II. LES APPORTS DES TROIS PROPOSITIONS DE DIRECTIVES

Le gouvernement a transmis au Sénat et à l'Assemblée nationale, en application de l'article 88-4 de la Constitution, trois propositions de directives du Parlement européen et du Conseil ayant un fort impact sur le droit de la commande publique. Il s'agit :

- de la proposition E 6987 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux ;

- de la proposition E 6988 sur la passation de marchés publics ;

- de la proposition E 6989 sur l'attribution de contrats de concession.

A. UN ENCADREMENT RENFORCÉ DE LA COMMANDE PUBLIQUE

Ces propositions de directives contiennent de nombreuses règles techniques en matière de commande publique . Elles portent en germe des bouleversements conséquents pour les acheteurs publics français, annonçant une nouvelle révision des dispositions nationales en ce domaine.

Le corpus, bien qu'inspiré par une même finalité,  couvre trois secteurs distincts :

- la passation des marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux (actuellement régie par la directive 2004/17/CE du 31 mars 2004) ;

- la passation des marchés publics dans les autres secteurs dits classiques (actuellement régie par la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004) ;

- l'attribution de contrats de concessions de service.

La révision des règles de procédures pour les marchés publics

Ces propositions apportent de multiples modifications aux règles de procédure actuellement en vigueur.

En premier lieu, elles mettent fin à la distinction entre services prioritaires et services non prioritaires, ces derniers bénéficiant jusqu'alors d'un régime allégé de passation des marchés publics. Pour éviter l'application d'un régime paraissant à de nombreux États membres trop fastidieux dans certains secteurs, les propositions de directives maintiennent toutefois des régimes dérogatoires qui se démarquent du droit commun par des exigences formelles réduites. Cette exception répond largement au souhait exprimé par la France de distinguer les règles applicables aux secteurs sociaux, culturels ou encore éducatifs.

Les propositions de directives ouvrent également davantage le champ à la procédure négociée même si elles maintiennent comme procédures de droit commun, les procédures ouvertes et restreintes : les pouvoirs adjudicateurs ne pourront donc recourir à des procédures négociées que pour certains types de marchés publics limitativement énumérés (marchés conjoints de conception et d'exécution des travaux, marchés de travaux à des fins de recherche, d'innovation, d'expérimentation ou de mise au point, marchés impossibles à attribuer sans négociations préalables, marchés précédemment infructueux...).

La dimension sociale et environnementale est aussi davantage intégrée à travers plusieurs mesures :

- la possibilité de prendre en compte les dépenses directes liées aux coûts environnementaux externes des produits ou prestations selon une méthode définie à travers le critère dit du « coût du cycle de vie » ;

- la possibilité de prendre en compte le processus de production dans les prescriptions techniques et les critères d'attribution du marché ;

- la faculté de pouvoir exclure les offres dont les candidats ne respectent les règles environnementales et sociales de l'Union européenne ou au niveau international.

Toutefois, le critère portant sur les caractéristiques environnementales et sur la performance en matière d'insertion professionnelle ne figure pas formellement parmi les critères d'attribution possibles.

Enfin, la Commission propose de « codifier » la jurisprudence communautaire relative aux partenariats public-public (ou « in-house »). Les critères permettant de faire échapper les relations entre entités publiques à la sphère de la commande publique seraient les suivants :

- le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle semblable à celui qu'il exerce sur ses propres services ;

- au moins 90 % des activités de cette personne morale sont exercées pour le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou pour d'autres personnes morales qu'il contrôle ;

- la personne morale contrôlée ne fait l'objet d'aucune participation privée.

Ces dispositions reprennent pour l'essentiel la jurisprudence actuelle de la Cour de justice de l'Union européenne 20 ( * ) , d'ailleurs intégré à l'article 3 du code des marchés publics, à une différence près. En effet, là où la jurisprudence communautaire exige que l'entité contrôlée par le pouvoir adjudicateur exerce l'essentiel de son activité avec le pouvoir adjudicateur ou les structures qui la contrôlent, la Commission souhaite instaurer un seuil quantitatif de 90 %, ce qui est encore plus restrictif que le critère jurisprudentiel.

La création d'un régime applicable aux concessions de service

La proposition de directive E 6989 modifierait en profondeur le droit des concessions de service.

Actuellement, les concessions de service ne sont concernées, à l'exception de quelques règles pour les concessions de services de travaux, par aucune norme communautaire de droit dérivé. La Commission estime que cette situation est contraire à l'impératif de sécurité juridique et souhaite, pour résoudre ce problème, couvrir la conclusion des concessions de service par des règles issues d'une directive.

Le champ d'application se limiterait aux marchés de concessions de services d'un montant supérieur ou égal à 5 millions d'euros.

Pour l'essentiel, les nouveaux principes européens applicables en matière de concessions de services seraient clairement inspirés des règles des marchés publics .

Ainsi, l'autorité concédante devrait indiquer dans les documents de concession une description de la concession envisagée, des critères de sélection et des exigences minimales à remplir. En outre, elle devrait informer à l'avance les candidats des différentes étapes de la procédure de sélection.

Par parallélisme avec les marchés publics, la proposition de directive reprend l'obligation faite aux pouvoirs adjudicateurs d'établir en amont de la négociation des critères d'attribution puis de les hiérarchiser entre eux ou de les pondérer afin de les porter à la connaissance des candidats. Ces critères lieraient l'autorité concédante dans son choix final.

Le droit français est, sur ce point, marqué par une logique opposée puisqu'il laisse libre les autorités concédantes de négocier avec les candidats. C'est seulement si elles le souhaitent que les autorités concédantes peuvent fixer, en amont, des règles, y compris par référence au code des marchés publics, qui les contraindront dans le déroulement de la procédure de sélection du délégataire.


* 20 Le courant jurisprudentiel a débuté avec l'arrêt « Teckal » (CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-107/98, Teckal Srl c/ Comune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia.

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