TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 21 juin 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de MM. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, et Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , sur le projet de loi n° 2348 (AN), relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale .

En introduction, M. Nicolas About, président , a observé que ce projet de loi répond à des attentes très fortes et s'est déclaré convaincu que le développement des services de proximité ouvre des perspectives très intéressantes dans notre pays, notamment dans le cadre de la politique du handicap.

M. Jean Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement , a indiqué que le projet de loi comporte deux parties, la première consacrée aux services à la personne, la seconde à divers mécanismes destinés à compléter le plan de cohésion sociale, car le Gouvernement entend tirer les premières leçons des expériences conduites sur le terrain, depuis le début de la mise en oeuvre de ce plan. Relèvent de cette seconde partie, par exemple, la création d'une nouvelle référence d'indexation des loyers, l'amélioration des modalités de garantie du risque locatif et l'aménagement technique du dispositif du contrat d'avenir.

La première partie du projet de loi rassemble les dispositions les plus importantes et les plus novatrices, inspirées notamment de rapports du commissariat général du plan, du Conseil d'analyse économique et du Sénat, qui ont pour objet de répondre à la mutation du modèle économique et social français, que le Gouvernement souhaite faciliter et encourager.

Pour ces motifs, une démarche de dialogue et de concertation a été suivie pour la préparation du projet de loi avec l'ensemble des acteurs concernés, réseau associatif, grandes entreprises de services, petites entreprises spécialisées dans l'aide à la personne.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement , a précisé que le texte poursuit trois objectifs : accroître la professionnalisation des personnels, simplifier les procédures et améliorer la qualité du service.

Dans sa rédaction actuelle, ce texte répond aux demandes exprimées par les professionnels du secteur et à l'attente de nos concitoyens. Le chèque-emploi-service universel (CESU) permettra d'accompagner l'évolution de la société vers un nouveau modèle de développement en simplifiant la vie quotidienne des Français. Le ministre s'est félicité, à cet égard, des nombreuses réactions positives enregistrées récemment de la part des grands acteurs économiques et sociaux et, notamment au cours des derniers jours, de la Fédération bancaire française qui a annoncé sa participation active à la mise en place du CESU. Il a observé que le développement des emplois de proximité répondra à des attentes multiples et variées, par exemple en matière de ressources humaines ou d'informatique. Ces activités devraient aussi permettre d'améliorer la qualité de vie et de lutter contre le stress des personnes actives. Il s'est réjoui de l'accueil favorable dont bénéficie aujourd'hui ce projet de loi, alors même que l'annonce du lancement de cette initiative avait été accueillie avec beaucoup de scepticisme, il y a quelques mois seulement. Ces mesures, destinées avant tout au monde du travail, peuvent aussi contribuer à améliorer le fonctionnement du secteur médico-social.

M. Dominique Leclerc, rapporteur , a souligné l'intérêt des dispositions du titre I du projet de loi. Il a noté que l'idée même du chèque-emploi-service universel trouve son inspiration dans le succès aujourd'hui incontesté du chèque emploi-service.

Après avoir observé qu'un grand nombre d'associations et d'organismes ont déjà été autorisés à fournir une prestation de services qui entre dans le champ du projet de loi, il s'est demandé comment se fera la transition entre leur agrément actuel et celui qu'ils devront obtenir. Il a également souhaité savoir si les associations dont l'activité ne correspond pas exactement à celles visées par le projet de loi seront contraintes à se scinder en plusieurs structures pour obtenir l'agrément prévu. Estimant par ailleurs indispensable de promouvoir le libre choix, il a demandé quelles démarches le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour favoriser le développement de la qualité et de la concurrence. Enfin, il a jugé la création de l'agence nationale des services à la personne essentielle pour la mise en oeuvre efficace du projet.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement , a précisé que les nouvelles procédures d'agrément n'affecteront ni le secteur médico-social ni les organismes déjà habilités à ce jour. A propos de la création d'une nouvelle structure « ad hoc », il s'est appuyé sur le précédent de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dont l'effectif se limite à trente-huit personnes, pour souligner l'intérêt des administrations de mission qui demeurent des structures très légères. Il a indiqué que la problématique des emplois de proximité fait intervenir pas moins de vingt-trois directions centrales différentes dans une quinzaine de ministères, ce qui rend pleinement justifiée la constitution d'une cellule de quelques personnes pour assurer la coordination de l'ensemble des acteurs concernés, ainsi que le suivi du CESU. La définition des méthodes d'évaluation permettant de labelliser la qualité des services rendus à la population répond à un besoin, mais aussi à une attente exprimée par le secteur associatif lui-même, qui ne dispose pas le plus souvent des fonds propres nécessaires pour réaliser ce type d'investissements.

