B. LE RECOURS AUX FINANCEMENTS EXTRA BUDGÉTAIRES S'AMPLIFIE

1. Le maintien de la contribution d'Action logement à un niveau élevé

L'année 2011 est la troisième année d'application du dispositif mis en place par la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion (loi n° 2009-323 du 25 mars 2009), qui vise à orienter par voie réglementaire les emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) , en substitution notamment du financement sur le budget de l'Etat des actions de l'ANRU et de l'ANAH.

Pour cet exercice, le décret du 22 juin 2009 a prévu les emplois suivants :

Les emplois de la PEEC pour 2011 définis par voie réglementaire

(en millions d'euros)

Financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU)

770

Financement du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD)

95

Financement de l'ANAH

480

Total

1 345

Source : décret n°2009-747 du 22 juin 2009

Votre rapporteur spécial avait souligné, lors de sa mise en place, les limites d'un dispositif de financement qui conduit inéluctablement, en développant les contributions de « type subvention », à assécher les fonds disponibles d'Action logement constitués à 40 % du produit de la collecte annuelle et à 60 % des retours de prêts 2 ( * ) , soit respectivement 1,7 milliard et 2,5 milliards d'euros en 2009.

Il avait émis le souhait que l'année 2010 soit mise à profit pour élaborer un schéma de financement des interventions de l'ANRU et de l'ANAH soutenable à moyen et long terme .

Or, les perspectives pour le futur schéma triennal d'emplois pour 2012-2014, pour l'élaboration duquel la loi du 25 mars 2009 prévoit qu'à compter du 30 juin 2011, le Gouvernement engage une nouvelle concertation avec les représentants des organisations syndicales et patronales membres de l'Union d'économie sociale du logement (UESL), sont encore floues et parfois contradictoires .

La réponse adressée par le ministère du logement, sur ce sujet, à votre rapporteur spécial précise : « à ce stade, aucun projet de schéma d'emplois n'a été arrêté pour la période 2012-2014 au sein du Gouvernement. Toutefois, un scénario « fil de l'eau » qui consisterait à maintenir, pour cette période, le niveau actuel des enveloppes moyennes annuelles pour l'ensemble des emplois d'Action Logement ne devrait pas pouvoir être retenu. Deux orientations devraient être privilégiées.

D'une part, la lettre plafond du ministre en charge du logement prévoit que la contribution d'Action Logement au financement des agences devrait être maintenue à son niveau actuel en 2012 et 2013, confirmant ainsi le rôle d'acteur et de financeur clef d'Action Logement en faveur de la rénovation urbaine et du soutien à l'amélioration du parc privé.

D'autre part, la diminution du montant ou du volume de certains emplois, ainsi que la transformation de certaines aides en aides à retour plus rapide pourrait être envisagée. Cette orientation, qui permettrait aux collecteurs de disposer d'un fonds de roulement suffisant pour ne pas avoir à recourir à l'emprunt, sera explorée de façon plus approfondie dans la perspective des discussions qui seront initiées prochainement avec les partenaires sociaux d'Action Logement. Des simulations réalisées indiquent qu'il existe des scénarios permettant d'assurer la pérennité de l'intervention d'Action Logement sur la période 2012-2014 . »

Les responsables d'Action logement , rencontrés par votre rapporteur spécial, estiment pour leur part qu'au-delà d'une contribution annuelle des emplois subventionnés plafonnée à 1 milliard d'euros pour la nouvelle période triennale, le déséquilibre financier du système deviendra insupportable.

D'ores et déjà, 3 collecteurs sur 21 devraient se trouver en situation de déficit comptable à la fin 2010 et plus de la moitié le seront en fin d'exercice 2011.

Ils s'interrogent également sur la justification de la contribution apportée par la PEEC au financement des aides de l'ANAH, qui ont été réorientées en priorité vers le soutien aux propriétaires occupants modestes et la rénovation thermique du parc privé dans le monde rural, soulignant que la participation des entreprises a été instituée pour favoriser le développement de la construction de logements à destination des salariés des entreprises et les aides à la mobilité.

En parallèle d'une réévaluation de l'efficience des aides accordées par l'ANAH et de la définition d'un mode de financement plus adapté à sa destination, ils privilégient une réorientation des fonds de la PEEC vers trois objectifs : le logement des jeunes à l'entrée dans la vie active, le logement des salariés en difficulté et l'aide à la mobilité professionnelle.

Pour les mois à venir, votre rapporteur spécial affirme son attachement à l'application effective du principe de concertation sur la définition des enveloppes triennales, introduit dans la loi par le Parlement à l'occasion de la réforme du 1 %. Ce principe signifie en particulier que la définition des emplois de la PEEC ne doit pas résulter exclusivement des contraintes du financement à court terme des priorités de l'Etat mais prendre en compte également les orientations stratégiques des partenaires sociaux.

A défaut, il deviendrait légitime de s'interroger à nouveau sur la nature du prélèvement constitué par la PEEC et sur le bien-fondé de sa gestion hors du budget de l'Etat.

Il considère également que l'hypothèse d'un maintien, à la charge d'Action logement, d'un niveau annuel de contributions subventionnées à 1,250 milliard d'euros, évoqué par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat 3 ( * ) , ne paraît pas compatible avec la pérennité du système de la PEEC.

