B. UNE BAISSE DES CRÉDITS DÉJÀ PEU IMPORTANTS ET DES AIDES POUR L'INSERTION PROFESSIONNELLE EN MILIEU ORDINAIRE, QUI RESTE TOUJOURS PROBLÉMATIQUE, QU'IL S'AGISSE DU SECTEUR PRIVÉ OU DU SECTEUR PUBLIC

1. Une baisse des crédits déjà peu importants et des aides pour l'insertion professionnelle en milieu ordinaire

Ainsi que votre rapporteur l'a déjà mentionné, les crédits budgétaires en faveur du milieu ordinaire déjà peu importants baissent encore. De plus, même si globalement ces crédits restent stables, c'est-à-dire baissent tout de même en francs constants, votre rapporteur s'interroge sur l'opportunité d'avoir transformé les articles 11 et 12 du chapitre 44-71 du ministère du travail, du dialogue social et de la participation relatifs, respectivement aux actions nationales et aux actions déconcentrées en faveur de l'emploi des personnes handicapées, en un nouvel article unique, l'article 10 du même chapitre relatif aux mesures en faveur de l'emploi des personnes handicapées, d'un montant de 45,5 millions de francs, c'est-à-dire la résultante des deux articles anciens. En effet, il semble à votre rapporteur que cette opération s'avère tout à fait à l'inverse de la tendance qui est pratiquée depuis plusieurs années au sein du ministère des Affaires sociales quel que soit son nom.

Parallèlement, notre rapporteur a constaté, comme les associations qu'il a reçues en audition une forte baisse des crédits des équipes de préparation et de suite du reclassement professionnel (EPSR).

a) La forte baisse des crédits des EPSR

En effet, les crédits des EPSR qui sont situés à l'article 50 du chapitre 44-71 du budget du ministère du travail, du dialogue social et de la participation, enregistrent une forte baisse à partir de montants déjà peu importants. Ils passent ainsi de 60,935 millions de francs en 1995 à 42,073 millions de francs en 1996, chutant donc de 18,861 millions et de 31 %. Or, il noter que ces équipes, qu'elles soient privées ou publiques, ne sont pas encore présentes dans les départements, il en reste encore cinq à couvrir et qu'elles s'occupent plus particulièrement des cas les plus lourds. Le désengagement de l'État dans ce domaine est tout à fait net, et à ce titre, regrettable, même si, selon les informations obtenues par votre rapporteur et qui restent à confirmer, la baisse des crédits ne serait pas, en fait, de 18,861 millions de francs mais plutôt de 10 millions.

Il apparaît que ce désengagement de l'État est corrélé avec un accroissement de l'intervention de l'Association nationale de Gestion du

Fonds pour l'Insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) menée dans le cadre de la convention État-AGEFIPH signée le 15 février 1994 et relative aux organismes spécialisés de placement comme les EPSR et les organismes d'insertion et de placement. Cette convention, valable jusqu'en 1999 a permis de dresser un état des lieux des 91 EPSR publiques ou privées et des 92 organismes d'insertion et de placement (OIP). Elle souhaite développer le placement des personnes handicapées en milieu ordinaire de travail et améliorer les moyens et les résultats des EPSR aussi bien que des OIP. Pour cela, les objectifs de la convention sont de couvrir l'ensemble du territoire avec au moins une EPSR par département et de remplir des contrats de placement.

Pour votre rapporteur, cette initiative serait tout à fait louable s'il n'y avait un glissement de la nature même de l'EPSR qui signifie, rappelons-le, Équipe de préparation et de suite du reclassement, de la tâche de préparation et de suivi de la personne très lourdement handicapée, vers une tâche purement quantitative de placement. Les EPSR risquent donc de perdre toute leur originalité et d'être jugées, c'est-à-dire d'obtenir des crédits sur la base de tâches pour lesquelles elles n'ont pas été créées. Ce phénomène semble donc tout à fait préoccupant à votre rapporteur, même s'il comprend le souci d'efficacité qui guide l'AGEFIPH.

b) ... s'accompagne d'une réduction significative de la prime à l'insertion de l'AGEFIPH