Il a enfin fait valoir que la notion de libre choix s'apprécie au regard du grand nombre d'intervenants dans le domaine des emplois de proximité puisque l'on y dénombre 6.000 associations, 10 % des entreprises commerciales ainsi que de très nombreux particuliers employeurs.

Après avoir insisté sur la nécessité d'accroître et d'encourager la formation des personnes employées, M. Dominique Leclerc, rapporteur , a souhaité connaître le calendrier de mise en oeuvre des dispositions du projet de loi.

Indiquant que des actions de communication seront conduites le moment venu, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement , s'est félicité du très bon accueil réservé par la presse féminine au développement des emplois de service à la personne. L'entrée en vigueur des dispositions proposées doit intervenir d'ici la fin de l'année 2005, avec la promulgation de la loi au plus tard le 14 juillet, la publication des décrets d'application d'ici à la rentrée scolaire, la création de la nouvelle agence et des enseignes nationales fédérant l'ensemble des initiatives de la société civile au mois de septembre prochain, puis la mise en circulation du CESU le 1 er janvier 2006.

M. Dominique Leclerc, rapporteur , a ensuite souhaité obtenir des précisions sur les dispositions du titre II du projet de loi concernant le dispositif de garantie contre les impayés de loyer d'une part, et le remplacement de l'indice du coût de la construction (ICC) par une nouvelle référence d'indexation des loyers, d'autre part. Il a estimé par ailleurs qu'il serait sage de s'en remettre à la négociation collective pour ce qui concerne le travail de nuit des apprentis mineurs. Il a rappelé que des amendements ont été déposés à ce sujet, tant à l'Assemblée nationale, au cours de l'examen du présent projet de loi, qu'au Sénat, lors de l'examen du projet de loi relatif aux petites et moyennes entreprises. L'existence de dispositifs concrets a conduit le Gouvernement à présenter lui-même un amendement relatif au travail des apprentis mineurs le dimanche et les jours fériés, afin d'organiser la convergence de ces différentes initiatives parlementaires.

Faisant suite à ces remarques, M. Jean-Pierre Godefroy s'est inquiété de la possibilité ainsi ouverte de déroger largement à l'interdiction de travailler le dimanche, les jours fériés, mais aussi la nuit pour de très jeunes gens. Il a jugé que cette extension progressive apparaît déraisonnable et qu'il conviendrait, à tout le moins, de subordonner ces exceptions au droit commun du code du travail à l'existence d'un accord de branche.

M. Louis Souvet a jugé également qu'il convient de savoir ne pas aller trop loin en la matière.

A Mme Gisèle Printz qui souhaitait savoir quand interviendrait l'examen du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, a indiqué que le calendrier législatif initialement prévu avait naturellement été modifié en raison du récent remaniement ministériel, mais que l'existence même du projet de loi n'est pas remise en cause. Mme Catherine Vautrin annoncera d'ailleurs très prochainement la nouvelle date retenue pour l'examen de ce texte par le Sénat.

Soulignant que la réussite du développement des services de proximité dépend d'un bon niveau de formation, sans laquelle ce type d'activité reviendrait à n'être, pour les personnes concernées, qu'une accumulation de « petits boulots », Mme Michèle San Vicente s'est interrogée sur l'impact prévisionnel du CESU. Elle a constaté que le précédent du chèque emploi-service tend plutôt à accréditer l'idée que cette mesure conduira surtout à régulariser des emplois aujourd'hui non déclarés. Elle s'est enfin demandé si le développement du CESU ne sera pas de nature à créer une concurrence déloyale vis-à-vis des petites entreprises et si les modifications prévues en matière d'agrément peuvent réellement n'avoir aucune conséquence sur le secteur médico-social.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, a réaffirmé sa conviction que le CESU n'aura pas pour seul effet de réduire le « travail au noir ».

