B. LES FINANCEMENTS EXTRA BUDGÉTAIRES FRAGILISENT À TERME LA POLITIQUE DU LOGEMENT

La réduction des moyens budgétaires en faveur du logement s'est accompagnée de l'institution de « prélèvements obligatoires » auxquels ont été soumis les différents acteurs de cette politique. Le Gouvernement vise par ce biais à récupérer les financements qu'il supprime par ailleurs, au risque de mettre en péril l'avenir de ses partenaires.

La série des ponctions a commencé avec la contribution de 500 millions d'euros imposée en 2006 aux sociétés anonymes de crédit immobilier (SACI) ; elle a depuis pris davantage d'ampleur et son périmètre s'est élargi.

1. La contribution d'Action logement

La loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion (loi n° 2009-323 du 25 mars 2009) a attribué au Gouvernement la faculté d' orienter les emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) , et de fixer par la voie réglementaire les enveloppes prélevées en vue de les substituer notamment au financement par le budget de l'Etat du programme de rénovation urbaine, des actions de l'Agence de l'amélioration de l'habitat (ANAH) et du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD).

Pour l'exercice 2011, les enveloppes définies à ce titre par le décret n° 2009-747 du 22 juin 2009 s'élevaient à un total de 1 345 millions d'euros, soit 3,9 milliards sur la période triennale.

A compter du 30 juin 2011, et conformément à la procédure définie par la loi du 25 mars 2009, le Gouvernement a engagé une nouvelle concertation avec les représentants des organisations syndicales et patronales membres de l'Union d'économie sociale du logement afin de définir le prochain cadre triennal des emplois pour la période 2012-2014.

Les grands équilibres arrêtés par le Gouvernement prévoient notamment que Action Logement continuera à contribuer au financement de l'ANAH et de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à hauteur de 3,25 milliards d'euros sur la période.

Schéma triennal d'emplois 2012-2014

La loi du 25 mars 2009 prévoit qu'à compter du 30 juin 2011, le Gouvernement engage une nouvelle concertation avec les représentants des organisations syndicales et patronales membres de l'Union d'économie sociale du logement afin de définir le prochain cadre triennal des emplois pour la période 2012-2014.

Le secrétaire d'État chargé du logement a mené la concertation avec les partenaires sociaux.

Les grands équilibres des emplois de la PEEC arrêtés par le Gouvernement sur les années 2012 à 2014 se ventilent de la manière suivante :

? Prêts directs aux salariés à hauteur de 2,25 Md€. L'État partage l'ambition des partenaires sociaux de renforcer le lien entre les entreprises, les collecteurs de la PEEC et les salariés par des aides directes à l'accession à la propriété et aux travaux, en cohérence avec les outils d'intervention de l'Etat, notamment le PTZ+.

? Financement des HLM avec une enveloppe de 2,8 Md€. Les aides seront maintenues au niveau de 2011, en cohérence avec les objectifs de l'Etat en matière de construction de logements sociaux (115 000 financés chaque année depuis 2007, contre 40 000 en 2000).

? Financement de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur l'accompagnement des jeunes dans leur accès au logement à hauteur de 420 M€, permettant de financer 45 000 logements et hébergements supplémentaires sur trois ans.

? Financement de l'Association foncière logement (AFL) pour 600 M€ sur trois ans dans le cadre d'un recentrage de ses interventions sur la rénovation urbaine.

? Financement de l'ANAH et de l'ANRU à hauteur de 3,25 Md€.

Prenant en compte les préoccupations des partenaires sociaux sur le schéma d'emploi de la PEEC, l'Etat a décidé de réduire la contribution d'Action Logement au financement des agences de 650 M€ par rapport au précédent triennal.

? Autres interventions (sécurisation, accompagnement de la mobilité etc.) pour 1,55 Md€.

Le cadrage financier arrêté permettra de garantir la pérennité financière d'Action Logement, de mettre en oeuvre les priorités des partenaires sociaux, en particulier l'Accord National Interprofessionnel (ANI) pour le logement des jeunes, de développer une offre de logements locatifs économiquement accessibles et d'assurer le financement de la rénovation urbaine, de l'amélioration du parc privé et de la lutte contre l'habitat indigne.

Source : Rapport sur la programmation des emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction, annexe au projet de loi de finances pour 2012.

