CHAPITRE IV SPÉCIALISATION DES TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Article 5 (art. L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire) Coordination

Cet article complète l'article L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire (COJ) afin de procéder à une coordination avec l'article L. 722-8 du code de la propriété intellectuelle (CPI).

Ce dernier article dispose que « les actions civiles et les demandes relatives aux indications géographiques sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, y compris lorsqu'elles portent à la fois sur une question d'indications géographiques et sur une question connexe de concurrence déloyale. Les tribunaux de grande instance appelés à connaître des actions et des demandes en matière d'indications géographiques sont déterminés par voie réglementaire. »

C'est pour mettre en oeuvre ces dispositions, issues de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, que sont intervenus les décrets du 9 octobre 2009 et du 12 novembre 2010 35 ( * ) . Ces derniers ont spécialisé dix tribunaux de grande instance en matière d'indications géographiques 36 ( * ) .

Le présent article procède à une coordination avec l'article du L. 722-8 du CPI en complétant l'article L. 211-10 du COJ.

En effet, dans sa rédaction actuelle, ce dernier article prévoit que « des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de brevets d'invention, de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection, de topographie de produits semi-conducteurs, d'obtentions végétales et de marques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle ». Il ne vise pas les indications géographiques , oubli que le présent article répare.

Insistons sur le fait que la modification proposée par le présent article constitue une simple mesure de coordination qui n'a ni pour objet ni pour effet de modifier la spécialisation des juridictions en matière d' indications géographiques puisque, comme indiqué précédemment, cette spécialisation a déjà été opérée par voie réglementaire sur le fondement de l'article L. 722-8 du CPI.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

Article 6 (art. L. 623-31 du code de la propriété intellectuelle) Spécialisation des TGI en matière d'obtentions végétales

Cet article modifie l'article L. 623-31 du code de la propriété intellectuelle afin d'ouvrir la voie à une spécialisation du contentieux civil en matière d'obtentions végétales.

En effet, dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que le nombre de juridictions compétentes dans le domaine des obtentions végétales « ne peut être inférieur à dix ». Le présent article supprime ce plancher afin de permettre au pouvoir réglementaire de réduire ensuite, par décret, le nombre de juridictions compétentes en cette matière.

A l'heure actuelle, ces juridictions, énumérées dans le tableau V figurant en annexe du code de l'organisation judiciaire, sont les suivantes :

1. Marseille

6. Lyon

2. Bordeaux

7. Nancy

3. Strasbourg

8. Paris

4. Lille

9. Rennes

5. Limoges

10. Toulouse

L'étude d'impact jointe au présent projet de loi indique que le Gouvernement entend suivre la proposition n° 10 du rapport précité de la commission Guinchard, à savoir confier au seul tribunal de grande instance (TGI) de Paris le contentieux des obtentions végétales 37 ( * ) .

Votre rapporteur approuve une telle perspective , qui rejoint une recommandation du récent rapport d'information de nos collègues MM. Laurent Béteille et Richard Yung portant sur l'évaluation de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon 38 ( * ) .

Deux raisons principales militent en faveur d'une telle spécialisation.


• La première tient à la nécessité de tirer les conséquences de la décision prise en 2009 dans le domaine des brevets . En effet, les décrets n°s 2009-1204 et 2009-1205 du 9 octobre 2009 ont décidé qu'une seule juridiction (contre sept auparavant) serait compétente en matière de brevets, à savoir le TGI de Paris.

La situation qui prévaut depuis un an et demi est donc pour le moins étonnante : alors que les contentieux concernant les brevets, qui représentent environ 350 affaires par an, sont portés devant le seul TGI de Paris , ceux portant sur des obtentions végétales, qui représentent environ 5 affaires annuelles 39 ( * ) , peuvent, eux, être traités par dix TGI . Cette situation est d'autant plus curieuse que les contentieux portant, d'une part, sur les brevets, d'autre part, sur les obtentions végétales, sont techniquement très proches, l'obtention végétale pouvant être assimilée à un brevet portant sur une espèce botanique. Il paraît donc préférable que le TGI de Paris traite ces deux types de contentieux.


• En second lieu, la spécialisation permise par le présent article s'inscrit dans une logique de concentration des compétences en matière de propriété intellectuelle, concentration essentielle pour maintenir la réputation d'excellence et l'attractivité juridique de la France en matière de propriété intellectuelle, comme le souligne le rapport d'information précité de nos collègues MM. Laurent Béteille et Richard Yung.

