C. LES APPORTS DE LA COMPTABILITÉ GÉNÉRALE

En dépit des progrès accomplis en matière de fiabilité et d'exhaustivité, la Cour des comptes persiste à relever des réserves substantielles pour la certification des comptes qu'elle est chargée d'opérer conformément à l'article 58-5° de la LOLF, pour attester de « la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'Etat ».

Par ailleurs, il est clair que l'on ne tient pas suffisamment compte des enseignements de la comptabilité générale, qui reste jusqu'à présent un exercice très théorique.

1. La certification des comptes : des réserves persistantes en dépit de réels progrès

Les comptes de l'Etat ont été certifiés 7 ( * ) par la Cour des comptes avec 12 réserves, contre 13 en 2006. Sur un plan qualitatif, la Cour des comptes a formulé 9 réserves substantielles en 2007 contre 13 en 2006. Elle a ainsi levé trois des réserves substantielles qu'elle avait formulées sur les comptes de 2006, relatives aux contrats d'échange de taux pour la gestion de la dette, au réseau routier national et aux comptes des pouvoirs publics.

Les douze réserves formulées par la Cour concernent :

- les systèmes d'information financière et comptable de l'Etat 8 ( * ) ;

- le dispositif de contrôle interne et d'audit interne 9 ( * ) ;

- les actifs du ministère de la défense, malgré des progrès substantiels 10 ( * ) ;

- les opérateurs 11 ( * ) ;

- les produits régaliens 12 ( * ) ;

- les immobilisations spécifiques 13 ( * ) ;

- le compte des procédures publiques gérées par la Coface 14 ( * ) et les fonds d'épargne centralisés à la Caisse des dépôts et consignations 15 ( * ) ;

- les passifs d'intervention 16 ( * ) ;

- le parc immobilier 17 ( * ) ;

- les comptes de trésorerie ;

- les provisions pour risques 18 ( * ) ;

- les autres inventaires d'actifs et de passifs 19 ( * ) .

2. Les enseignements de la comptabilité patrimoniale

Il s'agit d'une innovation importante de la LOLF, dont on ne tire sans doute pas suffisamment d'enseignements.

a) Un champ plus large que la comptabilité budgétaire

La comptabilité générale de l'Etat dispose d'un champ plus large que celui de la comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires . Fondée sur la constatation des droits et obligations de l'Etat, elle recouvre en effet cette comptabilité budgétaire, mais appréhende également l'ensemble des obligations et risques financiers, ainsi que le patrimoine, et retrace donc aussi des opérations de nature « extra-budgétaire ».

De cette façon, elle permet de retracer la diversité des engagements de l'Etat (y compris les engagements « hors bilan », et en particulier les engagements de retraites) à prendre en compte pour apprécier le caractère soutenable de ses finances.

Au 31 décembre 2007, le bilan économique de l'Etat présentait notamment un endettement net de 1.042 milliards d'euros et une situation nette négative de 656,3 milliards d'euros , correspondant à une dégradation de 63,2 milliards d'euros (10,6 %) par rapport à 2006.

L'augmentation de l'endettement net (+ 59,7 milliards d'euros) a pu être contenue grâce à la hausse de 3,4 milliards d'euros des dépôts à vue des correspondants du Trésor dont a bénéficié l'Etat, comme le fait apparaître le tableau de financement. L'« actif économique », constitué de l'actif immobilisé et du besoin en fonds de roulement, s'élevait à 386 milliards d'euros, contre 389,5 milliards d'euros fin 2006.

Le bilan simplifié de l'Etat pour 2007

(en millions d'euros)

ACTIF

2007

2006

Immobilisations incorporelles et corporelles

253.309

257.562

Immobilisations financières

182.639

167.930

Stocks

32.873

32.229

Créances

52.646

54.949

Trésorerie active

22.062

13.338

Autres

11.719

8.247

TOTAL ACTIF (I)

555.248

534.255

PASSIF

2007

2006

Dettes financières

945.755

893.937

Dettes non financières

109.006

92.758

Provisions pour risques et charges

61.846

50.078

Trésorerie passive

68.972

65.528

Autres

25.998

25.097

TOTAL PASSIF HORS SITUATION NETTE (II)

1.211.577

1.127.398

SITUATION NETTE (III = I - II)

656.329

593.144

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le résultat patrimonial de l'Etat pour l'exercice 2007 s'établit à un déficit de 41,4 milliards d'euros , contre un déficit de 31,6 milliards d'euros au terme de l'exercice 2006, soit une dégradation de 9,8 milliards d'euros (31 %).

