Rapport n° 465 (2008-2009) de M. Laurent BÉTEILLE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 juin 2009

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N° 465

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l' inceste sur les mineurs et à améliorer l' accompagnement médical et social des victimes ,

Par M. Laurent BÉTEILLE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Simon Loueckhote, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Roland Povinelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1538 , 1601 , T.A. 270 et T.A. 1601

Sénat :

372 et 466 (2008-2009)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 17 juin 2009, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président , la commission des lois a examiné sur le rapport de M. Laurent Béteille, la proposition de loi n° 372 (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs et améliorer l'accompagnement médical et social des victimes.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a constaté que, si le droit pénal français comportait aujourd'hui un arsenal répressif assez complet permettant de réprimer les violences sexuelles commises sur des mineurs au sein de la famille, le terme même d'inceste ne figurait pas dans la législation. Il s'est déclaré convaincu par les auditions auxquelles il a procédé de la nécessité d'inscrire l'inceste dans le code pénal, afin de mieux reconnaître la spécificité des violences subies par les victimes. Il a néanmoins constaté que le texte voté par l'Assemblée nationale risquait de créer un certain nombre de difficultés juridiques inopportunes. Pour cette raison, il a proposé à la commission d'adopter un certain nombre de modifications permettant de conserver, dans la mesure du possible, l'état du droit actuel, tout en offrant aux juges la possibilité de reconnaître désormais explicitement le caractère incestueux des violences endurées par les victimes.

Sur sa proposition, la commission a adopté huit amendements tendant notamment :

- à substituer à la stricte énumération des auteurs d'actes incestueux une référence plus générale aux violences commises au sein de la famille par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, afin de permettre aux juges de tenir compte de l'ensemble des configurations familiales dans lesquelles les violences sexuelles auraient été infligées (article premier) ;

- à ne pas retenir la nouvelle circonstance aggravante d'inceste figurant à l'article 2 de la proposition de loi et à faire de l'inceste désormais inscrit dans le code pénal une qualification supplémentaire qui viendrait se superposer aux qualifications existantes, ce qui permettrait son application immédiate aux affaires en cours ;

- et, enfin, à atténuer le caractère systématique de la désignation d'un administrateur ad hoc en cas de violences sexuelles incestueuses afin de réserver l'hypothèse où les parents de l'enfant demeureraient aptes à assurer la protection des intérêts de ce dernier (article 6 bis ).

En outre, sur la proposition de M. Jean-Pierre Michel et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer l'article 2 bis , qui prévoyait d'aggraver les peines en cas d'atteintes sexuelles commises sur un mineur de plus de quinze ans et non émancipé par le mariage, au motif que désormais la qualification de viol ou d'agression sexuelle, passible de peines supérieures, serait retenue dans les cas de violences incestueuses.

La commission a adopté le texte de la proposition de loi ainsi rédigée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Dans notre pays, l'inceste demeure une réalité que les pouvoirs publics ne savent qu'imparfaitement évaluer. En effet, même si le code civil définit un certain nombre de prohibitions au mariage et si le code pénal réprime sévèrement les violences sexuelles qui sont commises au sein de la famille, le terme même d'inceste n'est inscrit nulle part dans notre législation. Cette lacune de notre législation est mal vécue par les victimes qui y voient une négation de la spécificité des violences qu'elles ont endurées.

Telle est la raison pour laquelle Mme Marie-Louise Fort et certains de ses collègues députés ont souhaité, après avoir recueilli le témoignage de victimes d'inceste et entendu un très grand nombre de professionnels impliqués dans la prise en charge de ces victimes, proposer au Parlement un texte visant à inscrire expressément l'inceste dans notre code pénal.

Ce travail, dont votre commission tient à souligner la qualité, s'inscrit dans une réflexion qui n'est pas nouvelle. Déjà, en 2005, M. Christian Estrosi, député des Alpes-Maritimes, avait été chargé par le Premier ministre de réfléchir à l'opportunité d'ériger l'inceste en infraction spécifique. Il avait remis un rapport en juillet 2005 qui a servi de base à l'élaboration de la présente proposition de loi.

En nommant l'inceste, notre législation offrira aux pouvoirs publics les outils nécessaires pour mesurer l'ampleur de ce phénomène et adapter en conséquence les modalités de la prise en charge des victimes qui, pour l'essentiel, relèvent du domaine réglementaire.

Dans ces conditions, la présente proposition de loi doit être regardée comme un premier pas en faveur de l'élaboration d'une politique globale de détection et de prise en charge des victimes d'inceste, une nouvelle étape dans l'action engagée par les pouvoirs publics pour lutter contre les violences sexuelles intrafamiliales.

I. L'INCESTE EN DROIT FRANÇAIS : UN MOT TABOU MALGRÉ UN DISPOSITIF RÉPRESSIF SÉVÈRE

Les origines de l'interdit de l'inceste ont été longuement étudiées par les sciences humaines et sociales. De façon schématique, l'interdit de l'inceste relève de considérations biologiques (les unions consanguines créent un risque de dégénérescence de l'espèce), sociales (la prohibition de l'inceste est une règle de l'échange social, qui se traduit par l'obligation de prendre femme en-dehors du clan familial 1 ( * ) ) et psychanalytiques (l'interdiction de tuer son père et d'épouser sa mère découle de l'interdit du meurtre et du cannibalisme 2 ( * ) ). Dans l'ouvrage collectif De l'inceste , Boris Cyrulnik relève que « le mot « inceste » désigne des circuits sexuels très variables d'une culture à l'autre. Pourtant, chaque fois qu'il est employé, il suscite un authentique sentiment d'horreur, comme si tous les membres d'un groupe s'en servaient pour charpenter un imaginaire commun » 3 ( * ) .

A. NOTRE LÉGISLATION RÉPRIME SÉVÈREMENT LES VIOLENCES SEXUELLES INCESTUEUSES

Le droit français ne reconnaît pas explicitement la notion d'inceste. A aucun moment cette notion n'est inscrite explicitement dans notre législation : comme l'écrit Jean Carbonnier, « paradoxalement, ce tabou si profond n'est inscrit en termes généraux dans aucun texte, ni au code civil ni au nouveau code pénal (non plus que dans les Dix Commandements). Et il n'est point constitutionnalisé : il plane très au-dessus des droits de l'homme » 4 ( * ) .

Néanmoins, cet interdit universel que constitue l'union sexuelle au sein de la famille sous-tend, d'une part, les dispositions du code civil relatives au mariage et à la filiation, et, d'autre part, les dispositions du code pénal relatives à la répression des violences sexuelles commises au sein de la famille.

En droit civil, l'interdit de l'inceste fonde l'interdiction du mariage entre personnes de la même famille (ou, le cas échéant, la nullité d'un tel mariage) ainsi que l'interdiction de faire reconnaître la filiation d'un enfant qui serait issu d'une telle union.

En droit pénal, il n'existe pas d'incrimination spéciale de l'inceste mais une circonstance aggravante des viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles sur mineur lorsque ceux-ci sont commis « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime » .

Le code pénal distingue en effet trois catégories de violences sexuelles :

§ le viol (articles 222-23 à 222-26 du code pénal), défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » et puni de quinze ans de réclusion criminelle ;

§ l'agression sexuelle (articles 222-22, 222-27 à 222-31 du code pénal), définie comme « toute atteinte sexuelle [autre que le viol] commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » et punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende ;

§ l'atteinte sexuelle (articles 227-25 à 227-27-1 du code pénal), définie comme « le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans » et punie également de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.

Or, lorsque l'infraction a été commise « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime », les peines sont aggravées :

§ le viol est alors puni de vingt ans de réclusion criminelle, qu'il ait été commis sur un mineur de quinze ans ou non ;

§ l'agression sexuelle est quant à elle punie de sept ans d'emprisonnement et de 100.000 euros d'amende si elle est commise sur un majeur ou sur un mineur âgé de plus de quinze ans, et de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende si elle est commise sur un mineur de quinze ans ;

§ l'atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende ;

§ enfin, alors que les atteintes sexuelles sur les mineurs âgés de plus de quinze ans ne sont en principe pas pénalisées (notre droit fixe à quinze ans l'âge de la majorité sexuelle 5 ( * ) ), elles sont toutefois punies de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime, ou par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions (article 227-27 du code pénal).

En choisissant de ne pas faire de l'inceste une infraction spécifique mais en ne le considérant que comme une circonstance aggravante des violences sexuelles, la France a fait le choix de ne pas s'immiscer dans l'ordre moral. Le droit français, comme le droit espagnol ou le droit portugais, ne condamne pas les relations sexuelles librement consenties entre des personnes majeures appartenant à la même famille.

Ce faisant, la France, l'Espagne et le Portugal se différencient d'autres pays occidentaux qui font au contraire de l'inceste une infraction spécifique, indépendamment de toute violence, au titre des infractions contre la famille et le mariage notamment.

Par exemple, l'Allemagne, l'Autriche ou la Suisse punissent d'une peine d'emprisonnement toute personne qui a des relations sexuelles avec un descendant, un ascendant, son frère ou sa soeur, sauf si l'auteur de l'infraction a moins de dix-huit ou dix-neuf ans.

En revanche, l'Italie ne condamne, au titre de la morale familiale, les relations sexuelles entre parents en ligne directe ainsi qu'entre frères et soeurs, que dans la mesure où les faits provoquent un « scandale public », c'est-à-dire lorsque les intéressés se comportent de façon à rendre leurs relations notoires.

Source : Etude de législation comparée sur la répression de l'inceste, réalisée par le Sénat en février 2002

En outre, depuis la seconde moitié des années 1990, les pouvoirs publics ont peu à peu pris conscience de la spécificité des violences sexuelles commises à l'encontre des mineurs, et tout particulièrement au sein de la famille, et ont progressivement adapté notre arsenal législatif :

§ Alors que, selon le droit commun, la prescription est de dix ans en matière criminelle et de trois ans en matière délictuelle, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a porté à vingt ans le délai de prescription des faits de viol commis sur un mineur 6 ( * ) , ainsi que des délits d'agressions sexuelles et des délits d'atteintes sexuelles commises sur un mineur de quinze ans par ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute personne ayant autorité sur la victime. Le délai de prescription relatif aux agressions sexuelles et aux atteintes sexuelles commises sur des mineurs âgés de plus de quinze ans a quant à lui été porté à dix ans 7 ( * ) . Dans tous les cas, ce délai ne commence à courir qu'à partir de la majorité de la victime. Ainsi, les victimes de violences sexuelles incestueuses disposent de la possibilité, dans les cas les plus graves, de porter plainte jusqu'à l'âge de trente-huit ans.

§ En outre, ce dispositif répressif est renforcé par la possibilité ouverte aux juges de prononcer à l'encontre de l'auteur des faits un certain nombre de peines complémentaires . Tout d'abord, la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales fait désormais obligation aux juridictions de jugement de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale lorsque celui qui l'exerce s'est rendu coupable de violences sexuelles sur un mineur. Le retrait de l'autorité parentale peut alors concerner la victime, mais également ses frères et soeurs 8 ( * ) . En outre, le code pénal ouvre aux juridictions de jugement la possibilité de prononcer un certain nombre de peines complémentaires telles que l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec un mineur, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, ou encore un suivi socio-judiciaire 9 ( * ) . Enfin, depuis l'adoption de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, les personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour viol aggravé peuvent faire l'objet, à l'issue de leur peine, d'une rétention de sûreté « si elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité ».

Par ailleurs, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs a mieux pris en compte l'intérêt des mineurs victimes dans notre procédure pénale. Ainsi, aux termes des articles 706-47 et suivants du code de procédure pénale, le procureur de la République ou le juge d'instruction informe sans délai le juge des enfants de l'existence d'une procédure concernant un mineur victime de violences sexuelles et désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection de l'enfant n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux. Tout mineur victime est assisté par un avocat lorsqu'il est entendu par le juge d'instruction et son audition fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel. Enfin, comme le relève le rapport établi par Mme Marie-Louise Fort dans le cadre de la mission de lutte contre l'inceste que lui a confiée le groupe UMP de l'Assemblée nationale, « depuis quelques années, qu'il s'agisse de maltraitances sur les enfants ou des violences sur les conjointes ou conjoints notamment, la justice préfère extraire le suspect ou le condamné du foyer plutôt que la victime. La mission salue cette évolution et appelle à la renforcer. [...] Des solutions existent [par ailleurs] dans le placement chez un tiers digne de confiance ou chez un membre non impliqué de la famille. La loi de mars 2007 10 ( * ) apporte sur ce sujet de nouvelles réponses dont il faut accélérer la mise en oeuvre et qu'il faudra évaluer » 11 ( * ) .

L'ensemble de ces considérations ont conduit M. Christian Estrosi, chargé par le Premier ministre en 2005 de réfléchir à l'opportunité d'ériger l'inceste en infraction spécifique, à faire valoir que « la législation française, en matière de répression de la délinquance sexuelle, s'avère être l'une des plus efficaces et des plus sévères d'Europe. [...] Par ailleurs, si la délinquance sexuelle fait l'objet en Europe de modalités répressives diverses, l'emprisonnement ferme constitue la sanction pénale la plus communément appliquée. Avec la Grande-Bretagne, la France est non seulement le pays dans lequel les condamnations sans sursis total sont les plus prononcées, mais également celui où les peines privatives de liberté prononcées sont les plus lourdes puisque près de 80% d'entre elles, crimes et délits sexuels confondus, ont un quantum supérieur ou égal à cinq ans » 12 ( * ) .

Les peines pour les condamnations de viol par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime sont une peine privative de liberté ferme dans 92% des cas, avec un quantum ferme moyen de 5,4 ans pour l'emprisonnement et de 11,5 ans pour la réclusion. Le viol par ascendant ou personne ayant autorité sur la victime concerne environ 250 condamnations par an.

L'agression sexuelle sur un mineur de quinze ans par ascendant ou personne ayant autorité concernait 1.810 condamnations en 2005, 1.719 en 2006 et 1.621 en 2007. Pour cette infraction (et quand elle est unique 13 ( * ) ), la peine d'emprisonnement ferme est prononcée dans 44 % des cas, pour un quantum ferme moyen de deux ans.

L'atteinte sexuelle par ascendant ou personne ayant autorité sur mineur de quinze ans concernait 216 condamnations en 2005, 170 en 2006 et 157 en 2007. L'emprisonnement ferme est prononcé dans 35 % des cas. Le quantum moyen ferme est de deux ans.

Néanmoins, ces données ne distinguent pas les violences commises au sein de la famille et celles qui sont commises en-dehors par une personne ayant autorité sur la victime.