En effet, qu'il s'agisse de la prime à l'employeur, versée en deux fois ou de la prime à la personne handicapée, celle-ci est réduite à partir du 1er octobre 1995, pour des raisons financières essentiellement dans la mesure où, en 1995, les dépenses d'intervention votées étaient de 1,992 milliard alors que les fonds collectés n'ont été que de 1,584 milliard. Les dépenses d'intervention devenaient donc désormais supérieures aux collectes. Par ailleurs, le directeur général de l'AGEFIPH, M. Jean-Louis Segura, estime que, selon une enquête d'utilisation, la prime d'insertion pour le salarié ne semble pas être véritablement employée pour s'équiper. La prime d'insertion pour l'entreprise a donc baissé à partir du 1er octobre de moitié passant de 30.000 francs à 15.000 francs, tandis que celle du salarié baisse, elle, de 20.000 francs, puisque de 30.000 francs elle est réduite à 10.000 francs. Votre rapporteur comprend bien les motivations de bonne gestion qui ont induit une telle réduction, les dépenses d'intervention ne peuvent durablement être supérieures aux collectes. Toutefois, il craint les effets de telles dispositions guidées par des considérations financières sur l'embauche de personnes déjà fragilisées, dans un contexte économique particulièrement difficile. Il souligne le paradoxe du financement de l'AGEFIPH : les primes sont élevées, lorsque beaucoup d'entreprises font preuve de mauvaise volonté pour employer des handicapés, elles sont réduites même si la situation est encore plus difficile, si les entreprises font des efforts. Il faut, d'ailleurs, noter que cette disposition restrictive dès qu'elle a été connue a eu un important effet d'appel au mois de septembre puisque, au lieu des 6.000 demandes de primes d'insertion par mois enregistrées en moyenne, il en a été enregistré trois fois plus.

Votre rapporteur sera donc particulièrement attentif aux conséquences de cette réduction du montant des primes à l'insertion qui devraient s'élever en 1995 à 1,162 milliard. Il examinera, en particulier, si le cumul avec les aides existantes, en particulier le contrat initiative emploi, sera de nature à compenser pour les intéressés la baisse de ces primes.

2. ... qui reste toujours problématique, qu'il s'agisse du secteur privé ou du secteur public

1995 a, certes, vu la création du CIE précité par la loi n° 95-881 du 4 août 1995 qui est ouvert aux travailleurs reconnus handicapés et aux autres bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-1. Si le contrat initiative emploi connaît un succès certain votre rapporteur n'a pas la ventilation entre les différents publics concernés qui pourrait lui permettre d'évaluer son impact sur les personnes handicapées.

De plus, ainsi qu'il le déplore annuellement, les informations restent parcellaires en matière d'emploi dans le milieu ordinaire des personnes handicapées, si l'on excepte les recensements de l'AGEFIPH. Une enquête de l'AGEFIPH menée conjointement avec l'État évaluait à 1,3 % seulement en septembre 1994, le taux d'emploi des personnes handicapées dans les entreprises dont le nombre de salariés est compris entre 11 et 19 inclus, c'est-à-dire qui ne sont pas assujetties à une obligation d'emploi. Une enquête portant sur les entreprises de 10 salariés au plus est en cours. Quant à l'évaluation de la population handicapée à la recherche d'un emploi, elle reste fortement sous-estimée dans la mesure où nombre de personnes handicapées ne sont pas recensées comme telles dans les chiffres de l'ANPE quoiqu'il en soit, malgré ces réserves, on peut constater une forte progression du nombre des personnes handicapées à la recherche d'un emploi depuis 1990.

Évolution des demandeurs d'emploi handicapés

a) La situation dans le secteur privé : une légère amélioration mais des difficultés persistantes

Il faut noter, à cet égard, la situation des petites entreprises non assujetties aux obligations de la loi de 1987. 64 % des employeurs ayant recruté des personnes handicapées, en 1995, selon l'AGEFIPH, ont en effet moins de 20 salariés. Selon les chiffres recensés en 1993, il y aurait à peu près autant de personnes handicapées dans les petites entreprises que dans celles d'au moins 20 salariés. Cette performance s'explique par le fait que les petites entreprises ont accès à la prime d'insertion de l'AGEFIPH qui vient, comme votre rapporteur l'a précisé précédemment, d'être réduite. Cette réduction risque donc d'avoir également des effets dans ce domaine.

Toutefois, il faut également remarquer que les personnes handicapées, plus encore que les autres, sont touchées par la précarisation des contrats : 53 % des contrats signés en 1994 les concernant étaient à durée indéterminée contre 80 % en 1992, alors que s'accroissent les contrats à durée déterminée (24 %) et les contrats emploi-solidarité (23 %).

