C. NE PAS OBLIGER LES ÉTATS MEMBRES À CRÉER UN « ORGANE DE CONTRÔLE » UNIQUE

Aux yeux de votre commission, l'organe de contrôle dont les propositions de directives entendent imposer la création s'avèrerait inutile, voire particulièrement dangereux .

Elle déplore ainsi que la Commission européenne ignore les traditions nationales en matière de contrôle de la commande publique. Ce constat est d'autant plus regrettable que des voies juridictionnelles -référés pré-contractuels et contractuels- ont été introduites dans les droits nationaux par transposition des directives européennes dites « recours » et qu'elles offrent ainsi aux acteurs économiques un moyen efficace et harmonisé au plan européen de faire sanctionner une éventuelle violation du droit de la commande publique.

Si l'intention de la Commission de prévenir les conflits d'intérêt est parfaitement louable, il semble néanmoins à votre commission que cet objectif peut être atteint par le biais des contrôles administratifs et juridictionnels déjà prévus par le droit français.

En outre, l'introduction d'un tel organe de contrôle ne manquerait pas de créer des perturbations fortes dans le paysage institutionnel français. D'ailleurs, son inspiration est davantage issue d'une tradition anglo-saxonne que continentale.

Votre commission estime, par ailleurs, qu'en l'état de la rédaction des propositions de directives, la création de l'organe de contrôle présente des risques avérés d'inconstitutionnalité qui peuvent être de trois ordres :

- l'organe de contrôle, autorité qui bien qu'indépendante n'en demeurerait pas moins administrative, conduirait, du fait de son pouvoir de surveillance des suites données par les décisions juridictionnelles aux renvois préjudiciels, à une atteinte à la séparation des pouvoirs garantie par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- ses pouvoirs, d'ailleurs définis en des termes équivoques, notamment pour « veiller à ce que les infractions aux règles de l'Union en matière de marchés publics [...] fassent l'objet de mesures appropriées », peuvent constituer une violation des compétences réservées par la Constitution aux juridictions judiciaires ou administratives ;

- le pouvoir d'injonction qui semble se dégager de la lecture de l'article 84 de la proposition de directive en matière de marchés publics pour les secteurs « classiques », serait contraire, lorsqu'il serait appliqué aux collectivités territoriales, au principe de libre administration énoncé à l'article 72 de la Constitution.

L'ensemble de ces raisons rend ce projet très critiquable. De surcroît, il contrevient fortement au principe de subsidiarité en s'immisçant dans l'organisation administrative et juridictionnelle des États membres. La transposition de cette directive en l'état ne manquerait pas de bouleverser l'architecture juridictionnelle française alors même que des outils, y compris pénaux, existent d'ores et déjà pour faire sanctionner les irrégularités aux règles de la commande publique. Enfin, cet organe cumulerait des fonctions importantes sans que la surveillance du respect du droit communautaire n'impose pourtant de le doter de telles attributions, contrevenant également à la règle de proportionnalité des mesures que les institutions communautaires doivent édicter.

Votre commission souhaite donc vivement que, comme l'a proposé la commission des affaires européennes, une alternative reste ouverte aux Etats membres, permettant à ceux qui possèdent déjà un système donnant satisfaction et apportant des garanties suffisantes de contrôle du respect des règles, de ne pas être tenus de créer cet organe de contrôle.

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Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté la proposition de résolution dont le texte suit.

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