Source : ministère de la Justice

B. L'ABSENCE DE RECONNAISSANCE EXPLICITE DE L'INCESTE NUIT À LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES

S'il existe donc un dispositif pénal qui permet de réprimer sévèrement les faits incestueux commis sur des mineurs, l'absence de reconnaissance explicite de la notion d'inceste dans notre code pénal nuit à l'identification et à la prise en charge des victimes. En effet, la notion de violences sexuelles commises « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime » ne permet pas de distinguer les violences sexuelles commises au sein de la cellule familiale de celles qui sont commises en-dehors de la famille.

Cette indétermination est la cause directe de l'incapacité qu'ont les pouvoirs publics à mesurer l'inceste. Le ministère de la Justice recense environ 250 condamnations par an relatives à des viols commis par ascendant ou personne ayant autorité sur la victime, mais ce chiffre ne représente qu'un minimum dans la mesure où il n'est pas possible d'y inclure les condamnations de viols avec plusieurs circonstances 14 ( * ) . De même, l'agression sexuelle sur un mineur de quinze ans par ascendant ou personne ayant autorité aurait concerné 1.810 condamnations en 2005, 1.719 en 2006 et 1.621 en 2007, et l'atteinte sexuelle par ascendant ou personne ayant autorité sur mineur de quinze ans 216 condamnations en 2005, 170 en 2006 et 157 en 2007 (voir encadré ci-dessus). Néanmoins, ces données ne permettent pas d'évaluer la part de l'inceste dans le total de ces condamnations. De fait, il n'existe pas de statistiques judiciaires sur les actes incestueux 15 ( * ) .

Dans ces conditions, on ne dispose que d'évaluations partielles permettant de rendre compte de l'ampleur des violences incestueuses en France. Une étude réalisée en 2004-2005 sur les 243 enfants suivis par le juge des enfants de Laval a par exemple permis de révéler que 46 % de ces dossiers faisaient apparaître des abus sexuels commis au sein de la sphère familiale. L'âge de la victime s'échelonnait entre deux et quinze ans, et, dans 60 % des cas, l'enfant avait moins de dix ans au moment des faits qu'il déclarait avoir subis 16 ( * ) . De même, des évaluations permettent d'estimer à 20 % la part des procès d'assises concernant des infractions de type incestueux 17 ( * ) . Enfin, un sondage réalisé à la demande de l'Association internationale des victimes de l'inceste par IPSOS en janvier 2009 a évalué à 3 % des Français (et même 5% des femmes) le nombre de personnes déclarant avoir été victimes d'inceste. Selon les données collectées par cette même association, les auteurs de violences sexuelles sur mineurs seraient, dans un tiers des cas, les pères, dans près de 10 % des cas les beaux-pères ou concubins de la mère, et dans 6,1 % des cas les grands-parents. Ces évaluations partielles semblent mettre en évidence une ampleur du phénomène des violences incestueuses en France, sans qu'aucun moyen ne permette de le quantifier précisément, ce qui apparaît tout à fait regrettable.

En effet, l'ensemble des études relatives à l'inceste montrent que celui-ci constitue une forme de violence tout à fait spécifique et particulièrement destructrice, notamment parce qu'elle se nourrit du silence qu'induit son caractère « innommable » de tabou absolu. La principale caractéristique de la famille incestueuse est son isolement, son enfermement sur elle-même, qu'accompagne très souvent la non-reconnaissance de la parole de l'enfant ainsi que les dénégations de la famille et les efforts mis en oeuvre par l'ensemble familial pour faire « disparaître » les éléments perturbants 18 ( * ) . Comme l'expose Mme Marie-Louise Fort dans son rapport précité, « il est essentiel de comprendre que ces violences, leur inscription dans la durée et parfois sur plusieurs générations, la relation qui lie auteur et victime et ses conséquences médicales et sociales pour les victimes font de l'inceste un crime spécifique qui ne peut être circonscrit aux frontières de la pédophilie. Dans les cas d'inceste, l'auteur agresse non seulement sexuellement sa victime avec ce que cela peut comporter de violences physiques et psychiques, mais il détruit ou dévie la construction de la personnalité de l'enfance d'une façon si grave et si profonde qu'il réduit a minima les chances qu'a l'enfant de connaître une résilience. L'inceste conduit la société dans l'indicible en l'attaquant sur deux de ses fondements : la protection de l'enfance et la famille » 19 ( * ) .

C'est le même constat que tire Dominique Vrignaud, juge des enfants : « inscrite dans la conscience universelle, la transgression de l'inceste reste synonyme de graves désordres. L'enfant est « inceste-tué » et c'est peut-être à cet endroit que le désordre est le plus important. Réduit à la notion d'objet du système familial et de son abuseur, l'enfant n'est plus la continuité, le prolongement de ses parents ou de ses proches responsables, il en devient l'un des éléments, l'une des parties, voire l'identité de l'autre » 20 ( * ) .

De fait, les observations cliniques mettent en évidence une prégnance des troubles psychiques engendrés par l'inceste : états délirants, troubles des conduites alimentaires, troubles de la personnalité, forte propension aux tentatives de suicide, etc., qu'accompagnent le plus souvent une fréquente déscolarisation, des troubles du comportement et de la relation à l'autorité ainsi que des pratiques à risque, notamment sur le plan sexuel.

Ces considérations ont convaincu Mme Marie-Louise Fort, auteur de la proposition de loi, de la nécessité d'inscrire l'inceste dans le code pénal afin d'améliorer la prévention de ce phénomène ainsi que le suivi et la prise en charge des victimes.

II. L'OBJET DE LA PROPOSITION DE LOI : INSCRIRE L'INCESTE DANS LE CODE PÉNAL AFIN DE MIEUX L'IDENTIFIER ET D'AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES

A. INSCRIRE L'INCESTE DANS LE CODE PÉNAL

La présente proposition de loi vise à introduire et à définir la notion d'inceste dans le code pénal. Elle ne l'érige cependant pas en infraction spécifique et reprend le principe actuel du code pénal selon lequel ce comportement constitue une circonstance aggravante des viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles sur mineurs.

Aux termes de deux articles 222-32-1 21 ( * ) et 227-27-1 créés par la proposition de loi, seraient qualifiés d'inceste les viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles sur mineur commis sur un mineur par :

1° Son ascendant ;

2° Son oncle ou sa tante ;

3° Son frère ou sa soeur ;

4° Sa nièce ou son neveu ;

5° Le conjoint ou le concubin d'une de ces personnes ou le partenaire liés par un pacte civil de solidarité avec l'une de ces personnes.

Ce faisant, l'auteur de la proposition de loi a souhaité mettre le droit pénal en cohérence avec les dispositions du code civil relatives aux prohibitions au mariage et au pacte civil de solidarité.

Comme le montre Jean Carbonnier, les dispositions du code civil font apparaître trois zones d'interdiction, suivant la rigueur des conséquences :

§ une « zone d'horreur », où l'interdit est absolu. Il s'agit de la proche parenté par le sang, qui concerne les ascendants et descendants en ligne directe ainsi que les frères et soeurs ;

§ une « zone intermédiaire », où se situe l'interdiction de se remarier avec sa bru ou son gendre, sa belle-fille ou son beau-fils, mais seulement quand l'union d'où procédait l'alliance a été dissoute par le divorce ;

§ enfin, une « zone d'accommodement », qui concerne le remariage entre alliés en ligne directe, mais seulement quand la première union a été dissoute par décès, ainsi que le mariage entre oncle et nièce, tante et neveu 22 ( * ) .

Code civil (extraits) :

Article 161 : En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne.

Article 162 : En ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre le frère et la soeur.

Article 163 : Le mariage est encore prohibé entre l'oncle et la nièce, la tante et le neveu.

Article 164 : Néanmoins, il est loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves, les prohibitions portées :

1° par l'article 161 aux mariages entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l'alliance est décédée ;

2° (abrogé) ;

3° par l'article 163 aux mariages entre l'oncle et la nièce, la tante et le neveu.

Article 310-2 : S'il existe entre les père et mère de l'enfant un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à l'égard de l'autre par quelque moyen que ce soit.

Article 515-2 : A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité :

1° Entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus ;

2° Entre deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens du mariage ;

3° Entre deux personnes dont l'une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité.

Du fait de ces prohibitions à géométrie variable, la définition retenue des auteurs d'acte incestueux a fait l'objet de critiques au cours des débats à l'Assemblée nationale, certains députés faisant valoir qu'il n'était pas cohérent de réprimer ce que le droit civil peut, sous certaines conditions, autoriser 23 ( * ) .

Néanmoins, si la définition retenue par la proposition de loi a pour but de mettre le droit pénal en cohérence avec le droit civil, elle procède également d'une toute autre préoccupation que celle qui fonde les prohibitions au mariage : elle prend en compte en effet l'ensemble des membres de la cellule familiale qui sont censés apporter une protection à l'enfant afin de lui permettre de se construire en tant qu'individu. C'est précisément en raison de ce rôle très particulier que ces personnes auraient dû jouer dans la vie de l'enfant que les violences sexuelles qu'elles lui auraient infligées seraient considérées comme présentant un degré de gravité supplémentaire à celles qui auraient pu être infligées en-dehors de la cellule familiale.

En tout état de cause, votre commission relève que le champ des auteurs de violences sexuelles incestueuses, tel qu'il est retenu par la proposition de loi, recouperait en grande partie l'ensemble des personnes que la jurisprudence considère d'ores et déjà comme constituant un « ascendant légitime, naturel ou adoptif ou [...] toute autre personne exerçant une autorité sur la victime ». En effet, le juge pénal a été amené, depuis le XIX ème siècle, à regarder comme exerçant une autorité de fait sur la victime un certain nombre de personnes appartenant à la cellule familiale. Ont par exemple été considérés comme exerçant une telle autorité un homme qui avait infligé des violences aux enfants issus du premier mariage de son épouse 24 ( * ) , même lorsqu'ils ne résident pas au domicile familial 25 ( * ) , le concubin de la grand-mère de l'enfant 26 ( * ) , ou encore le grand-oncle par alliance de la victime, qui la recevait quotidiennement dans son domicile, alors qu'elle lui avait été confiée par la mère 27 ( * ) . Par un arrêt en date du 15 septembre 2004, la Cour de cassation a estimé qu'un oncle par alliance pouvait exercer une autorité de fait sur son neveu, dans la mesure où ce dernier avait été laissé par ses parents, présents sur les lieux, sous la surveillance du futur agresseur pendant une brève période de jeu.

Dans ces conditions, la qualification de l'inceste retenue par la proposition de loi ne modifierait réellement l'état du droit qu'en aggravant les peines pour les oncles, tantes, neveux et nièces, ou les conjoints de ces derniers, lorsque ces personnes n'exercent pas une autorité de droit ou de fait sur la victime au sens où l'entend actuellement la jurisprudence.

La proposition de loi inclut également une disposition tendant à définir la notion de contrainte (qui est un élément constitutif des infractions de viol et d'agressions sexuelles) afin de permettre aux juges de prendre en compte la spécificité du contexte incestueux dans lequel se sont déroulées les violences dès l'examen de la qualification de l'infraction, et non plus uniquement au moment de l'examen des circonstances aggravantes, et de mettre ainsi un terme à la déqualification des viols en atteintes sexuelles qui est parfois opérée par les juridictions de jugement.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Christian Estrosi et tendant à porter à cinq ans et 75.000 euros d'amende les peines encourues en cas d'atteintes sexuelles commises par un ascendant ou une personne ayant autorité sur un adolescent âgé entre quinze et dix-huit ans.

Par ces dispositions tendant à « poser sur l'acte le terme qui lui convient » (exposé des motifs), la proposition de loi a pour but de permettre de mieux identifier les victimes d'inceste et, ainsi, d'améliorer leur prise en charge en adaptant cette dernière à la spécificité des traumatismes qu'elles ont subis.

B. IDENTIFIER L'INCESTE AFIN DE RENFORCER LES DISPOSITIFS DE PRISE EN CHARGE EXISTANTS

Au-delà de ce volet strictement pénal, la proposition de loi inclut deux séries de dispositions visant à améliorer la sensibilisation du public, et plus particulièrement des professionnels de l'enfance, à la problématique des violences sexuelles intrafamiliales d'une part, et à renforcer les dispositions relatives à l'accompagnement et à la prise en charge des victimes d'autre part.

Aux termes des articles 4 et 5 de la proposition de loi, une mission de sensibilisation aux violences sexuelles intrafamiliales serait confiée à l'Education nationale et aux sociétés en charge de l'audiovisuel public. En outre, la formation des professionnels de l'enfance et des médecins comprendrait désormais obligatoirement un module de sensibilisation à ce type très particulier de problématique.

Comme l'écrit Mme Marie-Louise Fort dans le rapport de la mission de lutte contre l'inceste que lui a confiée le groupe UMP de l'Assemblée nationale, « les responsables associatifs auditionnés ont tous mis l'accent sur le besoin de créer un référentiel chez les enfants victimes. Il s'agit de permettre à l'enfant de comparer sa situation avec celles de ses camarades et avec la norme. L'enfant écoutant le message de prévention sur les méfaits de la violence, dans lequel s'inscrit la sensibilisation aux violences sexuelles, pourra développer son jugement et comprendre que sa souffrance ne fait pas partie de la normalité comme peut le lui faire croire son agresseur » 28 ( * ) .

Corrélativement, il est important que les professionnels amenés à recueillir la parole de l'enfant soient formés à prêter une attention particulière aux symptômes que présentent les victimes d'inceste.

L'ensemble des dispositions de la proposition de loi a ainsi pour but de conforter et de donner un nouvel élan aux efforts réels accomplis par les pouvoirs publics en cette matière depuis une dizaine d'années.

Ainsi, dès septembre 1997, l'Education nationale a publié une instruction à l'attention des chefs d'établissement et directeurs d'école concernant les violences sexuelles. Faisant le constat que « l'école, le collège, le lycée sont les lieux où un enfant se confie souvent pour la première fois et révèle les violences sexuelles dont il est ou a été victime au sein de la cellule familiale ou dans son entourage », cette instruction a attiré l'attention des directeurs d'école et chefs d'établissement sur les symptômes que présentent les enfants et adolescents victimes de violences sexuelles et rappelé les obligations qui pèsent sur les agents de l'Education nationale, notamment en termes de signalement aux autorités 29 ( * ) . Par la suite, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, puis la loi n° 2000-197 du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants 30 ( * ) ont renforcé la rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants. Enfin, les Axes prioritaires de prévention 2008-2009 de l'Education nationale ont inscrit la lutte contre les violences sexuelles comme une priorité.