Les principales composantes de ce résultat sont indiquées dans le tableau ci-après, qui fait apparaître que la dégradation du résultat d'un exercice sur l'autre a principalement résulté d'une augmentation des charges nettes, à hauteur de 7 milliards d'euros , et d'une diminution des produits régaliens nets, à hauteur de 2,7 milliards d'euros .

Le résultat patrimonial de l'Etat pour 2007

(en milliards d'euros)

Fin 2006

Fin 2007

Variation

Charges de fonctionnement nettes

148,2

157,8

+ 9,7

6,5 %

Charges d'intervention nettes

128,8

113,3

15,6

12,1 %

Charges financières nettes

25,3

38,3

+ 13,0

51,1 %

Charges nettes

302,3

309,4

+ 7,0

2,3 %

Produits fiscaux nets

282,8

277,1

5,8

2,0 %

Autres produits régaliens nets

3,8

6,3

+ 2,5

67,1 %

Ressources propres (TVA et PNB) de l'Union européenne

15,9

15,4

+ 0,5

3,2 %

Produits régaliens nets

270,7

268,0

2,7

1,0 %

Solde des opérations de l'exercice

31,6

41,4

9,8

30,9 %

Source : Cour des comptes

* 7 La certification des comptes se définit comme l'opinion écrite et motivée que formule un organisme indépendant sous sa responsabilité sur la conformité des états financiers d'une entité, dans tous ses aspects significatifs, à un ensemble donné de règles comptables au premier rang desquelles figurent la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes.

* 8 « Les caractéristiques actuelles des systèmes d'information et les risques y afférents nécessitent la mise en oeuvre par l'administration de multiples contrôles dont la Cour ne peut apprécier la pleine effectivité. Il résulte de leur insuffisante auditabilité une limitation substantielle à l'étendue de ses vérifications. Ces constats doivent cependant être mis en regard de l'ampleur des actions engagées par l'administration pour remédier à cette limitation sans avoir bénéficié d'une période transitoire entre l'entrée en vigueur de la réforme comptable et la certification des comptes, ni excipé de la clause de sauvegarde informatique . »

* 9 Globalement, les dispositifs de contrôle interne comptable et financier, dont le déploiement se poursuit, ont été, au cours de l'exercice 2007, insuffisamment efficaces et effectifs dans l'ensemble de l'administration « pour corriger les faiblesses structurelles de l'environnement informatique et abaisser les risques d'erreurs significatives à un niveau raisonnable . »

* 10 Plusieurs catégories de biens qui étaient exclues du bilan de clôture 2006 du fait de leur absence totale ou partielle dans les systèmes d'information ont été intégrées au bilan de l'exercice 2007. Il en est ainsi notamment des coques et des stocks à bord des bâtiments de la marine, des avions en attente de démantèlement, des stocks de l'armée de terre gérés par la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense, et de certaines pièces de rechange de la DCMAT (direction centrale du matériel de l'armée de terre). En outre, les vecteurs des missiles stratégiques livrés aux armées ont été pris en compte. Au total, l'impact des augmentations de périmètre relatives aux matériels militaires peut être estimé à partir des données du département comptable ministériel à 5,3 milliards d'euros en valeur brute et à 1 milliard d'euros en valeur nette au 31 décembre 2007.

* 11 La norme comptable n° 7 définit les opérateurs des politiques de l'Etat comme des entités dotées de la personnalité juridique (établissements publics, GIP, associations, etc.), exerçant une activité non-marchande sous le contrôle étroit de l'Etat qui leur apporte un financement majoritaire. Au 31 décembre 2007, 802 opérateurs sont recensés dans le compte général de l'Etat (contre 789 au 31 décembre 2006). Les participations que l'Etat détient dans ces entités sont inscrites à l'actif de son bilan pour un montant de 56,1 milliards d'euros après prise en compte des écarts d'équivalence au 31 décembre 2007 (contre 53,7 milliards d'euros au 31 décembre 2006). Elles représentent environ un tiers de ses immobilisations financières. La cour estime que « La qualité des comptes d'une grande majorité d'opérateurs reste très insuffisante. Trois des faiblesses qui les affectent méritent particulièrement d'être relevées : la comptabilisation des biens, l'appropriation des nouvelles instructions sur les passifs et le contrôle interne comptable . »

* 12 Indépendamment de réserve générales sur la fiabilité de la chaîne, la Cour des comptes exprime en particulier « un désaccord substantiel sur le traitement comptable approprié des déficits reportables en avant ».