Toutefois, la réduction de la contribution d'Action Logement au financement des agences, de 650 millions d'euros par rapport au précédent triennal, ne saurait être considérée comme satisfaisante.

Elle ne prend pas en compte, en effet, le poids des autres affectations qui cofinancent des actions de l'Etat comme :

- la contribution demandée pour les agences nationales et départementales d'information sur le logement (ANIL et ADIL), précédemment financés exclusivement sur crédits budgétaires, et qui s'est élevée à 33 millions d'euros sur la même période ;

- la contribution au système de la Garantie des risques locatifs (GRL) pour un montant passé de 39 à 110 millions d'euros entre 2009 et 2011 (pour un total de 226 millions d'euros).

Les nouvelles règles définies depuis 2009 ont eu un impact certain sur la situation financière d'Action Logement dans la mesure où l'équilibre global des ressources et des emplois de la PEEC reposait pour une large part sur le retour des prêts à long terme 2 ( * ) dont le volume a été sensiblement réduit par la réorientation des emplois.

Ainsi, selon les informations fournies à votre rapporteur spécial, les aides aux personnes physiques, y compris les aides à la mobilité professionnelle, devraient s'inscrire en baisse sur le triennal à 3,8 milliards d'euros d'engagements estimés, contre 5,6 milliards d'euros sur le triennal précédent.

Ce n'est qu'en 2014 que le solde emploi-ressources de la participation des employeurs à l'effort de construction devrait redevenir positif à hauteur de 200 millions d'euros, alors que le solde de trésorerie des collecteurs et de l'UESL hors 6 mois de collecte, considéré comme le minimum de trésorerie nécessaire pour le fonctionnement infra-annuel, devrait s'afficher à environ 150 millions d'euros.

Solde annuel de trésorerie et trésorerie cumulée des CIL et de l'UESL

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Ces perspectives sont suffisamment inquiétantes pour la pérennité du système de la PEEC pour avoir conduit Action Logement à intenter en octobre 2011 une action en justice contre l'Etat devant le Tribunal administratif de Paris, fondée notamment sur l'argument selon lequel la PEEC n'est pas une contribution obligatoire et que les contraintes imposées sont incompatibles avec cette nature juridique sui generis .

En tout état de cause votre rapporteur spécial regrette que les obligations d'information du Parlement, mises à la charge du Gouvernement par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion à l'initiative de la commission des finances du Sénat 3 ( * ) n'aient pas été totalement respectées. Aux termes de l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation, en effet, une procédure de concertation précise aurait du être suivie qui implique que « l e Parlement est saisi des répartitions annuelles lors du dépôt des projets de loi de finances » ce qui n'a pas été le cas.

Article L. 313-3.du code de la construction et de l'habitation

« A compter du 30 juin 2011, le Gouvernement engage, tous les trois ans, une concertation avec les représentants des organisations syndicales et patronales membres de l'Union d'économie sociale du logement, relative aux emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction.

« Pour chaque catégorie d'emplois, la nature des emplois correspondants et leurs règles d'utilisation sont fixées par décret en Conseil d'Etat, pris après concertation avec les représentants des organisations syndicales et patronales membres de l'Union d'économie sociale du logement. La répartition des ressources de la participation des employeurs à l'effort de construction entre chacune des catégories d'emplois mentionnées au présent article est fixée par un document de programmation établi pour une durée de trois ans par les ministres chargés du logement et du budget après concertation avec les représentants des organisations syndicales et patronales membres de l'Union d'économie sociale du logement. Ce document de programmation ainsi que les prévisions de crédits correspondantes sont transmis au Parlement lors du dépôt des projets de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Les enveloppes minimales et maximales consacrées annuellement à chaque emploi ou catégorie d'emplois sont fixées pour une durée de trois ans par décret pris après concertation avec les représentants des organisations syndicales et patronales membres de l'Union d'économie sociale du logement. Le Parlement est saisi des répartitions annuelles lors du dépôt des projets de loi de finances. »


* 2 Les ressources des collecteurs sont essentiellement composées de la collecte (1,7 milliard d'euros en 2010) et des retours de prêts antérieurs (2 milliards pour les prêts long terme, 0,1 milliard pour les préfinancements).

* 3 Voir l'avis de Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, n° 11 (2008-2009).

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