Néanmoins, les associations de protection de l'enfance rencontrées par votre rapporteur dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi lui ont indiqué que l'ensemble de ces dispositions n'étaient pas pleinement appliquées. L'association La Voix de l'Enfant a notamment attiré l'attention de votre rapporteur sur le fait que les interventions des associations spécialisées n'étaient pas toujours bien accueillies dans les établissements scolaires. L'association internationale des victimes de l'inceste a par ailleurs indiqué que la plupart des établissements scolaires dans lesquelles elle intervenait n'affichaient pas, alors qu'ils en ont l'obligation, l'information relative à l'existence du service d'accueil téléphonique gratuit 119 Allô Enfance Maltraitée 31 ( * ) .

Pourtant, le docteur Patrick Ayoun 32 ( * ) a fait valoir à votre rapporteur que des bilans très positifs pouvaient être tirés des actions de sensibilisation aux violences sexuelles menées par certaines associations à destination d'adolescents. En revanche, il a attiré l'attention sur le fait que de telles actions pouvaient parfois avoir un effet très perturbant sur de jeunes enfants, d'où la nécessité pour les professeurs et autres professionnels de l'enfance d'être spécialement formés sur cette problématique très particulière que constituent les violences sexuelles intrafamiliales.

La question plus générale de la formation des professionnels de l'enfance au recueil de la parole de l'enfant avait constitué l'un des axes étudiés par le groupe de travail chargé de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l'affaire dite « d'Outreau » et présidé par M. Jean-Olivier Viout. Constatant que « le recueil de la parole de l'enfant présente de telles spécificités qu'il ne peut s'improviser », ce groupe de travail avait souligné le travail accompli depuis quelques années au niveau de la police et de la gendarmerie nationale en matière de formation et de professionnalisation des enquêteurs chargés du recueil de la parole de l'enfant 33 ( * ) . Des modules de formation relatifs aux violences sexuelles intrafamiliales sont également désormais proposés, en formation initiale comme en formation continue, aux auditeurs de justice et aux magistrats par l'Ecole nationale de la magistrature. Les dispositions figurant à l'article 4 de la proposition de loi permettraient d'étendre à l'ensemble des professionnels appelés à être en contact avec les enfants ces modules de formation, qui paraissent indispensables à la détection des enfants victimes d'inceste.

Par ailleurs, la proposition de loi inclut un volet relatif à l'accompagnement des victimes, dont la portée a cependant été limitée en raison de l'appréciation portée par la commission des finances de l'Assemblée nationale sur sa recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution

Ainsi, l'article 6, jugé irrecevable sur ce fondement, prévoyait de doter chaque département d'un centre de référence pour la prise en charge de victimes de traumatismes psychiques. Ces dernières auraient bénéficié de l'assistance de médecins, psychologues et avocats afin de mieux les accompagner dans leur parcours judiciaire et les aider à se reconstruire.

Cette disposition, qui ne figure donc plus dans la proposition de loi, en constituait pourtant un axe essentiel. En effet, comme l'a fait observer l'Observatoire national de l'enfance en danger dans la contribution écrite qu'il a fait parvenir à votre rapporteur, « la question la plus centrale [...] concerne la faiblesse de la réponse en matière de soins offerts aux enfants victimes d'abus sexuels, particulièrement au sein de leur famille. S'il existe de très rares structures réputées, [...] d'une part, aucune ne prend en charge les garçons, et, d'autre part, dans la plupart des départements de France, nos interlocuteurs (services sociaux et départementaux, magistrats) soulignent l'absence de soins pédopsychiatriques ». L'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur ont également attiré son attention sur la faiblesse globale et les inégalités territoriales de l'offre de soins relatives aux mineurs et majeurs victimes d'inceste. Ainsi, à l'exception notable de la maison Jean Bru, qui accueille à Agen des jeunes filles victimes d'inceste, aucune institution n'est spécialisée dans la prise en charge des mineurs victimes d'inceste. Quant aux majeurs souffrant des conséquences de l'inceste qu'ils ont subis dans leur enfance, leur prise en charge se limite à celle des symptômes qu'ils présentent (alcoolisme, forte propension aux tentatives de suicide, etc.) sans qu'aucune action ne soit menée sur le plan thérapeutique sur la cause de tels symptômes.

Toutefois, Mme Marie-Louise Fort, rapporteur du texte au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a indiqué au cours des débats avoir reçu de la part du ministère de la santé l'assurance que des réponses seraient prochainement apportées aux victimes de violences sexuelles incestueuses. De telles réponses pourront être exposées dans le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement, en application de l'article 7 de la proposition de loi, sur les modalités de prise en charge des victimes d'infractions sexuelles intrafamiliales.

Enfin, l'article 6 bis de la proposition de loi vise à étendre aux associations impliquées dans la lutte contre l'inceste la possibilité de se constituer partie civile lorsque des poursuites ont été engagées à l'encontre d'auteurs de violences sexuelles incestueuses. Par ailleurs, la désignation d'un administrateur ad hoc , qui est actuellement une possibilité ouverte aux magistrats, serait rendue systématique dès lors que l'affaire concerne des violences sexuelles intrafamiliales.

Aux termes de l'article 706-50 du code de procédure pénale, le procureur de la République ou le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. Cet administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile.

L'administrateur ad hoc est désigné par le magistrat compétent, soit parmi les proches de l'enfant, soit sur une liste de personnalités dressée tous les quatre ans dans le ressort de chaque cour d'appel. Ce peut être une personne physique ou une personne morale :

- une personne physique ne peut notamment être inscrite sur la liste que si elle a entre trente et soixante-dix ans, qu'elle s'est signalée depuis un temps suffisant par l'intérêt qu'elle porte aux questions de l'enfance et par sa compétence et qu'elle n'a pas été l'auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale ou à sanction disciplinaire ou administrative pour agissements contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ;

- une personne morale peut quant à elle être inscrite sur cette liste à condition que chacune des personnes susceptibles d'exercer pour son compte une mission d'administrateur ad hoc remplisse ces mêmes conditions.

En pratique, les administrateurs ad hoc se caractérisent par des profils très divers : personnes physiques de formation diverse, conseils généraux, associations d'aide aux victimes, avocats, etc., tout autant que par des pratiques et des moyens très divers. Comme le relevait le rapport du groupe de travail chargé de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l'affaire dite « d'Outreau », remis en février 2005, « l'administrateur ad hoc demeure souvent encore un personnage méconnu qui recouvre des réalités variables. Il se cantonne tantôt à un rôle de désignation d'un avocat ou exerce au contraire une véritable mission de représentation juridique et de soutien moral tout au long de la procédure pénale. [...] La mission dévolue à l'administrateur ad hoc exige des compétences juridiques de plus en plus précises, des qualités humaines et une véritable déontologie. [...] Les différentes auditions ont d'autre part fait apparaître que la faible rémunération de l'administrateur ad hoc, sur une base forfaitaire non réévaluée depuis 1999, constituait un frein au recrutement d'administrateurs ad hoc de qualité » 34 ( * ) . Une refonte de ce système d'indemnisation, mise en oeuvre par le décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 et par l'arrêté du 2 septembre 2008 relatif aux frais de justice criminelle, en matière de médecine légale, de traduction, d'interprétariat et d'administration ad hoc , en permettant désormais aux administrateurs d'être remboursés des frais de déplacement inhérents à leurs missions et en créant une indemnité de carence en cas de difficulté dans le déroulement de celles-ci, devrait contribuer à pallier la pénurie actuelle d'administrateurs 35 ( * ) .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : CONFORTER LA DÉMARCHE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PERMETTANT L'APPLICATION RAPIDE DES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

L'opportunité d'inscrire explicitement la notion d'inceste dans le code pénal fait l'objet d'avis contrastés parmi les professionnels de l'enfance.

De l'avis de tous, notre législation permet d'ores et déjà de réprimer sévèrement les auteurs de violences sexuelles incestueuses. Les magistrats entendus par votre rapporteur se sont tous déclarés défavorables aux dispositions de la proposition de loi visant à inscrire l'inceste dans le code pénal et à définir les auteurs d'actes incestueux, faisant valoir que de telles dispositions risqueraient d'introduire une forte insécurité juridique dans un système qui a fait la preuve de son efficacité. Dans un avis daté du 17 juin 2005, Mme Claire Brisset, ancienne Défenseure des enfants, s'était elle aussi prononcée contre une inscription explicite de l'inceste dans le code pénal, au motif que de telles dispositions risqueraient de brouiller le cadre juridique des poursuites sans pour autant donner de garanties d'amélioration de la situation de l'enfant.

Néanmoins, après avoir procédé à un certain nombre d'auditions, votre rapporteur a été convaincu de la nécessité d'inscrire explicitement la notion d'inceste dans le code pénal, tout en conservant le système actuel qui consiste à en faire une circonstance aggravante des infractions de viol, agressions sexuelles et atteintes sexuelles sur mineur, et non une infraction spécifique.

En effet, le contexte dans lequel se déroulent les violences incestueuses est toujours un contexte empreint de déni, de silence, de rejet de l'enfant accusateur. Certains agresseurs prétendent même, pour leur défense, avoir été séduits, voire même provoqués, par l'enfant qu'ils ont abusé pendant des années. Dans ce contexte de violence très particulier, la notion de « viol par ascendant ou personne ayant autorité » apparaît particulièrement obscure pour les victimes, qui ignorent parfois, jusqu'à ce qu'elles parviennent à obtenir de l'aide, qu'elles ont la possibilité de porter plainte contre leur agresseur. Comme l'a expliqué le docteur Patrick Ayoun à votre rapporteur, l'inscription de la notion d'inceste dans le code pénal permettrait de combattre le déni qui accompagne toujours la révélation de ces violences.

Néanmoins, il est apparu à votre commission que la définition retenue dans la proposition de loi des auteurs d'actes incestueux risquait de susciter un certain nombre de difficultés :

§ Tout d'abord, comme l'ont souligné un grand nombre de personnes entendues, l'énumération proposée par la proposition de loi est particulièrement rigide. En envisageant la cellule familiale à partir des liens de filiation et d'alliance, et non à partir des liens affectifs et de confiance tissés autour de l'enfant, la proposition de loi crée le risque, dans ses dispositions actuelles, d'inclure dans l'inceste un certain nombre de situations qui n'en relèvent pas de façon évidente, et au contraire d'exclure des situations dans lesquelles l'inceste est pourtant manifeste. A titre d'exemple, pourraient être désormais qualifiées d'atteintes sexuelles incestueuses les relations qu'un adolescent pourrait avoir avec la concubine de son père ou de son oncle. En revanche, la situation des « quasi-fratries » n'est pas envisagée par la proposition de loi, si bien qu'un viol commis sur un enfant par le fils de son beau-père ou de sa belle-mère ne serait pas qualifié d'incestueux.

§ En outre, la déclinaison des auteurs d'actes incestueux figurant dans la proposition de loi crée, par rapport à l'état du droit, un changement de périmètre qui risque de susciter pendant des années, compte-tenu des dispositions dérogatoires existant en matière de prescription, des difficultés de droit transitoire particulièrement inopportunes. En effet, les dispositions de la proposition de loi concernant les personnes que la jurisprudence ne considère pas aujourd'hui comme relevant de la catégorie de l' « ascendant ou toute autre personne ayant autorité sur la victime » (un oncle éloigné par exemple) ne pourraient s'appliquer, compte tenu de leur caractère plus sévère, qu'à partir de l'entrée en vigueur du texte. Les juridictions seraient donc amenées à examiner d'abord si l'auteur des faits relevait, sous l'empire du droit antérieur, de la catégorie « ascendant ou toute autre personne ayant autorité sur la victime » avant de déterminer si la nouvelle circonstance aggravante d'inceste créée par l'article 2 de la proposition de loi peut, ou non, s'appliquer, compte tenu de la date de commission des faits.

Ces considérations ont convaincu votre commission de la nécessité d'apporter au texte adopté par l'Assemblée nationale un certain nombre de modifications qui devraient répondre à ces objections et permettre à la proposition de loi de s'appliquer immédiatement :

§ tout d'abord, votre commission a souhaité que les auteurs d'actes incestueux ne soient pas énumérés de façon stricte dans la loi. En effet, en matière de violences sexuelles incestueuses, la confiance et l'affection abusée de l'enfant importe au moins autant que la filiation stricte. Dès lors, il est apparu indispensable à votre commission que la cellule familiale soit envisagée avant tout comme la cellule affective dans laquelle évolue l'enfant et qu'une liberté d'appréciation soit laissée aux juges afin de leur permettre de s'adapter à l'ensemble des configurations familiales auxquelles ils pourraient être confrontés ;

§ en outre, il est apparu tout aussi nécessaire à votre commission de conserver l'état du droit applicable à l'heure actuelle, afin que la définition de l'inceste qui serait désormais inscrite dans le code pénal puisse être utilisée immédiatement par les juges dans les affaires en cours.

Pour ces deux raisons, la commission a modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale afin d'indiquer que les viols, les agressions sexuelles et les atteintes sexuelles sont qualifiés d'incestueux « lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».

Par ailleurs, votre commission n'a pas souhaité retenir les dispositions figurant à l'article 2 de la proposition de loi et créant une nouvelle circonstance aggravante d'inceste. En effet, ce dispositif ne prendrait plus en compte en tant que circonstance aggravante les faits de violence commis au sein de la famille sur une victime majeure.

C'est la raison pour laquelle votre commission a souhaité, sous réserve de quelques modifications de nature rédactionnelle, conserver les dispositions actuelles aggravant les violences lorsqu'elles sont commises par un ascendant ou une personne ayant autorité, et faire de l'inceste une qualification supplémentaire qui viendrait se superposer aux qualifications existantes. Les juridictions, appelées à se prononcer sur des violences sexuelles commises par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, pourraient dans ces conditions retenir immédiatement, dans les affaires en cours, la qualification d'inceste lorsque ces violences ont été commises au sein de la famille.

Votre commission considère qu'un tel dispositif répondrait pleinement aux deux objectifs de cette proposition de loi qui sont, d'une part, de reconnaître explicitement le caractère incestueux des violences sexuelles qu'ont subies les victimes, et, d'autre part, de permettre l'application immédiate de ces dispositions sans poser de problème de droit transitoire.

En outre, cette « surqualification » étant d'application immédiate, le ministère de la Justice sera rapidement en mesure d'établir -enfin- des statistiques fines permettant de rendre compte de l'ampleur de l'inceste en France et du profil des victimes et des agresseurs. L'élaboration de ces statistiques permettra ensuite à l'ensemble des pouvoirs publics (Etat mais également conseils généraux en charge de la protection de l'enfance) de mettre en oeuvre une politique volontariste de prise en charge des victimes.

