IV. ... MAIS QUI LAISSE SUBSISTER BEAUCOUP D'INCONNUES

A. QUEL IMPACT SUR LES BUDGETS DEPARTEMENTAUX ?

Au-delà du principe de "recyclage" ou de "basculement" de l'allocation compensatrice pour tierce personne et de l'aide sociale à l'hébergement dispensées aux personnes âgées dépendantes vers la prestation d'autonomie, le présent projet de loi engendre plusieurs effets directs sur les budgets des départementaux.

1. La base de référence n'est pas encore connue avec exactitude

Les dépenses de référence font actuellement l'objet d'une première évaluation à partir des comptes administratifs de l'exercice 1994. Afin d'obtenir des montants définitifs. la même opération devra être reconduite en 1995 et éventuellement, en 1996, si l'extension de la prestation d'autonomie aux personnes hébergées en établissement n'intervient qu'au 1er janvier 1997 ou au-delà.

La procédure est donc longue, même s'il n'y a rien là d'exceptionnel par rapport aux règles qui avaient été suivies dans le cadre des lois de décentralisation.

Elle est toutefois incontestablement empreinte de complexité puisqu'il convient d'établir, grâce à un examen dossier par dossier, notamment :

le nombre de bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne ayant 60 ans et plus en distinguant, parmi ceux-ci, ceux qui l'ont perçue pour la première fois avant 60 ans et ceux qui l'ont perçue pour la première fois après 60 ans ;

On rappelle ici que les dépenses de référence sont celles exposées par les départements au titre de l'ACTP personnes âgées et de l'ASH versée aux personnes dépendantes au cours de l'année précédant la mise en place de la nouvelle prestation d'autonomie

celles, parmi les personnes bénéficiant de l'aide sociale à l'hébergement, qui sont dépendantes et celles qui ne le sont pas.

Des questionnaires ont été diffusés au cours de l'été auprès de chaque conseil général et de chaque établissement médical ou médico-social concerné.

Par circulaire interministérielle en date du 25 juillet dernier, le délai de réponse a été fixé au 15 septembre 1995 pour l'ACTP et au 15 novembre Pour l'aide sociale à l'hébergement.

A la date de rédaction du présent rapport, ni l'Assemblée des Présidents de conseils généraux, ni la Direction générale des collectivités locales, sollicitées par votre rapporteur, ne lui avaient signalé de conflit dans la définition des montants à prendre en compte ou de difficulté technique particulière mettant en péril l'opération de recensement elle-même.

Au fur et à mesure des remontées d'informations, les montants de 8,5 milliards de francs à 9 milliards de francs pour le total des dépenses aujourd'hui consacrées par les départements aux personnes âgées dépendantes sont d'ailleurs vérifiés.

En revanche, la réévaluation des dépenses de référence des départements qui ne versent pas ou versent incomplètement l'allocation compensatrice pour tierce personne aux bénéficiaires potentiels hébergés en établissement devrait se révéler plus délicate.

Le tableau ci-après illustre les très forts écarts constatés entre les départements métropolitains dans la proportion de personnes âgées auxquelles est accordée l'ACTP. Ces différences trouvent pour l'essentiel leur source dans les attitudes variables des présidents de conseils généraux à l'égard de l'allocation compensatrice en établissement.

Taux des bénéficiaires de l'allocation compensatrice âgés de 60 ans et plus pour 1.000 habitants de 75 ans et plus en 1992

(France métropolitaine)

Le souci du gouvernement, en la matière, a été de rétablir une certaine équité entre les départements sans pour autant accroître subitement et trop fortement les charges des départements réticents à appliquer l'ACTP en établissement.

La loi se contenterait donc en la matière de réévaluer les dépenses d'ACTP des seuls départements ayant adopté un comportement se démarquant "par le bas" de l'attitude moyenne adoptée par l'ensemble. L'article 28 du présent projet de loi ne mentionne pas, en effet, le respect strict des obligations légales découlant de l'application de l'article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées qui a créé l'allocation compensatrice. II se limite à renvoyer à un décret en Conseil d'État les conditions d'une réévaluation des dépenses départementales "lorsque cette allocation n'est pas ou est incomplètement versée aux personnes hébergées en établissement".

2. Les coûts de gestion sont imputés au département qui risque, en outre, de devoir faire l'avance de trésorerie sur la contribution du FSV

Dans le silence du projet de loi. les coûts de gestion de la prestation d'autonomie devront être prise en charge en totalité par le département puisque l'article 6 précise que la nouvelle allocation est servie et gérée par cette collectivité.

Cette solution n'apparaît pourtant pas justifiée :

une partie du financement de la prestation d'autonomie est assurée par le fonds de solidarité vieillesse, "établissement public de l'État à caractère administratif ;

actuellement, l'instruction et le suivi des dossiers d'allocation compensatrice pour tierce personne reviennent aux COTOREP dont la loi du 30 juin 1975 précise que leurs dépenses de fonctionnement sont prises en charge par l'État ;

enfin, l'inégale exposition des départements au risque dépendance impose une prise en charge collective des coûts de gestion de la prestation d'autonomie, si l'on veut éviter que leur charge pèse relativement plus sur les départements les plus "âgés".