2. Le projet de loi de finances propose de faire appel aux ressources des HLM pour financer l'ANRU et compenser la baisse des aides à la pierre

Une des mesures les plus controversées associées au projet de budget pour 2011 de la mission « Ville et logement » 4 ( * ) , dans sa version initiale, est la proposition de création d'un prélèvement sur les ressources financières des organismes HLM , fondé sur leur assujettissement à la contribution sur les revenus locatifs (CRL).

Le texte initial du Gouvernement proposait, en effet, de confier à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) la gestion d'un fonds alimenté par la CRL versée par les organismes de logement social, qui ne seraient plus exonérés de ce prélèvement à partir de 2011. Le produit attendu de cette mesure serait, en 2011, de 340 millions d'euros redistribués pour le financement des dépenses de construction de logements locatifs sociaux, via le financement des aides à la pierre (80 millions d'euros) et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (260 millions d'euros).

Cette mesure a été présentée , par le Gouvernement , comme un outil de mutualisation et de péréquation des ressources financières entre organismes HLM, mais également comme devant contribuer à la maîtrise des finances publiques par la suppression d'une niche fiscale instituée à leur profit.

Votre rapporteur spécial estime que cette présentation est, par plusieurs aspects, abusive et trompeuse .

Le non-assujettissement des organismes HLM à la CRL ne peut pas être considéré comme une niche fiscale . La CRL tire son origine de la contribution additionnelle au droit de bail, qui finançait l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et les aides aux propriétaires bailleurs et occupants privés. Depuis l'origine, les bailleurs sociaux n'étaient donc pas concernés par cette imposition de même qu'ils ne bénéficient pas des aides de l'ANAH. En outre, si la qualification de niche fiscale devait être retenue, elle devrait s'appliquer à l'ensemble des logements non assujettis dont l'article 234 nonies du code général des impôts dresse une liste de douze catégories, parmi lesquels figurent les logements faisant partie de villages de vacances ou les locaux à la réhabilitation desquels l'ANAH a participé dans les quinze dernières années.

La nouvelle contribution proposée par l'article 99 du présent projet de loi, dans ses termes initiaux, ne peut être qualifiée d'instrument de péréquation . En effet, dans la mesure où son assiette est constituée de la masse des loyers perçus, elle s'applique indifféremment et uniformément à tous les organismes, quelle que soit leur situation financière, leur implication dans les opérations de construction en cours ou à venir, ou l'état de leur parc.

Enfin, s'agissant de l'ANRU , elle aboutit à écarter la perspective de la rebudgétisation, même partielle, du financement du programme de rénovation urbaine, dont l'Etat n'aura, en définitive, qu'inscrit les autorisations d'engagements en application de la loi de programmation et versé 350 millions d'euros en crédits de paiement, laissant à ses partenaires la tâche d'assurer le solde du financement des conventions signées, pour un montant total de 11,5 milliards d'euros.

3. Les conséquences du recours aux fonds de concours

Le recours à des financements extra-budgétaires conduit à réduire la portée de l'autorisation accordée par le Parlement à l'occasion de l'examen des lois de finances.

Ce procédé a pris une ampleur croissante dans la gestion de la mission « Ville et logement » depuis quelques années 5 ( * ) .

Une grande partie du financement de la politique du logement passe désormais par la voie réglementaire , notamment depuis la réforme de la participation des employeurs à l'effort de construction, dans le cadre de la loi de mobilisation pour le logement. Ce sont, en effet, des décrets qui déterminent désormais les emplois du 1 %, qui pouvaient précédemment faire l'objet de conventions entre les partenaires sociaux et l'Etat.

Le projet de budget pour 2011 voit l'apparition d'un nouveau procédé de débudgétisation qui prend la forme de la multiplication des fonds de concours.

On constate, ainsi, une exceptionnelle progression des montants concernés qui viennent abonder les crédits budgétaires de la mission « Ville et logement » sur le programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement ».

Au cours des exercices précédents, le montant total de ces fonds de concours avoisinait 130 000 euros. Il s'élève à 93,130 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de budget 2011 6 ( * ) , représentant ainsi 18 % du total des crédits budgétaires de l'ensemble du programme.

Votre rapporteur spécial est très interrogatif face à l'utilisation de ces fonds de concours dont le contrôle échappe nécessairement à l'appréciation du Parlement. Ils constituent, en effet, des compléments aux dotations budgétaires dont l'administration dispose librement, même si l'article 17-II de la loi organique relative aux lois de finances dispose que « les recettes des fonds de concours sont prévues et évaluées par le projet de loi de finances » et que le décret n°2007-44 du 11 janvier 2007 pris pour son application a fixé des règles strictes s'agissant de l'utilisation des fonds de concours pour les dépenses d'investissement et de l'emploi des fonds.


* 2 En particulier des prêts à court et moyen terme aux ménages, de type « Pass-travaux ».

* 3 Interview de François Baroin dans les Echos, 6 juillet 2010.

* 4 Voir le commentaire de l'article 99 du projet de loi de finances, rattaché à la présente mission.

* 5 Contribution obligatoire des sociétés anonymes de crédit immobilier, réforme du 1% Logement.

* 6 L'origine et la destination de ces fonds de concours sont détaillés dans les commentaires portant sur le programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement ».

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