Au-delà de ces dispositions relatives à l'inscription de la notion d'inceste dans le code pénal, l'attention de votre rapporteur a été attirée sur les effets indésirables que pourrait entraîner la disposition figurant à l'article 6 bis et prévoyant le caractère systématique de la désignation d'un administrateur ad hoc en cas d'inceste. Il apparaît en effet que dans certaines situations d'inceste, l'un des parents, voire même les deux (lorsque les violences sont le fait d'un oncle ou d'un grand-père par exemple), demeurent aptes à assurer la protection de l'enfant victime. Dans de pareilles situations, la désignation de l'administrateur ad hoc pourrait être mal ressentie, et à juste titre, par les parents comme par l'enfant victime. Aussi votre commission a-t-elle souhaité tempérer le caractère obligatoire d'une telle désignation, en prévoyant que le juge peut y déroger à condition de motiver sa décision.

Enfin, votre commission a souhaité apporter au texte un certain nombre de modifications rédactionnelles. Le titre de la proposition de loi (« proposition de loi tendant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs et améliorer l'accompagnement médical et social des victimes ») lui paraissant difficilement lisible du fait de son caractère trop exhaustif, votre commission lui a substitué le titre de « proposition de loi tendant à inscrire l'inceste dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux ». Des améliorations rédactionnelles ont été apportées à la définition de la contrainte figurant à l'article 1 er de la proposition de loi. Par coordination avec les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre du projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », une disposition de l'article 4 a été supprimée. La date de remise du rapport du Gouvernement au Parlement sur les dispositifs de prise en charge des victimes d'inceste a été reportée de six mois pour tenir compte des délais d'examen de la présente proposition de loi. Enfin, un article additionnel a été ajouté afin de permettre l'application du texte dans les collectivités d'outre-mer.

*

* *

La commission a adopté le texte de la proposition de loi ainsi rédigée.

EXAMEN DES ARTICLES

Intitulé de la proposition de loi

Afin de simplifier l'intitulé de la proposition et mieux faire apparaître son apport principal, votre commission a souhaité renommer la proposition de loi « proposition de loi tendant à inscrire l'inceste dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux ».

Votre commission a adopté l'intitulé de la proposition de loi ainsi modifié.

TITRE I - IDENTIFICATION ET ADAPTATION DU CODE PÉNAL À LA SPÉCIFICITÉ DE L'INCESTE

Article premier (art. 222-22-1 [nouveau], paragraphes 3, 4 et 5 [nouveau] de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II, art. 222-31-1 et 222-31-2 [nouveaux], art. 227-27-2 et 227-27-3 [nouveaux] et art. 227-28-2 du code pénal) - Inscription de la notion d'inceste dans le code pénal et précision de la notion de contrainte

L'article premier de la proposition de loi contient des dispositions relatives, d'une part, à la notion de contrainte, et, d'autre part, à la définition des auteurs d'actes incestueux.

1 - Définition de la notion de contrainte

Le 1° de cet article résulte d'une disposition intégrée au texte de la proposition de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de son rapporteur. Il s'agit de la reprise d'une préconisation formulée par le rapport de la mission confiée par le Premier ministre à M. Christian Estrosi en juillet 2005.

Le code pénal distingue au sein des infractions sexuelles :

- le viol et les agressions sexuelles d'une part, qui, pour être constitués, doivent avoir été commis avec « violence, contrainte, menace ou surprise » (articles 222-22 et suivants du code pénal),

- les atteintes sexuelles d'autre part, catégorie d'infraction qui ne concerne que des faits commis sur des mineurs et qui sont constituées « sans violence, contrainte, menace ni surprise » (articles 227-25 et suivants du code pénal).

Au cours des travaux préparatoires à l'adoption du nouveau Code pénal, le Sénat avait contesté la disjonction de ces deux catégories d'infractions, faisant valoir qu'un mineur devait être considéré comme ne pouvant réellement consentir à des rapports sexuels, de sorte que les atteintes sexuelles sur mineur, mêmes commises sans violence, devaient être regardées comme étant de même nature et de même gravité que les agressions sexuelles commises sur des adultes. Toutefois, l'arbitrage en commission mixte paritaire s'était fait en faveur de la position du Gouvernement et de l'Assemblée nationale et avait abouti à insérer les dispositions relatives aux agressions sexuelles au sein du chapitre consacré aux atteintes à l'intégrité de la personne, tandis que les atteintes sexuelles étaient insérées dans le chapitre consacré aux atteintes aux mineurs et à la famille 36 ( * ) .

Néanmoins, jusqu'à 1995, la jurisprudence considérait sans ambiguïté que l'état de contrainte, élément constitutif du viol et de l'agression sexuelle, résultait de plein droit de l'âge des mineurs victimes lorsque celui-ci était suffisamment peu élevé pour que les enfants ne puissent avoir aucune idée de ce qu'est la sexualité, ce qui les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés. Ce raisonnement aboutissait à réserver la qualification d'atteinte sexuelle au cas des mineurs susceptibles d'être conscients de ce qu'est la sexualité 37 ( * ) .

Cette position a néanmoins été remise en cause à partir de 1995 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui , se fondant sur un raisonnement juridique strict, a considéré que la contrainte ou la surprise ne pouvait résulter du seul âge de la victime 38 ( * ) . Ce raisonnement se fondait sur le principe général selon lequel un même élément ne peut être pris en compte à plusieurs reprises et à des titres divers dans le cadre de la constitution et de la répression d'une unique infraction : un même fait (en l'espèce, l'âge de la victime) ne peut être à la fois considéré comme un élément constitutif de l'infraction et comme une circonstance aggravante de celle-ci 39 ( * ) .

Cette prise de position a fortement ému un certain nombre d'associations de victimes qui ont fait valoir qu'une telle position semblait sous-entendre que le mineur, y compris très jeune, aurait pu consentir aux agressions sexuelles dont il a été victime, dès lors que la violence, la menace, la contrainte ou la surprise n'était pas démontrée.

Or, comme le relève le rapport établi par M. Christian Estrosi en juillet 2005, « présumer la capacité de l'enfant à consentir de manière libre et éclairée à de tels faits revient à faire fi de toute la spécificité du contexte incestueux, liée au caractère intrafamilial de ces agissements et à la qualité des protagonistes. La victime d'inceste se trouve effectivement dans une situation particulière, d'abord en raison de son âge (jeunesse, manque de repères, subordination, dépendance, confiance, amour), ensuite à cause des rapports qu'elle entretient avec son agresseur (pouvoir, autorité, manipulation) ». A l'appui de son propos, le rapport met en avant le « syndrome d'accommodation » décrit par Roland Summit 40 ( * ) .

Le syndrome d'accomodation décrit par Roland Summit dans « The child abuse accommodation syndrome, child abuse and neglect » (1983) caractérise les sentiments ambivalents successivement ressentis par un enfant victime d'agressions sexuelles au sein de la cellule familiale :

1) laisser-faire confiant (découverte, insouciance, absence d'arrière-pensées, aspect parfois ludique) ou « confusion de la langue » chez Sandor Ferenczi (confusion entre la tendresse naïve de l'enfant et la jouissance sexuelle de l'adulte) ;

2) perplexité (prise de conscience de l'anormalité de la situation, mais ne peut arrêter la relation de peur de déplaire à l'auteur) ;

3) secret (loi du silence) ;

4) impuissance (domination totale de l'enfant partagé entre le rejet de l'agresseur et l'amour de l'adulte) ;

5) « coping » (résolution à la servitude) ;

6) révélation ;

7) rétractation (peur de perdre l'affection de son entourage qui l'accuse).

Ce constat a conduit M. Christian Estrosi à préconiser un ajustement de notre législation afin de poser en principe le non-consentement du mineur aux agressions sexuelles dont il peut faire l'objet au sein de la cellule familiale , et ce sous la forme d'une loi interprétative qui viendrait préciser la notion de contrainte.

Tel est l'objet du 1° de l'article 1 er de la présente proposition de loi, qui précise, d'une part, que la contrainte peut être physique ou morale, et, d'autre part, qu'elle résulte en particulier de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime, notamment en cas d'inceste. Ce faisant, la disposition proposée permettrait de prendre en compte l'âge de la victime et les circonstances particulières dans lesquelles s'est déroulé l'inceste dès la qualification de l'infraction, et non plus seulement au stade de l'examen des circonstances aggravantes.

L'introduction de cette nouvelle disposition a pour but de mettre un terme à la requalification ou « correctionnalisation » de certains viols en atteintes sexuelles qui est parfois opérée par les juges du fond. Comme le relève M. Christian Estrosi, « ce procédé est [...] souvent mal vécu par les victimes, en raison du faible quantum des peines encourues et prononcées sous la qualification correctionnelle, mais également de la nécessaire occultation d'éléments du dossier que suppose cette technique ».

Votre commission relève néanmoins que, depuis quelques années, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est peu à peu revenue sur sa position antérieure en validant des décisions rendues par des juridictions du fond qui avaient considéré que la contrainte constitutive de l'infraction de viol ou d'agression sexuelle pouvait être morale et résulter de la différence d'âge et de l'autorité de fait exercée par l'agresseur sur la victime 41 ( * ) . Il s'agit toutefois d'une évolution implicite : la Cour de Cassation n'a encore jamais reconnu explicitement la notion de contrainte morale. La disposition proposée par le 1° de l'article 1 er permettrait d'inscrire explicitement et sans ambigüité dans la loi, sans remise en cause possible, cette interprétation.

Dans la mesure où elle ne revêt qu' un caractère interprétatif , visant à expliciter et à affermir les solutions aujourd'hui retenues par la jurisprudence, cette disposition aurait vocation à s'appliquer à l'ensemble des affaires en cours sans crainte d'être écartée par les juges du fond sur le fondement des principes posés par la Cour de cassation dans son arrêt SCI Le Bas Noyer c/ Société Castorama France rendu en Chambre plénière le 23 janvier 2004 42 ( * ) .

A l'issue d'un débat au cours duquel sont intervenus nos collègues Jean-Pierre Michel, Hugues Portelli et Alain Anziani, qui ont estimé que la définition de la contrainte figurant dans la proposition de loi risquait de soulever des difficultés d'application 43 ( * ) , la commission réunie le 17 juin 2009 a souhaité conserver la définition votée par l'Assemblée nationale tout en lui apportant, à l'invitation de son rapporteur, quelques modifications de nature rédactionnelle. Cette définition permet de conserver les termes figurant dans des décisions validées par la Cour de cassation et ainsi de ne pas modifier l'état du droit tel qu'il est aujourd'hui interprété par la jurisprudence. M. Jean-Jacques Hyest, président, a néanmoins considéré que cette question pourrait être à nouveau débattue lors de l'examen du texte en séance publique.

2 - Inscription de la notion d'inceste dans le code pénal

Les 2° et 3° de l'article 1 er de la proposition de loi, qui figuraient dans le texte initial, ont pour but d'inscrire explicitement la notion d'inceste dans le code pénal. Leurs dispositions doivent être examinées conjointement avec les celles figurant à l'article 2 de la proposition de loi, en vertu desquelles l'inceste ainsi défini serait regardé comme une circonstance aggravante des infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs, en substitution à l'actuelle référence aux actes commis « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ».

Aux termes de deux nouveaux articles 222-32-1 et 227-27-2, seraient désormais qualifiés d'inceste les viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles commis sur un mineur par :

1° son ascendant ;

2° son oncle ou sa tante ;

3° son frère ou sa soeur ;

4° sa nièce ou son neveu ;

5° son conjoint ou le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° à 4° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une de ces personnes.

Le champ des auteurs d'actes incestueux ainsi retenu recoupe dans une très large mesure les dispositions du code civil relatives aux prohibitions en matière de mariage (cf. supra ).

En outre, la proposition de loi fait disparaître les qualificatifs de « légitime, naturel ou adoptif » actuellement apposés à la notion d'ascendant, puisque la distinction entre filiation légitime, filiation naturelle et filiation adoptive est désormais sans objet au terme d'une évolution consacrée par l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, ratifiée par la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 44 ( * ) .

En choisissant de ne pas créer une infraction spécifique d'inceste mais en faisant de ce dernier une circonstance aggravante des infractions sexuelles, l'auteur de la proposition de loi a souhaité ne pas aggraver les peines encourues en cas d'infractions sexuelles commises dans un cadre incestueux, le but étant que la nouvelle qualification d'inceste figurant dans le code pénal puisse s'appliquer immédiatement aux affaires en cours.

Néanmoins, votre commission relève que la définition retenue de l'inceste dans la proposition de loi apportera un changement de périmètre par rapport à l'état du droit actuel.

Actuellement, est considéré comme une circonstance aggravante le fait, pour une infraction sexuelle, d'avoir été commise « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ». La jurisprudence considère que cette notion de personne ayant autorité inclut à la fois les personnes détenant une autorité légale sur la victime (exemple du tuteur de la victime, ou encore du second époux qui partage l'autorité de la mère sur les enfants mineurs issus du premier mariage) et les personnes détenant une autorité de fait sur cette dernière. En ce qui concerne les violences à caractère sexuel commises au sein de la famille, la jurisprudence a été amenée à considérer comme exerçant une autorité de fait sur la victime un certain nombre de personnes appartenant à la cellule familiale (cf. supra ).

Néanmoins, à la différence de l'autorité de droit, qui découle d'une qualité qu'il suffit de constater, l'autorité de fait découle de circonstances particulières qu'il appartient aux juges du fond de démontrer 45 ( * ) . Ainsi, n'a par exemple pas été reconnu comme exerçant une autorité de fait un grand-oncle chez qui la victime s'était rendue en visite accompagnée de ses parents 46 ( * ) .

Or, lorsque l'auteur des faits n'est pas considéré comme ayant exercé une autorité de fait sur la victime, les peines encourues à l'heure actuelle ne sont pas aggravées. Les dispositions de la proposition de loi, qui définissent les auteurs d'actes incestueux indépendamment du contexte familial particulier dans lequel les violences auraient lieu, aboutiront donc à aggraver les peines encourues par les membres de la famille qui se rendraient coupables d'infractions sexuelles lorsque ceux-ci n'exercent pas, au sens où l'entend actuellement la jurisprudence, une autorité de fait sur la victime. A titre d'exemple, une agression sexuelle qui serait commise sur une mineure âgée de moins de quinze ans par un oncle que la victime ne fréquenterait qu'épisodiquement et à la garde duquel elle ne serait pas confiée serait à l'heure actuelle considérée comme une « simple » agression sexuelle sur mineur de quinze ans, punie de sept ans d'emprisonnement et de 100.000 euros d'amende. Les dispositions de la proposition de loi incluant l'oncle dans les auteurs de faits incestueux, l'agression sexuelle commise par ce dernier serait désormais considérée comme aggravée et passible, à ce titre, de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende.

Votre commission observe que ce changement de périmètre par rapport à l'état du droit risque de créer des difficultés de droit transitoire pendant de nombreuses année s, compte tenu des règles dérogatoires existant en matière de prescription.

