Sénat quatre femmes et un homme. Les têtes de listes sont majoritairement masculines. Et l'on a vu fleurir des listes dissidentes uniquement destinées à faire élire des hommes. Il n'est pas normal de contourner ainsi l'esprit de la loi : le scrutin proportionnel, qui favorise la parité et le pluralisme, rendra ces pratiques plus difficiles à mettre en oeuvre. Jusqu'où est-on prêt à la faire avancer ?

La délégation approuve cette proposition tout en la trouvant, comme tous les orateurs, timide.

M. Jean-Jacques Hyest . - Pas tous les orateurs !

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article additionnel avant l'article 1 er

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - J'ai entendu l'ensemble des présidents de groupe du Sénat. Si les clivages sont forts au sujet du mode de scrutin, un consensus est probable concernant les deux premiers amendements que je vous propose. L'amendement n° 1 aligne le régime du vote par procuration des délégués des conseils municipaux sur celui des conseillers généraux, régionaux et des députés. En cas de force majeure, ceux-ci établissent une procuration, tandis que ceux-là font appel à une liste de suppléants. Ce système a donné lieu à des difficultés, notamment en Lozère où l'élection du sénateur a été annulée en 2011. Pour simplifier la situation et éviter ce genre d'incident, avec cet amendement technique, les délégués des conseils municipaux pourront donner procuration à un membre du collège électoral, en cas d'empêchement majeur.

M. Jean-Jacques Hyest . - La seule élection obligatoire en France est l'élection sénatoriale. Ce moment solennel ne survient que tous les six ans. Si je comprends la difficulté que vous évoquez, j'ai peine à me résoudre à une mesure qui nuirait à l'engagement citoyen qui fait partie du mandat.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté .

L'amendement n° 2 est retiré.

M. Gaëtan Gorce. - Mes amendements ont été défendus par mon intervention générale sur mes propositions.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. - Je suggère le retrait de l'amendement n° 4 : compte-tenu de ses conséquences, il mériterait des débats plus approfondis.

L'amendement n° 4 n'est pas adopté.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - A un délégué pour 800 électeurs, nous sommes dans l'épure, et sans doute respectons-nous encore la jurisprudence du Conseil constitutionnel à un délégué pour 700. En descendant à 1 pour 500, certains départements urbains auraient plus de délégués, sans doute non élus, que d'élus locaux. Dans les Bouches-du-Rhône, la réforme va déjà faire passer à 37 % le nombre de grands électeurs non élus locaux. En fixant la tranche à 500 habitants, ils représenteraient certainement plus de la moitié du collège électoral dans ce département comme dans celui des Hauts-de-Seine. Avis défavorable.

M. Alain Richard . - Dans les petites communes, le nombre d'habitants représenté par les grands électeurs est de 500. L'amendement aurait cet effet inattendu que les villes, qui désignent des délégués supplémentaires en plus des conseillers municipaux seraient plus représentées que les communes rurales...

M. Gaëtan Gorce . - Je représenterai cet amendement en séance en supprimant la tranche de 500 habitants mais en maintenant le mode de désignation proposé.

L'amendement n° 5 n'est pas adopté.

Article 1 er

L'amendement n° 6 est retiré.

Article 2

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - L'amendement de suppression n° 7 revient sur la modification du mode de scrutin. Avis défavorable.

L'amendement n° 7 n'est pas adopté.

Article 3

L'amendement n° 8 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 3

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur . - L'amendement n° 3 met fin à une anomalie dans les départements où l'élection a lieu au scrutin majoritaire : une personne non candidate au premier tour peut l'être au second. Je n'ai pas pu trouver d'exemple récent... De surcroît, à partir de 2014, un compte de campagne sera obligatoire, ce qui peut être délicat à appliquer à un candidat déclaré entre les deux tours.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - Un archaïsme, sans nul doute.

M. Hugues Portelli . - Une tradition républicaine ?

L'amendement n° 3 est adopté .

Le projet de loi tel qu'il résulte des travaux de la commission n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - En conséquence, le débat en séance portera sur le texte du gouvernement, archaïsme inclus.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article(s) additionnel(s) avant Article 1er

M. KALTENBACH, rapporteur

1

Extension du vote par procuration aux délégués des conseils municipaux

Rejeté

M. KALTENBACH, rapporteur

2

Suppression de la désignation de délégués supplémentaires suppléants des conseils municipaux

Retiré

M. GORCE

4

Election directe des délégués des conseils municipaux

Rejeté

M. GORCE

5

Nombre et mode de désignation des délégués des conseils municipaux

Rejeté

Article 1 er
Abaissement de 1 000 à 800 du nombre d'habitants ouvrant droit à l'élection d'un délégué supplémentaire dans les communes de plus de 30 000 habitants

M. GORCE

6

Nombre de délégués supplémentaires des conseils municipaux

Retiré

Article 2

Application du scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour l'élection des sénateurs

M. ZOCCHETTO

7

Suppression

Rejeté

Article 3

Application du scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un tour pour l'élection des sénateurs