Votre rapporteur éprouve également quelque inquiétude à l'égard de l'absence de toute référence à un système d'acomptes et de régularisations pour le versement de la contribution du fonds de solidarité vieillesse sur le budget du département.

La rédaction actuelle des dispositions financières du titre IV autoriserait, en effet, un acquittement annuel en fin d'exercice, ce qui aurait pour effet de contraindre les départements à faire l'avance de trésorerie.

En effet, l'article 18 du projet de loi précise par ailleurs que la prestation d'autonomie est versée par les départements aux bénéficiaires dans des conditions leur permettant de ne pas faire l'avance des frais de rémunération de leurs salariés ou des particuliers qui les accueillent.

Votre rapporteur note toutefois que les techniques d'acomptes et de régularisations sont parfaitement maîtrisées par le FSV : à l'heure actuelle, les remboursements aux caisses de retraite des prestations à la charge du fonds s'effectuent selon un dispositif d'acomptes mensuels dont les montants et les dates de versement sont fixés par des conventions entre le fonds et les régimes concernés. Représentatifs des prévisions de dépenses du fonds, ces acomptes sont régularisés à l'issue de la présentation par chacun des régimes des états justificatifs des dépenses réellement effectuées.

3. Les règles de financement de la prestation d'autonomie au-delà de la phase de montée en charge n'apparaissent pas équitables

En premier lieu, la restitution au seul fonds de solidarité vieillesse des gains obtenus par une croissance de la prestation inférieure au taux d'évolution de la DGF interdit de fait aux départements de jouir des dividendes d'un ralentissement éventuel des dépenses correspondantes.

Ensuite, dans le cas, le plus vraisemblable, où la croissance de la prestation d'autonomie sera supérieure à celle de l'indexation sur la DGF, l'article 30 traite de manière rigoureusement identique, en leur imputant dans tous les cas la moitié de la charge supplémentaire, des départements dont les dynamiques de progression des dépenses sociales liées à la dépendance peuvent être fortement différenciées.

Le tableau ci-après illustre le plus ou moins grand degré d'exposition de chaque département au risque dépendance en précisant la proportion, dans la population totale, des personnes âgées de 75 ans et plus.

la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social a mis à sa charge la validation des périodes de convention de conversion et de chômage non indemnisé ;

la loi n° 95-5 du 3 janvier 1995 relative à la pension de vieillesse des anciens combattants en Afrique du Nord a mis à sa charge l'atténuation de la durée d'assurance requise des intéressés pour qu'ils puissent bénéficier d'une retraite à taux plein.

Il convient enfin de rappeler que la loi de finances initiale pour 1995 prévoyait de mettre à la charge du FSV, à compter de 1995, les majorations de pensions pour enfants des fonctionnaires de l'État et des exploitants agricoles. Mais, par une décision du 29 décembre 1994, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions concernées.

Les comptes prévisionnels du FSV, tels qu'ils ont été présentés dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 31 octobre dernier, sont les suivants (en encaissements - décaissements) :

On constate que la situation de trésorerie du FSV, nettement excédentaire au cours de ses deux premières années d'existence, devrait se dégrader brutalement l'an prochain avec l'apparition d'un déficit de 783 milliards de francs.

Certes le report des excédents antérieurs devrait permettre au fonds de disposer encore d'un volant de trésorerie d'un peu plus de 2 milliards de francs. Mais le Gouvernement a introduit par voie d'amendement dans le Projet de loi de finances pour 1996 actuellement en discussion, une disposition mettant à la charge du FSV les majorations de pension pour enfants des exploitants agricoles.

Le coût de cette nouvelle extension des attributions du fonds, soit 1,9 milliard de francs, devrait absorber la quasi-totalité des réserves de trésorerie subsistantes en 1996. Le FSV ne dispose donc pas, à l'heure actuelle, de ressources suffisantes pour prendre en charge sa part des dépenses de prestation d'autonomie.

2. Les solutions envisageables

Aucune disposition du présent projet de loi n'apporte de réponse au Problème de financement ainsi posé. Mais le Gouvernement s'est engagé à Présenter en temps voulu les mesures nécessaires pour solvabiliser le FSV, ainsi que les textes constitutifs du fonds lui en font d'ailleurs l'obligation : le dernier alinéa de l'article L. 135-3 du code de la Sécurité sociale prévoit, lorsque les recettes du fonds sont inférieures à ses dépenses, que "le Gouvernement soumet au Parlement les dispositions nécessaires pour assurer l'équilibre financier du fonds ".

En l'occurrence, plusieurs solutions sont envisageables. La plus évidente consisterait à relever le taux de la fraction de CSG affectée au FSV. Dans l'hypothèse d'un coût de 20 milliards de francs pour la prestation d'autonomie à l'issue de sa montée en charge et d'une contribution des départements à hauteur de 9 milliards de francs, le solde de 11 milliards de francs restant à la charge du FSV correspond à 0.28 point de CSG.

Mais un élargissement de l'assiette de la CSG, dont le principe a été annoncé par le ministre de l'Économie et des finances, pourrait à lui seul procurer un surcroît de recettes de 15 à 20 milliards de francs selon les estimations du Plan 1 ( * ) . Cette extension d'assiette risque toutefois de ne pas être

* 1 Commissariat général au Plan 1995 - Jean-Baptiste de Foucauld - Rapport au Premier ministre "Le financement de la protection sociale"

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