EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 22 FÉVRIER 2012

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Mme Nicole Borvo Cohen-Seat , rapporteure . - Le Sénat doit se prononcer en nouvelle lecture sur le projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines, adopté le 20 février par l'Assemblée après l'échec de la CMP réunie le 14 février.

En nouvelle lecture, les députés ont supprimé les articles introduits par le Sénat, à la seule exception de l'article 7 ter relatif à la possibilité donnée aux praticiens hospitaliers de réaliser des expertises pendant leur temps de service. Ils ont rétabli le texte et l'intitulé qu'ils avaient adoptés en première lecture.

Les deux assemblées défendent des visions antinomiques de la politique pénitentiaire : le Gouvernement et la majorité des députés veulent accroître les capacités du parc pénitentiaire, alors que le Sénat souhaite qu'une politique dynamique d'aménagement des peines réduise le nombre d'incarcérations et combatte la récidive en favorisant la réinsertion des condamnés. Ces deux visions ne sont guère compatibles, mais je regrette que plusieurs dispositions introduites par le Sénat qui auraient pu faire l'objet d'un compromis aient été repoussées après un examen expéditif à l'Assemblée nationale. Tel est notamment le cas des modalités d'information du chef d'établissement sur les antécédents judiciaires d'un élève : la version du Sénat préserve la présomption d'innocence et limite plus précisément les destinataires de l'information, mais le rapporteur de l'Assemblée nationale s'est borné à observer que « si le texte adopté par le Sénat ne rejette pas l'idée d'un partage d'informations qui aujourd'hui n'est pas prévu par le code de procédure pénale, il apparait toutefois en deçà de l'enjeu de la prévention du renouvellement d'infractions particulièrement graves ».

Sur plusieurs points, les positions du Sénat ont été déformées. Ainsi, on nous a prêté une « véritable indifférence pour le sort des personnes incarcérées dans les établissements surpeuplés », alors que la majorité sénatoriale a joué un rôle déterminant dans le cadre de la loi pénitentiaire pour affirmer le principe de l'encellulement individuel ! Nul ne peut nous reprocher de négliger la dignité des détenus !

L'Assemblée nationale ayant rétabli son texte de première lecture, je ne peux que réitérer les principales objections à ce texte : l'objectif d'un parc pénitentiaire de 80 000 places traduit la priorité donnée à l'incarcération par rapport aux aménagements de peine, malgré la volonté contraire affirmée par le législateur en 2009 ; la mise en place de structures spécifiques aux courtes peines est incompatible avec le principe posé par la loi pénitentiaire aménageant les peines inférieures ou égales à deux ans ; la nécessité de partenariats public-privé n'est toujours pas démontrée ; la lutte contre la récidive risque de rester sans effet par manque de conseillers d'insertion et de probation ; l'accroissement du nombre de centres éducatifs fermés au détriment des autres structures d'hébergement diminue la faculté concrète des juges à apporter la réponse pénale adaptée à la personnalité de chaque mineur délinquant ; enfin, l'examen du texte en procédure accélérée à la veille d'échéances électorales majeures empêche un débat approfondi.

La poursuite de la discussion étant dès lors impossible, je vous propose d'opposer une question préalable au projet de loi adopté par l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Pour le coup, la question préalable est tout sauf une procédure dilatoire : Mme Borvo Cohen-Seat avait proposé une réécriture du texte qui a été rejeté en bloc par les députés.

M. Patrice Gélard . - Notre position est la même qu'en première lecture : nous ne voterons pas la question préalable.

M. Jean-Pierre Michel . - Nous, si. En première lecture, la question préalable n'a pas été opposée au texte, qui a été étudié sur la base de nombreuses auditions de la part de Mme Borvo Cohen-Seat et a fait l'objet de propositions nouvelles. En revanche, la CMP fut très rapide : après l'intervention de chacun des rapporteurs, son président a dit que tout rapprochement était impossible. Si nous avions examiné chaque article, nous aurions peut-être pu trouver quelques compromis permettant d'adopter aujourd'hui une autre position. Je regrette que nous en soyons réduits à la question préalable, mais la responsabilité en incombe à la majorité des députés.

Mme Catherine Tasca . - Je déplore que l'Assemblée nationale nous accule à opposer la question préalable, mais nous ne pouvons cautionner un texte qui aggraverait encore la situation alors que la surpopulation carcérale excède tous les seuils acceptables.

M. Pierre-Yves Collombat . - En somme, dans l'esprit des représentants de la majorité présidentielle, le bicamérisme n'a lieu de fonctionner que lorsque le Sénat se range à l'avis de l'Assemblée nationale. Son rejet ayant été expéditif, une réponse expéditive s'impose. De très nombreux membres du RDSE voteront la question préalable.

M. Christian Favier . - Par contraste avec la manière dont nous avons examiné cette semaine le texte proposé par un député de la majorité sur l'intercommunalité, il apparaît que la majorité de l'Assemblée nationale est extrêmement brutale envers le travail du Sénat.

Sur le fond, tout a été dit quant à la dérive sécuritaire du texte adopté par les députés, qui aggrave la fuite en avant de l'incarcération. J'ajoute une mise en garde contre les partenariats public-privé en matière de réalisation, vu la dérive des coûts caractérisant l'hôpital sud-francilien dans l'Essonne.

M. François Zocchetto . - Nous ne voterons pas la question préalable, car ce sujet de première importance mérite un débat, mais cette issue était prévisible : le débat est vicié par l'adoption d'une procédure accélérée dans le contexte politique actuel. Les torts sont partagés, puisque les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat sont antagonistes.

Tout cela nourrit néanmoins notre réflexion pour les temps à venir.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat , rapporteure . - Il est normal que certains d'entre nous refusent la question préalable, mais la procédure accélérée n'a aucune justification, hormis la volonté d'affichage qui inspire le Gouvernement en ces temps de campagne électorale. La discussion ne peut plus continuer.

Nous n'avons pas opposé la question préalable en première lecture, précisément parce que nous voulions un débat. Il s'est déroulé ici entre majorité présidentielle et majorité sénatoriale. Je n'ose penser que les députés de la majorité présidentielle soient différents des sénateurs de la même majorité, mais le Gouvernement et l'Assemblée nationale n'ont pas souhaité poursuivre la discussion. C'est regrettable, même en période préélectorale.

Cela dit, puisque le débat est impossible, il est inutile de perdre du temps à répéter la même chose.

La commission adopte la motion tendant à opposer la question préalable.

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