A l'inverse, dans la mesure où la proposition de loi définit l'inceste comme l'ensemble des violences sexuelles commises sur des mineurs, la nouvelle circonstance aggravante d'inceste prévue à l'article 2 de la proposition de loi aboutirait à exclure des circonstances aggravantes les violences infligées par un ascendant ou une personne ayant autorité à une victime majeure. Une telle exclusion n'apparaît pas opportune.

En outre, si votre commission comprend l'intérêt qu'il y aurait à instaurer une cohérence entre le droit civil et le droit pénal en matière d'inceste, il ne lui semble néanmoins pas opportun de définir de façon rigide, dans la loi, une liste d'auteurs d'actes incestueux. En effet, une telle liste crée le risque d'y faire figurer des personnes qui, dans certaines circonstances, ne relèverait pas nécessairement de l'inceste (ce serait par exemple le cas du concubin d'une tante) alors qu'elle ne prendrait pas en compte un certain nombre de personnes qui, compte tenu des recompositions familiales, en relèverait de façon manifeste (ce serait le cas notamment des « quasi-fratries » formées par les enfants du beau-père ou de la belle-mère de l'enfant victime).

L'ensemble de ces considérations ont convaincu votre commission de ne pas retenir les dispositions de la proposition de loi tendant à énumérer de façon restrictive les auteurs d'actes incestueux et de lui substituer une référence plus générale et volontairement imprécise à la notion de violences commises au sein de la famille, qui permettra au juge de prendre en compte le contexte particulier dans lequel a grandi l'enfant pour qualifier, ou non, d'inceste les violences subies.

En outre, il lui a semblé nécessaire de conserver les actuelles notions d'ascendant et de personne ayant autorité de telle sorte que les dispositions de la proposition de loi ainsi modifiée n'entraînent aucun changement de périmètre par rapport à l'état du droit et puissent s'appliquer immédiatement aux affaires en cours.

En conséquence, votre commission a intégré un amendement de son rapporteur tendant à apporter deux modifications aux dispositions des 2° et 3° de l'article 1 er de la proposition de loi :

§ L'énumération des auteurs d'actes incestueux a été remplacée par une disposition indiquant que les viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.

§ L'insertion de ces dispositions dans le code pénal a par ailleurs été modifiée pour permettre la création d'un paragraphe intitulé « De l'inceste », dans lequel figureraient désormais les dispositions relatives à la définition de l'inceste et celles relatives au retrait de l'autorité parentale.

Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié .

Article 2 (art. 222-24, 222-28, 222-30, 227-26 et 227-27 du code pénal) - Coordination et création d'une circonstance aggravante d'inceste

L'article 2 de la proposition de loi, complété par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, constitue le prolongement direct des dispositions de l'article 1 er .

Il a en effet pour objectif de substituer à l'actuelle circonstance aggravante de commission « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime », deux nouvelles circonstances aggravantes de commission « par une personne ayant autorité sur la victime » d'une part, et d'inceste d'autre part.

En conséquence, seraient modifiées des dispositions figurant dans les articles suivants :

- article 222-24 : circonstances aggravantes applicables en matière de viol ;

- article 222-28 : circonstances aggravantes applicables en matière d'agressions sexuelles commises sur une personne âgée d'au moins quinze ans ;

- article 222-30 : circonstances aggravantes applicables en matière d'agressions sexuelles commises sur un enfant mineur de quinze ans ;

- article 227-26 : circonstances aggravantes applicables en matière d'atteintes sexuelles commises sur un enfant mineur de quinze ans ;

- article 227-27 : circonstances aggravantes applicables en matière d'atteintes sexuelles commises sur un mineur âgé de plus de quinze ans et non émancipé par le mariage.

Les faits commis dans un cadre incestueux seraient ainsi désormais clairement distingués de ceux commis par une personne ayant autorité sur la victime. La distinction que la proposition de loi prévoit d'insérer dans le code pénal permettrait ainsi de mieux identifier, au sein des victimes d'infractions sexuelles, celles qui ont été victimes de faits incestueux et les autres, et, le cas échéant, d'adapter la prise en charge des victimes d'inceste à la spécificité des traumatismes qu'elles ont subis.

Néanmoins, cette nouvelle circonstance aggravante d'inceste ne pourrait pas s'appliquer immédiatement aux affaires en cours compte-tenu des changements de périmètre qu'elle implique. En outre, elle aboutirait à exclure du champ des circonstances aggravés les violences commises sur des victimes majeures (cf. supra ).

Pour ces raisons, votre commission , qui souhaite comme son homologue de l'Assemblée nationale que les dispositions de cette proposition de loi puissent s'appliquer immédiatement, a souhaité ne pas retenir les dispositions de l'article 2 et, sous réserve de quelques modifications de nature rédactionnelle, en rester au droit en vigueur actuellement.

De cette façon, l'inceste défini aux nouveaux articles 222-31-1 et 227-27-2 constituerait une « surqualification pénale » , une qualification supplémentaire qui viendrait s'ajouter aux qualifications existantes et permettrait ainsi aux juges de la retenir immédiatement dans les affaires en cours. Une question spécifique serait obligatoirement posée devant la cour d'assises appelée à juger d'une affaire de viol incestueux.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 2 bis (art. 227-27 du code pénal) - Aggravation des peines encourues en cas d'atteintes sexuelles incestueuses commises sur un adolescent de quinze à dix-huit ans

L'article 2 bis est issu d'un amendement déposé par M. Christian Estrosi et plusieurs de ses collègues députés et adopté par l'Assemblée nationale après avis favorable du rapporteur de la commission des lois et du Gouvernement. Il s'agit de la reprise d'une préconisation que M. Christian Estrosi avait déjà formulée en juillet 2005 dans le rapport qu'il avait remis au Premier ministre sur l'opportunité de créer une infraction spécifique d'inceste.

Cet article prévoit d'augmenter les peines encourues en cas d'atteintes sexuelles incestueuses commises sur un mineur âgé de plus de quinze ans et non émancipé par le mariage.

Sous l'empire du droit actuel, de tels faits sont passibles de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Désormais, ils le seraient de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.

Comme le relevait M. Christian Estrosi dans son rapport précité, « actuellement, la sanction encourue est de deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende. Cette peine étant jugée trop faible, l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) a notamment recommandé de la porter à cinq ans et 75.000 euros d'amende, afin de mieux prendre en compte la dimension incestueuse des infractions perpétrées sur les mineurs de plus de quinze ans. Ces derniers, bien que « majeurs » sexuellement, ne sauraient en effet être assimilés, dans leurs rapports quotidiens avec les auteurs de ces actes, aux personnes majeures civilement ».

Cette disposition, qui, du fait de son caractère plus sévère, aurait vocation à ne s'appliquer qu'aux faits commis après l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi, rapprocherait ainsi le régime répressif applicable aux atteintes sexuelles incestueuses commises sur des adolescents de celui applicable aux atteintes sexuelles incestueuses commises sur des mineurs de quinze ans. Rappelons en effet que de tels faits sont à l'heure actuelle punis de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende.

Au cours de sa réunion du 17 juin 2009, votre commission a examiné un amendement présenté par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés tendant à supprimer l'article 2 bis . Les auteurs de l'amendement ont fait valoir que les dispositions de cet article étaient en contradiction avec l'esprit de la présente proposition de loi, dont l'objet est d'inscrire l'inceste dans le code pénal afin de mieux identifier et prendre en charge les victimes, et non d'aggraver le dispositif pénal existant à l'heure actuelle.

En outre, votre rapporteur a relevé que la définition de la contrainte qui figure à l'article 1 er du texte devrait conduire les juges à ne plus qualifier les violences incestueuses d'atteintes sexuelles que dans un nombre résiduel de cas. La plupart du temps, les violences sexuelles commises sur un mineur au sein de la famille seront qualifiées soit de viol, soit d'agression sexuelle, en raison du contexte spécifique de l'inceste qui implique pratiquement toujours une forme de contrainte morale.

Votre commission a supprimé l'article 2 bis .

Article 3 (art. 706-50 du code de procédure pénale) - Désignation systématique d'un administrateur ad hoc

Les dispositions qui figuraient initialement dans l'article 3 de la proposition de loi et qui prévoyaient que le procureur de la République ou le juge d'instruction, lorsqu'il est saisi d'infractions sexuelles à caractère incestueux, désigne systématiquement un administrateur ad hoc , ont été déplacées par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur dans un nouvel article 6 bis , inséré dans le titre III consacré à l'accompagnement des victimes.

En conséquence, l'article 3 de la proposition de loi a été supprimé.

Votre commission a maintenu cette suppression.

TITRE II - PRÉVENTION

Le titre II de la proposition de loi comporte deux articles destinés à améliorer la prévention et la détection de violences sexuelles incestueuses. Leur but commun est d'améliorer l'information et la sensibilisation du public, et tout particulièrement des enfants et des professionnels de l'enfance, à l'existence de ce type de violences, afin non seulement d'améliorer les signalements, mais aussi et surtout de créer chez les enfants victimes un « référentiel » leur permettant de comparer leur situation avec celles de leurs camarades et avec la norme et de prendre conscience du caractère anormal des faits qu'ils subissent.

Article 4 (art. L. 121-1, L. 542-3, L. 542-1 et L. 632-9 du code de l'éducation) - Mission d'information des écoles, des collèges et des lycées en matière de violences et de sexualité et sensibilisation des professionnels de l'enfance à ces problématiques

L'article 4 de la proposition de loi, modifié par l'Assemblée nationale sur proposition de sa commission des lois et de Mme Henriette Martinez, contient trois séries de dispositions relatives aux objectifs et missions du service public de l'enseignement d'une part (1 et 2), à la formation des professionnels de l'enfance d'autre part (3), aux études médicales enfin (4).

1) L'article L. 121-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-297 du 7 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, énonce les objectifs et missions assignés au service public de l'enseignement : « les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur sont chargés de transmettre et de faire acquérir connaissances et méthodes de travail. Ils contribuent à favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d'orientation. Ils concourent à l'éducation à la responsabilité civique et participent à la prévention de la délinquance. Ils assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu'à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Ils dispensent une formation adaptée dans ses contenus aux évolutions économiques, sociales et culturelles du pays et de son environnement européen et international. Cette formation peut comprendre un enseignement, à tous les niveaux, de langues et culturels régionales. Les enseignements artistiques ainsi que l'éducation physique et sportive concourent directement à la formation de tous les élèves. Dans l'enseignement supérieur, des activités physiques et sportives sont proposées aux étudiants ».

Le I de l'article 4 propose de compléter cet énoncé de la phrase suivante : « les écoles, les collèges et les lycées assurent une mission d'information sur les violences et une éducation à la sexualité ».

2) Le texte initial de la proposition de loi prévoyait de modifier l'article L. 312-16 du code de l'éducation, qui est consacré aux séances d'information et d'éducation à la sexualité dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées, afin de faire passer le nombre de ces séances de « au moins trois séances annuelles » à « au moins quatre séances annuelles ». Le texte initial précisait en outre que l'une de ces séances au moins devait être consacrée à l'information sur les violences, notamment sexuelles, et sur les comportements à adopter face à elles.

Considérant que de telles dispositions relevaient plus certainement du domaine réglementaire que de celui de la loi, l'Assemblée nationale leur a substitué, à l'invitation du rapporteur de sa commission des lois, des dispositions tendant à modifier l'article L. 542-3 du code de l'éducation.

Cet article, créé par la loi n° 2000-197 du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants, dispose qu' « au moins une séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée est inscrite dans l'emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées. Ces séances, organisées à l'initiative des chefs d'établissement, associent les familles et l'ensemble des personnels, ainsi que les services publics de l'Etat, les collectivités locales et les associations intéressées à la protection de l'enfance ».

Le II de l'article 4 de la proposition de loi, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, prévoit de compléter ces dispositions en précisant que la séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée devra inclure également une sensibilisation à l'existence des violences intrafamiliales à caractère sexuel.

3) L'article L. 542-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, dispose que « les médecins, l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels enseignants, les personnels d'animation sportive, culturelle et de loisirs et les personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale reçoivent une formation initiale et continue, en partie commune aux différentes professions et institutions, dans le domaine de la protection de l'enfance en danger. Cette formation est dispensée dans des conditions fixées par voie réglementaire ».

Le III de l'article 4 de la proposition de loi prévoit de compléter ces dispositions afin de préciser que la formation ainsi dispensée doit inclure un module pluridisciplinaire relatif aux infractions sexuelles à l'encontre des mineurs et de leurs effets.

Ainsi que l'écrit Mme Marie-Louise Fort dans le rapport qu'elle a présenté en janvier 2009 au nom du groupe UMP de l'Assemblée nationale, « ces modules devraient réunir les différentes professions afin que des réseaux puissent se constituer. L'objectif est de renforcer la confiance et la connaissance que les acteurs ont de chacun d'entre eux et de faciliter les échanges d'informations et de compétences. Il n'est absolument pas souhaitable que les professionnels deviennent interchangeables mais il est impératif qu'ils gagnent en complémentarité et qu'ils développent des interactions » 47 ( * ) .

La disposition figurant au III de l'article 4 permettra ainsi de proposer à l'ensemble des professionnels de l'enfance une formation analogue à celle que l'Ecole nationale de la magistrature dispense désormais, en formation initiale comme en formation continue, à l'ensemble des auditeurs de justice et des magistrats en fonctions 48 ( * ) .

Il convient enfin de relever que le texte initial de la proposition de loi comportait également une disposition prévoyant que « les magistrats, les avocats et les personnels de la police et de la gendarmerie nationale et des polices municipales reçoivent une formation initiale et continue dans le domaine de la psychologie appliquée ». Celle-ci a été jugée irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Néanmoins, votre commission relève que l'existence et les modalités d'une telle formation pourraient probablement être mises en oeuvre par voie réglementaire sans nécessiter l'intervention du législateur.

4) Le IV de l'article 4 de la proposition de loi, issu d'un amendement de Mme Henriette Martinez adopté par l'Assemblée nationale après avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, vise à préciser que la spécificité de l'inceste doit être abordée dans le cursus des études médicales.

Ainsi, l'article L. 632-9 du code de la santé publique, qui dispose que « des enseignements dans le domaine de la santé publique sont dispensés à tous les étudiants en médecine et ouverts aux divers professionnels impliqués dans ce domaine », serait complété pour indiquer que ces enseignements portent notamment sur la détection, le signalement et la prise en charge des enfants victimes d'abus sexuels et de maltraitances.

Néanmoins, l'abrogation de cet article du code de la santé publique a été votée par l'Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », au motif que le contenu des formations médicales relève du domaine réglementaire, et pas de celui de la loi 49 ( * ) .