* 13 La Cour n'est pas satisfaite du respect de certaines normes. D'une part, la norme n°6 sur les immobilisations corporelles prévoit la comptabilisation de la contre-valeur des biens remis en concession par l'Etat ainsi que la production en annexe aux comptes d'une liste des concessions en vigueur (fourni il est vrai mais tardivement). D'autre part, la norme n°5 sur les immobilisations incorporelles prévoit la comptabilisation d'actifs spécifiques au titre des transactions dans lesquelles l'Etat fait usage de son pouvoir d'autoriser ou de restreindre l'occupation ou l'exploitation du domaine public, comme il l'a fait par exemple lors de l'octroi des licences UMTS (système universel de télécommunications mobiles).

* 14 Cet organisme fait-il ou non partie du périmètre de comptabilisation des actifs ? Selon la Cour, « les conditions d'application de ce critère sont remplies et justifient une intégration des actifs et des passifs de ce compte à ceux de l'Etat. D'une part, l'Etat dispose d'un pouvoir de décision sur les demandes de promesses en garantie les plus importantes. D'autre part, il effectue chaque année un prélèvement sur la trésorerie de ce compte au profit du budget général ». Pour l'exécutif, « la Coface agit en son nom propre et pour le compte de l'Etat, en tant que commissionnaire . »

* 15 La Caisse des dépôts et consignations (CDC) a notamment pour mission de centraliser et de gérer des fonds issus de divers produits d'épargne. Elle est classée dans les comptes de l'Etat 2007, s'agissant de sa section générale, parmi les participations de l'Etat non contrôlées. Comme en 2006, la Cour considère que « l'exclusion de la section des fonds d'épargne du périmètre des participations de l'Etat ne se justifie pas, car elle a pour effet de minorer la valeur des entités contrôlées et non contrôlées figurant à l'actif du bilan de l'Etat. Le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi considère qu'aucun des critères énumérés par la norme comptable de l'Etat n° 7, justifiant cette intégration, n'est réuni . »

* 16 La Cour considère que l'absence d'exhaustivité et une valorisation encore insuffisamment maîtrisée des engagements contractés par l'Etat au titre des mesures d'intervention laissent subsister une incertitude substantielle sur le montant des passifs d'intervention comptabilisés en 2007. Toutefois, témoignent des progrès réalisés, la forte progression des provisions pour charges d'intervention, comptabilisées à hauteur de 29,5 milliards d'euros fin 2006 et de 43,2 milliards d'euros fin 2007. Des incertitudes subsistent s'agissant des engagements de l'État envers Réseau ferré de France relatifs au plan pluriannuel de renouvellement du réseau ferré national ou encore des engagements gérés par le CNASEA dans le domaine des aides à l'emploi.

* 17 En dépit de l'ampleur des efforts consentis par l'administration, ces engagements n'ont été que partiellement tenus et des incertitudes demeurent sur le périmètre et la valorisation du patrimoine immobilier. Outre les limites du Tableau Général des Propriétés de l'Etat (TGPE), la Cour note que « si, conformément aux engagements pris et aux instructions comptables, un certain nombre de biens non évalués en 2005 et 2006 ont été valorisés en 2007, près d'1,5 % d'entre eux n'ont toujours fait l'objet d'aucune valorisation . »

* 18 Les provisions pour risques comptabilisées au bilan de l'Etat s'élèvent à 6,5 milliards d'euros au 31 décembre 2007 contre 6,9 milliards d'euros à fin 2006. Les provisions pour litiges qui représentent une part prépondérante sont estimées à 5,1 milliards d'euros. Malgré les progrès accomplis des lacunes importantes persistent . Ainsi Conformément aux engagements pris par le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, le recensement a été élargi à un premier ensemble de services déconcentrés. L'incidence de cette extension de périmètre sur les comptes de 2007 est significative. La procédure de recensement rencontre toutefois d'importantes limites.

* 19 Les principaux constats effectués par la Cour concernent les immobilisations « non ventilées », le traitement comptable des cofinancements d'immobilisations de l'Etat et les logiciels produits en interne. Ainsi, les comptes d'immobilisations dits « non ventilés » comptabilisent un très grand nombre de biens dont la valeur unitaire est faible (mobilier et matériel de bureau, matériel informatique et de télécommunication, certains outillages et matériels techniques, etc.). Le solde de ces comptes s'élève à 12,1 milliards d'euros en valeur brute au bilan de clôture 2007. Dans ces comptes, les immobilisations ne faisant l'objet d'aucun inventaire représentent 11,3 milliards d'euros, soit plus des deux tiers du montant total des comptes de matériel technique, industriel et outillage et des autres immobilisations corporelles, hors ministère de la Défense.

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