II. LES INCERTITUDES GRAVES QUI PÈSENT SUR L'IMPACT DE LA TGAP ET SUR SON CONTENU FUTUR

A. L'IMPACT DE LA TGAP EST MAL MAÎTRISÉ

1. Le risque réel d'un accroissement des prélèvements publics

Dès la première année de mise en oeuvre de la TGAP, celle-ci se traduit par un alourdissement de la fiscalité à travers l'augmentation de la taxe sur les déchets et sur les huiles usagées.

Aucune statistique disponible ne permet d'affirmer que l'application du taux réduit de TVA sur la collecte sélective, le tri et la valorisation-matière compense intégralement cette augmentation de la taxe déchets.

Plus généralement, on rappellera que la mise en oeuvre du double dividende implique au nom du premier dividende, une fiscalité écologique lourde pour avoir un effet réellement dissuasif .

Cet alourdissement de la fiscalité n'a aucun effet redistributif et en se traduisant par une hausse des prix à la production , il va entraîner une hausse des prix à la consommation et donc une baisse du pouvoir d'achat.

De plus, si les salariés s'efforcent de maintenir leur pouvoir d'achat, en obtenant des augmentations de salaire, la mise en place de la taxe environnementale entraînera un accroissement du coût du travail, qui pourrait peser sur l'emploi. Ceci viendra en tout état de cause annuler les effets espérés du second dividende, à savoir la baisse des charges sociales sur le travail.

2. Les conséquences négatives pour la protection de l'environnement

La déconnexion imposée par l'instauration de la TGAP entre le produit de la taxe et le montant des travaux de prévention ou de réparation nécessités pour la protection de l'environnement suscite de légitimes inquiétudes.

En échange de la " désaffectation " des taxes écologiques, le Gouvernement s'engage à promouvoir une programmation pluriannuelle des travaux, mais les précédents en ce domaine font émettre les plus grands doutes sur la pérennité des engagements de l'Etat même contractuels.

- Ainsi, entre 1982 et 1986, l'Etat a augmenté la taxe intérieure sur les produits pétroliers de douze centimes pour rembourser des emprunts qui avaient alimenté le fonds spécial de grands travaux. Il s'agissait alors de relancer la politique d'équipement de l'Etat. Ces douze centimes, une fois les emprunts remboursés, n'avaient plus d'objet. Mais la taxe n'a pas diminué et les budgets du ministère de l'équipement n'ont pas bénéficié d'une ressource supplémentaire. Les douze centimes ont été maintenus et sont allés alimenter le budget général, c'est-à-dire à 90 % des dépenses de fonctionnement.

- L'expérience des contrats de plan Etat-région incite tout autant à la méfiance. Ces contrats, et notamment leur volet routier, avaient en théorie une durée de vie de cinq ans. Unilatéralement, l'Etat a décidé, en 1996, que les contrats 1994-1998, seraient prolongés d'un an, devenant les contrats 1994-1999. Or, à la lecture du projet de loi de finances, on constate qu'à la fin 1999, l'Etat n'aura rempli que 80 % des engagements financiers qu'il avait pris six ans plus tôt.

Si le montant des dotations budgétaires inscrit sur des programmes de réparation ou de prévention en matière d'environnement diminue, le coût des investissements à réaliser en sera alourdi d'autant et sera répercuté à terme sur le prix du produit final, ce qui pèsera d'autant sur le pouvoir d'achat des consommateurs.

Bien plus, on peut craindre que des investissements de lutte contre la pollution ne soient plus réalisés, ce qui est de toute évidence préjudiciable à la qualité de l'environnement.

Enfin, l'instauration de la TGAP met fin à un système qui avait le grand mérite d'associer directement les acteurs économiques, dont les industriels, aux choix effectués en matière d'aide aux investissements réalisés par les pollueurs en vue de réduire leurs émissions.

L'instauration de la TGAP modifie ainsi profondément, voire supprime les compétences du fonds de modernisation de la gestion des déchets et du fonds de gestion des déchets industriels.

Votre rapporteur est très hostile à la remise en cause de cette approche partenariale de la protection de l'environnement qui réunissait collectivités locales, associations de protection de l'environnement, industriels et administration.

3. Des effets mal mesurés sur la compétitivité des entreprises

La TGAP a pour fonction première d'adresser un signal-prix fort à l'intention des agents économiques, qu'ils soient d'ailleurs producteurs ou simples consommateurs. Si on s'intéresse aux effets de l'écotaxe mixte assise sur le carbone et sur l'énergie qu'il est envisagé d'instituer au niveau communautaire, il faut souligner tout d'abord que ce dispositif n'a plus beaucoup de liens avec la lutte contre l'effet de serre puisque l'énergie nucléaire sera taxée alors même qu'elle ne rejette pas de CO 2 . Force est de constater que l'écotaxe sera instituée pour prélever de façon soi-disant " indolore " des masses financières considérables.

Par ailleurs, si cette écotaxe augmente le prix des combustibles, ceci aura pour effet d'augmenter le prix des produits qui consomment beaucoup d'énergie et incitera les entreprises qui les produisent à se délocaliser vers des pays moins développés et surtout " moins regardants " en ce qui concerne la protection de l'environnement.

Mais il est avéré que ces pays consomment beaucoup plus d'énergie que les pays développés par unité produite. Les délocalisations induites par l'instauration de la taxe pourraient entraîner ainsi une augmentation du chômage au sein de l'Union européenne, une augmentation de l'énergie consommée dans les pays moins développés et donc globalement -à l'échelle de la planète- plus de carbone rejeté et une aggravation de l'effet de serre.

La question de la compétitivité des entreprises est centrale s'agissant de la mise en oeuvre de l'écotaxe, et force est de constater que les pays qui ont expérimenté ce type de taxe prennent leurs précautions. Ainsi, la Suède a exempté l'industrie de 75 % de la taxe sur le carbone (et une exemption totale de la taxe sur l'énergie). Au Danemark, un rabais de 50 % de la taxe sur le CO 2 a été accordé à l'industrie sur la période 1993-1995.

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