Par coordination, votre commission a donc, à l'invitation de son rapporteur, supprimé le IV de l'article 4 de la proposition de loi.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. 43-11 et 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Mission d'information de l'audiovisuel public en matière de santé et de sexualité

L'article 5, qui figurait dans le texte initial de la proposition de loi, contient deux dispositions destinées à modifier la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

1) Les trois premiers alinéas de l'article 43-11 de cette loi, qui introduit son titre III relatif au secteur public de la communication audiovisuelle, disposent, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, que « [France Télévisions, Radio France, la société chargée de l'audiovisuel extérieur de la France et ARTE-France] poursuivent, dans l'intérêt général, des missions de service public. Elles offrent au public, pris dans toutes ses composantes, un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par leur diversité et leur pluralisme, leur exigence de qualité et d'innovation, le respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis. Elles présentent une offre diversifiée de programmes en modes analogique et numérique dans les domaines de l'information, de la culture, de la connaissance, du divertissement et du sport. Elles favorisent le débat démocratique, les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l'insertion sociale et la citoyenneté. Elles mettent en oeuvre des actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations et proposent une programmation reflétant la diversité de la société française. Elles assurent la promotion de la langue française et, le cas échéant, des langues régionales et mettent en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France. Elles concourent au développement et à la diffusion de la création intellectuelle et artistique et des connaissances civiques, économiques, sociales, scientifiques et techniques ainsi qu'à l'éducation à l'audiovisuel et aux médias. Elles favorisent l'apprentissage des langues étrangères. Elles participent à l'éducation à l'environnement et au développement durable. Elles favorisent, par des dispositifs adaptés, l'accès des personnes sourdes et malentendantes aux programmes qu'elles diffusent ».

Le I de l'article 5 de la proposition de loi prévoit de compléter ces dispositions afin de préciser que France Télévisions, Radio France, la société chargée de l'audiovisuel extérieur de la France et ARTE-France assurent également une mission d'information sur la santé et la sexualité.

Dans son rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Mme Marie-Louise Fort souligne que le rapport que le Gouvernement est tenu de remettre au Parlement chaque année sur l'application de ces dispositions « devra faire le point sur la mise en oeuvre de cette nouvelle mission des sociétés de radio et de télévision publiques » 50 ( * ) .

2) L'article 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée dispose dans les deux premières phrases de son premier alinéa qu' « un cahier des charges fixé par décret définit les obligations de [France Télévisions, Radio France et de la société chargée de l'audiovisuel extérieur de la France], et notamment celles qui sont liées à leur mission éducative, culturelle et sociale, à la lutte contre les discriminations par le biais d'une programmation reflétant la diversité de la société française, ainsi qu'aux impératifs de la défense nationale, de la sécurité publique et de la communication gouvernementale en temps de crise. Ce cahier des charges prévoit des dispositions pour la promotion de la protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage ».

Le II de l'article 5 prévoit de compléter ces dispositions afin de préciser que le cahier des charges définissant les obligations de France Télévision, Radio France et de la société chargée de l'audiovisuel extérieur de la France précise les conditions dans lesquelles ces sociétés mettent en oeuvre, dans des programmes spécifiques et à travers les oeuvres de fiction qu'elles diffusent, la mission d'information sur la santé et la sexualité dont elles seraient désormais explicitement chargées.

La commission a adopté l'article 5 sans modification .

TITRE III - ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES

Le titre III de la présente proposition de loi est destiné à améliorer l'accompagnement des victimes une fois que les faits de violences sexuelles incestueuses dont elles ont été victimes ont été détectés.

Article 6 - Création de centres de référence pour les traumatismes psychiques (Dispositions déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte par l'Assemblée nationale)

L'article 6 de la proposition de loi comportait des dispositions destinées à compléter l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, qui est relatif aux missions des établissements de santé. Aux termes de ces dispositions, il aurait été prévu de doter au moins un établissement de santé public par département d'un centre de référence pour les traumatismes psychiques, chargé d'assurer l'accueil et la prise en charge des victimes de violences. Cette prise en charge aurait été organisée de façon pluridisciplinaire, associant à la fois psychiatres, personnels médicaux, psychologues, assistants sociaux et conseillers juridiques.

Ces dispositions ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution par la commission des finances de l'Assemblée nationale avant l'examen du texte par sa commission des lois.

Votre commission espère néanmoins que de telles dispositions pourront être rapidement reprises par le Gouvernement car, de l'avis unanime des personnes entendues par votre rapporteur, il existe en France un déficit patent en matière de prise en charge des victimes, mineures et majeures, de violences incestueuses.

Article 6 bis (art. 2-3 et 706-50 du code de procédure pénale) - Constitution de partie civile par les associations de lutte contre l'inceste et désignation systématique d'un administrateur ad hoc

L'article 6 bis , inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, reprend en partie les dispositions qui figuraient à l'article 3 du texte initial. Il est relatif, d'une part, à la faculté ouverte aux associations de défense des enfants victimes d'inceste de se constituer partie civile ainsi que, d'autre part, à la désignation systématique d'un administrateur ad hoc par le procureur de la République ou le juge d'instruction lorsque celui-ci est saisi d'infractions sexuelles incestueuses commises sur un mineur.

1) L'article 2-3 du code de procédure pénale permet à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfance en danger et victime de toutes formes de maltraitance d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne, en particulier, les atteintes sexuelles commises sur la personne d'un mineur. Néanmoins, de telles associations ne peuvent, à elles seules, mettre en mouvement l'action publique : elles ne peuvent agir que par intervention, lorsque la victime s'est elle-même constituée partie civile ou que le ministère public a décidé d'engager des poursuites.

Le 1° de l'article 6 bis vise à étendre aux associations engagées dans la lutte contre l'inceste et dans le soutien aux victimes d'actes incestueux la possibilité de se constituer parties civiles et, ainsi, d'accompagner et de soutenir ces victimes tout au long de la procédure judiciaire.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité introduire cette précision qui permettra d'épargner à ces associations tout risque de voir leur intervention déclarée irrecevable par le juge au motif que leur objet statutaire ne les ferait pas entrer dans le champ des associations visées à l'article 2-3 du code de procédure pénale 51 ( * ) .

2) Aux termes de l'article 706-50 du code de procédure pénale, le procureur de la République ou le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. Cet administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile.

Dans ce cas, la désignation de l'administrateur fait obstacle à ce que le représentant légal du mineur puisse également intervenir afin d'exercer au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile. Cette désignation est notifiée aux représentants légaux du mineur et peut être contestée par ces derniers par la voie de l'appel dans un délai de dix jours à compter de la notification 52 ( * ) .

Le 2° de l'article 6 bis de la proposition de loi a pour but de compléter ce dispositif en précisant que lorsqu'il est saisi d'une affaire de viol, d'agression sexuelle ou d'atteinte sexuelle à caractère incestueux, le procureur de la République ou le juge d'instruction désigne obligatoirement un administrateur ad hoc .

En pratique, la désignation d'un administrateur judiciaire pour les mineurs est une mesure qui est appliquée dans la grande majorité des cas. Cependant, dans la mesure où l'inceste est une forme très particulière de maltraitance, puisque non seulement l'agresseur appartient au cercle familial qui était censé apporter une protection à l'enfant, mais de plus, souvent, d'autres membres de la famille ont pu avoir connaissance de ces agissements et ne pas apporter à ce dernier l'aide dont il avait besoin, il apparaît nécessaire d'affirmer que cette désignation doit constituer le principe.

Néanmoins, votre commission souhaite réserver l'hypothèse où l'agresseur n'appartiendrait pas au cercle proche de l'enfant et où les parents de ce dernier (ou l'un d'entre eux, notamment lorsque les parents de l'enfant sont séparés) demeureraient à même d'assurer sa défense et sa protection. Dans un certain nombre d'hypothèses, il demeurera en effet possible d'envisager que les parents de l'enfant victime soient en mesure d'assurer la protection des intérêts de ce dernier - alors que la désignation de l'administrateur ad hoc les en empêcherait.

Pour cette raison, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à modifier le 2° de l'article 6 bis , afin de prévoir qu'en cas d'inceste, la désignation de l'administrateur ad hoc est obligatoire, sauf décision spécialement motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction.

Votre commission adopte l'article 6 bis ainsi modifié .

Article 7 Remise d'un rapport au Parlement sur la prise en charge -des victimes d'infractions sexuelles

L'article 7 de la proposition de loi, modifié par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de son rapporteur, prévoit la remise au Parlement, par le Gouvernement, d'un rapport examinant les modalités d'amélioration de la prise en charge des victimes d'infractions sexuelles au sein de la famille, en particulier dans le cadre de l'organisation de la médecine légale.

Comme le souligne Mme Marie-Louise Fort dans son rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, « il convient [...] de s'interroger sur les modalités d'une meilleure prise en charge des soins ainsi que sur les outils qui pourraient servir à faciliter l'insertion sociale des victimes. [...] La prise en charge spécifique des victimes d'inceste doit être effectuée dans le cadre du nouveau schéma d'organisation de la médecine légale. Cette réforme, qui doit être mise en oeuvre très prochainement, vise précisément à améliorer la qualité de prise en charge. Il convient que cette prise en charge soit basée sur des structures hospitalières « pivots » et des établissements intégrés dans un réseau de proximité ».

Il est par ailleurs prévu que ce rapport tire un bilan des mesures de sensibilisation du public et notamment des mesures d'éducation et de prévention à destination des enfants mises en place en matière de lutte contre les violences sexuelles incestueuses.

Enfin, dans son rapport précité, Mme Marie-Louise Fort précise que cette étude devra porter tout autant sur les mineurs qui subissent un inceste que sur les adultes qui souffrent des conséquences d'un inceste subi dans leur enfance.

Votre commission souhaite que ce rapport permette d'avoir une vue globale sur l'action des pouvoirs publics menée en matière de lutte contre les violences sexuelles incestueuses comme en matière de prise en charge des victimes.

Néanmoins, elle juge, compte tenu des délais d'examen de la présente proposition de loi, qu'il est peu réaliste de demander au Gouvernement de remettre ce rapport pour le 31 décembre 2009. En conséquence, elle a modifié l'article 7 pour prévoir que celui-ci devra être remis au Parlement avant le 30 juin 2010.

La commission adopte l'article 7 ainsi modifié .

Article 7 bis (nouveau) - Application aux collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

Les dispositions de la présente proposition de loi ne seront pas applicables de plein droit dans les collectivités soumises, dans la matière pénale, au principe de spécialité législative. L'application de ses dispositions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna nécessite par conséquent une mention expresse qui est prévue par le présent article.

Tel est également le cas des dispositions figurant aux articles 4 et 5 de la proposition de loi, qui modifient le code de l'éducation et la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : les articles modifiés relèvent bien de la compétence de l'Etat mais une mention expresse est nécessaire pour permettre leur application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Les dispositions de la proposition de loi sont en revanche applicables de plein droit à Mayotte, à Saint Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon (matières relevant de la compétence de l'Etat et soumises au principe de l'identité législative).

Enfin, si le droit pénal et la procédure pénale sont applicables de plein droit dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), tel n'est pas le cas du code de l'éducation. En revanche, les articles 43-11 et 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont applicables sur mention expresse dans les TAAF en application de l'article 108 de cette loi.

Votre commission a inséré l'article 7 bis ainsi rédigé .

Article 8 - Gage

L'article 8, qui prévoyait le gage financier des dispositions de la proposition de loi, a été supprimé du texte par la commission des lois de l'Assemblée nationale après l'examen de ses incidences financières par le bureau de la commission des finances.

Votre commission a maintenu cette suppression .

EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 17 JUIN 2009

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Laurent Béteille et du texte proposé par la commission sur la proposition de loi n° 372 (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs et à améliorer l'accompagnement médical et social des victimes.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a indiqué que cette proposition de loi n'avait pas vocation à modifier fondamentalement l'état du droit mais tendait à permettre de mieux identifier l'inceste dont sont victimes de nombreux enfants et adolescents en France. Après avoir souligné que l'accroissement du nombre d'affaires concernant des violences sexuelles commises sur des mineurs au sein de leur famille dans les rôles des cours d'assises était réellement préoccupant, il a constaté que, en dépit de l'existence de dispositions civiles relatives aux prohibitions en matière de mariage ainsi que de dispositions pénales réprimant plus sévèrement les viols, agressions et atteintes sexuelles commises par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, la législation ne reconnaissait à aucun moment, de façon explicite, la notion d'inceste. Il a rappelé que la présente proposition de loi, issue d'une initiative de Mme Marie-Louise Fort, députée, élue de l'Yonne, s'inscrivait dans une réflexion qui n'était pas nouvelle car, en 2005, M. Christian Estrosi, député, élu des Alpes-Maritimes, avait remis au Premier ministre un rapport sur l'opportunité d'inscrire l'inceste en tant qu'infraction spécifique dans la législation.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a rappelé que la France a fait le choix, comme l'Espagne et le Portugal mais à l'inverse de certains autres pays européens, de ne pas réprimer pénalement les relations sexuelles qui pourraient être librement entretenues entre deux adultes consentants appartenant à la même famille. En revanche, il a rappelé que le droit pénal reconnaît comme une circonstance aggravante le fait que le viol, l'agression sexuelle ou l'atteinte sexuelle sur mineur soient commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime. Il a indiqué que, depuis le XIXème siècle, la jurisprudence a progressivement inclus dans cette notion de « personne ayant autorité » un certain nombre de personnes appartenant à la cellule familiale, telles que le beau-père, l'oncle ou encore le conjoint de la grand-mère par exemple. Il a également rappelé qu'un certain nombre de lois adoptées au cours des dernières années ont pris en compte la spécificité des violences sexuelles commises sur des mineurs au sein de la famille : il a notamment cité l'allongement à vingt ans du délai de prescription en matière de viols et agressions sexuelles commis sur des mineurs, ce délai ne commençant à courir qu'à partir de la majorité de la victime, ce qui laisse désormais à cette dernière la possibilité de porter plainte jusqu'à l'âge de trente-huit ans ; il a également fait référence aux peines complémentaires pouvant être prononcées par les juges, ou encore à la possibilité de désigner un administrateur ad hoc chargé de protéger les intérêts de l'enfant lorsque les parents de ce dernier n'y sont plus aptes. Il a ainsi attiré l'attention sur le fait que la législation française, en matière de répression de la délinquance sexuelle, était aujourd'hui considérée comme étant l'une des plus efficaces et des plus sévères d'Europe.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a toutefois attiré l'attention sur le climat particulièrement destructeur dans lequel se déroulent les violences incestueuses : il s'agit toujours de situations dans lesquelles l'agresseur abuse de l'affection et de la confiance que l'enfant a placées en lui, ce qui met la victime dans une situation d'incompréhension totale par rapport aux violences qui lui sont infligées. Selon lui, la spécificité de ces violences, au regard des traumatismes profonds qu'elles engendrent, mérite d'être reconnue en tant que telle. En outre, il a noté que l'absence de reconnaissance explicite de l'inceste dans le code pénal nuit à l'évaluation de l'ampleur de ce phénomène, dans la mesure où l'administration ne dispose pas des moyens de distinguer les violences sexuelles commises au sein de la famille par une personne ayant autorité et celles commises en dehors de la cellule familiale.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a ensuite exposé les principaux axes de la proposition de loi. Il a indiqué que l'article 1er tend à définir l'inceste, par cohérence avec les dispositions du code civil en matière de prohibition au mariage, comme étant les viols, agressions et atteintes sexuelles commis sur un mineur par son ascendant, son oncle ou sa tante, son frère ou sa soeur, sa nièce ou son neveu, le conjoint ou le concubin de l'une de ces personnes ou le partenaire lié par un PACS à l'une de ces personnes. En outre, il a relevé que l'article 2 fait de l'inceste ainsi défini une circonstance aggravante nouvelle des viols, agressions et atteintes sexuelles. Par ailleurs, il a indiqué que l'article 1er inclut une importante disposition relative à la définition de la contrainte : dans les années 1990, la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait considéré que la contrainte, qui est un des éléments constitutifs des infractions de viol et d'agression sexuelle, ne pouvait résulter du seul jeune âge de la victime et de l'autorité exercée sur elle par l'agresseur, ce qui avait conduit un certain nombre de juridictions à requalifier en atteintes sexuelles des viols commis sur des mineurs par un membre de leur famille, au motif que la contrainte n'était pas démontrée. Relevant qu'une telle position faisait l'impasse sur le contexte particulier dans lequel se déroulent les violences incestueuses, il s'est félicité des dernières évolutions de la jurisprudence, qui tend peu à peu à revenir sur cette position, et a estimé nécessaire d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la contrainte peut être morale et résulter de la différence d'âge et de l'autorité exercée par l'agresseur sur la victime. Enfin, il a indiqué que la proposition de loi contient un certain nombre de dispositions relatives à la sensibilisation du public et des professionnels de l'enfance ainsi qu'à la prise en charge des victimes mais que la portée de ces dispositions avait été limitée à l'issue de l'examen de leur recevabilité financière par le bureau de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Après avoir rappelé que l'opportunité d'inscrire explicitement la notion d'inceste dans le code pénal fait l'objet d'avis contrastés parmi les professionnels de l'enfance, M. Laurent Béteille, rapporteur, s'est dit convaincu par les auditions auxquelles il avait procédé de la nécessité d'une telle reconnaissance : mettre sur l'acte le terme qui convient lui a semblé de nature à lutter contre le déni et le silence qui entourent toujours les violences incestueuses et constituer un premier pas dans la reconstruction de la victime. Néanmoins, il lui est apparu que le texte voté par l'Assemblée nationale posait, dans le détail, un certain nombre de difficultés juridiques.

