E. LES FRAIS DE CONTENTIEUX, FACTEUR DE FRAGILITÉ DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER DU PROGRAMME

La défense de l'Etat et la protection juridique des fonctionnaires est une mission à fort enjeu pour l'équilibre du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », compte tenu du caractère difficilement prévisible des contentieux et des liens étroits de cette activité avec les événements de société.

La dotation de l'action n° 6 « Affaires juridiques et contentieuses » reste stable à 82 millions d'euros entre 2012 et 2013. Elle est principalement consacrée aux frais de contentieux et aux réparations civiles 36 ( * ) : 74,8 millions d'euros (en AE comme en CP), soit un montant lui aussi identique à celui de 2012.

Or, en 2012, cette dépense contentieuse devrait finalement atteindre la somme de 120 millions d'euros , selon les informations communiquées à votre rapporteure spéciale par le ministère de l'intérieur. Au cours des dernières années, ce poste de dépense a évolué à un rythme d'environ 12 % par an, tandis que l'enveloppe prévue pour couvrir ces frais demeurait inchangée.

Votre rapporteure spéciale s'inquiète donc, d'une part, du respect de l'autorisation budgétaire accordée sur l'exercice 2012 pour l'action n° 6 « Affaires juridiques et contentieuses » et, d'autre part, de la sous-évaluation manifeste de ce poste de dépense pour 2013 . Elle souligne que la traditionnelle sous-évaluation de ce poste ne doit plus avoir cours, et cela d'autant moins que sous l'empire de la LOLF les moyens alloués à cette action sont devenus limitatifs (et non plus évaluatifs comme auparavant).

A l'origine de la dynamique des frais de contentieux, plusieurs explications sont clairement identifiables.

Tout d'abord, les refus de concours de la force publique représentent une enveloppe évaluée à 60 millions d'euros pour 2011. La part des indemnisations amiables est en nette progression, les préfectures ayant été incitées à privilégier ce moyen d'indemnisation qui a pour avantage d'éviter les contentieux devant le juge administratif et, donc, le paiement des frais irrépétibles et celui des intérêts. La suppression de la décote exigée jusqu'alors pour conclure des transactions amiables a permis d'en accroître le nombre.

Une hypothèse raisonnable serait donc de retenir un montant d'indemnisation voisin de 65 millions d'euros pour 2012 et de 70 millions d'euros pour 2013, ces montants correspondant au taux de progression moyen constaté depuis 2006.

En outre, les frais liés au contentieux des étrangers s'appuient sur une enveloppe prévue de 10 millions d'euros pour 2013. Mais cette dépense enregistre une dynamique forte et on peut supposer que ce montant est, lui aussi, sous-évalué.

Enfin, après le contentieux relatif à la délivrance des passeports et des cartes nationales d'identité 37 ( * ) , un autre litige entre l'Etat et les communes vient grever le budget consacré à l'action n° 6 : le transfert illégal de la création des régies de recettes d'Etat pour l'encaissement par les agents de police municipale des amendes forfaitaires et consignations à la suite d'infractions au code de la route. Le dispositif mis en place par l'article 86 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 transfère cette mission aux communes pour l'avenir et prévoit une dotation forfaitaire qui permettra de solder définitivement ce dossier.

D'un montant de 0,5 euro par amende encaissée dans la limite de 9,87 millions d'euros , cette dotation est répartie entre les communes en fonction du nombre d'amendes qu'elles ont effectivement recouvrées entre 2008 et 2011. Le dispositif ne prévoyant pas d'ouverture de crédits, la charge est assumée sur les crédits contentieux du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

En vue de parvenir à une meilleure maîtrise des frais de contentieux, le ministère de l'intérieur s'est engagé, depuis plusieurs années, dans un programme visant à la mobilisation des acteurs de la dépense . Parmi les principales mesures mises en oeuvre, on peut notamment citer : l'assouplissement en 2009 des conditions de recours à la procédure de transaction amiable, l'élaboration d'outils de suivi et de prévision des consommations locales, la réalisation d'une étude sur les procédures de traitement des dossiers dans les préfectures, la mise en ligne d'une veille jurisprudentielle et d'une foire aux questions sur le thème des refus de concours de la force publique, le recensement des dossiers pouvant présenter un risque budgétaire pour l'Etat, ainsi que l'évaluation de l'encours des dossiers contentieux en matière de refus de concours.

En complément de ces différentes actions visant à une meilleure maîtrise des dépenses de contentieux, une analyse et une valorisation des pratiques observées dans certaines préfectures pourraient permettre de réduire le niveau global de la charge (notamment pour les dépenses liées au refus de concours de la force publique et aux droits des étrangers). A cet effet, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a demandé qu' une mission conjointe de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale des finances (IGF) soit menée afin de poursuivre l'effort de rationalisation de ces dépenses. Cette mission devrait rendre ses conclusions au premier semestre de l'année 2013.

Quoiqu'il en soit, votre rapporteure spéciale sera à nouveau attentive, en 2013, à l'évolution de ce poste de dépense qui fragilise l'équilibre financier d'ensemble du programme .


* 36 Ces frais de contentieux relèvent de l'engagement d'une responsabilité de l'Etat soit pour faute, soit sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques en cas de préjudice anormal et spécial. Ils concernent, notamment, l'indemnisation des bailleurs lorsque la force publique refuse son concours pour expulser des locataires.

* 37 Cf. Sénat, rapport spécial n° 107 (2011-2012) - tome III - annexe 2.

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