Rappelons à cet égard qu'à l'initiative du Sénat, la loi précitée du 29 octobre 2007 a marqué une étape très importante en matière de spécialisation dans le domaine de la propriété intellectuelle, d'une part, en transférant la compétence en cette matière des tribunaux de commerce vers les TGI, d'autre part, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de spécialiser certains d'entre eux. Le rapport de première lecture de M. Laurent Béteille sur ce texte 40 ( * ) appelait de ses voeux une spécialisation par décret d'un nombre aussi réduit que possible de TGI en matière de propriété intellectuelle. Le rapport de la commission Guinchard s'est inscrit dans le droit-fil de cette préconisation en proposant la spécialisation d'un TGI par ressort de cour d'appel pour le contentieux des marques nationales, de la propriété littéraire et artistique, des dessins et modèles et des indications géographiques.

Les décrets d'application de la loi de 2007, intervenus en 2009 et 2010 41 ( * ) , sont allés au-delà de ces recommandations en retenant seulement dix TGI compétents pour le contentieux des marques, dessins et modèles, indications géographiques et pour celui de la propriété littéraire et artistique.

Au total, si le Parlement confirme la suppression du plancher législatif en matière d'obtentions végétales et si le décret d'application intervient, par exemple, avant le 1 er janvier 2012, on pourra, à cette date, résumer ainsi la spécialisation des juridictions opérée depuis 2007 dans le domaine de la propriété intellectuelle :

Juridictions compétentes en matière de marques

Juridictions compétentes en matière de dessins et modèles, d'indications géographiques et de propriété littéraire et artistique

Juridictions compétentes en matière de brevets

Juridictions compétentes en matière d'obtentions végétales

Situation au 1 er janvier 2007

tous les TGI

- toutes les juridictions d'instance (TI et TGI)

- tous les tribunaux de commerce

7

10

Situation prévisionnelle au 1 er janvier 2012

10 TGI

10 TGI

TGI de Paris

TGI de Paris

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification 42 ( * ) .

CHAPITRE V TRANSFERT DE COMPÉTENCES ENTRE LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE ET LE TRIBUNAL D'INSTANCE


* 35 Les décrets n°s 2009-1204 et 2009-1205 du 9 octobre 2009 ont spécialisé neuf TGI pour le contentieux des indications géographiques. Un dixième TGI, celui de Strasbourg, a été spécialisé par décret n° 2010-1369 en date du 12 novembre 2010.

* 36 Une indication géographique est un signe utilisé sur des produits qui ont une origine géographique précise et possèdent des qualités, une notoriété ou des caractères essentiellement dus à ce lieu d'origine.

* 37 Page 18 de l'étude d'impact : « Ainsi en ce qui concerne les obtentions végétales, la loi impose, en l'état, que dix tribunaux de grande instance au moins soient compétents. Le présent projet supprime ce seuil minimal, ce qui permettra ensuite au règlement de fixer une compétence nationale du tribunal de grande instance de Paris pour ce contentieux (...) »

* 38 Il s'agit de la recommandation n° 2 du rapport d'information n° 296 (2010-2011) du 9 février 2011, fait au nom de la commission des lois. Ce rapport, intitulé « lutte contre la contrefaçon : premier bilan de la loi du 29 octobre 2007 », est disponible sur Internet http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-296-notice.html .

* 39 Ce faible chiffre explique pourquoi l'étude d'impact range la spécialisation en matière d'obtentions végétales parmi les mesures qui « ont une vocation qualitative » et qui « n'auront pas ou peu d'impact en termes de volume de contentieux » (page 29).

* 40 Rapport n° 420 (2006-2007) de M. Laurent Béteille , fait au nom de la commission des lois, déposé le 26 juillet 2007, sur le projet de loi qui a abouti à la loi du 29 octobre 2007 : http://www.senat.fr/rap/l06-420/l06-420.html .

* 41 Les décrets du 9 octobre 2009 n°s 2009-1204 et 2009-1205 ont spécialisé neuf TGI pour le contentieux des marques nationales, de la propriété littéraire et artistique, des dessins et modèles et des indications géographiques. Un dixième TGI, celui de Strasbourg, a été spécialisé par décret n° 2010-1369 en date du 12 novembre 2010.

* 42 Votre rapporteur signale que l'Assemblée nationale devra opérer une coordination avec l'article 149 quater de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, une fois ce texte promulgué. En effet, cet article procède à une réécriture complète de l'article L. 623-31 du code de la propriété intellectuelle.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page