En ce qui concerne les entreprises assujetties au quota, qui est de 6 %, il faut rappeler que le montant annuel de la contribution à l'AGEFIPH en cas de non respect partiel ou total de la loi de 1987 est par unité bénéficiaire manquante, de 300 fois le SMIC horaire pour une entreprise ayant de 20 à 199 salariés, 400 fois le SMIC horaire, pour une entreprise de 200 à 749 salariés et 500 fois pour une entreprise d'au moins 750 salariés.

La collecte de fonds en 1995 pour l'AGEFIPH a quasiment stagné par rapport à l'an passé (1,584 milliard en 1995 contre 1,564 en 1994, qui avait vu pour la première fois le montant collecté diminuer (cf. tableau ci-dessous). L'époque de la montée en charge où certains lorgnaient avec envie le « trésor » de l'AGEFIPH paraît donc loin, le nombre des entreprises contribuantes du fait du non respect total ou partiel de leurs obligations est en légère diminution (- 2,7 %), ce qui apparaît positif de même que la légère croissance du taux d'emplois, soit 4,06 en 1993 contre 3,99 % en 1992.

Toutefois, le taux de 6 % qui devrait être atteint dès 1992 paraît encore, compte tenu du contexte économique, encore hors de portée.

Les montants collectés et taux d'emploi

Les personnes bénéficiaires de l'AGEFIPH -soit 37 % des financements- souffrent le plus souvent d'un handicap moteur (50 %) ou une maladie invalidante (22 %), alors que les autres affections (handicap visuel : 10 %, auditif : 8 %, déficiences intellectuelles : 8 % et maladies mentales : 2 %) sont plus marginales. Les personnes handicapées qui bénéficient directement des aides de l'AGEFIPH sont dans 95 % des cas désormais, reconnues comme telles par la COTOREP. Les autres cas relèvent soit de pensions d'invalidité, soit d'accidents du travail, voire même de notifications de la CDES (cf. tableau ci-après).

Le monde économique est destinataire de 40 % des financements.

Quatre secteurs partagent plus de 75 % de ceux-ci. Ce sont respectivement les industries manufacturières (30 %), le commerce (21 %), l'immobilier et le service aux entreprises (14 %) et la construction (11 %). Quant aux médiateurs de l'insertion, ils totalisent, eux, 23 % des financements, mais 49 % des mesures : leurs actions portaient sur le placement (33 %), la formation (24 %) et la remise à niveau (9 %), l'information (9 %) et le bilan (8 %). Ces différentes actions sont, soit conduites par des organismes spécialisés, soit soutenues par des associations représentatives de handicapés (cf. tableau ci-dessous).

Répartition des financements

En pourcentage

Par ailleurs, l'AGEFIPH, pour agir plus efficacement a, d'une part, développé un réseau de délégations régionales -la couverture du territoire national s'est achevée fin 1994 avec la création d'une délégation Antilles-Guyane- et à, d'autre, part, entrepris une politique très active de partenariat avec plus ou moins de succès avec l'État, bien sûr, les milieux professionnels, les opérateurs du service public de l'emploi et autres (ANPE, AFPA, ANACT), les grandes associations de handicapés. Dans ce domaine, 9 conventions nationales de collaboration et d'expertise sont actuellement en vigueur.

Parallèlement, l'AGEFIPH continue de passer des conventions avec les fédérations professionnelles et les grandes entreprises comme celles conclues avec la fédération du bâtiment et des travaux publics, le groupement des industries métallurgiques, Pechiney, Saint-Gobain, Thomson, le Groupe Accor, le groupe Cora, la Ruche-Picarde, le BHV, les Galeries-Lafayette, Virgin Megastore, Truffaut et Peugeot, etc...

En ce qui concerne la formation professionnelle, les schémas régionaux mis en oeuvre depuis 1992 en concertation avec l'État et les conseils régionaux, ont connu un succès insuffisant, alors qu'il est avéré que les personnes handicapées ne sont pas assez formées, dans la mesure où sur les 1.845 places offertes, un peu plus de la moitié seulement est occupée.