Ainsi, M. Laurent Béteille, rapporteur, a expliqué que l'énumération des auteurs d'actes incestueux figurant à l'article 1er de la proposition de loi ne recoupe qu'imparfaitement les personnes aujourd'hui englobées dans les notions d'ascendant et de personnes ayant autorité, ce qui, compte tenu des règles dérogatoires existant en matière de prescription, risque de poser des problèmes de droit transitoire pendant plus d'une trentaine d'années. En outre, il a fait valoir que cette liste inclut des situations qui ne relèvent pas de l'inceste, alors que, au contraire, elle exclut des hypothèses qui en relèvent : il a cité l'exemple des violences commises sur un enfant par les enfants de son beau-père ou de sa belle-mère. Pour cette raison, il a estimé souhaitable de substituer à cette énumération excessivement rigide une référence plus générale à la notion de violences commises au sein de la famille par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, ce qui laisserait aux juges la possibilité de tenir compte de l'ensemble des configurations familiales dans lesquelles se seraient déroulées les violences, et en particulier de prendre en compte les sentiments d'affection et de confiance abusés de l'enfant.

Par ailleurs, M. Laurent Béteille, rapporteur, a souligné que la nouvelle circonstance aggravante d'inceste risque de créer également des difficultés juridiques en raison des changements de périmètre qu'elle entraîne et a proposé, en ce qui concerne l'énoncé des circonstances aggravantes de viols, agressions et atteintes sexuelles, d'en rester au droit en vigueur actuellement. De cette façon, l'inceste défini à l'article 1er constituerait une qualification supplémentaire qui viendrait s'ajouter aux qualifications existantes et qui aurait vocation, du fait de son caractère strictement interprétatif, à être appliquée aux affaires en cours. D'après lui, cette solution permettrait de répondre au principal objectif de la proposition de loi, qui est de nommer l'inceste lorsqu'il est constitué afin de pouvoir mieux l'évaluer, sans poser de difficultés juridiques qui risquent de fragiliser un dispositif pénal efficace.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a enfin indiqué que le véritable problème des violences incestueuses en France était celui de la détection et de la prise en charge des victimes. En ce qui concerne la détection des victimes, il a souligné les véritables efforts accomplis au cours des dernières années par les pouvoirs publics pour la formation des professionnels de l'enfance, appelant de ses voeux une poursuite de ces efforts ainsi que l'engagement par le Gouvernement d'une campagne de sensibilisation du public. En ce qui concerne la prise en charge des victimes, il a regretté les carences du système de soins qui, à l'exception notable d'une institution à Agen et d'un service à Paris, ne prend pas en charge de façon spécifique les victimes de violences incestueuses, alors même que ces dernières présentent des traumatismes qui nécessitent une prise en charge adaptée. Constatant que la plupart de ces mesures relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire, il a indiqué qu'il interpellerait le Gouvernement sur ces carences de notre système de protection de l'enfance lors de l'examen du texte en séance publique.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a fait valoir que cette question de la reconnaissance explicite de l'inceste n'était pas nouvelle et avait déjà fait l'objet de discussions lors de l'élaboration du nouveau code pénal, le législateur ayant alors confirmé son choix de ne pas pénaliser l'inceste en tant que tel mais bien de considérer les violences sexuelles comme aggravées lorsqu'elles sont infligées par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime. Relevant par ailleurs que le code civil définit des prohibitions au mariage absolues mais aussi relatives, il a appelé à ne pas confondre des notions différentes. A ses yeux, il est essentiel de réprimer les violences commises sur un mineur ou une personne dépendante par une personne exerçant une forme d'autorité sur la victime. En revanche, il a attiré l'attention sur le fait que la notion même d'inceste était très floue et qu'il était particulièrement malaisé de la définir juridiquement. Il a ainsi salué la proposition du rapporteur tendant à substituer à une énumération stricte d'auteurs d'actes incestueux une référence aux violences commises au sein de la famille, car les configurations familiales ont beaucoup évolué et certains enfants peuvent se voir imposer, dans le cadre familial, des violences sexuelles par des personnes avec lesquelles elles n'ont pas de rapport de filiation.

M. Jean-Pierre Michel a marqué l'importance de respecter la douleur des victimes d'inceste qui, très souvent, n'arrivent pas à reconstruire leur vie lorsqu'elles ont subi des violences sexuelles incestueuses quand elles étaient enfants. Néanmoins, il a constaté que le texte voté par l'Assemblée nationale présente un grand nombre de fragilités juridiques qui risquent de rendre difficile son application par les juridictions. De ce point de vue, il a salué la démarche équilibrée proposée par le rapporteur. Par ailleurs, il a indiqué qu'il est important de ne pas confondre la notion d'inceste elle-même, qui, tout en étant un tabou universel, s'avère extrêmement difficile à définir, et les violences commises dans le cercle familial sur des mineurs. Il a estimé que de telles violences ne sont malheureusement pas nouvelles, mais que, au cours des quarante dernières années, de réels progrès ont été faits en matière de dénonciation de tels actes. Il a considéré que, si certaines associations de victimes réclament une reconnaissance explicite de la notion d'inceste, la décision pénale ne peut pas tenir lieu de soin à elle seule. Particulièrement réservé sur ce texte compte tenu des difficultés juridiques qu'il entraînerait dans un système répressif qui fonctionne aujourd'hui de façon satisfaisante, il a indiqué, tout en saluant les avancées réalisées grâce au travail du rapporteur, que le groupe socialiste ne prendrait pas part au vote lors de l'examen de ce texte en séance publique.

M. François Zocchetto a constaté que le droit actuel, en matière de répression des violences commises sur des enfants au sein du cercle familial, était déjà satisfaisant et que la proposition de loi soulevait de réelles questions sur le plan juridique. Il a toutefois considéré mal venu de s'opposer à cette proposition de loi car une telle opposition serait mal interprétée par les associations de victimes. Il a fait valoir qu'il était important d'assurer ces associations du soutien des parlementaires, tout en n'adoptant pas en l'état le texte voté par l'Assemblée nationale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a rejoint les observations précédemment formulées et estimé que le travail réalisé par le rapporteur avait le mérite de répondre aux attentes des victimes tout en aplanissant les difficultés créées par les dispositions adoptées par les députés. Elle a considéré que les violences sexuelles incestueuses avaient toujours existé mais a constaté qu'une partie des victimes osaient enfin s'exprimer sur ce sujet et porter ces affaires devant la justice. Elle a rappelé qu'elle avait voté la disposition portant à vingt ans le délai de prescription en matière de viols et agressions sexuelles sur mineurs car la question de la dénonciation des faits et des auteurs est une question particulièrement douloureuse pour les victimes, en particulier lorsque ces violences ont eu lieu dans un cadre incestueux. Elle a regretté, à ce sujet, que certains juges refusent parfois de reconnaître les violences incestueuses lorsque leur dénonciation est faite au moment du divorce des parents, les enfants étant alors soupçonnés d'être instrumentalisés par l'un d'entre eux : s'il peut arriver que des accusations soient mensongères, il n'en demeure pas moins que certaines victimes ont parfois du mal à se faire entendre. En outre, elle a souligné que la sévérité du dispositif pénal n'était pas favorable à de telles dénonciations car certains enfants peuvent craindre de faire condamner leur agresseur, qui est aussi un proche parent, à une lourde peine de prison. Elle a enfin constaté que la question de l'inceste n'était pas tant celle de son inscription explicite dans le code pénal que celle de la formation des professionnels de l'enfance et de la prise en charge des victimes, faisant néanmoins valoir que de telles mesures relevaient de la compétence du Gouvernement.

M. François Pillet a lui aussi constaté que l'inceste était une notion ambiguë qui était en tout état de cause plus large que la seule question des violences sexuelles infligées à des enfants ou des adolescents par un membre de leur entourage familial. Il a salué le travail accompli par le rapporteur pour atténuer les difficultés créées par la proposition de loi, tout en constatant que le droit actuel était satisfaisant. Il a en particulier salué l'amendement proposé par le rapporteur tendant à faire de la qualification d'inceste une question spécifique devant la cour d'assises.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a constaté que la définition de l'inceste retenue dans la proposition de loi n'incluait pas l'ensemble des relations incestueuses, et notamment les relations librement consenties entre des adultes appartenant à la même famille.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a fait valoir qu'en raison de l'indétermination qui entoure la notion même d'inceste, il avait souhaité que les violences sexuelles soient qualifiées d'incestueuses et non d'inceste, afin de ne pas introduire de confusion quant aux relations qui pourraient être consenties entre des adultes de la même famille. Il a par ailleurs attiré l'attention sur le fait que, si les associations de victimes de violences incestueuses étaient très attachées à cette proposition de loi tendant à inscrire explicitement l'inceste dans le code pénal, les associations de protection de l'enfance étaient en revanche plus réservées sur ce point.

A la question de M. Jean-Pierre Sueur, qui a souhaité connaître le statut juridique de l'inceste commis entre des personnes majeures et consentantes, M. Laurent Béteille rapporteur, a rappelé que le code civil définissait un certain nombre de prohibitions au mariage. En tout état de cause, il a rappelé que la proposition de loi avait bien pour objet de réprimer les viols et agressions sexuelles commis dans un contexte incestueux, et non l'inceste en tant que tel.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements.

A l'article 1er (définition de la contrainte et insertion de l'inceste dans le code pénal), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à apporter quelques améliorations rédactionnelles à la définition de la contrainte proposée par le 1° de cet article.

Elle n'a pas intégré un amendement présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à supprimer la seconde phrase de la définition proposée pour la contrainte, le rapporteur ayant fait valoir que cette seconde phrase avait pour but de prévenir tout retour à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, qui avait considéré dans les années 1990 que la notion de contrainte ne pouvait résulter du seul jeune âge de la victime et de l'autorité exercée sur elle par l'agresseur.

M. Jean-Pierre Michel a fait observer qu'il n'était pas cohérent de définir la notion de contrainte alors que celles de violence, surprise ou menace ne le sont pas. Il lui a semblé que la notion de contrainte était consubstantielle à l'existence d'atteintes sexuelles imposées à des mineurs par une personne ayant autorité au sein d'une famille.

M. Hugues Portelli a souligné que cette définition posait un problème juridique dans la mesure où elle mêle éléments constitutifs de l'infraction et circonstances aggravantes de celle-ci.

M. Alain Anziani a fait valoir que, en prenant en compte la différence d'âge comme élément constitutif de la contrainte, cette définition risquait d'exclure d'autres formes de contrainte morale dans lesquelles la différence d'âge n'interviendrait pas.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a répondu que la définition proposée ne devait pas être regardée comme excluant d'autres formes de contrainte morale, mais qu'elle avait pour but de fixer le dernier état de la jurisprudence en matière de contrainte lorsque les violences sont commises au sein de la famille.

M. Jean-Pierre Michel a pour sa part estimé que cette définition posait de réels problèmes juridiques et qu'il convenait de préciser que la notion de contrainte résulte de la nature incestueuse même des violences sexuelles infligées.

M. Hugues Portelli a cité l'exemple de violences commises par un frère âgé d'un an de plus que sa soeur : dans ces conditions, il n'y aurait ni différence d'âge ni autorité de droit ou de fait sur la victime, ce qui ne permettrait pas de caractériser la contrainte constitutive du viol ou de l'agression sexuelle.

M. Laurent Béteille, rapporteur, a fait valoir que, dans l'exemple cité par M. Hugues Portelli, la violence serait en revanche probablement caractérisée et permettrait de constituer l'infraction de viol ou d'agression sexuelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a considéré que cette question méritait d'être à nouveau débattue lors de l'examen du texte en séance plénière.

La commission a ensuite intégré un amendement du rapporteur tendant, d'une part, à substituer à l'énumération des auteurs d'actes incestueux une définition tenant compte des violences sexuelles commises au sein de la famille sur un mineur par un ascendant ou une personne ayant une autorité sur la victime, et, d'autre part, à insérer dans le code pénal un paragraphe intitulé « De l'inceste », dans lequel figureraient ces nouvelles dispositions ainsi que celles relatives au retrait de l'autorité parentale.