M. ZOCCHETTO

8

Suppression

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 3

M. KALTENBACH, rapporteur

3

Conditions de dépôt d'une déclaration de candidature au second tour

Adopté

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Groupes politiques du Sénat

- M. Jean-Pierre Caffet , vice-président du groupe socialiste

- M. Jean-Claude Gaudin , président du groupe union pour un mouvement populaire

- M. Jacques Mézard , président du groupe du rassemblement démocratique et social européen

- M. Jean-Vincent Placé , président du groupe Europe écologie les verts rattaché

- M. François Zocchetto , président du groupe de l'union centriste et républicaine

- M. Christian Favier , sénateur représentant le groupe communiste républicain et citoyen

- M. Philippe Adnot , délégué de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe

Ministère de l'Intérieur

- M. Yves Le Breton , adjoint au directeur de la modernisation et de l'action territoriale

- M. Marc Tschiggfrey , chef du bureau des élections et des études politiques


* 1 Rapport n° 427 (1998-1999) de M. Paul Girod, au nom de la commission des lois - juin 1999 - p. 1

* 2 En 1999, notre ancien collègue Paul Girod rappelait, lors de l'examen d'une précédente réforme du scrutin sénatorial, que « le Sénat a considéré que la transformation de la Haute Assemblée en " Assemblée nationale bis " [...] remettrait ni plus ni moins en cause l'intérêt du bicamérisme lui-même » (rapport n° 427, précité).

* 3 L'adoption de cette loi a permis l'adoption de la loi du 25 février 1875 relative à l'organisation des autres pouvoirs publics (présidence de la République, ministres, chambre des députés, Assemblée nationale).

* 4 L'Assemblée nationale était alors la réunion des deux chambres.

* 5 Sur les 116 sénateurs inamovibles, le dernier survivant, Emile de Marcère, siégea jusqu'à sa mort en 1918.

* 6 Au fur et à mesure des vacances de siège de sénateurs à vie, un tirage au sort permet d'attribuer le siège à un département qui peut y prétendre.

* 7 Le terme de sénateur, abandonné en 1946, sera rétabli dès 1948 au sein du Règlement du Conseil de la République, ses membres prenant habilement le nom de « sénateurs, membres du Conseil de la République ».

* 8 Le nombre de sièges par département s'effectue en fonction de tranches définies par la loi, à savoir un siège jusqu'à 151 000 habitants puis un siège par tranche supplémentaire de 250 000 habitants.

* 9 L'article 92 de la Constitution, abrogé par la révision constitutionnelle du 4 août 1995,prévoyait que, dans le délai de quatre mois suivant la promulgation de la Constitution, « le Gouvernement est autorisé à fixer par ordonnances ayant force de loi et prises en la même forme le régime électoral des assemblées prévues par la Constitution ».

* 10 Notre collègue Antoine Lefèvre a déposé, le 16 mai 2011, une proposition de loi en ce sens.

* 11 Notre collègue Jean-Louis Masson avait déposé, le 2 mai 2006, une proposition de loi étendant une telle mesure aux élections sénatoriales et tendant à prendre en compte le nombre d'élus et non simplement de candidats.

* 12 CC, 6 juillet 2000, n° 2000-431 DC.

* 13 Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé , s'agissant de l'élection de juges au sein des conseils de prud'hommes, que « l'attribution de voix supplémentaires à des électeurs employeurs en fonction du nombre des salariés qu'ils occupent est contraire au principe d'égalité devant la loi ainsi qu'à la règle de l'égalité du suffrage » (CC, 17 janvier 1979, n° 78-101 DC).

* 14 Pour l'éventuel second tour, l'article L. 305 du même code prévoit que le dépôt de candidature a lieu en préfecture « une demi-heure au moins avant l'heure fixée pour l'ouverture du scrutin ».

* 15 Les délégués supplémentaires auraient représenté 30 % des délégués des conseils municipaux, selon l'étude d'impact annexée au présent projet de loi. Cette proportion aurait été de 68 % sur l'ensemble des communes de plus de 30 000 habitants.

* 16 Le Conseil constitutionnel a ainsi rappelé que chaque député « représente au Parlement la Nation tout entière et non la population de sa circonscription d'élection » (CC, 15 février 2007, N° 2007-547 DC).

* 17 Cette catégorie regroupe les conseillers territoriaux de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, les membres de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, les membres de l'assemblée de la Polynésie français et les membres des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

* 18 Pour un renouveau démocratique , rapport de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie politique, novembre 2012. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/rapport_commission_rdvp.pdf

* 19 La loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 relative à l'élection des sénateurs, en partie censurée par le Conseil constitutionnel, avait été présentée par le Gouvernement de M. Lionel Jospin.

* 20 La CRDVP a recommandé que les communes disposent de 70 % du total des voix pondérées, les régions 15 % et les départements 15 %. Le vote pondéré s'appliquerait à partir des communes de plus de 5 000 habitants.

* 21 CE, Ass., 9 février 1990, Élections municipales de Lifou, n° 107400

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