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a précisé que l'introduction d'une nouvelle référence d'indexation des loyers, combinant trois composantes - l'indice du coût de la construction, l'indice des prix à la consommation et l'indice des prix d'entretien et d'amélioration du logement - doit permettre de lisser dans le temps, et bien mieux qu'aujourd'hui, l'évolution du coût de la construction et de répondre ainsi aux attentes des locataires comme des propriétaires. Il a souligné l'intérêt de l'exonération des plus-values de cessions immobilières pour les terrains destinés à la construction de logements sociaux, alors que le nombre de mises en chantier a déjà doublé entre 2000 et 2004 pour atteindre, l'an passé, le chiffre de 78.000. Il a estimé que le nouveau dispositif de garantie des impayés de loyers devrait se traduire par une dépense budgétaire annuelle de 25 millions d'euros, lorsqu'il aura atteint son régime de croisière dans six ans.

Sur les dispositions des articles 11 et 11 bis du projet de loi, relatif au travail de nuit, des dimanches et jours fériés des mineurs, il a souligné que les dérogations prévues s'exerceront dans un cadre restrictif, limité aux seules activités dont les caractéristiques les justifient, et ne concerneront que certaines professions spécifiques, sur la base d'une liste définie par décret en Conseil d'État. Il a indiqué au surplus que le Gouvernement sera attentif à harmoniser les amendements présentés sur ce thème dans les deux assemblées.

M. Jean-Pierre Godefroy s'est interrogé sur l'encadrement de ces dérogations.

Après avoir réaffirmé que le Gouvernement entend agir d'une façon transparente et préserver la rigueur du cadre juridique protégeant les apprentis mineurs, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a estimé que le développement de la formation constitue bel et bien l'enjeu décisif du développement des services à la personne. Il a reconnu que la mise en oeuvre de la validation des acquis de l'expérience (VAE) se heurte à des difficultés dans la pratique et précisé que, faisant suite à un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'une part, et à la demande du Premier ministre d'autre part, un plan d'action sera établi d'ici la fin de l'année. Sur la question de l'impact prévisible du CESU, il a jugé prometteur l'intérêt marqué par les principales banques et les grands réseaux mutualistes pour le développement d'une telle formule.

M. Roland Muzeau a dénoncé, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, le contraste entre les propos rassurants du Gouvernement, empreints de pragmatisme et de souplesse, et soutenus par le talent oratoire du ministre, et l'absence constatée de résultats concrets. Il s'est inquiété également de l'extension prévue du travail de nuit des apprentis mineurs, la formulation restrictive ici proposée n'apaisant pas ses craintes. Prenant acte des déclarations du ministre, selon lesquelles le projet de loi s'inspire directement des nombreux rapports publiés sur la question des services à la personne, il a jugé que ce travail préparatoire n'est pas allé jusqu'à tirer les enseignements desdits documents. Il a relevé, à ce propos, que le Commissariat général du plan avait estimé que la France n'était pas en retard en matière de services de proximité et préconisé « de ne pas succomber à la tentation des emplois entièrement solvabilisés » par des fonds publics. Il s'est demandé si le Gouvernement, en mettant l'accent sur les accords passés de gré à gré avec les particuliers, d'une part, et sur la simplification des procédures administratives, d'autre part, ne passe pas à côté de l'enjeu principal du projet de loi : la formation professionnelle.

Mme Bernadette Dupont s'est préoccupée des modalités de financement des institutions assurant la formation professionnelle des métiers de service à la personne.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a confirmé que la mise en oeuvre des dispositions du plan de cohésion sociale progresse : les seize premières maisons de l'emploi ont déjà été labellisées ; la convention de reclassement personnalisée sera opérationnelle à partir du mois d'août 2005 ; l'État a signé avec la région Picardie, un contrat d'objectifs visant à accroître de 40 % les places en apprentissage d'ici à l'année 2009 ; une démarche identique est en cours dans dix-sept autres régions. Il s'est réjoui également du succès des contrats d'accès à l'emploi, qui sont signés actuellement au rythme de 550 par jour, et dont le Premier ministre a annoncé, lors de sa déclaration de politique générale, que le nombre total sera accru de 80.000. Sur la proposition de ramener à six mois au lieu de vingt-quatre la durée des contrats d'avenir, il a fait observer qu'il s'agit d'une demande des chantiers d'insertion et non d'une initiative gouvernementale.

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