M. Jean-Pierre Michel a rappelé qu'au moment de l'examen du projet de loi relatif au PACS, la notion d'inceste avait fait l'objet de discussions : alors que certains affirmaient que le PACS n'était qu'un contrat, qui pouvait donc être conclu entre un frère et une soeur par exemple, la loi puis le Conseil constitutionnel avaient affirmé que le PACS impliquait des relations sexuelles et avaient de ce fait exclu du dispositif les frères et soeurs tout comme les personnes appartenant à la même famille.

Il a indiqué que le groupe socialiste voterait l'amendement du rapporteur qui apportait une réelle amélioration au texte adopté par l'Assemblée nationale, tout en constatant que l'inceste ainsi juridiquement défini ne correspondrait qu'imparfaitement à l'inceste « anthropologique ». En effet, il a relevé que les relations sexuelles incestueuses entre personnes majeures ne seraient pas qualifiées d'inceste au sens de la loi.

M. Patrice Gélard a rappelé qu'au moment de l'examen du projet de loi sur le PACS le garde des Sceaux avait annoncé qu'un projet de loi relatif à la cohabitation entre frères et soeurs serait proposé au Parlement afin de compléter le dispositif, mais que ce texte n'avait jamais vu le jour.

A l'article 2 (coordination et création d'une circonstance aggravante nouvelle d'inceste), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant, d'une part, à conserver le droit en vigueur en matière de circonstances aggravantes et à faire de l'inceste une qualification supplémentaire qui viendrait se superposer aux qualifications existantes et, d'autre part, à prévoir que la qualification d'inceste fait l'objet d'une question spécifique devant la cour d'assises.

M. Patrice Gélard a souligné que la proposition de loi ne qualifiait pas d'incestes les violences qui pourraient être commises par un fils ou une fille sur son ascendant.

M. François Zocchetto a indiqué que, en Mayenne, les rôles des cours d'assises comprenaient une part très importante d'affaires impliquant des violences incestueuses. Il a souligné que, dans le texte voté par l'Assemblée nationale, un viol qui serait commis par un fils sur sa mère ne serait pas qualifié d'incestueux. Dans ces conditions, il a souhaité que le paragraphe inséré dans le code pénal soit intitulé « De l'inceste commis sur des mineurs ».

M. Laurent Béteille, rapporteur, a fait observer que la référence aux violences commises au sein de la famille permettrait de résoudre en partie les difficultés évoquées.

A l'article 2 bis (aggravation des peines encourues en cas d'atteintes sexuelles commises sur un mineur âgé de plus de quinze ans et non émancipé par le mariage), la commission a adopté un amendement de suppression présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, les auteurs de cet amendement ayant fait valoir que cette disposition n'avait pas sa place dans cette proposition de loi dont la visée est essentiellement interprétative et le rapporteur ayant constaté que, en tout état de cause, la définition de la contrainte morale désormais inscrite dans le code pénal conduirait les juridictions à délaisser la qualification d'atteinte sexuelle au profit de celles de viol ou d'agression sexuelle, punissables de peines plus graves. En conséquence, l'article 2 bis a été supprimé du texte adopté par la commission.

A l'article 4 (mission d'information des écoles, des collèges et des lycées en matière de violence et de sexualité et sensibilisation des professionnels de l'enfance à ces problématiques), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à supprimer une disposition modifiant l'article L. 632-9 du code de l'éducation, cet article étant abrogé par le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires ».

A l'article 6 bis (constitution de partie civile par les associations de lutte contre l'inceste et désignation systématique d'un administrateur ad hoc ), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à atténuer le caractère systématique de la désignation de l'administrateur ad hoc en cas de violences sexuelles incestueuses pour réserver le cas où les parents ne sont pas responsables de l'agression incestueuse.

A l'article 7 (remise d'un rapport au Parlement sur la prise en charge des victimes d'infractions sexuelles), la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à reporter de six mois la date de dépôt du rapport établi par le Gouvernement sur les modalités de prise en charge des victimes de violences incestueuses.

Après l'article 7, la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à insérer un article additionnel afin de permettre aux dispositions de la proposition de loi de s'appliquer dans les collectivités d'outre-mer.

Enfin, la commission a intégré un amendement du rapporteur tendant à simplifier l'intitulé de la proposition de loi.

La commission a adopté le texte de la proposition de loi tendant à inscrire l'inceste dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux ainsi rédigée.

ANNEXE 1 - AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article premier

Amendement présenté par M. Jean-Pierre Michel et les membres du Groupe Socialiste, apparentés et rattachés

Supprimer la seconde phrase du texte proposé par le paragraphe 1° de cet article pour l'article 222-22-1 du code pénal.

ANNEXE 2 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Ministère de la Justice

Mme Nathalie Becache , sous-directeur de la justice pénale générale

GIE Avocats

Me Andréanne Sacaze, présidente de la commission texte du Conseil national des barreaux

Me Catherine Perelmutter , avocate à l'antenne des mineurs du Barreau de Paris

FO Magistrats

M. Emmanuel Poinas , vice-président au TGI d'Aix, membre du bureau national

Union Syndicale des Magistrats

M. Laurent Bedouet , secrétaire général

Mme Virginie Duval , secrétaire national

Syndicat de la Magistrature

Mme Natacha Rateau, vice-présidente

M. Matthieu Bonduelle , secrétaire général

Associations

Association internationale des victimes de l'inceste :

Mme Isabelle Aubry , présidente

Mme Sandrine Apers , vice-présidente

La voix de l'enfant

Mme Martine Brousse, directrice

Mme Marie-Laure Joliveau-Tezcan, juriste

Enfance et partage

Me Rodolphe Constantino, avocat

Mme Sophie Decis, juriste

L'Enfant bleu

Me Jean-Christophe Boyer, avocat

Mme Sandra Montels, juriste

Personnalités qualifiées

Docteur Patrick Ayoun , pédopsychiatre, centre de crise de l'enfant à Hôpital Charles Perrens

Docteur Catherine Bonnet , pédopsychiatre

Témoignage

Mme Ghislaine Pieux

* 1 Claude Lévi-Strauss, Les Structures élémentaires de la parenté, 1949.

* 2 Sigmund Freud, Totem et tabou, 1913.

* 3 Françoise Héritier, Boris Cyrulnik, Aldo Naouri, De l'inceste, Odile Jacob, 2000, page 30.

* 4 Jean Carbonnier, Droit civil tome 2, La famille, l'enfant, le couple, PUF, 2002, page 446.

* 5 On considère comme majorité sexuelle l'âge à partir duquel un mineur peut entretenir une relation sexuelle avec un partenaire de son choix sans que ce dernier ne commette une infraction pénalement réprimée. A partir de cet âge, le mineur est en effet considéré comme pouvant consentir de plein gré à des relations sexuelles.

* 6 Article 7 du code de procédure pénale.

* 7 Aux termes de l'article 8 du code de procédure pénale, se prescrivent de vingt ans les agressions sexuelles commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime

* 8 Articles 222-31-1 et 227-28-2 du code pénal, le retrait de l'autorité parentale étant opéré sur le fondement de l'article 378 du code civil.

* 9 Articles 222-44 et suivants du code pénal.

* 10 Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

* 11 Groupe UMP, Mission de lutte contre l'inceste, janvier 2009, page 19.

* 12 Rapport de la mission confiée par le Premier ministre à M. Christian Estrosi, député des Alpes-Maritimes, page 36.

* 13 Les agressions sexuelles incestueuses sont très souvent associées à d'autres maltraitances telles que la privation de nourriture par exemple.

* 14 A l'heure actuelle, un viol commis sur un mineur de quinze ans par un ascendant est recensé soit comme un viol commis sur un mineur de quinze ans, soit comme un viol commis par un ascendant.

* 15 Voir notamment la question écrite posée M. Jacques Remiller, député, le 10 février 2009 et la réponse de la garde des Sceaux, ministre de la Justice, publiée au J.O.A.N. du 31 mars 2009.

* 16 Philippe Desloges, juge des enfants, « Le juge des enfants en cas d'abus sexuel dans la sphère familiale », Actualité Juridique Famille 207, page 180.

* 17 Gérard Lopez, Violences sexuelles sur les enfants, PUF, «collection Que sais-je ? », 1999, cité par Mme Marie-Louise Fort.

* 18 Dominique Vrignaud, « Les comptes de l'inceste ordinaire », dans De l'inceste, précédemment cité, page 148.

* 19 Rapport précité, page 6.

* 20 Dans De l'inceste, précité, pages 160-161.

* 21 Votre commission a modifié l'insertion de cet article dans le code pénal. Il s'agirait désormais de l'article 222-31-1.

* 22 Jean Carbonnier, Droit civil, La famille, l'enfant, le couple, PUF, 2002, page 447.

* 23 Voir le compte-rendu des débats, séances du 28 avril 2008.

* 24 Cass. Crim., 16 février 1837 ; Cass. Crim., 27 juin 1903.

* 25 Cass. Crim., 30 août 1855.

* 26 Cass. Crim., 10 avril 1959.

* 27 Cass. Crim., 9 décembre 1875.

* 28 Groupe UMP, Mission de lutte contre l'inceste, janvier 2009, page 13.

* 29 Bulletin officiel de l'Education nationale, 4 septembre 1997.

* 30 Aux termes de l'article unique de cette loi, il a été précisé que les visites médicales devaient notamment avoir pour objet de prévenir et détecter les cas d'enfants maltraités. En outre, cette loi a institué la séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée inscrite dans l'emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées.

* 31 Ce service d'accueil téléphonique a été mis en place à la suite de l'adoption de la loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance. L'affichage de ses coordonnées est obligatoire dans tous les établissements et services recevant habituellement des mineurs.

* 32 Pédopsychiatre, chef du département intersectoriel de psychiatrie de l'adolescent à l'hôpital Charles-Perrens de Bordeaux, exerce également à la maison d'accueil Jean Bru, un internat qui accueille des jeunes filles qui ont été victimes d'inceste.

* 33 Rapport du groupe de travail chargé de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l'affaire dite « d'Outreau », février 2005, page 10.

* 34 Rapport du groupe de travail chargé de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l'affaire dite « d'Outreau », février 2005, pages 47-48, disponible en libre accès sur le site de la Documentation française.

* 35 Voir à ce sujet le dossier thématique 2009-1 de l'Observatoire national de l'enfance en danger publié sur leur site Internet.

* 36 Voir jurisclasseur, code pénal, fascicule 20 : atteintes sexuelles sans violence sur mineur, Michèle-Laure Rassat, § 2.

* 37 Cass. Crim., 11 juin 1992, n° 91-85.847 : « Attendu que ces faits, commis par un père qui, pour parvenir à ses fins contre la volonté de son fils, a profité du manque de discernement de ce dernier pour abuser de son autorité, caractérisent le crime de viol par contrainte ou par surprise commis par un ascendant sur un mineur de quinze ans ». En l'espèce, les faits avaient été commis sur un mineur de douze ans.

* 38 Cass. Crim., 1 er mars 1995, n° 94-85.393 : « Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui déduisent la surprise, malgré la répétition des faits, du seul âge des victimes, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ».

* 39 Cass. Crim., 21 octobre 1998, n° 98-83.843 : « Mais attendu qu'en se prononçant ainsi, en se fondant, pour caractériser la violence, la contrainte ou la surprise, sur l'âge de la victime et la qualité d'ascendant ou de personne ayant autorité des auteurs présumés, alors que ces éléments, s'ils permettent de retenir, contre ces derniers, le délit d'atteinte sexuelle aggravée sur mineur [...], ne constituent que des circonstances aggravantes du crime de viol ou du délit d'agression sexuelle, la chambre d'accusation [qui avait renvoyé le père et la belle-mère de la victime devant la cour d'assises] n'a pas donné de base légale à sa décision ».

* 40 Rapport de la mission confiée par le Premier ministre à M. Christian Estrosi, député des Alpes-Maritimes, juillet 2005, pages 26-27.

* 41 Cass. Crim., 28 novembre 2001, n° 01-82.606 ; Cass. Crim., 7 décembre 2005, n° 05-81.316 : justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer le prévenu coupable d'agressions sexuelles sur trois mineurs de quinze ans, âgés de un an et demi à cinq ans, énonce que l'état de contrainte ou de surprise résulte du très jeune âge des enfants qui les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés ; dans un arrêt daté du 3 septembre 2008, la chambre criminelle a validé une ordonnance de renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols aggravés et agressions sexuelles sur mineurs de quinze ans par personne ayant autorité concernant un oncle qui, en l'absence momentanée des parents et grands-parents des victimes, exerçait de fait une autorité sur ses jeunes neveu et nièce et leur avait infligé des gestes sexuels « à la faveur [...] de la contrainte morale au regard de la différence d'âge avec le mis en cause ».

* 42 Alors que les lois dites interprétatives étaient traditionnellement considérées comme d'application immédiate, cet arrêt de la Cour de cassation a considéré qu'il convenait de faire application aux lois interprétatives de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative aux lois de validation. La Cour de cassation a ainsi considéré que « le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges. [...] Cette règle générale s'applique quelle que soit la qualification formelle donnée à la loi et même lorsque l'Etat n'est pas partie au procès ».

* 43 Voir le compte-rendu de la réunion de la commission figurant en annexe.

* 44 Voir à ce sujet le rapport n° 145 (2007-2008) fait par notre ancien collègue Henri de Richemont au nom de la commission des lois sur la loi et déposé le 19 décembre 2007. http://senat.fr/rap/l07-145/l07-145.html

* 45 Cass. Crim., 4 février 2004, n° 03-82.845.

* 46 CA Douai, 11 mai 2000.

* 47 Groupe UMP, Mission de lutte contre l'inceste, rapport, janvier 2009, page 14.

* 48 Sur la réforme de la formation à l'ENM : voir notamment le rapport n° 176 (2006-2007) fait par notre collègue Jean-Jacques Hyest au nom de la commission des lois sur la loi organique n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats. http://senat.fr/rap/l06-176/l06-176.html

* 49 Article 15 III du texte en discussion.

* 50 Rapport n° 1601 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale par Mme Marie-Louise Fort, enregistré le 8 avril 2009, page 31.

* 51 Ce risque apparaît néanmoins faible. Ainsi, dans un arrêt en date du 23 mars 1982, la Cour de cassation a estimé qu'une association dont l'objet consiste dans l'action pour faire reconnaître la dignité de la personne était recevable à agir dans des affaires de violences sexuelles perpétrées à l'encontre des femmes.

* 52 Article R. 53-7 du code de procédure pénale.

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