En ce qui concerne les mesures d'insertion, celles-ci ont atteint un niveau élevé, près de 2 milliards de francs en 1985 soit bien plus que le niveau de collecte ce qui, comme on l'a vu, a conduit l'AGEFIPH à réduire le montant des primes, contre « seulement » 235 millions en 1990. La montée en charge a donc été extrêmement rapide (cf tableau). La prime à l'insertion a pris, à cet égard, une part prépondérante.

Montants accordés (en millions de francs)

Au sein des mesures pour l'insertion, on peut distinguer cinq grands domaines qui sont détaillés dans les tableaux ci-après : sensibilisation du monde économique, préparation de la personne handicapée, accès et maintien dans l'emploi, accompagnement au travail et relations avec le milieu protégé et les aides aux innovations. On peut voir à cet égard la montée très importante en l'espace de six ans, du nombre de personnes maintenues dans leur emploi.

Ventilation en % par grandes familles de mesures

Source : AGEFIPH

Les personnes handicapées concernées

D'une certaine manière, l'AGEFIPH, qui a vocation à disparaître si les entreprises remplissaient toutes leur quota, est en quelque sorte victime du succès des dispositions qu'elle a mises en oeuvre, qui ne peuvent s'arrêter brutalement et qui ne s'ajustent pas forcément aux ressources qui sont censées les financer à savoir les collectes auprès des entreprises. C'est tout le problème de la concordance entre les dépenses qui procèdent d'une politique globale, élaborée et planifiée sur plusieurs années et qui évoluent avec des recettes dont les mécanismes ont été définis d'une manière quasiment définitive, sans réajustement.

b) La situation dans le secteur public : des résultats toujours peu satisfaisants

En effet, instigateur de la loi, l'État ne respecte pas lui-même les contraintes qu'il inflige aux autres. Le taux d'emploi dans la fonction publique a d'ailleurs tendance à baisser, même si du fait des incertitudes statistiques, les comparaisons sont malaisées. Par ailleurs, les chiffres ne paraissent qu'avec un décalage de deux ou trois ans. Ainsi en 1989, le taux d'emploi dans la fonction publique d'État était-il de 3,7 %, il ne s'élevait plus en 1992 qu'à 2,9 %. Plusieurs raisons expliquent ce résultat décourageant : la faible formation des personnes handicapées, 8 % seulement d'entre elles avaient suivi des études secondaires ou supérieures et surtout, la modernisation des matériels dans l'administration qui supprime par exemple les standards manuels qui traditionnellement fournissaient des emplois aux personnes aveugles, ainsi que la disparition de la catégorie D de la fonction publique, qui permettait également aux personnes handicapées d'être employées.

L'évolution de l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique d'État

(1) hors éducation nationale

(2) Avec estimation pour l'éducation nationale

Face à ce constat, M. André Rossinot, alors ministre de la fonction publique avait diligenté une mission commune à l'Inspection générale des Affaires sociales et à l'Inspection générale de l'administration. Certaines des propositions de cette mission ont été reprises soit dans le plan de décembre 1994 présenté par M. André Rossinot lui-même, soit dans le cadre de la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social.

Ainsi l'article 111 de la loi du 4 février 1995 précitée étend-il aux catégories A et B, les dispositions de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 pour la fonction publique d'État, de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 pour la fonction publique territoriale, et de l'article 27 de la loi du 9 janvier 1986, prévues pour les catégories C et D initialement. Il est bien évidemment trop tôt pour juger de la mise en oeuvre de cet article 111 qui permet aux personnes handicapées d'être recrutées comme agents contractuels puis d'être titularisées selon certaines modalités.

Bien que, dans de nombreux domaines, l'action en faveur des Personnes handicapées soit tout à fait perfectible, l'évolution de ces crédits semble relativement satisfaisante, surtout si on la compare avec nombre d'autres budgets. Parallèlement, la création récente d'un délégué interministériel aux personnes handicapées chargé de coordonner les actions favorisant l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées ne peut être qu'un facteur favorable à plus de clarté dans ce domaine. En revanche, le report de la création d'une prestation dépendance, si justifié qu'il soit, laisse le problème de la dérive de l'ACTP et de l'engorgement des COTOREP non résolu. Cependant, grâce notamment à la revalorisation de allocation aux adultes handicapés et à la création d'un nombre très important de places en CAT, le budget de la politique en faveur des personnes handicapées connaît, au regard des populations qu'il concerne, une évolution tout à fait favorable. L'ensemble des remarques qui précèdent a conduit votre commission à donner un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la politique en faveur des personnes handicapées.

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